25 avril 2011

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TUNISNEWS
10 Úme année, N°3989 du 25.04.2011


AFP:Des centaines d’immigrĂ©s tunisiens rĂȘvent de la France Ă  la gare de Rome

Aziz Krichen:OU RESIDE LE DEVOIR :DANS LA DIVISION OU DANS L’UNITE ?

mrhayoun:LA FRANCE ET L’IMMIGRATION DE TUNISIE ET D’AILLEURS


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Des centaines d’immigrĂ©s tunisiens rĂȘvent de la France Ă  la gare de Rome


AFP 25/04/2011 11:03
 
ROME — ArmĂ©s de leur prĂ©cieux permis de sĂ©jour temporaire dĂ©livrĂ© par l’Italie, des centaines d’immigrĂ©s tunisiens transitent ces derniers jours par la gare centrale de Rome, d’oĂč ils espĂšrent gagner la France grĂące aux billets de train gratuits remis par les autoritĂ©s locales.
 
AprĂšs un voyage pĂ©rilleux des cĂŽtes tunisiennes jusqu’Ă  l’Ăźle de Lampedusa, ces Tunisiens fuyant la pauvretĂ© affluent chaque jour Ă  la gare de Termini en provenance de centres d’accueil du sud de l’Italie et en repartent avant le soir.
 
« Chaque jour, il y en a des centaines qui arrivent », raconte Dorsaf Yacoubi, une jeune Italienne d’origine tunisienne qui aide comme volontaire les immigrĂ©s en leur distribuant des repas prĂ©parĂ©s qu’elle retire d’une petite camionnette sous le regard des touristes et des policiers.
 
Un peu plus loin, des membres de la protection civile italienne distribuent des billets de train gratuits pour permettre aux Tunisiens d’arriver jusqu’Ă  Vintimille, derniĂšre ville italienne avant la frontiĂšre française.
 
« Il est nĂ©cessaire que la protection civile intervienne rapidement, avec notre aide naturellement, pour Ă©viter les regroupements d’immigrĂ©s Ă  Termini », a expliquĂ© le maire de droite de la capitale, Gianni Alemanno.
 
Paris a d’ailleurs accusĂ© Rome d’abuser de l’accord de Schengen sur la libre circulation des personnes en fournissant des documents de voyage et permis de sĂ©jour temporaires aux Tunisiens, accusant Ă  mots couverts Rome de s’en dĂ©barrasser ainsi Ă  bon compte vu que la plupart veulent aller en France.
 
Ce dossier est en tĂȘte des questions qui seront abordĂ©es mardi lors d’un sommet Ă  Rome entre le prĂ©sident français Nicolas Sarkozy et le chef du gouvernement italien Silvio Berlusconi.
 
« Nous ferons en sorte que Rome ne devienne pas la derniĂšre Ă©tape d’une vague incontrĂŽlĂ©e d’immigration », a affirmĂ© M. Alemanno, un ex-nĂ©o-fasciste et tĂ©nor du parti de M. Berlusconi, s’attirant les critiques de la communautĂ© catholique Sant’Egidio, qui a fait part de sa « stupĂ©faction, dĂ©ception et prĂ©occupation » face Ă  l’attitude des autoritĂ©s municipales.
 
« Nous sommes si accueillants quand des Ă©trangers viennent dans notre pays, on veut juste un peu d’hospitalitĂ© et travailler. Nous sommes des gens honnĂȘtes », se dĂ©fend Nasser Seghaier, un informaticien de 26 ans qui espĂšre pouvoir rejoindre son frĂšre en banlieue parisienne.
 
« Sarkozy n’aime pas les Arabes, il y a beaucoup de problĂšmes », ajoute-t-il, tout en montrant fiĂšrement ses papiers: « Regardez, c’est Ă©crit que je peux aller n’importe oĂč en Europe! »
 
Au total, plus de 20.000 migrants tunisiens ayant dĂ©barquĂ© dans le sud de l’Italie entre janvier et le 5 avril, date d’un accord italo-tunisien de lutte contre l’immigration clandestine, ont bĂ©nĂ©ficiĂ© de ces permis temporaires dĂ©livrĂ©s pour raisons humanitaires.
 
En attendant, les Tunisiens prĂ©sents Ă  Termini sont surpris par le manque d’organisation des autoritĂ©s italiennes: « l’organisation est complĂštement dĂ©faillante, honnĂȘtement, je suis choqué », confie Mohammed Hammouda, un ingĂ©nieur Ă©lectricien de 27 ans originaire de Sfax.
 
Il est arrivĂ© le 26 mars Ă  Lampedusa, la petite Ăźle italienne proche des cĂŽtes tunisiennes, d’oĂč il a ensuite Ă©tĂ© conduit dans un camp du sud de l’Italie.
 
Dorsaf Yacoubi, la jeune volontaire de 18 ans, confirme elle aussi « l’absence d’organisation ». « Il n’y a personne d’autre que nous », explique-t-elle en sortant des plateaux-repas de sa camionnette avant d’ajouter: « Je les aide parce qu’ils sont tunisiens comme moi! »

OU RESIDE LE DEVOIR :

DANS LA DIVISION OU DANS L’UNITE ?


 

 

Par Aziz Krichen

 

Dans les quelques jours qui prĂ©cĂ©dĂšrent et suivirent le 14 Janvier, les Tunisiens Ă©taient devenus extraordinairement proches les uns des autres, extraordinairement fraternels et solidaires. Mus par une sorte d’instinct infaillible, ils semblaient savoir ce qu’ils voulaient et le chemin Ă  prendre pour y parvenir. En un sens, chacun avait remis sa vie et sa mort entre les mains de chacun. Aujourd’hui, cette cohĂ©sion hĂ©roĂŻque est malmenĂ©e, menacĂ©e par des comportements inconsĂ©quents ou irresponsables. Le doute et la mĂ©fiance se sont installĂ©s dans l’esprit de beaucoup de nos compatriotes, qui donnent l’impression de ne plus ĂȘtre d’accord sur rien.

 

Les questions qui se posent inĂ©vitablement dans une pĂ©riode de transition rĂ©volutionnaire elles sont innombrables puisqu’elles concernent tous les aspects de l’existence nationale , ces questions ne sont plus perçues comme des occasions de dĂ©bat, permettant de prĂ©ciser les objectifs et de rĂ©unir les masses les plus larges autour d’un programme cohĂ©rent de changement social. Elles se sont transformĂ©es en disputes et en querelles sans fin, en motifs d’accusation et de dĂ©nigrement rĂ©ciproques. Ces nouvelles attitudes ne peuvent pas contribuer Ă  clarifier les idĂ©es et souder les rangs ; elles ne servent qu’Ă  brouiller, Ă  sĂ©parer, Ă  opposer et Ă  exclure.

 

La révolution ne fait que commencer

 

Lorsqu’ils sont interrogĂ©s sur cette Ă©volution inquiĂ©tante, certains milieux intellectuels et politiques commencent Ă©videmment par la dĂ©plorer… tout en la justifiant immĂ©diatement aprĂšs. De fait, Ă  leurs yeux, tout se passe comme si l’unitĂ© de la population, nĂ©cessaire lorsqu’il s’agissait de faire chuter la dictature, ne l’est plus maintenant que l’objectif est atteint et qu’il s’agit dĂ©sormais de faire jouer la « compĂ©tition » dĂ©mocratique. Pour eux, Ă  la limite, trop mettre l’accent sur l’impĂ©ratif d’unitĂ© serait mĂȘme malvenu, dans ce nouveau contexte. La dĂ©mocratie ne cherche pas l’unanimitĂ©, ajoutent-ils, elle s’exprime Ă  travers des majoritĂ©s, qui s’obtiennent par la mise en concurrence des forces en prĂ©sence.

 

On ne sait trop s’il faut rire ou pleurer de ces rationalisations au rabais. Quoi qu’il en soit, la rengaine s’est rĂ©pandue, ces derniĂšres semaines, comme une maladie contagieuse. Il est temps d’y mettre le holĂ  et de placer les protagonistes devant leurs obligations. Comment ? En rappelant cette vĂ©ritĂ© Ă©lĂ©mentaire : la rĂ©volution tunisienne n’est pas achevĂ©e, elle n’est qu’au dĂ©but de sa course. L’ancien rĂ©gime est toujours en place, malgrĂ© les coups qui lui ont Ă©tĂ© portĂ©s. Et les quelques rĂ©sultats positifs obtenus jusqu’Ă  prĂ©sent par le soulĂšvement populaire n’ont encore rien d’irrĂ©versible ni de dĂ©finitif. Dans ces conditions, l’unitĂ© politique de la population est toujours essentielle, et le restera longtemps encore, pour mener l’entreprise rĂ©volutionnaire Ă  son terme. En d’autres mots : l’unitĂ© n’est pas une option possible, c’est une nĂ©cessite vitale, un impĂ©ratif stratĂ©gique.

 

La sociĂ©tĂ© tunisienne, comme n’importe quelle autre, est composĂ©e de couches, de groupes, de catĂ©gories, de classes, de courants, de tendances, etc., dont les visions sont diffĂ©rentes et peuvent ĂȘtre parfois trĂšs Ă©loignĂ©es les unes des autres. SpontanĂ©ment, chacun regarde le monde Ă  partir de lui-mĂȘme et de ses prĂ©fĂ©rences. Dans les derniers temps du rĂ©gime Ben Ali, toutes les composantes du corps social se sont dressĂ©es contre le pouvoir, parce que celui-ci les opprimait toutes et qu’il les lĂ©sait. Il lĂ©sait les rĂ©gions de l’intĂ©rieur parce que sa politique Ă©conomique ne les prenait pas en compte. Il lĂ©sait les chĂŽmeurs et les jeunes diplĂŽmĂ©s sans-emplois parce que sa politique se dĂ©sintĂ©ressait du dĂ©veloppement national. Il lĂ©sait les salariĂ©s parce qu’il avait inscrit son action dans un environnement libre-Ă©changiste qui ne leur reconnaissait plus aucun droit. Et il lĂ©sait les chefs d’entreprises, les honnĂȘtes comme les moins honnĂȘtes, parce que les exactions de la famille rĂ©gnante n’Ă©pargnaient personne.

 

Contre cette calamitĂ© qui les frappait tous sans distinction de rang ni de fortune, les Tunisiens ont fini par se dresser en bloc, pour ne plus former qu’un seul poing serrĂ©, tendu par une volontĂ© unique : dĂ©barrasser le pays de l’engeance qui le gouvernait. Ils ont osĂ© lutter et osĂ© se battre. Et ils ont vaincu, gagnant le droit de vivre libres et ouvrant une nouvelle page d’histoire pour eux et pour l’ensemble des Arabes, dont les divers pays connaissent des situations similaires.

 

Dans cette confrontation avec une dictature impitoyable, les Tunisiens se sont littĂ©ralement reconstituĂ©s comme peuple et comme communautĂ©. Ils se sont battus comme s’ils ne formaient plus qu’une seule cellule immense, un seul homme. En exil dans une ville du sud de la France depuis 1995, je n’ai pas vĂ©cu, parmi mes concitoyens, ce moment de passion brĂ»lante, cet instant de communion sacrĂ©e, oĂč des multitudes, sĂ©parĂ©es et dispersĂ©es, se retrouvent et se reconnaissent et, par le fait mĂȘme de la rĂ©volution qu’elles font lever en elles, se transforment en pouvoir souverain, seul dĂ©tenteur de l’autoritĂ© lĂ©gitime. Je n’ai pu vivre cet avĂšnement en y participant de mes propres mains une espĂ©rance nourrie pourtant depuis ma premiĂšre jeunesse. Mais de retour Ă  Tunis fin janvier, j’ai pu en ressentir l’Ă©clat dans les yeux des enfants et des jeunes d’aujourd’hui. Et j’en ai Ă©tĂ© comblĂ© et apaisĂ©.

 

Aussi belle, aussi Ă©mouvante, aussi formidable qu’elle ait Ă©tĂ©, cette pĂ©riode d’unitĂ© fusionnelle des Tunisiens est dĂ©sormais derriĂšre nous. Et elle ne reviendra pas, sinon de maniĂšre fugace. Pourquoi ? Parce que nous ne sommes plus dans l’acte inaugural de conquĂȘte de la libertĂ©. Parce que la rĂ©volution est un processus sinueux et torturĂ©, oĂč les moments de fraternisation universelle sont l’exception et jamais la rĂšgle. Et parce que les combats qui se dressent devant nous seront plus difficiles et acharnĂ©s que ceux dĂ©jĂ  engagĂ©s et gagnĂ©s.

 

En janvier 2011, les Tunisiens se sont retrouvĂ©s pour abattre la dictature malfaisante de Ben Ali ; ils doivent dorĂ©navant passer de la destruction de l’ancien Ă  la construction du nouveau. C’est-Ă -dire passer d’une activitĂ© simple Ă  une activitĂ© complexe. La destruction est une activitĂ© simple parce que l’objet Ă  dĂ©truire est connu et repĂ©rĂ© avec certitude. Ce n’est pas le cas avec la construction : le nouvel objet Ă  crĂ©er n’est pas connu et n’est pas aisĂ©ment identifiable.

 

Les calculs égoïstes

 

C’est ici que nous retrouvons le problĂšme des divisions sociales. Chaque groupe, chaque couche, chaque catĂ©gorie, chaque classe projette spontanĂ©ment sa propre vision et ses propres calculs, sans doute aussi ses propres fantasmes, sur le nouvel objet Ă  construire. Chacun veut que l’on Ă©difie la nouvelle sociĂ©tĂ© le nouveau rĂ©gime politique, le nouveau systĂšme Ă©conomique, les nouvelles rĂ©fĂ©rences culturelles, la nouvelle articulation sociologique , selon l’image idĂ©alisĂ©e qu’il se fait de son propre intĂ©rĂȘt, prĂ©sentĂ© en l’occurrence comme l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral.

 

AprĂšs le 14 Janvier et la fuite honteuse du dictateur, on a vu ainsi son Premier ministre Mohamed Ghannouchi faire formellement allĂ©geance Ă  la rĂ©volution, chercher ensuite Ă  canaliser la colĂšre de la rue contre le seul clan familial de Ben Ali, et s’efforcer de ramener le changement politique Ă  l’Ă©lection d’un nouveau prĂ©sident de la rĂ©publique, au nom du respect d’une soit disant continuitĂ© constitutionnelle. En clair : donner un os Ă  ronger, sans toucher au systĂšme.

 

Les manƓuvres n’ont pas Ă©tĂ© le fait des seuls adversaires de la rĂ©volution. D’une certaine maniĂšre, les tentatives de rĂ©cupĂ©ration ont aussi concernĂ© plusieurs des acteurs de la rĂ©volution, ceux qui s’y sont impliquĂ©s dĂšs le dĂ©but comme ceux qui ont ralliĂ© le courant pour faire bonne figure. On a donc vu des responsables de partis d’opposition rejoindre le gouvernement Ghannouchi le cautionner , puis accuser ceux qui dĂ©nonçaient leur dĂ©fection de faire courir de graves dangers Ă  la dĂ©mocratie naissante en livrant le pays, par intransigeance, Ă  un inĂ©vitable coup d’Etat militaire. Le chantage Ă  la peur visait Ă  casser l’Ă©lan populaire, tout en profitant pour soi des espaces de pouvoir qu’il avait dĂ©gagĂ©s. (Mais peut-ĂȘtre avaient-ils rĂ©ellement peur, et peut-ĂȘtre qu’elle les aveuglait au point qu’ils ne pouvaient plus comprendre que la population ne se laisserait pas impressionner par leurs petites trahisons ?)

