CIDT-Tunisie:La torture et les tortionnaires reviennent en force
Mourad Zitouni: Si Mohamed Sayah « ne laisse pas béton »
Belgasem Dridi: l’ecole chaarienne et non tunisienne de Doha
CENTRE D’INFORMATION ET DE DOCUMENTATION SUR LA TORTURE
CIDT-TUNISIE
Association de citoyens du monde pour le droit des Tunisiens à ne pas être torturés
Membre du Réseau SOS-Torture de l’OMCT-Genève
Comité d’honneur :
Jacques FRANÇOIS
Mgr. Jacques GAILLOT Besançon, le 31 mars 2011
Hélène JAFFÉ
Gilles PERRAULT
François DE VARGAS
Président :
Jean-Marc MÉTIN
Menées feutrées hostiles à la Révolution et noyautages,
LA TORTURE ET LES TORTIONNAIRES REVIENNENT EN FORCE
Deux coups de massue viennent de sonner les révolutionnaires tunisiens en quelques heures :
Le 26 mars, Farhat Rajhi, ministre de l’intérieur, ancien magistrat exempt de passé bénaliste, est limogé sans explication. Son successeur, un certain Habib Essid s’avère être un ancien du même ministère au pire moment des années de braise. Il avait ainsi été directeur de cabinet de Abdallah Kallel, l’un des plus sanguinaires ministres de l’intérieur, poursuivi par la justice suisse pour crime de torture et actuellement en détention à Tunis.
Le 29 mars, une autre grosse pointure de la tortiocratie du général Ben Ali a été nommée au poste, sensible parmi tous, de directeur de la Sûreté nationale. Il s’agit d’un certain Abdessattar Bennour, ancien commandant de la Garde nationale et ancien directeur de la… Sûreté nationale de 2006 à 2010.
Il y a peu de doute que l’arrivée du second ne soit pas le fait du premier. De confidentiel et subalterne, ce genre de nominations devient ainsi ostentatoire, voire provocateur.
Force est donc de constater que des hommes de Ben Ali se sont à nouveau emparés du principal levier du pouvoir, deux mois et demi après la fuite du général Ben Ali. Dans le même temps, des témoignages poignants et recoupés ont établi un retour fulgurant de la torture sous les formes les plus abjectes qu’utilisait le ministrère de l’intérieur sous la supervision des maîtres-tortionnaires, dont beaucoup sont encore à leur poste.
Nous nous sommes cependant abstenus de tout commentaire en attendant une éventuelle justification des décisions de l’actuel premier ministre. Mais son intervention télévisée du 30 mars au soir a donné l’impression d’une reprise en main autoritaire contre la Révolution. Non seulement le Premier ministre par intérim a refusé de donner les raisons du limogeage, mais il a affirmé n’avoir de comptes à rendre à personne en vertu des pouvoirs régaliens qui seraient les siens.
La mise à l’écart de l’unique membre du gouvernement qui semblait en phase avec la révolution autrement que par une creuse phraséologie semble marquer le début d’une attitude plus offensive contre les défenseurs de la révolution. C’est en même temps un signal à l’adresse des partisans du général Ben Ali, qui se sont redéployés sous forme de partis-écrans généreusement légalisés.
L’ensemble de ces éléments fait craindre une action concertée visant à mettre fin au processus révolutionnaire. M. Béji Quaïd Essebsi serait-il le bras long de la contre-révolution que n’avait pas pu être son prédécesseur Mohamed Ghannouchi ?
Cette question implique que la Tunisie officielle est dorénavant sous haute surveillance pour le soupçon le plus infâme qui soit : pratique de la torture. C’est ce que nous nous proposons de faire et c’est ce que nous transmettrons à nos partenaires en charge de la lutte contre la torture.
Nous exhortons en même temps la société civile et les forces vives tunisiennes à ne pas relâcher leur vigilance à l’endroit du gouvernement provisoire pour qu’il soit amené à réaliser la transition pacifique vers un gouvernement élu sans le moindre espoir de récupérer la Révolution.
Il y va de la survie du mouvement révolutionnaire et de la paix civile.
Khaled BEN M’BAREK, Coordinateur
Infos FTCR en Tunisie
Si Mohamed Sayah « ne laisse pas béton »
l’ecole chaarienne et non tunisienne de Doha
L’Italie condamnée pour avoir expulsé un Tunisien, torturé à son retour
La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné l’Italie mardi 5 avril pour avoir renvoyé dans son pays un ressortissant tunisien qui affirme avoir été arrêté et torturé dès son retour, malgré une demande de la CEDH de suspendre la décision.
Ali Ben Sassi Toumi avait été condamné en 2007 à six ans de détention pour terrorisme international par un tribunal italien. Libéré en mai 2009, il avait été expulsé en août suivant alors que la CEDH avait demandé à l’Italie de ne pas exécuter cette décision, en raison de craintes de mauvais traitements en Tunisie. Le gouvernement italien avait alors affirmé avoir reçu des assurances diplomatiques que M. Toumi ne serait pas maltraité ni poursuivi pour les mêmes faits dans son pays.
DES AFFAIRES SIMILAIRES
Pourtant, M. Toumi affirme avoir été arrêté dès son arrivée en Tunisie, torturé pendant sa détention puis libéré dix jours plus tard sous condition de garder le silence. Il dit également avoir fait l’objet de menaces de la part de la police tunisienne après sa remise en liberté. Se basant sur des “sources internationales sérieuses et fiables”, la CEDH rappelle que “les allégations de mauvais traitements ne sont pas examinées par les autorités tunisiennes compétentes et que (celles-ci) sont réticentes à coopérer avec les organisations indépendantes de défense des droits de l’homme”. Elle souligne que l’avocat italien de M. Toumi n’a pas pu rencontrer son client lors de sa détention.
La cour de Strasbourg “ne peut donc souscrire à la thèse” de l’Italie selon laquelle “les assurances données offraient une protection efficace contre le risque sérieux que courait M. Toumi d’être soumis” à des traitements inhumains ou dégradants. La CEDH note également qu’au moment de l’expulsion, elle avait déjà conclu à des violations dans des affaires similaires contre l’Italie. Les juges, dont la décision est susceptible d’appel, ont accordé à M. Toumi 15 000 euros pour dommage moral.
Source: “Le Monde.fr” Le 05-04-2011
Tunisie : bilan noir du chômage en 2011
Quand le gouvernement choque !
Un sombre tableau de la situation de l’emploi a été brossé par Saïd Aydi, ministre de la Formation professionnelle et de l’Emploi, lundi 4 avril 2011.
Au cours d’un entretien express avec Investir en Tunisie, le ministre n’a pas caché sa préoccupation quant au bilan de 2011. Malgré les efforts consentis et les mesures annoncées, la situation n’est guère réjouissante.
Comment évaluez-vous la situation de l’emploi ?
M. Saïd Aydi : en fait la Tunisie passe aujourd’hui par une phase de transition dans tous les domaines. Nous vivons actuellement une crise dd l’emploi due à des facteurs internes et externes. L’arrivée sur le marché de l’emploi de nouveaux diplômés de l’enseignement supérieur en juillet 2011 (environ 80.000), le retour des travailleurs tunisiens de Libye (entre 30.000 et 35.000), la perte de 10.000 emplois en 2011 et environ 80.000 emplois menacés, une estimation du taux de croissance pour l’année 2011 ne dépassant pas 1%.
Ainsi, le nombre de chômeurs en Tunisie s’élève à 520.000 dont 160.000 diplômés de l’enseignement supérieur. Ce chiffre est appelé à croître. Il atteindrait 700.000 au cours de l’année 2011, sachant que le marché enregistrera l’arrivée de nouvelles demandes, estimées entre 150.000 et 200.000.
