27 octobre 2009

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TUNISNEWS

9 ème année,N° 3444 du 27.10.2009

 archives : www.tunisnews.net  


Liberté et Equité: Nouvelles des libertés en Tunisie AISPP: Communiqué Reporters Sans Frontières: Lettre de prison de Zouhaïer Makhlouf, journaliste en grève de la faim Le Parti communiste françai réaffirme sa solidarité avec les progressistes tunisiens Hélène Flautre: Lettre à M. Koetsenruijter Slim BAGGA: Guerre des tranchées à Carthage Catherine Graciet: Ben Ali avait une Leila de trop Taoufik Ben Brick: « Ben Ali veut ce pays et ma tête » Taoufik Ben Brik: « Zmorda » Omar Khayyam: La princesse de Budapest et son harmonie céleste Ahmed Ounaïes: Elections tunisiennes: LE PROBLEME MORAL RESTE ENTIER Mansour Feki: Un crime de lèse-majesté: Florence Beaugé est refoulée à l’aéroport Tunis Carthage Le journal des stars: Tunisie : Moins de 90% pour Ben Ali Le Parisien: Ben Ali soigne son score Le Temps Suisse: Habib Bourguiba: «Toi aussi, mon fils?» Le Temps Suisse: Ben Ali leader à Tunis, comme d’habitude Le Temps Suisse: Sélim ben Hassen, au cœur du débat Le Temps Suisse: La Tunisie prépare déjà l’après-Ben Ali Lemonde.fr: Pascal Clément (ancien ministre français) juge choquant de dire que la Tunisie n’est pas une démocratie Rue89: Petite forme pour Ben Ali, réélu avec 89% des voix seulement El Watan: Ben Ali V et le « miracle tunisien » La Presse de Montréal: Ben Ali réélu… encore une fois Le Soleil Sénégal: Mister Président Courrier International: MAGHREB • Sale temps pour la liberté de la presse Neue Zürcher Zeitung: Tunesiens Präsident bestätigt Neue Luzerner Zeitung: Hart gegen Hardliner Die Südostschweiz: Schweigen ist in Tunesien Bürgerpflicht Yadh Ben Achour: Le terrorisme a-t-il un fondement culturel ?


Liberté pour Sadok Chourou, le prisonnier des deux décennies Liberté pour tous les prisonniers politiques Liberté et Equité 33 rue Mokhtar Atya, 1001, Tunis Tel/fax : 71 340 860 Adresse électronique : liberte.equite@gmail.com Tunis, le 26 octobre 2009

Nouvelles des libertés en Tunisie

1) Interdiction d’une réunion du PDP en solidarité avec le militant des droits de l’homme Zouhaïer Makhlouf Des escouades de la police politique qui avaient encerclé les accès au siège du PDP en y installant des dizaines d’agents lundi 26 octobre, ont interdit à des de nombreux militants des droits de l’homme et politiques d’accèder au local du parti […] 2) Le domicile de Zouhaïer Makhlouf, militant des droits de l’homme est toujours assiégé et les comités de soutien demandent à sa femme de suspendre sa grève de la faim Une délégation de membres de divers comités de soutien constitués à la suite de l’arrestation de Zouhaïer Makhlouf ont voulu rendre visite à sa famille […], mais n’ont pu y accéder, une douzaine d’agents de la police politique en empêchant l’accès. Des membres ont rencontré madame Oum Yahya, Majda Mouaddeb, et lui ont transmis la demande émanant de tous les militants politiques et de droits de l’homme de la voir suspendre sa grève de la faim commencée le 22 octobre 2009. […] 3) Report de l’examen de l’affaire Bousnina au 2 novembre 2009 La sixième chambre criminelle du Tribunal de Première Instance de Tunis, présidée par le juge Faouzi Jebali, a examiné l’affaire n°22959 dans laquelle sont déférés Mouazz Bousnina, Saber Rahili, Saber Mastouri, Saber Sghaïer et le jeune Fakhreddine pour avoir tenu une réunion sans autorisation. Le juge a refusé la demande de mise en liberté présentée par les avocats de la défense et reporté l’examen de l’affaire au 2 novembre 2009. […] 5) Jameleddine Mellakh poursuit sa grève de la faim Jameleddine Mellakh, prisonnier d’opinion incarcéré à la prison de Mornaguia continue sa grève de la faim pour le dixième jour d’affilée pour revendiquer son droit à passer les examens universitaire. L’administration de la faculté de Mannouba l’a autorisé à passer l’examen à condition que l’administration générale des prisons fasse de même, ce qui n’est pas le cas jusqu’à maintenant. […] Pour le bureau exécutif de l’Organisation Le président Maître Mohammed Nouri (traduction ni revue ni corrigée par les auteurs de la version en arabe, LT)

 

Liberté pour tous les prisonniers politiques

Liberté pour le docteur Sadok Chourou

Association Internationale de Soutien aux Prisonniers Politiques

43 rue Eldjazira, Tunis

Aispptunisie@yahoo.fr

Tunis, le 26 octobre 2009

A la suite de la campagne habituelle contre les prisonniers libérés […] tous les 15 octobre à l’occasion de la commémoration de l’évacuation des forces françaises de Bizerte, les autorités ont remis en liberté des prisonniers […] Tandis que sont encore en détention depuis le 14 octobre :

Riadh Laouati, Marouane Sahbani, Mahjoub Douzani et leurs familles ne savent rien d’eux depuis le 14 octobre.

Aujourd’hui lundi 26 octobre le jeune Ahmed Ben Saïd a subi des violences sur la voie publique à Menzel Bourguiba, perpétrées par des agents de la Sûreté. Ses habits ont été déchirés tant l’agression a été violente et les agents de la Sûreté lui ont dit qu’ils le visaient car son frère, le prisonnier d’opinion Ramzi Ben Saïd, une victime de la loi antiterroriste avait commencé il y a quelques jours une grève de la faim à la prison de Borj Erroumi pour protester contre les mauvaises conditions carcérales, la négligence sanitaire et la politique de sanctions. Une douzaine de prisonniers victimes de la loi sur le terrorisme ont commencé une grève de la faim le lundi 5 octobre 2009 (Ramzi Ben Saïd a ensuite été transféré à la prison de Gafsa et Mohammed Ben Mohammed à la prison de Zaghouan tandis que les autres ont été ventilés dans diverses prisons.

[…]

La commission de suivi des prisonniers politiques libérés

(traduction d’extraits ni revue ni corrigée par les auteurs de la version en arabe, LT)


Lettre de prison de Zouhaïer Makhlouf, journaliste en grève de la faim

Publié le 27 octobre 2009 Voici la lettre que le journaliste et activiste tunisien Zouhaïer Makhlouf a écrite depuis la prison. Accusé d’être entré illégalement dans une zone industrielle et d’avoir usurpé le titre de journaliste, il risque une peine de prison. « J’écris cette lettre de la prison de Mornaguia, dans la banlieue de Tunis. Mon nom est Zouhaïer Makhlouf, reporter et militant des droits de l’homme, membre de la section de Tunis d’Amnesty International, membre fondateur de l’Organisation Liberté et Equité, ex-membre aussi de l’Association internationale de soutien aux prisonniers politiques, et militant du Parti démocratique progressiste (PDP), parti d’opposition reconnu. J’ai été candidat pour la liste que ce dernier a présentée dans la région de Nabeul lors des élections du dimanche 25 octobre 2009. Je suis également correspondant du journal électronique Assabilonline, inaccessible depuis la Tunisie. Alors que la Tunisie vivait un événement politique important, à savoir les élections législatives et présidentielle du 25 octobre 2009, et que de larges franges du peuple tunisien et des élites politiques s’attendaient à des initiatives venant du pouvoir en place dans le sens d’une ouverture politique, j’ai été arrêté et écroué le 20 octobre 2009, à la suite d’un reportage vidéo sur les problèmes environnementaux de la zone industrielle de Nabeul. Ce reportage s’insérait dans le cadre de la commission Environnement de la liste électorale du PDP de Nabeul, qui avait obtenu un récépissé définitif, avant de se retirer de la compétition électorale en application d’une décision du Parti. Ces autorités ont, en effet, invalidé l’ensemble de ses listes et refusé la candidature de Maître Ahmed Nejib Chebbi à la présidentielle en vertu d’une amendement à la Constitution. Après que le parti s’est retiré de la compétition électorale, les autorités ont voulu le sanctionner à travers ma personne et ont poussé Mourad Ladhib, artisan local qui apparaît de son plein gré sur la vidéo, à m’attaquer. Ce monsieur est à l’origine de l’accusation contre moi portée par le parquet pour “nuisance à un tiers à travers le réseau public des télécommunications”, en vertu de l’article 86 du Code des télécommunications. Dans la plainte qu’il a déposée contre moi, Mourad Ladhib prétend qu’on lui a nui et exige des dédommagements financiers conséquents, tout ceci sur injonction des pouvoirs politiques et sécuritaires. A la suite de quoi, j’ai été convoqué pour une enquête au poste de police de la délégation de Maamoura, qui relève du gouvernorat de Nabeul, les 15 et 16 octobre 2009. Le 20 octobre, j’ai eu la surprise d’être convoqué à nouveau au poste de police qui a décidé de m’arrêter et de me déférer. J’ai été écroué à la prison de Mornag et de là, transféré à celle de Mornaguia. Après la visite de mes avocats en prison, j’ai été surpris. Un témoin, Saïd Jazi, est devenu un accusateur. Je l’avais sollicité pour confirmer l’accord de Mourad Ladhib à être filmé dans la vidéo en commentant la réalité de la zone industrielle de Nabeul et les conditions vécues par les professionnels. Ceci confirme que le pouvoir est bien décidé à m’impliquer et à monter une accusation pour me priver du moyen de défense que j’avais présenté pour prouver mon innocence. Pour protester contre cette injustice et l’acharnement des autorités à mon endroit, j’ai commencé une grève de la faim illimitée, le 21 octobre 2009, dans le but d’obtenir ma libération et un non-lieu. Je m’adresse à vous et sollicite votre intervention rapide pour mettre un terme à l’injustice qui s’abat sur moi et ma famille dont je redoute qu’elle ne soit l’objet des représailles du pouvoir. Des agents de la police politique encerclent encore notre domicile, d’après ce que m’a rapporté mon épouse, la dernière fois qu’elle m’a rendu visite. Signature : Zouhaïer Makhlouf, reporter et militant des droits de l’homme »  
(Source: Le Site de « Reporters Sans Frontières » le 27 0ctobre 2009)


lundi 26 octobre 2009

COMMUNIQUE DE PRESSE

Le PCF réaffirme sa solidarité avec les progressistes tunisiens

Mr Ben Ali a donc été officiellement « réélu » Président de la République pour la 5ème fois, après 22 ans de pouvoir. 22 ans durant lesquels le régime tunisien s’est mué en État policier qui sait, avec une «  remarquable » efficacité, instrumentaliser la Constitution et la loi, museler l’opposition, violer les droits humains, harceler les défenseurs des libertés, agresser physiquement les opposants… La ligue tunisienne des droits de l’homme est régulièrement sous pression ou attaquée. Des journalistes étrangers sont refoulés.

Pour cette raison, il n’y a pas eu « d’élection » digne de ce nom en Tunisie mais une mascarade honteuse au service d’intérêts financiers étrangers, notamment européens, et d’une bourgeoisie loin du peuple qui profite des très bas coûts salariaux et d’un système répressif quasi-totalitaire.

Le PCF exprime son indignation devant un tel déni des libertés et un tel mépris des règles élémentaires de la démocratie et d’un État de droit. Il réaffirme sa solidarité avec l’ensemble de l’opposition progressiste et démocratique.

Il est consternant et profondément choquant que les autorités françaises, et notamment Nicolas Sarkozy, Président de la République, aient pu soutenir en permanence un tel régime.

Les autorités tunisiennes bafouant systématiquement le sens de l’accord d’Association Union européenne/Tunisie, conditionné par l’exigence du respect des droits de l’homme, la question se pose alors de la suspension de cet accord pour des sanctions ciblées sur les intérêts du régime, tant que celui-ci ne respectera pas les libertés.

Parti communiste français

Paris, le 26 octobre 2009.

Solène Björnson-Langen

Attachée de presse de Marie-George Buffet

Attachée de presse du Parti communiste françai

01 40 40 12 22

06 74 45 15 92


 
Cher M. Koetsenruijter, Je me permets une nouvelle fois de vous solliciter au regard de la vague de répression qui sévit en Tunisie. D’après les informations transmises par de nombreuses ONGs, opposants politiques et défenseurs de droits de l’Homme sont victimes d’un regain de harcèlement policier et judiciaire, de menaces, de violence et d’arrestations arbitraires. J’ai été directement sollicitée par Taoufik Ben Brik qui s’interdit de sortir de son domicile (Ennasser 2, résidence beau site, bloc B, appartement 37 à Tunis) de peur d’être emmené de force au commissariat. Son domicile est constamment surveillé par la police et il est victime de poursuites judiciaires ne semblant être qu’un moyen détourné pour sanctionner ses écrits, notamment son dernier article publié sur le site Internet du NouvelObs http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/opinions/tribunes/20091025.OBS5762/je_ne_me_rendrai_pas_par_taoufik_ben_brik_opposant_tuni.html Le harcèlement à l’encontre de M. Ben Brik fait, entre autres, suite au passage à tabac de Sihem Bensedrine, à l’interdiction de quitter le territoire opposée à Radhia Nassraoui et à l’arrestation de Zouhair Makhlouf. Pouvez-vous me tenir informée des suites qu’entend donner la Commission à ces faits? Par ailleurs, envisagez-vous que quelqu’un de vos services rende visite à M. Ben Brick qui m’est apparu dans un état de grande détresse psychologique. En vous remerciant, comme toujours, pour votre aimable collaboration. Dans l’attente de votre réponse, Bien à vous, Hélène Flautre

Guerre des tranchées à Carthage

Slim BAGGA

A peine le président Ben Ali reconduit à la tête de l’Etat tunisien que déjà s’ouvre la guerre de sa succession. Premier épisode post-élection : la première dame Leila Ben Ali gifle le général Sériati, chef de la Sécurité du président.

Ceux qui ont écouté le discours menaçant du Général Ben Ali à la veille de la farce électorale du 25 octobre dernier n’en croient pas encore leurs yeux. Offensif, le ton solennel, Zinochet promettait alors des procès en bonne et due forme à quiconque parmi cette minorité « d’ingrats » se hasarderait à contester sans preuve les résultats issus de cette énième comédie électorale. Comme si « la preuve » n’était pas déjà apportée par ses sbires et la presse aux ordres qui fêtait son putsch avant que les résultats officiels ne soient proclamés…

Mais passons, car sur le registre des menaces présidentielles, on en a vu d’autres, et des propos aussi mussoliniens n’ont trompé personne. D’ailleurs, avant même la réélection de Zinochet une vilaine cabale médiatique de la presse aux ordres a été déclenchée contre la journaliste Florence Beaugé du quotidien Le Monde, les deux auteurs du livre « La Régente de Carthage » et tous les inféodés à l’étranger.

Et pourtant…

Pourtant le drame qui se joue à Carthage ne vient pas de l’étranger, mais de la guerre larvée qui déchire les clans gravitant autour d’un Général-policier absolument débordé sur tous les flancs.

