31 janvier 2012

TUNISNEWS
 11éme année, N°4232 du 31.01.2012

 “GlobalNet”: Tunisie, pourquoi le cheikh est-il présent au forum de Davos ?

Ridha Kéfi: Tunisie. Le théâtre d’ombres de Rached Ghannouchi

“Atlas Info” : Ghannouchi et Israël: duplicité tunisienne ou manoeuvre israélienne?

“Kapitalis”: Tunisie. Une feuille de route pour le gouvernement Jebali

“CRI”: La Tunisie élue deuxième vice-présidente de l’Union Africaine

 “Afrique en Ligne” : Tunisie-Afrique: Marzouki apporte un nouveau dynamisme au sommet de l’UA

Chiraz Kefi: Tunisie/Libye : appel à la suppression des passeports

“Investir en Tunisie” :Tunisie : Ettakatol se porte bien, affirme Ben Jaafar

”Business News” : Tunisie – Ettakatol à la dérive

Jean-Pierre Séréni: En Tunisie, l’échec d’un process

”WMC”: Tunisie: Faut-il compter sur les Etats-Unis ou sur nous-mêmes?

Tunisie, pourquoi le cheikh est-il présent au forum de Davos ?

La participation de Rached Ghannouchi, président d’Ennahdha,  à la 42ème édition  du forum mondial de Davos a suscité des grincements de dents. Des voix se sont élevées pour critiquer la présence du Cheikh à la station de ski helvétique, lieu du forum, alors qu’il n’occupe aucune fonction officielle au sein du gouvernement. 

La réponse est venue sur sa page officielle Facebook où son équipe précise que « le forum de Davos n’est pas une rencontre officielle, mais une rencontre rassemblant des hommes de l’économie et de la politique ainsi que des intellectuels pour débattre des principales affaires du monde ».  « Cheikh Rached a été invité par le comité d’organisation pour prendre part à quelques activités et conférences », souligne-t-on. « Il a été invité en tant que président du mouvement Ennahdha, et penseur musulman connu, et ne fait pas partie de la délégation représentant l’Etat tunisien, conduite par Hamadi Jebali, chef du gouvernement », mentionne-t-on dans la même précision.  

Le cheikh a fait plusieurs déplacements à l’étranger, au cours de la dernière période, une démarche qui lui attire des critiques. Ses contempteurs pointent la confusion entre Etat et parti, étant le chef du mouvement majoritaire au sein de l’actuelle coalition tripartite qui tient les rênes de la Tunisie au cours de cette deuxième période transitoire constitutive. Mais, le numéro un d’Ennahdha se défend de toute immixtion dans les affaires du gouvernement, et explique que son rôle s’inscrit dans le cadre de la « diplomatie populaire », un procédé qui a cours notamment dans les pays anglo-saxons où des personnalités publiques entreprennent des missions officieuses au profit de leur pays, auprès des parties officielles ou de la société civile des pays étrangers. 

Source: “GlobalNet” Le 30-01-2012

Tunisie. Le théâtre d’ombres de Rached Ghannouchi

Par Ridha Kéfi

Statue du commandeur, guide spirituel ou grand chef de l’ombre, Rached Ghannouchi, président d’Ennahdha, doit apprendre à s’effacer, parfois, pour ne pas porter ombrage à l’activité du gouvernement. Le pourra-t-il ?

En réponse à la polémique suscitée par sa participation au Forum économique de Davos en Suisse – car s’il a fait partie de la délégation tunisienne, cela poserait un détestable problème de confusion entre parti et gouvernement –, Rached Ghannouchi a cru devoir publier une mise au point sur sa page facebook.

L’admin de la page explique que le Forum de Davos «n’est pas une réunion officielle, mais une rencontre qui réunit des acteurs économiques, politiques et intellectuels pour étudier les grands problèmes du monde». Il précise aussi que «la présence au forum se limite à ses membres, et à certains invités choisis par son comité d’organisation.»

Big Brother is watching you

Selon l’admin, cheikh Rached Ghannouchi «a été invité par le Comité d’organisation pour prendre part à certains séminaires et activités. Et il a été invité en sa qualité de président du mouvement Ennahdha, de penseur musulman réputé, et n’a pas participé au forum comme membre de la délégation officielle de l’Etat tunisien conduite par le chef du Gouvernement Hamadi Jebali»*.

Voilà pour la participation du président d’Ennahdha à Davos. Cela méritait d’être clarifié. Il est très peu probable, par ailleurs, que le billet d’avion, les frais de séjour et le per-diem de M. Ghannouchi lui aient été payés par l’Etat tunisien. M. Ghannouchi ne pouvait se permettre un pareil écart, d’autant qu’il pouvait s’en passer. Ennahdha ne manque pas de moyens financiers – encore faut-il qu’il éclaire les Tunisiens sur leur provenance – et il peut assurer les frais de déplacement de son chef.

Le problème, car problème il y a, et on se doit de le souligner, c’est que la confusion, que les Nahdhaouis ont voulu éviter, a bel et bien eu lieu.

Les images de la participation tunisienne diffusée par Al Wataniya 1, la chaine de télévision publique, nous ont, en effet, montré le chef du Gouvernement serrer la main de (et donner l’accolade à) M. Ghannouchi avant les autres membres de la délégation tunisienne, et notamment Mustapha Kamel Nabli, Gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (Bct).

La signification d’un pareil geste n’a pas échappé à beaucoup de téléspectateurs. Car, que faisait M. Ghannouchi dans ce cadre-là ? N’était-il pas plus conforme au protocole officiel qu’il s’écarte au moment des salutations officielles pour, au moins, respecter les formes ou, au moins, préserver les apparences.

Rached Ghannouchi est certes le «patron» de Hamadi Jebali. C’est lui, en tout cas, qui l’a désigné pour ce poste et celui-ci lui doit une allégeance partisane. Cela on ne le sait que trop. Sauf que Hamadi Jebali est devenu chef du Gouvernement, alors que M. Ghannouchi n’est, du point de vue protocolaire, qu’un simple citoyen. Il doit donc passer après tous les membres de la délégation officielle et, a fortiori, après le gouverneur de la Banque centrale. Pourquoi a-t-il tenu à être là, au moment inopportun et à une place qui ne lui était pas destinée dans l’ordre protocolaire ?

Cette confusion est d’autant plus choquante qu’elle rappelle à notre souvenir les pratiques détestables de l’ancien régime.

Le retour du théâtre d’ombres

Il fut, en effet, un temps pas très lointain où l’on s’offusquait tous, les Nahdhaouis y compris, du fait que le chef du Rassemblement constitutionnel démocratique (Rcd, ex-parti au pouvoir) passait, dans l’ordre protocolaire, avant le Premier ministre Mohamed Ghannouchi. A la fin du règne de Ben Ali, c’est son épouse qui a pris la prééminence dans l’ordre protocolaire par rapport à tous les autres hauts cadres de l’Etat. Et cela était ressenti comme une humiliation par tous les Tunisiens, qui voyaient les symboles de la république ainsi dévoyés.

M. Ghannouchi n’est pas Leïla Trabelsi, loin s’en faut. C’est leur entrée (pour ainsi dire) par effraction, à deux moments différents de l’histoire du pays, dans l’ordre protocolaire, qui nous a inspiré la comparaison. Et celle-ci doit donner à réfléchir, surtout que les activités presque «diplomatiques» de M. Ghannouchi ne cessent de susciter des interrogations quant à la place réelle qu’il occupe au cœur de l’actuel exécutif tunisien.

Statue du commandeur, guide spirituel ou grand chef de l’ombre, Ghannouchi doit apprendre à s’effacer, parfois, pour ne pas porter ombrage à l’activité du gouvernement. Car le système républicain, qui exige la clarté, ne peut souffrir longtemps ce théâtre d’ombres qui n’a que trop duré.

Note :

* M. Ghannouchi a participé à un débat sur la «démocratie» organisé, le jeudi 26 janvier, par l’Associated Press, avec Michael Oreskes, vice-président de l’Associated Press, Antonio Patriota, ministre des Affaires étrangères brésilien, et Hina Rabbani Khar, ministre pakistanaise des Affaires étrangères. Il fallait répondre à cette question : la démocratie de style occidental est-elle encore un modèle valable pour le monde, tant qu’il puise dans tous les segments de la société et prend l’égalité sociale comme un principe central ?

«Nous n’avons pas d’autre choix autre que la démocratie», a répondu Rached Ghannouchi. Tout en affirmant que la démocratie dans le monde arabe est un «rêve» vieux de plusieurs siècles et qui a enfin l’occasion de se réaliser, il a néanmoins averti que d’énormes risques demeurent. Car, a-t-il expliqué, «le processus des élections ne suffit pas pour réaliser la démocratie. Celle-ci a besoin d’une société civile très riche. Et la démocratie sans justice sociale peut se transformer en une mafia.»

Source: “Kapitalis” Le 30-01-2012
Ghannouchi et Israël: duplicité tunisienne ou manoeuvre israélienne?

