8 août 2006

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TUNISNEWS
7 ème année, N° 2269 du 08.08.2006

 archives : www.tunisnews.net


Adel Tebourski: Enfin, j’ai la parole (seconde partie) – Pourquoi cet acharnement ? AP: Expulsé de France, le Tunisien Adel Tebourski est “rentré normalement” en Tunisie, selon Tunis Afrik.com: L’Etat français expulse Adel Tebourski vers la Tunisie Le Monde: Adel Tebourski, renvoyé en Tunisie avant l’examen de son dernier recours L’Humanité :Enquête – Bidonville lumière

Soumaya Ghannoushi: Who’s the extremist?

 
 Cliquez ici pour accéder au reportage exceptionnel de l’AISPP sur la catastrophe humanitaire des prisonniers politiques Tunisiens 


 

Enfin, j’ai la parole (seconde partie)

Pourquoi cet acharnement ?

 

Personne ne se rappelle d’Abdessatar Dahmane ni de Bouraoui El Ouaer qui sont morts avec leur victime et chaque fois que l’on parle de l’assassinat du commandant Massoud, c’est de moi qu’on parle. Cette affaire me colle et me collera à la peau jusqu’à la fin de mes jours. Comme je l’ai dit pendant le procès et après, je ne nie rien de mes amitiés et je reconnais sans aucun problème les délits que j’ai commis ; mais je n’ai rien à voir, ni de près ni de loin, dans cet assassinat ; les premiers qui peuvent m’innocenter sont les agents de la DST et le juge Bruguière lui-même. Tout le monde oublie, même pendant le procès, que j’étais surveillé, mes téléphones étaient sous écoutes et j’étais photographié depuis août 2000 jusqu’à mon arrestation le 26 novembre 2001. Des éléments du dossier le prouvent. Si j’avais été au courant de quoi que ce soit, la DST l’aurait su et le juge Bruguière n’aurait pas manqué de l’être, mais tout cela a été occulté. L’affaire de l’assassinat de Massoud a été pour le juge Bruguière l’affaire du siècle. Elle tombait juste à pic dans le contexte du 11 septembre. Abdessatar Dahmane et Bouraoui El Ouaer sont morts tous les deux, mais il fallait absolument un coupable de substitution. Et de là se met en marche la machine judiciaire anti-terroriste qui broie tous ceux qui y ont affaire. Depuis le 11 septembre, il y a des Etats et des hommes qui utilisent le terrorisme à des fins politiques et personnelles. Ceci dit, je ne nie rien de l’existence du terrorisme et des ravages qu’il peut engendrer. Le juge Bruguière, qui a un passé que tout le monde connaît, a voulu faire de moi ce que je ne suis pas. J’ai passé trois années d’instruction dans lesquelles j’ai subi des pressions (article du 22-23 juin 2003, Le Monde), j’ai reçu des menaces, tout cela parce qu’il n’a pas eu ce qu’il voulait. La dernière menace que j’ai reçue de ce magistrat était : « Je vous ferai un dossier d’enfer, et vous allez voir ». Bruguière a tenu sa promesse et la cerise sur le gâteau : un réquisitoire délirant a été rédigé par le petit juge Burgaud. D’ailleurs, lors de l’enquête parlementaire relative à l’affaire d’Outreau, j’ai écrit une lettre à Daniel Mermet (de « Là-bas si j’y suis ») dans laquelle je rendais hommage aux innocents d’Outreau. Je terminai ma lettre en substance :  j’ai la possibilité de prouver l’incompétence du petit juge, avec des documents à l’appui. Voilà pour l’image du terroriste international. Le problème quand on est dans une affaire dite de terrorisme, est que personne ne veut vous écouter. Quoi que vous disiez, quoi que vous fassiez, vous êtes un terroriste. Les avocats ne sont qu’un alibi ; ils sont là pour la bonne conscience de la justice.
Après avoir compris le système, mon seul espoir, c’était mon projet de livre. C’était ma manière de dévoiler ce qui se passe dans les coulisses du pôle anti terroriste. Un avocat général lors de l’enquête parlementaire sur l’affaire d’Outreau, a parlé du mythe de la pédophilie. Je pense qu’on peut parler du mythe du terrorisme, sans, comme je l’ai dit plus haut, nier l’existence et les conséquences du terrorisme. Le verrou de la pédophilie a sauté et les magistrats font un peu plus attention. J’espère que le mythe du terrorisme sautera et que des magistrats beaucoup plus compétents et beaucoup plus rigoureux seront en charge de cette question. Si ce système continue, il risque d’être une des causes du terrorisme : à force de matraquer à certains jeunes (quel que soit le degré de délit qu’ils commettent) qu’ils sont des terroristes, en essayant par tous les moyens de les impliquer dans tous les dossiers (méthode Bruguière), un jeune peut tomber amoureux de cette image de terroriste, d’où l’effet Pygmalion et il finira par être un vrai terroriste. Il n’est pas besoin d’aller vivre en Afghanistan ni en Irak pour savoir faire des bombes. Il suffit actuellement de tapoter sur Internet et on a des recettes toutes faites. Je ne dis pas que tous les jeunes qui ont été arrêtés pour des délits dits de terrorisme sont susceptibles de tomber dans ce piège, mais pour qu’un malheur arrive, il ne suffit que de un sur cent.   Dans ses conclusions, l’avocat du ministre de l’Intérieur, pendant l’audience du 29 juillet 2006, au tribunal administratif de Paris, dit que : « que l’urgence dont se prévaut le requérant n’est que la conséquence de son propre comportement ». Que mon comportement m’ait conduit en prison pour une peine de six ans assortie d’une privation des droits civiques, civils et familiaux pendant cinq ans, je le conçois et je l’admets, mais qu’on me retire la nationalité française et qu’on m’expulse en urgence, qu’on me fasse risquer la torture et un nouveau jugement en utilisant encore le même argument, là ce n’est pas de la justice, c’est de l’acharnement. Cet acharnement trouve son explication dans les relations entre Bruguière et Sarkozy.   Adel Tebourski