Cette situation conduit à un pourcentage de chômage atteignant les 19% de la population active contre un pourcentage de 14% en 2010. Cela constitue un chiffre jamais atteint dans l’histoire de la Tunisie moderne.
Quels seront les mesures urgentes ?
Pour faire face à ce tsunami dévastateur, nous devons créer 270 mille postes d’emploi en 2011 et 2012. Au regard de cette situation, le plan d’urgence emploi mis en place par le ministère de la Formation professionnelle et de l’Emploi s’articule autour de 4 grands axes à court terme:
1. La création de nouveaux emplois salariés dans tous les secteurs (public, privé, société civile et à l’étranger) soit 40 mille postes d’emplois
2. Le développement de l’entreprenariat et de la création de micro-entreprise avec un accompagnement des promoteurs pour assurer la pérennité des emplois créés. Ce développement s’opère à travers la formation et l’initiation à la création d’entreprise ainsi que l’accompagnement et le suivi dans toutes les étapes du projet.
3. Le soutien des entreprises en difficulté et la préservation des emplois existants à travers des mesures financières et fiscales.
4. L’accompagnement actif des demandeurs d’emploi et le développement de leur employabilité à travers le programme Amal. Chaque demandeur d’emploi a la possibilité de fixer un parcours professionnel personnalisé qui augmentera ses chances d’employabilité et d’insertion dans le marché du travail. Les primo-demandeurs d’emploi bénéficient d’une allocation de recherche active d’emploi d’un montant de 200 Dinars et d’une couverture sociale pour une période d’une année. Nous allons débloquer la subvention de 127 mille demandeurs dans 10 jours.
Comment se répartissent les offres d’emploi dans le secteur public ?
Nous comptons offrir 20 mille postes d’emplois dans le secteur public répartis comme suit : Le ministère de l’Emploi embauchera 400, le ministère de l’Education offrira 3050, l’enseignement supérieur intégrera 3000, le ministère de la Santé récupèrera 150 et pour le reste les besoins seront communiqués ultérieurement.
Y aura –t-il des une éventuelle suspension du CAPES?
C’est important de vérifier la compétence du candidat, mais pour le moment pas d’intention de suspendre le CAPES.
Comment vous allez procéder pour rompre avec la crise de confiance entre le ministère et le citoyen ?
Comme vous l’avez remarqué, précédemment, nous voulons être sincères et transparents le plus possible. Nous avons le devoir et l’obligation de dire la vérité. La Révolution nous a tout apporté, le chômage mais aussi la démocratie. Nous n’avons plus droit à l’erreur.
Source : « Investir en Tunisie » Le 05-04-2011
A la rencontre des féministes tunisiennes
Du 31 mars au 2 avril, des militantes d’Osez le féminisme participent à un voyage d’études en Tunisie organisé par Touristra Vacances. Quelques sentiments avant le retour à Paris sur le formidable souffle d’un pays qui s’éveille à la démocratie.
Notre voyage en Tunisie touche à sa fin.
Lors de ces deux jours, nous avons rencontré des féministes bien sûr, mais aussi des représentants syndicaux de l’UGTT, des militants étudiants de l’UGET, mais aussi, au détour d’une course en taxi ou d’un déjeuner dans une gargote, de « simples » citoyens et citoyennes qui se sont mobilisés pour faire chuter Ben Ali et sa dictature.
De ce voyage, nous retenons le formidable souffle d’une population qui s’éveille à la démocratie. Chaque jour, des dizaines de Tunisiens se rassemblent sur les marches du théâtre municipal de Tunis, avenue Bourguiba, pour débattre et manifester. Jeudi matin, nous n’avons pas compris pour quoi était la manifestation qui passait sous les fenêtres du Ministère des affaires de la femme. Jeudi midi, il s’agissait de soutenir les insurgés libyens. Jeudi après-midi, c’était un rassemblement contre la police politique qui, dans les faits, existe toujours. Vendredi après-midi, a commencé à se former un rassemblement pro-islamiste. En fin de journée, à la tombée de la nuit, des groupes d’hommes continuent de discuter, parfois de façon très animée, pour ne pas dire franchement musclée.
Bref, la Tunisie fait de la politique, à tous les niveaux. Les élites comme les ouvriers, les hommes comme les femmes, les habitants des villes comme ceux des campagnes, etc. Comme nous a dit un de nos chauffeurs, « la politique, c’est comme le foot » : tout le monde donne son avis.
Malgré, parfois, la barrière de la langue (aux termes de l’article 1 de la Constitution, la seule langue officielle de la Tunisie, depuis l’indépendance, est l’arabe et les jeunes maitrisent moins bien le français que leurs ainés), tout le monde est prêt à s’ouvrir sur son expérience de la révolution. Poser la question « alors, comment ça se passe depuis le départ de Ben Ali ? », c’est être assuré d’avoir une réponse longue et argumentée.
Le premier sentiment qui s’impose comme une évidence est la fierté. Fierté d’être tunisien : les drapeaux ont envahi les rues. Fierté d’avoir renversé un régime qui avait mis la tête de plusieurs générations sous l’eau. Fierté d’avoir, dans une certaine mesure, initié des révolutions et des révoltes dans d’autres pays arabes.
Néanmoins, toutes les personnes rencontrées sont lucides sur le flou dans lequel se trouve la révolution à ce stade. L’Instance supérieure pour la réalisation des objectifs de la révolution travaille à l’élaboration du code électoral qui s’appliquera aux élections de l’Assemblée constituante du 24 juillet prochain. En attendant, justement, ils attendent.
La crise de confiance entre les jeunes et les partis politiques ou l’UGTT est réelle. La révolution n’a pas eu de leader, et les tentatives d’incarnation de celle-ci par certaines individualités ont été très mal perçues. Il en est de même pour les tentatives d’appropriation des martyrs. Le défi est maintenant de combler cette fracture. Souvent, on nous a dit que la révolution n’était pas finie et qu’elle prendrait encore quelques années pour aboutir à un régime démocratique : les Tunisiens savent qu’édifier une société nouvelle ne prend pas que quelques mois.
Les féministes, de leur côté, observent une relative invisibilité des femmes dans les médias et dans les débats. Certaines se disent inquiètes, d’autres préfèrent se dire contrariées. Mais, dans les faits, le maintien des acquis en matière de droits des femmes est l’objet d’une grande vigilance.
La Tunisie sait que les défis qu’elle a à relever sont immenses. Pour les relever, elle ne veut écouter qu’elle-même, mais regarde à l’étranger pour se nourrir des expériences de ses voisins. Nous avons entendu, aussi, la volonté de dépasser l’intervention de Michèle Alliot-Marie qui a laissé un souvenir désastreux en renforçant les échanges culturels avec la France.
La Tunisie a aussi des attentes économiques. Le tourisme représente 400 000 emplois directs et indirects et 7% du PIB et la France est le pays qui envoie le plus de touristes chaque année (1,4 millions de vacanciers par an), premier pays. Mais les Français, cette année, ont peur : la saison estivale ne s’annonce pas au mieux, les réservations sont au plus bas. Alors que la Tunisie est toujours aussi belle et que, contrairement à l’an dernier, elle respire.
Cela a été très impressionnant pour nous d’observer, même furtivement, un pays qui s’interroge sur lui-même et son avenir. Enfin, il y a une dernière chose que nous voudrions transmettre après nos deux jours et demi passés ici : pour vos prochaines vacances, programmez un voyage en Tunisie.
