IFEX: Des groupes de défense de la libre expression célèbrent la libération d’un commissaire de police lanceur d’alerte
Dr Jellali Farid: Danger pour la démocratie
AP: Arrestation d’un groupe de libyens en possession d’armes dans le centre-ouest tunisien
L’expansion: Tunisie : l’an I de la reconstruction
Atlas Info: Le régime algérien « regarde d’un mauvais oeil » l’avènement de la révolution en Tunisie (Khalid Chaoukat)
Le Post.fr: TUNISIE: Kamel Morjane a été victime d’un coup bas de « …. » dans l’affaire des passeports des Ben Ali Trabelsi
Atlantico: Prix Nobel de la Paix : le Printemps arabe nobélisé ?
Des groupes de défense de la libre expression célèbrent la libération d’un commissaire de police lanceur d’alerte
Free expression groups celebrate freeing of whistleblower police commissioner
Arrestation d’un groupe de libyens en possession d’armes dans le centre-ouest tunisien
Tunisie : l’an I de la reconstruction
A la veille des élections du 23 octobre, « L’Expansion » a rencontré les pionniers de la nouvelle économie tunisienne. Volontarisme de rigueur au coeur d’un pays où tout est à rebâtir.
C’est au pas de course que Mongia Amara traverse le parking bondé du siège flambant neuf de l’Utica, l’organisation patronale tunisienne, au coeur du quartier des affaires de Tunis. La conférence sur la reconstruction du pays a déjà commencé. Et cette quadra, toute de Burberry vêtue, ne manquerait la réunion pour rien au monde. Tout comme les 400 autres patrons venus, à quelques semaines de l’élection de l’Assemblée constituante, prévue le 23 octobre, affûter leurs revendications pour faire redécoller, dans la transparence cette fois, l’économie du pays.
Dans l’auditorium, les revendications fusent en toute liberté : « Il faut que le pouvoir économique reprenne la main », dit l’un. « Le business doit être indépendant du politique », dit l’autre. « Au profit des Tunisiens et non d’un clan mafieux comme les Trabelsi », la famille de la deuxième femme deBen Ali, poursuit un troisième. « La révolution du 14 janvier a définitivement libéré la parole, on ne va pas se faire prier pour la prendre », sourit cette chef d’une entreprise de conditionnement de dattes.« Nous avions, enTunisie, 10 millions de commentateurs sportifs sous l’ère Ben Ali, parce que c’était le seul sujet de discussion possible. Aujourd’hui, ce sont 10 millions d’experts politiques », s’amuse Adel Ayed, directeur général du Groupe Monoprix en Tunisie.
ne économie anémiée par la corruption et les passe-droits
Pour l’heure, le succès de la « révolution de jasmin » ne se mesure qu’au seul départ de Ben Ali et à l’amorce d’un renouvellement de la classe politique. Pour le reste, tout est à rebâtir. Derrière la vitrine dans laquelle clignotent des indicateurs à faire pâlir de jalousie tous les pays membres de la zone euro (déficit public à 1,5 % du PIB, dette publique à 35 %), l’économie est anémique. La corruption généralisée et le clientélisme ont asphyxié le pays. « Les passe-droits étaient la règle et les patrons n’avaient pas d’autre choix que de se prêter au jeu, sous peine de tout perdre », explique Slim Ben Ammar, président du Centre des jeunes dirigeants de Tunisie. « La famille Ben Ali a commencé à s’intéresser à nos sept hôtels, une affaire que mon père avait bâtie avec acharnement. J’ai refusé le racket. J’ai dû les céder l’un après l’autre sous le poids des contrôles fiscaux à répétition… », raconte Khaled Fourati, hôtelier. Amor Debussy, créateur d’un site de tourisme de santé, confirme : « Les banques ont largement contribué à l’immobilisme en servant le pouvoir de Ben Ali. » Au total, ces pratiques mafieuses auraient coûté de 2 à 3 points de PIB par an depuis plus d’une décennie, avertissait déjà la Banque mondiale en 2004 dans un rapport alarmant. « Par peur de susciter les convoitises, bon nombre d’entreprises ont renoncé à se développer », déplore Abdelaziz Darghouth, patron d’une fabrique de linge de maison. Mongia Amara a dû, elle aussi, raser les murs et batailler avec une entreprise concurrente très proche du clan Trabelsi. « Du jour au lendemain, j’ai perdu tous les marchés publics et les ambassades. » Radhi Meddeb, président de l’Institut de prospective économique du monde méditerranéen (Ipemed) et PDG de Comete Engineering, a eu, lui, plus de chance en allant chercher ces dernières années la prospérité au-delà des frontières. « Sinon, impossible de croître sur le marché tunisien depuis 1995. »