 

AprĂšs ces Ă©pisodes peu glorieux, et vite clos, on allait assister Ă  une vĂ©ritable dĂ©ferlante d’actions revendicatives de toute sorte. On a vu des chefs d’entreprise exiger une « plus grande flexibilitĂ© du travail », et on a vu des ouvriers rĂ©clamer des hausses de salaires et le licenciement des patrons. On a vu des paysans pauvres s’emparer de terres qui ne leur appartenaient pas et de gros exploitants agricoles faire pression sur les autoritĂ©s pour rĂ©cupĂ©rer les terres domaniales. On a vu des chĂŽmeurs rĂ©clamer des emplois « tout de suite » et des habitants de rĂ©gions dĂ©favorisĂ©es exiger des rĂ©parations immĂ©diates… et on a vu des ministres leur promettre qu’ils allaient s’en occuper sans tarder. On a vu des fonctionnaires refuser leurs anciennes hiĂ©rarchies et celles-ci se dĂ©fendre en rappelant la compromission de tout le monde avec le RCD. On a vu des partis dĂ©noncer les intĂ©rĂȘts Ă©trangers et d’autres partis expliquer que le pays ne pouvait pas se dĂ©velopper sans s’ouvrir aux capitaux extĂ©rieurs. On a vu des laĂŻques entrer en guerre contre les islamistes, en les prĂ©sentant comme des suppĂŽts de l’obscurantisme, et on a vu des islamistes accuser en retour les laĂŻques d’ĂȘtre les suppĂŽts du diable. On a vu des « femmes dĂ©mocrates » rĂ©clamer l’Ă©galitĂ© dans l’hĂ©ritage, tandis que des « femmes voilĂ©es » rĂ©clamaient le droit de porter le voile…

 

Bref, on a eu Ă  supporter tout et son contraire. La chape de plomb qui Ă©touffait les demandes populaires (sociales, Ă©conomiques, idĂ©ologiques) s’Ă©tait brisĂ©e et les rĂ©clamations fusaient par rafales entiĂšres, dans une cacophonie indescriptible. On dira que les dĂ©bordements sont inĂ©vitables en pĂ©riode d’effervescence rĂ©volutionnaire. Sans doute. Il faut nĂ©anmoins garder un minimum de luciditĂ©.

 

Je ne veux pas mettre tout le monde dans le mĂȘme sac, ni discuter du bien-fondĂ© dans l’absolu de telle ou telle initiative, mais m’en tenir Ă  une apprĂ©ciation gĂ©nĂ©rale de la situation. Les manifestations rapportĂ©es ici ont une caractĂ©ristique majeure commune : elles sont de nature « corporatiste ». Elles dĂ©fendent des intĂ©rĂȘts particuliers, catĂ©goriels. Et elles le font de maniĂšre « opportuniste », dans le sens strict du terme : on exploite des circonstances qui paraissent favorables « opportunes » , pour amĂ©liorer sa position, et rien qu’elle. Dans la mesure oĂč le gouvernement provisoire paraissait faible et dĂ©semparĂ©, chacun a du se dire que c’Ă©tait le moment ou jamais de faire avancer ses propres pions. Que l' »opportunité » ne se reprĂ©senterait peut-ĂȘtre plus.

 

Le devoir d’unitĂ©

 

Lorsqu’ils se laissent prendre dans un tel engrenage d’enchĂšres et de surenchĂšres, les acteurs oublient deux principes essentiels, dont le respect est indispensable Ă  la poursuite victorieuse du processus rĂ©volutionnaire. Premier principe : chaque groupe particulier a des devoirs par rapport Ă  lui-mĂȘme, mais il a aussi des obligations vis-Ă -vis de l’ensemble de la communautĂ©. DeuxiĂšme principe : il faut donner du temps au temps ; autrement dit, accepter de hiĂ©rarchiser les demandes, Ă©tablir des prioritĂ©s, fixer des calendriers sortir du « tout, tout de suite » et se projeter sur l’avenir.

 

Lorsque l’on nĂ©glige ces rĂšgles de base, qui sont aussi des rĂšgles de prudence, on tombe dans ce que les jeunes appellent le jeu perso. Beaucoup parmi nous sont tombĂ©s dans ce jeu perso, cela Ă  un moment oĂč les Tunisiens venaient juste de commencer Ă  apprendre Ă  jouer collectif. Ce qu’il faut ajouter, pour complĂ©ter le tableau, c’est que les diffĂ©rents adversaires ne disposent ni des mĂȘmes cartes ni des mĂȘmes atouts dans un jeu perso. RĂ©pĂ©tons-le. A l’heure actuelle, alors que la rĂ©volution entre dans son cinquiĂšme mois, le systĂšme Ben Ali demeure encore largement en place. Je ne parle pas du seul appareil rĂ©pressif, je pense surtout Ă  la composition des cercles dirigeants, Ă  la nature des choix de politique Ă©conomique, Ă  l’orientation de la politique Ă©trangĂšre, Ă  l’influence de certaines ambassades, etc. Sur tous ces plans, il n’y a eu aucune rupture significative depuis le 14 Janvier. Dans ces conditions, oĂč rien de dĂ©cisif n’a encore Ă©tĂ© accompli, s’amuser Ă  parler et Ă  revendiquer au nom de sa seule corporation, expĂ©rimenter sa libertĂ© d’expression toute fraĂźche en se fichant du voisin c’est diviser le camp populaire, c’est faire le jeu de l’ennemi principal.

 

C’est d’autant plus vrai que la plupart des disputes oĂč l’on se dĂ©chire aujourd’hui sont, sinon suscitĂ©es, du moins largement utilisĂ©es et exploitĂ©es par ceux qui sont toujours aux commandes. Ceux-lĂ  savent c’est le fruit d’une longue expĂ©rience que pour rester en place et prĂ©server leurs privilĂšges, rien n’est plus indiquĂ©, par temps d’orage, que de donner l’impression de cĂ©der tout en s’employant avec mĂ©thode Ă  diviser les rangs des opposants.

 

Le phĂ©nomĂšne de la multiplication des partis politiques auquel nous assistons nous avons passĂ© le cap des 50 partis reconnus et ce n’est pas fini s’inscrit d’ailleurs parfaitement dans cette optique. Cela indĂ©pendamment des intentions subjectives des uns et des autres. A court terme, cette explosion partisane va accentuer la fragmentation et accroĂźtre le vacarme et la confusion.

 

Comment sortir de cette foire d’empoigne ? Comment Ă©viter les basses polĂ©miques et les faux clivages ? Comment empĂȘcher le dĂ©bat public de sombrer dans l’outrance, la provocation et l’hystĂ©rie ? Comment raisonner ces « libĂ©raux », par exemple, qui annoncent une imminente dictature bolchĂ©vique, ou ces « progressistes », qui redoutent d’ĂȘtre submergĂ©s par la vague intĂ©griste, ou encore ces « islamistes », intimement convaincus de l’existence d’un complot maçonnique visant Ă  supprimer toute rĂ©fĂ©rence Ă  l’islam en Tunisie ? Comment ramener tous ces compatriotes ils sont nombreux Ă  une plus juste perception des choses ? Comment les persuader que leurs inquiĂ©tudes ne sont pas aussi fondĂ©es qu’ils le pensent, et que l’agitation permanente qu’ils entretiennent aujourd’hui ne rĂ©duit pas les menaces rĂ©elles qui pĂšsent sur nos tĂȘtes, mais au contraire les accroĂźt et les alimente ?

 

Pour commencer Ă  redresser la situation, il faut revenir aux fondamentaux. C’est-Ă -dire revenir Ă  ce qui constitue le sens vĂ©ritable, la visĂ©e essentielle de la rĂ©volution, afin d’en tirer des principes directeurs, non seulement pour pacifier nos relations aujourd’hui, mais Ă©galement pour prĂ©ciser le mode d’organisation sociale que l’immense majoritĂ© des Tunisiens voudraient voir s’Ă©tablir aprĂšs la liquidation du systĂšme Ben Ali. La prĂ©servation de notre unitĂ© actuelle me semble, en effet, directement conditionnĂ©e par l’Ă©tendue des convergences que nous saurons rĂ©aliser autour du projet de sociĂ©tĂ© Ă  construire. La dĂ©finition d’un tel projet reprĂ©sente la tĂąche collective la plus urgente Ă  laquelle s’atteler.

 

La souverainetĂ© du peuple sur lui-mĂȘme

 

La rĂ©volution n’est ni une Ă©nigme, ni une nouvelle divinitĂ© ; nous n’avons ni Ă  dĂ©chiffrer ses mystĂšres ni Ă  interprĂ©ter ses dĂ©crets. Mais sa matrice est fĂ©conde. Notre rĂ©volution a dĂ©jĂ  rĂ©solu, dans la pratique, la plupart des questions qui nous tourmentent. Il reste Ă  expliciter ses rĂ©ponses par le travail de la pensĂ©e, par le discours et une patiente pĂ©dagogie.

 

En s’attaquant au systĂšme Ben Ali en tant que systĂšme et non pas Ă  ses seules excroissances claniques et maffieuses , les Tunisiens ont clairement indiquĂ© ce vers quoi ils tendaient : Ă©tablir la pleine souverainetĂ© du peuple sur lui-mĂȘme et sur son destin. Dans un monde arabe marquĂ© par la division, la dĂ©pendance et la tyrannie, une rĂ©volution de ce type n’a rien d’un ovni tombĂ© du ciel. C’est la derniĂšre Ă©tape en date d’un long processus d’Ă©mancipation dĂ©mocratique et national, qui a commencĂ© Ă  se gĂ©nĂ©raliser dans les annĂ©es vingt du siĂšcle dernier, qui est passĂ© par la crĂ©ation d’Etats formellement dĂ©colonisĂ©s dans les annĂ©es 1940 et 1950, et qui culmine aujourd’hui dans ce que les journalistes appellent le « Printemps arabe » : l’Ă©closion pratiquement simultanĂ©e de soulĂšvements populaires de masse dans une rĂ©gion devenue, depuis les annĂ©es 1970, la principale « zone des tempĂȘtes » de la politique mondiale.

 

DirigĂ©e contre la dictature intĂ©rieure, cette rĂ©volution arabe est d’abord dĂ©mocratique. Et elle est vĂ©cue et ressentie d’abord comme telle par ses propres artisans. Mais Ă©voluant dans un contexte de dĂ©pendance, elle est aussi, et de maniĂšre peut-ĂȘtre plus profonde encore, une rĂ©volution nationale, parce que l’indĂ©pendance Ă  l’Ă©gard des puissances extĂ©rieures est la premiĂšre condition de la souverainetĂ© d’un peuple sur lui-mĂȘme. Les slogans de la rĂ©volution tunisienne sont d’ailleurs lĂ  pour l’attester. Si « Ech-chaab yourid iskaat el-nidham » Ă©tait certainement le mot d’ordre le plus largement rĂ©pĂ©tĂ© en dĂ©cembre et janvier derniers, celui qui venait juste aprĂšs par sa frĂ©quence Ă©tait le fameux « El khobz oual hourriya oual karaama el wataniya« .

 

C’est de la notion centrale de souverainetĂ© populaire qu’il faut donc tout faire dĂ©river. Il s’agit, en d’autres mots, de traduire concrĂštement ce principe de souverainetĂ© dans toutes les dimensions de notre vie collective, notamment dans trois domaines dĂ©cisifs : la politique, l’Ă©conomie et la culture.

 

Concernant le premier point, le domaine politique, la percĂ©e effectuĂ©e est remarquable. En dĂ©pit de toutes les insuffisances constatĂ©es, malgrĂ© aussi les revers ponctuels qu’ils ont pu connaĂźtre depuis le 14 Janvier, les Tunisiens ont nĂ©anmoins rĂ©ussi Ă  imposer, de haute lutte, un vĂ©ritable consensus national autour de l’objectif stratĂ©gique de la convocation d’une nouvelle assemblĂ©e constituante. Nous sommes lĂ  bien loin de la parodie de dĂ©mocratisation Ă  laquelle voulait nous plier le premier gouvernement Ghannouchi : une simple Ă©lection prĂ©sidentielle, dans le cadre de la constitution de 1959. La rĂ©volution aurait irrĂ©mĂ©diablement avortĂ© si l’on s’Ă©tait laissĂ© abuser. On se serait retrouvĂ© avec un nouveau prĂ©sident, sans doute confortablement Ă©lu, mais disposant d’un pouvoir absolu et de prĂ©rogatives illimitĂ©es. On aurait Ă©tĂ© bien avancĂ© ! Mais la manƓuvre a Ă©tĂ© mise en Ă©chec. A travers une succession d’Ă©preuves de force (Kasbah I et Kasbah II), le peuple et la jeunesse sont parvenus Ă  imposer leur propre vision du changement suspension de la constitution de 1959, dissolution des chambres, Ă©laboration d’un nouveau code Ă©lectoral, Ă©lection d’une nouvelle assemblĂ©e constituante avec, comme effet immĂ©diat, la disparition des structures du pouvoir provisoire actuel.

 

Cette nouvelle constituante, Ă©lue au suffrage universel, va rĂ©unir des reprĂ©sentants du peuple qui auront la responsabilitĂ© d’Ă©laborer, en son nom, la prochaine organisation politique de l’Etat et le rĂ©gime des libertĂ©s individuelles et publiques. Sur le plan des principes dĂ©mocratiques, cette orientation est la formule la plus consĂ©quente et la plus aboutie pour en finir rĂ©ellement avec la dictature et construire, pour la premiĂšre fois dans notre histoire moderne, un vĂ©ritable pacte rĂ©publicain. Un pacte qui jouira, dĂšs lors, d’une rĂ©elle lĂ©gitimitĂ© populaire et qui, par le fait mĂȘme, obligera toutes les parties, aussi bien dans la sociĂ©tĂ© que dans l’Etat.

 

L’objectif ainsi dĂ©fini reste encore virtuel : les Ă©lections n’ont lieu que le 24 juillet. D’ici lĂ , bien des piĂšges devront ĂȘtre dĂ©jouĂ©s. Mais la perspective qu’il dĂ©gage reprĂ©sente d’ores et dĂ©jĂ  un accomplissement majeur, qui fait de notre rĂ©volution non seulement la premiĂšre dans le monde arabe aujourd’hui du point de vue de la chronologie, mais aussi la plus avancĂ©e par sa radicalitĂ© et son authenticitĂ© dĂ©mocratique.

 

La question décisive : quel contenu social pour la révolution ?

 

La rĂ©publique dĂ©mocratique comme forme d’organisation de la libertĂ© politique est le cadre idĂ©al de l’exercice de la souverainetĂ© populaire. Mais rĂ©duite Ă  cette seule expression, elle n’est rien d’autre prĂ©cisĂ©ment qu’un cadre, ou encore une enveloppe, un contenant. La chose en elle-mĂȘme est importante, mais il y a beaucoup plus important : c’est le problĂšme de savoir quel contenu, quelle substance, quelle matiĂšre rĂ©elle on va mettre dedans. Je veux bien sĂ»r parler ici des rapports sociaux, du systĂšme Ă©conomique et des rĂ©fĂ©rences intellectuelles et morales de l’Etat.

 

Or l’on observe que c’est paradoxalement sur ces questions de contenu et de substance donc sur les questions les plus dĂ©terminantes pour l’avenir de la rĂ©volution que le dĂ©bat public en Tunisie reste le plus obscur et le plus mĂ©diocre. Cela ne veut pas dire que ces sujets ne sont pas abordĂ©s. Ils le sont, au contraire, et de plus en plus frĂ©quemment. Mais les controverses qu’ils suscitent demeurent bornĂ©es, superficielles, et leur ton est de plus en plus dogmatique et violent. La fitna menace.

 

Il devient donc urgent de les aborder sans dĂ©tour, d’en rappeler les enjeux et d’engager une vraie discussion de fond. Je reviendrai, dans un prochain texte (Bourguiba, l’islam, la laĂŻcitĂ© et les Tunisiens), sur le problĂšme des rĂ©fĂ©rences culturelles. Pour l’instant, je souhaite attirer l’attention sur les changements Ă©conomiques et sociaux que la population est en droit d’attendre du processus rĂ©volutionnaire en cours. Au prĂ©alable, rappelons encore une Ă©vidence : une rĂ©volution, ce n’est jamais le simple remplacement du personnel dirigeant de l’Etat ; pour cela, un vulgaire putsch militaire suffirait. Seule mĂ©rite la qualification de rĂ©volution une transformation globale des structures du pays, qui entraĂźne une configuration nouvelle de l’Ă©conomie et une nouvelle rĂ©partition des ressources et des revenus. Une rĂ©volution vĂ©ritable, ce n’est pas d’abord un paysage politique diffĂ©rent ; c’est avant tout et par dessus tout un paysage Ă©conomique et social diffĂ©rent.