(Source: Alerte elctronique de Mme Luiza Toscane le 8 aout 2006)

AP: Expulsé de France, le Tunisien Adel Tebourski est “rentré normalement” en Tunisie, selon Tunis

mardi 8 aout 2006, 19h52 TUNIS (AP) – Le Tunisien Adel Tebourski, condamné en France pour son implication dans l’assassinat du commandant afghan Ahmed Shah Massoud, a retrouvé sa famille à Tunis sans embûche, après son expulsion lundi de France pour “des raisons de sécurité”, a-t-on assuré mardi de source officielle tunisienne, alors que certains redoutaient qu’il ne soit torturé.
Il est “rentré normalement sur le territoire national, à l’instar de tous les autres citoyens tunisiens” auxquels la Constitution tunisienne “garantit la liberté de voyage et de retour au pays”, assure un communiqué officiel.
Craignant que M. Tebourski, 42 ans, ne soit torturé à son retour en Tunisie, plusieurs associations, appuyées par le Comité contre la torture de l’ONU, ont engagé des recours pour surseoir à son expulsion. Ces démarches ont été rejetées par le tribunal administratif de Paris. Le ministère français de l’Intérieur considérait quant à lui qu’il faisait “peser une menace grave sur la sûreté de l’Etat et la sécurité nationale”. On qualifiait de source officielle tunisienne ces craintes d'”allégations mensongères propagées par certains milieux à des fins suspectes”.
Condamné en mai 2005 à six ans d’emprisonnement pour avoir aidé les assassins du commandant Massoud, tué dans un attentat en septembre 2001, Tebourski a été libéré le 21 juillet dernier à la faveur d’une remise de peine, mais déchu de sa nationalité française obtenue en 2000. Ami d’Abd El Sattar Dahmane, l’un des assassins du “lion du Panchir”, Tebourski avait reconnu lui avoir acheté en mai 2000 les billets d’avion qui lui ont permis de partir à Islamabad et changé pour son compte plus de 4.500 euros en dollars. AP

