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Terrorisme : un Tunisien interpellé à Roissy à son retour d’Ethiopie
Pétrole: la Tunisie prévoit le forage de 75 puits d’ici 2011
AFP, le 30 août 2007 à 12h45
TUNIS – Le gouvernement tunisien prévoit le forage d’environ 75 puits de pétrole et l’octroi de 44 permis de prospection d’hydrocarbures entre 2007 et 2011, a-t-on appris jeudi auprès du ministère tunisien de l’Industrie, de l’Energie et des PME.
Quinze puits devraient être forés par an et huit permis de prospection d’hydrocarbures seront accordés chaque année, a-t-on précisé de même source.
En Tunisie, où trois nouveaux gisements en moyenne sont découverts chaque année, les réserves pétrolières sont estimées à 425 millions de tonnes, selon les chiffres officiels.
Les autorités tunisiennes ont multiplié ces dernières années l’attribution des permis de recherche d’hydrocarbures pour tenter d’augmenter la production nationale, après l’épuisement des principaux gisements du pays.
Petit producteur, ce pays exporte annuellement 2,5 millions de tonnes de brut et importe plus d’un million de tonnes pour une production estimée à 3,4 millions de tonnes équivalent pétrole (2006).
Ses recettes à l’exportation ont atteint 815 millions d’euros au cours du premier semestre 2007, soit une augmentation de 45,9% par rapport à 2006, grâce au retour à l’exploitation de petits gisements jugée trop coûteuse auparavant, selon l’Institut National de la statistique (INS).
La Tunisie avait concédé en juin à Qatar Petroleum, pour deux milliards de dollars, la construction et l’exploitation durant 30 ans d’une raffinerie à Skhira (Sud-Est) d’une capacité de 120.000 barils/jour.
Les compagnies américaines détiennent 38% des parts du marché tunisien de la production et de l’exploration d’hydrocarbures, viennent ensuite les entreprises européennes, canadiennes et arabes.
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Décès du Pr Mohamed Souissi
Un savant hors pair
• Mathématicien, astronome, historien des sciences, docteur en langue et littérature arabes, enseignant, fervent militant pour la culture scientifique et auteur de plusieurs termes scientifiques en arabe
Avec le départ du professeur Mohamed Souissi, décédé à Tunis le 24 août, à l’âge de 92 ans, la Tunisie vient de perdre un éminent savant, mathématicien, historien des sciences, militant pour la culture scientifique et fervent défenseur de la langue arabe en tant qu’outil de la science et de l’innovation.
A la fois physicien, mathématicien, astronome et docteur en langue et littérature arabes, le Pr Souissi, né le 21 février 1915 à Dar Chaâbane, peut être considéré, à juste titre, comme l’un des génies de la science en Tunisie au cours du XXe siècle.
Mu par une foi inébranlable en l’apport des sciences pour le progrès de nos sociétés arabes et musulmanes, il a consacré sa vie à prôner le message de la rationalité.
Auteur prolifique, il jouissait d’une notoriété qui grandissait avec la percutance de ses idées, en Orient comme en Occident. Avec 46 années passées sur les estrades des lycées et des amphis jusqu’à sa retraite en 1985, le Pr Souissi était aussi un fin pédagogue qui a laissé une empreinte indélébile dans la carrière de ses élèves et disciples.
Après des études primaires à Dar Chaâbane sanctionnées en 1927 par le certificat (mention Très bien), le regretté rejoint le collège Sadiki et y décroche en 1934 son Bac (1ère partie) en tant que major de promotion puis la 2e partie du Bac au lycée Carnot de Tunis en 1935 (section philo en juin et section math en octobre).
A Paris, où il s’est inscrit à la Sorbonne, il prépare des certificats en physique, en mathématiques et en astronomie puis il y décroche en 1948 son Capes d’arabe et en 1958 l’agrégation. Ce n’est qu’en 1969 qu’il soutient, à la Sorbonne, avec la mention Très honorable, sa thèse de doctorat d’Etat en langue et littérature arabes, «la langue des mathématique en arabe avec un lexique de près de 2.000 termes scientifiques (en français — traduite en arabe et éditée par l’Académie «Beït El Hikma» de Tunis en 1989). Avec pour résultat, entre autres, la création de plusieurs termes mathématiques en arabe.