 

Cette Ă©vidence rappelĂ©e, posons la question classique : quelle est la cible de la rĂ©volution tunisienne et quelles sont ses forces motrices ? Pour le dire autrement : quelle est l’assise de classe du rĂ©gime Ben Ali et quelle sont les composantes sociologiques du camp rĂ©volutionnaire ?

 

Commençons par la composition du rĂ©gime. L’opinion courante offre Ă  cet Ă©gard une premiĂšre approche : le rĂ©gime, c’est le clan Ben Ali-Trabelsi et ses alliĂ©s. Des alliĂ©s que l’on retrouve Ă  la tĂȘte de la plupart des grosses fortunes du pays, avec des positions de quasi monopole dans les secteurs de l’import-export, de la banque, du tourisme, de la spĂ©culation immobiliĂšre et fonciĂšre, des BTP, des tĂ©lĂ©coms et de la grande distribution. En appliquant la grille sociologique occidentale, ces cercles dominants s’apparenteraient Ă  la grande bourgeoisie capitaliste. Beaucoup d’ailleurs, dans nos milieux dits progressistes, se satisfont de ce genre d’approximation, en lui ajoutant parfois tel ou tel qualificatif supplĂ©mentaire notre grande bourgeoisie serait affairiste, prĂ©datrice, maffieuse, etc. , pour prĂ©ciser ses pratiques et ses mĂ©thodes.

 

Les formes de la dépendance

 

Comme toujours lorsque l’on utilise des schĂ©mas importĂ©s, une telle dĂ©finition ne permet pas de saisir l’essentiel. Elle oublie ou laisse de cĂŽtĂ© un phĂ©nomĂšne fondamental : le caractĂšre dĂ©pendant et asservi de l’Ă©conomie tunisienne, le caractĂšre dĂ©pendant et asservi de son capitalisme et de ses capitalistes. Au-delĂ  de la prĂ©sence directe d’intĂ©rĂȘts Ă©trangers sur le sol national, la dĂ©pendance se mesure chez nous de deux maniĂšres diffĂ©rentes, Ă©troitement liĂ©es entre elles. La premiĂšre forme de dĂ©pendance s’exprime Ă  travers les mĂ©canismes de l’Ă©change inĂ©gal. En gros, cela veut dire que ce que nous exportons vers l’Europe notre premier partenaire commercial est vendu en dessous de sa valeur rĂ©elle et que ce que nous en importons est achetĂ© au-dessus de cette valeur. En d’autres termes, nos Ă©changes avec le Nord se traduisent pour nous par une Ă©vasion, une extorsion de valeur ; plus ces Ă©changes se dĂ©veloppent, plus la ponction augmente et plus la pression sur nos ressources naturelles et humaines s’alourdit.

 

La deuxiĂšme forme de dĂ©pendance est dĂ©finie par les modalitĂ©s de notre insertion dans le systĂšme de la division internationale du travail. Contrairement Ă  ce qu’affirme la propagande officielle, la Tunisie ne fait pas partie des pays Ă©mergents. Dans son fonctionnement comme dans ses structures, l’Ă©conomie tunisienne n’est comparable ni Ă  l’Ă©conomie chinoise ni Ă  l’Ă©conomie brĂ©silienne ni mĂȘme Ă  celle de la Turquie. Notre place dans le circuit de la production et des Ă©changes est une place subalterne. La Tunisie comme d’ailleurs le reste du monde arabe est situĂ©e dans la zone infĂ©rieure de l’Ă©chelle hiĂ©rarchique mondiale : juste au-dessus de l’Afrique Noire, mais loin derriĂšre l’Asie du Sud et de l’Est ou l’AmĂ©rique Latine.

 

Nos principales activitĂ©s marchandes portent sur des secteurs technologiquement peu Ă©voluĂ©s : l’exportation de matiĂšres premiĂšres et de produits semi-finis (les phosphates et quelques dĂ©rivĂ©s), la sous-traitance (textiles, mĂ©canique, Ă©lectronique, centres d’appel) et le tourisme (dans sa version de masse bas de gamme). Ce type de spĂ©cialisation, renforcĂ© par les accords de libre-Ă©change signĂ©s avec la CommunautĂ© europĂ©enne imaginez un combat de boxe opposant un poids plume et un super-lourd et vous comprendrez ce que signifient rĂ©ellement ces accords de libre-Ă©change , livre le pays pieds et poings liĂ©s Ă  l’exploitation Ă©trangĂšre, en aggravant en mĂȘme temps sa dĂ©pendance et la dĂ©sarticulation de son Ă©conomie.

 

La situation dĂ©crite ici n’est pas nouvelle. Elle remonte aux choix de politique Ă©conomique arrĂȘtĂ©s par le gouvernement Nouira dĂšs le dĂ©but des annĂ©es 1970, aprĂšs l’Ă©chec de l’expĂ©rience de dĂ©veloppement planifiĂ© conduite par l’Ă©quipe Ben Salah. Il est cependant incontestable que les choses sont allĂ©es en se dĂ©gradant avec Ben Ali, dont les diffĂ©rents gouvernements ont exĂ©cutĂ© avec zĂšle les directives successives du FMI et de la BIRD : dĂ©valuation rampante du dinar, suppression des protections douaniĂšres, dĂ©mantĂšlement du secteur public, libĂ©ration des transferts de capitaux, dĂ©nationalisation de la banque et de l’assurance…

 

Les rĂ©sultats nĂ©fastes de cet alignement inconditionnel sur l’Occident sont aujourd’hui partout visibles. Limitons-nous aux aspects les plus graves :

1) Notre agriculture a Ă©tĂ© saccagĂ©e, notamment en ce qui concerne la production cĂ©rĂ©aliĂšre. En 2010, nous avons consommĂ© environ 30 millions de quintaux de blĂ© et d’orge ; sur ce total, 20 millions de quintaux provenaient de l’importation. L’antique grenier ne parvient plus Ă  nourrir son propre peuple.

2) Nous importons prÚs de 70% de nos besoins en biens manufacturés de consommation courante.

3) Le chÎmage frappe plus de 40% de la population en ùge de travailler, hommes et femmes, sans épargner la jeunesse éduquée.

4) Les niveaux de salaires sont anormalement faibles et ne permettent pas de répondre aux dépenses de base des ménages. Dans les grandes villes, le poste logement absorbe, en moyenne, la moitié du budget familial total.

5) ConsĂ©quence directe de ce qui prĂ©cĂšde : le pouvoir d’achat global gĂ©nĂ©rĂ© par l’activitĂ© Ă©conomique est trop rĂ©duit, Ă©triquĂ©, insuffisant, incapable en tout cas d’entraĂźner la cristallisation d’un tissu industriel intĂ©grĂ©, orientĂ© vers la satisfaction des besoins Ă©lĂ©mentaires de la population et pouvant se dĂ©velopper Ă  partir d’une demande intĂ©rieure solvable et croissante.

 

En fin de compte, cette Ă©conomie de dĂ©pendance aboutit Ă  une distorsion vĂ©ritablement dĂ©mentielle : le systĂšme permet Ă  l’Ă©tranger (principalement l’Europe) d’accumuler de juteux profits, tout en bloquant le dĂ©veloppement de notre potentiel national. Ce blocage gĂ©nĂšre, Ă  son tour, un dĂ©ficit structurel permanent de la balance commerciale et de la balance des paiements. Nos exportations sont continuellement infĂ©rieures Ă  nos importations, l’Ă©cart se situant entre 20 et 30% en valeur moyenne annuelle. Pour combler le dĂ©ficit des Ă©changes, le pays emprunte et s’endette. Et le paiement de la dette (et des intĂ©rĂȘts de la dette) participe Ă  creuser davantage le volume du pillage et le poids de la dĂ©pendance. L’engrenage fonctionne en circuit fermĂ© ; il est, pour ainsi dire, autoentretenu.

 

Les spécificités du régime politique

 

C’est lorsque l’on garde en tĂȘte ces spĂ©cificitĂ©s du systĂšme Ă©conomique tunisien que l’on peut comprendre la nature rĂ©elle de notre rĂ©gime politique. On peut dĂ©finir sa nature parce que l’on peut saisir concrĂštement sa fonction dans la gestion de la relation de dĂ©pendance. Le rĂ©gime est en place pour remplir une tĂąche prĂ©cise : maintenir le pays dans la subordination au capitalisme Ă©tranger, faire en sorte que les mĂ©canismes du pillage continuent d’agir et de se reproduire.

 

En ce sens, la Tunisie, Ă  l’image des autres pays arabes, n’est rien d’autre qu’une chasse-gardĂ©e, un territoire annexĂ©, sous tutelle, quelque chose comme une friche, une rĂ©serve naturelle, dont les ressources primaires le sol, le sous-sol et la main-d’Ɠuvre sont prĂ©emptĂ©s par les Ă©conomies du Nord et exploitĂ©es selon leurs besoins. Dans sa finalitĂ© gĂ©nĂ©rale, ce mode d’exploitation ressemble comme deux gouttes d’eau Ă  l’ancienne relation coloniale. Ce qui a changĂ©, c’est que le contrĂŽle n’est plus direct, mais indirect. Dans le nouvel ordre mondialisĂ©, le maintien de l’ordre, prĂ©cisĂ©ment, n’est plus assurĂ© par une armĂ©e d’occupation ; sa responsabilitĂ© est dorĂ©navant confiĂ©e Ă  des supplĂ©tifs autochtones. La mission principale de ces auxiliaires locaux est, en effet, une mission de police : ils doivent garantir la pĂ©rennitĂ© du systĂšme et, par consĂ©quent, maintenir la population dans l’obĂ©issance, Ă  n’importe quel prix et quels que soient les moyens employĂ©s.

 

Il existe un moyen trĂšs simple de vĂ©rifier l’exactitude de cette affirmation, c’est la composition mĂȘme des forces de sĂ©curitĂ©. Ainsi, dans les pays occidentaux, l’effectif de la sĂ©curitĂ© intĂ©rieure (la police) est significativement infĂ©rieur Ă  l’effectif de la sĂ©curitĂ© extĂ©rieure (l’armĂ©e). En France, le rapport est d’un policier pour un soldat et demi, en Grande-Bretagne, il est d’un policier pour deux soldats et aux USA, d’un policier pour trois soldats. Dans les pays arabes, ces proportions sont complĂštement inversĂ©es. Le rapport moyen est d’un soldat pour quatre policiers : 180 000 policiers et 40 000 soldats en Tunisie, deux millions de policiers et un demi-million de soldats en Egypte malgrĂ© la prĂ©sence d’un IsraĂ«l surarmĂ© aux frontiĂšres. C’est bien la preuve que les forces de sĂ©curitĂ© ne remplissent pas le mĂȘme rĂŽle structurel ici et lĂ . Dans un cas, elles servent Ă  la protection de la nation et Ă  la projection de sa puissance vers l’extĂ©rieur ; dans l’autre cas, elles protĂšgent des rĂ©gimes et projettent leur violence contre les populations nationales.

 

Comment maintenant dĂ©finir, sur le plan sociologique, ce type de groupes dirigeants, placĂ©s Ă  l’intersection entre les grands pays capitalistes et les peuples dĂ©pendants et dont la principale fonction institutionnelle est le maintien de l’ordre ? La rĂ©flexion acadĂ©mique occidentale ne propose aucun concept opĂ©ratoire ; en gĂ©nĂ©ral, elle Ă©vite d’ailleurs de trop s’intĂ©resser Ă  ce genre de questions. Faute de mieux, on proposera ici la notion de « caste bureaucratico-policiĂšre ». L’expression est laide et purement descriptive, mais elle dĂ©limite assez bien son objet. Le terme caste indique que nous n’avons pas affaire Ă  une classe constituĂ©e, mais Ă  un groupe fermĂ© ; le caractĂšre bureaucratique signifie que ce groupe dirige l’Etat ; le caractĂšre policier indique que la rĂ©pression est l’instrument privilĂ©giĂ© du contrĂŽle social.

 

On a vu comment cette caste organisait la soumission du pays aux intĂ©rĂȘts Ă©trangers. Il reste Ă  indiquer comment elle organisait dans le mĂȘme temps la poursuite de ses propres intĂ©rĂȘts, c’est-Ă -dire comment elle travaillait Ă  son propre enrichissement en tant que caste. Les relations entre pouvoir Ă©conomique et pouvoir politique sont toujours enchevĂȘtrĂ©es. On distingue nĂ©anmoins deux grands cas de figure. Premier cas : on accĂšde au pouvoir politique Ă  partir de la puissance accumulĂ©e dans l’Ă©conomie ; deuxiĂšme cas : on accĂšde Ă  la richesse matĂ©rielle Ă  partir des positions conquises dans l’appareil d’Etat. La Tunisie et l’ensemble du monde arabe appartient entiĂšrement Ă  la derniĂšre catĂ©gorie.

 

 

Un systÚme prédateur

 

Avec le rĂ©gime Ben Ali, tout commence vĂ©ritablement en 1987, suite au coup de force qui chasse Bourguiba. Le noyau constitutif au dĂ©part, c’est le propre clan familial de Ben Ali, avant tout sa fratrie. Ce noyau se restructure ensuite, aprĂšs les secondes noces avec LeĂŻla, en s’Ă©largissant au clan Trabelsi. Les premiĂšres annĂ©es du rĂšgne sont marquĂ©es par de trĂšs nombreuses prĂ©varications, mais l’essentiel se joue sur un autre front : le terrain matrimonial. Les principaux efforts du clan, durant cette pĂ©riode, semblent en effet dirigĂ©s vers la consolidation de sa base sociale, et cette consolidation se traduit par une politique active de mariages croisĂ©s, et parfois forcĂ©s, qui dĂ©bouche sur un vĂ©ritable systĂšme d’alliances familiales. Les alliances sont contractĂ©es avec certaines des plus grosses fortunes du pays. Celles qui refusent il y en a eu quelques-unes deviennent des cibles.

 

C’est lorsque cette assise est constituĂ©e que dĂ©bute le pillage systĂ©matique du pays et de la population. S’appuyant sur les moyens que lui donne la puissance publique, recourant aussi aux mĂ©thodes d’intervention illĂ©gales et Ă  la violence pure accaparement, dĂ©tournement, chantage, intimidation, racket, vol, si nĂ©cessaire meurtre , le clan au pouvoir met en place un vĂ©ritable appareil de spoliation Ă  large Ă©chelle, qui finira par englober tous les circuits Ă©conomiques du pays, y compris ceux de l’Ă©conomie parallĂšle le marchĂ© de la drogue, la contrebande de cigarettes et d’alcools et le commerce des armes. Le pillage ne se limitait pas aux secteurs les moins favorisĂ©s de la population, il frappait la sociĂ©tĂ© entiĂšre sans distinction.

 

A un moment ou un autre de leur histoire, tous les pays ont connu des rĂ©gimes violents et prĂ©dateurs de ce style des aventuriers qui s’emparent du pouvoir grĂące Ă  un coup de force, qui se taillent ensuite par la violence un patrimoine Ă  leur convenance et se l’approprient. En rĂšgle gĂ©nĂ©rale, pourtant, le temps agit comme un calmant dans de telles situations. Une fois leur autoritĂ© Ă©tablie et leur richesse assurĂ©e, les aventuriers s’assagissent, ils tempĂšrent leurs ardeurs prĂ©datrices et parviennent Ă  trouver une forme d’Ă©quilibre, un modus vivendi, qui garantisse leur sĂ©curitĂ© et la tranquillitĂ© des habitants. Tous les rĂ©gimes monarchiques procĂšdent de ce modĂšle.