Cette fois, Ben Ali semble avoir bel et bien perdu la main, et le premier à le savoir est son entourage immédiat. Et le premier qui risque d’en faire les frais est le patron de sa sécurité, le Général Ali Seriati.

La gifle

Cela fait déjà des mois que le torchon brûle entre « La Régente de Carthage » alias Leila Ben Ali et le chef de la sécurité présidentielle. Ce saint-cyrien dévoué à Ben Ali mène une vie de « funambuliste » ( selon ses propres dires en privé) à Carthage pour tenter de concilier les ordres présidentiels et les frasques de Zinochette et de son entourage. Il y a quelques semaines, il refusa l’accès au palais à un Général militaire proche de Madame car il n’était pas annoncé sur l’agenda des visiteurs. Leïla ne supporta pas l’affront : elle gifla le Général Sériati. La rupture est consommée…

Ce n’est pas la première fois que Leïla Ben Ali lève la main sur un proche collaborateur de son mari. Ainsi en était-il il y a quelques années déjà, lorsqu’elle a levé la main sur Larbi Aissa, le secrétaire particulier de son mari depuis une trentaine d’années et exigé avec succès son départ du Palais présidentiel. Son tort était d’avoir organisé l’entrée dans le bureau du président, en l’absence de Leila, d’une jeune femme très proche de Ben Ali, Rim Jenhani…

Cette fois, le Général Seriati ne semble pas avoir avalé la pilule comme nous l’a confié un homme du sérail parfaitement au fait de ce qui se passe dans cette cour du roi Pétaud. « Qu’est-ce que cette femme à la main légère qui gifle et humilie les hommes attachés à la sécurité présidentielle ? Ben Ali ne maîtrise plus rien. Cette femme habituée aux fessées ne peut pas continuer à écraser les commis de l’Etat et responsables sécuritaires qui ne font qu’appliquer les ordres ! » vitupère-t-il. Voilà qui promet pour l’avenir… L’on sait en effet déjà que c’est un disciple de Seriati, mais très proche de Leïla, Adel Touiri, déjà puissant au ministère de l’Intérieur, qui a les faveurs de la régente pour hériter de la sécurité présidentielle en remplacement du fidèle de Ben Ali. Donc à suivre…

Bras de fer loin du tumulte de la rue

C’est par conséquent un véritable bras de fer entre les clans Ben Ali et Trabelsi (du nom de jeune fille de la Régente) qui se déroule à Tunis. Les premières filles de Ben Ali et leurs maris sont déjà montés au front pour faire barrage à cette mainmise de leur belle-mère sur l’Etat. « Tant qu’il est encore temps », murmure-t-on dans leur entourage.

Et déjà, c’est Hedi Jilani, le patron des patrons tunisiens, et l’homme à travers lequel Leïla Trabelsi prépare un coup d’Etat à la mode du 7 Novembre, qui en fait les frais depuis hier. Ainsi, des photos intimes distillées sur Facebook, qui nous sont spécialement parvenues le présentent comme un homme à la vie multiple et vorace… L’opération vise à empêcher sa désignation en tant que président de l’Assemblée nationale car si le président Ben Ali venait à décéder, Jilani assurerait alors l’intérim. La deuxième cible n’est autre que le chef du clan, Belhassen Trabelsi, le frère de Leila, dont le Palais des Mille et une nuits est présenté au grand public dans ses moindres recoins sur internet.

La farce électorale du 25 octobre n’est même pas encore terminée que la guerre est déjà déclarée. La Tunisie est entrée de plain-pied dans l’après Ben Ali ! Et à imaginer l’ampleur de la tragédie qui se prépare, on peut se demander si l’on ne va pas regretter notre Zinochet…

(Source : le blog « Chakchouka tunisienne » rédigé par  « des journalistes tunisiens et français ayant demandé et obtenu l’asile électronique chez « Bakchich »..), le 27 octobre 2009)

Lien : http://www.bakchich.info/Guerre-des-tranchees-a-Carthage,09096.html


 

Tunisie

Ben Ali avait une Leila de trop

 par Catherine GracietTop of Form

Une présidentielle se tenait en Tunisie dimanche. Le résultat est couru d’avance tant le général Ben Ali a pris l’habitude de se faire élire avec des scores à plus de 90%. Découvrez les vrais acteurs de la politique locale.

Alerte à la farce électorale : des élections présidentielles se tiennent en Tunisie dimanche 25 octobre. Hélas, le résultat est couru d’avance tant le général Zine el Abidine Ben Ali a pris l’habitude de se faire élire avec des scores supérieurs à 90%. Mais il fatigue, le Ben Ali, du haut de ses 73 ans, miné par une santé flageolante…

Dans l’ombre de Carthage, son ambitieuse épouse, Leila Trabelsi (de son nom de jeune fille), veille. Héritière d’un féminisme d’Etat unique dans le monde arabe, décrété par feu le président Bourguiba et cultivé par Ben Ali, elle ne cache plus son ambition : régenter la Tunisie.

Qu’il est loin le temps où cette belle femme de 53 ans débutait dans la coiffure. Si elle doit bien sûr son ascension sociale à son Ben Ali épousé en 1992 (mais fréquenté depuis le milieu des années 80), son caractère bien trempé d’arrivisme s’est révélé une aubaine.

L’épisode est largement méconnu. Dans les années 80, Leila Trabelsi future épouse Ben Ali a été victime d’une redoutable homonymie. Elle a pâti de la vie légère d’une seconde Leila Trabelsi qui, elle aussi, était coiffeuse et possédait ses entrées au ministère de l’Intérieur. Parcours parallèles, destins croisés. D’où les amalgames et confusions qui pollueront la biographie tenue secrète de la première dame qui se rêve régente. Les bons bourgeois tunisiens ne moquent-ils pas une fille facile, voire une ancienne prostituée ?

Un sujet tabou

Mais la “vraie” Leila saura s’émanciper de son encombrante rivale devenue, comble de l’ironie, la maîtresse du premier directeur de la Sûreté du président Ben Ali. En 1990, cet homme passé secrétaire d’Etat à la Sécurité et sa douce sont arrêtés, jetés en prison et condamnés pour « intelligence avec Israël » ! Les services secrets tunisiens demanderont avec insistance aux Français de cautionner ces allégations. En vain : le dossier était vide.

Si son amant a été libéré par Ben Ali après deux ans de prison, la seconde Leila a disparu dans les sables du désert. Personne à Tunis n’a plus de nouvelles d’elle. La triste vie de l’homonyme de Leila y est devenue un sujet tabou.

(Source : « Bakchich.info » (Satirique – France), le 25 octobre 2009)

Lien :http://www.bakchich.info/Ben-Ali-avait-une-Leila-de-trop,09076.html

 


 

TUNISIE

« Ben Ali veut ce pays et ma tête », par Taoufik Ben Brik

 

Le journaliste et écrivain tunisien Taoufik Ben Brick, opposant au régime et qui avait livré son regard sur la campagne présidentielle sur nouvelobs.com, dit avoir été victime d’un piège de la police tunisienne, le 22 octobre dernier. Il raconte : – « Je suis allé chercher ma fille à l’école, jeudi dernier (22 octobre 2009), à Tunis. J’avais mis ma voiture dans un parking. Une autre voiture était garée derrière moi. Avant même que j’ai mis le contact, elle m’a embouti. La conductrice, qui, je pense, était de la police, en est sortie, me criant dessus, m’accusant d’avoir voulu lui rentrer dedans ; elle déchire mes habits, essaie de me pousser à la violence. Il a fallu l’intervention d’ouvriers travaillant dans le coin pour que la querelle s’arrête. Je pense qu’elle a essayé de m’amener à user de la violence pour m’inculper d’agression ». Vous croyez que c’est un piège de la part du président Zine El Abidine Ben Ali ? – Le samedi 24 octobre, Ben Ali a menacé tout le monde, surtout ceux qui livrent le pays en pâture à l’étranger. Mes contributions à des médias étrangers – nouvelobs.com, Mediapart, Rue 89, Courrier international – l’énervent. Il n’a pas dû du tout aimer mon « Interview presque vrai de Ben Ali ». Je pense que c’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase ». Pourquoi Ben Ali commettrait-il une telle agression alors qu’il était assuré d’être réélu ? – « Ben Ali veut se payer Ben Brick. Le président est très populaire, il vient d’être réélu. Mais en 2000, il est devenu connu dans le monde entier à cause de moi, à cause de la grève de la faim très médiatisée que j’avais fait pour protester contre les atteintes du régime aux droits de l’Homme. Ben Ali veut ce pays et ma tête ; il veut être président et que moi, j’aille en prison. Je ne suis pas le seul à avoir été menacé. Les exemples sont nombreux. Ainsi, Khemaïs Chammari, observateur de la vie politique tunisienne et défenseur des droits de l’Homme a connu de nombreuses arrestations et peines de prison sous le régime de Ben Ali à cause de son combat. Par exemple en 2008, il a été molesté à son arrivée à l’aéroport de Tunis. Le lendemain, il a reçu une convocation de la police criminelle, l’accusant d’avoir tabassé quelqu’un. Plus récemment, la journaliste du Monde Florence Beaugé a été accusée de terrorisme pour certains articles qu’elle a écrit ». [Mardi dernier 20 octobre 2009, la journaliste a été refoulée à son arrivée à Tunis et interdite de territoire tunisien à cause, selon elle, d’un article « la goutte d’eau qui a fait déborder le vase », ndr] Vous dites avoir été convoqué par la police. Vous n’envisagez toujours pas de partir ? – « Je ne veux pas partir, j’ai d’ailleurs écrit un livre à ce sujet là, et je ne peux pas partir. Je vis avec la peur au ventre, mais je ne sais pas où aller ; c’est mon pays, ici. Sans doute à cause des articles que j’ai écris en France, j’ai été convoqué par la police. Il faut que je me prépare, que je rassemble mes soutiens, et c’est moi qui déciderais du moment auquel j’irais me livrer à eux, comme un criminel. Car c’est ce que je suis à leurs yeux ». Interview de Taoufik Ben Brick par Sibylle Laurent (le mardi 27 octobre 2009) [Des voix dissonantes, il y en a en Tunisie. Mais les journaux tunisiens contrôlés par le pouvoir n’hésitent souvent pas à orchestrer des campagnes de presse contre ces gens qui dérangent. Parmi les meneurs, Le Temps et As-Sabah, deux titres appartenant au gendre du président Ben Ali, Mohamed Sakhr El Materi. Le Renouveau, organe officiel du parti au pouvoir – le RCD, Rassemblement constitutionnel démocratique – distille également la bonne parole présidentielle, tout comme La Presse, As-Safah et Ach-Chourouk]

(Source : nouvelobs.com (le site du Nouvel Observateur – France), le 27 octobre 2009)

Lien : http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/opinions/20091027.OBS5941/ben_ali_veut_ce_pays_et_ma_tete_par_taoufik_ben_brik.html


 

PRESIDENTIELLE (PROLONGATION)

« Zmorda »

par Taoufik Ben Brik, opposant tunisien

NOUVELOBS.COM | 24.10.2009 | 15:26

« Tout le monde veut me séparer de ma Zmorda, la Peugeot 106 que ma femme m’a léguée, ou plutôt, qu’elle a délaissée. »

Tout le monde veut me séparer de ma Zmorda, la Peugeot 106 que ma femme m’a léguée, ou plutôt, qu’elle a délaissée. Ma fille Khadija ne veut plus d’elle. Elle a honte de monter dans cette karkaza, vieille carcasse. Elle voit ses copines de classe descendre de belles limousines, des Mercedes, des BMW, des Jaguars… flambants, neuf, et elle, descend d’une petite citadine vieille de 14 ans, l’âge de mon chien, un slougui.

L’épicier du quartier du coin veut que je m’en débarrasse. « Il te faut une Hammer. Elle va avec ton gabarit. » Le concierge veut que je la lui cède pour un prix symbolique. Mon aide ménagère, la terrible Dalal, veut l’offrir à son mari. Ils ne comprennent pas que j’ai des liens de parenté avec Zmorda. Ce n’est pas un pur-sang, mais c’est ma monture. Zmorda Ezzargua. Elle ne m’a jamais laissé en rade. Même si elle fait des caprices chaque matin. Elle ne démarre que lorsque je la caresse, je tapote son tableau de bord calciné par le soleil. Quel bon bout de chemin nous avons parcouru ensemble.

Vendredi 23 (treize) octobre 2009, deux jours avant le scrutin du dimanche, trois costumes noirs se postent devant chez moi, au neuvième étage de la résidence Beau Site, à Ennasr II, avec une convocation policière pour ma femme, Azza Zarrad, qu’ils tendent à mon frère Fethi. Motif : terminer une enquête judiciaire. Que de détails scabreux pour une drôle d’affaire.

En fait, la convocation concerne la propriétaire de Zmorda, ma femme et non pas le conducteur, en l’occurrence moi, votre humble obligé. Si c’était ça, ils auraient dû être plus fins mes limiers. Car l’adresse de Zmorda enregistrée dans la carte grise est celle de ma belle mère Lalla Rachida, au 2 rue de Mélasse.

En convoquant la propriétaire de Zmorda, ils veulent donner à l’affaire de la R19 verte qui m’est rentrée dedans, jeudi 22 octobre, une couleur pourpre, ordinaire, de droit commun et non mauve, la couleur de Ben Ali, politique. « Nous ne sommes pour rien. Ce n’est pas Ben Brik qui est visé, on n’a rien mijoté. D’ailleurs on ne connaît même pas l’identité du conducteur. » Insinuent-ils.

On se perd dans les dédales du Cerveau des Services Spéciaux de la Dakhilia, les célèbres S.S.

D’ailleurs, je ne comprends pas pourquoi ils se sont toujours braqués sur ma Zmorda. C’est elle qui est convoquée, qui paie les pots cassées, punie, pourchassée…

Au mois de janvier 1999, après la publication dans la presse suisse (à travers l’agence INFOSUD) d’une série d’articles sur le mouvement des étudiants, des policiers en civil ont vandalisé ma Zmorda sous le regard des voisins (volant arraché, pare-brise brisé, roues déchirées et objets volées dont le siège-auto de mon fils Ali.) C’était une punition sur la place publique.

Le 4 mai 1999, la police saccage encore une fois Zmorda, alors même que mes deux enfants Ali (deux ans) et Khadija (six mois) étaient à l’intérieur. Ce qui fait de Khadija en ce temps, la plus jeune victime de Ben Ali. Dix ans après, le jeudi dernier, c’est devant Khadija que la propriétaire de la R19 verte m’a pris dans ses griffes.

On a saccagé Zmorda le 4 mai suite à la publication de la « Tunisie en Fureur » dans la Frankfurter Allgemeine Zeitung le 26 avril 1999.

Au mois de février 2000, pour le simple fait d’avoir enquêté sur les émeutes populaires qui ont secoué cette région, au lieu de ses quatre roues, ma Zmorda, se retrouve « l’arrière- train en l’air » sur quatre briques rouge-brique. Même la roue de secours a été volée.