Membre de plusieurs institutions scientifiques prestigieuses, arabes, africaines et européennes, le Pr Souissi a présidé également plusieurs colloques scientifiques tunisiens et internationaux et produit des dizaines d’articles originaux publiés dans plusieurs revues scientifiques prestigieuses ainsi que des ouvrages de références dont bon nombre ont été consacrés à l’annotation d’écrits scientifiques de savants arabes et musulmans du Moyen-âge.
Connu pour son militantisme en faveur de la culture scientifique, inauguré dès les années 1930, il a marqué la vie intellectuelle tunisienne de 1945 à 1947 en publiant une série d’articles dans ce sens dans la célèbre revue de l’époque Al Mabaheth (fondé par Mohamed El Bachrouch et dirigée à l’époque par Mahmoud Messadi).
Titulaire du Prix de l’innovation culturelle qu’il a reçu le 7 novembre 1997, le Pr Souissi a fait l’objet d’un vibrant hommage de «Beït El Hikma» le 8 novembre 2000, organisme qui a également édité une importante sélection de ses travaux, précédés d’une biographie assez détaillée et une préface de la plume du Pr. Abdelwahab Bouhdiba, président de ladite académie.
Plus cité par les revues scientifiques que par les médias, la cité des sciences l’avait invité le 7 avril 2006 à discourir sur les savants tunisiens et leur apport à l’humanité, séance qu’il avait animée avec le chercheur Abdelhadh Ben Mansour, un des plus grands spécialistes du manuscrit en Tunisie.
Foued ALLANI
(Source : « La Presse » (Quotidien gouvernemental– Tunis), le 30 août 2007)
Ça swingue en Tunisie
Un vent nouveau souffle sur la scène musicale tunisienne. Ils sont jeunes, passionnés et bien décidés à imposer leur style. Eux, ce sont les trois frères Gharbi, à l’origine du groupe musical Les Garby’s. Mais ne leur dites surtout pas qu’ils font partie de la nouvelle vague de chanteurs. « On joue de la musique depuis toujours », vous rétorqueraient-ils. Natifs de Bizerte, au nord de la Tunisie, Sami (36 ans), Anis (33 ans) et Lotfi (26 ans) sont tombés dedans quand ils étaient petits. Adolescents, ils étaient fans des Beatles, des Scorpions et du groupe de rock Queen. Aujourd’hui, leur style musical s’apparente à la World Music. Entendez toutes les musiques du monde. L’objectif étant de ne pas se limiter à un seul genre.
« L’important pour nous n’est pas d’être pop ou rock, mais de délivrer un message », explique Sami, l’aîné et le meneur de la bande. Car l’originalité de ce groupe réside bien là : ils sont engagés et le font savoir. Les tourments de la vie, la complexité de l’être humain, les amours impossibles sont leurs thèmes de prédilection. Et s’ils privilégient la musique occidentale, Les Garby’s restent profondément attachés à leur culture arabo-musulmane. Une bonne partie de leur répertoire est teintée de rythmes orientaux. En anglais, en français ou en dialecte tunisien, leurs chansons sont devenues en l’espace de sept ans – leur premier concert date de 2000 – incontournables sur la scène musicale nationale.
Une scène qui a connu beaucoup de bouleversements ces dernières années. On peut situer le début des changements en 1983, date de naissance de la Troupe nationale de musique. Cette initiative avait donné une impulsion significative à la création musicale, permettant l’émergence d’interprètes comme Sonia M’barek, Saber Rebaï ou encore Nawal Ghacham. Par la suite, de nouvelles tendances de métissage et de musiques improvisées ont vu le jour à la fin des années 1990 avec de nombreux compositeurs-interprètes tels que Dhafer Youssef, Anouar Brahem ou encore Fawzi Chekili, le pionnier du jazz en Tunisie.
Un autre courant a fait évoluer le paysage musical. Underground et très engagé, ce nouveau style s’est développé notamment grâce au groupe Neshez, autour de Heykal Guiza et Skander Bouassida. Né en 1998 à Tunis, le collectif Neshez a créé la surprise avec des rythmes empruntés à une palette de cultures musicales très variées comme le reggae, le rock, le ska, mais aussi le malouf. Une autre tendance, plus électronique celle-ci, est représentée depuis 2003 par le groupe Zemeken (contraction de zemen, le temps en arabe, et de meken, le lieu).
