Magharebia: Les Tunisiens réagissent aux attentats en Algérie et au Maroc
Réalités :“Bourguiba et la question religieuse” de Amel Moussa : Par delà le bien et le mal…
AFP: Erdogan, de l’islamisme radical au “conservatisme démocratique”
AFP:Wolfowitz doit partir de la Banque mondiale, selon le New York Times
Le Monde: Le départ de Wolfowitz
Les Tunisiens réagissent aux attentats en Algérie et au Maroc
15/04/2007
Les récents attentats survenus au Maroc et en Algérie ont poussé de nombreux Tunisiens à se demander si la Tunisie pourrait être la prochaine sur la liste. Les analystes, les responsables politiques et d’autres citoyens font part de leur opinion.
Par Jamel Arfaoui pour Magharebia à Tunis – 15/04/07
Les récents attentats qui ont secoué l’Algérie et le Maroc ont suscité énormément de réactions dans la Tunisie voisine, dans toutes les couches de la société. Les Tunisiens discutent encore du fait que des extrémistes islamistes ont élu résidence dans les faubourgs de Tunis. L’affrontement avec les forces de sécurité qui avait eu lieu en décembre dernier et début janvier avait entraîné la mort de douze terroristes et reste encore vivace dans les mémoires.
A la suite des attentats perpétrés au Maroc et en Algérie, les analystes s’attachent à réfuter la propabilité de la propagation de ces attaques à Tunis, restée jusqu’à présent à l’abri de ces opérations dramatiques depuis l’annonce de la création de l’Organisation al-Qaida au Maghreb Islamique. C’est l’avis de Slaheddine Jourchi, un spécialiste des groupes extrémistes, qui, lors d’un entretien avec Magharebia, a affirmé qu’il avait peu de risques de voir des opérations similaires à celles perpétrées au Maroc et en Algérie se propager en Tunisie. “Il est certain que ce qui s’est produit à Casablanca et à Alger aura un impact psychologique en Tunisie,” a déclaré M. Jourchi, ajoutant que “les groupes qui ont perpétré ces attentats en Algérie mercredi matin appartiennent à une organisation qui a réussi à s’implanter et à se développer, et a donc pu former des cellules dormantes et actives, alors qu’en Tunisie, les affrontements de l’an dernier illustrent la capacité des forces de sécurité à faire échouer le premier mouvement armé, ce qui a empêché ces groupes de s’étendre. J’estime qu’il leur faudra très longtemps pour renouveler leur tentative.”
M. Jourchi note que ce qui s’est produit au Maroc mardi laisse à penser que ces groupes armés sont dans un état de grande confusion et de total désarroi.
La journaliste Asia Atrous a écrit dans l’édition de vendredi du quotidien Assabah que, alors que le gouvernement affirme que les attentats du Maroc et d’Algérie sont sans aucun lien, nous avons des raisons de penser différemment. “Il ne fait aucun doute,” écrit-elle, “que… les menaces terroristes au cours des derniers mois incitent à se poser de nombreuses questions de manière plus directe et exigeant des réponses plus précises”.
Mme Atrous affirme que la “situation internationale” a un rôle à jouer dans le fait que certains jeunes du Maghreb se tournent vers la violence, “mais, à la vérité, il existe aussi d’autres causes, locales, qui jouent un rôle dans ce phénomène.” Et de citer la pauvreté, le chômage, la marginalisation politique et sociale, l’absence de modèle d’autorité, et le manque de dialogue éducatif et religieux responsable — non seulement au sein des établissements scolaires, mais aussi au sein même de l’institution familiale — comme autant de raisons pour lesquelles les jeunes peuvent être particulièrement sensibles aux manipulations de la propagrande de la part des organisations violentes.