Au mois de mai 2002, Zmorda ne freine plus, il n’y a plus d’huile dans les freins. Le soufflet des freins a été scié. Elle a payé, parce que je me suis permis de surnommer Ben Ali de Ben Avi, surnom repris par toute la presse internationale.

En 2004, année électorale, Zmorda n’a plus de capot, de siège, ni de porte. Son conducteur a eu la malencontreuse idée de décrire Ben Ali dans le Monde « Il occupe toute la place comme une mosquée. C’est un grand dictateur. La Tunisie ne lui suffit plus. Il lui faut l’Australie. »Le 22 février 2007, juste un jour après la publication d’un Rebonds dans Libération où j’ai écrit : « je vote pour Ben Ali, par manque d’être qui vibrent, qui bravent le danger, la cruauté, la haine, le malheur, et ramènent le pays au pays.

Je vote pour Ben Ali. C’est ma crapule, l’ignoble père Karamazov, cette canaille raffinée. Et nous, tous, nous sommes ses fils, Aliocha, Ivan et Dimitri ses victimes et ses parricides, Tyrannicides ? Pauvres gens de Dostoïevski.. », ils ont sectionné le durite. Le fioul coule comme une fontaine. Zmorda a failli prendre feu, moi et mes deux enfants dedans.

Au mois d’avril 2008, après que le général Ali Seriati, le chef de la sécurité du palais de Carthage, le gardien du sommeil de Ben Ali a demandé à ma femme de divorcer et qu’elle n’a pas obtempéré, la vitre arrière, la pare-brise, les rétroviseurs, les essuies glaces de la C3, Zouleikha, l’autre voiture de ma femme, ont volé en éclats.

Ils l’ont confondu avec Zmorda. Pauvre Zmorda. Brave Zmorda.

Taoufik Ben Brik

PS. Dernière minute. La convocation de la police arrive. L’affaire ne concerne plus ma femme. Y a plus de doute sur le conducteur de Zmorda. C’est bel et bien Ben Brik, le recherché.

(Source : le site du « Nouvel Observateur » (France), le 24 octobre 2009)

Lien :http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/opinions/20091024.OBS5707/zmorda_par_taoufik_ben_brik_opposant_tunisien.html


 La princesse de Budapest et son harmonie céleste

Tunis – ( TNA ) – Personne ne connaît son vrai nom. Tout le monde l’appelle la princesse Kadirova. Elle est originaire des Carpates en Roumanie mais son « cabinet » se trouve à Budapest. Elle visite la Tunisie tous les cinq ans. Toujours au mois d’octobre. Dès son arrivée à l’aéroport de Tunis-Carthage, elle a droit à un accueil VIP. Un haut cadre du Ministère de l’Intérieur l’attend à la passerelle de l’avion et l’accompagne à la salle d’honneur puis à son hôtel cinq étoiles de luxe.

Mme Kadirova ne vient en Tunisie ni pour bronzer ni pour se détendre dans un centre de thalassothérapie. Elle vient pour travailler et n’a pas de temps à perdre. C’est toujours la même routine depuis octobre 1989: chaque veille de scrutin elle s’installe dans un bureau discret au 3ème étage du Ministère de l’Intérieur et se met à bosser. Le bureau n’a aucune dénomination officielle mais les cadres de l’Intérieur ont pris l’habitude de l’appeler  » le bureau des taux « . C’est là que Mme Kadirova, astrologue et numérologue reconnue mondialement, mijote la soupe électorale tunisienne. Dans la Tunisie de Ben Ali, rien n’est laissé au hasard.

 » Les chiffres ont une âme « , a déclaré une fois Mme Kadirova au quotidien hongrois Népszabadság. Le régime tunsien partage pleinement la Weltanschauung de la princesse Kadirova. Surtout lorsque cette érudite déclare sereinement:  » On ne peut publier des chiffres et des taux qui violent l’harmonie céleste. »

La princesse illuminée de Budapest et son équipe, composée de sept cadres, ont passé la nuit du 24 au 25 otobre à déchiffrer les signes du ciel. Dès que les données astrologiques sont rassemblées, Mme Kadirova s’isole dans son bureau avec ses cartes et ses tables numérologiques.

Malgré la complexité de l’Univers et l’étendue de ses mystères,  jusqu’à ce jour béni du Seigneur, la princesse Kadirova n’a jamais fourni des chiffres et des taux qui violeraient les lois immuables qui régissent le ciel et la terre.

(Source : le blog d’Omar Khayyam (censuré en Tunisie), le 25 octobre 2009)

Lien : http://omarkhayyam.blogsome.com/2009/10/25/kadirova/


Elections tunisiennes:

LE PROBLEME MORAL RESTE ENTIER

par Ahmed Ounaïes

Les élections périodiques ne sont pas tout, il faudrait aussi qu’elles soient libres et démocratiques. Dans notre temps, le fait électoral prend son sens dans une philosophie politique qui s’est donné, depuis l’effondrement de l’Union Soviétique, des normes devenues universelles quant à l’esprit, quant aux institutions et quant aux pratiques de la démocratie.

Le rituel électoral destiné tout juste à avaliser les candidats désignés par le parti au pouvoir et qui, de cinq ans en cinq ans, se prévalent uniformément de suffrages supérieurs à 90 %, tout en chantant à l’unisson leurs succès inégalés et en puisant dans les ressources de l’Etat les moyens de l’auto glorification, ce rituel a conduit à la rigidité des institutions, à la désaffection des électeurs et à la dissimulation des faiblesses de l’Etat. Indépendamment des personnes et des partis et quelles que soient les sociétés considérées, ce rituel a conduit à la fragilisation des Etats et à l’implosion des régimes. La persistance de telles pratiques empêche, de bonne foi ou de mauvaise foi, de prendre la mesure réelle des dérives, des déséquilibres et des échecs, notamment l’affairisme, le clientélisme et la corruption.

Pour être libres et démocratiques, les élections doivent être conduites dans un esprit de libre compétition et dans un climat de libre expression, dans le respect des droits de l’électeur et des droits des candidats. Distribuer loyalement les cartes d’électeur, libérer les partis politiques dans la désignation de leurs candidats, organiser la campagne électorale sous l’autorité d’une institution indépendante, impartiale et efficace, hors de toute censure gouvernementale, sont des exigences élémentaires. Les restrictions imposées aux partis politiques, le harcèlement par le fait des invalidations à plusieurs niveaux, la fixation de délais délibérément brefs ou forclos pour empêcher les redressements de bonne foi, l’exploitation partiale abusive des médias publics, la privation des salles publiques pour les meetings électoraux… témoignent ils de la volonté d’ouvrir les choix devant l’électeur, ou de les restreindre, ou peut-être de les nier ?

Au Nord de la Méditerranée, les pays grands et petits ont réussi la transition démocratique au cours du XXe siècle. Tous passent par des élections libres et démocratiques, tous admettent la presse libre et critique. Débarrassés des séquelles de l’archaïsme et du despotisme, ils sont aujourd’hui plus forts pour affronter les problèmes de notre temps. Pourquoi, sur l’autre rive, nos pays traînent-ils tant de retards ? Nos neveux nous jugeront sévèrement pour nos défaillances, pour nos dérobades et peut-être pour notre couardise. Suffit-il, pour notre défense et pour l’honneur de la société tunisienne, de rappeler que le peuple tunisien était mûr, à l’orée du XXIème siècle, et pourvu qu’il en ait eu la possibilité, pour assumer le pluralisme et pour tenir des élections libres et démocratiques ? Suffit-il d’affirmer que nous étions habilités à évaluer les programmes des partis et à les sanctionner en fonction de leurs mérites ; à évaluer les hommes en fonction de leurs performances, de leur culture et de leur désintéressement, et à les changer si nous estimions que d’autres candidats s’avéraient plus aptes pour les fonctions de direction ou de représentation ?

Suffit-il de rappeler que toute la classe politique admettait la maturité du peuple tunisien, reconnaissait son aspiration à exercer pleinement ses responsabilités politiques et son habilitation à endosser les règles de la vie démocratique ? Suffit-il d’affirmer que les démocrates s’astreignaient, dans leur combat, au respect de la légalité et aux méthodes pacifiques, à l’exclusion de toute violence ? Deux générations témoignent de la volonté nationale d’accomplir la transition démocratique : la génération qui avait participé au congrès de Monastir d’octobre 1971 et celle qui avait foi dans la déclaration du 7 Novembre 1987. Les blocages transcendent la volonté politique : ils posent un problème moral. Dans la Tunisie du XXIe siècle, le problème moral reste entier.

(Source: « Attariq Aljadid » (Hebdomadaire du parti « Attajdid » – Tunis), N° 151 du 24 octobre 2009)


 Un crime de lèse-majesté: Florence Beaugé est refoulée à l’aéroport Tunis Carthage

Un demi-siècle après l’indépendance de la Tunisie, il y a encore un microcosme journalistique parisien  qui croit, en atterrissant en Tunisie, qu’il débarque aux DOM-TOM  (Domaines d’outremer – territoires d’outre mer, territoires sous administration française). Madame Florence Beaugé, journaliste au journal Le Monde s’est retrouvée à Tunis il y a quelques jours. Les autorités aéroportuaires lui ont signifié qu’elle devait rebrousser chemin. Un évènement statistiquement non significatif qui se déroule dans les aéroports du monde entier sans que cela suscite un petit mot dans un journal de quartier. Certains pays, même en vous octroyant le visa d’entrée, se gardent le droit de vous faire refouler sans que cela nécessite ni justification ni commentaire; ce sont là les conditions d’octroi du visa pour les États unis d’Amérique en l’occurrence.

De retour chez elle, pleine de rancune, d’aigreur…, Madame Beaugé met son talent  de journaliste et les moyens du journal Le Monde pour se venger. Elle déverse, avec ses collègues, sa bile et sa logorrhée sur ce pays récalcitrant, la Tunisie.

« A première vue, la Tunisie est propre et belle. Routes, aéroports, services, tout fonctionne plutôt vite et bien. Tous les foyers tunisiens ou presque sont raccordés à l’eau et à l’électricité ; 80 % de la population est propriétaire de son logement (au prix d’un lourd endettement) ; il y a peu de bidonvilles. La scolarisation et les soins, même imparfaits, sont accessibles à tous. Les femmes bénéficient des mêmes droits que les hommes (sauf en matière d’héritage).

Le pays, géré par une équipe de bons technocrates, affiche également chaque année des taux de croissance honorables, de l’ordre de 5 %. Et pourtant, il est difficile de rencontrer des Tunisiens qui se disent heureux… » (Florence Beaugé, LE MONDE | 22.10.09 | 14h25  •  Mis à jour le 22.10.09 | 14h25)

D’un ensemble d’indices objectifs plaidant pour un bien-être certain, Madame Beaugé conclut que les tunisiens sont malheureux.  C’est une perception biaisée, c’est-à-dire une construction cognitive de sensations imprégnées par ses relents affectifs et émotionnels propres, sans aucune relation avec les faits. Ceci hypothèque grandement la valeur informative de l’article et jette l’opprobre sur son auteure.

Le lecteur comprend que Madame Beaugé s’est départie de son devoir d’objectivité, d’empathie (neutralité bienveillante) qui fait la grandeur d’un journaliste, pour sombrer dans une hallucination, un délire, indice d’une déconnexion totale de la réalité.

Pendant trois jours, Madame Beaugé et consorts, du journal Le Monde, ont fait un blitz sur les élections présidentielles tunisiennes en précisant chaque fois que les articles et les reportages avaient été préparés début octobre, laissant sous entendre que rien n’est conjoncturel. Le lendemain des élections, plus rien à voir… circulez, la rage est passée.

… et la caravane passe.

La participation aux élections présidentielles et législatives était massive en Tunisie et surtout à l’étranger. La diaspora tunisienne, cible première des oiseaux de mauvaises augures, a participé activement et massivement pour donner au candidat du RCD, Monsieur Zine EL Abidine Ben Ali, son optimum de 94%.

La Tunisie est en fête, les tunisiennes et tunisiens célèbrent leur président et le RCD savoure une victoire bien méritée.

Mansour Feki, universitaire Canada


Tunisie : Moins de 90% pour Ben Ali

Alain Saint Robespierre, l’Observateur

Comment ont-ils pu oser pareil crime de lèse-majesté ? Accorder, cette fois-ci, moins de 90%, plus exactement 89,62% de leurs voix au vénéré pacha du palais de Carthage, c’est là un chiffre qui va tristement faire date sous le règne de Zine El Abidine Ben Ali.

82,62% ! Voilà Ben Ali réélu avec un score qui n’est pas du Ben Ali. Moins de 90% ! Qu’est-ce que les Tunisiens veulent qu’il en fasse, pardi !

Et si ça se trouve qu’il y a eu fraudes contre celui qui, en vingt ans de règne, a toujours été plébiscité, tenez-vous bien, à plus 94% ? Vous souriez ? Il ne le faut pourtant pas.

Vous imaginez la peine, toute la meurtrissure que va lui laisser ce suffrage minable ? Un véritable crève-cœur pour le guide très bien éclairé qui doit se sentir désormais comme un minus.

Que les Tunisiens ne sont pas reconnaissants envers l’artisan de la « stabilité et de la prospérité économique » de leur pays !

N’empêche, Ben Ali rempile pour un cinquième mandat consécutif de cinq ans. Officiellement, son dernier bail au palais présidentiel. Puisqu’au terme de celui-ci, il aura 78 printemps, alors que la constitution tunisienne fixe la limite d’âge pour briguer la magistrature suprême à 75ans.

Mais, pour quelqu’un qui a déjà fait supprimer la clause limitative du mandat pour se faire élire autant de fois que son égotisme le tenaillera, oui, pour ce genre de boulimique du pouvoir, aucune loi, fût-elle gravée sur du marbre, ne saurait altérer l’ambition de régner à vie.

Avec moins de 90% des suffrages, c’est-à-dire 10% de votes défavorables, il n’y a pas lieu de faire prévaloir ses droits à la retraite dans la peau d’un mal-aimé. Si fait que l’éventualité de voir le successeur de Bourguiba faire sauter le verrou de la limite d’âge est très grande. Quitte à finir, s’il ne l’est déjà, pépère rhumatisant sur le fauteuil présidentiel.

Tiens ! Cette image de sénile avachi au palais de Carthage ne vous rappelle rien ? Feu Habib Bourguiba, voyons ! Celui-là même qu’un certain Ben Ali a chassé du pouvoir pour « raisons médicales ».

Que les gériatres de la politique tunisienne se tiennent prêts. Il y aura encore matière à prescrire une ordonnance.

(Source : « Le journal des stars » (France), le 26 octobre 2009)

Lien :http://journalstars.com/politique/tunisie-moins-de-90-pour-ben-ali-3030.html


 

Ben Ali soigne son score

Catherine Tardrew

Tunis (Tunisie) – Sans surprise, Zine el-Abidine Ben Ali, 73 ans, a été officiellement réélu président de la Tunisie pour un 5e mandat consécutif. Une réélection triomphale, avec 89,62 % des suffrages exprimés et une participation de 89,4 % ! Pourtant, à regarder de plus près les chiffres des précédentes consultations électorales, on pourrait croire que le score de l’homme fort de la Tunisie s’est, en dix ans, effrité.