Cette effervescence a inspiré de nombreux jeunes groupes comme le duo Samsa, lauréat du premier prix des groupes lors du Festival de la musique tunisienne 2007. Fruit de la rencontre entre deux artistes, Sana Sassi et Skander Guetari, l’univers de Samsa oscille entre la musique orientale et occidentale. Il est question d’amour, de tristesse, de révolte et de courage. Dans un autre registre, le groupe X-Tension s’adresse à la jeunesse tunisienne. Les membres de ce collectif, Balti, Nigro et R2M, revendiquent leur originalité avec un mélange de reggae, de R’n’B et de rap. Leur style – une musique entièrement composée par ordinateur et un son à mi-parcours entre l’occidental et l’oriental – veut ratisser large. Mais pas question de surfer sur la vague des rappeurs violents aux textes agressifs traduisant le mal de vivre de la jeunesse. Le message de X-Tension est résolument positif.
Si la tendance est aujourd’hui clairement aux groupes, certains n’hésitent pas à se démarquer en se lançant seuls dans l’aventure. C’est le cas de la jeune chanteuse Amel Mathlouthi qui, après deux ans passés au sein d’un groupe, décide en 2002 de démarrer sa carrière solo, munie de sa seule voix et de sa guitare. À 25 ans, cette passionnée de musique et de théâtre compte déjà plus d’une quarantaine de concerts à son actif. Et, malgré son jeune âge, Amel a des idées bien arrêtées sur la profession. Précision préventive : « Je n’aime pas les étiquettes, je ne veux pas qu’on m’enferme dans telle ou telle catégorie musicale. »
À 10 ans, Amel écrit sa première chanson. Et, après de nombreux textes rédigés et chantés en anglais, elle composera sa première chanson en tunisien (« Khaief ») en 2004, affirmant que chacun se doit de s’exprimer dans sa langue. Son répertoire est un savant mélange de musique occidentale, celtique et de rock’n roll. Ses idoles s’appellent Joan Baez et Bob Dylan. Amel reste néanmoins une fan du célèbre chanteur tunisien Cheikh al-Afrit et de la cantatrice juive Habiba M’sika. Avec une sensibilité à fleur de peau, la jeune fille chante tout ce qui la révolte, dénonçant d’une voix naturelle et envoûtante les injustices du monde et les contraintes de la société.
Et les artistes ne sont pas les seuls à bouger. Du côté des autorités, on s’active aussi. Une consultation nationale sur la musique débutée en octobre 2006 et achevée à la fin de mars 2007 a permis de faire le point sur les réalisations et les efforts à entreprendre dans les domaines de la collecte du patrimoine musical, de la production, de la diffusion et de la promotion d’une musique innovante et moderne. Objectif : généraliser l’enseignement musical. Alors, en avant la musique !
(Source : « Jeune Afrique » (Magazine hebdomadaire – France), N° 2433 du 26 août au 1er septembre 2007)
Apprendre à chanter
Dans le domaine de l’enseignement musical, la Tunisie a beaucoup progressé depuis la fin des années 1990, grâce notamment aux initiatives de quelques musicologues formés en France comme Mourad Sakli et Mohamed Zinelabidine.
La création de cinq instituts supérieurs de musique implantés sur l’ensemble du territoire, à l’instar de l’Institut supérieur de Sfax, et le lancement d’une vingtaine de festivals internationaux sont les preuves d’une évolution dans ce domaine.
Sans oublier l’ouverture d’une unité de recherche doctorale en musicologie destinée à promouvoir une connaissance approfondie de cet art.
(Source : « Jeune Afrique » (Magazine hebdomadaire – France), N° 2433 du 26 août au 1er septembre 2007)
L’influence du lobby juif aux Etats-Unis au coeur d’un nouvel ouvrage
AFP, le 30 août 2007
Par Luis TORRES DE LA LLOSA
NEW YORK, 30 août 2007 (AFP) – Un livre à paraître prochainement et écrit par deux professeurs américains remet en question la politique de soutien diplomatique et militaire des Etats-Unis envers Israël, et relance la question du rôle des Etats-Unis au Proche-Orient.
“Le lobby israélien et la politique étrangère américaine” (“The Israel Lobby and US Foreign Policy”) est le fruit des réflexions de deux influents spécialistes de sciences politiques, John Mearsheimer de l’Université de Chicago (Illinois, nord) et Stephen Walt de Harvard (Massachusetts, nord-est). L’ouvrage doit sortir en librairie mardi 4 septembre.