 

L’Etat français expulse Adel Tebourski vers la Tunisie

 
mardi 8 aout 2006, 19h07
Sa peine de prison purgée et sa nationalité française retirée, Adel Tebourski a été expulsé lundi vers son pays d’origine, la Tunisie, malgré les menaces de torture qu’il y encourt. Il avait été condamné en 2005 pour « association de malfaiteurs liée à une entreprise terroriste », dans le cadre du meurtre du commandant afghan Massoud. Ses défenseurs contestaient le caractère d’urgence de son expulsion ainsi que sa destination. Adel Tebourski a embarqué dans le vol Air France de 13h30, lundi, à Roissy (Paris), en direction de la Tunisie, son pays d’origine. Il avait été condamné en 2005 par le tribunal correctionnel de Paris à six ans de prison pour « association de malfaiteurs liée à une entreprise terroriste », après avoir fourni des papiers d’identité aux deux faux journalistes qui ont assassiné le commandant Massoud le 9 septembre 2001, en Afghanistan. Le 19 juillet dernier, trois jours avant la fin de sa peine, le ministère de l’Intérieur l’a déchu de sa nationalité française pour « atteinte manifeste aux intérêts fondamentaux de la Nation », avant, le jour dit, de prendre un arrêté d’expulsion « en urgence absolue » à son encontre. A partir de ce moment, son avocat, Franck Boëzec, et les associations qui l’ont soutenu, ont entamé une course contre la montre et contre son expulsion vers un pays où il risque de subir des « traitements dégradants ».
« L’Etat squizze le droit fondamental »
Ces derniers ont contesté le caractère d’« urgence absolue » décrété par le ministère de l’Intérieur en présentant trois référés contre l’expulsion devant le tribunal administratif de Paris. Rejetés trois fois. La dernière, vendredi dernier, Me Franck Boëzec a fait un parallèle avec une affaire impliquant un activiste basque espagnol pour laquelle la justice avait estimé qu’il n’y avait pas de lien entre la condamnation et la mesure d’expulsion. Les « liens » de ce dernier avec son organe [s’étaient] « distendus », avait-elle jugé. Ce qui serait le cas pour Tebourski, selon lui-même, ses proches et le personnel pénitentiaire qui a eu à le fréquenter. « Le niveau d’exigence du ministère de l’Intérieur pour mettre fin à sa vie de famille doit être très haut. Il ne suffit pas de produire la condamnation. La jurisprudence dit qu’il n’y a pas de mécanique d’automaticité », a plaidé Me Franck Boëzec. « On a l’impression que l’Etat s’est géré son ‘urgence absolue’ afin d’écraser les droits de M. Tebourski », a-t-il poursuivi. « Il squizze le droit fondamental à présenter ses arguments à une commission départementale d’expulsion ». Déchu de sa nationalité, le Tunisien a présenté une demande d’asile devant l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides), qui a été rejetée le 28 juillet. Selon elle, « M. Tebourski n’exerce pas d’activité pouvant le mettre en danger chez lui », a cité Me Franck Boëzec. Or, le ministère de l’Intérieur dit précisément le contraire en le soupçonnant encore de pouvoir porter « atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ». Adel Tebourski a admis avoir fourni des pièces d’identité à son « ami » terroriste, Abd el-Sattar Dahmane, lorsqu’il vivait à Bruxelles, mais il a toujours nié avoir été au courant de ses desseins. Ce que que l’avocate du ministère de l’Intérieur a du mal à assimiler. En ce qui concerne le caractère d’« urgence absolue », Me Sophie Tassel s’est dite gênée par un « sentiment d’ambivalence », lorsque Tebourski affirme qu’il n’est pas un danger pour la France, mais qu’il n’a jamais fait appel de sa condamnation. De la même façon, elle estime que ce dernier manie le sophisme lorsqu’il explique qu’il a « été condamné dans une affaire de terrorisme mais [qu’il n’est] pas un terroriste ».