Ben Ali avait été élu avec 99 % des voix en 1999, 94,4 % en 2004 ! Comme si le régime tunisien, cette année, voulait prouver qu’il en a terminé avec les scrutins dignes de républiques bananières. Que Ben Ali soit passé sous la barre fatidique des 90 % peut constituer, comme le note un observateur, une « érosion symbolique qui pourrait préjuger d’une ouverture du régime ».

« Le scrutin s’est déroulé dans la transparence »

Tout a été fait, ces derniers jours, pour convaincre du parfait déroulement du scrutin, les autorités tunisiennes semblant soucieuses de soigner leur image. Le président candidat en personne a prévenu, samedi, à la veille du vote, que des mesures seraient prises « contre quiconque émettrait des accusations et des doutes concernant l’intégrité de l’opération électorale sans fournir de preuves certaines ». « Le scrutin s’est déroulé dans la transparence, aucune objection sérieuse n’a été signalée », renchérissait hier Rafik Haj Kacem, le ministre de l’Intérieur, chargé de donner les résultats officiels. Il y avait même des observateurs internationaux sur place, invités par le gouvernement tunisien.

 

Ils n’ont pu que constater, lors d’une conférence de presse un brin surréaliste, « la parfaite régularité de tout ce qu’ils ont vu ». Une opinion que ne partage pas le département d’Etat américain, selon qui « aucun observateur crédible n’a obtenu l’autorisation » de contrôler le vote.

La presse étrangère a été invitée à se rendre dans les bureaux électoraux « de son choix » et à assister au dépouillement. Là, les électeurs, et surtout les électrices, étaient enthousiastes, agitant volontiers des drapeaux à l’effigie du président. « On est venu nous chercher en car, c’est gentil », se félicitait une électrice. Le bulletin portant le nom de Ben Ali, rouge vif, glissé dans une enveloppe blanche pas totalement opaque, était parfaitement visible par tous. Dans un autre bureau de vote, le cadenas de l’urne n’était pas fermé…

Reste que si l’ouverture doit venir, elle ne viendra que de Ben Ali et de son entourage. Ahmed Brahim, seul candidat réellement opposé au président, n’a recueilli que 1,57 % des voix. Et aux législatives, le RCD (Rassemblement constitutionnel et démocratique) du président vient de rafler 161 sièges des 214 du Parlement.

(Source: « Le Parisien » (Quotidien – France), le 27 octobre 2009)


Ben Ali leader à Tunis, comme d’habitude

Olivier Perrin

On prend le même et on recommence: le président tunisien sortant Zine el-Abidine Ben Ali a été réélu pour un cinquième mandat dimanche avec 89,62% des voix.

Au pouvoir depuis vingt-deux ans après avoir déposé son prédécesseur Habib Bourguiba (lire ci-dessous), le président tunisien, 73 ans, avait promis, relève le site d’Europe 1, qu’une fois réélu, il garantirait «plus de démocratie»: «L’étape à venir verra l’Etat soutenir davantage les partis politiques, la presse et les médias en général.» Soutenir les journaux? Comme le premier quotidien du pays, par exemple? La Presse, qui écrivait sans rire lundi matin: «Grands moments privilégiés hier en Tunisie. Encore une fois, la grande Histoire était au rendez-vous. Les élections présidentielle et législatives ont livré leur secret. Le peuple a fait son choix en toute souveraineté». «En cette heureuse occasion», le journal «s’honore de présenter ses chaleureuses félicitations au président Ben Ali ainsi qu’au peuple tunisien qui a encore une fois fait montre de maturité politique et s’apprête à vivre une nouvelle étape sur la voie du progrès démocratique.»

C’est d’ailleurs la tonalité qui domine généralement dans les journaux tunisiens, dont on mesurera «l’indépendance» en allant faire un tour sur le portail Tunisiepresse… Voilà pourquoi, poursuit Europe 1, «les organisations de défense des droits de l’homme jugent que le système politique tunisien ne présente qu’un vernis de démocratie et affirment qu’il réprime durement toute opposition. Une accusation que le gouvernement récuse farouchement.»

Farouchement, c’est le mot, puisque le président a accusé samedi, selon Le Monde, «une minorité infime de Tunisiens» de recourir à des «allégations mensongères» pour mettre en doute les résultats des élections: ils «n’éprouvent aucune gêne […] à s’en remettre à l’étranger pour quérir le soutien de parties extérieures qu’ils incitent à faire campagne contre leur propre pays»; ils «n’ont pas respecté le caractère sacro-saint de la patrie, ni son intégrité».

Profitons donc, les amis, se moque un blogueur tunisien, «de ces dernières heures où la planète […] assiste en direct […] à cette énorme mascarade électorale. Réjouissons-nous de ces derniers moments avant que les rideaux tombent et que nous nous retrouvions seuls avec notre Père Fouettard. Celui-ci attend que nos invités et observateurs internationaux partent de la maison pour préparer aux petits turbulents de notre espèce une belle raclée bien méritée.»

A Tunis, on vote Ben Ali «par habitude», commente pour sa part Nord-Eclair dans un reportage sur place: «Je vote Ben Ali par habitude»: Abdelkrim explique ainsi son choix. Chauffeur de taxi, la cinquantaine, il est venu […] accomplir son «devoir» dans les urnes. Les trois «autres candidats à la présidentielle, je ne les connais pas. Ce sont des Tunisiens qui aiment sûrement leur pays. Mais ils ne sont pas connus». Et non loin de là, dans un café, «on parle de tout sauf de politique». «Ah! les élections sont aujourd’hui?» demande un jeune homme d’un air penaud. […] Mounir, lui, se dit actif dans le Parti social libéral (opposition) mais il appuie la candidature Ben Ali: «Après des années dans l’opposition, je suis dégoûté et je me suis rendu compte que ces partis n’ont ni le niveau ni les moyens de changer quoi que ce soit.» Les résultats «auraient pu être publiés la veille» du scrutin car «il y a un homme qui court seul et trois autres qui se disputent des miettes».

Ces ramasseurs de miettes – Mohamed Bouchiha du Parti de l’unité populaire, Ahmed Inoubli de l’Union démocratique unioniste et Ahmed Brahim du Mouvement Ettaj­did – savaient qu’ils n’avaient «aucune chance de gagner cette élection», écrit Le Temps d’Algérie. Donc, «la tradition aura été respectée jusqu’au bout», ironise Les Afriques, même si «les ONG et les médias occidentaux dénoncent une mascarade». Une mascarade que commente Business News ainsi: «Les uns y voient une démocratie qui s’exprime, les autres y voient une population qu’on étouffe. Les uns ne cessent de mettre en exergue ce qui a été réalisé, les autres n’arrêtent pas de montrer ce qui ne l’est pas encore. […] Au milieu de cette cacophonie médiatique, le chef de l’Etat continue son chemin. La Tunisie émerge du lot et c’est indéniable.»

Depuis qu’il occupe ses fonctions, analyse enfin avec tout autant de lucidité Le Journal des stars, «Ben Ali a travaillé à asseoir un règne sans partage, réduisant au silence ou à sa plus simple expression toute velléité de contestation de son pouvoir à vie: droits de l’homme bafoués, opposants bâillonnés, journalistes embastillés, un Etat policier en résumé. Ce n’est pas l’organisation régulière d’élections qui peut masquer la dictature de velours que vivent les Tunisiens, tellement muselés qu’ils rongent leur colère dans le silence. Mais, malgré les tares démocratiques que connaît la Tunisie, à l’image d’autres pays comme l’Egypte, les Occidentaux ne sont pas regardants sur la vie politique, l’essentiel pour eux étant la stabilité et la maîtrise de l’hydre islamiste.» «Ben Ali forever», en somme, conclut Slate.

(Source : « Le Temps » (Quotidien – Suisse), le 27 octobre 2009)


Sélim ben Hassen, au cœur du débat

 Un étudiant en sciences politiques amorce le dialogue entre le parti du président, le RCD, et l’opposition

Jean-Claude Péclet

«Tout petit, je baignais dans la politique.» Descendant indirect de l’ancien président et père de l’indépendance, Habib Bourguiba, étudiant en sciences politiques à Paris où il dirige l’association universitaire Monde arabe, Sélim ben Hassen a réussi un exploit: organiser le seul débat contradictoire de la campagne électorale.

En Tunisie? Exclu! L’étudiant a pris son bâton de pèlerin et convaincu le parti du président, le RCD, d’envoyer des représentants pour affronter les opposants en public… à Paris. «Le RCD pensait déléguer d’ex-opposants ralliés à sa cause, ne voulant pas s’abaisser à un dialogue direct. J’ai refusé, et il a fini par envoyer des députés.»

La rencontre fut houleuse, parfois un dialogue de sourds, mais elle a eu lieu. «La Tunisie n’a pas de culture du débat. Tout le monde se protège en se disant apolitique, le sens du mot «indépendant» n’est pas compris. Le pouvoir a forgé un stéréotype de ceux qui le critiquent, et l’opposition fait de même. Tout pousse le citoyen à choisir son camp – blanc ou noir – ou à se retirer de la vie politique.» Sélim ben Hassen en sait quelque chose. Sur les centaines de jeunes Tunisiens étudiant à Paris, «seuls 7 ou 8 sont en sciences po». Quid de la Tunisie? «Malgré son énorme appareil, le RCD n’est pas le cœur du pouvoir. Les vraies décisions se prennent au Palais présidentiel. C’est un sultanat.»

(Source : « Le Temps » (Quotidien – Suisse), le 23 octobre 2009)


Habib Bourguiba: «Toi aussi, mon fils?»

Le 7 novembre 1987, Ben Ali déposait son prédécesseur, Habib Bourguiba, pour sénilité. Ce dernier était au pouvoir depuis 1959

Antoine Bosshard

« Toi aussi, mon fils?» doit se dire, dans la solitude dorée de son palais de Monastir, Habib Bourguiba, dont la vie politique a été mise à mort, samedi au petit matin.

Au vrai, ce Brutus-là [Ben Ali] est le premier d’une longue série de chefs de gouvernement tunisiens à ne pas être répudié, d’un geste du Combattant suprême, et renvoyé au placard de l’histoire. Ni sali, ni accusé des pires crimes, par un Bourguiba-Uranus (ce dieu de la mythologie grecque qui dévorait ses enfants) pour ne jamais réapparaître à la lumière de la vie politique. Non, cette fois-ci, c’est le fils qui accomplit le meurtre symbolique du père.

Il était temps. Depuis des années déjà, la petite cour qui entourait le chef de l’Etat tunisien – 84 ans – faisait et défaisait les hommes au pouvoir à Tunis, intervenait à tout moment pour revenir sur des décisions prises, dans un climat ubuesque d’arbitraire, où l’on ne distinguait plus très bien ce qui était le fait d’un Combattant suprême, devenu capricieux, sujet à des obsessions rageuses, ou de ses fidèles.

Il était temps, parce que des rumeurs de plus en plus insistantes faisaient état du risque d’un coup d’Etat, provenant soit du mouvement islamique, dont le récent procès a clairement montré qu’il baignait en profondeur la société tunisienne, soit des factions prolibyennes qui agitent les armées de terre et de l’air. […] Le jeune premier ministre, qui prenait ses fonctions il y a un mois […] n’a pas agi seul. Il est appuyé, nous assure-t-on, par la quasi-totalité du gouvernement [et] par l’armée. […]

Au cœur de l’aggravation du climat, […] il y avait, d’évidence, l’isolement progressif du pouvoir face à la montée du péril islamique. Bourguiba, qui avait successivement fait taire les quelques opposants, bâillonné les syndicats, supprimé la liberté de la presse, commettait la grave erreur de laisser le champ libre entre la forteresse du pouvoir et les islamiques. Le calcul de Ben Ali, qui a promis samedi de mettre sur pied une nouvelle loi sur la presse et une autre sur les partis, vise précisément à «occuper le terrain» pour mieux contenir les activistes musulmans qui, ces derniers mois, étaient les seuls à incarner, en jouant l’héroïsme et le martyre, le malaise croissant des Tunisiens. »

(Article publié le 9 novembre 1987 sur le « Journal de Genève », ancêtre du quotidien suisse actuel « Le Temps »)

(Source : « Le Temps » (Quotidien – Suisse), le 27 octobre 2009)


La Tunisie prépare déjà l’après-Ben Ali

Assuré de gagner les élections ce week-end, le président de 73   ans doit être attentif à deux clignotants orange sur le plan social

Jean-Claude Péclet A 73   ans, Zine El Abidine Ben Ali ne se sent pas fatigué. Il brigue ce week-end un cinquième et – théoriquement – dernier mandat comme président. Les 10,5   millions de Tunisiens voteront aussi pour élire leurs députés. La marge de suspense est mince: entre 90 et 98% des voix pour Ben Ali. La police et la censure verrouillent le pays. L’avocate des droits de l’homme Radhia Nasraoui, qui dénonçait la «mascarade» des élections dans nos colonnes, est interdite de voyages, harcelée à domicile. Une journaliste du Monde dont les articles ont déplu a été refoulée à la frontière. A part les membres du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), l’omniprésent parti de la majorité qui se réserve 75% des sièges au parlement, la population est largement indifférente à cette campagne monocolore – mauve, la couleur du RCD. Pourtant, le bilan de Zine El Abidine Ben Ali vaut mieux que l’image caricaturale qu’en donnent ses opposants. La Tunisie affiche un taux de croissance moyen de 5% depuis vingt ans, l’accès à l’éducation de base et aux services vitaux y est quasi universel, les transferts sociaux représentent une part importante du budget, les infrastructures sont bien développées, dans les villes en tout cas, beaucoup moins ailleurs. Avec un revenu annuel moyen de 3300   dollars, le niveau de vie est supérieur à celui des pays voisins. Le taux de pauvreté a été réduit à 7%, estime la Banque mondiale, et, si la classe moyenne n’atteint pas 80% de la population comme le clame la propagande officielle, elle existe bel et bien. Le gros point noir reste l’absence de libertés. «Malgré les engagements du gouvernement, les citoyens ne jouissent d’aucune liberté politique», écrit le Département américain des affaires étrangères. La Tunisie est classée 154e, derrière la Russie, en matière de liberté de la presse par Reporters sans frontières. Pour le respect des droits humains, la Fondation Mo Ibrahim lui attribue le même score qu’au… Nigeria. Les remontrances occidentales au régime restent néanmoins feutrées. Pour l’Europe (75% des échanges commerciaux), la Tunisie est un sous-traitant bon marché, bien éduqué et souple. Si l’automobile et le textile peinent en ce moment, les centraux d’appels téléphoniques y sont en plein boom. La Suisse, dont les exportations vers la Tunisie ont augmenté de 155 à 180   millions de francs l’an dernier, est le 8e partenaire économique du pays, qui développe ses pôles de compétences technologiques. Pour les Etats-Unis, le régime Ben Ali offre un rempart face à l’islamisme radical. D’ailleurs, le président tunisien n’aime pas parader sur la scène internationale. Il est discret hors des frontières; en retour on le dérange peu… Mais Zine El Abidine Ben Ali n’est pas immortel, et les observateurs de la campagne ont noté la place croissante qu’y occupe son épouse, Leila, née Trabelsi. Œuvres caritatives, défense des femmes musulmanes, meetings électoraux, première page des journaux: elle est partout. Dans l’économie surtout. Publié début octobre, La Régente de Carthage, écrit par Nicolas Bau et Catherine Graciet, détaille les nombreux secteurs (banques, immobilier, commerce,   etc.) sur lesquels le «clan Trabelsi» a «fait main basse». Les informations de ce livre «reflètent bien la réalité», dit une autre source. Cela ne fait pas encore de Leila Ben Ali la dauphine désignée du président. «Le propre des autocrates est de ne pas préparer leur succession», relève un proche observateur de la vie politique tunisienne. Pour Catherine Graciet, un des auteurs de La Régente, «la bourgeoisie d’affaires en a assez du clan Trabelsi et du système de corruption généralisé. De plus, l’attitude des services secrets, qui jouent un rôle important, n’est pas claire.» Si le suspense électoral est nul, deux feux orange clignotent. D’abord le chômage. Le taux officiel atteint 14%, mais il est deux à trois fois plus élevé chez les jeunes diplômés. Joint à l’absence de liberté, c’est un cocktail explosif. L’endettement de la classe moyenne «fragilisée», selon un diplomate, est le second souci. «Le gouvernement a acheté la paix sociale avec des crédits généreux, mais les échéances commencent à tomber», dit un étudiant en sciences politiques. (Source : « Le Temps » (Quotidien – Suisse), le 23 octobre 2009)

 

Pascal Clément (ancien ministre français) juge choquant de dire que la Tunisie n’est pas une démocratie

Invité ce jour de l’émission C’est demain la veille sur France Inter, l’ancien garde des sceaux Pascal Clément (UMP) a donné un satisfecit à la jeune démocratie tunisienne. Ses propos (reproduits ci-dessous) ne devraient pas manquer de susciter de vives réactions tant ils vont à l’encontre des situations décrites par les organisations de droits de l’homme.