Rached Ghannouchi a démenti sur sa page Facebook avoir donné une interview à Radio Israël, dans laquelle il aurait lié l’établissement de relations diplomatiques entre la Tunisie et Israël avec la solution du problème palestinien. 

Même si elle n’exclut pas formellement une normalisation avec Israël (qui est d’ailleurs nommé comme tel, et non désigné par la périphrase «entité sioniste»), cette déclaration reste très diplomatique. C’est une déclaration de principe qui laisse la porte ouverte à cette normalisation, tout en renvoyant aux calendes grecques l’hypothétique reconnaissance d’Israël par la Tunisie. Elle n’en demeure pas moins problématique, car elle intervient deux semaines après que M. Ghannouchi et les dirigeants d’Ennahdha, y compris le chef du Gouvernement Hamadi Jebali, aient reçu, en grandes pompes, à Tunis, l’ex-Premier ministre et l’un des chefs du Hamas palestinien, Ismaïl Haniyeh, à grand renfort de slogans anti-israéliens et même anti-juifs. 

Qui a parlé de double langage ? L’un pour les militants de base du parti islamiste tunisien et pour les Tunisiens lambda (où se recrute l’essentiel des électeurs d’Ennahdha), et l’autre pour la communauté internationale, Bruxelles et Washington en tête, pour donner une image lissée (et policée) d’un mouvement en phase avec… le processus de paix au Proche-Orient. 

Souvenons-nous : il y a quelques mois, les représentants d’Ennahdha à la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution (Hiror), dirigée par Iadh Ben Achour, appelaient à cor et à cri à l’inscription de la non-reconnaissance d’Israël dans le texte même de la nouvelle constitution tunisienne. Ils voulaient ainsi mettre en difficulté les dirigeants des partis de gauche qui étaient opposés à cette inscription et trouvaient saugrenue l’idée de mettre des considérations de politique internationale, forcément changeantes, dans le texte d’une loi fondamentale, appelée à durer au moins cent ans. 

Commentaire d’un ancien diplomate tunisien : «Ennahdha veut jouer sur les deux tableaux : à la fois passer pour un défenseur acharné des droits des Palestiniens et se couler dans le moule du libéralisme, quitte à entretenir, à terme, des relations politiques et économiques avec Israël. C’est cette duplicité que je trouve écoeurante.» 

Aujourd’hui, M. Ghannouchi dément avoir donné une interview à Radio Israël ou à aucun autre média israélien en marge de sa participation, la semaine dernière, au Forum économique mondial de Davos. On n’a aucune raison de ne pas le croire. Il n’en reste pas moins que le président d’Ennahdha ne peut pas se contenter d’un «petit» démenti, vague et laconique, sur sa page Facebook. Il doit envoyer un démenti officiel à Radio Israël afin de mettre fin à la polémique à ce sujet. Les électeurs d’Ennahdha, et tous les Tunisiens, ont droit à cette clarification. 

Source: “Atlas Info” Le 30-01-2012

Lien: http://www.atlasinfo.fr/Ghannouchi-et-Israel-duplicite-tunisienne-ou-manoeuvre-israelienne_a25203.html

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Tunisie. Une feuille de route pour le gouvernement Jebali

Par Rafik Souidi

Les ravages de l’ancien régime sont profonds, aussi, ce sera avec un maximum de rigueur intellectuelle, morale et professionnelle que la Tunisie pourra réellement se réformer et se reconstruire.

Dans cette phase historique exceptionnelle, la révolution tunisienne car c’est comme cela qu’il conviendrait de l’appeler, doit réaliser ses objectifs de liberté, de justice et de dignité sans tergiversation et sans compromis. Une majorité confortable a été choisie lors des élections de la Constituante et elle doit mettre en œuvre une feuille de route claire et vigoureuse pour remplir sa mission.

* L’appareil sécuritaire qui a entamé sa réforme, doit l’accélérer. Si le ministère de l’Intérieur peut laver son linge sale en famille ce sera une bonne chose mais cela ne doit pas l’empêcher de rendre des comptes au peuple tunisien pour les exactions commises toutes ces dernières années et en particulier durant les évènements qui ont suivi le déclenchement de la révolution.

On attend toujours le rapport de la Commission d’établissement des faits : qui a tué et blessé des centaines de Tunisiens et qui donnait les ordres de tirer à balles réelles ? De plus, les archives de la police politique, qui doit être démantelée dans toutes ses composantes, doivent être rendues publiques toujours dans un souci de vérité. Seuls un renouvellement profond des effectifs et un effort de formation intensif pourront transformer ce qui s’apparentait à la Savak en ce qui devrait ressembler à Scotland-Yard.

* Le système judiciaire, qui est resté quasiment intact depuis la révolution, doit être profondément assaini et seuls les magistrats dont la probité est indiscutable doivent continuer à exercer car il ne peut y avoir de demi-mesure dans ce domaine.

Comment rétablir la crédibilité de la Justice et donc la force de la Loi autrement ? Le rétablissement de l’autorité de l’Etat («heybat al dawla») est à ce prix et non pas en l’invoquant en sautant comme un cabri sur sa chaise ou derrière un micro.

* Les affaires de corruption doivent être traitées de manière accélérée par une Cour Spéciale disposant de moyens importants et les biens douteux ne doivent pas être confisqués mais nationalisés au profit du peuple tunisien qui a été indiscutablement lésé. La Caisse des dépôts doit en être le véhicule d’accueil car elle pourra les gérer convenablement en attendant de les remettre sur le marché au moment opportun, dans les meilleures conditions.

L’économie tunisienne n’a que faire de pseudo-entrepreneurs qui ont prospéré frauduleusement à coups de passe-droits. Lequel d’entre eux s’est imposé internationalement sur les marchés réellement compétitifs ?

* La Conférence de Carthage qui avait été envisagée en soutien de la Révolution Tunisienne devrait être organisée afin de traiter la dette externe en particulier sa part odieuse qui a alimenté la corruption au sommet de l’Etat et accélérer le rapatriement des fonds et biens détournés à l’étranger.

* Le système médiatique doit s’ouvrir à de nouveaux opérateurs, y compris étrangers, pour professionnaliser un secteur dont la médiocrité n’a pas de pareil dans le monde en particulier pour la presse écrite et la télévision. En effet le quatrième pouvoir est névralgique en démocratie et souvent la vérité est tributaire des efforts d’investigation des journalistes et autres reporters.

* Les minimas sociaux – smig et smag – doivent être revalorisés de manière significative pour réparer une injustice sociale intolérable et relancer la croissance économique par une politique volontariste axée sur la demande locale.

Il est à rappeler que le smig tunisien est le plus faible des cinq pays d’Afrique du Nord et que le smic marocain lui est supérieur de 50% à durée de travail équivalente, bien que notre productivité soit la plus élevée. Ce n’est pas en continuant à faire «suer le burnous» que l’on remettra l’économie tunisienne sur pied, car cette spoliation sociale indiscutable est suicidaire car elle discrédite la valeur travail dans notre société et handicape la croissance.

Quant aux canards boiteux du secteur privé qui ne pourraient pas y faire face, ils sont en réalité une concurrence superflue et une entrave au développement des entreprises plus saines.

* La restructuration de la Caisse de compensations, dont le budget s’élève à plus de 1,3 milliard de dinars, doit être menée afin de consacrer ses dépenses uniquement aux classes démunies et moyennes. Des centaines de millions de dinars peuvent ainsi être économisés aisément et utilisés plus justement dans la lutte contre la pauvreté.

* La protection du secteur manufacturier local doit être garantie par l’Etat en éradiquant les trafics clandestins et autres importations sauvages de produits de qualité douteuse en particulier la friperie qui met en péril notre secteur le plus stratégique à savoir le textile-habillement. En effet, ce qui est produit en Tunisie devrait être avantagé sur le marché local et non pas interdit de distribution comme c’est souvent le cas du fait de réglementations absurdes.

* Une campagne pour encourager la consommation des produits de l’artisanat, tunisien qui emploie également des centaines de milliers de tunisiens, doit être mise en œuvre afin d’exploiter tout le potentiel de la demande locale. Des expositions itinérantes devraient quadriller les villes du pays et des structures permanentes devraient leur être aménagées dans les principales villes. Il en va de même pour le tourisme qui n’a que trop négligé sa clientèle captive tunisienne mais aussi algérienne et libyenne : une nouvelle approche s’impose.

* Le dialogue social doit être réinventé et les conflits doivent être confrontés avec imagination par des arbitres chevronnés en particulier dans les entreprises  publiques stratégiques : Cie des Phosphates de Gafsa (Cpg), Groupe chimique tunisien (Gct), Tunisair, Tunisie Telecom, les banques, etc. Des cellules de crises ad-hoc, en partenariat avec les syndicats et les organismes professionnels, devraient être constituées pour traverser cette période de transition constitutionnelle et démocratique. En attendant qu’un système d’arbitrage de type prud’homal se mette en place.