 

Le souci, avec les rĂ©gimes arabes actuels, vient de ce qu’une telle normalisation n’est simplement pas possible en ce qui les concerne[1]. Et cela, en raison mĂȘme des limitations imposĂ©es par le systĂšme de dĂ©pendance dans lequel ils sont intĂ©grĂ©s. Ce qui empĂȘche leur stabilisation dans la durĂ©e, c’est justement le fait qu’ils n’ont pas l’exclusivitĂ© de l’extorsion. Les clans au pouvoir n’ont pas le monopole du pillage des richesses de leurs territoires ; ils doivent partager avec leurs protecteurs Ă©trangers, qui ne leur laissent en vĂ©ritĂ© que les restes, la portion congrue. C’est cette contrainte objective qui explique pourquoi les rĂ©gimes peinent autant Ă  trouver les formules institutionnelles capables d’assurer leur pĂ©rennitĂ©. Et pourquoi le passage des annĂ©es, loin de les rendre plus prĂ©sentables et plus acceptables, les pousse au contraire dans une sorte de fuite en avant incontrĂŽlable, vers toujours plus d’exactions, de brutalitĂ©, d’arbitraire et de nĂ©potisme. Ces rĂ©gimes commencent dans l’illĂ©galitĂ©, ils deviennent vite illĂ©gitimes et ils finissent dans l’abjection et l’infamie : on ne construit rien de durable sous pareil patronage.

 

Pour conclure ce point sur la caractĂ©risation des rĂ©gimes, on dira que l’on a affaire Ă  des groupes dirigeants qui se comportent comme de vĂ©ritables entitĂ©s maffieuses, avec des parrains, des familles mĂšres et des familles associĂ©es (en Tunisie, elles sont sept : voir les tĂ©lĂ©grammes diplomatiques rĂ©vĂ©lĂ©s par Wikileaks). Au total, il s’agit d’un groupe social trĂšs minoritaire quelques milliers de personnes , mais s’appuyant sur un appareil policier tentaculaire (en Tunisie, la sĂ©curitĂ© prĂ©sidentielle, la police politique, les forces spĂ©ciales, le ministĂšre de l’IntĂ©rieur et la Garde nationale), relayĂ© par une multitude de rabatteurs, d’indics et de mouchards, agissant sous le couvert du RCD, le parti du prĂ©sident, qui quadrillait la presque totalitĂ© du territoire national avec ses deux millions d’adhĂ©rents dĂ©clarĂ©s. En moyenne annuelle, le clan au pouvoir et son appareil de rĂ©pression engloutissaient plus du tiers du PNB.

 

Composition sociale du peuple révolutionnaire

 

Passons maintenant Ă  l’analyse du camp rĂ©volutionnaire, c’est-Ă -dire Ă  l’identification des forces sociales qui ont pris part au soulĂšvement ayant emportĂ© le clan Ben Ali. Nous avons parlĂ© d’un systĂšme Ă©conomique dĂ©pendant, dĂ©sarticulĂ©, dont le dĂ©veloppement Ă©tait structurellement bloquĂ©. Nous allons voir comment ces caractĂ©ristiques se rĂ©percutent sur le terrain sociologique et les graves dĂ©sĂ©quilibres qu’elles y introduisent.

 

Le peuple tunisien tout entier s’est dressĂ© contre la dictature. Mais le peuple est composite, on peut le rĂ©partir en plusieurs sous-ensembles relativement bien diffĂ©renciĂ©s. En bousculant les classifications habituelles et en allant du groupe le plus nombreux au moins nombreux, on obtient les quatre grands blocs suivants : les laissĂ©s-pour-compte, la petite bourgeoisie urbaine, la classe ouvriĂšre et la classe moyenne.

 

1 –Les laissĂ©s-pour-compte. EnfermĂ©s dans les strates infĂ©rieures de la pyramide sociale, ils forment la classe innombrables des exclus et des indĂ©sirables, tout ceux que le systĂšme a abandonnĂ© sur le bord de la route : plus de 40% de la population en Ăąge de travailler, vivant complĂštement en marge du marchĂ© officiel de l’emploi. Dans les pays du Nord, ceux du capitalisme central, on les dĂ©signerait du nom de sous-prolĂ©tariat. Mais le sous-prolĂ©tariat est un phĂ©nomĂšne extrĂȘmement minoritaire dans ces pays ; mĂȘme en pĂ©riode de crise Ă©conomique, ses effectifs ne dĂ©passent pas les 2 ou 3% du total des actifs adultes. Chez nous, il forme une masse compacte, la catĂ©gorie numĂ©riquement la plus importante de la structure des classes. Cette densitĂ© renvoie d’ailleurs Ă  sa diversitĂ© et Ă  son hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ©. Les laissĂ©s-pour-compte englobent pĂȘle-mĂȘle les paysans pauvres et sans-terre, les migrants de l’habitat pĂ©riurbain, les chĂŽmeurs de longue durĂ©e et, de plus en plus, les gĂ©nĂ©rations successives de jeunes scolarisĂ©s et diplĂŽmĂ©s sans dĂ©bouchĂ©s professionnels. En dehors de l’extrĂȘme prĂ©caritĂ© de ses conditions, ce qui unifie sociologiquement et culturellement cette multitude, c’est son caractĂšre rural prononcĂ©, mĂȘme si elle est surtout relĂ©guĂ©e dans les faubourgs des grandes villes ; il s’agit d’une population qui vient de quitter la campagne et dont l’identitĂ© paysanne est toujours prĂ©pondĂ©rante. Elle forme quasiment une sociĂ©tĂ© seconde, une sociĂ©tĂ© parallĂšle, engagĂ©e dans des activitĂ©s de stricte survie, l’Ă©conomie dite souterraine. Cette classe immense est la premiĂšre Ă  s’ĂȘtre mis en branle en dĂ©cembre 2010 Ă  Sidi-Bouzid, Thala, Kasserine… et c’est elle qui a fourni le plus lourd tribut Ă  la rĂ©volution : prĂšs de 200 martyrs et des milliers de blessĂ©s.

 

2 – La petite bourgeoisie urbaine : les fonctionnaires, les employĂ©s, les artisans, les petits commerçants, les couches infĂ©rieures des professions libĂ©rales, les Ă©tudiants, les petits entrepreneurs de l’Ă©conomie informelle, etc. LĂ  aussi, les effectifs sont plĂ©thoriques autour de 35% de la population adulte et les conditions d’existence difficiles. Les revenus sont insuffisants, rognĂ©s en outre par une inflation galopante et l’explosion du phĂ©nomĂšne de surendettement des mĂ©nages. Cependant, Ă©tant donnĂ© son nombre, sa concentration dans les centres urbains, le niveau d’Ă©ducation relativement Ă©levĂ© de ses membres et, finalement, sa position mĂ©diane dans le corps social, cette classe a occupĂ© une place essentielle dans la rĂ©volution, notamment Ă  travers l’organisation des manifestations et des marches et la transmission de l’information et des mots d’ordre.

 

3 – La classe ouvriĂšre. Quantitativement plus rĂ©duite, culturellement moins influente, la classe ouvriĂšre n’a rejoint la rĂ©volution que dans un deuxiĂšme temps lorsque le soulĂšvement a atteint Gafsa, GabĂšs et Sfax[2]. Son apport fut nĂ©anmoins considĂ©rable, Ă©tant donnĂ© le retentissement des mouvements de grĂšve sur le fonctionnement global de l’Ă©conomie. (La place centrale prise par l’UGTT dans l’encadrement de la rĂ©volution ne doit pas masquer la rĂ©alitĂ© Ă  cet Ă©gard. L’UGTT n’est pas le syndicat des ouvriers d’industrie, c’est un syndicat de salariĂ©s, oĂč les employĂ©s et les fonctionnaires jouent un rĂŽle dĂ©terminant.)

 

4 – La moyenne bourgeoisie, la classe des entrepreneurs et des couches aisĂ©es des professions libĂ©rales. NumĂ©riquement modeste, c’est la derniĂšre catĂ©gorie Ă  avoir ralliĂ© le mouvement rĂ©volutionnaire. Son ralliement a cependant jouĂ© un rĂŽle dĂ©cisif sur les plans politique et symbolique. Il a contribuĂ© Ă  donner Ă  la rĂ©volution une sorte d’universalitĂ©, cette pleine unanimitĂ© sociale qu’elle n’avait pas encore. Avec son entrĂ©e en scĂšne, le renversement de Ben Ali devenait l’affaire de tous les Tunisiens. Ce n’Ă©tait plus simplement les exclus qui s’opposaient aux inclus, ce n’Ă©tait plus les pauvres contre les riches, mais le rassemblement de tous, les dĂ©shĂ©ritĂ©s comme les privilĂ©giĂ©s, contre un pouvoir minoritaire et inique, corrompu et malfaisant. DĂ©sormais, le peuple rĂ©volutionnaire se confondait avec l’ensemble de la sociĂ©tĂ©. Et ce peuple rĂ©uni, oĂč plus personne ne manquait, se dressait contre un ennemi qui redevenait ce qu’il Ă©tait : une tyrannie misĂ©rable, absurde, d’un autre Ăąge, extĂ©rieure et Ă©trangĂšre Ă  la sociĂ©tĂ©.

 

RĂ©capitulons. Les diffĂ©rentes composantes du peuple rĂ©volutionnaire la masse des laissĂ©s-pour-compte, la classe ouvriĂšre, la petite et la moyenne bourgeoisie n’ont pas vĂ©cu et ne vivent pas les mĂȘmes privations. Toutes n’ont pas affrontĂ© le rĂ©gime Ben Ali avec le mĂȘme courage et la mĂȘme dĂ©termination. Elles ne sont pas entrĂ©es dans le combat au mĂȘme moment et n’ont pas consenti les mĂȘmes sacrifices, ni subi les mĂȘmes pertes et les mĂȘmes dommages. Mais cela ne donne Ă  aucune d’entres elles plus de droits qu’aux autres sur la rĂ©volution. Parce que l’entiĂšre entreprise aurait sombrĂ© dans un effroyable bain de sang si une seule partie avait fait dĂ©faut[3]. Il s’agit donc d’une rĂ©alisation collective et, plus gravement, d’une responsabilitĂ© commune. Une responsabilitĂ© qui engage tous les Tunisiens, etqui les engage non seulement pour le prĂ©sent, mais aussi pour l’avenir.

 

Je veux dire par lĂ  que l’unitĂ© du peuple, qui Ă©tait nĂ©cessaire pour renverser la dictature, est toujours nĂ©cessaire pour Ă©difier le nouveau pouvoir et reconstruire l’Ă©conomie nationale. La prĂ©servation de cette unitĂ© et son approfondissement sont indispensables pour espĂ©rer avancer et progresser. Encore une fois, la cohĂ©sion de notre front intĂ©rieur n’est pas une option parmi d’autres, c’est un impĂ©ratif stratĂ©gique, la condition sine qua non du succĂšs dans les batailles Ă  venir.

 

Quel programme économique pour la révolution ?

 

Il faut que notre rĂ©volution aille jusqu’au bout de sa logique, qu’elle rĂ©alise les tĂąches historiques pour lesquelles elle s’est levĂ©e. Nous sommes aujourd’hui parvenus Ă  nous accorder sur des buts politiques communs et unifiĂ©s : mettre en place des institutions dĂ©mocratiques, Ă  travers la convocation d’une assemblĂ©e constituante Ă©lue au suffrage universel. Mais avons-nous des buts Ă©conomiques communs et unifiĂ©s ? Avons-nous une idĂ©e prĂ©cise des mesures Ă  prendre pour transformer le modĂšle Ă©conomique actuel et apporter un nouvel horizon aux acteurs sociaux ?

 

Prenons la question par un autre bout. Examinez le discours du gouvernement provisoire. Que dit-il en matiĂšre de politique Ă©conomique ? En dehors des formules convenues sur la nĂ©cessitĂ© de la transparence, vous ne trouverez rien d’inhabituel. Les anciennes orientations sont maintenues telles quelles. Les prioritĂ©s sectorielles en faveur du tourisme et de la sous-traitance, l’ouverture incontrĂŽlĂ©e du pays aux marchandises et aux capitaux extĂ©rieurs, les opĂ©rations de privatisation et de dĂ©nationalisation aucun de ces choix calamiteux n’est remis en cause. Davantage : le gouvernement provisoire et les technocrates qui le conseillent voudraient les radicaliser et les rendre irrĂ©versibles, en accĂ©lĂ©rant la signature d’un nouvel accord d’association avec l’Union europĂ©enne. Les politiques qui ont ligotĂ© le dĂ©veloppement du pays et creusĂ© les inĂ©galitĂ©s sociales jusqu’Ă  la fracture, ces politiques qui ont provoquĂ© le soulĂšvement populaire et la chute de Ben Ali, ils voudraient les garder, mais sans Ben Ali et, assurent-ils, sans la corruption. Comme si la corruption n’Ă©tait pas la fille naturelle du libĂ©ralisme et de la dĂ©pendance !

 

Comment changer de cap ? Comment construire une alternative Ă©conomique volontaire, en mĂȘme temps cohĂ©rente et rattachĂ©e aux rĂ©alitĂ©s ? La premiĂšre chose Ă  faire consiste Ă  donner un grand coup de pied dans la pensĂ©e unique du capitalisme actuel cette idĂ©ologie frauduleuse du « laisser faire laisser aller », fabriquĂ©e dans les officines des institutions financiĂšres internationales, qui est ensuite inoculĂ©e aux Ă©lites du Sud depuis l’Ă©cole primaire jusqu’Ă  l’universitĂ©. Cet intĂ©grisme mondialisĂ©, qui se prĂ©sente comme une sorte d’horizon indĂ©passable pour notre temps, est une gigantesque arnaque, qui ne tient que par le crĂ©dit que les imbĂ©ciles lui accordent. Les pays dominĂ©s ne peuvent pas s’affranchir matĂ©riellement des pays dominants s’ils leur restent intellectuellement dĂ©pendants.

 

La seconde chose Ă  faire est de rappeler une vĂ©ritĂ© Ă©lĂ©mentaire, aujourd’hui semble-t-il oubliĂ©e ou ignorĂ©e par beaucoup de responsables politiques dans le pays, et pas seulement dans la mouvance du gouvernement provisoire : l’Ă©conomie n’est pas une science neutre, dont les prĂ©ceptes s’appliqueraient uniformĂ©ment partout et en toutes circonstances. L’Ă©conomie, c’est d’abord l’art de gĂ©rer des intĂ©rĂȘts contradictoires. C’est donc une affaire Ă©minemment politique. Une affaire de choix politiques. En ce qui concerne le pays, nous serions bien avisĂ©s de les arrĂȘter nous-mĂȘmes et de ne pas nous en remettre comme sous Ben Ali et sous Bourguiba aux conseils « dĂ©sintĂ©ressĂ©s » de nos amis occidentaux.

 

On a vu que la rĂ©volution avait Ă©tĂ© l’Ɠuvre commune des forces sociales constitutives de notre peuple : la masse rurale, la classe ouvriĂšre, la petite et la moyenne bourgeoisie. Le programme Ă©conomique alternatif doit ĂȘtre dĂ©fini en fonction de leurs besoins, de leurs attentes et de leurs aspirations. Ni plus ni moins.

Il faut ouvrir, devant ces diffĂ©rentes forces, des perspectives de promotion crĂ©dibles. En sachant que leurs intĂ©rĂȘts particuliers ne sont pas spontanĂ©ment convergents. Et qu’il faudra, par consĂ©quent, procĂ©der Ă  des compromis et Ă  des arbitrages, sous la responsabilitĂ© de l’Etat.

 

Nous sommes en train de passer de la dictature Ă  la dĂ©mocratie, c’est-Ă -dire Ă  l’affirmation de la souverainetĂ© populaire. Dans l’Ă©conomie, nous faisons face Ă  un dĂ©fi similaire : passer de la dĂ©pendance Ă  la maĂźtrise de notre dĂ©veloppement, c’est-Ă -dire lĂ  aussi Ă  la pleine souverainetĂ©. Le processus sera long et difficile, mais c’est un objectif national majeur. Il exige la mobilisation de tout le corps social, une mobilisation qui prenne en compte aussi bien les intĂ©rĂȘts particuliers que les intĂ©rĂȘts d’ensemble, qui cherche Ă  les concilier et Ă  les harmoniser, mais qui ne place pas les premiers au-dessus des seconds. Ni la ville avant les campagnes, ni l’inverse ; ni les travailleurs avant les chefs d’entreprise, ni le contraire.