Verbatim : “L’opposition est-elle muselée ? Pas plus qu’ailleurs et peut être moins que dans d’autres pays. C’est une démocratie qui mériterait de faire des progrès comme la notre (…) Aujourd’hui la Tunisie est le pays qui économiquement est le plus développé de sa région. C’est vrai qu’il a jugulé l’islamisme, merci. (…) Nuançons notre point de vue. On peut déplorer qu’il n’y ait pas d’alternative à M. Ben Ali. Ca c’est d’accord et, semble-t-il, il n’y en a pas. Mais, dire que ce ‘est pas une démocratie ça, c’est très choquant” .

Les propos de l’ancien ministre de la justice s’inscrivent dans la droite ligne de l’opinion occidentale dominante bienveillante à l’égard du président Zine El Abidine Ben Ali, en raison de ses succès économiques, de la stabilité du pays et de son rôle de “rempart” contre l’islamisme.

Au pouvoir depuis 1987, date à laquelle il a écarté pour “sénilité” son prédécesseur Habib Bourguiba, Ben Ali, 73 ans, a instauré un régime qualifiable d’autoritaire. Contrairement aux propos de Pascal Clément, le pouvoir Tunisien tolère à peine l’opposition. Le mouvement islamiste Ennahda et le Parti des Ouvriers communistes de Tunisie (POCT), notamment, ne sont pas reconnus. “Théoriquement pluraliste, la Tunisie vit de fait sous un régime de parti unique où le pouvoir exécutif n’est tempéré par aucun contre-pouvoir“, observe la présidente de la Fédération Internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), Souhayr Belhassen.

Une appréciation confirmée Jean-François Julliard le président de Reporters sans frontières (RSF) : “En Tunisie, la critique politique n’existe pas. Les journalistes de l’opposition et les militants des droits de l’Homme sont surveillés en permanence“. La presse étrangère n’est guère mieux traitée. Une journaliste française du quotidien Le Monde , arrivée en Tunisie pour couvrir les élections, a été refoulée.

Les élections présidentielles qui se déroulaient ce dimanche sont sans surprise . Ben Ali au pouvoir depuis 22 ans est assuré d’être réélu pour un cinquième mandat.

La bienveillance des nations européennes s’explique également par l’importance des flux économiques. La Tunisie réalise 80 % de ses échanges économiques avec l’Union européenne, la France en tête. En visite officielle en Tunisie en avril 2008, Nicolas Sarkozy avait déclaré n’avoir pas de leçons à donner en droits de l’homme au président Ben Ali .

(Source : « Lemonde.fr » (Site du quotidien « Le Monde » (France), le26 octobre 2009)


 Petite forme pour Ben Ali, réélu avec 89% des voix seulement

Par Zineb Dryef

Oh la surprise ! La Tunisie, décrite comme une dictature par les opposants et la presse étrangère, est en réalité démocratique. La preuve : pour la première fois depuis l’indépendance en 1956, un candidat a remporté l’élection présidentielle avec moins de 90% des suffrages exprimés.En 1959, Habib Bourguiba obtenait 99,67 % des voix. En 1964, en 1969 et en 1974, son score a toujours flirté avec les 100%.

Zine el-Adibine Ben Ali, son successeur, est moins populaire en 1989 : 99,27 % seulement des suffrages. En 1994, il fait mieux avec 99,91 %. S’ensuit une dégringolade : 99,44 % en 1999 et 94,48 % en 2004.

Et ce dimanche, un minuscule 89,62% des suffrages. Que s’est-il donc passé ? Les Tunisiens seraient déjà lassés de leur président après vingt-deux ans de règne ?

A l’ambassade : « Attendez les résultats définitifs ! »

A la très zélée ambassade de Tunisie à Paris, on n’a peur de rien : « Attendez les résultats définitifs ! » Lesquels sont en réalité déjà comptabilisés.

Face à Ben Ali, trois candidats de l’« opposition ». Mohamed Bouchiha du Parti de l’unité populaire (5,01%) et Ahmed Inoubli de l’Union démocratique unioniste (3,80%) sont tous deux sont réputés proches du pouvoir. Le seul candidat à peu près crédible, Ahmed Brahim, ex-communiste, a obtenu 1,57% des voix.

« Un décor ! Les autres candidats sont des satellites du parti au pouvoir », commente Taoufik Ben Brick, récemment harcelé par la police tunisienne. Le journaliste et opposant au régime, s’est également déclaré déçu :

« On s’attendait à ce qu’il casse son propre record. 89%… il n’a donc plus rien dans les jambes. Plus sérieusement, les résultats ne veulent absolument rien dire. Il aurait pu faire 0% que ça n’aurait rien changé, rien enlevé à son pouvoir. »

Le presse officielle ne s’arrête pas à cette baisse du score

Sans surprise, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), le parti de Ben Ali, a conservé sa très large majorité avec 75% des suffrages aux élections législatives qui se tenaient en même temps que la présidentielle.

En Tunisie, la presse aux ordres a évidemment fêté cette victoire, balayant toute les critiques :

·                        « Ce vote a valeur de plébiscite. N’en déplaise aux détracteurs de notre pays et à une minorité qui n’éprouvent aucun gène à s’en remettre à l’étranger pour quérir son soutien et nuire à leur patrie, la Tunisie a fait montre au monde entier qu’elle est un Etat de droit. » (Le Renouveau, organe du parti de Ben Ali)

·                        « Mais c’est en masse que les Tunisiennes et les Tunisiens ont voté (…) C’est la meilleure réponse au délire des brebis galeuses et à la frilosité de ceux qui, de l’intérieur, croyaient pouvoir rallier les esprits chagrins au jeu de “ victimisation ” auquel ils se prêtent. S’il y a dépassements ou fraudes, leurs auteurs seront poursuivis en justice, a dit en substance le Chef de l’Etat. Mais les colporteurs de ragots dans ce sens, c’est à dire les protagonistes de l’intox le seront pareillement. C’est cela un pays de droit. Et c’est ainsi que fonctionnent les institutions. » (Le Temps)

Avant le scrutin, Reporters Sans Frontières (RSF) a condamné la censure dont est systématiquement victime la presse d’opposition. Le ministère de l’Intérieur a ainsi confisqué le numéro 149 du journal du parti Ettajdid Al-Tariq Al-Jadid (La nouvelle voie) qui contenait le manifeste du parti pour la présidentielle à la veille de l’élection.

Kouchner déterminé à « approfondir la relation d’amitié » avec la Tunisie

Autres indésirables, les journalistes étrangers. L’envoyée spéciale du Monde, Florence Beaugé, a été refoulée à son arrivée à Tunis en début de semaine dernière. Elle a expliqué qu’un de ses articlesavait déplu. Son cas n’est pas isolé ; les sites d’information et de partage de vidéos restent inaccessibles depuis la Tunisie.

Tout cela n’empêche guère la France de poursuivre sa politique bienveillante vis-à-vis de Ben Ali. Interrogé sur la liberté d’expression en Tunisie, le porte-parole de Bernard Kouchner a éludé ce lundi en insistant sur la « détermination (française) à approfondir la relation d’amitié » qui unit les deux pays.

Ce mandat devrait être le dernier pour Ben Ali. A moins que l’envie de repousser la limite d’âge du président le reprenne. En 2002, une révision de la Constitution tunisienne a repoussé cet obstacle, de même que celui de la restriction des mandats.

(Source : « Rue89.com » (Site d’information – France), le 26 octobre 2009)

Lien :http://www.rue89.com/2009/10/26/petite-forme-pour-ben-ali-reelu-avec-89-des-voix-seulement-123374


 

Scrutins présidentiel et législatif en Tunisie

Ben Ali V et le « miracle tunisien »

 

« Le suspense est à son comble ! Les Tunisiens attendent avec impatience les résultats de cette grande compétition démocratique. Le peuple est divisé entre ceux qui pronostiquent un score inférieur à 95% et ceux qui sont convaincus du contraire.  

« Les paris sont lancés !  » Pour M. Z., journaliste, caricaturiste, animateur acidulé du blog Débat Tunisie (blog censuré en Tunisie), l’enjeu est de taille : avec quel (autre) score (à la soviétique) le président Ben Ali sera-t-il réélu aujourd’hui ? C’est la « seule inconnue » du scrutin, écrit Toufik Ben Brik sur le site de la Radio Kalima. En 1989, Ben Ali avait obtenu 99,27% des suffrages ; 99,91% en 1994 ; 99,44% en 1999 et 94,49% en 2004.

D’où la première question et seule difficulté qui se pose à l’automne 2009, à la mesure de cette dérisoire parodie de démocratie qui se joue à ciel ouvert : quels maigres scores, compatibles avec sa susceptibilité, Ben Ali concédera-t-il à ses opposants ? », ironise le journaliste trublion. A 73 ans, le général président Zine El Abidine Ben Ali s’apprête à se reconduire, et son clan avec, à la tête de la République tunisienne. Au grand dam de l’embastillée société civile tunisienne. « Tous les cinq ans, rapporte Florence Beaugé dans le Monde (édition du vendredi dernier), les Tunisiens se persuadent que ‘c’est la dernière fois’. La dernière fois qu’ils laissent ‘l’artisan du changement’ se maintenir au pouvoir (…). Mais voilà vingt-deux ans que cela dure. Autant les Tunisiens nourrissaient des illusions au soir du 7 novembre 1987, après que M. Ben Ali eut déposé Habib Bourguiba, devenu sénile, autant ils n’en ont plus aujourd’hui. Et, dimanche soir, ils le savent : quel que soit leur vote, Zine El Abidine Ben Ali sera reconduit à la tête du pays pour un cinquième mandat, avec un score frôlant les 95%. »

« Le général Ben Ali, qui venait de prendre le pouvoir en 1987 par un ‘coup d’état médical’, lui fit subir une régression historique. En l’espace de deux ans, la société est réduite au silence sous une terreur policière écrasante », écrivit en 2004 la militante des droits de l’homme Sihem Bensedrine. (lettre à l’Association mondiale des journaux, 3 mai 2004). Les opposants « authentiques » ne nourrissent, eux non plus, aucune illusion sur l’issue de cette élection. « Si les résultats des élections sont connus d’avance, si c’est Ben Ali qui choisit lui-même ses concurrents – d’ailleurs l’un d’eux n’a pas cessé, lors même de la présentation de sa candidature, de faire l’éloge de Ben Ali – s’il n’y a aucune garantie de transparence de ces élections, toute participation devient superflue, elle ne peut servir politiquement que de décor pluraliste à la dictature. Nous avons appelé au boycott de cette mascarade et à la poursuite de la lutte pour un véritable changement démocratique », déclarait Hamma Hammami, chef du Parti communiste ouvrier tunisien, non reconnu. Opposition laminée, presse muselée, société civile caporalisée, droits de l’homme bafoués, le régime de Ben Ali réinvente depuis plusieurs décennies le « système des bouches cousues ». Qu’importe ; pour les démocraties occidentales, la Tunisie est « fréquentable », un modèle de « développement », de « stabilité ».

L’ancien président français, Jacques Chirac, vantait en son temps « le miracle tunisien ». L’envers du miracle ? Théoriquement pluraliste, on y compte plusieurs partis d’opposition ou indépendants. « La Tunisie vit de fait sous un régime de parti unique et un système où le pouvoir exécutif n’est tempéré par aucun contre-pouvoir. En effet, les pouvoirs législatif et judiciaire sont sous la coupe de l’omnipotente présidence. La presse est totalement contrôlée, exception faite de trois journaux d’opposition, tolérés, mais qui font régulièrement l’objet de mesures arbitraires restreignant leur diffusion. Quant à la société civile, elle ne jouit pratiquement d’aucun espace pour se faire entendre, les rares associations réellement indépendantes étant empêchées d’élargir leur audience auprès de l’opinion », indique dans son rapport sur l’environnement de la campagne électorale le Conseil national pour les libertés en Tunisie, une section de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH).  