La Tunisie a changé ?
Le 27 juillet, l’Acat (Association des chrétiens pour l’abolition de la torture) et la Cimade (Service œcuménique d’entraide) ont reçu le soutien du Comité contre la torture des Nations Unies (CCT), qui a demandé à la France de surseoir à l’expulsion d’Adel Tebourski « en raison des risques de torture et de mauvais traitements encourus par ce dernier en cas de retour dans son pays d’origine ». Franck Boëzec a également produit le cas de Tarek Belkhirat, un ressortissant tunisien condamné en France pour « association de malfaiteurs liée à une entreprise terroriste » et expulsé en Tunisie en 2004, avant que le Conseil d’Etat, le 19 janvier 2005, n’annule son Arrêté préfectoral de reconduite à la frontière (APRF), trop tard. Sur ce point, Me Sophie Tassel, pour le ministère de l’Intérieur, s’est contentée de faire remarquer que 2004, ce n’est pas 2006. Et que les conditions de respect des droits de l’Homme en Tunisie peuvent avoir évolué. La juge des référés, la raie de ses cheveux châtains droite comme la justice, les yeux bleus et le rouge à lèvre vif se détachant sur le mur blanc de la salle d’audience, a écouté, et décidé. Le premier magistrat de France, Jacques Chirac, en visite en Tunisie, n’avait-il pas affirmé en décembre 2003 que « le premier des droits de l’Homme, c’est de manger, d’être soigné, de recevoir une éducation et d’avoir un habitat » ? La jurisprudence est peut-être là. Lundi après-midi, Adel Tebourski a été récupéré à l’aéroport par son père et sa sœur. « En gage de bonne volonté », selon Michaël Garreau, qui a suivi le dossier pour la Cimade depuis Nantes et explique que la médiatisation de l’affaire a au moins permis de mettre les autorités tunisiennes sous les spots de médias. « Mais la police, ajoute-t-il, a gardé quelques affaires qu’elle a demandé à Tebourski de revenir chercher plus tard. »
Zaïre Djaouane
 
 ( Afrik.com, mardi 8 aout 2006, 19h07)