Ce livre est dans la droite ligne d’un de leurs articles publié l’an dernier et qui avait créé un virulent débat: les auteurs estiment que le soutien à Israël n’est pas basé sur des raisons stratégiques ou morales, mais s’explique par la pression des lobbys juifs, des groupes chrétiens fondamentalistes et des néo-conservateurs favorables aux idées sionistes.
Cela a pour conséquence, selon MM. Mearsheimer et Walt, une politique américaine déséquilibrée au Proche-Orient qui a conduit à la décision d’envahir l’Irak et de menacer l’Iran et la Syrie, au prix d’une sécurité fragilisée pour le monde occidental.
“Israël n’a pas le poids stratégique que les Etats-Unis mettent en avant. Israël a pu avoir un poids stratégique pendant la Guerre froide, mais il est devenu un handicap grandissant maintenant que celle-ci est terminée”, écrivent les auteurs.
“Le soutien inconditionnel à Israël a renforcé l’anti-américanisme dans le monde, a contribué à alimenter le problème de terrorisme pour les Etats-Unis, et a affaibli les liens avec des alliés en Europe, au Proche-Orient et en Asie”, ajoutent-ils.
Selon les deux professeurs, “soutenir le traitement infligé aux Palestiniens par les Israéliens a renforcé l’anti-américanisme dans le monde et a presque certainement aidé les terroristes à recruter
de nouveaux volontaires”.
Abraham Foxman, directeur de la Ligue contre la diffamation (Anti-Defamation League) a qualifié le livre de “récit biaisé et insidieux du conflit israélo-arabe et du rôle des soutiens d’Israël aux Etats-Unis”, dans une interview à l’AFP.
“Chaque élément de la politique américaine par rapport à ce conflit est exagéré, comme si les Etats-Unis étaient seulement du côté d’Israël et que leur politique était le simple produit du lobby d’Israël”, estime-t-il.
Dans un ouvrage à paraître le même jour, M. Foxman contredit de manière virulente la thèse des deux universitaires. Son titre: “Les
mensonges les plus meurtriers. Le lobby d’Israël et le mythe du contrôle juif” (“The Deadliest Lies. The Israel Lobby and the Myth of Jewish Control”).
MM. Mearsheimer et Walt soulignent l’aide militaire et économique de trois milliards de dollars reçue chaque année par Israël – soit plus que tout autre pays.
Ils notent aussi le soutien diplomatique apporté par Washington: entre 1972 et 2006, les Etats-Unis ont mis leur veto à 42 résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU qui critiquaient la politique d’Israël, et ont contribué à maintes reprises à en affaiblir d’autres en brandissant la menace du veto.
Abraham Foxman contre-attaque en arguant que l’amitié entre les deux pays va dans les deux sens et que les Etats-Unis ont aussi bénéficié de cette relation.
Dans la conclusion de leur livre, Mearsheimer et Walt prônent un changement de politique envers Israël.
Mais à un peu plus d’un an de l’élection présidentielle, les universitaires estiment tout à fait improbable que cette question soit posée pendant la campagne électorale.
“La seule question sur laquelle il n’y aura aucun débat est la question sur l’opportunité pour les Etats-Unis de continuer à soutenir inconditionnellement Israël”, affirment-ils.
Irak – Enquête du Pentagone sur des détournements d’armes US
Reuters, le 30 août 2007
WASHINGTON, 30 août (Reuters) – L’inspecteur général du Pentagone se rendra la semaine prochaine avec une équipe en Irak pour enquêter sur des soupçons d’utilisation par des combattants kurdes d’armes américaines contre la Turquie, a déclaré mercredi le département de la Défense.
“Depuis janvier, les services de l’inspecteur général enquêtent minutieusement sur des cas d’armes non répertoriées ainsi que sur des allégations d’armes qui tombent dans de mauvaises mains”, a déclaré le porte-parole Geoff Morrell.
En juillet, l’ambassadeur de Turquie aux Etats-Unis avait affirmé que les dirigeants kurdes détournaient des armes destinées aux forces de sécurité irakiennes au profit de combattants du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).
L’armée a parallèlement lancé deux enquêtes sur d’éventuelles fraudes impliquant des milliers de contrats de sous-traitants en Irak et au Koweït après l’inculpation de 20 employés civils et militaires de l’Army pour corruption.