* La fracture régionale doit bien entendu être traitée par des investissements en infrastructure et en services publiques afin d’attirer les investissements privés dans les zones de l’intérieur mais il conviendrait également d’encourager l’esprit d’initiative localement et de faire reculer les réflexes d’assistanat.

* La fracture urbaine est également lancinante et les quartiers populaires paupérisés en particulier à Tunis méritent une démarche similaire pour améliorer le quotidien de ceux à qui l’on doit en grande partie notre liberté par leur soulèvement décisif : bibliothèques, piscines, centres sportifs, centres culturels et d’exposition, squares publiques, travaux d’embellissement, enlèvements et traitements efficaces des déchets… la liste est longue des besoins de ces cités-bidonvilles.

* Des états-généraux de l’éducation et de l’enseignement supérieur devraient être convoqués pour remettre à plat le système dans le but d’améliorer la qualité  et son adéquation avec les besoins de l’économie : plus de sélection, plus d’ingénieurs et plus d’entrepreneurs. L’excellence doit être poursuivie à tous les échelons et l’expérience réussie des lycées-pilotes doit être étendue à l’université. Quant à la formation professionnelle, elle doit retrouver ses lettres de noblesses en l’associant au système universitaire et aux entreprises.

* Le système de santé doit aussi recouvrer sa vocation première de service social et répondre en priorité aux besoins des classes démunies ce qui n’est plus le cas avec la dégradation dramatique de l’hôpital public et le niveau ahurissant des honoraires du secteur privé en particulier des «médecins-spécialistes» : le serment d’Hippocrate ne devrait pas devenir celui des hypocrites !

* Les mises à la retraite au-delà de l’âge limite de soixante ans doivent être  systématiques car il faut faire la place aux jeunes. Enfin, un audit des caisses de retraite doit être réalisé afin de cerner d’éventuels dysfonctionnements, dans la mesure où l’incurie qui régnait dans les rouages de l’administration n’a probablement pas épargné ces institutions.

En conclusion, la révolution tunisienne s’est élevée contre l’égoïsme, la cupidité et l’incompétence des dirigeants du pays et de leurs complices à tous les étages. Les ravages sont profonds, aussi, ce sera avec un maximum de rigueur intellectuelle, morale et professionnelle que la Tunisie pourra réellement se réformer et se construire un avenir des plus radieux.

Source: “Kapitalis” Le 30-01-2012

La Tunisie élue deuxième vice-présidente de l’Union Africaine

La Tunisie vient d’ être élue deuxième vice-présidente de l’Union Africaine (UA) par consensus entre les différents pays membres, a rapporté lundi la presse locale citant Mme Habiba Majeri porte-parole de l’UA.

L’ élection de la Tunisie à ce poste survient en marge des travaux du 18e Sommet de l’ UA qui se tient depuis dimanche 29 janvier courant à la capitale éthiopienne Addis Abeba.

Selon M. Abdallah Kahlaoui, ministre auprès de la présidence tunisienne, un autre Tunisien a été également sélectionné au poste de directeur du bureau de l’ Organisation panafricaine à Tripoli (Libye).

Les présidents et chefs de gouvernements africains entameront lundi une réunion à huit clos qui sera consacrée, a encore rapporté la presse locale, à l’ élection du président et vice-président de la commission africaine, la nomination des commissaires de l’ UA et les dix nouveaux membres du Conseil de paix et de sécurité.

Source: “CRI” Le 30-01-2012

Lien: http://french.cri.cn/621/2012/01/30/302s268669.htm

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Tunisie-Afrique: Marzouki apporte un nouveau dynamisme au sommet de l’UA

Addis-Abeba, Ethiopie – En accord avec la révolution qui a chassé Zine Abidine Ben Ali du pouvoir en Tunisie, le nouveau président de ce pays s’est présenté au 18ème Sommet des chefs d’Etat africains, à Addis-Abeba, dimanche, sans les signes extérieurs du pouvoir.

Vêtu simplement, Moncef Marzouki, s’est aussi déplacé librement, se passant des services des gardes dont le badge portant l’inscription ‘sécurité armée’ fait comprendre clairement qu’on ne doit pas les approcher quand ils accompagnent les délégations officielles.

‘Je ne souhaite pas du tout ressembler à Ben Ali. Le peuple tunisien s’attend à ce que ses nouveaux dirigeants réussissent sans ce qui a fait échouer les précédents’, a déclaré le président Marzouki. Même lors d’un rendez-vous prévu avec la presse, il est arrivé dans une salle à moitié vide avant beaucoup de journalistes, rompant ainsi avec la pratique qui veut que les journalistes attendent longtemps les dignitaires.

Le discours du président Marzouki au sommet était également dépourvu des platitudes diplomatiques habituelles et a apporté une nouvelle forme de dynamisme sur le débat sur le Printemps Arabe. Il a déclaré au sommet que les Tunisiens ont mené une ‘révolution civilisée sans aucun dirigeant’, se donnant ainsi l’occasion unique dans une vie de créer leurs nouvelles institutions de gouvernance. ‘Elle (la révolution) a transmis au monde le message que le peuple n’accepterait plus jamais la dictature. Toutes les régions ont reçu ce message. La révolution va détruire toute institution qui s’opposera à elle’, a-t-il soutenu.

En rejetant les arguments intéressés de son prédécesseur pour justifier la non-ratification par la Tunisie des traités de l’UA, le nouveau président a annoncé l’intention de son pays de ratifier tous les 42 traités, dont seulement la moitié ont été ratifiés et appliqués depuis les années 60. Il s’est également démarqué des partisans de la non-ingérence dans les affaires des autres Etats membres de l’UA en annonçant l’intention de la Tunisie de jouer un rôle de premier plan dans le maintien de la stabilité dans la région du Maghreb et au delà.

‘La Tunisie va jouer un rôle dans la revitalisation de la région du Maghreb. Elle va s’assurer que le Maroc revienne à l’UA. Elle va mettre fin à la confrontation au Mali et au Sénégal’, a-t-il déclaré. A l’endroit des autres pays africains, le président Marzouki  a annoncé son intention d’ouvrir les structures d’enseignement tunisiennes à tous les Africains et a promis un parternariat avec l’Afrique. ‘Nous devons faire de notre mieux pour mériter cet honneur. Nous sommes fiers de vivre sur le continent berceau de l’humanité’, a-t-il déclaré dans son bref discours.

Lors de sa rencontre avec la presse, en marge du sommet, le président Marzouki a déclaré que le chômage était le principal problème de la Tunisie après la révolution.

‘Il y a d’énormes attentes du peuple. Le problème est que nous sommes en mesure de leur assurer des emplois, car la situation économique en Tunisie dépend de la relance des marchés libyens. Nous espérons que la stabilité apportera des investissements étrangers d’ici 2013/2014′, a-t-il souligné. ‘Notre priorité est le chômage, le chômage, le chômage’, a-t-il répété.

En un peu plus de 30 jours au pouvoir, le nouveau dirigeant tunisien s’est identifié à la révolution en proposant de vendre les luxueuses villas présidentielles pour régler le problème du chômage des jeunes. Il a également parcouru son pays sans les cortèges officiels habituels et a surpris les villageois de Bizerte, à 50 km de Tunis, quand il a rendu visite à une famille ayant perdu un de ses membres durant la révolution.

Les villageois se sont rapidement rassemblés pour le féliciter après qu’il se soit présenté lui-même aux membres de cette famille, choquée de voir leur nouveau dirigeant négliger le confort dû à son rang. Dans la foulée des exigences des révolutionnaires, le président Marzouki a déclaré qu’il fallait que son prédécesseur soit jugé dans son pays pour divers crimes, dont celui de blanchiment d’argent.

Source: “Afrique ene Ligne” le 30-01-2012

Tunisie/Libye : appel à la suppression des passeports

Par Chiraz Kefi

Le forum « Nour » pour une nouvelle république, a organisé samedi dernier en collaboration avec l’Association Nationale Lybienne, un séminaire sous le thème « Tunisie-Lybie, quel nouveau partenariat ? ». 

Un sujet chaud, qui suscite beaucoup d’interrogations et d’attentes. La Lybie, voisin de l’est de la Tunisie, a été pendant au moins trois dernières décennies un pays stratégiquement très proche de celui-ci. Bien que gouvernés par des régimes despotiques, les peuples des deux pays se sont rapprochés et ont entretenu des relations basées sur l’entraide et l’échange.  Avant le déclenchement, en 2011, de l’attaque de l’OTAN pour déloger Kadhafi, des milliers de Tunisiens travaillaient en Libye, et plusieurs autres milliers entretenaient des relations commerciales avec les voisins Lybiens, alors que ces derniers venaient en masse faire du tourisme en Tunisie. En 2010, le volume des échanges entre les deux pays était autour de 1500 millions de dinars. Ce chiffre a régressé de près de la moitié en 2011, suite à la crise en Lybie et en Tunisie.  Penser à ressusciter ces relations et les renforcer est devenu un souci majeur, surtout que la situation sécuritaire en Libye ne s’est toujours pas stabilisée et que les relations peinent à reprendre leur cours, ce qui inquiète fortement les deux parties. 