(Source: « El Watan » (Quotidien – Algérie), le 25 octobre 2009)

Lien: http://www.elwatan.com/Ben-Ali-V-et-le-miracle-tunisien


 

Ben Ali réélu… encore une fois

Marc Thibodeau La Presse de Montréal, (Paris) Le président sortant de la Tunisie, Zine el-Abidine Ben Ali, qui dirige le pays d’une main de fer depuis plus de 20 ans, a été réélu dimanche pour un cinquième mandat de cinq ans. Le chef d’État de 73 ans a vu son soutien officiel glisser légèrement sous la barre de 90%, à l’issue d’un scrutin décrit comme une «farce» par les opposants du régime, qui dénoncent une nouvelle vague de répression. «Nous pensions que les choses se calmeraient un peu à l’approche de l’élection, mais le régime a plutôt exercé à fond la pression», a déclaré hier le dissident Mohammed Abbou, joint par téléphone à Tunis. Cet avocat de formation, qui a été condamné à une lourde peine de prison après avoir critiqué le régime sur l’internet en 2005, se dit victime d’une campagne de dénigrement dans les médias locaux. Le gouvernement, dit-il, continue par ailleurs de faire pression sur ses clients de manière à le priver de revenus. «Lorsqu’ils sont convoqués, la première chose qui leur est demandée est d’expliquer pourquoi ils font affaire avec moi», a souligné M. Abbou, qui se dit malgré tout moins affecté que d’autres dissidents. Journalistes intimidés Hamma Hammami, un militant communiste qui a fait plusieurs années de prison, a notamment été agressé physiquement, à la fin du mois de septembre, à son arrivée à l’aéroport après avoir fait des déclarations publiques contre le régime. Sa femme, Radhia Nasraoui, qui défend des victimes de torture, a aussi été intimidée. Le journaliste Taoufik Ben Brik, qui tient depuis quelques semaines un blogue sur le site du Nouvel Observateur, subit aussi d’intenses pressions, a indiqué M. Abbou, qui dénonce le recours par les autorités à des procès de droit commun pour faire taire ses opposants. M. Ben Brik a écrit hier que le régime lui cherche noise en évoquant un accident de voiture orchestré par un agent en civil. Il dit s’être «assigné à résidence» pour assurer sa sécurité plutôt que de répondre à une convocation policière. À la veille du scrutin, Reporters sans frontières (RSF) a sévèrement critiqué le déroulement de l’élection en relevant qu’il était impossible pour les journalistes tunisiens indépendants, et les envoyés spéciaux des médias étrangers, de travailler librement. Une journaliste du Monde, qui avait signé la semaine dernière un article relayant de sévères critiques contre le chef d’État, a été refoulée par les autorités à son arrivée à Tunis en prévision du scrutin. Selon RSF, nombre de médias locaux ont fait une couverture totalement déséquilibrée de la campagne, passant pratiquement sous silence les activités des partis de l’opposition, tout en réservant de larges espaces au président sortant. Un biais prévisible au dire de M. Abbou, qui ne croit pas aux résultats officiels avancés par le régime. Pas plus qu’à un taux de participation de l’ordre de 75%. «Le peuple a peur. Dans l’intimité, les gens se montrent très critiques, mais peu de gens osent s’exprimer publiquement», a souligné l’avocat, qui veut à tout prix éviter que le président tente de modifier la Constitution, dans les années qui viennent, pour pouvoir siéger au-delà de l’âge de 75 ans. «Il faut que le peuple tunisien s’y oppose de manière unanime», a-t-il souligné. Un modèle de croissance Le régime tunisien, qui fait généralement peu de cas des accusations de népotisme et de violations des droits de l’homme véhiculés par les dissidents et les organisations internationales, maintient que le pays est un modèle de croissance réussi. Son point de vue trouve écho auprès de certains analystes comme Antoine Sfeir, directeur des Cahiers de l’Orient, qui évoque la croissance économique du pays, la condition des femmes et l’attitude intransigeante du régime envers les intégristes comme autant d’éléments positifs. «Plutôt que de pointer sans cesse ce qui ne va pas, les esprits chagrins devraient voir que la Tunisie est un exemple pour toute la région», a-t-il écrit vendredi dernier dans une lettre ouverte.
(Source: La Presse de Montréal le 27 octobre 2009)

 


                                         LE BILLET DE SIDY DIOP:

 Mister Président

Zine El Abidine Ben Ali, le président tunisien, est un homme d’une exquise urbanité. Alors que ses détracteurs lui présidaient un score de 95 % lors de la présidentielle de dimanche dernier, il a eu la finesse de tomber son score à 89,62 %.

A 73 ans, le voilà qui s’embarque pour son cinquième mandat. « Félicitations Monsieur le Président. En cette heureuse occasion, la Presse s’honore de présenter ses chaleureuses félicitations au Président Ben Ali ainsi qu’au peuple tunisien qui a, encore une fois, fait montre de maturité politique », annonce le quotidien national, avant d’ajouter que le pays « s’apprête à vivre une nouvelle étape sur la voie du progrès démocratique ».

Pour le « progrès démocratique », il faudra repasser. Ce cinquième mandat devrait être, selon la Constitution tunisienne, son dernier. Mais gageons que le très aimé Ben Ali ne trouvera aucun inconvénient à s’autoriser une rallonge. C’est de saison en Afrique. Sauf qu’en Tunisie le boom économique de ces dernières années n’incline guère à une conversion massive à la « parlotte démocratique ».

(Source: « Le Soleil » (Quotidien – Sénégal), le 27 octobre 2009)

Lien : http://www.lesoleil.sn/article.php3?id_article=52097


 

MAGHREB • Sale temps pour la liberté de la presse

En Tunisie mais aussi au Maroc, les journalistes et les dessinateurs ont décidément bien du mal à exercer librement leur métier, comme le prouvent plusieurs affaires récentes.

Pierre Cherruau, Philippe Thureau-Dangin

 Au pouvoir depuis vingt-deux ans, Zine El-Abidine Ben Ali a été réélu le 25 octobre avec 89,62 % des suffrages. La démocratie progresse en Tunisie : lors du précédent scrutin, il avait obtenu plus de 90 % des voix.

Pourtant, à Tunis, tout le monde ne se réjouit pas de ce nouveau triomphe de la “démocratie” au Maghreb. Plus que jamais les opposants sont bâillonnés. Le journaliste et écrivain Taoufik Ben Brik a de plus en plus de mal à faire entendre une voix dissonante. “Les autorités avaient promis de s’en prendre à ma famille, elles ont tenu parole” explique-t-il.

Jeudi 22 octobre, alors qu’il ramenait sa fille de 10 ans de l’école, il aurait été victime d’un nouveau coup monté. “Une femme a volontairement embouti notre véhicule. Puis, elle s’est jetée sur moi. Elle a arraché mes vêtements. Elle s’est couchée sur le capot de notre véhicule. Tout cela devant ma fille qui était bouleversée. ‘Cet agent des services’ voulait me conduire à la police. Grâce au soutien des habitants du quartier, j’ai pu échapper à ce traquenard”, nous a-t-il déclaré de son domicile tunisois.

 

Depuis cet incident, Taoufik Ben Brik se terre à son domicile : “Si je sors de chez moi, je vais être arrêté par la police. Ma maison est déjà cernée.” Ben Brik a sans doute le tort d’être l’un des derniers à oser encore critiquer la “démocratie à la tunisienne”.

Au Maroc aussi souffle un vent mauvais. Le dessinateur Khalid Gueddar a commis un “crime de lèse-majesté” : oser caricaturer le roi et sa famille. Début octobre, il a été entendu par la police pendant deux jours. Il lui est notamment reproché d’avoir “déformé” dans un dessin l’étoile verte qui figure sur le drapeau marocain. Il est accusé “d’outrage au drapeau national”. Khalid Gueddar risque jusqu’à cinq années de prison. Quant à son ancien directeur de publication, Ali Lmrabet, il est toujours interdit d’exercice du métier de journaliste pour une durée de dix ans.

(Source: « Courrier International » (Hebdomadaire – France), le 26 octobre 2009)

Lien : http://www.courrierinternational.com/article/2009/10/26/sale-temps-pour-la-liberte-de-la-presse

 

 


 

Autres articles et nouvelles publiés par des sites de médias de langue allemande :

 

Tunesier stimmen über Dauer-Präsident Ben Ali ab

http://www.focus.de/politik/ausland/wahlen-tunesier-stimmen-ueber-dauer-praesident-ben-ali-ab_aid_448020.html

Tunesien bleibt autoritär regiert

http://www.n-tv.de/politik/Tunesien-bleibt-autoritaer-regiert-article563927.html

Wahlen in Tunesien: 90 Prozent für Ben Ali

http://www.stern.de/politik/wahlen-in-tunesien-90-prozent-fuer-ben-ali-1516997.html

Ben Ali lässt sich wählen

http://www.uni-kassel.de/fb5/frieden/regionen/Tunesien/wahl2009.html

Ohne Fundamentalisten

Präsidenten- und Parlamentswahl in Tunesien Wiederwahl von Präsident Ben Ali gilt als sicher

http://www.epochtimes.de/articles/2009/10/25/506430.html

 Eine Wahl, die nicht wirklich eine ist

http://www.badische-zeitung.de/ausland-1/eine-wahl-die-nicht-wirklich-eine-ist

 Der Dauerherrscher von Karthago

http://www.tagesschau.de/ausland/tunesien106.html

 Ben Ali für immer

http://www.monde-diplomatique.de/pm/2004/10/08.mondeText.artikel,a0023.idx,5


Wahl à la Tunesisch

 

Dass diese Wahl vorne und hinten nicht passt weiss man. Ich war dann trotzdem überrascht, dass mein Kind ebenfalls eine Wahlkarte bekommen hat. (Die Daten, inkl. Geburtsdatum, waren richtig) *kopfschüttel* Simla

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Wie bekloppt ist das denn? Also den falsch geschriebenen Namen auf arabisch, kann man ja noch als Versehen einstufen, aber Kinder die Wahlkarten bekommen? Ich frag mich manchmal ja schon ob die beim Konsulat Angestellten noch alles beisammen haben… das wäre dann wohl die Bestätigung, das dem nicht so ist!

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Meine « beiden » Maenner haben ihre Wahlkarten bekommen, nur leider steht auf denen nicht, wann sie zur Wahl antreten muessen!!!! Ich koennte einiges aus dem Naehkaestchen plaudern, traue es mich z.Z aber nicht. Es ist schon einige Zeit her, aber auf einmal war meine Tastatur gesperrt, dann lief ein roter Balken, aehnlich wie wenn man ein Virenschutzprogramm aktiviert, und mir wurde mitgeteilt, ich haette mich auf « page dangereux » begeben, und jetzt wuerden meine mails gelesen. Am liebsten haette ich ihnen noch viel Spass gewuenscht! Auch bei sms die den Namen Ben Ali beinhalten kommen nur verspaetet an. Meine Tochter kann ein Lied davon singen, denn leider ist ihr Freund ein « Ben Ali ».

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Auf den zugestellten Wahlkarten steht uebringens eine Gueltigkeitsdauer bis 2014!!!!!

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Auch mein Mann hat gestern seine Wahlkarte bekommen. Auf dem beiliegenden Zettel stand dann, wann er wo wählen gehen könnte- war bei euch nichts dabei?

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Schön, das du dich wagst Klartext zu reden. Wenn ich darüber Andeutungen mache, glauben mir das die meisten ja augenscheinlich nicht. Es gibt Sachen die schreibt man einfach nich. Genau wie es Wörter gibt, bei denen augenblicklich Skypeverbindungen gekappt werden. Das ist so und dan können wir auch nichts dran ändern, LG,

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Also mein Mann hat bis jetzt nix bekommen…vielleicht ist es von Konsulat zu Konsulat unterschiedlich…wir gehören zu Berlin

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Wir gehören auch zu Berlin…und einige befreundete Tunesier haben auch noch nichts! Wahlzeit ist wohl zwischen dem 17.- 24.10., also noch ein paar Tage hin! Ruhig Blut…

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Hallo… wir haben nen Freund der in Strassbourg auf dem tn. Konsulat arbeitet… von ihm weiss ich dass nicht jeder in F gemeldeter Tunsi so was bekommt… Das geht eher so per Zufallsprizip meinte er… die Kriterien hat er auch noch nicht rausgefunden… Tolle Demokratie sag ich da nur…

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Ruft der Freund meines Mannes heute an (er lebt in der selben Stadt)…er hätte heute im Briefkasten 4 oder 5 Wahlscheine gehabt…darunter auch der für meinen Mann… Muss man nicht verstehen…

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Nee, oder?!? Männe hat jedenfalls diesmal Post aus München bekommen – er könnte also, wenn er wollte….

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Ja Nela Mabrouk…. meiner hat nix bekommen bis jetzt…. lg wu alacheer… yvonne

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…aber die Wahlunterlagen für meinen Mann sind nicht zufällig auch dabei?? – ich sag ja: in 39 Jahren hat er noch NIE wählen dürfen (aber für Frankreich und Hamburg schon )

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Die haben seinen Familiennamen auf !!!! arabisch falsch geschrieben… Normal. Ich habe es gerade noch erlebt, daß ein Behördenmitarbeiter in Tunesien den Vornamen einer Person falsch in den Reisepaß eingetragen hat, weil er der Meinung war, daß der Name so und nur so transliteriert werden muß (« außerdem gibt es auch Personen, die so ähnlich heißen »). Bei einem Bekannten habe ich mal seine Urkunden, Diplome, Zeugnisse gesehen – es gab kaum zwei darunter, in denen der Name gleich geschrieben war. 🙂

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Jetzt waren wir am Sonntag wählen… Konnte meinen Mann doch noch überzeugen… Der konnte es sich aber nicht verkneifen die Herren dort auf ihren Fehler (Name auf arabisch falsch geschrieben) hinzuweisen und auf Korrektur zu bestehen. Die Herren nahmen es gelassen… Waren alle wohl gut drauf?! Interessant fand ich, dass in der ‘Kabine’ sehr viele übrig gebliebene Karten rumlagen… ein dezenter Hinweis, welche Karten nicht in den Umschlag gehören??? Zur Transparenz der tunesischen Wahlen kann ich nur sagen: JA! Die Umschläge für die Wahlkarten waren sehr transparent Aber das Wahlergebnis möchte ich dennoch gerne erfahren… 90%, 95% oder gar 100%…

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Ich dachte das man erst ab 18 Jahren in TN wählen kann, hat sich dabei etwas geändert? Claudia

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Das Thema « Wahlen in Tunesien » hat es doch tatsächlich mal in eine deutsche Zeitung geschafft, oh Wunder. Ben Ali will fünfte Amtszeit Präsident gibt sich wenig Mühe, den Anschein eines totalitären Herrschers zu vermeiden Es gibt spannendere Wahlen als die des künftigen tunesischen Präsidenten am kommenden Sonntag. Kaum einer zweifelt daran, dass die Beteiligung niedrig und das Ergebnis eindeutig ausfallen wird. Der amtierende Staatschef Zine el Abidine Ben Ali hat sich schon in der Vergangenheit nur wenig Mühe gegeben, den Anschein eines totalitären Herrschers zu vermeiden. All seine Wahlergebnisse lagen jeweils über 90 Prozent, einmal sogar bei sagenhaften 99,9 Prozent. Der 73-Jährige, der mit seinem gefärbten Haar deutlich jünger wirkt, rechnet fest mit einer fünften Amtszeit. […] Der ganze Artikel: http://www.mz-web.de/servlet/ContentServ…d=1256017770990 Quelle: Mitteldeutsche Zeitung

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…wird seine Regentschaft erst mit seinem Tod enden… was in dem Artikel noch fehlt, ist die Erwartung Eingeweihter, daß es danach dann die erste Präsidentin in Tunesien geben wird…

_________________________ ><((((‘>   Tunesien-Liebe    <‘))))><       ><((((‘>   Informationen über Tunesien   <‘))))><

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Also Frogger, woher hast du denn dieses? Die gute Leila oder wer? Das sein Nachfolger schon benannt ist, ist ein offenes Geheimnis. Sorry, aber ich darf hier jetzt keine Namen nennen. @ Claudia meines Wissens nach darf gewaehlt werden mit der Volljaehrigkeit, also mit 20. Denn eine meiner Toechter ist 18 und hat keine Wahlberechtigungskarte bekommen!

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Na, also solchen tendenziösen Berichten darf man doch keinen Glauben schenken, schließlich hat der Herr Präsident noch gestern das folgende gesagt: Wir werden keinerlei Mißbrauch, Fälschung oder Manipulation des Willens des Volkes tolerieren! Und wenn der das schon sagt, dann ist es auch so – ebenso, wie bei dem, was die Politiker in Deutschland sagen!