Le Sénateur Samir Abdullah a également exclu la possibilité que les évènements d’Algérie et du Maroc puissent se répéter en Tunisie. “Le terrorisme en Algérie peut être attribué à des facteurs internes et à un règlement de compte entre des pouvoirs en conflit”, a-t-il déclaré à Magharebia. En Tunisie, selon lui, “la classe moyenne est très importante, le régime a pu éliminer les quartiers marginalisés et la Tunisie est un petit pays peu montagneux. Tous ces facteurs protègent le pays contre les attentats terroristes.” Néanmoins, M. Abdullah appelle tous les Tunisiens — le gouvernement comme le peuple — à rester vigilants dans la défense du pays.
La journaliste Sara Abdelmaksoud affirme ne ressentir aucune crainte après les attentats survenus au Maroc et en Algérie. “Je pense que le dossier est clos chez nous après le brutal échec des groupes extrémistes en Tunisie en début d’année, et je ne pense pas qu’ils recommenceront.”
Amana al-Boughanmi, une femme au foyer, n’en est pas si sûre. “Je ressents beaucoup de tristesse pour ce qui s’est produit en Algérie, et je crois que tout est possible avec ces criminels. Je ne pense pas qu’ils nous laisseront en paix ici, en Tunisie”, déclare-t-elle.
“Bourguiba et la question religieuse” de Amel Moussa : Par delà le bien et le mal…
Erdogan, de l’islamisme radical au “conservatisme démocratique”
AFP, le 16 avril 2007 à 14h17
ANKARA, 15 avr 2007 (AFP) – Ancien militant islamiste, ancien prisonnier politique, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan se définit aujourd’hui comme un “démocrate conservateur”, sans convaincre les défenseurs les plus intransigeants de la laïcité, qui craignent de le voir accéder à la présidence.
M. Erdogan, 53 ans, n’a pas encore annoncé s’il allait oui ou non se porter candidat -le dépôt des candidatures débute lundi et il a jusqu’au 25 avril à minuit pour déposer la sienne.
L’hypothèse n’en a pas moins fait sortir dans les rues d’Ankara samedi plus de 300.000 manifestants convaincus qu’une fois installé dans le palais présidentiel, l’ancien islamiste allait jeter bas son masque démocratique et mettre en oeuvre un projet supposé d’islamisation de la société turque.
Dirigeant charismatique, connu pour son franc-parler et ses sorties inattendues, M. Erdogan a mis en oeuvre de profondes réformes visant à démocratiser la société turque, qui ont convaincu nombre d’observateurs de la sincérité de sa “conversion” au conservatisme démocratique.
Il est également l’homme qui a arrimé la Turquie à l’Europe, en obtenant octobre 2005 le lancement de négociations d’adhésion avec le bloc européen.
Pour ses détracteurs, le politicien – qui ne parle aucune autre langue que son turc natal- demeure néanmoins le rejeton d’un quartier pauvre d’Istanbul, pétri de préjugés conservateurs, qui vendait des bonbons pour se payer ses études coraniques.
M. Erdogan est devenu Premier ministre en mars 2003, plusieurs mois après que son Parti de la Justice et du Développement (AKP) accède au pouvoir et amende les lois qui bannissaient son dirigeant de la vie politique depuis 1997.
Le responsable politique, alors maire d’Istanbul, avait récité au cours d’un meeting un poème aux connotations islamistes -“les mosquées sont nos casernes, les minarets nos baïonnettes, les dômes nos casques et les croyants nos soldats”- qui lui avait valu quatre mois d’emprisonnement et la perte de ses droits politiques.
Les débuts de M. Erdogan dans le militantisme islamiste remontent à ses années d’université, quand il a rejoint le mouvement de Necmettin Erbakan, son mentor politique, qui deviendra en 1996 le premier chef de gouvernement islamiste de Turquie.
Elu maire d’Istanbul en 1994, M. Erdogan s’est acquis une forte popularité grâce à l’efficacité de sa gestion des services municipaux.
Le vent a cependant tourné pour lui en 1997 avec la démission forcée de M. Erbakan sous la pression d’une armée gardienne des valeurs laïques du pays.