« C’est un sujet plus social qu’économique, la volonté politique doit être orientée vers le retour de la loi et de son application. En Libye,,nous avons choisi la voie de la liberté et espérons pouvoir concrétiser la démocratie. Ce qui devrait être fait pour améliorer les relations entre les deux pays est d’annuler les passeports, et rendre la circulation libre sous présentation d’une carte d’identité », dit  Ahmed Jehani, conseiller auprès de Mustapha Abdeljalil au CNT libyen. 

Mouldi Lahmar, universitaire, a proposé qu’il y ait un code d’investissement unifié entre les deux pays. Et qu’il y ait une coopération dans tous les domaines d’activité surtout les transports, les énergies et le tourisme. Une panoplie de propositions a été exprimée lors de cette rencontre, dans le but d’instaurer un nouveau modèle de coopération avec la Lybie. Un intervenant parmi l’assistance a parlé de la convertibilité entre les deux monnaies. «Il faut penser à comment financer des projets en Tunisie à l’aide des liquidités lybiennes. Pour cela il faut rendre convertibles les deux monnaies. La Lybie pourrait constituer aussi une plateforme pour accéder à l’Afrique subsaharienne», dit-il. Un homme d’affaires tunisien ajoute : « durant ces dernières années l’investissement entre les deux pays a été en-deça des capacités. Aujourd’hui on veut parler au minimum et faire le maximum ». « Un nouveau modèle est necessaire, parce que l’Etat sera différent », dit Wahid Borchane, conseiller auprès du CNT lybien, chargé du secteur privé. Et Marouane Abassi, expert au sein de la Banque mondiale a ajouté que la relation de complémentarité qui existe entre la Tunisie et la Lybie est plus forte que n’importe quels autres deux autres pays du Maghreb. Il précise : « Il faut que la société civile travaille pour renforcer ces liens. Il faut qu’il y ait de la transparence dans les affaires. C’est ce qu’il manquait aux anciennes relations. Les institutions étatiques doivent coopérer dans le domaine du gaz, de l’appareil sécuritaire… et tous les secteurs de base ». 

Jelidi Orf, représentant du groupe Poulina en Libye, a parlé de l’expérience de son entreprise sur le marché lybien. « Les obstacles que nous avons rencontrés se sont surtout l’absence des banques tunisiennes en Libye, et vice-versa », dit-il  

Abdelkarim Ben Zema, du CNT lybien, a surtout parlé de l’environnement politique dans lequel devrait être instaurée une coopération approfondie : « En ce moment, la démocratie est la solution.  La réponse à la question sur la nature des relations entre les deux pays se fera à travers des parlements élus. Le CNT est actuellement en train de gérer les affaires courantes, le 06 février prochain auront lieu des élections pour une Assemblée constituante  et toutes les décisions, y compris celle de la suppression des passeports seront alors prises par le gouvernement élu. Il y aura aussi le rôle prépondérant du secteur privé. C’est à lui de nous sortir de la crise ». 

Noureddine Hadji d’Ernest and Young dit qu’il faut miser sur le savoir et l’esprit avec lequel seront entreprises des relations bilatérales, « mais quelles sont les entraves à cette ambition ? C’est surement la période transitoire du moment. Il faut qu’il y ait une vraie démocratie dans les deux pays », éclaire-t-il. Bessam Belaïb de la Banque ABC, a rappelé que la Banque centrale tunisienne a beaucoup encouragé les Lybiens à venir en Tunisie. Elle leur a d’ailleurs permis d’ouvrir des comptes en dinars tunisien. « C’est un message de l’Etat tunisien pour dire que les révolutions arabes ont resserré les liens entre les peuples », selon lui.

Ahmed Jehani a  mis l’accent sur le problème de l’emploi : « Où va-t-on employer ces jeunes qui ont fait la révolution ? Est-ce dans le commerce fait aux frontières tuniso-lybiennes ou dans la pêche au large de Djerba ? Il leur faut plutôt une économie basée sur les investissements à forte valeur ajoutée, pour qu’ils puissent fonder une famille et aient un revenu décent », dit le responsable libyen.  Des intervenants libyens ont également exprimé leur souhait de voir une Tunisie plus ouverte sur le monde et se détachant du modèle français. La langue française étant pour eux un obstacle pour les transactions, ils préfèreraient voir les choses changer. Mais le gros souci du moment demeure la question sécuritaire. L’orientation politique et sociétale de la Lybie est encore floue. 

Les prochaines élections mettront un peu plus de lumière sur l’avenir des relations tuniso-lybienne. « On doit travailler dans le cadre d’une économie non pétrolifère. C’est-à-dire loin de toutes vues sur le pétrole libyen. D’ailleurs tout ce que nous demande le CNT c’est « la transparence dans nos intentions », commente Marouane Abassi, économiste à la Banque mondiale. 

Source: “GlobalNet” Le 30-01-2012

Tunisie : Ettakatol se porte bien, affirme Ben Jaafar

« Il n’y a aucun problème au sein d’Ettakatol. Les récentes démissions collectives constituent une vaine tentative visant à déstabiliser le parti. Je n’ai pas peur pour l’avenir d’Ettakatol », a souligné M. Mustapha Ben Jaafar, secrétaire général du parti Ettakatol.

Les démissions collectives qui se succèdent au sein d’Ettakatol ont, enfin, fait réagir le père fondateur du parti, président de l’Assemblée nationale constituante !

Dimanche 29 janvier 2012, M. Ben Jaafar a rencontré les cadres de son parti, afin de renouer avec eux le dialogue, rompu depuis décembre dernier. 

Selon M. Ben Jaafar, le nombre des adhérents qui rejoignent le parti est beaucoup plus important que celui des démissions. Il a regretté la campagne médiatique relative aux démissions, tout en revenant sur les raisons de critiques formulées par certains membres d’Ettakatol.  Il a, également, dénoncé les propos de certaines personnes qui prétendent qu’il n’y a pas de contact entre la direction du parti et sa base, estimant que ces propos sont exagérés. M. Ben Jaafar a conclu à la nécessité d’une restructuration totale pour affronter les nouveaux défis et corriger les défaillances.

Il a appelé à une relance du dialogue à l’intérieur du parti et en direction des citoyens et des intellectuels : « les militants doivent poursuivre l’expérience exaltante que vit le pays avec l’active participation d’Ettakatol ».

Rappelons que depuis quelques semaines, cinq démissions collectives ont été annoncées au sein d’Ettakatol (Ariana, Bardo, Tunis 1, Tunis 2 et Ben Arous). Les militants d’Ettakatol démissionnent les uns après les autres d’un parti auquel ils ont cru et qui les aurait déçus.

Source: “Investir en Tunisie” Le 30-01-2012

Lien. http://www.investir-en-tunisie.net/index.php?option=com_content&view=article&id=13173

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Tunisie – Ettakatol à la dérive

Hier au Bardo et à l’Ariana, aujourd’hui à Tunis 1 et 2, à Ben Arous et même dans la petite ville de Takelsa, localité du Cap Bon, les militants d’Ettakatol démissionnent les uns après les autres d’un parti auquel ils ont cru et qui les a déçus. Le Forum de Mustapha Ben Jaâfar a dévié de son idéologie première, affirment-ils, et faisant allusion au désormais célèbre « chokran » (merci) du président de la Constituante à Sadok Chourou après que ce dernier ait appelé au meurtre de ses concitoyens, les militants démissionnaires d’Ettakatol diront « chokran », et s’en iront… 

« Le vide créé par la restriction des libertés d’expression et d’association, poussant les franges de la jeunesse du pays et ses élites à la démission et à l’indifférence, ainsi que l’exclusion des forces démocratiques et progressistes, ont engendré une situation éminemment propice aux surenchères et aux extrémismes. Aussi est-ce par devoir national que nous considérons aujourd’hui comme nécessaire de créer une organisation politique nouvelle […] conciliant les ambitions de notre peuple et les défis de notre époque ; nous arrêterons ainsi les dérives qui menacent l’équilibre de notre société et l’intégrité de notre pays. 

[…] Refusant toute forme de violence et condamnant le fanatisme et le terrorisme quelles qu’en soient les motivations, nous choisissons la voie difficile ».