Chômage de masse et tourisme en chute libre
L’ère Ben Ali balayée, le défi posé aux entreprises est colossal dans ce pays de plus de 10 millions d’habitants qui doit redonner du travail aux 700 000 chômeurs, souvent très qualifiés, et du pouvoir d’achat au quart de la population qui vit avec seulement 2 dollars par jour. « Il ne faut pas perdre de temps, car le terreau économique et social sur lequel s’est forgée la révolution de jasmin se détériore à vive allure, surtout avec la crise libyenne et les migrations qui en découlent », avertit Hasni Abidi, politologue, directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen, qui vient de publierLe Manifeste des Arabes.
Adel Ayed s’en est tiré de justesse : « 35 millions de dollars de pertes, dont seulement 11 millions remboursés par les assurances. » Si le Groupe Monoprix, mastodonte de la distribution, garde la tête hors de l’eau, beaucoup d’entreprises n’ont pas résisté et ont mis la clé sous la porte. « La faute aux impayés et aux délais de paiement qui s’allongent sans cesse depuis la révolution, plus de trois cents jours, sans compter les revendications salariales. Car depuis des années les salariés ont été payés au lance-pierres. Aujourd’hui, les patrons cèdent sous la menace de grève », raconte Slim Ben Ammar.
Et le tourisme ? La dernière saison a été catastrophique : « 550 millions de dollars de pertes, soit un recul de 36 % sur les huit premiers mois de l’année. Du coup, 200 000 personnes sont venues s’inscrire sur la liste, déjà longue, des demandeurs d’emploi », avoue Habib Ammar, directeur de l’Office national du tourisme tunisien.
Problème : « On ne peut pas effacer d’un coup de baguette magique plus d’une décennie perdue », avertit Tarek Chaabouin, promoteur immobilier ancré à gauche. Les résistances au changement sont encore nombreuses et les vieux réflexes ont la peau dure, notamment en matière de corruption. Sans compter que les biens de Ben Ali récupérés ne sont toujours pas remis en circulation. Un manque à gagner pour le pays de plusieurs dizaines de milliards de dollars. Surtout, personne n’est d’accord sur la stratégie à adopter pour relancer la machine économique. Parmi les 104 partis qui oeuvrent pour préparer l’échéance du 23 octobre, certains affirment que le développement du pays doit être « inclusif et solidaire entre les régions, les catégories sociales et les générations ». D’autres sont convaincus que l’avenir de la Tunisie passe par un modèle économique libéral, le seul moyen de mobiliser toutes les énergies et les initiatives privées. Sans oublier, bien sûr, un système fiscal plus équitable. Car, pour l’heure, seuls les salariés et les entreprises pétrolières sont ponctionnés à la source. « Ce qu’il nous faut, c’est un modèle qui oriente l’investissement vers des activités à plus forte valeur ajoutée et qui crée des niches à partir de compétences locales, précise Khaled Fourati. Il n’y a pas d’autre choix, sinon on se retrouvera en concurrence frontale sur des produits de moyenne gamme avec les pays asiatiques, meilleur marché que nous grâce à leurs monnaies ultracompétitives. »
Concilier intérêts des milieux d’affaires et de la population
Autre frein à un rebond rapide, au-delà des hésitations stratégiques : la lenteur probable du changement politique. « Si, le 23 octobre, est élue la chambre chargée de rédiger la nouvelle Constitution, le risque est que, comme en 1956, le pouvoir censé être là pour assurer l’intérim s’inscrive en fait dans la durée », décrypte Radhi Meddeb. « Il serait urgent de prendre des mesures pour palier le freinage de la croissance, des échanges et des investissements étrangers, qui ont déserté, faute de sécurité », prévient le journaliste Jean-Pierre Séréni, auteur de nombreux ouvrages économiques et politiques. Car les aides accordées par le G8 aux Etats du printemps arabe, Tunisie incluse, qui ont doublé (40 milliards de dollars auxquels s’ajoutent les 7,5 milliards de dollars de la Banque européenne d’investissement), ne suffiront pas à redresser le pays. En tout cas, il ne faudrait pas que les intérêts des milieux d’affaires et de la population, qui avaient convergé le 14 janvier, divergent à nouveau.