Source : « Mediapart » Le 05-04-2011
Le déficit de dignité collective et le futur du monde arabe
Fin 2010, rares étaient ceux qui auraient imaginé que deux des dirigeants les plus tenaces d’Afrique du Nord, l’ex-président tunisien Zine el-Abidine Ben Ali et son homologue égyptien Hosni Moubarak, auraient quitté le pouvoir début 2011. Pourtant, confrontés à des révoltes populaires exigeant leur départ, le premier fuyait la Tunisie le 14 janvier et le second quittait le pouvoir le 11 février. Depuis ces événements sans précédent, une vague de contestation secoue le monde arabe dans son ensemble.
Les révolutions en Tunisie et en Egypte, la guerre civile en Libye et les autres mouvements d’opposition aux régimes en place qui parcourent la région sont des événements qui étaient certes difficiles à prévoir, mais qui ne sont en aucun cas surprenants. Si la toile de fond de chaque révolte populaire possède ses propres caractéristiques, elles partagent toutes un point commun : le déficit de dignité collective. La dignité humaine est au cœur de tout ordre politique durable, et tout manquement dans ce domaine ne peut que conduire à l’instabilité et à des revendications appelant au changement.
Il est possible d’identifier neuf manquements à la dignité : le manque de raison, le manque de sécurité, les violations des droits de l’homme, l’absence de responsabilité, le manque de transparence, l’absence de justice, les carences en termes d’opportunités, les obstacles à l’innovation, et la faiblesse de la participation. L’Occident s’est rendu complice de la mise en place de ce cocktail explosif dans le monde arabe. Il a fait le choix de sacrifier la promotion d’une bonne gouvernance capable d’assurer la dignité humaine sur l’autel des intérêts géopolitiques et de la lutte contre le terrorisme, et il a délaissé la recherche d’une solution durable pour mettre fin à l’humiliation continue des Palestiniens sans Etat, qui sont l’incarnation absolue du déficit de dignité collective.
Au-delà d’un tel constat, la question qui se pose est celle de la forme que prendra le changement politique en Egypte, en Tunisie et ailleurs ? Le choix qui se pose n’est pas seulement celui qui opposerait démocratie libérale de type occidental et régime ultra-autoritaire. Les jeunesses de la région sont libérées du bagage psychologique du défaitisme des années 1940-1960. Elles aspirent à de grandes réalisations pour elles-mêmes et pour leur pays, et sont fières de leur passé historique et culturel. Elles sont par ailleurs bien connectées grâce aux réseaux et médias sociaux, qui leur permettent de s’inspirer et de s’aider les unes les autres dans leurs luttes respectives.
L’unité affermie qui est palpable aujourd’hui dans le monde arabe pourrait bien annoncer l’émergence d’un nouveau cadre de référence culturel et politique fondé sur un mélange de néo-panarabisme et de néo-panislamisme. En effet, si la rue arabe réclame des réformes politiques, ce n’est pas forcément l’établissement d’une démocratie libérale de type occidental qu’elle souhaite. Le défi pour l’Occident est aujourd’hui de permettre aux peuples de la région d’être les artisans de leur propre futur, et de choisir eux-mêmes les solutions qui leur paraissent authentiques. Les réformes doivent prendre en compte la culture et l’histoire locale afin d’être adaptées, abordables et acceptables, mais elles doivent aussi remplir un certain nombre de critères globaux de bonne gouvernance qui permettront à ces pays de s’engager dans une coopération morale et politique durable au sein du système international.
ÉVOLUTION PROGRESSISTE ENDOGÈNE
Que l’Occident peut-il faire pour accompagner les pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient dans leur transition ? Il est impératif que, quelque soit la forme que les changements prendront, ils soient initiés de façon endogène. Toute tentative par les gouvernements occidentaux d’imposer leur préférences aux dépens de principes de gouvernance endogènes adaptés à la culture locale ne pourra que conduire à l’instabilité. Les élites politiques considèreront ces manœuvres comme une façon d’établir un contrôle et une influence extérieure, les intellectuels les taxeront d’hégémonie culturelle, étant donné la perception répandue dans le monde arabe d’un Occident hostile et méprisant à l’égard de la culture arabo-musulmane et de sa place dans l’histoire, et l’opinion publique les interprètera comme une tentative de désislamiser le monde arabe.
Les gouvernements occidentaux, y compris la Confédération suisse, peuvent jouer un rôle très constructif en partageant leurs expériences et en fournissant une assistance dans le domaine de la réforme des institutions, tout en prenant soin de laisser les réformes aux mains des populations locales. Il est important de s’opposer à tout recours à la violence par des régimes déficients contre leurs populations civiles et d’encourager les régimes tels ceux du Golfe qui se montrent plus responsables à l’égard de leur société, à avancer sur la voie des réformes. Dans le Golfe, en effet, ce ne sont pas les gouvernements qui résistent au changement mais une frange ultraconservatrice et très influente de la société elle-même. Il est donc capital pour ces gouvernements de ne pas entrer en opposition directe avec leur société afin de rendre possible une évolution progressiste qui soit endogène et adaptée à la région et à ses cadres culturels.
Nayef Al-Rodhan est aussi membre de la faculté du Centre de politique de sécurité de Genève et membre de St. Antony’s College, à l’Université de Oxford,
Nayef Al-Rodhan, analyste en géostratégie et Lisa Watanabe, chercheuse, Centre de Politique de Sécurité, Genève
Source: “Le Monde.fr” Le 05-04-2011
La nouvelle vie de Ben Ali
Le 14 janvier dernier, Zine el-Abidine Ben Ali est le premier chef d’Etat arabe chassé du pouvoir. Après 23 ans au pouvoir, il trouve refuge en Arabie Saoudite avec sa femme, Leïla Trabelsi, et quelques membres de sa belle famille. Près de trois mois après la révolution de Jasmin, le point sur la situation de Zine el-Abidine Ben Ali.
Victime d’un AVC
Mi-février, l’ancien président tunisien est victime d’un accident vasculaire cérébral (AVC). Plongé dans le coma, Ben Ali est hospitalisé à l’hôpital de Djedda. Il en est sorti il y a tout juste deux semaines. Depuis, il vit avec sa femme Leïla et son fils de 6 ans, dans une immense villa prêtée par la famille royale saoudienne.
Mais, habitué à un rythme de vie trépidant depuis 23 ans, Zine el-Abidine Ben Ali s’ennuierait. D’après des témoins, dont des membres de la famille, l’ambiance à la maison est orageuse et les disputes fréquentes. Le journaliste Nicolas Beau croit savoir que l’ex-président passe beaucoup de temps devant les chaînes d’information. Il vit “une espèce de pré-retraite difficile”, dit le journaliste.
Ben Ali veut garder le contact avec la Tunisie
Drogué au pouvoir, Ben Ali a bien essayé de garder le contact avec le pouvoir tunisien. L’ancien chef d’Etat a passé de nombreux coups de téléphone, à la présidence et dans les ministères. Il s’est même montré tellement insistant que les numéros de téléphone ont été changés, rapporte l’écrivain tunisien Abdelaziz Belkhodja, qui a enquêté sur la famille Ben Ali.
L’avenir du couple Ben Ali ne s’est pas dégagé après leur départ du pouvoir. Une dizaine de procédures judiciaires, en Europe, aux Etats-Unis mais aussi en Tunisie, ont été lancées contre eux. La dernière mesure en date vient de Tunis : le nouveau gouvernement a publié un décret il y a quelques jours pour organiser la confiscation des biens de tout le clan. Une centaine de personnes sont visées.