Il ne faut pas s’y tromper, la déclaration retranscrite ci-dessus n’est pas celle des démissionnaires du FDTL, il s’agit en réalité d’un extrait du manifeste en date du 9 avril 1994, marquant la création du parti fondé par le médecin et radiologue, Mustapha Ben Jaâfar. 17 années se sont écoulées depuis, une révolution et des élections et ce manifeste reste plus que jamais d’actualité, à la différence près que, selon les déçus d’Ettakatol, ce n’est plus le parti auquel ils ont adhéré qui défend ces valeurs.  Car l’électorat du Forum n’est pas celui sur lequel on tablait au départ. En bon parti socio-démocrate, attaché aux valeurs universelles des Droits de l’Homme, on aurait pu croire, si la politique tunisienne suivait une quelconque logique, que ce sont plutôt les progressistes qui se seraient tournés vers ce parti. Mais il s’est avéré que la politique du pays a ses raisons que la raison (et les spécialistes) ignorent, et qu’Ettakatol a ratissé large, et a réussi, le temps d’une élection du moins, à s’attirer la sympathie et la confiance des conservateurs. C’est la conclusion que l’on peut tirer du sondage d’opinion réalisé par l’Association des sciences sociales, en collaboration avec le Centre d’études et de recherches économiques et sociales, dont les résultats ont été révélés par Business News, le 12 janvier dernier. Cette étude révèle en effet que parmi les électeurs déçus d’Ettakatol (seuls 42% restent fidèles), une partie non négligeable, à savoir 20%, se tourneront, lors des prochaines élections, vers les partis conservateurs que sont le CPR et Ennahdha. 

Ettakatol se retrouve donc dans un no man’s land idéologique, perdu au milieu d’un océan politique qui n’a de sens que son non-sens, entre des progressistes islamisants, tels que les voudrait Yassine Brahim, et des islamistes, Sadok Chourou en moins, devenus aujourd’hui les parangons des libertés individuelles, d’expression et d’opinion, suite au dernier épisode de l’affaire Nessma. 

Que reste-t-il aujourd’hui d’Ettakatol ? Le poisson hier frétillant a la peau sur les arêtes, et ses quelques irréductibles gaulois jouent leur va-tout pour tenter de le maintenir à flot. Pour cela, rien de mieux que la théorie du complot ! Par le pouvoir surnaturel qui lui est conféré, Khemais Ksila, d’un seul homme, éloigne les brebis égarées de la paroisse, qui à cause de leur foi fragile (car ils préfèrent fréquenter les bars et les café, dixit Mohamed Bennour), ont dévié du droit chemin. Khemais Ksila, ce Judas de la République a déclaré la guerre au messie Mustapha et à ses apôtres, Bennour, Zaouia et Riahi, au premier rang. Caricature du personnage du traitre, digne d’un Mascarille de la Commedia dell’arte… intrigant, fourbe et comploteur, Ksila, ce traitre des temps modernes serait à l’origine de tous les maux d’Ettakatol qui joue la vierge effarouchée dans un monde de brutes et de truands. Il faut bien trouver un coupable à jeter en pâture à la vindicte populaire… mais se remettre en question, jamais ! C’est politiquement incorrect.

Pendant ce temps à la Constituante, Mustapha Ben Jaâfar découvre les joies du marteau. Mais celui-ci ne suffisant pas à faire imposer la discipline aux enfants terribles dont il a la charge, il peut également employer son instrument de torture auditive : asséner des coups de stylo sur son micro, et ceci juste avant de couper le micro à son interlocuteur, sans autre forme de procès, et souvent de manière injustifiée… Ahmed Nejib Chebbi, parmi d’autres, fera les frais de cet excès d’autorité. Une autorité et un rigorisme dans le respect des règles qui ne s’illustrera que dans ce cas, car Mustapha Ben Jaâfar ne brille pas par son assiduité (le quart d’heure académique toléré pour les retards peut se multiplier à souhait en Tunisie), ou par le temps de travail qu’il impose à ses collègues, les pauses déjeuner, prière ou règlement de compte, étant légion… sans compter la semaine de vacance pour les célébrations du 14 janvier ou encore une séance ajournée pour cause footballistique. Ajouté à cela les éclipses répétées, le temps d’une sieste ou à l’heure du thé, laissant Meherzia Laâbidi seule, se débattre tant bien que mal, dans la fosse aux lions, Mustapha Ben Jaâfar essuie les critiques sans broncher, et préfère se défaire de ses engagements auprès des médias, plutôt que s’expliquer. Khelil Zaouia et Mohamed Bennour, passés maîtres dans l’art de la langue de bois et ignorant magistralement l’éléphant dans la pièce, s’en chargeront mieux que lui. 

Parmi les élus Ettakatol à la Constituante, on s’occupe comme on peut. Karima Souid prend des cours d’arabe et se prête à des examens oraux lors de ses interventions. En plus de cela, elle ne verrait pas d’un mauvais œil une augmentation de salaire et des vacances, une semaine par mois, en France, pour pouvoir visiter ses proches et amis. Lobna Jeribi, quant à elle, a des problèmes de baby-sitter et souhaiterait qu’une garderie soit aménagée au siège de l’Assemblée. Grâce aux nombreuses pauses accordées par son chef de parti, les femmes de l’Assemblée pourront jouer leur rôle de mère à temps plein. Khemais Ksila, qui n’a pas encore démissionné d’Ettakatol, s’attèle quant à lui à sa mise à mort. Et, pour être le porte-parole de toutes ces revendications de la plus haute importance, le groupe parlementaire du parti vient d’élire Mouldi Riahi à sa présidence. Ce professeur d’arabe qui n’a pas su lire correctement le Projet d’organisation provisoire des pouvoirs, signant un chèque en blanc à Ennahdha (de l’aveu de Mohamed Bennour, à Business News, lors d’une conférence de presse), est récompensé pour sa fidélité, les erreurs graves n’étant pas prises en considération dans la grille de promotion d’Ettakatol. 

Source: ”Business News” le 30-01-2012

En Tunisie, l’échec d’un procès

Par Jean-Pierre Séréni,

On attendait beaucoup du premier grand procès politique à se tenir après la chute de Ben Ali et de son régime. On attendait en particulier que la justice tunisienne se débarrasse, une fois pour toutes, de ses trois maux : le mystère, la manipulation et le mensonge. La déception est à la hauteur de l’espoir.

Vingt ans après les faits, le procès entendait faire la lumière sur l’affaire Barraket Essahel, du nom d’un lieu-dit à l’entrée d’Hammamet où une poignée d’officiers supérieurs de l’armée se seraient réunis, le 6 janvier 1991, pour préparer un putsch militaire contre le général Ben Ali, devenu lui-même président de la République quatre ans auparavant également grâce à un coup d’Etat. Livrés par leurs supérieurs, ils ont été l’objet de tortures et de sévices atroces dans les locaux de la Direction de la sécurité de l’Etat (DSE), l’une des plus redoutables polices politiques d’un régime qui n’en manquait pas. Là, en mai 1991, dans l’enceinte du ministère de l’intérieur, les tortionnaires cherchaient à leur faire avouer que leur commanditaire était le parti islamiste interdit Ennahda et qu’ils en étaient l’avant-garde militaire.

Au bout de quelques jours, les autorités durent admettre l’évidence : les officiers arrêtés n’étaient pas des comploteurs mais les victimes d’une odieuse machination. Le ministre de l’intérieur de l’époque, Abdallah Kallel, fut chargé de leur présenter des excuses présidentielles pour cet « impair » et de leur promettre réparation et retour rapide dans leurs unités. Il n’en fut rien ; la quasi-totalité furent mis à la retraite d’office par l’armée, et certains furent l’objet de brimades et d’interdits professionnels durant vingt ans.

Après le 14 janvier 2011, les victimes de Barraket Essahel alertent l’opinion sur leur calvaire et réclament leur réhabilitation. Vers qui se tourner ? Des plaintes sont déposées auprès du parquet de Tunis, un juge d’instruction est nommé. Il a sous la main Abdallah Kallel, qui a été inquiété à peine une semaine après le 14 janvier, puis arrêté pour avoir fait parti du bureau politique du RCD, le parti-Etat du temps de Ben Ali. Président de 2004 à 2011 du Conseil de la nation, une assemblée consultative sans pouvoirs, il devient le principal accusé de l’affaire et fait figure de coupable avant même le procès, à la suite d’une campagne médiatique qui n’hésite pas devant les calomnies et les bassesses et où s’illustre une presse de caniveau déjà à l’œuvre du temps de Ben Ali.

L’accusation ne cherche ni à tirer au clair le « faux » complot de Barraket Essahel, ni à savoir qui a monté cette ténébreuse machination, qui l’a couverte et l’a exécutée mais seulement à établir si le ministre de l’intérieur de l’époque a été l’un des tortionnaires. Puis bientôt tout se réduit à une seule question : les victimes ont-elles vu Abdallah Kallel ? Les a-t-il reçues et le cas échéant avaient-elles des traces visibles de torture ? Sa présence aux séances n’est confirmée par aucune victime.