 

Les finalitĂ©s d’un tel projet sont claires. Il faut sortir de la spirale du sous-dĂ©veloppement, de la dĂ©pendance et de l’endettement extĂ©rieur. Il faut dĂ©velopper notre potentiel productif et technologique national. Donner du travail Ă  tous les exclus et notamment Ă  la jeunesse. Donner des perspectives d’investissements et de profits Ă  nos entrepreneurs. Stimuler la demande intĂ©rieure en amĂ©liorant les conditions de travail et de rĂ©munĂ©ration des salariĂ©s et en rĂ©sorbant les disparitĂ©s rĂ©gionales. Combler les dĂ©sĂ©quilibres de l’appareil Ă©conomique en rĂ©tablissant l’autosuffisance alimentaire et la couverture de nos besoins en biens manufacturĂ©s de masse.

 

Ces buts gĂ©nĂ©raux doivent ĂȘtre adoptĂ©s par tous, de la maniĂšre la plus explicite. Ils devront faire l’objet d’un vaste consensus et ĂȘtre intĂ©grĂ©s dans une sorte de pacte national pour le dĂ©veloppement. Ils formeront ainsi une base commune qui permettra au pays de se projeter tout entier vers l’avenir, tout en cimentant l’unitĂ© de ses diffĂ©rentes composantes.

 

Cinq mesures centrales

 

La rĂ©alisation d’un tel programme Ă©conomique passe par des dĂ©cisions politiques prĂ©cises. Je citerai ici les mesures qui me semblent parmi les plus importantes Ă  prendre :

 

1 – La rĂ©forme agraire. Nous disposons d’un peu plus d’un million d’hectares de terres domaniales, reliquat des terres dĂ©robĂ©es Ă  la paysannerie par la colonisation française. Ces terres, dont la mise en valeur actuelle est dĂ©sastreuse, doivent ĂȘtre redistribuĂ©es Ă  leurs ayant-droits lĂ©gitimes, les paysans pauvres. Cette mesure ne rĂ©parerait pas seulement une injustice, c’est la seule façon de faire repartir la production vivriĂšre, tout en apportant une premiĂšre solution pratique au problĂšme du chĂŽmage de masse et Ă  la dĂ©tresse du monde rural. PrĂšs de 200.000 familles le dixiĂšme des mĂ©nages tunisiens peuvent ĂȘtre concernĂ©es par une dĂ©cision de ce genre, toujours reportĂ©e Ă  plus tard depuis 1956.

 

2 – Les grands travaux. Dans le cadre des politiques de rĂ©sorption du chĂŽmage et de rĂ©duction des disparitĂ©s rĂ©gionales, il faut Ă©galement lancer un programme ambitieux de grands travaux routes, chemins de fer, amĂ©nagements hydrauliques, reforestation, etc. L’efficacitĂ© Ă©conomique globale du pays en sortirait multipliĂ©e. Sans pour autant alourdir la dette extĂ©rieure : les principaux chantiers peuvent ĂȘtre parfaitement financĂ©s par un grand emprunt national.

 

3 – La protection ciblĂ©e du marchĂ© intĂ©rieur. Deux secteurs prĂ©sentent aujourd’hui un intĂ©rĂȘt majeur : la production agricole et les biens industriels de consommation courante. Le premier, parce que l’autosuffisance alimentaire est la condition de toute indĂ©pendance ; le second parce que lui seul permet l’acquisition et l’accumulation des savoir-faire de base. Les deux sont la matrice du dĂ©veloppement ultĂ©rieur de nos capacitĂ©s Ă©conomiques et techniques.

 

4 – L’intĂ©gration de la sous-traitance. Les activitĂ©s de sous-traitance industrielle restent marquĂ©es par leur aspect parcellaire et fragmentĂ©, c’est-Ă -dire par leur faible degrĂ© d’intĂ©gration horizontale et verticale. Il faut inscrire ce secteur dans un programme de dĂ©veloppement inspirĂ© des mĂ©thodes asiatiques dites de remontĂ©e des filiĂšres. Contrairement Ă  ce qu’affirme la propagande libĂ©rale, les pays Ă©mergents n’ont pas Ă©mergĂ© en laissant jouer les « lois du marché », mais en s’appuyant sur l’Etat et sur ses capacitĂ©s de prĂ©vision, de planification et d’investissement. C’est ce qui nous amĂšne au dernier point :

 

5 – La reconstruction de la capacitĂ© d’intervention des pouvoirs publics. Il faut redonner Ă  l’Etat tunisien un rĂŽle central dans la stratĂ©gie du dĂ©veloppement. Ce rĂŽle a Ă©tĂ© systĂ©matiquement dĂ©truit par Ben Ali, ce qui a fait de l’Ă©conomie du pays une sorte de fĂ©tu de paille fluctuant au grĂ© des alĂ©as de la conjoncture extĂ©rieure. Il faut en finir avec une telle dĂ©mission des pouvoirs publics. La premiĂšre mesure Ă  prendre dans cette optique est de rĂ©tablir un minimum de contrĂŽle du systĂšme bancaire et des flux financiers.

 

Evitons tout malentendu. Il ne s’agit pas de revenir aux anciennes formules Ă©tatistes des annĂ©es soixante, ni de couper les ponts avec le monde extĂ©rieur. Il s’agit simplement de donner Ă  l’Etat tunisien un rĂŽle celui de garant de l’indĂ©pendance et du dĂ©veloppement qu’il n’aurait jamais dĂ» quitter. Et il s’agit aussi de faire Ă©voluer progressivement le rapport de force avec les partenaires Ă©conomiques europĂ©ens de façon Ă  parvenir Ă  une position plus convenable dans le systĂšme de la division internationale du travail. Il n’est pas question de sortir de ce systĂšme il n’y en a pas d’autre, mais de ne pas accepter d’ĂȘtre relĂ©guĂ© parmi les derniers de la classe.

 

Autour de nous, le monde a aussi changé

 

L’opĂ©ration n’est pas facile, elle est cependant Ă  notre portĂ©e. La puissance des pays du Nord n’est plus ce qu’elle Ă©tait. Leur hĂ©gĂ©monie se lĂ©zarde sous nos yeux depuis de nombreuses annĂ©es. Sous l’effet de leurs contradictions internes, d’abord la financiarisation de leur Ă©conomie a dĂ©vastĂ© leur appareil productif et mis Ă  mal leur tissu social. Du fait des coups de boutoir qu’ils reçoivent des pays Ă©mergents, ensuite, et notamment des plus grands d’entre eux : Chine, Inde, BrĂ©sil, Russie, Mexique. Une brĂšche s’est ouverte dans le systĂšme mondial, oĂč plusieurs pays se sont engouffrĂ©s, et oĂč nous pouvons nous glisser Ă  notre tour. Il y a lĂ  des conditions historiques objectives qui donnent tout leur sens Ă  nos propositions alternatives. Des ambitions qui paraissaient hier dĂ©finitivement hors de portĂ©e redeviennent dĂ©sormais accessibles.

 

Evidemment, il se pose ici un problĂšme de masse critique. Pour peser sur un rapport de force, encore faut-il peser quelque chose. En termes de poids relatif, la Tunisie seule, avec son territoire exigĂŒe et ses dix millions d’habitants, ne pĂšse pas bien lourd. C’est la raison pour laquelle il est indispensable que nous coalisions nos moyens avec ceux d’autres pays dĂ©pendants, et d’abord avec les peuples arabes. Il y a Ă  peine quelques mois, une telle perspective aurait semblĂ© utopique. Ce n’est plus le cas. L’immense vague qui nous a soulevĂ©s est en train de les soulever l’un aprĂšs l’autre Ă  leur tour. Dans un dĂ©lai trĂšs court deux ou trois ans , de vastes champs de coopĂ©ration vont s’offrir, qu’il convient de commencer Ă  favoriser dĂšs aujourd’hui. IsolĂ©, aucun pays arabe ne fait le poids ; ensemble, c’est une autre paire de manches.

 

 

La stratĂ©gie Ă©conomique alternative vise un seul objectif : faire respecter notre souverainetĂ©, Ă©tablir notre droit Ă  ĂȘtre les maĂźtres de notre destin, refuser de voir le pays rĂ©duit Ă  une sorte de dĂ©pendance, oĂč tout le monde se sert sauf les vĂ©ritables propriĂ©taires. Un tel objectif ne sera pas atteint par un simple claquement de doigts. Les choses ne vont pas s’amĂ©liorer radicalement pour tout le monde du jour au lendemain. Les anciennes structures ne vont pas ĂȘtre abolies par magie et laisser la place aux nouvelles. Tout cela exigera du temps et beaucoup d’efforts. Mais un chemin s’est ouvert, que nous pouvons, que nous devons emprunter.

 

Les diffĂ©rents gouvernements provisoires qui se sont succĂ©dĂ© depuis le 14 Janvier ont-ils abordĂ© des thĂ©matiques de ce genre ? Non. Et c’est parfaitement comprĂ©hensible : leur rĂŽle n’est pas de faciliter la naissance du nouveau, mais de prĂ©server l’existence de l’ancien, en faisant des concessions de pure forme pour que rien ne change sur le fond. On l’a vu sur les sujets directement politiques comme l’assemblĂ©e constituante ; tout ce qui a Ă©tĂ© obtenu a Ă©tĂ© arrachĂ© par la pression. Pour l’alternative Ă©conomique, il faudra procĂ©der de la mĂȘme maniĂšre : la mettre au cƓur du dĂ©bat public et lutter pour qu’elle devienne une cause centrale dans la mobilisation populaire.

 

Il faut aussi apprendre Ă  identifier les vrais problĂšmes. Et apprendre Ă  nous battre sur des terrains choisis par nous-mĂȘmes et non pas sur ceux-lĂ  oĂč l’ennemi voudrait nous entraĂźner pour nous voir nous affronter les uns les autres Ă  son seul profit. Les enjeux Ă©conomiques et sociaux sont essentiels pour l’avenir de notre peuple. Ces enjeux doivent ĂȘtre clairs lors des Ă©lections de juillet prochain. Si ce n’est pas le cas, ce sont les anciennes formules qui l’emporteront. Ce ne serait pas seulement un Ă©chec pour le dĂ©veloppement, ce serait aussi un Ă©chec pour la dĂ©mocratie. Parce qu’il n’y a pas de dĂ©mocratie qui se maintienne et prospĂšre dans la pauvretĂ© et la soumission Ă  l’Ă©tranger.

 

Le monde nouveau nous tend les bras. Surmontons les vieilles peurs et allons vers lui avec courage.


 


[1] – Le systĂšme des prĂ©sidences hĂ©rĂ©ditaires que certains pays ont tentĂ© d’Ă©tablir est rĂ©vĂ©lateur de leurs difficultĂ©s Ă  cet Ă©gard : les Assad, en Syrie, les Moubarak, en Egypte, les Gueddafi, en Libye, les Saleh, au YĂ©men, etc.

[2] – L’insurrection du bassin minier en 2008 a nĂ©anmoins jouĂ© un rĂŽle prĂ©paratoire incontestable.

[3] – C’est la conjonction de deux processus contradictoires l’unitĂ© de « ceux d’en bas » ; l’isolement de « ceux d’en haut » qui explique la victoire de la rĂ©volution en Tunisie (et en Egypte) et son coĂ»t relativement faible en pertes humaines. Et c’est sans doute parce qu’une telle conjonction n’est pas encore pleinement accomplie que les choses se passent de maniĂšre aussi douloureuses aujourd’hui en Libye, en Syrie, au YĂ©men et ailleurs.

 

 


 

LA FRANCE ET L’IMMIGRATION DE TUNISIE ET D’AILLEURS



 

M. Henri Guaino, le conseiller spĂ©cial du PrĂ©sident Nicolas Sarkozy a explicitĂ© la position de la France quant au respect des accords de Schengen : il ne s’agit pas d’en suspendre l’application mais d’en prĂ©ciser les modalitĂ©s dans des circonstances exceptionnelles. Henri Guaino a nettement expliquĂ© la position de la France. La question qui demeure est, cependant : que pouvons nous faire pour ces hommes, ces femmes et parfois aussi ces enfants qui bravent une mer dĂ©chaĂźnĂ©e pour rejoindre des rivages devenus inhospitaliers ? A l’évidence, nos pays ne peuvent plus, ne veulent plus accueillir une Ă©migration qui fait peur, nourrit (Ă  tort ou Ă  raison) l’insĂ©curitĂ© et complique la vie des nationaux dans les pays concernĂ©s. Mais alors n’existe-t-il qu’une solution, Ă  savoir le rejet, le renvoi de ces victimes de la misĂšre et de la tyrannie ? Non point, il nous faut trouver une autre solution qui permette de maintenir tous ces gens chez eux. Comment ? En gĂ©nĂ©ralisant l’ingĂ©rence humanitaire soutenues par des interventions armĂ©es
 Il n’est pas normal, par exemple, que l’ONU intervienne en Libye et pas en Syrie oĂč le mĂȘme phĂ©nomĂšne existe : un rĂ©gime autoritaire et corrompu tue sa propre population. Depuis hier, l’armĂ©e syrienne se comporte chez elle comme sur un champ de bataille Ă  l’étranger. Elle a investi Dera’a avec des blindĂ©s et des chars d’assaut, arrĂȘte les opposants Ă  tour de bras et ne s’embarrasse guĂšre du respect des droits de l’homme. Pourquoi laisse-t-on le rĂ©gime de Bachar al-Assad agir de la sorte ? On nous rĂ©pond que ce pays agressif dispose de maints leviers rĂ©gionaux qui assurent sa survie
 Ce raisonnement relĂšve de la Realpolitik et tourne totalement le dos Ă  l’éthique la plus Ă©lĂ©mentaire. Au nom de ce mĂȘme principe cynique, on a laissĂ© la Syrie occuper le Liban pendant plus d’un quart de siĂšcle. Allons nous continuer dans cette voie ? La force Ă©thique doit primer sur tout le reste. Ce n’est pas un rĂȘve. Les Suisse eux mĂȘme le savent bien, eux qui abritent le centre de la Croix Rouge et jadis la SociĂ©tĂ© des nations. Eux aussi s’inquiĂštent Ă  juste titre des dangers d’une immigration incontrĂŽlĂ©e


Source: «mrhayoun,blog » Le 25-04-2011

Tunisie : Afek Tounes attachĂ© Ă  l’article 1er de la Constitution


 

Le Palais des CongrĂšs de Tunis a abritĂ©, samedi 23 avril 2011, le premier meeting du parti « Afek TounĂšs ». La rencontre a Ă©tĂ© l’occasion de passer en revue les orientations et les visions du parti, en ce qui concerne une sĂ©rie de questions ayant trait Ă  la sociĂ©tĂ© tunisienne, Ă  l’AssemblĂ©e constituante, Ă  l’emploi et au dĂ©veloppement rĂ©gional.