La Tunisie a aussi officiellement émis un mandat d’arrêt fin janvier contre le couple Ben Ali. Mais pour le moment, la priorité n’est pas à un procès. Le pays veut avant tout réussir sa transition démocratique, avec l’élection d’une assemblée constituante le 24 juillet prochain. Les Tunisiens s’occuperont de Ben Ali après…
Source : « Europe1 » Le 05-04-2011
Tunisie. Recommandations et garde-fous pour les élections du 24 juillet
Les grandes lignes du projet de décret-loi relatif à l’élection de l’assemblée constituante telles qu’elles émergent des débats de l’Instance supérieure pour la protection des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique.
Exit les anciens Rcdistes. Un consensus s’est dégagé en faveur d’interdire la candidature aux prochaines élections à tous ceux qui avaient collaboré avec l’ancien régime ou assumé des responsabilités, locales, régionales ou nationales, au sein du Rassemblement constitutionnel démocratique (Rcd) dissous. Cette mesure sera une parfaite illustration de la rupture totale avec l’ancien régime, de même qu’une concrétisation des attentes du peuple tunisien à un régime démocratique consacrant le droit de citoyenneté.
Gare aux dérives du débat identitaire. La divergence des vues entre les sensibilités politiques et intellectuelles sur les questions de l’identité, de la religion, des libertés et de l’égalité pourraient saper les efforts pour mettre en place une assemblée constituante, émanation de la volonté populaire, et plonger le pays dans des conflits sectaires ou régionalistes pouvant mettre en péril ses acquis.
Pour une charte nationale des principes fondateurs du vivre ensemble. Cette charte nationale, qui engagera toutes les parties (partis politiques, organisations nationales et composantes de la société civile), indiquera le cadre de l’action de l’assemblée constituante et de la vision de l’avenir de la Tunisie, dans le respect des constantes et des fondements de la république, ainsi que des acquis du processus de réforme et de modernisation dans le pays, depuis la constitution du Pacte fondamental au milieu du 19e siècle.
Renforcement de la présence des femmes et des jeunes. Pour ouvrir l’assemblée constituante à toutes les franges actives de la société, les membres de l’Instance ont souligné la nécessité de consacrer le principe de la parité dans la représentation de la femme et de l’homme au sein de cette assemblée. Pour assurer une forte présence des jeunes dans celle-ci, ils ont préconisé d’abaisser l’âge requis pour la candidature de 23 à 21 ans.
Association des Tunisiens de la 2e génération. Les compétences tunisiennes de la 2e génération de l’émigration peuvent être d’un grand apport à la constituante, notamment celles réputées pour leur expertise acquise au sein d’instances et organisations internationales et qui sont capables d’apporter une contribution effective au pays, en cette conjoncture délicate.
Garantie de neutralité de l’administration. Tout en appelant à ne pas exclure les magistrats du droit de présenter leur candidature à l’assemblée constituante, les membres de l’Instance ont souligné la nécessité de placer les opérations de financement des campagnes électorales sous le contrôle de la Cour des comptes et de garantir la neutralité de l’administration lors des différentes phases du processus électoral. Cette mise engarde s’imposait d’autant que l’administration demeure encore captive de la mentalité de l’ancien régime et qu’elle n’est pas totalement guérie de ses propres tares.
Source : « Kapitalis » Le 05-04-2011
L’instance de Yadh Ben Achour veut écarter les anciens du RCD des prochaines elections
L’Instance supérieure pour la protection des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique, a poursuivi, lundi après-midi, au siège de la Chambre des Conseillers, le débat autour du projet de décret-loi relatif à l’élection d’une Assemblée nationale constituante. La séance s’est déroulée sous la présidence de M. Yadh Ben Achour.
Les intervenants ont insisté sur la nécessité pour l’Assemblée constituante de refléter les attentes et les ambitions du peuple tunisien, avec ses différentes catégories intellectuelles et politiques, et qu’elle soit ouverte à toutes les franges de la société, notamment les jeunes, qui sont les artisans de la révolution du 14 janvier 2011 et qui ont débarrassé le pays du “cauchemar de l’injustice et de la dictature”.
Ils ont, d’autre part, appelé à l’élaboration d’une charte nationale engageant toutes les parties : partis politiques, organisations nationales et composantes de la société civile. Cette charte doit contenir le cadre de l’action de l’assemblée et des conceptions pour l’avenir de la Tunisie, tout en veillant à ne pas porter atteinte aux constantes et aux fondements de la République, et à ne pas perdre les acquis réalisés, dans le pays, depuis la constitution du Pacte fondamental, afin d’éviter la régression du pays vers le sous-développement.
Lors du débat instauré autour des articles du décret-loi relatifs à l’électeur, aux candidatures, au mode de scrutin et au financement de la campagne électorale, les membres de l’Instance ont relevé l’importance d’ouvrir la voie aux candidatures de toutes les catégories de la société, au cours des prochaines élections “sans marginalisation, ni exclusion”, tout en abaissant l’âge requis de 23 à 21 ans.
Des intervenants ont appelé à ne pas exclure les magistrats du droit de se présenter en tant que candidat à l’Assemblée nationale constituante, à placer les opérations de financement des campagnes électorales sous le contrôle de la Cour des comptes et à consacrer le principe de la parité dans la représentation de la femme et de l’homme, au sein de l’Assemblée.
Ils ont, en outre, fait part de leur refus du recours aux médias étrangers pour l’organisation des campagnes électorales.
Les membres de l’instance ont, par ailleurs, souligné l’impératif de ne pas accorder le droit de candidature aux prochaines élections à tous ceux qui avaient collaboré avec l’ancien régime ou assumé des responsabilités, locales, régionales ou nationales, au sein du Rassemblement constitutionnel démocratique dissous.
Cette mesure sera, de leur point de vue, une parfaite illustration de la rupture totale avec l’ancien régime, de même qu’une concrétisation des attentes du peuple tunisien à un régime démocratique consacrant le droit de citoyenneté.
Source: “Business News” Le 04-04-2011
Tunisie – La Direction générale de la Poste réclame la reprise du travail
La Direction générale de la Poste tunisienne a indiqué, dans un communiqué, mardi 5 avril 2011, qu’elle a commencé à répondre à un ensemble de revendications sociales qui ont été approuvées lors du procès-verbal de la réunion du Comité central pour la réconciliation. Le PV signé par la Fédération générale de la poste et de la télécommunication à la date du 22 février 2011 comportait plusieurs points dont :
– La mise en place des commissions regroupant les parties administrative et syndicale pour la réalisation de toutes les demandes stipulées dans le PV de réconciliation sans aucune omission.
– Titularisation automatique des contractuels de plus de 2 ans de travail au sein de la Poste.
– Réadmission de toutes les personnes renvoyées qui sont concernées par l’amnistie générale décrétée.
– La continuation des réunions sans interruption entre l’administration et les syndicats pour trouver une solution au reste des points mentionnés dans le PV de réconciliation.
Pour cette raison, la Direction générale de la Poste ne trouve aucune légitimité au sit-in entamé lundi 4 avril 2011 devant le siège social de l’Office ou dans certaines régions qui a entravé les prestations fournies aux citoyens. Elle réitère son engagement vers les syndicats pour poursuivre le dialogue sur les différentes demandes sociales légitimes en cohérence avec les droits des agents et les capacités de la société.
Rappelons que selon la TAP, les services postaux ont été perturbés, lundi, par un sit-in observé par les agents des bureaux de poste, du rapid-poste, des agences poste-colis et des centres de distribution dans la région de l’Ariana.
Les sit-inneurs exigeaient l’application des conventions signées entre la Direction générale de l’Office national de la poste et la Fédération générale de la poste et des télécommunications.
Source: “Business News” Le 05-04-2011
Tunisie. Qui veut empêcher le jugement des collaborateurs de Ben Ali?