Le souci du magistrat est avant tout de soustraire les chefs militaires de l’époque à la curiosité publique ; il ne fait procéder à aucune investigation par la police judiciaire. Mais il a beau être timoré, on ne saurait prendre trop de précautions. Subitement, fin juin, le juge civil se déclare incompétent, l’affaire passe du tribunal de première instance de Tunis au tribunal militaire. Pourquoi ce transfert en cours d’instruction ? Les victimes sont des militaires ! Leurs plaintes doivent donc être jugées par des militaires. En 1991, dommage pour eux, la hiérarchie n’a pas eu le même raisonnement – il aurait évité à de brillants officiers de voir leur carrière brisée et de subir d’odieuses violences de la part de civils.

Le juge d’instruction militaire disculpe immédiatement le ministre de la défense en place en 1991 et refuse d’interroger les généraux mis en cause dans les plaintes des victimes qui ont envoyé leurs subordonnés au ministère de l’intérieur, en particulier le directeur général de la Sécurité militaire d’alors, dont le représentant, un officier, assistait aux séances de tortures au ministère de l’Intérieur. Ceci explique cela ? Il est aujourd’hui général, en charge d’un commandement important.

La justice tunisienne s’est largement fourvoyée dans cette affaire. Le procès n’a ni apporté la preuve qu’Abdallah Kallel était présent dans la salle de tortures [ou donné des ordres], ni débattu de sa responsabilité politique et de celle des autres responsables civils et militaires dans ce drame. L’ex-président qui figure parmi les inculpés a été pour ainsi dire absent de l’instruction et des débats. On n’a pas cherché les traces qu’avaient pu laisser cette affaire dans les archives de la présidence, dans celles de l’armée ou de la police politique concernée, la Direction de la sécurité d’Etat, dont le responsable d’alors n’a pas été retrouvé, faute apparemment d’avoir été recherché.

Son chef, M. Ganzoui, qui à l’époque était directeur général des services spéciaux et chapeautait pas moins de six services de police dont la DSE, était bien dans le box des accusés, mais il a soutenu sans être contrarié par ses juges qu’il n’avait eu aucun rapport avec Ben Ali au sujet de Barraket Essahel — alors qu’il est de notoriété publique que Ben Ali, ancien ministre de l’intérieur, avait emporté avec lui à la présidence tout le dispositif sécuritaire tunisien, ne laissant à ses successeurs au ministère que les affaires locales et les pompiers…

Le 1er février, la cour d‘appel militaire doit se prononcer sur le jugement du 29 novembre du tribunal militaire de première instance de Tunis qui a condamné les contumaces à 5 ans de prison et les accusés emprisonnés à 4 ans sans preuve. Le jugement a été basé en partie sur une loi… égyptienne pour exclure la prescription et pour le reste sur la seule intime conviction du juge. C’est une première : la justice militaire ne prévoit un double degré de juridiction que depuis le printemps 2011. On attend un peu plus de clarté et de cohérence dans la décision des juges d’appel. Il importe de reprendre à zéro un procès bâclé et unilatéral, de procéder à une instruction portant sur les civils mis en cause mais aussi sur les officiers supérieurs impliqués qui ont été « oubliés » la première fois, avec une instruction à charge et à décharge, et recueillant également les témoignages demandés par la défense.

Si la révolution avait besoin d’un grand procès pour apaiser l’opinion, pourquoi n’a-t-elle pas jugé par contumace l’ex-président, ce qui aurait permis aux Tunisiens de comprendre le fonctionnement d’un régime autoritaire dont ils ont souffert pendant vingt-trois ans ? On comprend, dans les circonstances actuelles, la réticence des juges militaires à mettre en cause, même après plus de vingt ans, des responsables de l’armée. La raison d’Etat rend-elle la tenue d’un procès équitable impossible ? Dès lors, pour sortir de l’impasse, ne serait-il pas préférable que l’institution militaire procède à la réhabilitation solennelle des victimes de Barraket Essahel, accueille en son sein ceux qui sont encore en âge de servir et offre réparation aux autres ?

A moins que l’objectif caché ne soit de faire taire Abdallah Kallel qui, comme président du Conseil de la nation présent à la télévision au soir du 14 janvier 2011 – aux côtés de son homologue de l’Assemblée nationale, Fouad Mebaâza et du premier ministre, Mohamed Ghannouchi –, figurait dans le trio chargé d’assurer la succession de Ben Ali en fuite. Dans la nuit, il fut écarté tandis que les deux autres prenaient en charge la présidence de la République et la direction du gouvernement, pour des raisons qui n’ont jamais été rendues publiques.

Source: “Resistance Des Peuples” Le 27-01-2012

Liens.: http://rsistancedespeuples.blogspot.com/

http://tunisitri.wordpress.com/2012/01/27/tunisie-laffaire-barraket-essahel-lechec-dun-proces/#more-4533/

Tunisie: Faut-il compter sur les Etats-Unis ou sur nous-mêmes?

Selon William Zartman, professeur et chercheur à l’Ecole des études internationales avancées de l’Université John’s Hopkins de Washington, et spécialiste de la mouvance islamiste et des relations américano-maghrébines, les Etats-Unis d’Amérique ne peuvent aider la Tunisie que par le biais de trois alternatives.

La première consisterait à accroître les échanges commerciaux et à accélérer la mise en place d’une zone de libre-échange entre les deux pays, projet auquel les Etats-Unis accordent une importance très particulière.

La deuxième porte sur l’effort à mener pour attirer vers le site de production international Tunisie un plus grand flux d’investissements directs américains. Dans cette perspective, la Tunisie n’aurait, aux yeux de M. Zartaman, qu’à promouvoir la compétitivité des salaires des ouvriers en Tunisie, entendez par-là leurs bas salaires.

La troisième consisterait à apporter à la Tunisie une aide significative du type «Plan Marshall», célèbre stratégie mise au point par les Américains pour booster la reconstruction de l’Europe après la Deuxième Guerre mondiale. M. Zartman s’est empressé d’exclure ce scénario en raison des difficultés budgétaires et économiques dans lesquelles se débattent, actuellement, les Etats-Unis et en raison du peu d’intérêt stratégique que présente pour eux un tout petit marché comme la Tunisie. Pour lui, son pays ne peut s’intéresser à la Tunisie que dans le cadre d’un marché unique maghrébin de plus de 100 millions d’habitants.

L’Universitaire américain, qui intervenait, vendredi 27 janvier 2012, dans le cadre d’une conférence sur «les relations tuniso-américaines après la révolution», organisée par le club de presse Averroès et le Centre d’étude sur l’islam et la démocratie »(CSID), a été appuyé dans ses thèses par Hamadi Redissi, chercheur et politologue tunisien.

Ce dernier s’est montré, à son tour, fort sceptique quant à tout éventuel projet des Etats-Unis d’aider généreusement la Tunisie et de mettre à sa disposition une enveloppe annuelle de 5 milliards de dollars renouvelable comme le suggérait Radhouane Masmoudi, président du CSID. Pour l’universitaire Redissi, «si la Tunisie allait devenir l’«Israël du Monde Arabe» et bénéficier d’une telle aide, il faut nécessairement qu’elle le justifie par d’éminents services pro-américains».

Ce qui est loin d’être le cas, même si certains seraient tentés de penser que les Etats-Unis sont redevables à la Tunisie pour avoir amorcé pacifiquement et surtout au moindre coût une transition démocratique qui pourrait faire tâche dans la région Mena (Afrique du Nord et Moyen-Orient).

Est-ce nécessaire de rappeler ici que pour les spécialistes, la révolution tunisienne avec comme prime l’adhésion pacifique des islamistes au pouvoir n’aurait coûté que l’équivalent de deux mois de guerre en Irak?

Malgré l’enjeu géostratégique, de ce nouveau souffle démocratique dans le monde arabe, la Tunisie ne serait pas le pays que les Américains chouchouteraient, et ce pour moult raisons.

Il faut dire, d’abord, qu’à l’exception du président Eisenhower qui avait prévu, dans sa doctrine du Moyen-Orient (vers 1956), pour la Tunisie un rôle géostratégique, l’administration américaine n’a jamais, depuis, inscrit le pays du jasmin sur la liste des pays stratégiques dans la région comme l’Egypte, l’Arabie Saoudite ou l’Algérie. En clair, la Tunisie, n’étant ni un pays gros producteur de pétrole et de gaz ni un pays en confrontation directe avec leur allié Israël, est retenue comme un pays de seconde zone.

Concrètement, les Américains perçoivent la Tunisie, tout comme le Maroc d’ailleurs, comme des pays «utiles» destinés soit à faire passer leurs thèses soit à leur fournir des informations confidentielles sur les travaux d’institutions régionales comme la Ligue des Etats arabes.

C’est d’ailleurs dans cette optique que s’inscrit admirablement le témoignage apporté, dans le cadre de cette conférence, par Hatem Ben Salem, ancien ministre de l’Education et surtout ancien secrétaire d’Etat aux affaires européennes.

Il a révélé qu’à la veille de réunions de la Ligue des Etats arabes, le président Ben Ali demandait aux premiers responsables du ministère des Affaires étrangères de contacter l’ambassadeur des Etats-Unis à Tunis pour lui demander s’il avait un message à faire passer ou des attentes particulières des travaux de ces réunions.