Adel Tebourski, renvoyé en Tunisie avant l’examen de son dernier recours

LE MONDE | 08.08.06 | 15h42  •  Mis à jour le 08.08.06 | 15h42  C’est finalement par avion qu’Adel Tebourski, 42 ans, est arrivé à Tunis, lundi 7 août, dans l’après-midi. Il avait été renvoyé de France, le jour même, en vertu d’un arrêté d’expulsion en urgence absolue pris par le ministère de l’intérieur le 21 juillet. Selon la Cimade (service oecuménique d’entraide), association de défense des droits de l’homme qui s’était engagée en faveur de M. Tebourski, le ressortissant tunisien, déchu de sa nationalité française, le 19 juillet, a été accueilli par son père à l’aéroport, sans que les autorités locales cherchent à l’interpeller. Des effets personnels ont été néanmoins saisis par la police tunisienne. Condamné le 17 mai 2005 à Paris à six ans d’emprisonnement pour son rôle dans le réseau de soutien islamiste aux assassins du commandant afghan Ahmed Shah Massoud, en septembre 2001, il avait été libéré le 21 juillet de la prison de Nantes par le jeu normal des remises de peine, et aussitôt placé en rétention administrative au centre du Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne), où il avait entamé une grève de la faim. Lui-même et ses défenseurs craignaient une arrestation et des actes de torture dès son arrivée sur le sol tunisien.
L’expulsion a provoqué la colère de Me Franck Boëzec, l’avocat de M. Tebourski, qui dit “avoir été pris par surprise”. Il avait adressé plusieurs recours contre la décision administrative (Le Monde du 8 août). Il estimait que l’un d’entre eux avait pour conséquence de suspendre provisoirement le renvoi de son client vers la Tunisie.
“INACCEPTABLE”
“J’ai saisi la commission de recours le 30 juillet, en vertu de la convention de Genève de 1951 sur les réfugiés, a-t-il expliqué, lundi 7 août. Cette procédure pouvait s’appliquer à M. Tebourski. Elle aurait dû interrompre l’expulsion. Or mon client n’a pas pu être entendu ni bénéficier d’un débat contradictoire. C’est inacceptable.” De fait, l’article L 731-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers en France indique que, dans ce cas précis, “le recours est suspensif d’exécution”.
Le ministère de l’intérieur considère que le ressortissant tunisien “n’a pas le statut de réfugié”. Dans un communiqué rendu public, lundi, il ajoute que toutes les voies de recours légales ont été épuisées. Le tribunal administratif a rejeté à trois reprises, les 26 et 29 juillet et le 7 août, les requêtes de M. Tebourski visant à interrompre son expulsion. Par ailleurs, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) n’a pas donné suite, le 28 juillet, à la demande d’asile que l’ancien détenu avait déposée, après l’avoir examinée, selon la procédure prioritaire.
“Cet individu condamné dans une affaire de terrorisme fait peser une menace grave sur la sûreté de l’Etat et la sécurité nationale”, affirme le communiqué, qui précise : “Le ministre de l’intérieur a la responsabilité d’assurer la sécurité des Français, notamment contre la menace terroriste, dans le respect de l’Etat de droit.” Lors de l’ultime audience au tribunal administratif, vendredi 4 août, l’avocate du ministère de l’intérieur, Me Sophie Tassel, avait déclaré que les risques qu’il encourait dans son pays d’origine “n’étaient pas établis”.
Pour les associations, le sort d’Adel Tebourski est loin d’être réglé. ” La mobilisation a permis qu’il reste libre sur le sol tunisien (…). Nous en sommes heureux, dit l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT) dans un communiqué, car nous avons pu le protéger face aux autorités tunisiennes, pour un temps au moins.” Mais, ajoute-t-elle, “nous connaissons les méthodes tunisiennes et sommes portés à craindre une suite nettement moins douce”. De son côté, Me Boëzec a indiqué qu’il engagerait de nouveaux recours pour obtenir le retour de son client sur le territoire français.
Pascal Ceaux (Source: Le site du journal “Le Monde” le 08 aout 2006)

 

Enquête Bidonville lumière

 
Près de l’étang de Berre, le « Gourbi », peuplé de naufragés de l’agriculture environnante, porte bien son nom : « habitation misérable », en arabe. Plus petits, moins visibles, il y en aurait des centaines d’autres en France
Berre (Bouches-du-Rhône), envoyée spéciale.