C’est la question que se pose un collectif d’avocats, qui a déposé une plainte contre l’ex-président et une dizaine de ses collaborateurs, estimant que le gouvernement provisoire ne semble pas pressé de rompre avec l’ancien régime.
Parmi les responsables de l’ancien régime poursuivis par le collectif des 25 avocats, on citera Abdelaziz Ben Dhia, Abdallah Kallel, Abdelwaheb Abdallah, Rafik Belhaj Kacem, Ahmed Friaâ, Mohamed Ghariani, Zouhaïer Moudhaffar, mais aussi l’ex-Premier ministre Mohamed Ghannouchi.
Des procédures inexplicablement lentes
Les avocats membres du collectif ont expliqué, au cours d’une conférence de presse, samedi, au siège du Syndicat national des journalistes tunisiens (Snjt), que le retard pris par le pouvoir politique provisoire pour prendre des mesures décisives les a obligés à engager des actions en justice, bien que la traduction en justice est du ressort du ministère public. Ils soulignent, dans ce sens, que la rupture avec le système de corruption financière et de tyrannie politique fait partie des objectifs de la révolution du peuple tunisien.
Ces avocats, qui ont déposé des plaintes en justice concernant la corruption politique et financière, les meurtres délibérés, durant les mouvements de protestation de la révolution, estiment que le gouvernement de transition continue d’ignorer et d’occulter les véritables responsables des abus ayant nui à la Tunisie, durant 23 ans, et de ralentir les investigations.
Ils reprochent aussi au ministère public de ne pas contribuer à démasquer les personnes impliquées et de ne rien faire pour engager des poursuites contre les symboles de la corruption. Ils demandent au ministère public, à l’instruction et au ministre de la Justice d’assumer leur responsabilité légale et historique, en prenant les mesures nécessaires pour consacrer le principe de l’indépendance de la justice.
Le groupe d’avocats affirme, par ailleurs, avoir agi en réponse aux revendications du peuple tunisien, pour dévoiler tous les aspects de la corruption et demander des comptes à ceux qui en sont responsables, dans le cadre de procès équitables, loin de tout esprit de vengeance, en garantissant aux accusés le droit à la défense, et ce dans le cadre de l’édification d’un Etat civique moderne, fondé sur les principes de la véritable citoyenneté, de la primauté de la loi et de l’action des institutions.
Au sujet de la corruption politique et financière, le «Groupe des 25» a saisi les juridictions pénales contre des membres de la direction du Rassemblement constitutionnel démocratique (Rcd) dissous et d’anciens ministres les accusant d’avoir commis des crimes réprimés par les articles 95 et 96 du Code pénal. A la suite de ces plaintes, dix parmi ces membres ont été convoqués par le juge d’instruction.
Mohamed Ghannouchi non convoqué
Le juge d’instruction avait procédé à l’audition de trois accusés, qui sont Abdelwaheb Abdallah et Abdelaziz Ben Dhia, les anciens conseillers du président déchu, et Abdallah Kallel, ancien président de la Chambre des conseillers, et émis des mandats de dépôt à leur encontre.
Un plainte pénale a, par ailleurs, été déposée contre le président déchu et Mohamed Ghannouchi, l’ex-Premier ministre, mais le ministère public du tribunal de première instance de Tunis s’est contenté de convoquer Zine El Abidine Ben Ali, en fuite, devant le juge d’instruction et «a omis de le faire, sans raison légale, pour l’ancien Premier ministre», comme l’ont indiqué les avocats.
Concernant les meurtres avec préméditation, le «Groupe des 25» a déposé une plainte pénale contre le président déchu et les deux anciens ministres de l’Intérieur, Rafik Belhaj Kacem et Ahmed Friaa, ainsi que certains officiers supérieurs du ministère de l’Intérieur pour meurtres prémédités et incitation au désordre et au pillage, et ce conformément aux articles 204 et 72 du Code pénal.
A ce propos, le ministère public a décidé, le 9 février, l’ouverture d’une enquête contre le président en fuite et Rafik Belhaj Kacem, seulement, alors qu’Ahmed Friaa occupait le poste de ministre de l’Intérieur, lors de l’assassinat du martyr Atef Labbaoui, le 13 janvier.
Source : « Kapitalis » Le 05-04-2011
Tunisie/ Ben Ali et sa famille, un avocat apelle à saisir La Haye
Ali Salah Ben Hadid est un avocat tunisien basé en Suisse. Il a été le premier à demander à Genève de poursuivre ben Ali en justice et à restituer les biens qu’il a volés, lui et sa famille à la Tunisie. Me Ben Hadid a prévenu que plus le temps passe, plus, l’affaire se compliquait. Dans un entretien accordé au journal Assabah, l’avocat a confié qu’il n’était pas exclu que Leila Trabelsi se déplace actuellement d’un pays à un autre à l’aide de passeports réguliers ou diplomatiques, qu’elle aurait reçus de la part de ses alliés, Libyens ou autres. Cet avocat avait quitté la Tunisie à la hâte en 1992, sous ordre du ministre de l’Intérieur de l’époque. En 2000, il est retourné en Tunisie en visite, après intervention d’organismes de droits de l’Homme. 48 heures après la fuite de Ben Ali, il est rentré au pays, pour essayer de convaincre les membres du gouvernement provisoire de la nécessité d’accélérer les procédures pour récupérer l’argent volé. Il a proposé de recourir à une institution d’investigation, spécialiste dans la traque des capitaux. « J’ai rencontré le premier ministre Beji Caid Essebsi et lui ai fait part de la nécessité de porter plainte contre Ben Ali en tant que président fuyant et non pas en tant que président limogé. Il faut qu’il soit jugé devant les instances nationales et internationales. Ben Ali ou la personne le représentant doivent se défendre devant la Cour, pour que le peuple tunisien puisse entendre la vérité ». Interrogé s’il était possible que Ben Ali puisse voyager, l’avocat a répondu qu’il était très difficile que ce soit le cas, à moins qu’il ait recours à une chirurgie esthétique ou à de fausses identités. «C’est pour quoi j’insiste sur la nécessité de faire pression sur l’Arabie Saoudite et la nécessité de saisir la Cour internationale, de constituer un dossier solide pour le présenter à la Haye », a-t-il dit. Selon lui, il faut aussi que des spécialistes aillent s’enquérir de l’Etat de santé de l’ex-président, pour confirmer qu’il est bien en vie, pour que tous ces efforts ne soient pas vains. Concernant les biens de Ben Ali et de sa famille à Genève, Ali Salah Ben Hadid affirme que la Suisse avait annoncé au début un chiffre de 622 millions de francs suisses. Actuellement la Suisse parle de 80 millions de francs suisses. L’enquête sur ce sujet, est toujours en cours. Où est parti le reste de l’argent ? «C’est ce qu’on doit étudier actuellement. Le facteur temps est très important…j’aurais souhaité que la demande d’asile de Ben Ali auprès de la Belgique soit vraie, ça nous aurait beaucoup aidé », répond-il
Source : « Global Net » Le 05-04-2010
La Révolution tunisienne vue par Le Monde
La librairie Clairefontaine (Tunis) a organisé lundi 4 avril 2011 un point de presse avec M. Olivier Piot, grand reporter collaborant notamment avec Le Monde et Le Monde Diplomatique, à l’occasion de la parution de son ouvrage intitulé ‘‘La Révolution tunisienne, dix jours qui ébranlèrent le monde arabe’’.