C’est pour dire, in fine, que tous ceux qui nourrissent encore des espoirs de voir les Etats-Unis aider généreusement la Tunisie peuvent lourdement se tromper. Ils omettent que nous avons réussi à réaliser le plus difficile de notre Histoire contemporaine, notre propre révolution, celle-là même qui va libérer les énergies et nous permettre de compter sur nous-mêmes et d’oublier définitivement cette quête institutionnelle de l’aide étrangère, d’autant plus que les problèmes légués par le dictateur déchu, fussent-ils nombreux et complexes, sont à portée humaine, bien à notre portée. A méditer.

Source: ”WMC” Le 30-01-2012

 

Une constituante démocratique à l’ombre de l’islamisme?

Si le parti vainqueur du scrutin du 23 octobre avait été un parti de type ordinaire dans la droite ligne du schéma classique de la politique démocratique, cela n’aurait posé de problème à personne. Mais le fait qu’il s’agit d’Ennahdha, qui se dit parti politique «civil»( ?) (hizb siyassi madani), tout en affirmant cependant «s’inspirer dans ses choix et ses programmes des préceptes de la religion islamique», cela constitue à mon sens une curiosité politique digne de figurer comme question d’école, aussi bien du point de vue de la pensée politique contemporaine elle-même que de celui de la simple pratique politique.

Une curiosité disais-je, parce qu’en vérité, un régime qui se proclame républicain ne peut, sans se contredire, se prévaloir d’une autorité légitime politique autre que celle qui est reconnue de droit au peuple comme source unique de la souveraineté politique, je veux dire celle qui est fondée sur le contractualisme du droit positif moderne, même si à bien des égards, d’autres formes de légitimité spirituelles ou religieuses peuvent exister.

Je veux dire précisément que toute tentative visant à dénaturer cette souveraineté politique octroyée au peuple, en l’amputant par exemple de certaines prérogatives, ou en la soumettant à d’autres forces souveraines concurrentes, qu’elles soient extranaturelles ou mondaines, ne peut être qu’une tentative vaine qui, en plus de la confusion qu’elle sème dans les esprits, la situe d’emblée à contre-courant de l’esprit républicain moderne dans son essence. Il faut comprendre qu’il s’agit là de l’esprit qui anime la pensée laïque, et qui dans ses diverses figures, mène un combat pour l’instauration universelle du principe de la séparation entre l’Etat et la Religion, l’Etat moderne étant par définition l’espace neutre, ou si l’on veut le lieu de confluence des diversités citoyennes, et non l’instrument séculier et profane d’un culte ou d’une religion.

Mais qu’est-ce à dire ? Serions-nous en train de suspecter Ennahdha de double langage et aussi, ce qui serait plus grave, d’incohérence politique ? Ce parti n’a-t-il pas remporté haut la main les élections de l’Assemblée nationale constituante, de sorte qu’il est plutôt de mauvais goût de lui faire chicane sur sa légitimité populaire? 

Il faut reconnaître sans doute que personne ne doute en gros de la transparence et de l’honnêteté des élections du 23 octobre, mises à part quelques récriminations de détail. Seulement et malgré tout, bien des voix s’élèvent chez nous pour exprimer des craintes sérieuses vis-à-vis de la teneur républicaine du parti qui se trouve par la voie des urnes et le plus légitimement possible à la tête d’une coalition gouvernementale et parlementaire contre–nature, il faut bien le dire, et qui, à brève ou à moyenne échéance, mettra très probablement à rude épreuve notre toute jeune démocratie. Mais au fait, que s’est-il donc passé lors de ces dernières élections pour susciter de telles inquiétudes, surtout après que le verdict des urnes s’est traduit par une coalition parlementaire pour le moins bizarre ?

En bonne logique électorale il est vrai, il n’y aurait rien à redire, puisqu’au petit jeu des regroupements parlementaires, presque tout est permis afin que se dessine rapidement au sein de la Constituante les lignes de démarcation entre le bloc au pouvoir et celui des formations politiques qui se déclarent devoir être dorénavant dans l’opposition. 

Mais là où le bât blesse, c’est qu’il s’agit d’un parti, Ennahdha en l’occurrence, qui n’a pas réussi, selon moi, à convaincre ses contradicteurs ou bien ses adversaires de la bonne foi…de sa politique républicaine. Trop de discordances dans son discours! On ne sait plus où donner de la tête.  Mais de quoi s’agit-il enfin ? D’un parti politique tout court, c’est-à-dire d’un parti non confessionnel au sens moderne du terme, ou bien d’une association caritative de la société civile, ou alors d’un parti politique religieux, mais qui toutefois ne veut pas dire son nom ?

Il faut dire que les déclarations de certains de ses dirigeants éminents laissent planer le suspense entre les trois possibilités à la fois ; sans parler bien entendu des débordements soi-disant collatéraux de l’armée de réserve salafiste qui contribuent déjà à semer le doute et la terreur dans le rang de nos paisibles concitoyens. Ennahdha a beau essayer de trouver la parade à ce trilemme en déclarant qu’elle est plutôt un mouvement politique(ou un parti) civil «hizb siyassi madani», mais cela ne diminue en rien la perplexité dans laquelle se trouve le citoyen, car un parti étant par essence politique, cela lui ajouterait quoi de l’affubler du qualificatif.de «civil» ? Car n’étant nommément ni un parti religieux ni une O.N.G. pour mériter le distinctif de civil» madani», quel genre de parti serait-il donc ?

La réponse se trouve peut-être dans la dénomination complète du parti Ennahdha qui, ainsi que je l’avais évoqué plus haut, se dit être expressément «un parti politique civil qui s’inspire des principes de l’islam et de la culture arabo-musulmane». 

On peut penser évidemment qu’une telle dénomination ne devrait pas faire problème, du moment qu’il s’est formé depuis longtemps un quasi consensus sur la particularité attribuée à l’Etat tunisien, à savoir celui d’être un «Etat indépendant et souverain dont la religion est l’Islam et la langue l’arabe». Il reste cependant que l’équivoque n’est nullement levée, du moins d’un point de vue strictement moderniste. En effet, le problème reste entier de par la collusion savamment entretenue entre le caractère à la fois politique et civil du parti («siyassi et madani»), formulations qui voudraient signifier qu’il est question en fait d’un parti politique religieux, mais qui aurait intérêt, du moins pour l’instant, à mettre en sourdine son identité religieuse, puisqu’il se déclare publiquement comme un parti de nature civile, autrement dit sans connotation religieuse particulière, alors que dans le même mouvement, il ne recule pas devant l’affirmation conjointe et plutôt contradictoire «qu’il s’inspire dans ses choix et ses programmes des préceptes de la religion islamique». 

Peut-être qu’une telle formulation est considérée comme moins contraignante idéologiquement, et donc plus souple politiquement qu’une théocratie publiquement proclamée; affirmation politique qui ne manquerait pas justement de susciter la méfiance ou la susceptibilité de bien des démocrates aussi bien chez nous que dans le monde… ?

Mais à quoi donc rimerait tout cela ? Je ne pense pas en tout cas qu’il s’agit là d’un vulgaire tour de passe-passe langagier ou d’une anodine querelle de mots. Au contraire, je suis enclin à croire que derrière ces joutes oratoires se profile en vérité tout le drame de notre situation de musulmans devant le déferlement de la modernité scientifique, technique, culturelle et politique. On ne sait plus tout simplement à quel saint se vouer, comme on dit.

Car, tandis qu’en Occident, tous les pans de la modernité avaient pu avancer de concert malgré les excès et les heurts qu’on connaît, de sorte qu’une espèce de pacte de bonne entente a pu se conclure et s’installer entre l’Eglise et la société civile et politique, il faut reconnaître que chez nous, les choses ne se seraient pas passées de la même manière à telle enseigne que nous sommes depuis plus d’un siècle comme désemparés devant une condition vécue de façon dramatique et contradictoire, celle d’être tout à la fois musulmans et modernes ! 

Certains musulmans n’arrivent pas en effet à faire leur deuil de l’Islam politique devenu obsolète par la force des choses. En réalité, ils répugnent à l’idée de se défaire de la vieille conception impériale, moniste et totalitaire du pouvoir politique sur laquelle les exégètes médiévaux ont fondé la théorie, très controversée par ailleurs, du Califat. 

Mais enfin, ne se doutent-ils pas qu’en pensant de la sorte, ils veulent tout simplement acculer les musulmans d’aujourd’hui à vivre dans des systèmes politiques autocratiques d’un autre âge, un âge où l’idée de démocratie libérale moderne n’existait même pas, ni en tant que concept ni en tant que réalité politique ?

Je voudrais quand même rappeler, à l’occasion, que la démocratie est une «invention» des temps modernes, et qu’elle est née dans un terreau qui a dû voir tout d’abord éclore une philosophie universaliste de la dignité intangible de l’homme, et donc de son fondement : l’Individu-Sujet-de Droit ; «invention» comme on en a pas connu d’équivalent chez nous, aussi profondément qu’on s’enfonce dans notre long passé philosophique, culturel et politique.