Retour dans l’auditorium de l’Utica. L’esprit aussi échauffé que le soleil qui frappe Tunis en ce début septembre, Mongia Amara s’anime, elle a confiance. Initiative, investissement, crédits, proximité du plus grand marché du monde qu’est l’Europe, finiront bien par remettre les moteurs de la prospérité en marche. Elle envisage même d’embaucher : « Des femmes, elles sont plus minutieuses. » Voilà bien le seul acquis de la période Ben Ali, cette émancipation des femmes qui survivra à la fin des années de plomb.
Comment relancer l’activité économique dans le pays?
Les partis politiques abordent peu la question. Le gouvernement de transition n’a pas assez mis l’accent sur les actions à court terme ayant un impact sur l’emploi et n’a pas désamorcé avec efficacité les poches de conflits sociaux. La relance de l’activité passe par des réformes structurelles qui ne porteront pas leurs fruits dans l’immédiat. Il faut aussi des mesures rapides qui donneront des raisons d’espérer et d’attendre aux populations.
Plus concrètement…
Un plan d’urgence doit être mis en place autour de la cohésion sociale, de la proximité et des travaux d’intérêt collectif. Au sein de l’association Action et développement solidaire, nous avons conçu un programme de gouvernement qui donnerait une chance de rebondir à chaque Tunisien. Partant du constat de la montée du chômage, des disparités régionales et générationnelles, le développement doit être inclusif et solidaire entre les régions, les catégories sociales et les générations. Un modèle libéral et structurant qui mise sur les partenariats public-privé et lutte contre toute forme de rente et de privilège.
Comment financer ce programme ?
Le clan Ben Ali contrôlait près de 30 % de l’économie. Il est urgent de remettre ces actifs dans le circuit économique. Et il faut augmenter les recettes. Aujourd’hui, seuls les salariés et les sociétés pétrolières sont prélevés à la source.
Source: “L’expansion” Le 04-10-2011
Lien:http://lexpansion.lexpress.fr/economie/tunisie-l-an-i-de-la-reconstruction_264034.html?p=3
« Plus jamais peur » : témoignage sur la libération d’un people
Le 17 décembre 2010, un jeune vendeur ambulant de fruits et légumes s’immole àSidi Bouzid, en Tunisie, pourprotestercontre la confiscation par la police de sa marchandise qu’il vendait sans permis pourfairevivreles siens. S’ensuit un mouvement de contestation générale contre le régime du présidentBen Ali.La révolution tunisienne commence.
Plus jamais peurest une chronique des différents épisodes de la révolution tunisienne à travers trois figures emblématiques du mouvement : une cybermilitante,Lina BenMhenni, qui a défié le régime de Ben Ali en relatant sur son blog les moments clés de la contestation ; l’avocateRadhia Nasraoui, défenseuse des droits de l’homme, qui a payé cher son engagement, tout comme son époux souvent emprisonné ; et le journaliste indépendantKarem Chérif, qui a vécu les moments clés de cette révolution avec sa famille et le comité de son quartier.