Journaliste habitué à sillonner le monde pour de grands reportages, Olivier Piot a appris, le 4 janvier dernier, la mort de Mohamed Bouâzizi dont l’immolation par le feu, le 17 décembre 2010, lui a fait penser que quelque chose était en train de bouger en Tunisie. Il débarqua dans le pays le 6 janvier pour apprécier de près ce qui lui semblait n’être que des balbutiements, mais il dut, à son avantage, vivre ces Dix jours qui allaient précipiter la chute de l’ex-président tunisien.
Ecrit dans le genre de chroniques quotidiennes, son ouvrage passe en revue, jour après jour, cette escalade de la colère qui grondait un peu partout en Tunisie, et particulièrement à Sidi Bouzid.
Cette révolution tunisienne, qu’il a qualifiée de ‘‘coup de tonnerre dans un ciel serein’’, a, selon lui, joué un rôle de toute importance dans le monde arabe, dans la mesure où elle a fait rejaillir tout un mouvement d’indignation et de révolte qui a fini par précipiter également la chute du Raïs égyptien.
M. Piot était donc venu en Tunisie pour apprécier cette ‘‘prise de parole dont les Tunisiens étaient frustrés jusque-là’’ sous le joug de la répression d’un régime totalitaire. Aussi, a-t-il assisté à certaines manifestations et glané de nombreux témoignages lui ayant servi pour la rédaction de ses ‘‘chroniques tunisiennes’’.
Mais la malchance a voulu que M. Piot regagne Paris le soir du 13 janvier : «J’ai écouté ce 3ème discours du président déchu, mais personne, jusque-là, n’était encore capable d’imaginer que Ben Ali abdiquerait et quitterait le territoire tunisien dès le lendemain en fin d’après-midi. Quelques chefs de partis d’opposition me disaient, au contraire, qu’une page allait être tournée pour permettre enfin au pays de s’ouvrir sur une démocratie de fait. Dans la salle de rédaction du journal Le Monde, je disais à mes collègues, ce matin du 14 janvier, que Ben Ali quitterait à coup sûr le pouvoir dans les jours, les semaines ou les mois à venir, mais j’étais loin d’imaginer que son départ allait avoir lieu le jour même. Je crois que tout le monde était pris de court».
Néanmoins, M. Piot a eu la chance de vivre ces Dix jours qui ébranlèrent (d’abord la Tunisie, ensuite) le monde arabe.
Nous reviendrons bien évidemment sur la teneur du livre. .
Source: ”wmc” Le 05-04-2011
Lien: http://www.webmanagercenter.com/management/article-104185-la-revolution-tunisienne-vue-par-le-monde
Tunisie/Sihem Ben Sédrine : “Nous avons une liste des criminels acquittés”
Résistante de longue date, et farouche opposante au régime de Ben Ali, Sihem Ben Sédrine prévient contre la présence forces contre-révolutionnaires, avec une justice et des médias aux ordres, et une police qui continue à sévir. Forte de sa double vocation de journaliste et de militante des droits de l’homme, cette ancienne dissidente continue à se battre sur ces deux fronts : le premier de Radio Kalima qui peine à obtenir une licence FM, et le second du CNLT qu’elle présente comme un observatoire vigilant pour garantir le respect des droits du citoyen. Ses relations avec le gouvernement, dont elle juge la politique de moins en moins claire, ne sont pas toujours au beau fixe. Notre interlocutrice ne mâche pas ses mots : “le ministre de la justice est incompétent, les criminels sont en train d’être libérés, et les juges corrompus de Ben Ali et de Leïla sont en train d’agir en toute liberté”. Sa grande consolation : “ces jeunes qui continuent à se mobiliser et qui sont les vrais gardiens de la révolution”. Interview. Vous êtes à l’origine journaliste, comment avez-vous basculé dans le militantisme politique et de défense des droits de l’Homme ? Je n’ai pas basculé dans la défense des droits de l’Homme. J’étais journaliste et défenseure des droits des humains en même temps, depuis que j’étais étudiante à l’étranger. En 1977, avant même la création de la LTDH, nous avons commencé à militer dans des comités pour les libertés individuelles et politiques des personnes. En 1979, j’ai adhéré à la Ligue, en 1985, j’étais élue au bureau directeur et je suis restée dirigeante de la LTDH, jusqu’à ce que Ben Ali l’ait dissous en 1992. En 1979, Abdejelil Behi a obtenu une licence et a lancé le Phare, et en 1980, j’ai rejoint l’équipe et on a commencé une très belle expérience d’une presse indépendante, à côté de Raï et bien d’autres journaux. Pensez-vous avoir directement contribué pour que le 14 Janvier soit possible ? Ce serait arrogant de ma part de dire que j’y ai directement contribué. Mais, la résistance à Ben Ali a commencé bien avant le 14 janvier, avec toutes les forces vives de la Tunisie, les opposants, les dissidents et les défenseurs des droits de l’Homme, qui ont été désignés de traitres. Je fais partie, bien sûr, de cette résistance à Ben Ali, qui a fait à ce qu’une insurrection soit possible, et ce sont des insurrections qui ont balisé le terrain à la révolution du 14 Janvier, dont l’intifadha du bassin minier de Gafsa… En ce qui concerne Radio kalima, elle était présente dès le 18 décembre 2010 depuis le début des protestations, qui faisaient tâche d’huile tout d’abord à Sidi Bouzid, puis dans d’autres régions à l’instar de Regueb, Meknassi, Kasserine, etc. Kalima été présente dans toutes les villes et nos reporters étaient en première ligne pour couvrir ce qui se passait en temps réel. Bien qu’ils aient été agressés, violentés, l’un d’eux Mebrass Hdhili a été battu à mort. Les fichiers et les vidéos de Kalima ont circulé sur Internet et ont été partagés sur Facebook. Moi-même, on me passait des numéros, et je faisais des interviews, car nos reporters étaient la cible d’attaques et ne pouvaient pas se dévoiler. Vous étiez à cette date à l’étranger, pourquoi avez-vous décidé de rentrer le 14 Janvier, avez-vous senti que c’était la fin ? Avant le discours du 13 janvier, j’étais persuadée qu’on était déjà dans l’après Ben Ali. Mais, ce qui m’inquiétait, c’est qu’aucune force politique, aucune opposition n’était en posture de l’hériter. J’avais peur qu’il soit remplacé par une révolution de l’intérieur du palais. Le 13 janvier, nous avons organisé une manifestation devant le siège du gouvernement de Barcelone. Le soir, après le discours de Ben Ali, “je vous ai compris”, nous avons constaté que certains étaient prêts à accepter à ce qu’il se rachète. Lorsque je suis intervenue sur al-jazeera, j’ai affirmé que le peuple tunisien a vomi Ben Ali et son régime basé sur le crime organisé et le massacre des Tunisiens, et je lui ai dit Partez, partez, et partez. Le soir, même, nous avons décidé avec mon mari, Omar Mestiri, de rentrer, et on savait qu’on allait être arrêtés, mais on s’est dit tant pis, nos vies ne sont pas plus chères que celles des Tunisiens. Et heureusement pour nous, nous sommes venus et nous n’avons pas été arrêtés parce que ce jour là, ils avaient d’autres chats à fouetter. Le départ de Ben Ali était le plus beau cadeau que je n’ai jamais reçu de ma vie. Pour revenir à Kalima, ce lundi, vous avez organisé un rassemblement devant le siège du Premier ministère pour réclamer une licence Fm pour votre radio… Nous avons demandé une réparation de préjudice. La Radio Kalima a été créée en 2008. En janvier 2009, nous avons commencé la diffusion sur satellite. Depuis, nos locaux étaient assiégés et nos journalistes poursuivis. Le 30 janvier 2010, notre siège était la cible d’un raid, on a saisi nos équipements, mis nos locaux sous scellés, intenté des poursuites judiciaires contre nos journalistes…nous avons délocalisé tout ce qui est technique, en affrontant toutes les formes de persécution, agression verbale et physique. Malgré cela, nos journalistes ont continué à travailler, car ce sont de vrais résistants des médias. Ils ont payé très cher de leur intégrité physique leur combat pour la liberté de la presse, et ils ont le droit aujourd’hui d’être reconnus dans leur droit de journaliste, et de diffuser en FM. Pour quelles raisons, ils vous ont refusé la licence ? Ils ont trouvé tous les prétextes ; le ministère de la Communication étant dissous, c’est lui qui accordait les licences, et ils ne savent pas quelle administration va le faire. Nos avocats leur ont dit que si le ministère est dissous, ce droit revient d’office au Premier ministère. Nous leur avons envoyé une convention que nous avons nettoyée et réécrite pour qu’elle soit respectable (parce que dans les anciennes conventions, il y a des clauses stipulant notamment l’obligation de diffuser les discours de Ben Ali…). On nous a répondu qu’il y a cent demandes qui attendent, et si on va vous accorder une licence à vous, il faut l’accorder à tout le monde. Notre réponse était que notre radio existe depuis longtemps, et c’est une reconnaissance de notre droit que d’avoir la licence. Nous avons été aujourd’hui reçus par le secrétaire d’Etat Ridha Belhaj, et jeudi, nous serons reçus par le Premier ministre, j’espère qu’il va nous donner une réponse.