_________________________ ><((((‘>   Tunesien-Liebe    <‘))))><       ><((((‘>   Informationen über Tunesien   <‘))))><

Source:http://forum.tunesien.org/ubbthreads.php?ubb=showflat&Number=318207


 

Programmsieg für Ben Ali

Tunesiens Präsident bestätigt

Kocher V. (vk)

 

vk. Genf ⋅ Der tunesische Präsident Zinelabidin Ben Ali hat nach den offiziellen Resultaten in der Wahl vom Sonntag ein neues, fünftes Mandat erhalten. Er erhielt 89,62 Prozent aller Stimmen; die Zustimmung variierte von 84,16 Prozent in Monastir bis zu 94 Prozent unter den Tunesiern im Ausland. Die Wahlbeteiligung betrug 89,4 Prozent aller eingeschriebenen Stimmbürger. Der einzige wahrhaft unabhängige Herausforderer, der Ex-Kommunist Ahmed Brahim von at-Tajdid, erlangte nur 1,57 Prozent.

 

Zum relativen Rückgang der Popularität gegenüber dem Ergebnis von 94 Prozent im Jahre 2004 fanden sich kaum Kommentare. Viele Bürger honorierten auf jeden Fall die Stabilität der Verhältnisse unter Ben Ali – auch wenn dafür massive Repression geübt wird – und einen bescheidenen Wohlstand. Die markanten Oppositionellen und auch internationale Bürgerrechtsgruppen beklagten sich auch diesmal über eine Behinderung der Konkurrenz durch die herrschende Partei RCD; der Präsident soll gegen 90 Prozent des Raums während der Propaganda für sich selbst beansprucht haben. Umgekehrt drohte Ben Ali noch am Vorabend der Wahl, wer immer ohne Vorlage von Beweisen an der Sauberkeit der Wahlen öffentlich Zweifel äussere, der werde die Macht des Gesetzes zu spüren bekommen.

 

In den Parlamentswahlen vom gleichen Tag erzielte das Rassemblement Constitutionnel Démocratique (RCD) 161 Mandate oder 75 Prozent, damit entfielen auf die sechs Gruppierungen der Opposition genau die 25 Prozent, welche die Verfassung ihnen garantiert. Insgesamt bestätigte sich das Bild von einem monopolartigem Regime, das die Opposition massiv verdrängt, und umgekehrt von einer Opposition, die den bescheidenen politischen Freiheitsraum nicht zu nutzen versteht, um sich in der Volksgunst durchzusetzen.

 

(Source : « Neue Zürcher Zeitung» (Quotidien – Suisse), le 27 octobre 2009)


 

Kommentar

Hart gegen Hardliner

Stefan Brändle, Paris

 

Ben Ali ist ein glücklicher Despot. Mit seinen inneren Feinden macht er kurzen Prozess, und dafür erhält er im Ausland auch noch Applaus. Der joviale Ex-Putschist im Massanzug gilt als Vorkämpfer gegen die Islamisten. Der Westen schliesst grosszügig die Augen vor der grassierenden Korruption und vor Folterpraktiken. Das sei der Preis für den – nicht zuletzt religiösen – Frieden im Land, heisst es.

 

Doch die Autokraten im nordafrikanischen Maghreb fördern indirekt den Islamismus, den sie zu bekämpfen vorgeben. Die politische und soziale Misere spielt den Gottesdienern in die Hände.

 

Alles ist eine Frage des Masses. Gleichzeitig ist aber auch klar: Nur eine gewisse politische Öffnung kann die grassierende Korruption und die soziale Unrast in Nordafrika bekämpfen.

 

Der Westen müsste deshalb auf diese herrschenden Potentaten Druck machen, anstatt mit ihnen – wie Nicolas Sarkozy in Libyen – Milliardengeschäfte abzuschliessen, deren Gewinne in den Taschen der regierenden Clans verschwinden.

 

Apropos Libyen: Hätte der Westen seit jeher und konsequent eine härtere Haltung eingenommen, liessen sich vielleicht nicht nur willkürliche Festnahmen in Tunis verhindern, sondern ebensolche Geiselnahmen in Tripolis.

 

(Source : Commentaire publié par « Neue Luzerner Zeitung » (Quotidien – Suisse), le 27 octobre 2009)


 

Kommentar

Schweigen ist in Tunesien Bürgerpflicht

Von Ralph Schulze

 

Hinter Tunesiens freundlicher Fassade herrscht eine unbarmherzige Diktatur. Ein Staat, in dem mit Gewalt und Willkür regiert wird. Ohne Meinungsfreiheit und mit viel Angst. Wo Regimekritiker auf offener Strasse von der Geheimpolizei zusammengeschlagen und Telefone, Internet sowie natürlich die Medien streng überwacht werden. Dies ist das Reich von Tunesiens starkem Mann Zine El Abidine Ben Ali, der sich nun zum fünften Mal mit fast 90 Prozent der Stimmen zum Staatschef erheben liess. Die Wahlbeteiligung im Land mit 5,3 Millionen Einwohnern wurde offiziell ebenfalls mit 90 Prozent angegeben.

 

Dass solche Wahlgänge wenig mit Demokratie zu tun haben, liegt auf der Hand. Tunesiens allmächtiger Ben Ali, wie die meisten seiner arabischen Nachbarn, hält sich vor allem mit einem gigantischen Unterdrückungsapparat an der Macht. Menschenrechtsorganisationen werfen Ben Ali vor, das Land in einen Überwachungsstaat verwandelt zu haben, in dem Presse- und Meinungsfreiheit systematisch eingeschränkt blieben. Offiziell gibt es in Tunesien keine politischen Gefangenen. Es werden allerdings rund 3000 Islamisten hinter Gittern vermutet. Die meisten von ihnen wurden nach dem Attentat auf eine Synagoge auf der Ferieninsel Djerba im Jahr 2002 verhaftet.

 

Das bei Touristen so beliebte Strand- und Palmenland Tunesien ist hinter den Kulissen ein gefürchteter Polizei- und Spitzelstaat, in dem Duckbürgertum sowie Schweigen als Pflicht gilt. Und es scheint ganz so, als ob auch Europas Regierungen, die mit Tunesien sehr gute Geschäfte machen, sich diesem Diktat unterordnen. Nicht so die jungen Tunesier, denen Arbeit und Perspektiven fehlen: Sie versuchen diesem mentalen Gefängnis auf ihre Weise zu entkommen. Immer mehr suchen bei radikalen Islamisten im Untergrund ihr Heil, ziehen als «Gotteskrieger» in den Irak. Tausende versuchen derweil in lebensgefährlichen Reisen übers Mittelmeer nach Italien zu entkommen. Das Ausland sollte erkennen: In Tunesien brodelt es unter der schönen Oberfläche gefährlich.

(Source : Commentaire publié par « Die Südostschweiz » (Quotidien – Suisse), le 27 octobre 2009)


 

DOCUMENT:

Le terrorisme a-t-il un fondement culturel ?

Professeur Yadh Ben Achour

[Conférence donnée à l’Ecole Normale Sup, à Paris le 29 mai 2006 à 11h00]

Pour introduire notre propos, nous allons considérer deux séries d’images médiatiques. La première série concerne l’image de ces bonzes qui, au cours de la guerre du Vietnam, se faisaient immoler par le feu en guise de protestation contre l’intervention américaine…

Ces images atroces ont reçu une diffusion planétaire grâce aux médias, en particulier la télévision. La deuxième série concerne l’attentat terroriste, par exemple celui du 11 septembre 2001. Nous avons là deux types extrêmes d’exercices de la violence qui cherchent à produire le même effet : manifester le plus massivement possible la protestation par la production du sacrifice suprême, avec l’espoir de toucher un ennemi ou un adversaire. Ces deux types d’actes, d’un point de vue extérieur, n’ont évidemment pas la même portée politique. L’un suscite l’admiration et la compassion universelle et produit un effet politique maximum, y compris à l’intérieur même du camps adverse, alors que l’autre limite ses effets à l’intérieur du territoire moral auquel appartient le terroriste. Ailleurs, il provoque l’indignation et le dégoût. L’acte terroriste, en effet, est un défi à des lois primordiales quasiment constitutives de la psychologie humaine. Tout d’abord, il paraît ahurissant et même aberrant, sur le plan moral. Si l’acte de tuer, même justifié par de « bonnes raisons », est, en soi, punissable par tous les systèmes moraux et juridiques(1), mais reste quand même compréhensible, l’acte de tuer sans raison, plus exactement sans cause personnelle directe, par exemple de vengeance ou de haine à l’égard de la victime, demeure totalement injustifié, donc incompréhensible. C’est un acte sans motif, puisqu’aucune causalité particulière ne lie l’auteur à la victime. A ce titre, il devient gratuit, donc répugnant. Sur le plan politique, l’acte terroriste ne constitue pas simplement « un défi à la pensée politique », mais à la politique tout court. En effet, c’est un acte qui, à première vue, se retourne contre son auteur, dans la mesure où la victime qui va tomber n’est pas réellement la cible visée.

Indépendamment du mauvais effet de propagande qu’il provoque contre lui-même, l’acte terroriste se trompe toujours de cible, ce qui aggrave son côté politiquement aberrant. La question fondamentale qu’il convient de poser est la suivante : y aurait-il, derrière le geste du bonze qui s’immole par le feu et celui des kamikazes qui se sacrifient et sacrifient avec eux des victimes situées en dehors du champ causal de cet exercice de la violence, un fondement culturel, le bouddhisme d’un côté et l’islam de l’autre côté ? Nous savons que certains facteurs sont propices à l’acte de barbarie. L’inégalité économique intolérable, la spoliation ou l’exclusion sociale, la domination politique fortifient les ressorts psychologiques de toute forme de violence, y compris le terrorisme. Les formes de ressentiment, issues de la frustration, de l’exploitation ou de l’injustice, développent à leur tour l’esprit justicier et l’instinct d’agression, la haine de l’autre et l’instinct thymotique. Notre question est de savoir si, à côté de ces facteurs, le facteur culturel pourrait entrer en ligne de compte. Pris isolément, le facteur culturel ne peut rien expliquer. On ne peut en effet affirmer péremptoirement : telle religion, telle civilisation, telle culture est, en soi, productrice de terrorisme(2). Cette thèse n’est pas soutenable, alors même que l’on sait que les événements ou les textes fondateurs ou les valeurs fondamentales de telle ou telle culture élèvent ou rabaissent à des degrés divers l’appel à la violence ou sa légitimation. Pour nous limiter au climat monothéiste, il est évident, pour le lecteur des trois textes de l’Ancien testament, du Coran et des Evangiles, que la violence ne reçoit pas le même traitement. Elle se trouve comparativement nettement dévalorisée dans le texte évangélique. La charité, la non-violence, la miséricorde y dominent. Il serait cependant erroné de prétendre, à partir de ce simple constat, que les principes du Texte vont diriger l’histoire particulière ou que l’expérience sera l’exacte réplique du texte initiateur. Dans l’histoire, le christianisme, par l’intermédiaire de l’Eglise, des Etats et des peuples qui se rattachent à son aire de civilisation, a produit autant, et certains pourront dire plus, de violence et de barbarie que les autres. Il ne peut donc y avoir de terrorisme par détermination — ou par déterminisme — culturel. Pour agir, le facteur culturel a besoin d’être « politisé », c’est-à-dire qu’il doit s’intégrer dans un contexte particulier social et historique. Tout dépend des circonstances particulières, du contexte concret de telle ou telle société. Il n’existe ni religion, ni philosophie, ni esprit civique, ni civilisation, qui, par essence, serait propice au développement du terrorisme. Prenons comme exemple l’islam. On pourrait être tenté, étant donné la corrélation actuelle évidente entre le terrorisme, en particulier le terrorisme international, et les mouvements islamistes radicaux, d’expliquer le phénomène par référence aux traits fondamentaux de caractère religieux, moral, intellectuel, propres à la civilisation islamique. Le désir absolu de Dieu, de l’éternité de la purification morale(3), l’unicité absolue du divin dans le corpus coranique, la nature ecclésiale et « totaliste » de la communauté des croyants provoquant immanquablement la confusion des instances politiques et religieuses affirmée dès l’origine de l’islam, du temps même du Prophète, le caractère illusoire et trompeur de la cité terrestre au regard de la seule vérité de la cité céleste, la responsabilité de l’individu, en charge de lui-même et des autres, à l’égard de Dieu, la valorisation de la violence restauratrice dans le texte coranique et dans les hadiths du Prophète, la familiarité du concept de Jihad dans la conscience politique et religieuse du musulman, l’obligation de combattre le mal et de restaurer l’ordre divin du monde toujours menacé par les nuisances humaines de toutes sortes, l’impératif de défendre l’ummah islamique, pour la gloire de Dieu ; tout cela constituerait autant de représentations, de valeurs, de réflexes mentaux et psychologiques favorables à l’exercice sans limite de la violence et de la terreur. La défense de l’islam, au service de la gloire de Dieu, constituerait une fin suprême, justifiant tous les moyens.