Les chats nous écartent les serpents et les scorpions », explique Brahim, l’air attendri devant une portée de quelques mois. Originaire de Tunisie, il a « échoué » au Gourbi en 2002, après 34 ans à travailler dans les serres de la région. Désormais, il partage 400 mètres carrés de terrain avec une soixantaine d’hommes immigrés, du jeunot de vingt ans au papi de soixante. Tous sont saisonniers agricoles chez les exploitants de la plaine maraîchère des Gravons, aux confins des communes de Berre-l’Étang, Lançon-de-Provence et La Farre-les-Oliviers. « Si certains ont un contrat de travail, il y a surtout des sans-papiers, des retraités, des chômeurs ou des érémistes payés au black, résume Claude Pinaud, de la Ligue des droits de l’homme (LDH). Sans logements décents, sans fiches de paie, payés 5 euros de l’heure, les habitants du « Gourbi » sont dans une situation encore plus précaire que les contrats OMI. » Cabanes de fortune fabriquées avec des arceaux et des bâches de serres colmatées avec des cartons et des planches de bois, caravanes rouillées aux pneus crevés : le « « gourbi » » occupe depuis les années 1980 un terrain en friche de la commune de Berre. Ce bidonville entre dans le cadre du plan de résorption de l’habitat indigne, relancé au niveau national en 2003. Car même si, après plusieurs années de concertation stériles avec les pouvoirs publics locaux, la Fondation Abbé Pierre et les Compagnons bâtisseurs ont construit en 2005 quatre douches solaires et des toilettes sèches « afin de remédier à l’urgence », le lieu reste invivable, et la dignité, un point aveugle. « La communauté d’agglomération Agglopôle Provence refuse d’effectuer le prélèvement des ordures, fustige Claude Pinaud. Du coup, avec les 5 000 euros récoltés par le collectif de soutien, nous payons la société de nettoyage Onyx pour qu’elle vienne vider la benne. À chaque fois cela coûte 400 euros ! » Une information démentie par la communauté d’agglomération qui, malgré les factures Onyx et les témoignages des habitants du « Gourbi », prétend prendre en charge « depuis des mois » le ramassage des déchets « comme pour le reste de la plaine des Gravons ».
Il faut mettre fin au « gourbi » : sur ce point, pouvoirs publics et associations de soutien s’accordent. Les voix ne s’échauffent qu’à l’évocation des solutions envisagées. « Appuyé par l’État, le maire socialiste de Berre ne cherche qu’à se débarrasser d’un bidonville devenu trop médiatique, trop voyant, sans proposer de véritables solutions de relogement, s’indigne Denis Natanelic, du Collectif de défense des travailleurs agricoles saisonniers (Codetras). Le sous-préfet d’Istres s’est même déplacé en personne chez le propriétaire du terrain, un ancien exploitant italien octogénaire, pour l’inciter à porter plainte et à s’en tirer sans frais ! » Le 15 novembre 2005, le tribunal d’Aix-en-Provence, saisi en référé pour l’expulsion du « Gourbi », conclut finalement à un prêt tacite du lieu, et non à un squat, étant donné la durée d’occupation. « Maintenant, au lieu de s’en prendre à notre association, ils accusent le proprio d’avoir autorisé l’installation des douches et des toilettes sans permis de construire », explique Fahdi Bouroua, délégué régional de la Fondation Abbé Pierre. Le procureur de la République a en effet déclenché en janvier une procédure pour infractions au Code de l’urbanisme. Initialement prévue en décembre 2006, l’audience avait finalement été avancée au 9 mai dernier, avant d’être reportée au printemps 2007. « Le plus curieux, c’est que, le 10 mai, au prétexte de réprimer un trafic de fausses pièces d’identité, alors qu’il n’y a pas l’électricité dans le « Gourbi », 200 gendarmes ont lancé une opération d’envergure sur le bidonville avec chiens policiers et hélicoptères. » Résultat, une trentaine d’interpellations « musclées », onze personnes enfermées au centre de rétention d’Arenc pour une reconduite à la frontière, mais aucune mention de faux papiers… « En stigmatisant les habitants du Gourbi, le problème central de leur relogement était évacué. »
À la tête de la commune depuis dix-sept ans, Serge Andreoni, le maire de Berre, a proposé d’acheter dix mobile homes ayant servi aux sinistrés des inondations de 2003 en Camargue, et de donner une prime de 4 500 euros et une mobylette à ceux que les pouvoirs publics listeraient comme possibles bénéficiaires de ces mesures. « Ces mesures seraient extraordinaires si la condition n’était pas de quitter le territoire de Berre, estime Fahdi Bouroua. Le maire est prêt à payer cher à condition qu’ils se débrouillent pour trouver un terrain sur Martigues ou Port-de-Bouc. Des propositions pour construire un pôle de logement adapté aux travailleurs saisonniers, éclaté en petites habitations dispersées dans la plaine, ont pourtant été suggérées aux pouvoirs publics mais ceux-ci n’ont jamais pris la peine de répondre. La lutte du « Gourbi » est emblématique d’un défi plus général. Même s’ils sont plus petits et donc moins visibles, il existe des milliers de « Gourbi » en France. La résolution à Berre ne changera rien au niveau national sans action volontariste de l’État. N’oublions pas que l’agriculture intensive française ne résiste à la concurrence étrangère que grâce à la variable de ces travailleurs corvéables à merci. »
Christelle Chabaud  