On ignore l’étendue de la fraude, mais un responsable de l’armée a qualifié le problème d’important.
Plus de 18.000 contrats d’un montant total estimé à trois milliards de dollars ont été attribués par l’armée américaine depuis l’invasion de l’Irak au printemps 2003.
Goodbye, Lénine? Des vestiges soviétiques renaissent dans l’Arctique
AFP, le 30 août 2007
Par Pierre-Henry DESHAYES
BARENTSBURG (Norvège), 30 août 2007 (AFP) – Le territoire est norvégien mais ce sont une statue de Lénine et la faucille et le marteau que l’on remarque ici. Dans une communauté minière témoin
d’une grandeur soviétique révolue, la Russie affiche sans vergogne son appétit retrouvé pour l’Arctique.
Anachronique et, diraient certains, déplacé, le village de Barentsburg est depuis 1932 une enclave russe en plein coeur de l’archipel du Svalbard. Même si ces lieux sont officiellement sous juridiction de la Norvège, aucun de ses 500 habitants n’est originaire du pays scandinave, ni même n’en parle la langue.
Pour le visiteur, le bureau de La Poste norvégienne, noyé au milieu des pancartes en caractères cyrilliques, est le seul signe tangible de cette souveraineté.
Ici ou là, on repeint les vieux bâtiments, on remplace leurs vitres brisées, on répare la voirie, on collecte les ferrailles rouillées sous le regard indifférent d’un buste de Lénine qui trône obstinément depuis des décennies sur la place centrale.
Tombé en déliquescence après l’implosion de l’URSS, le village jalonné de fresques de travailleurs triomphants reprend progressivement des couleurs, signe du regain d’intérêt de la Russie pour l’Arctique et son potentiel de ressources naturelles.
Bon an mal an, le filon de Barenstburg ne régurgite guère que 120.000 tonnes d’un charbon de médiocre qualité. Mais, pour la compagnie minière d’Etat Arktikugol Trust, la remise en état de la bourgade participe visiblement d’une stratégie de reconquête. “Nous pouvons poursuivre la production jusqu’en 2020”, affirme Boris Nagayk, le bedonnant directeur de la compagnie sur place. “Mais nous avons une autre mine à Grumant (…) qui pourrait être rouverte en 2010”, ajoute-t-il tandis que derrière lui un vraquier charge du charbon pour l’Espagne.
Séparé de Barentsburg par quelques dizaines de kilomètres, le filon de Grumant, actuellement à l’abandon, dispose, selon lui, de réserves suffisantes pour être exploité une cinquantaine d’années.
Après être tombée à 300 habitants, la population de Barentsburg pourrait ainsi tripler dans les années qui viennent. Seuls neuf enfants y vivent à présent mais l’objectif déclaré est, désormais, de faire également venir les familles des “gueules noires”.
Cette présence russe est rendue possible par le Traité de Paris de 1920 qui a attribué le Svalbard à la Norvège. Le texte garantit aux ressortissants des Etats signataires un droit égal à la pratique d’activités minières ou commerciales. Il interdit aussi toute présence militaire sur l’archipel.
Selon l’US Geological Survey, l’Arctique abrite un quart des réserves de pétrole et de gaz naturel restant à découvrir sur la planète.
Côté norvégien, on accueille sans crispation ce réveil russe qui s’accompagne d’initiatives autrement spectaculaires telles que la pose d’un drapeau russe à plus de 4 kilomètres à la verticale du pôle Nord ou le déploiement tous azimuts de bombardiers stratégiques.
Pour les Scandinaves, il faut seulement y voir la manifestation d’une marge de manoeuvre financière retrouvée grâce à l’envolée du cours des matières premières dont la Russie est riche.
“Nous sommes plutôt relax sur cette question”, confie le
ministre norvégien de l’Aide au développement, Erik Solheim, à l’AFP. “Au plus fort de la Guerre froide, il y avait 3.000 Russes au Svalbard contre seulement 1.000 Norvégiens”. Aujourd’hui, le rapport de forces est inversé avec environ 1.800
Norvégiens pour 500 Russes et Ukrainiens.
Surdimensionné, l’héliport de Barentsburg, qui arbore encore le marteau et la faucille, témoigne de cette présence russe autrefois massive.