Outre leur engagement et leur espoir d’une Tunisie plus libre, le dénominateur commun de ces personnages toujours susceptibles d’êtrearrêtés, cambriolés, c’est la peur. Cette peur, par métonymie, c’est aussi celle que connaissaient tous les Tunisiens et qui les a fait setairependant près d’un quart de siècle face à la dictature de Ben Ali.Peur d’êtretabassé, envoyé en prison ou torturé…
Ainsi, l’un des slogans de cette révolution, entre « Dégage Ben Ali » et « Lepouvoirau peuple », était : « Plus jamais peur ! ». Au cours du documentaire, on comprend que cette peur a peu à peu changé de camp : au fur et à mesure que l’élan révolutionnaire prenait de l’ampleur, c’est le régime de Ben Ali qui se met àtremblerdevant ceux qui lui obéissaient encore quelques mois plus tôt.
Entre les manifestations de rue, les sit-in, les grèves de la faim et les répressions violentes, entre les grenades lacrymogènes, l’hymne national chanté comme un cri de guerre et les policiers qui montrent leur sympathie pour les révolutionnaires,Plus jamais peurrassemble les images fortes d’un peuple qui se libère après vingt-trois ans de régime dictatorial.
S’il ne fallait enretenirqu’une, ce serait peut-être celle de ce jeune diplômé qui s’est cousu la bouche pourmontrerque la dictature de Ben Ali le réduit au silence, le musèle.
Tourné sur le vif, le documentaire restitue le sentiment d’urgence des révolutionnaires avec une caméra qui les suit au plus près, presque toujours portée à la main, et qui donne aux spectateurs le sentiment d’êtreau cœur de cette révolte historique.
A travers les personnages de la cybermilitante et de l’avocate, ce documentaire a aussi le mérite desoulignerle rôle crucial des femmes dans cette révolution. Le réalisateur insiste également sur l’importance d’Internet et notamment de Facebook dans la propagation de cette révolte, soulignant ainsi le rôle qu’ont tenu les jeunes générations, instruites, ancrées dans la modernité, connectées au monde, ouvertes sur les autres cultures.
Source: “Le Monde.fr” Le 04-10-2011
Le régime algérien « regarde d’un mauvais oeil » l’avènement de la révolution en Tunisie (Khalid Chaoukat)
Dans son intervention sur la transition démocratique en Tunisie dans le cadre d’une conférence régionale sur « le printemps arabe et l’avenir des changements actuels », M. Chaoukat a souligné que la position du régime algérien constitue l’un des défis que la révolution tunisienne fait face. Il a ajouté que le régime algérien, qui dispose d’un important excédent budgétaire, tente d’exercer son influence sur la révolution tunisienne à travers l’utilisation de l’argent et du volet économique, comme en témoigne la régression considérable du nombre de touristes algériens qui se sont rendus en Tunisie l’été dernier, du fait que le régime d’Alger a orchestré une propagande selon laquelle la Tunisie est un pays qui ne jouit pas de la sécurité. Au niveau interne, le responsable arabe a fait remarquer que parmi les défis auxquels fait face la révolution tunisienne figurent les divisions entre les forces politiques et la difficulté de dialogue et de réconciliation, notant que cette situation favorise, ce qu’il a qualifiée de « la contre-révolution » dont les instigateurs sont des parties entretenant des intérêts avec l’ancien régime. L’intervenant a évoqué le défi du développement tout en insistant à cet égard sur la nécessité de augmenter le moral du peuple tunisien qui commence à sentir le désespoir après des mois de l’avènement de la révolution. Abordant le contexte de la révolution de jasmin en Tunisie, M. Chaoukat a noté que le régime du Président déchu Zine El Abidine Ben Ali a, sans le savoir, pris des mesures ayant conduit au déclenchement de la révolution, notamment en écartant les jeunes de la politique. Le régime de Ben Ali et dans une tentative d’isoler les jeunes tunisiens, a lancé le projet « un ordinateur pour chaque famille », ce qui a fait du peuple tunisien, l’un des peuples de la région les plus proches d’Internet. Dans le même contexte, a-t-il poursuivi, le régime de Ben Ali a tenu à « distraire » la jeunesse