(Source: Le site du Journal “l’Humanité” le 08 aout 2006) 


Who’s the extremist?

By his own definition – and his actions – Blair is as much of a danger to world peace as al-Qaida

 
Soumaya Ghannoushi  
Tony Blair’s speech to the World Affairs Council in Los Angeles was revealing. His definition of the “arc of extremism” applies to himself perfectly. He “has an ideology, a world-view, deep conviction and the determination of the fanatic”. His discourse is full of a secularised missionary absolutism, founded on a Manichean world-view of “We” and “They”. The battle of the demons and angels in old Judeo-Christian apocalyptic literature turns into a conflict of good v evil in Bush’s universe, and into progress v reaction in Blair’s.

 

While constantly pointing the finger at Muslims and denying any part in the spread of terrorism, this arrogant rhetoric of neoliberal militantism, which goes hand in hand with military aggression on the ground, is terrorism’s chief recruiter and the greatest threat to Britain’s national security.

Today, Bush and Blair are not just giving Israel the green light to pursue its war on Lebanon. They are partners in this war aimed at reshaping the map of the Middle East. This is as though the region were a vacuum, or an empty desert – without a people, or memory – to be fashioned in light of their political fantasies and military strategies.

Blair appears intent on turning the clock backwards to the imperial Victorian age, or even to the French Revolution and Napoleon’s wars of progress and enlightenment. Like al-Qaida’s sacred warriors, he is determined to transform the world into opposite trenches and raging battlefields for the sake of his “global values”.

So far, the lofty values that Blair preaches to the people of the Middle East in his fight for their “souls”, “hearts” and “minds” have ignited wars that rage to this day, in Afghanistan, Iraq, Lebanon and God knows where next. Yet he still believes that “we are not being bold enough, consistent enough, thorough enough, in fighting for the values we believe in”. While evangelising about justice and progress, he has spearheaded the effort to block attempts by the UN, the Rome summit and the European Union to agree a ceasefire and put an end to the daily carnage in Lebanon.

Blair seems to inhabit an imaginary world he has constructed. He stands at its middle as the King of Salvation, blind to all the bitterness and suffering his absurd wars are creating. Those who exist outside this fantastic realm, he insists, are deluded: from the Arab street, indoctrinated by “years of anti-Israeli and therefore anti-American propaganda”, through to the British public, which he fears “sympathises with Muslim opinion”, including his MPs, his cabinet, and the Foreign Office.

It is no secret that British foreign policy has for decades been wedded to the Atlantic policies of the US. This state of affairs, which began in the aftermath of the second world war, assumed a definite shape with the Suez crisis in 1956, when Eden painfully realised that Britain was no longer the main player in the international arena. Today the observer finds it almost impossible to distinguish between what is said on Capitol Hill and Blair’s pronouncements from 10 Downing Street.

Heedless of the bottomless abyss he has created in Iraq, with its blood-letting, sectarian killing, torture and comprehensive chaos, Blair is preparing to open a new front in Iran, Syria and the entire “arc of extremism which stretches over the Middle East”. But the world can bear no more death and destruction.

· Soumaya Ghannoushi will be speaking on behalf of the British Muslim Initiative, which is co-organising today’s Ceasefire Now demonstration in central London Soumayak@hotmail.com www.bminitiative.net

(Source: The Guardian Saturday August 5, 2006)


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