Sinon qu’on veuille bien nous démontrer, avec preuves à l’appui, que la démocratie libérale parlementaire, comme institution politique fondée sur la liberté absolue de conscience et sur l’égalité des citoyens devant la loi, quels que soient le sexe, la religion ou l’appartenance sociale, avait bel et bien existé pendant l’Antiquité et le Moyen Age, et a fortiori, du temps des Califes !  Aussi, voudrais -je bien dire haut et fort que toute politique qui déroge à ces préceptes fondateurs de l’esprit démocratique moderne, en niant par exemple l’égalité absolue des sexes ou en limitant la liberté de conscience ou d’expression, ne peut être au fond que l’expression politique d’un déni flagrant de l’esprit républicain. 

C’est à mon sens pour cette raison impérieuse de philosophie politique qu’un Etat de type moderne ne saurait être régi par les valeurs religieuses en tant que telles, c’est-à-dire par des valeurs qui transcendent forcément les individus et même les communautés, du fait même que dans les nations modernes, où les communautés religieuses peuvent être aussi nombreuses que diverses, aucune d’elles ne doit pouvoir s’arroger le droit d’exercer son diktat sur les autres au nom par exemple de la religion majoritaire, sur la foi qu’elle serait légitimement hégémonique.

Dans une nation moderne, en effet, chaque individu-citoyen est par définition absolument libre de croire, ou même de ne pas croire, et surtout de refuser de s’accommoder des conséquences juridico-politiques contraignantes qu’une religion majoritaire voudrait imposer à l’ensemble des citoyens, en vertu justement de la liberté de conscience, qui est, comme on l’a dit, au coeur même de la pensée démocratique libérale, liberté que seul un Etat laïque, c’est-à-dire non confessionnel, et donc neutre vis-à-vis de toutes les formes de la spiritualité religieuse, est à même de garantir en distinguant soigneusement le spirituel du temporel, sans tomber bien évidemment dan le laïcisme qui n’est qu’une forme perverse de l’esprit laïque.

En conséquence, ce parti politique qui se présente malgré tout comme non religieux, puisqu’il se dit civil, ne devrait pas à mon sens, jouer sur l’amalgame simpliste, mais savamment entretenu, entre la notion de majorité et celle de démocratie, comme si l’une pouvait remplacer l’autre.  Se prévalant de sa majorité, et donc d’une légitimité toute démocratique, ce parti semble croire que la prise du pouvoir va lui laisser les coudées franches afin que tout lui soit permis; majorité oblige ! Quitte même à brader en douce, par des procédures étatiques rampantes et délictueuses que l’on ne connaît que trop, la démocratie elle-même ! Je veux dire très exactement qu’au nom du légitimisme de la majorité religieuse, on peut tordre facilement le cou aux principes fondateurs de la démocratie elle-même. Comme le disait déjà Aristote, la notion de la majorité, celle qui exprime en principe la volonté populaire, du moment qu’elle est la voix du plus grand nombre, n’est qu’un indice parmi d’autres de la démocratie, et ne définit donc nullement son essence. Pour ce philosophe, c’est la liberté qui est le principe de la démocratie, et non une triviale question de comptage.  En effet, une majorité, par la seule vertu, toute arithmétique de son nombre, quelle soit par ailleurs religieuse, prolétarienne ou d’un autre genre, peut amener en toute bonne foi aux pires dictatures ! Devrais-je les dénombrer ?

La démocratie, disons-le une bonne fois pour toutes, ne peut être confondue avec un trivial cartel de sondage d’opinions publique où c’est le quantitatif du plus ou du moins qui règne. En démocratie, nous sommes tout d’abord dans un monde de valeurs, de valeurs qualitatives, s’il vous plaît. En un mot, la démocratie républicaine n’est ni uniquement ni forcément l’expression de la volonté d’une majorité, même bien élue, de sorte que la démocratie bien comprise ne se confond pas automatiquement avec la majorité légalement acquise, ainsi que beaucoup ont tendance à le penser.  En vérité, une majorité n’est crédible en démocratie que dans la mesure où elle se donne les moyens de ne pas… se retourner contre les principes libéraux qui la fondent en tant que majorité. Finalement si la majorité est un concept nécessaire à toute démocratie, elle n’est certainement pas suffisante pour déterminer son statut politique.

Le parti Ennahdha, une fois au pouvoir, sera-t-il tenté par exemple de jouer sur sa majorité islamiste, avec bien sûr le renfort et le soutien condescendant de ses alliés, pour faire adopter à l’Assemblée constituante des textes qui abrogeraient certaines dispositions du Code du statut personnel ? La question est d’autant plus pressante, me semble-t-il, que l’allégeance apportée par un dirigeant éminent de ce parti à un dignitaire religieux wahhabite tel qu’Ibn Baz dans sa Fatwa (consultation juridique islamique) qui avait décrété l’apostasie de Bourguiba sur la question de la libération des femmes musulmanes tunisiennes de l’emprise rétrograde des traditions séculaires, nous fournirait plus d’un motif sérieux de suspicion et de méfiance relativement aux anathèmes jetés sur le modernisme tunisien dans son ensemble. 

N’est-ce pas là des raisons impérieuses pour rester vigilants et de ne pas céder à l’atmosphère de crédulité béate et généralisée en faveur du fondamentalisme religieux ? 

Au fond, et pour dire les choses comme elles sont, pourquoi voulez-vous qu’un parti islamiste se donne tant de peine pour conquérir le pouvoir si ce n’est pour asseoir sa vision forcément religieuse du fonctionnement de la Cité et du monde ? Mais si des fois, telle n’est pas son intention, alors une fois encore, pourquoi tant de peine? Prendre le pouvoir pour quoi faire si l’on promet à qui veut vous l’entendre dire qu’il ne sera touché à rien ?! Même pas pour revenir sur les acquis modernistes du Code du statut personnel, pourtant mille fois décrié par les fondamentalistes de tout bord ? Peut-être une simple retouche pourrait-on dire, pour libérer les femmes par exemple…du joug de la modernité occidentale en libéralisant le niqab et le voile ? Consolation bien maigre semble-t-il, au regard des sacrifices consentis, mais aussi tristement révélateurs de ce qui doit peut-être nous attendre.  Mais peut-être aussi, et j’en oublie, pour promouvoir la démocratie qui était restée en panne pendant des décennies ? C’est vrai, la démocratie, c’est nouveau chez nous. Mais ce serait donc aux islamistes de la faire, cette transition démocratique? Car, au fond, ils n’y croient pas franchement, puisqu’il ya toujours dans leur conception de la souveraineté politique une primauté de la souveraineté «politique» divine à laquelle la volonté populaire serait de toute façon subordonnée et soumise.  Décidément, être musulman aujourd’hui requiert de remettre nos pendules métaphysiques à l’heure de la modernité. Notre grand poète national Chabbi nous en a donné pourtant depuis longtemps l’exemple. Il faut faire le choix douloureux, déclamait-il dans un poème célèbre, de décider de vivre, en décrétant péremptoirement que dans ce bas-monde, nous sommes nés libres ; que Dieu lui-même nous a créés libres de toute entrave de sorte que nous sommes les seuls responsables de nos choix et de nos actes.

Pour moi, Chabbi devrait être considéré à ce titre comme le père de la révolution intellectuelle tunisienne et même musulmane, puisqu’il a osé faire ce qu’aucun théologien musulman n’avait jamais osé faire. Il a tout simplement fait descendre la philosophie dans la rue ! Notre Destin est le nôtre, ont crié à l’unisson et après lui tous les peuples musulmans et arabes de la Terre. Et ils le crient aujourd’hui encore plus fort qu’hier. 

Notre Destin, c’est très simple, nous en sommes les seuls maîtres, clament-ils. Fini pour toujours les élucubrations métaphysiques oiseuses des doctes assemblées sur le libre choix des hommes ou sur la fatalité divine. Dorénavant, c’est le peuple qui décidera lui-même de son sort politique en toute conscience et en toute liberté.

Certes, ce ne sont là que les premiers pas de la démocratie en Tunisie et dans le monde arabo-islamique, et le chemin à parcourir reste long, plein d’entraves et d’embûches. Mais c’est toujours le premier pas qui coûte, puis quand le train de la révolution s’ébranle, il n’y a plus qu’à continuer le combat.  Une strophe du poème de notre grand poète, inscrite en lettres d’or dans notre hymne national, n’a-t-elle pas déjà enflammé le coeur de ceux qui nous ont déjà devancés dans la lutte pour une identité nationale recouvrée et une identité culturelle et spirituelle apaisée ?

Source: “Leaders” Le 30-01-2012

Lien: http://www.leaders.com.tn/article/une-constituante-democratique-a-l-ombre-de-l-islamisme?id=7549

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