par le football au point que les clubs tunisiens sont devenus « les plus grands partis politiques dans le pays ». Il a toutefois fait savoir que les affrontements avec les forces de sécurité à l’issue de certaines rencontres de football ont contribué à la chute de la théorie de « l’invincibilité des services de sécurité ». La révolution tunisienne n’était pas une « révolution de personnes souffrant de famine », mais plutôt une révolution pour « la dignité et la liberté », a-t-il dit, soulignant que le pays occupait, avant la révolution, une place bien avancée en matière de développement au niveau du continent. Cette conférence régionale vise à présenter les visions des organisations de la société civile dans les pays arabes sur l’avenir de la région, du fait que ces organisations ont, bel et bien, exprimé l’opinion des peuples arabes et défendu leurs droits à la liberté, à la justice, à l’égalité et à la citoyenneté. Plusieurs thématiques seront débattues lors de cette rencontre de deux jours ayant trait à l’histoire des mutations politiques et démocratiques: cas de l’Europe de l’est, le printemps arabe et la transition et l’avenir du printemps arabe entre l’Etat civil, militaire et religieux. Source: “Atlas.info” Le 04-10-2011
ELECTIONS EN TUNISIE, LE REGARD D’UNE FRANCO-TUNISIENNE
Chadia Jaouadi est franco-tunisienne. Elle fut très rapidement sollicitée lors de la constitution de listes pour les élections des franco-tunisiens, en France, lesquels représenteront leur pays d’origine à l’assemblée qui devrait gouverner la Tunisie dès novembre 2011. Après une longue réflexion Chadia a décidé de renoncer à être candidate. Pour autant, elle prépare activement les élections des 20, 21 et 22 octobre prochains en France. Interview: son point de vue sur une élection post-révolutionnaire.
Chadia Jaouadi : Lorsque l’on est Tunisien, on ne perd jamais sa nationalité. On peut vivre à l’étranger, avoir 5 autres nationalités, tout en conservant la nationalité tunisienne. Ces premières vraies élections libres et transparentes depuis l’indépendance – d’ailleurs avant il n’y en avait pas, colonie oblige – sont le véritable prolongement de la Révolution…
Concrètement comment se dérouleront ces élections en France?
En Tunisie il y aura 218 sièges à pourvoir selon la Constituante. 18 sièges sont réservés aux Tunisiens qui vivent à l’étranger. Sur ces 18 sièges, 10 concernent la France ! Le nombre de bureaux de vote en France est important. Quasiment un par département. Les électeurs sont invités à voter soit dans une salle louée par le gouvernement tunisien, soit au Consulat. Cette assemblée composée de 218 élus va nommer un Premier ministre et les membres du gouvernement. S’il y a désignation d’un président je pense que ce sera un titre honorifique. Nous devons d’abord panser les plaies de ces vingt dernières années avec l’ex président que vous connaissez!
Quel peut être le poids de 10 élus vivant en France et choisis par la communauté franco-tunisienne?
Ce sont, en tout 18 personnes, donc 18 voix qui peuvent ensemble si elles le décident, faire basculer une tendance.L’exemple du Sénat en France qui passe à gauche pour 23 sièges est parlant…
Ce qui me pose problème c’est la multitude de partis avec cet énorme risque de dispersion des voix ! Il existe des partis qui se sont très vite organisés* (voir liste des partis en fin d’article). Je crois, par conséquent, que ces élections pourraient être très pertinentes si, parmi ces mouvements, quelques électrons libres parviennent à être élus et à changer la donne.
Qu’entendez-vous par électrons libres?
Des individus non liés à une famille politique! Les hommes et les femmes qui vivent en France ou ailleurs, tout en gardant la nationalité tunisienne et la culture qui va avec ont un peu plus d’expérience sur les enjeux des promesses électorales, sur le poids des institutions. Pour résumer ils ont une culture de la démocratie et de ses travers, ce dont les Tunisiens ont été privés depuis longtemps. Ces Tunisiens de l’étranger possèdent une liberté d’expression qu’ils ont trouvée en arrivant en France.