Le déracinement, l’exclusion et l’absence d’intégration réelle

Tous ces arguments sont en eux-mêmes corrects, mais ne permettent nullement une quelconque conclusion de principe sur le plan pratique, comme celle qui consisterait à croire que la culture islamique est une culture de violence sans bornes. A la rigueur, on serait juste en droit d’affirmer que ces convictions fondamentales, dont certaines ne sont pas d’ailleurs scripturaires mais historiques, rendent les formes extrêmes de violence possibles ou qu’elles peuvent aisément servir à les justifier après coup. Mais on ne peut aller plus loin. Un certain nombre de constats nous empêchent d’aboutir à une telle conclusion. Tout d’abord, sur le plan scripturaire, le texte fondateur quelles que soient ses sources ou ses branches, comprend autant d’appels à l’exhortation, à la paix, à la conciliation et à la condamnation de toutes les formes de violence sans droit. Ensuite, il faut encore rappeler que le texte n’a aucune souveraineté sur le déroulement de l’histoire. L’autonomie de cette dernière est absolue. Elle évolue selon des mécanismes, des causalités et des nécessités qui lui sont propres. Enfin, les historiens peuvent démontrer que l’histoire de l’islam connut de longues et nombreuses périodes au cours de laquelle da civilisation islamique se manifesta avec éclat, par la paix, le dialogue avec les autres civilisations, l’esprit d’ouverture et de tolérance. Ce sont donc, en définitive, les conditions historiques et les circonstances particulières de chaque époque qui constituent le seul critère explicatif valable. Ce sont ces circonstances qui peuvent expliquer qu’une culture devienne agressive. Ce sont ces conditions qui favorisent l’éclosion d’une pensée politique d’incitation à la violence aveugle. En ce qui concerne l’islam, toutes les conditions historiques actuelles se conjuguent pour faire d’une large partie de sa culture, en particulier de sa culture politique, une culture de violence et d’agression. Parmi les éléments importants constitutifs de cette situation mentale particulière, nous pouvons tout d’abord évoquer l’immense difficulté devant laquelle se trouve la civilisation islamique d’avoir à assumer le phénomène de sa stagnation pour ne pas dire sa régression depuis le XVIe siècle, ensuite la hantise du complot occidental contre l’islam et enfin les changements brutaux d’ordre sociologique et urbain, qui font des grandes villes du monde islamique actuel des centres de formation pour le développement d’un culturalisme conservateur délibérément antimoderniste et des nouvelles terres d’islam des espaces de diffusion de cette culture. Comme l’écrit Abdelwahab Meddeb : « Le monde islamique n’a cessé d’être l’inconsolé de sa destitution(4). » Pour tout observateur, il est aisé aujourd’hui de constater dans la pensée et la parole des musulmans, spécifiquement ceux de la région arabe, la présence d’une profonde nostalgie, parfois même d’un romantisme certain, tournant autour du thème des gloires du passé et de la contribution du monde musulman au développement de la civilisation mondiale, en particulier celle de l’Europe. Le contraste entre une Europe moyenâgeuse noyée dans l’obscurantisme et la stagnation culturelle face à une civilisation islamique humaniste, brillante sur le plan du commerce, de la puissance militaire, de la science et des technologies, de la littérature et de la philosophie, constitue un sujet favori des débats sociaux et historiques. Ce contraste se révèle à travers des figures emblématiques : l’Abbasside Haroun Errachid, révélant la puissance de son empire à Charlemagne, Saladin, l’Ayyubide, enseignant aux croisés l’esprit chevaleresque, le Sultan al Kami] ou l’émir Fakhréddine convaincant l’empereur Frédéric II de la supériorité de la civilisation orientale, lui révélant même l’esprit laïc, l’Andalousie arabe, ses poètes, ses hommes de science, ses philosophes, creuset et origine, de la future renaissance européenne selon l’aveu même de Pic de la Mirandole, consigné au début de son œuvre sur la Dignité de l’homme. Quant au dossier sur le complot occidental contre l’islam, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il est bien fourni. Il est construit à partir de faits objectifs, dans le cycle d’une permanente hostilité entre l’islam, responsable de la division de l’unité gréco-latine du monde méditerranéen, et l’Occident chrétien. Entre l’idée d’un cycle objectif d’hostilité et celle du complot, s’interpose évidemment la subjectivité de l’interprète, mais les faits sont là. La Sainte Ligue, le démembrement de l’empire ottoman, que certains font remonter à la bataille de Lépante, le colonialisme républicain et laïciste faisant alliance avec l’église contre l’islam, comme en témoigne le Congrès eucharistique de Carthage en 1925, les mandats britannique et français au Moyen-Orient, divisant artificiellement l’unité arabe au moyen- orient, débouchant finalement sur la création d’un foyer national juif, puis de l’Etat d’Israël, en contradiction totale avec les principes mêmes du mandat international confié aux puissances mandataires par la S.D.N. Aujourd’hui, la politique américaine inconditionnellement rangée sur les positions de l’Etat hébreu, provoquant en Irak le chaos, la destruction, la guerre civile, et des massacres incomparablement plus graves que ceux provoqués pendant tout le régime baathiste de Saddam Hussein, les politiques de marginalisation, sinon d’exclusion des musulmans en Europe, le problème de l’entrée de la Turquie dans l’Union Européenne, tous ces événements, dont la liste pourrait être considérablement allongée, sont interprétés, parfois à tort, parfois avec raison, comme autant de signes irrécusables d’un immense complot de l’Occident visant à anéantir l’islam, en tant que civilisation mondiale concurrente. Cet état d’esprit contribue fortement à la constitution d’un sentiment généralisé de victimisation tout à fait propice à l’émergence d’une psychologie politique de revanche, restitutive et réparatrice, radicalement militante. La politique occidentale ne fait rien ou fait peu de chose pour atténuer ou combattre cette thèse du complot occidental contre l’islam. François Burgat, a pu justement noter : « …toute la contradiction vient précisément de ce que l’Occident contribue d’une main à renforcer, directement.. ou indirectement. . ce radicalisme qu’il prétend combattre de l’autre (5). » Se prononçant ensuite sur le rapport de causalité entre la culture et la radicalisation du monde islamique l’auteur ajoute : « La maladie (culturelle) apparente de l’islam est le produit et non la cause de ce cercle vicieux très politique où est enfermé le monde musulman et dont l’Occident se préoccupe si peu de l’aider véritablement à sortir(6). » Les phénomènes migratoires constituent une autre cause de développement de cette psychologie victimaire, tendanciellement portée à la violence. A l’intérieur des pays musulmans, l’exode rural perturbe gravement les fonctions civiques de la cité. La population issue de l’exode rural ne participe nullement au développement de l’esprit municipal. Elle provoque, au contraire, l’apparition d’une citoyenneté de rupture, revendicatrice et revancharde, aussi bien par rapport à l’establishment de la cité, que par rapport à l’Etat central. La surpopulation périphérique des grandes cités comme Casablanca, Alger, Tunis, Le Caire, Islamabad ou Djakarta alimente et aggrave toutes les crises : celle du logement, en premier lieu, celle du transport, celle de la santé ou du service public scolaire ou universitaire, celle du désœuvrement et du chômage. Sur son propre territoire le citoyen devient souvent un déraciné, en divorce avec son milieu. La quête d’un refuge, la recherche du sens, par delà l’Etat, deviennent, en conséquence, des questions centrales de sa vie et en particulier de sa vie politique. Le culturalisme conservateur, par sa négation de l’ensemble « Occident-Etat national-élite occidentalisée » , offre à ce citoyen une réponse à première vue satisfaisante à ses problèmes vitaux. Les politiques ostensiblement culturalistes des gouvernements ne modifient que très peu les données du problème : elles sont comprises comme de simples techniques d’agrippement au pouvoir. Les migrations transnationales aboutissent approximativement au même résultat. Sur les nouvelles terres d’Islam, en Europe, aux États-Unis, au Canada, se constituent également des minorités périphériques ethnico-religieuses caractérisées par le déracinement, l’exclusion et l’absence d’intégration réelle, la crispation autour d’une identité inventée. La quête du refuge s’exprime ici alors par le démarquage et l’hostilité latente à l’égard du milieu. Le culturalisme radical, celui d’un Sayed Kotb, d’un Mawdûdi, ou d’un Hassan al Bannah, là encore, va pouvoir offrir à la psychologie victimaire, en particulier par l’intermédiaire d’Internet, des raisons de croire ou d’espérer, de nier ou de haïr, des motifs pour agir, des utopies virtuelles, l’ Ummah, la Khilafa, pour se reconnaître et se rassembler, une technique de violence, le jihad, à leurs yeux salutaire pour s’affirmer. Une culture du sacrifice, du don de soi et du martyr, impliqué par le concept de jihad lui-même va nourrir le terrorisme des « Armées de Mohamed » d’al Qa ’ida, et des partis jihadistes. La véritable question, par conséquent, n’est pas de savoir si telle ou telle culture est de nature à encourager ou produire le terrorisme, mais, quel type de culture, dans un contexte particulier, pourrait le favoriser. Placée dans certaines circonstances, une culture donnée peut exacerber la haine de l’autre, à un point tel que l’acte terroriste pourrait y trouver une justification, une juste cause, du moins aux yeux de celui qui l’accomplit. Dans de telles circonstances, la politique devient une passion pure et non plus le champ du calcul rationnel pour défendre ou sauvegarder le plus grand ou le meilleur intérêt possible, à la fois pour la gloire des gouvernants et pour la satisfaction des gouvernés. On ne raisonne plus alors en termes d’intérêts bien compris, de résultats escomptés et possibles, mais on agit pour assouvir une passion. Cette dernière est loin d’être aveugle. C’est le résultat qui le devient. Ce type de culture est, en général, le produit d’un enfermement à.la fois sur l’identité et sur le dialogue ou la reconnaissance purement intérieurs, c’est-à-dire la culture endophasique. La culture identitaire se forme lorsqu’une nation, un peuple, ou un groupe social donné, fixe ses horizons de pensée sur le culte exclusif de son identité. Il s’agit d’une surévaluation d’un certain nombre de facteurs composant normalement et nécessairement l’identité, tels que la langue, la religion ou l’histoire. Vue par ses propres locuteurs, la langue devient alors le signe de l’inimitable, de l’incomparable. Cette situation est particulièrement forte dans le cas où la langue est associée à un texte sacré. Elle devient alors la langue miracle, comme pour les arabes, rehaussant leur langue, la « langue du Dhâd » au niveau du sacré. Les autres langues ne sont pas de la même veine.

Comme la langue, la religion est également fondatrice d’identité. Dans des circonstances normales, de paix et d’échange, la religion peut faire signe vers l’ouverture d’esprit, la tolérance et l’acceptation de l’autre. Dans des circonstances de tension, de frustration, d’injustice, la religion peut être réinventée au service de l’agression et de la violence restitutive ou. réparatrice. Quant à l’histoire, elle consiste en une science entre les mains des interprètes. Ces derniers, souvent avec la plus flagrante mauvaise foi, peuvent la travestir, accentuer dans tous les sens les grands événements du destin historique, mettre l’histoire au service d’une identité agressive ou d’un nationalisme défensif. Tous ces éléments sont indispensables à la formation et au développement de la personnalité d’une nation. Mais il suffit que les circonstances historiques qui entourent les relations avec l’autre soient gravement détériorées, pour que ce culte de soi, par la langue, la religion ou l’histoire, aille jusqu’à produire les figures extrêmes de la violence, et en particulier l’acte terroriste. La culture identitaire peut se voir suractivée par le sentiment de la victimisation que nous avons précédemment évoquée. Cette dernière provient à la fois de faits historiques objectifs, mais également d’une dose certaine de jugements subjectifs qui poussent le groupe à se poser comme la cible d’une injustice, d’un complot, d’une entreprise de domination, d’exploitation ou de destruction. Telle est, aujourd’hui, la situation du monde islamique. Ce dernier est encore sous l’emprise de nombreux complexes, celui du colonisé, celui de l’exclu, du minoritaire, de l’exploité, du vaincu et du dépossédé. De même, les circonstances historiques peuvent faire qu’un peuple ne parle plus qu’en langage intérieur, enfermé sur soi-même. La culture endophasique est tout le contraire de la culture moderne. Si, comme l’affirme Abdallah Laroui, l’homme moderne est celui qui « n’a pas de fond », l’homme endophasique est celui qui ne regarde que son propre miroir, pour ne voir que sa seule image, avec son propre fond. La culture endophasique repose sur un certain nombre d’éléments à combinaisons variables dans le temps et l’espace. Tout d’abord, la certitude d’être dans le droit chemin, celui de la vérité, de détenir cette dernière à titre exclusif. Ensuite, l’exaltation, c’est-à-dire la soumission de la pensée à des modes passionnels de réflexion. Le mode passionnel de réflexion, par l’effet de son aveuglement donne des motifs très forts pour l’action. Le don de soi devient le sacrifice suprême. Enfin, la sacralisation et la transcendantalisation qui placent toute action, en particulier l’action politique, dans une perspective mythique, en dehors du temps terrestre. Dans cette perspective, le débat politique n’est plus un débat, mais une consécration, puisque la vie est ailleurs, que l’ici-bas n’est rien et que le paradis constitue la récompense pour les seuls justes, c’est-à-dire, en fait, ceux qui tiennent le discours. Analysant le discours religieux contemporain, dans l’aire de civilisation islamique, Nasr Hamed Abou Zeïd, dans sa Critique du discours religieux, analyse avec beaucoup de finesse les mécanismes de ce discours. Il est construit à la fois sur l’amalgame entre la pensée et la religion, sur le rattachement des phénomènes à un principe unique, sur le recours au patrimoine et à l’autorité des anciens, sur l’intolérance et l’anathème, enfin sur le rejet de l’historicité de l’existence humaine. Ses postulats reposent sur la souveraineté absolue du divin et le référentiel exclusif au Texte. Le mode passionnel de raisonnement que nous venons d’évoquer repose uniquement sur des a priori. Il n’est pas, épistémologiquement parlant, capable d’admettre ce que Abu Zeïd appelle historicité, c’est-à-dire le fait que le Coran constitue un texte linguistique, que la langue nous met au cœur de la culture et que le texte, par conséquent, n’est pas détachable de son contexte culturel particulier. Il écrit à ce propos : « Les textes religieux ne sont, en dernière analyse, que des textes linguistiques, en ce sens qu’ils appartiennent à une structure culturelle déterminée, qu’ils sont produits conformément aux lois régissant la culture qui les a vu naître et dont la Langue est justement le principal système sémiotique(8). » Conclusion. Aucune culture, en soi, n’est productrice de violence ou de terreur. Ce sont les circonstances particulières qui expliquent qu’une certaine culture peut devenir, à un certain moment de son histoire, un élément d’explication du terrorisme. Ce dernier, par la négativité même de son processus, par le mal et la peur qu’il engendre, participe, objectivement, au rééquilibrage des forces, et au changement de circonstances. Au minimum, il fait prendre conscience qu’une situation anormale et intolérable existe pour certains et que des remèdes de tous ordres doivent lui être trouvés. Au maximum, hypothèse possible, il peut venir à bout de ses adversaires et triompher politiquement. L’histoire lui donne alors raison. Il n’existe pas mille moyens de lutter contre le terrorisme. Le premier, c’est la contre-violence terroriste. L’actualité de notre monde, en Afghanistan, en Irak, en Palestine, nous montre que cette contre-violence aussi massive soit-elle aboutit à l’impasse, qu’elle est incapable de mettre fin au terrorisme et que, en revanche, elle est susceptible de l’alimenter et de le renforcer. Le deuxième consiste à aller vers sa source explicative, en vue d’établir plus de justice, économique, sociale, politique, culturelle, au niveau des relations internationales. Il s’agit là d’un impératif qui consiste à la fois à agir sur les causes profondes du terrorisme et, parce que la paix procède toujours et nécessairement d’une négociation, à se soumettre aux conditions et revendications du terrorisme, tout simplement parce que ces dernières ne constituent pas systématiquement des aberrations. Pour lutter contre le terrorisme avec efficacité, il est nécessaire de prendre conscience que ce dernier peut avoir de bonnes raisons d’agir comme il le fait. Le troisième, consiste à développer la contre-culture terroriste. Comme le recommande l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe : « La culture sous tous ses aspects : art, patrimoine, religion, médias, science, enseignement, jeunesse et sport peut jouer un grand rôle pour prévenir le développement d’une mentalité terroriste, pour dissuader les terroristes éventuels et pour les couper de tout soutien plus vaste. Son importance à cet égard est néanmoins fréquemment sous-estimée. » (Recommandation 1687.2004. précitée). Cette contre-culture terroriste peut s’accomplir par la lutte contre les préjugés de toutes sortes, le combat contre la culture identitaire et endophasique, le développement de l’esprit critique et de la relativité, l’abolition des certitudes absolutistes et absolutoires, l’encouragement de l’esprit philosophique, l’ouverture sur l’autre et la tolérance. Seule une politique culturelle ouverte, scientifique, critique, rationnelle, relativiste, peut réellement venir à bout de la culture terroriste. La lutte contre le terrorisme n’est pas une simple affaire de militaires et de policiers. C’est une très vaste entreprise intellectuelle.

(Source : le portail multimédia de l’Ecole normale Sup (France), octobre 2009)

Lien :http://www.diffusion.ens.fr/index.php?res=conf&idconf=1328

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