Afek Tounes est un parti formĂ© par groupe de personnes Ă  l’instar de Emna Menif, Sami Zaoui, Hatem Chelli et Hammouda Louzir. Emna Menif, membre fondateur du parti, a soulignĂ© l’attachement du parti Ă  l’article premier de la Constitution du 1er juin 1959. Article proclamant clairement que la Tunisie est un Etat libre, indĂ©pendant et souverain; sa religion est l’Islam, sa langue est l’arabe. « La Tunisie est pour tous les Tunisiens sans discrimination raciale, ethnique ou confessionnelle. La Tunisie Ă©tait depuis toujours un pays rĂ©putĂ© pour son ouverture sur toutes les civilisations et par son respect de la libertĂ© de conscience et des valeurs de dialogue et de tolĂ©rance, » a-t-elle ajoutĂ©. De son cotĂ© Sami Zaoui, coordinateur gĂ©nĂ©ral du parti a insistĂ© sur l’impĂ©ratif de rompre avec les pratiques de l’ancien rĂ©gime, de lutter contre la corruption politique et financiĂšre et toutes les formes d’exclusion, de marginalisation, d’oeuvrer Ă  consacrer la dĂ©mocratie et l’indĂ©pendance de la justice et Ă  consolider la libertĂ© de la presse. Il a, Ă©galement, rĂ©affirmĂ© l’impĂ©ratif de respecter les libertĂ©s individuelles et publiques et de prĂ©server les acquis du Code du Statut Personnel. Il a rĂ©itĂ©rer l’obligation du respect des conventions internationales garantissant les droits de la femme en tant que partenaire effectif de l’homme. Hatem Chelli, membre du bureau politique du parti, a soulignĂ© l’importance d’Ă©laborer un pacte rĂ©publicain engageant tous les partis et listes candidates Ă  la Constituante et d’instituer le principe de dĂ©claration sur les biens de chaque membre du gouvernement ou de la Constituante. « Le parti Afek Tounes appelle Ă  instaurer un rĂ©gime qui combine entre le prĂ©sidentiel et le parlementaire, mettant l’accent sur la nĂ©cessitĂ© de veiller Ă  ce que l’AssemblĂ©e constituante soumette le projet de la nouvelle constitution Ă  un rĂ©fĂ©rendum populaire le 14 janvier 2012 », a-t-il soulignĂ©. De son cĂŽtĂ© Hammouda Louzir, a indiquĂ© que le dossier de l’emploi est au premier plan des programmes du parti et « qu’il ne peut y avoir de rĂ©volution rĂ©ussie sans l’accumulation de la richesse ».Il a mis l’accent sur l’impĂ©ratif de promouvoir l’esprit de crĂ©ativitĂ©, d’impulser l’initiative et d’instaurer un climat Ă©conomique et social sain. Ce qui permettra de conforter la confiance auprĂšs des promoteurs privĂ©s et de polariser les investisseurs Ă©trangers. Ce qui ne manquera pas de crĂ©er des postes d’emploi additionnels et de contribuer Ă  la croissance Ă©conomique et Ă  l’amĂ©lioration des conditions de vie des citoyens, notamment, dans les rĂ©gions intĂ©rieures.

Source : « Invstir een Tunisie » Le 25-04-2011

Marche pacifique, Ă  Hammamet, pour soutenir le secteur touristique


Plus de 2500 professionnels et employĂ©s directs ou indirects du secteur du tourisme ont participe, samedi, Ă  une marche pacifique pour exprimer leur soutien au secteur et sensibiliser Ă  l’ampleur de la crise Ă  laquelle il fait face, laquelle nĂ©cessite la conjugaison des efforts de tous les tunisiens afin de la rĂ©sorber. 

Les manifestants qui ont longĂ© l’avenue Habib Bourguiba jusqu’au centre ville de Hammamet arrivant Ă  proximitĂ© du fort (Kasbah) et de la MĂ©dina ont brandi des slogans: « le tourisme procure 400 mille emplois qu’il faut prĂ©server », et « le tourisme rapproche les cultures et les civilisations » et « Hammamet est une destination touristique et le restera ».

D’autre participants ont brandi des banderoles sur lesquelles on pouvait lire: « Appel urgent Ă  tous ce qui aiment la Tunisie Ă  soutenir le tourisme tunisien et Ă  consolider l’Ă©conomie tunisienne », « touche pas Ă  notre tourisme » et « Hammamet appelle Ă  une Tunisie moderne ».

M. Habib Bouslama, prĂ©sident de la FĂ©dĂ©ration rĂ©gionale de l’hĂŽtellerie de Nabeul, organisatrice de cette marche, a soulignĂ© que ce mouvement porte un message Ă  tous les tunisiens et dans lequel l’accent est mis sur l’importance du secteur touristique, un secteur vital ayant aujourd’hui besoin du soutien de tous.

Il a mis en relief l’impĂ©ratif de construire un front pour protĂ©ger et renforcer le secteur touristique gĂ©nĂ©rateur d’emplois et catalyseur de l’Ă©conomie.

Le secteur, a-t-il dit, ne doit pas ĂȘtre associĂ© au politique mais ĂȘtre dotĂ© de la libertĂ© nĂ©cessaire pour permettre la dĂ©couverte de nouvelles niches touristiques Ă  mĂȘme d’assurer la crĂ©ation de dizaines de milliers d’emplois, et ce en dĂ©veloppant les tourismes de congrĂšs, culturel, golfique, religieux et autres…

La participation de M. Mohamed Jegham, ancien ministre du Tourisme, et secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral du parti « El Watan » Ă  cette marche pacifique, n’est pas passĂ©e inaperçue. Plusieurs participants ont exprimĂ© leur Ă©tonnement expliquant sa prĂ©sence comme Ă©tant une « tentative d’exploiter l’Ă©vĂ©nement pour l’intĂ©rĂȘt de son parti ».

M. Bouslama a affirmé dans ce cadre que « M. Mohamed Jegham a toujours été un défenseur du secteur touristique et sa présence à cette marche pacifique est une initiative personnelle de sa part ».

De son cĂŽtĂ©, M. Jegham s’est dĂ©clarĂ©  »fier d’appartenir au secteur touristique », ajoutant que « ma participation Ă  la marche n’exprime pas une position politique et ne constitue pas une occasion pour parler du parti El Watan, mais elle reflĂšte une prise de conscience quant Ă  l’importance du secteur pour tous les tunisiens ».

Source: “Tunisie Soir” Le 25-04-2011

Le diplomate « Vendetta » pourrait ĂȘtre remerciĂ© en Tunisie


 

Le dĂ©part de Boris Boillon, l’ambassadeur de France en Tunisie, devenu le symbole d’une diplomatie française calamiteuse, est, selon France Soir, presque actĂ©. L’ambassadeur s’Ă©tait fait remarquĂ© par ses photos en maillot de bain et un comportement plutĂŽt hautain. Du coup, il avait mĂȘme Ă©tĂ© surnommĂ© « Mickael Vendetta  » par certains. Sur les forums Internet tunisiens, on se fĂ©licite dĂ©jĂ  de l’arrivĂ©e de son potentiel remplaçant. Il s’agirait d’Yves Marek, 44 ans, un diplomate de carriĂšre et un enfant du pays. « A priori, ce M. Marek a l’avantage de bien connaĂźtre notre pays et notre peuple. C’est un grand atout », peut-on lire sur la Toile. « M. Marek, vous ĂȘtes en Tunisie chez vous. L’essentiel, c’est faire partir M. Boillon », indique un autre internaute.

Source: “Jeanmarc Morandini” Le 25-04-2011

Tunisie – AprĂšs avoir voulu arrĂȘter Essahafa, le PDG de La Presse se fait « dĂ©gager »


 

Les employĂ©s, journalistes et techniciens, du journal Essahafa, ont rendu public, lundi 25 avril 2011, une motion diffusĂ©e sur le blog du journaliste Zied El Hani, dans laquelle ils expriment leur rejet de la dĂ©cision « surprenante » du PDG annonçant « l’arrĂȘt de parution dudit journal Ă  partir du 29 mai prochain Ă  cause des dĂ©ficits cumulĂ©s durant le premier semestre de l’annĂ©e 2010 ». La motion ajoute que « le journal a connu, depuis le 14 janvier 2011 et grĂące aux sacrifices et aux efforts de ses employĂ©s, une mutation qualitative que la direction gĂ©nĂ©rale n’a pu accompagner par une meilleure distribution
 ». Les auteurs de la motion, tout en affirmant que « le PDG a annoncĂ© sa dĂ©cision d’arrĂȘt du journal aprĂšs un feu vert du Premier ministĂšre, selon ses propres dires, rĂ©clament l’ouverture d’une enquĂȘte sur les mauvaises gestions qui se sont succĂ©dĂ© au sein de l’entreprise et appellent Ă  recourir Ă  un bureau d’études spĂ©cialisĂ© pour Ă©laborer une nouvelle conception du journal en vue de le promouvoir. Les journalistes affirment que H’mida Ben Romdhane, PDG de Snipe La Presse (maison Ă©ditrice d’Essahafa), a perdu toute crĂ©dibilitĂ© aprĂšs sa volte-face vis-Ă -vis de l’accord conclu le 12 fĂ©vrier 2011 et son affirmation que sa dĂ©cision est irrĂ©vocable. Ils estiment qu’il n’y a plus de place Ă  la nĂ©gociation avec lui ». Ils vont jusqu’à demander « son remplacement par un autre responsable capable d’assumer les charges d’une entreprise journalistique aussi prestigieuse que La Presse ». ContactĂ©e par Businessnews, une source autorisĂ©e au Premier ministĂšre dĂ©ment catĂ©goriquement avoir donnĂ© le moindre feu vert pour l’arrĂȘt de parution d’Essahafa et que ce n’est pas du tout le moment de prendre de telles dĂ©cisions. On notera que le PDG, veut, selon d’autres sources, transformer en un site Ă©lectronique quotidien avec une parution hebdomadaire sur papier. D’autre part et aux derniĂšres nouvelles on apprend que le PDG de La Presse a quittĂ© le siĂšge du journal aprĂšs les appels de « DĂ©gage » qui lui ont Ă©tĂ© lancĂ© par les employĂ©s d’Essahafa en sit-in devant son bureau. Dans une dĂ©claration Ă  l’agence TAP, H’mida Ben Romdhane a indiquĂ© que la dĂ©cision de transformer Essahafa en un hebdomadaire est motivĂ©e essentiellement par des raisons financiĂšres. Ce quotidien, a-t-il soutenu, constitue, depuis 23 ans, un fardeau financier. « Aucun agent ou journaliste ne sera licenciĂ© suite Ă  cette dĂ©cision », a-t-il affirmĂ©. Le journal Essahafa, a-t-il ajoutĂ©, a enregistrĂ©, l’annĂ©e derniĂšre, des pertes estimĂ©es Ă  deux millions de dinars, affirmant que ceux qui refusent cette dĂ©cision constituent « une minoritĂ© qui veut imposer Ă  l’entreprise des dĂ©penses supplĂ©mentaires (avantages, prime de nuit) sans pour autant dĂ©ployer des efforts concrets ». Ces propos sont Ă©galement dĂ©mentis par les faits puisqu’il ne s’agit nullement de minoritĂ© au vu du nombre de journalistes et techniciens mobilisĂ©s dans le sit-in observĂ© actuellement au siĂšge du journal. Le prĂ©sident du Syndicat des journalistes, NĂ©ji Bghouri, a dĂ©clarĂ© que cette dĂ©cision montre que « la mentalitĂ© de l’ancien rĂ©gime persiste encore » et que le PDG de l’entreprise « est chargĂ© de liquider le quotidien ». De son cĂŽtĂ©, KhemaĂŻs Arfaoui, rĂ©dacteur en chef du journal Essahafa, a qualifiĂ© de « bizarre et incomprĂ©hensible » la dĂ©cision de transformer Essahafa en un hebdomadaire d’autant plus, a-t-il dit, que le contenu du journal a connu une amĂ©lioration qualitative aprĂšs le 14 janvier 2011. Les journalistes, a-t-il prĂ©cisĂ©, ont, depuis trois mois, soumis au PDG un ensemble de points permettant de promouvoir Essahafa dont, en particulier, la rupture avec la langue de bois et le recours Ă  des spĂ©cialistes dans diffĂ©rentes spĂ©cialitĂ©s. Ces points auraient pu, s’ils Ă©taient appliquĂ©s, booster les ventes du journal Ă  l’instar des autres quotidiens arabophones de la place.

Source: “Business News” Le 25-04-2011

Tunisie – La question de la torture revient sur le tapis


L’avocate et militante Radhia Nasraoui est revenue encore une fois sur la question de la torture en Tunisie qui, selon elle, n’aurait pas disparu aprĂšs la rĂ©volution du 14 Janvier. AprĂšs une dĂ©claration sur LCI la semaine derniĂšre, Mme Nasraoui a rĂ©itĂ©rĂ© ses dĂ©clarations sur la chaĂźne Attounissiya (Nilesat 10949 V-27500) au cours d’une Ă©mission spĂ©ciale qui lui a Ă©tĂ© consacrĂ©e. InterviewĂ©e par Ala Chebbi et SofiĂšne Ben Farhat, Radhia Nasraoui a donnĂ© des noms de personnes qui auraient Ă©tĂ© torturĂ©es derniĂšrement par les forces de l’ordre. Ces mĂȘmes personnes auraient Ă©tĂ© torturĂ©es une nouvelle fois aprĂšs leur libĂ©ration, indique l’avocate, et ce aprĂšs avoir dĂ©noncĂ© ce qu’ils auraient endurĂ© durant leur arrestation. Mme Nasraoui affirme avoir saisi le Premier ministre, et BĂ©ji CaĂŻd Essebsi a dĂ©clarĂ© ne pas ĂȘtre au courant. « Peut-ĂȘtre qu’il n’était pas au courant, mais maintenant il le sait puisque je le lui ai dis », a commentĂ© l’avocate durant cette interview diffusĂ©e en boucle sur la chaĂźne. Par ailleurs, la Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH) a appelĂ©, lundi 25 avril, les autoritĂ©s Ă  « mettre un terme Ă  la torture, aux arrestations arbitraires et Ă  la violation des procĂ©dures pĂ©nales » insistant sur l’impĂ©ratif de respecter l’intĂ©gritĂ© physique et d’assurer des procĂšs Ă©quitables. Evoquant les arrestations lors des manifestations pacifiques, la LTDH a mis en garde contre « la poursuite des agressions physiques commises par des agents de sĂ©curité » et « les arrestations arbitraires » de personnes accusĂ©es d’atteinte aux biens publics et privĂ©s. Elle a aussi dĂ©noncĂ© « la poursuite de la torture des personnes arrĂȘtĂ©es et qui ont Ă©tĂ© contraintes, dit-elle, de signer des procĂšs verbaux dont elles n’ont pas pris connaissance », citant le cas de personnes ayant observĂ© des sit-in Ă  la Kasbah.