A Longyearbyen, chef-lieu de l’archipel essentiellement peuplé de Norvégiens, on met l’accent sur les relations de bon voisinage. “Nous avons plein d’échanges culturels”, explique, tout sourire,
Per Kyrre Reymert, un conseiller du gouverneur local. “Ils viennent ici, ils dansent, ils chantent et ils nous mettent la raclée aux échecs et nous, nous allons là-bas, nous chantons, nous dansons et nous prenons une leçon au badminton”.
AFP
Turquie: valeurs morales et laïcité plutôt que charia ?
Reuters, le 30 août 2007
Par Tom Heneghan
Paris (reuters) Pour les tenants d’un islam politique axé sur la promotion démocratique des valeurs musulmanes plutôt que sur la proclamation de la “charia”, l’élection d’Abdullah Gül à la présidence turque est une victoire, estiment les experts du monde musulman.
Selon eux, la question n’est pas de savoir si l’AKP, le parti issu de la mouvance islamiste auquel appartiennent M. Gül et le premier ministre Tayyip Recep Erdogan, vise à l’établissement d’un
Etat islamique. Ils estiment que le parti a déjà abandonné cet objectif, préférant favoriser une démocratie laïque qui respecte les libertés individuelles, y compris la liberté de croyance.
“Démocrates-musulmans”
Ce groupe de “démocrates-musulmans” conservateurs – comme il y eut des démocrates-chrétiens au lendemain de la Seconde Guerre mondiale en Europe occidentale – est apparu dans les années 1990,
après l’échec de l’Iran à exporter l’islam radical en tant que force politique, estiment les experts.
Plusieurs analystes espèrent voir la Turquie servir de modèle aux islamistes arabes, dont beaucoup rêvent de prendre le pouvoir dans leurs pays pour y imposer une stricte application de la loi coranique. Toutefois, le relativement long passé laïque de l’histoire turque a créé dans le pays un climat bien spécifique qu’on ne retrouve nulle part ailleurs au Moyen-Orient.
“Il ne s’agit pas de la charia, mais des grands enseignements moraux de l’islam”, estime Faouaz Gerges, historien du Moyen-Orient à l’université de Bronxville, dans l’Etat de New York. “Les islamistes arabes n’ont pas été capables de dépasser leur obsession de la charia pour fonder un Etat islamique”, a-t-il ajouté.
“Les avertissements de l’armée turque selon lesquels l’AKP menaçait la laïcité établie par Mustafa Kemal Atatürk dans les années 1920 n’étaient qu’un leurre”, estime Jenny White, spécialiste de l’islam politique turc à l’université de Boston.
Elites rivales
“Les tensions en Turquie ne se jouent pas entre laïques et islamistes, mais entre deux élites rivales, dans un jeu à somme nulle où le succès de l’un diminue le pouvoir et les richesses de l’autre”, a-t-elle déclaré.
Plusieurs analystes ont noté, dans le discours inaugural de M. Gül, les louanges répétées envers Atatürk et l’engagement à respecter la laïcité et la démocratie, autant de phrases que n’aurait pas prononcées un islamiste de la vieille école.
Bavière et Pologne
Selon Olivier Roy, islamologue français de renom, la démocratie turque dirigée par l’AKP est comparable aux démocraties bavaroise ou polonaise, où l’influence de l’Eglise catholique demeure encore assez forte.
Pour John Voll, historien de l’islam à l’université Georgetown de Washington, de nombreuses personnes oublient qu’il est possible de croire à la séparation des institutions politiques et
religieuses tout en étant à titre personnel un fervent croyant.
“Nous voyons, avec MM. Gül et Erdogan, l’émergence d’un islam politique non-étatique. Ce ne sont peut-être pas des laïques kémalistes traditionnels, mais ils ne sont pas non plus des fondamentalistes wahhabites traditionnels”, a-t-il déclaré. Mustafa Akyol, journaliste à Istanbul, défend vigoureusement M. Gül dans les colonnes du “Turkish Daily News”.
“Les taliban afghans ou les dirigeants islamiques iraniens donnent de bonnes raisons de se demander si les islamistes peuvent être des démocrates tolérants, mais l’exemple turc montrent qu’islamisme et démocratie ne sont pas nécessairement mutuellement exclusifs. La Turquie montrera qu’il est possible d’être moderne tout en restant musulman”, fait-il valoir.
Analyse Abdullah Gül, nouvelle ère en Turquie