On a un peu le sentiment en vous écoutant qu’il y aurait une « intelligence » des Franco-tunisiens dont serait dépourvus les Tunisiens qui sont restés là-bas! N’est-ce pas un tantinet prétentieux?
Pas du tout! La Tunisie possède toutes les compétences humaines pour diriger le pays. Ce qu’il manque, à mes yeux, aux Tunisiens qui sont en Tunisie c’est d’avoir été privés de liberté de réunion, de liberté de contestation, de liberté d’expression. La plupart n’ont pas été en mesure, et vous pouvez le comprendre, la Tunisie subissait une dictature, de faire leurs armes politiques et d’accéder à la compétence du scepticisme!
Un exemple: depuis 23 ans, pour faire tourner le pays et on sait aussi que le but était l’enrichissement d’un clan, les prélèvements se faisaient à la source (impôts sur les salaires directement NDLR). Demain, se mettra en place un système différent pour lequel les Tunisiens auront leur mot à dire. Pour financer les projets économiques, politiques, écologiques de développement de la Tunisie et, cette fois pour les Tunisiens, il devra y avoir consensus sur la méthode de financement. Il s’agit d’un enjeu fondamental. Or, curieusement, c’est un sujet dont peu de partis se sont emparés… Un nombre infime de partis précise de quelle manière les projets seraient financés.
La peur d’un intégrisme religieux, au sein du prochain gouvernement tunisien est-elle justifiée?
Oui. Mais il convient de revenir sur un point : Les candidats se sont déclarés le 12 septembre alors que les élections sont au cœur du débat depuis le 14 janvier. Je note que, durant ce laps de temps, certains partis ont distribué des cartables pour la rentrée, proposé des meetings avec, à la clef, un repas offert. Or ceci a été organisé AVANT le financement officiel de la campagne par le gouvernement. Ces actes, destinés à ramasser des voix, se sont déroulés avec des fonds privés… De puissantes personnalités politiques ont fait leur nid dans cet espace post-révolutionnaire. Et, parmi elles, des candidats islamistes au sens extrême du terme.
La donne n’est plus équitable. Certes le temps accordé entre juillet, date initiale des élections, et octobre a permis l’émergence de quelques partis démocrates qui prônent la laïcité. J’ignore si ce sera suffisant pour contrer certains partis extrémistes très organisés et en campagne depuis le printemps. Sans entrer dans la culture de la suspicion il y a là un questionnement fondamental à poser.
Pensez-vous, Chadia, que la Tunisie puisse devenir un état laïque?
La laïcité n’est pas incompatible avec la religion, la Tunisie est une nation musulmane de facto et malgré la répression qui s’est abattue sur les musulmans au plus fort de l’ère Ben Ali les Tunisiens ont conservé leur foi et leur culte!
…Alors un état laïque tunisien est une utopie?
De mon point de vue, la laïcité et la religion ne jouent pas le même rôle, la politique c’est la gestion de toute la nation, la religion c’est le domaine de la spiritualité des cultes, elles peuvent se compléter mais pas se substituer l’une à l’autre. Il serait bon de comprendre que la garantie de confession viendra d’un état laïque avec une constitution qui serait un contrat social pour vivre tous ensemble avec ces différences qui font nos richesses. Je le répète, je crois que seul un état laïque peut permettre cette voie. Un état musulman favoriserait les musulmans et eux seuls! Et les plus pratiquants! Quelle place alors pour les autres? La question est essentielle à mes yeux. (NDLR: Chadia est musulmane profondément croyante.)
Pour quelles raisons les Franco-tunisiens iraient voter? Ils vivent en France dans un état laïque…
Nous retournons tous au bled pendant nos vacances. C’est une irrépressible envie de revoir ceux que nous avons laissés, comme une blessure à soigner et des racines à nourrir. Et nous avons tous le même comportement, nous arrivons l