Source: “Business News” Le 25-04-2011

Tunisie – Le difficile apprentissage des islamistes


Par Mounir Ben Mahmoud

Le parti islamiste Ennahdha n’a cessĂ©, depuis la RĂ©volution du 14 janvier, de clamer haut et fort son adhĂ©sion aux principes dĂ©mocratiques, conscient qu’il est des doutes de l’environnement politique tunisien sur ses vĂ©ritables intentions. Les dirigeants d’Ennahdha ont, en outre, multipliĂ© les dĂ©clarations sur des sujets aussi polĂ©miques que la paritĂ© ou le tourisme, en affirmant leur alignement en matiĂšre de prĂ©servation des droits des femmes, ainsi que pour la pĂ©rennitĂ© du tourisme en Tunisie. Mieux encore, leur service d’ordre, longtemps connu pour son agressivitĂ©, n’a cessĂ© de faire preuve de toute la retenue nĂ©cessaire contre les dĂ©tracteurs, comme ce fut le cas Ă  Hammamet et Ă  KĂ©libia lorsque des centaines de manifestants ont scandĂ© des slogans hostiles au mouvement et son leader. C’est la dĂ©marche suivie par les islamistes dans leur offensive de charme pour conquĂ©rir la l’opinion publique en Tunisie. Cette approche prudente a Ă©tĂ©, par ailleurs, prĂŽnĂ©e par le leader du mouvement, Rached Ghannouchi, dans ses propos le week-end dernier Ă  Hammamet et KĂ©libia, lorsqu’il a senti qu’une bonne partie de l’audimat n’est pas acquise Ă  sa cause. Quoiqu’irritĂ© par ‘la dissidence’ de ces citoyens ‘musulmans’ qui ne se reconnaissent pas dans ‘Ennahdha’, il a prĂȘchĂ© ‘le compromis’ en leur accordant ‘le droit Ă  la diffĂ©rence’. Le leader islamiste a toutefois comparĂ© la dĂ©marche de ses dĂ©tracteurs ‘aux pratiques de l’ancien rĂ©gime qui l’a empĂȘchĂ© de s’exprimer’. Il est donc clair qu’une consigne de prudence extrĂȘme a Ă©tĂ© donnĂ©e par Ennahdha Ă  toutes ses structures dans un souci de faire oublier ses dĂ©boires de Bab Souika et autres, lorsque ses militants ont Ă©tĂ© les auteurs d’actes terroristes que Ghannouchi a qualifiĂ©s d’actes isolĂ©s et d’erreurs individuelles lors de sa premiĂšre confĂ©rence de presse aprĂšs son retour en Tunisie. Toute cette prudence n’a pas empĂȘchĂ© les observateurs de percevoir des diffĂ©rences nettes dans le langage et les prises de position des leaders du mouvement. Rached Ghannouchi n’a-t-il pas dĂ©fendu la pĂ©rennitĂ© du secteur touristique, allant mĂȘme jusqu’à parler d’une campagne pour sauver l’actuelle saison touristique. Sur un autre bord, Moncef Ben Salem, un autre leader du mouvement a affirmĂ© que ‘l’agriculture peut bien prendre la relĂšve du tourisme dans la contribution au Produit IntĂ©rieur Brut’. Ces propos ne sont pas les seuls Ă  indiquer le double langage d’Ennahdha et son apprentissage difficile de la manƓuvre en phase d’édification d’une sociĂ©tĂ© nouvelle. Ainsi, au moment oĂč Noureddine Bhiri et les autres reprĂ©sentants de la mouvance islamiste ont dĂ©fendu la paritĂ© parfaite lors des dĂ©bats sur le DĂ©cret-loi sur les Ă©lections au sein de l’Instance supĂ©rieure de rĂ©alisation des objectifs de la rĂ©volution ; Habib Ellouze, un autre leader islamiste, continue Ă  insister dans ses prĂȘches Ă  Sfax sur ‘les risques de cette paritĂ© prĂŽnĂ©e par tous les pactes citoyens et autres rĂ©publicains’. Pire encore, les islamistes ne se sont-ils pas eux-mĂȘmes soulevĂ©s contre ce pacte au sein de l’instance de Ben Achour, avant de se rĂ©tracter une semaine plus tard ? Le Gala prĂ©sentĂ© dimanche dernier au palais des congrĂšs Ă  Tunis pose aussi plein d’interrogations sur le modĂšle sociĂ©tal dĂ©fendu par les islamistes d’Ennahdha. Le public Ă©tait divisĂ© en deux blocs. Le premier, Ă  droite de la scĂšne, est formĂ© par des femmes alors que l’autre est formĂ© par des hommes. La division n’est pas le problĂšme en lui-mĂȘme mais, c’est plutĂŽt le fait que toutes les femmes soient voilĂ©es. LĂ , il y a un hic. Si les islamistes n’avaient invitĂ© que des voilĂ©es, c’est une marque d’exclusion, nĂ©faste au mouvement. Et si les non-voilĂ©es ne se sont pas reconnues dans le Gala, c’est plutĂŽt le mouvement Ennahdha qui s’est fait exclure. Dans les deux cas de figures, il y a un problĂšme d’intĂ©gration qui mĂ©rite l’examen. Deux autres faits ne cessent de soulever les interrogations. Il s’agit, d’une part, de l’embrigadement des meetings d’Ennahdha. Le service d’ordre rappelle Ă  plus d’un titre les milices. Les bruits qui courent affirment que ‘les services de ces gardes de corps et autres milices seraient rĂ©munĂ©rĂ©s’. D’autre part, la logistique opĂ©rationnelle d’Ennahdha indique clairement que ce parti bĂ©nĂ©ficie du concours de grandes sources de financement. ‘Il suffit de voir le luxe dans le local de Kebili du mouvement pour s’interroger sur cette question’, s’est exclamĂ© un observateur qui exige de la transparence dans le financement des partis politiques. Ennahdha est donc Ă  la croisĂ©e des chemins. Saurait-il assurer l’équilibre entre les impĂ©ratifs de ses origines idĂ©ologiques et les exigences de modĂ©ration et de modernisation de la sociĂ©tĂ© ?

Source: “Business News” Le 25-04-2011

Tunisie : Elyes Jouini évoque la question du Développement Régional


 

Ministre en charge des rĂ©formes Ă©conomiques et sociales en Tunisie du 27 janvier au 1er mars 2011, ELyes Jouini est docteur en mathĂ©matiques appliquĂ©es Ă  Paris. Vice-prĂ©sident de l’universitĂ© Paris-Dauphine, en charge de la recherche, M. Jouini a reçu le Prix du meilleur jeune Ă©conomiste dĂ©cernĂ© par le Cercle des Ă©conomistes, « Le Monde Economie » et le SĂ©nat Français en 2005. Dans un entretien accordĂ© au journal « Le Monde Economie », Elyes Jouini revient sur les solutions Ă  adopter pour un assurer le dĂ©veloppement rĂ©gional. L’ancien ministre n’y va pas par quatre chemins : il faut un changement de stratĂ©gie Ă©conomique au niveau de l’Etat. Les baisses de charges et les avantages fiscaux ne font pas une politique Ă©conomique. Au contraire, cela attire les chasseurs de primes, toujours Ă  la recherche des bas salaires. Dans une ville comme Sidi Bouzid, oĂč l’exonĂ©ration de charges sociales est de 10 ans, on ne trouve pas de transitaire, commissaire aux comptes, ou accĂšs efficace Ă  l’administration
 ce qui entrave l’installation de grandes entreprises. Afin de rĂ©pondre Ă  la fracture zones cotiĂšres-zones intĂ©rieures, Elyes Jouini propose d’investir massivement pour dĂ©senclaver l’Ouest tunisien : de construire des routes, des centres hospitaliers, des infrastructures pour ĂȘtre compĂ©titifs afin d’employer les diplĂŽmĂ©s. Selon lui, la Tunisie aurait besoin de seulement 5 Ă  10 milliards pour installer un plan Marshall de nature Ă  crĂ©er un changement de la donne Ă©conomique. Il encourage l’Europe Ă  investir en Tunisie car le potentiel de co-dĂ©veloppement est considĂ©rable. Autrement, en cas d’échec Ă©conomique de la rĂ©volution, on pourrait voir se radicaliser une frange de la population dont les attentes ont Ă©tĂ© déçues. Pour M. Jouini, la DĂ©mocratie est un choix gagnant. Alors que les Etats-Unis engloutissent des sommes faramineuses pour asseoir la dĂ©mocratie en Irak, un mois de ce budget suffirait Ă  une dĂ©mocratie pĂ©renne en Tunisie de voir le jour. Le brillant Ă©conomiste voit en la Tunisie un exemple que les autres pays arabes observent avec intĂ©rĂȘt, ces derniers seraient tentĂ©s de suivre le mĂȘme chemin en cas de rĂ©ussite de la rĂ©volution tunisienne. En ce qui concerne l’immigration clandestine, Elyes Jouini n’a pas manquĂ© de rappeler que la Tunisie a fait face Ă  un flux migratoire sans prĂ©cĂ©dent Ă  sa frontiĂšre avec la Libye mais qu’elle n’a aucun moment cherchĂ© Ă  refouler ces migrants. La rĂ©action europĂ©enne est comprĂ©hensible, mais la rĂ©ponse ne peut ĂȘtre sĂ©curitaire. Il s’agit de renforcer le partenariat et les Ă©changes Ă©conomiques, multiplier les possibilitĂ©s de migrations circulaires pour permettre aux jeunes de sĂ©journer dans diffĂ©rents pays mĂ©diterranĂ©ens, de s’y former, d’y exercer pour un temps et de revenir dans leurs pays respectifs. Construire un mur au milieu de la MĂ©diterrannĂ©e n’est pas la bonne solution.

Source : « Espace Manager » Le 25-04-2011

Tunisie : Une plainte déposée contre le livre « Ben Ali le ripou »


 

Nous venons d’apprendre de source judiciaire que l’avocat Nabil Akirmi a dĂ©posĂ© une plainte auprĂšs du tribunal de premiĂšre instance Ă  Tunis contre l’écrivain BĂ©chir Turki, auteur du livre « Ben Ali le ripou ».

Une personnalitĂ© politique tunisienne a demandĂ© Ă  ce conseil de porte plainte Ă  cet Ă©gard au motif qu’elle a Ă©tĂ© visĂ©e dans cet ouvrage oĂč, selon elle, l’auteur a propagĂ© Ă  son sujet de fausses informations.

Signalons Ă  ce propos que plusieurs intellectuels ont reprochĂ© Ă  l’auteur d’avoir repris nombre de donnĂ©es contenues dans le livre « la rĂ©gente de Carthage » de Nicolas Beau.

Source: “African Manager” Le 25-04-2011

Tunisie: débat sur la réalisation des objectifs de la révolution


« OĂč en est-on de la rĂ©alisation des objectifs de la rĂ©volution ? » est le titre d’une rencontre-dĂ©bat organisĂ©e par le Front Civique pour la DĂ©mocratie en Tunisie (FCDT), dimanche, Ă  El Menzah. Les intervenants parmi les universitaires, militants et citoyens participant Ă  la rencontre, ont abordĂ© des thĂšmes relatifs, notamment aux conditions de dĂ©clenchement de la rĂ©volution du 14 janvier et Ă  la situation Ă©conomique, sociale et politique actuelle. Ils ont, en outre, prĂ©sentĂ© des recommandations et des solutions susceptibles de surmonter les difficultĂ©s socio-Ă©conomiques que vit le pays aujourd’hui. Les succĂšs Ă©conomiques qu’a connu la Tunisie au cours des deux derniĂšres dĂ©cennies, ont-ils soulignĂ©, ont Ă©tĂ© accompagnĂ©s d’une stagnation politique, d’une injustice sociale et d’une marginalisation des rĂ©gions intĂ©rieures, d’oĂč est nĂ©e la premiĂšre Ă©tincelle de la rĂ©volution. Il est difficile de prĂ©voir l’issue de la rĂ©volution, ont-ils unanimement prĂ©venu, au vu de tous ces sit-in et revendications sociales immĂ©diates, et de l’apparition de courants Ă©trangers Ă  la sociĂ©tĂ© tunisienne modĂ©rĂ©e et tolĂ©rante. Les intervenants ont notamment fait noter que le volet politique a pris la part du lion dans les dĂ©bats et rencontres entre hommes politiques, reprĂ©sentants de la sociĂ©tĂ© civile et Ă©lite intellectuelle, alors que la rĂ©volution est nĂ©e de revendications sociales pour l’emploi, la libertĂ© et la dignitĂ©. Ils ont relevĂ©, dans ce sens, l’inexistence d’une instance ou commission chargĂ©e de la question Ă©conomique ou sociale, Ă  l’instar de la Haute Instance pour la rĂ©alisation des objectifs de la rĂ©volution, de la rĂ©forme politique et de la transition dĂ©mocratique. L’absence d’un dialogue social rĂ©el et l’explosion du chĂŽmage sous l’ancien rĂ©gime exige l’Ă©laboration d’un nouveau contrat social basĂ© sur la garantie des droits sociaux des travailleurs, en s’adaptant Ă  la compĂ©titivitĂ© des entreprises. Le Front Civique pour la DĂ©mocratie en Tunisie, créé rĂ©cemment, est ouvert Ă  toutes les sensibilitĂ©s intellectuelles, politiques et syndicales qui prĂŽnent le pluralisme, la tolĂ©rance et la bonne gouvernance. Il cherche Ă  approfondir la rĂ©flexion et Ă  rassembler les idĂ©es des hautes compĂ©tences Ă  travers des recherches et des Ă©tudes menĂ©es dans tous les domaines. Il oeuvre, Ă©galement, Ă  mobiliser les Ă©lites et Ă  sensibiliser les citoyens aux objectifs tracĂ©s, Ă  travers les rencontres et les confĂ©rences ainsi que sur les rĂ©seaux sociaux et le Web.

Source : « Espace Manager » Le 25-04-2011

Quel Etat pour la Tunisie de demain?


 

ParRafik Souidi

Dans trois mois devraient se dĂ©rouler les Ă©lections de l’assemblĂ©e constituante. L’enjeu est de taille car il devrait enraciner dans les textes la dĂ©mocratie et l’Etat de droit.

Quel rĂŽle de l’Etat?

Ainsi, la nature du rĂ©gime, soit parlementaire soit prĂ©sidentiel, devrait alimenter les dĂ©bats de la campagne, de mĂȘme que l’équilibre des pouvoirs et contre-pouvoirs pour garantir les libertĂ©s fondamentales. Mais la constitution devrait aussi dĂ©terminer le rĂŽle futur de l’Etat au niveau social, sanitaire, Ă©conomique, financier, urbanistique, mĂ©diatique et culturel. C’est en rĂ©pondant clairement Ă  ces aspects que les vĂ©ritables lignes de dĂ©marcation se feront jour entre les protagonistes de la constituante car pour ce qui concerne la dĂ©mocratie et la garantie des libertĂ©s fondamentales il y a dĂ©sormais un consensus gĂ©nĂ©ral.

 

A ce titre, le dĂ©bat actuel sur la nĂ©gociation d’un pacte rĂ©publicain est tout Ă  fait superflu. En effet, les partis politiques devraient plutĂŽt se concentrer sur la question fondamentale de la place de l’Etat dans la Tunisie de demain. Au lendemain de l’indĂ©pendance, l’enjeu de la premiĂšre constituante Ă©tait de bĂątir un Etat moderne sur les dĂ©combres des institutions beylicales et sur les restes de la colonisation. Le rĂ©sultat a Ă©tĂ© des plus mĂ©diocres. Aujourd’hui, il s’agit de construire un Etat postmoderne et avant-gardiste sur les ruines de la «mĂ©diocrature» instaurĂ©e par l’ancien rĂ©gime. Pour ce faire, les futurs membres de la constituante devraient garder Ă  l’esprit la dĂ©bĂącle de leurs prĂ©dĂ©cesseurs et faire preuve d’une vision civilisationnelle originale et cohĂ©rente. Quelle Tunisie voulons-nous construire pour nos enfants? Telle est la question dont nous attendons des rĂ©ponses audacieuses et ambitieuses et cela requiert un descriptif dĂ©taillĂ© du futur rĂŽle de l’Etat.

Un Etat modeste En ce qui nous concerne, nous prĂ©conisons, Ă  terme, le dĂ©sengagement optimal de l’Etat des rouages socio-Ă©conomiques du pays afin qu’il se concentre dans l’accomplissement de ses tĂąches rĂ©galiennes avec la plus grande efficacitĂ© et la plus haute probitĂ©. Nous souhaitons l’avĂšnement d’un Etat modeste dans ses prĂ©rogatives, plus particuliĂšrement dans ses dĂ©penses de fonctionnement dans le strict respect de la chose publique et moins arrogant dans son comportement vis- Ă -vis des citoyens qu’il est censĂ© servir dans le cadre du service public. A l’exemple des pays scandinaves oĂč le train de vie de l’Etat est soigneusement contrĂŽlĂ© par les citoyens et oĂč les ministres n’ont pas de voitures officielles. Ainsi, le Palais prĂ©sidentiel de Carthage devrait ĂȘtre transformĂ©, quel que soit le rĂ©gime adoptĂ© par la constituante, en un musĂ©e et centre de confĂ©rences car les palais ne sont plus faits pour les dĂ©mocraties Ă©voluĂ©es. Ce sont des bureaux sobres et efficients dont a besoin l’administration pour travailler efficacement et non pas de rĂ©sidences royales. Quant Ă  l’avion prĂ©sidentiel de 400 millions de dinars, quand on sait que la chanceliĂšre de l’Allemagne voyage sur les lignes rĂ©guliĂšres, il en dit long sur les dĂ©rives du rĂ©gime dĂ©chu et cela est symbolique de ce qu’il ne faut plus faire en Tunisie.