Résistante de longue date, et farouche opposante au régime de Ben Ali, Sihem Ben Sédrine prévient contre la présence forces contre-révolutionnaires, avec une justice et des médias aux ordres, et une police qui continue à sévir. Forte de sa double vocation de journaliste et de militante des droits de l’homme, cette ancienne dissidente continue à se battre sur ces deux fronts : le premier de Radio Kalima qui peine à obtenir une licence FM, et le second du CNLT qu’elle présente comme un observatoire vigilant pour garantir le respect des droits du citoyen. Ses relations avec le gouvernement, dont elle juge la politique de moins en moins claire, ne sont pas toujours au beau fixe. Notre interlocutrice ne mâche pas ses mots : “le ministre de la justice est incompétent, les criminels sont en train d’être libérés, et les juges corrompus de Ben Ali et de Leïla sont en train d’agir en toute liberté”. Sa grande consolation : “ces jeunes qui continuent à se mobiliser et qui sont les vrais gardiens de la révolution”. Interview. Vous êtes à l’origine journaliste, comment avez-vous basculé dans le militantisme politique et de défense des droits de l’Homme ? Je n’ai pas basculé dans la défense des droits de l’Homme. J’étais journaliste et défenseure des droits des humains en même temps, depuis que j’étais étudiante à l’étranger. En 1977, avant même la création de la LTDH, nous avons commencé à militer dans des comités pour les libertés individuelles et politiques des personnes. En 1979, j’ai adhéré à la Ligue, en 1985, j’étais élue au bureau directeur et je suis restée dirigeante de la LTDH, jusqu’à ce que Ben Ali l’ait dissous en 1992. En 1979, Abdejelil Behi a obtenu une licence et a lancé le Phare, et en 1980, j’ai rejoint l’équipe et on a commencé une très belle expérience d’une presse indépendante, à côté de Raï et bien d’autres journaux. Pensez-vous avoir directement contribué pour que le 14 Janvier soit possible ? Ce serait arrogant de ma part de dire que j’y ai directement contribué. Mais, la résistance à Ben Ali a commencé bien avant le 14 janvier, avec toutes les forces vives de la Tunisie, les opposants, les dissidents et les défenseurs des droits de l’Homme, qui ont été désignés de traitres. Je fais partie, bien sûr, de cette résistance à Ben Ali, qui a fait à ce qu’une insurrection soit possible, et ce sont des insurrections qui ont balisé le terrain à la révolution du 14 Janvier, dont l’intifadha du bassin minier de Gafsa… En ce qui concerne Radio kalima, elle était présente dès le 18 décembre 2010 depuis le début des protestations, qui faisaient tâche d’huile tout d’abord à Sidi Bouzid, puis dans d’autres régions à l’instar de Regueb, Meknassi, Kasserine, etc. Kalima été présente dans toutes les villes et nos reporters étaient en première ligne pour couvrir ce qui se passait en temps réel. Bien qu’ils aient été agressés, violentés, l’un d’eux Mebrass Hdhili a été battu à mort. Les fichiers et les vidéos de Kalima ont circulé sur Internet et ont été partagés sur Facebook. Moi-même, on me passait des numéros, et je faisais des interviews, car nos reporters étaient la cible d’attaques et ne pouvaient pas se dévoiler. Vous étiez à cette date à l’étranger, pourquoi avez-vous décidé de rentrer le 14 Janvier, avez-vous senti que c’était la fin ? Avant le discours du 13 janvier, j’étais persuadée qu’on était déjà dans l’après Ben Ali. Mais, ce qui m’inquiétait, c’est qu’aucune force politique, aucune opposition n’était en posture de l’hériter. J’avais peur qu’il soit remplacé par une révolution de l’intérieur du palais. Le 13 janvier, nous avons organisé une manifestation devant le siège du gouvernement de Barcelone. Le soir, après le discours de Ben Ali, “je vous ai compris”, nous avons constaté que certains étaient prêts à accepter à ce qu’il se rachète. Lorsque je suis intervenue sur al-jazeera, j’ai affirmé que le peuple tunisien a vomi Ben Ali et son régime basé sur le crime organisé et le massacre des Tunisiens, et je lui ai dit Partez, partez, et partez. Le soir, même, nous avons décidé avec mon mari, Omar Mestiri, de rentrer, et on savait qu’on allait être arrêtés, mais on s’est dit tant pis, nos vies ne sont pas plus chères que celles des Tunisiens. Et heureusement pour nous, nous sommes venus et nous n’avons pas été arrêtés parce que ce jour là, ils avaient d’autres chats à fouetter. Le départ de Ben Ali était le plus beau cadeau que je n’ai jamais reçu de ma vie. Pour revenir à Kalima, ce lundi, vous avez organisé un rassemblement devant le siège du Premier ministère pour réclamer une licence Fm pour votre radio… Nous avons demandé une réparation de préjudice. La Radio Kalima a été créée en 2008. En janvier 2009, nous avons commencé la diffusion sur satellite. Depuis, nos locaux étaient assiégés et nos journalistes poursuivis. Le 30 janvier 2010, notre siège était la cible d’un raid, on a saisi nos équipements, mis nos locaux sous scellés, intenté des poursuites judiciaires contre nos journalistes…nous avons délocalisé tout ce qui est technique, en affrontant toutes les formes de persécution, agression verbale et physique. Malgré cela, nos journalistes ont continué à travailler, car ce sont de vrais résistants des médias. Ils ont payé très cher de leur intégrité physique leur combat pour la liberté de la presse, et ils ont le droit aujourd’hui d’être reconnus dans leur droit de journaliste, et de diffuser en FM. Pour quelles raisons, ils vous ont refusé la licence ? Ils ont trouvé tous les prétextes ; le ministère de la Communication étant dissous, c’est lui qui accordait les licences, et ils ne savent pas quelle administration va le faire. Nos avocats leur ont dit que si le ministère est dissous, ce droit revient d’office au Premier ministère. Nous leur avons envoyé une convention que nous avons nettoyée et réécrite pour qu’elle soit respectable (parce que dans les anciennes conventions, il y a des clauses stipulant notamment l’obligation de diffuser les discours de Ben Ali…). On nous a répondu qu’il y a cent demandes qui attendent, et si on va vous accorder une licence à vous, il faut l’accorder à tout le monde. Notre réponse était que notre radio existe depuis longtemps, et c’est une reconnaissance de notre droit que d’avoir la licence. Nous avons été aujourd’hui reçus par le secrétaire d’Etat Ridha Belhaj, et jeudi, nous serons reçus par le Premier ministre, j’espère qu’il va nous donner une réponse.