Le parti de M. Erbakan a été fermé et son successeur a subi le même sort en 2001, obligeant M. Erdogan et ses supporters “modernistes” à revoir leur politique.
A sa sortie de prison, il a renié son passé islamiste et clamé son attachement aux valeurs pro-occidentales turques et à la laïcité, préférant se faire appeler “musulman démocrate”, à l’instar des chrétiens-démocrates, puis démocrate conservateur”.
Il demeure néanmoins un musulman pratiquant, qui ne boit pas d’alcool et dont l’épouse Emine et les filles portent le voile – ses deux filles étudient d’ailleurs aux Etats-Unis où elle peuvent
librement porter le voile, interdit dans les universités turques.
Pour de nombreux défenseurs de la laïcité, le fait que la Turquie, un pays à la population majoritairement musulmane mais au régime strictement laïque, puisse être représentée par un première dame voilée est inconcevable.
Wolfowitz doit partir de la Banque mondiale, selon le New York Times
Edito du Monde
Le départ de Wolfowitz
La crédibilité de Paul Wolfowitz à la tête de la Banque mondiale est maintenant trop abîmée pour qu’il reste. Il doit démissionner et, s’il refuse, le conseil d’administration doit le remplacer. Il est de tradition que les Etats-Unis nomment un Nord-Américain à la présidence, tandis que le poste de directeur général du Fonds monétaire international (FMI), l’organisation soeur, revient à un Européen. Mais les Européens, qui détiennent 32 % du capital de la Banque contre 16 % aux Américains, ont des armes pour agir.
Paul Wolfowitz est un des néoconservateurs arrivés au pouvoir, à Washington, dans les bagages de George Bush. Numéro deux du Pentagone, il a été l’un des plus influents conseillers du président en faveur du déclenchement de la guerre d’Irak. En 2005, M. Bush l’a nommé à la tête de la Banque mondiale, décision qui a surpris parce que M. Wolfowitz était plus connu comme spécialiste de la stratégie militaire que comme expert en matière de développement économique du tiers-monde, l’objet de cette institution créée en 1945.
A la Banque, depuis deux ans, M. Wolfowitz ne s’est pas acquis une bonne réputation. On l’accuse de s’être entouré d’une garde rapprochée de personnalités qui sont intellectuellement proches de lui, mais qui sont venues de l’extérieur. On lui reproche un comportement solitaire et rigide. On critique sa volonté d’axer trop exclusivement la politique de la Banque mondiale sur l’Afrique et sur la lutte anticorruption.
Cette dernière exigence se retourne aujourd’hui contre M. Wolfowitz. En 2005, à son arrivée, il a demandé à ce que sa compagne, qui travaille au département Moyen-Orient de la Banque, soit déplacée pour éviter tout conflit d’intérêts. Le principe était bon. Mais la mise en oeuvre, non, car M. Wolfowitz a dicté ensuite, autoritairement, les conditions du transfert de sa compagne au département d’Etat et le montant de l’augmentation salariale dont elle a été gratifiée au passage. Il dit en avoir prévenu son conseil, mais celui-ci a indiqué qu’il n’en avait jamais discuté.
M. Wolfowitz est aujourd’hui isolé, à l’exception de M. Bush qui lui conserve “sa confiance”. L’association des employés lui demande de démissionner. Thierry Breton, le ministre français, estime que la Banque doit avoir “une gouvernance irréprochable”. Le ministre brésilien s’interroge pour savoir si M. Wolfowitz peut conserver “l’autorité morale” pour diriger cette institution.
La réponse est négative. Certains reproches adressés à l’ancien numéro deux du Pentagone sont mal placés. La lutte contre la corruption doit rester une priorité de la Banque parce qu’elle ruine le développement de beaucoup de pays. Mais c’est précisément pour cette raison que M. Wolfowitz doit partir. Il a perdu la crédibilité nécessaire dans la mission qu’il revendique.
(Source : « Le Monde » (Quotidien – France), édition du 15 avril 2007)