Source: “Global Net” Le 05-04-2011
Tunisie : les femmes dans le bain
Deux mois après la Révolution du jasmin, l’euphorie des Tunisiennes fait place aux questions
Depuis deux mois, Asmaa, 23 ans, attend impatiemment de convoler avec son fiancé. Oui mais voilà, le 14 janvier dernier, au lieu d’enfiler son alliance, l’étudiante est allée manifester contre le dictateur Zinedine Ben Ali, avenue Habib-Bourguiba, avec toute la jeunesse tunisienne. Un despote déchu et une révolution plus tard, Asmaa ne regrette pas son mariage reporté. « Je suis encigaore plus heureuse ! » confie la jeune femme, qui sera l’une des toutes premières mariées de la Tunisie libre. Mais sous son chatoyant safsari (voile traditionnel), elle n’a pas le temps d’y songer. Une nuée de tantes, cousines et amies survoltées, aux bras chargés de sodas et de gâteaux aux amandes, l’emporte sous la porte mauresque du hammam, première étape de noces prévues sur toute une semaine. Clin d’œil du destin : le hammam Yasmine (« jasmin » en arabe) qu’a choisi Asmaa porte le même nom que la révolution. Aussi émerveillée qu’Asmaa, la Tunisie célèbre elle aussi ses noces rebelles avec la démocratie. Le pays ne revient toujours pas de son audace d’avoir bravé la dictature et déclenché le désormais historique printemps arabe, une vague de soulèvements sans précédent des jeunesses assoiffées de liberté du Maghreb et du Moyen-Orient. À Tunis, partout fleurissent des places Mohamed-Bouazizi, du nom de ce vendeur ambulant de Sidi Bouzid harcelé par la police, qui s’est immolé par le feu le 17 décembre dernier, déclenchant par son geste désespéré l’insurrection tunisienne. Après deux mois tumultueux et incertains, qui ont vu tomber deux gouvernements provisoires et naître une soixantaine de partis politiques, malgré les barbelés, les soldats armés et les chars toujours stationnés au centre-ville, les Tunisiens savourent la victoire à leur manière, avec leur hédonisme coutumier.
Source : « Le Figaro » Le 05-04-2011
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Taux de réussite «truqués»; un régime LMD qui fausse tout… C’est cela le «sens de l’excellence» dans le Régime Ben Ali – La majorité des diplômés de notre université, restés jusqu‘aujourd’hui sans emploi, fait partie de la génération que le régime de Ben Ali a indirectement corrompue et flouait: durant plusieurs sessions, en effet, le taux de réussite-très flatteur- au baccalauréat ne reflétait guère le niveau réel des candidats. |
Le « bonus » des 25% comptabilisé dans la moyenne de l’étudiant donnait un bon coup de pouce à ce dernier à tel point, raconte-t-on parmi les professeurs du secondaire, que dans le cas de certains bons bacheliers, cette moyenne excédait les 20 sur 20 maximales. Il faut remarquer par ailleurs que ces élèves étaient, depuis le primaire déjà, surévalués. Tout le système faisait donc en sorte que les résultats obtenus cachaient bien des défaillances chez nos jeunes scolarisés notamment dans les établissements publics. Au Supérieur, le maquillage se poursuivait de diverses manières : les nombreux petits instituts créés depuis la fin des années 1980 « truquaient » de la manière la plus réglementaire les résultats semestriels et annuels de leurs étudiants. Cela donna très souvent des taux de réussite ahurissants qui ne descendaient presque jamais en dessous de 80 %. Bradage criminel Les directeurs de ces établissements et certains chefs de départements incitaient les enseignants (dont beaucoup s’exécutaient quasi systématiquement) à noter généreusement les copies. Les épreuves donnaient lieu à moins de difficultés que d’ordinaire et les correcteurs montraient une indulgence inhabituelle face aux maladresses et aux mauvaises réponses. La surveillance aux examens devenait plutôt lâche et dans certains instituts « supérieurs » on la confiait à des fonctionnaires de l’administration, voire à des ouvriers de l’établissement. Aux délibérations, on se mit à accorder le rachat avec un peu trop de bienveillance. Certains professeurs défendaient ardemment des candidats qui ne faisaient pas partie de leurs classes. L’enseignant qui surveillait ou notait convenablement était taxé d’intransigeant, on le déchargeait parfois des séances de surveillance ou alors on le désignait pour des matières où le risque de copiage était nul ou extrêmement faible. Il arrivait aussi qu’on lui remît un volume réduit de feuilles à corriger. LMD Le régime LMD aggrava un peu plus la situation et offrit aux étudiants davantage de chances de réussite. L’application stricte de ce système fait que dans le décompte des notes, il arrive qu’on n’en retienne que les meilleures, et à tout le moins que les moins basses. De plus, la multiplication des options et des enseignements non fondamentaux, où les étudiants pouvaient obtenir d’excellentes notes, a permis à certains candidats de passer au niveau supérieur sans nécessairement obtenir la moyenne dans les matières de base de leur filière : par exemple, un étudiant du département de français a beau avoir largement moins de 10 /20 en littérature, en langue et en civilisation françaises ; ses notes d’anglais, d’arabe, de culture de l’entreprise et de droits de l’homme peuvent le repêcher aisément. Tout ceci, sans compter la suppression dans les départements de langue des épreuves orales. Déjà, les étudiants accusaient des lacunes parfois insurmontables en pratiquant la langue qu’ils étudiaient et voilà que le régime LMD impose l’abandon de cette évaluation primordiale. Certes, l’examen oral donnait lieu, autrefois, à certains abus inadmissibles; mais de là à le supprimer dans les filières qui s’en passent difficilement, ce fut une aberration encore plus condamnable. D’ailleurs, les examinateurs du CAPES et les inspecteurs du secondaire sauront mieux que nous vous décrire l’oral lamentable de la plupart des candidats à la profession d’enseignant de langue. Cessons de vendre les chimères Nous devons également rappeler qu’il fut un temps où le taux de réussite aux examens nationaux était lié aux résultats des élections présidentielles ! Oui, il fallait à Ben Ali remercier ses « électeurs » d’une quelconque façon ; pourquoi pas par des résultats hors du commun en neuvième, au bac et à l’université. Il avait aussi besoin d’édulcorer le niveau de l’enseignement sous son règne. Le bac, la licence et la maîtrise furent dès lors des certificats plus accessibles que jamais. Mais, paradoxalement ces diplômes ne furent jamais aussi déconsidérés que sous Ben Ali. Le discrédit atteignit même le doctorat ces dernières années. On dit même que sa « coiffeuse » d’épouse en préparait un avant de prendre la fuite ! Nous avons tous maintenant l’obligation de relativiser les choses en parlant des dizaines de milliers de diplômés du Supérieur restés au chômage. Mais en même temps, la communauté nationale doit assumer sa responsabilité en leur cherchant des emplois à la mesure de leurs certificats. D’un autre côté, nous devons retenir une énième leçon sur la nécessité d’une parfaite adéquation entre la formation et l’emploi, autrement dit entre l’école et le marché de l’emploi. Il ne faut plus vendre d’illusions aux générations futures. Et pour réhabiliter les diplômes sous nos cieux, commençons par une refonte totale de notre enseignement.
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Source: “Le Temps” Le 05-04-2011