C’est en mettant un terme dĂ©finitif au faux prestige de l’Etat et ses dĂ©penses somptuaires que l’on rĂ©tablira sa crĂ©dibilitĂ© et que l’on Ă©vitera Ă  l’avenir d’attirer les mauvaises graines et autres opportunistes attirĂ©s par l’appĂąt du gain et les apparats du pouvoir. DorĂ©navant, servir l’Etat devrait ĂȘtre l’apanage des plus sincĂšres vocations et des plus hautes consciences. Sans pour autant devenir un sacerdoce, la fonction publique ne devrait plus ĂȘtre perçue comme un tremplin vers l’enrichissement personnel. Ce redimensionnement salutaire ne rĂ©duirait pas nĂ©cessairement le rĂŽle d’investisseur que pourrait exercer l’Etat dans le domaine des infrastructures ou de l’amorçage et l’accompagnement de certaines filiĂšres mais il conviendrait Ă  l’avenir d’intervenir exclusivement Ă  travers la future Caisse des dĂ©pĂŽts. Quant aux dĂ©penses sociales, c’est Ă  travers une Caisse nationale de la sĂ©curitĂ© sociale (Cnss), entiĂšrement restructurĂ©e, que la richesse pourrait ĂȘtre redistribuĂ©e et que la solidaritĂ© pourrait s’exprimer. En simplifiant les modes opĂ©ratoires et en rĂ©duisant le nombre d’organes d’intervention on gagnera en efficacitĂ©, en gouvernance et en transparence. Par souci de proximitĂ©, on pourrait aussi envisager une rĂ©organisation administrative du territoire en une dizaine de rĂ©gions dans le cadre d’une vĂ©ritable dĂ©centralisation et d’un transfert rĂ©el de pouvoirs. Par ailleurs, les citoyens devraient prendre davantage leur destin en main et cesser de voir en l’Etat le pourvoyeur de toutes les grĂąces. Cet esprit d’assistanat, favorisĂ© par la « mĂ©diocrature » dĂ©chue, devrait s’estomper et au contraire l’esprit d’initiative devrait ĂȘtre encouragĂ© car moins l’Etat interviendra et mieux ce sera pour tous. L’édification d’un Etat modeste dans ses prĂ©rogatives et ses comportements mais efficient dans ses rĂ©sultats dĂ©pend pour beaucoup de la future constitution et il conviendrait d’en dĂ©battre pendant les Ă©lections.

Source: “Kapitalis” Le 25-04-2011

Tunisiens, arrĂȘtez d’avilir l’Afrique et vous-mĂȘmes


 

Depuis le 14 janvier 2011 qui a vu le renversement du rĂ©gime de Ben Ali par une foule hystĂ©rique, les Tunisiens occupent une place de choix dans l’actualitĂ© de l’immigration africaine en Europe. Sans victimiser les immigrants tunisiens, une analyse Ă  la loupe du quotidien des habitants de l’ex Carthage indique qu’un autre monde est aussi possible sur la terre de Bourguiba, et pas nĂ©cessairement Ă  l’étranger


Tous les Sub-sahariens qui ont visitĂ© le Maghreb et plus singuliĂšrement la Tunisie le confessent : le niveau de dĂ©veloppement de cet Etat est atypique en Afrique d’une maniĂšre gĂ©nĂ©rale, en matiĂšre de possession des infrastructures de base ! Qu’ils soient NigĂ©rians, Kenyans, ces Sub-sahariens font cette constatation sans ambages. Il faut descendre vers le Sud du continent africain, trĂšs prĂ©cisĂ©ment vers l’Afrique du Sud, pour retrouver des infrastructures de dĂ©veloppement comparables Ă  celles de la Tunisie. A la faveur des rĂ©volutions en cours dans le monde arabe, plusieurs spĂ©cialistes de la sociologie de ces pays ont eu Ă  lĂącher les mĂȘmes remarques.

A titre d’exemple, beaucoup de ces experts ont fait remarquer que le corps mĂ©dical tunisien est de loin mieux loti par rapport son frĂšre de la grande Egypte. C’est dire que la terre natale d’H. Bourguiba a fait d’énormes progrĂšs, en dĂ©pit de la constante dictature qui la rĂ©gentait jusqu’au 11 janvier dernier.

La Tunisie n’a pas besoin d’ĂȘtre constamment humiliĂ©e !

Haut lieu du tourisme mĂ©dical pour les Occidentaux, la Tunisie s’efforçait sous Ben Ali de maintenir le cap de sa croissance Ă©conomique, mĂȘme si une couche de laissĂ©s-pour-compte s’épaississait depuis 20 ans sous la gouvernance de M. Ali. Des carences en matiĂšre de gestion des affaires publiques qui n’empĂȘchaient pas le revenu annuel par tĂȘte d’habitant du Tunisien d’ĂȘtre Ă  des annĂ©es-lumiĂšre de la plupart des Etats d’Afrique. Qu’est-ce qui fait donc courir les immigrants tunisiens ?

Pas la libertĂ© de parole dans tous les cas, car les Tunisiens ont recouvrĂ© ce droit depuis la chute du dictateur Ali. Mais il faut chercher, encore et toujours, du cĂŽtĂ© de la recherche d’une vie meilleure sur le sol europĂ©en. Une quĂȘte normale lorsqu’on est un ĂȘtre humain. Cependant, l’on vient Ă  avoir froid dans le dos lorsqu’on se rend compte qu’une grande partie de Tunisiens qui dĂ©barquent au large des frontiĂšres de l’Europe, au pĂ©ril de leur vie, Ă©prouve toutes les difficultĂ©s du monde pour parler une langue europĂ©enne !!! DrĂŽle de façon de concevoir un voyage chez un Ă©tranger qui n’aime pas gĂ©nĂ©ralement les voyageurs ; qu’ils se soient annoncĂ©s ou pas.

Autre singularitĂ© troublante de l’immigration tunisienne sur le « Vieux continent », ses adeptes cherchent systĂ©matiquement Ă  rejoindre la France. De telle sorte que sur les 900.000 Tunisiens qui vivent en Europe, 600.000 rĂ©sident dans l’Hexagone. Humiliations avilissantes et diverses formes de dĂ©shumanisation constituent souvent les rebuffades que les EuropĂ©ens rĂ©servent Ă  ces Tunisiens qui ont le minimum pour vivre chez eux ! On ne peut pas rĂ©ussir Ă  rassembler 2.000 euros pour immigrer et ne pas ĂȘtre capable de trouver les voies et moyens pour les investir chez soi. Le drame dans ces tentatives de refoulement de cette ruĂ©e tunisienne vers « Vieux continent », c’est que les EuropĂ©ens Ă©tendent le sort qu’ils rĂ©servent aux Tunisiens Ă  tous les Africains !

Relooker l’éducation civique devrait ĂȘtre le principal cheval de bataille des futures autoritĂ©s tunisiennes. La richesse de la civilisation de l’ex Carthage est si importante que ses habitants ne devraient pas prĂȘter le flanc Ă  subir de sordides humiliations comme on le voit ces derniĂšres semaines. BallotĂ©s de camp en camp en Italie, on leur brandit le carton rouge aux portes de la France. Oui, il y a et il existera toujours des pauvres en Tunisie, quelle soit la politique Ă©conomique qui sera mise en place. Mais, mĂȘme dans l’indigence, la dignitĂ© des Africains doit tenir la route. Car, contrairement Ă  beaucoup d’Etats d’Afrique, la Tunisie dispose d’une importante ressource humaine qualifiĂ©e et en bonne santĂ© qui n’a besoin que d’ĂȘtre initiĂ©e aux vertus du chauvinisme en matiĂšre de dĂ©veloppement.

Source : « Afriscoop » Le 25-04-2011

Tunisie: Les trois défis du Groupe Chimique Tunisien


 

En cette pĂ©riode de rĂ©volution et d’incertitudes, le Groupe Chimique Tunisien (GCT), entreprise publique spĂ©cialisĂ©e dans la production et la transformation de phosphate en produits chimiques (acide phosphorique et engrais), a dĂ©cidĂ© d’agir Ă  trois niveaux : investir 800 millions de dinars, crĂ©er 3.500 nouveaux emplois environ qui viendront s’ajouter aux 4.200 existants et confĂ©rer Ă  son activitĂ© une dimension Ă©cologique.

Il s’agit de toute Ă©vidence d’une bouffĂ©e d’oxygĂšne pour tous les chĂŽmeurs des rĂ©gions qui abritent soient des mines de phosphate (Gafsa, Metlaoui, Mdhilla, Redeyef et Moulares), soit les usines de transformation de ce produit (Sfax, GabĂšs et Skhira).Au rayon de l’emploi, le groupe, qui a fait l’objet au lendemain de la rĂ©volution du 14 janvier 2011, de sit-in, de blocages des voies de chemin de fer acheminant le phosphate aux usines de transformation, et d’autres manifestations de sans-emploi du bassin minier, a commencĂ© par recruter, au mois de mars dernier, 800 personnes qui seront employĂ©es dans les usines d’acide phosphorique de GabĂšs.

ParallĂšlement, le GCT va crĂ©er une filiale Ă  vocation Ă©cologique (boisement, rĂ©habilitation des oasis
). Celle-ci se propose d’employer 2.000 personnes. La crĂ©ation d’une telle sociĂ©tĂ© ne manque pas d’enjeux au regard de la dĂ©gradation avancĂ©e de l’environnement et de la prolifĂ©ration des maladies cancĂ©rigĂšnes gĂ©nĂ©rĂ©es par les rejets de matiĂšres particuliĂšrement polluantes et radioactives telles que le phosphogypse et des mĂ©taux lourds (plomb, mercaptan, fluor, SOx, toutes sortes de poussiĂšres nocives…).

 

 

Au chapitre de l’investissement, deux chantiers sont mis en route. Le premier porte sur la crĂ©ation, dans la zone de Mdilla (sud-ouest de Gafsa) d’une nouvelle usine de production d’acide phosphorique et du triple super phosphate (TSP) phosphate. Cette usine va crĂ©er au moins 400 emplois. L’usine dont le coĂ»t global s’élĂšve Ă  330 millions de dinars sera financĂ©e Ă  hauteur de 270 millions de dinars par un prĂȘt de la Banque europĂ©enne d’investissement (BEI). Le dĂ©caissement du crĂ©dit a Ă©tĂ© accĂ©lĂ©rĂ© depuis mars 2011 tandis que les travaux de rĂ©alisation dĂ©marreront au mois de juillet prochain.

Le deuxiĂšme chantier est achevĂ©. Il concerne la rĂ©alisation, Ă  Skhira (sud de Sfax), moyennant un investissement tuniso-indien, d’une usine de production d’engrais destinĂ© Ă  l’exportation. L’usine, exploitĂ©e par la sociĂ©tĂ© Tunisian Indian Fertilzers, traite 1,5 million de tonnes de phosphate par an.

S’agissant du volet environnemental, deux importants projets sont dĂ©jĂ  engagĂ©s. Il s’agit de l’assainissement du site Taparura Ă  Sfax. La zone cĂŽtiĂšre de la ville de Sfax souffre, depuis des annĂ©es, d’un grave problĂšme de pollution rĂ©sultant de l’intense activitĂ© industrielle de cette rĂ©gion. Le second projet vise Ă  dĂ©polluer le golfe de GabĂšs. Ce projet concerne l’Ă©vacuation et la mise en terril contrĂŽlĂ© des dĂ©chets du phosphogypse produit par les usines du Groupe.

Ces projets ont bĂ©nĂ©ficiĂ© Ă©galement de deux financements fournis par le biais de la FacilitĂ© euro-mĂ©diterranĂ©enne d’investissement et de Partenariat (FEMIP), mĂ©canisme utilisĂ© par la BEI pour financer son partenariat en MĂ©diterranĂ©e.

La BEI contribue au financement de ces deux projets par le biais de deux prĂȘts d’un montant respectif de 34 millions d’euros (Taparura) et de 45 millions d’euros (mise en terril de phosphogypse).

Source:”wmc” Le 25-04-2011

Tunisie: ElyÚs Jouini a-t-il contracté le «virus» de la politique?


A peine sorti du premier gouvernement intĂ©rimaire –oĂč il a Ă©tĂ© ministre chargĂ© des RĂ©formes Ă©conomiques et sociales et de la Coordination sur les rĂ©formes- ElyĂšs Jouini a entrepris de plancher sur un projet de think tank destinĂ© Ă  proposer «un programme de gouvernement, pour les 5 et 10 prochaines annĂ©es.

Universitaire rĂ©putĂ©, et administrateur indĂ©pendant (de la Banque de Tunisie, par le passĂ©, et aujourd’hui de Magasin GĂ©nĂ©ral, Comar et Altran Telnet Corporation) de plus en plus sollicitĂ©, ElyĂšs Jouini va-t-il prendre la casquette de «serviteur de la RĂ©publique», c’est-Ă -dire d’homme politique?

Bien que son expĂ©rience ministĂ©rielle se soit achevĂ©e plus tĂŽt que prĂ©vu, le vice-prĂ©sident de l’UniversitĂ© Paris Dauphine ne semble pas avoir perdu goĂ»t pour la «chose publique» (Res publica).

Un mois et demi aprÚs avoir quitté le premier gouvernement intérimaire, que dirigeait Mohamed Ghannouchi, dans lequel il a été ministre auprÚs du Premier ministre, chargé des Réformes économiques et sociales et de la Coordination avec les ministÚres concernés, le voici en tout cas qui revient sur le terrain politique, avec un projet de think tank.

BaptisĂ© «Forum Economique et Social» (FES), le think tank projetĂ© par ElyĂšs Jouini vise Ă  mener une rĂ©flexion «sur les chantiers Ă  dĂ©velopper Ă  et les mesures Ă  prendre» afin de doter le pays d’une vision, d’un programme de gouvernement, pour les 5 et 10 prochaines annĂ©es, et «sur lesquelles pourrait s’appuyer toute majoritĂ© au pouvoir».

Le FES mĂšnerait sa rĂ©flexion autour de trois nĂ©cessitĂ©s reprĂ©sentant autant d’ «axes structurants»: «repenser le dĂ©veloppement rĂ©gional pour placer les rĂ©gions au cƓur du dĂ©bat et rĂ©duire la fracture qui s’est opĂ©rĂ©e entre une Tunisie Ă©mergente et une Tunisie dĂ©laissĂ©e pendant des dĂ©cennies», «redonner un avenir aux jeunes en dĂ©veloppant l’emploi et la compĂ©titivitĂ© de notre Ă©conomie dans le respect des normes sociales ambitieuses et en assurant Ă  nos enfants une Ă©ducation et une formation de qualité», et «mobiliser tous nos atouts pour libĂ©rer la croissance Ă©conomique dans le cadre d’une Ă©conomie pleinement intĂ©grĂ©e Ă  l’économie maghrĂ©bine, mĂ©diterranĂ©enne et internationale».

Le “Forum Ă©conomique et social“ serait composĂ© de personnalitĂ©s venant d’horizons et de pays divers organisĂ©s en cinq structures («comitĂ© d’honneur», rĂ©dacteurs, experts, conseil scientifique et comitĂ© de liaison). Il devra rendre sa copie, en l’occurrence un rapport, avant l’échĂ©ance du 24 juillet 2011, date de l’élection de l’AssemblĂ©e constituante.

Ce projet constitue-t-il une maniĂšre pour son promoteur de revenir en politique d’une autre façon aprĂšs y ĂȘtre entrĂ© –briĂšvement- par le biais du premier gouvernement de transition de l’aprĂšs-Ben Ali? Ce n’est pas exclu, d’autant qu’à la question -posĂ©e en fĂ©vrier dernier par «Le Point»- de savoir s’il se voyait poursuivre son expĂ©rience gouvernementale aprĂšs le 24 juillet, le ministre chargĂ© des RĂ©formes Ă©conomiques et sociales et de la Coordination sur les rĂ©formes qu’il Ă©tait a rĂ©pondu clairement qu’«il ne faut jamais dire fontaine, je ne boirai pas de ton eau».

Source:”wmc” Le 25-04-2011

Tunisie: Ahmed Brahim appelle Ă  la vigilance contre les islamistes


S’exprimant, dimanche, Ă  Sidi Bouzid, lors d’un meeting auquel ont pris part plusieurs militants du parti, Ahmed Ibrahim, Premier SecrĂ©taire du Mouvement Ettajdid, a mis l’accent sur l’impĂ©ratif de faire preuve de vigilance pour lutter contre les courants rĂ©trogrades et prĂ©server les acquis obtenus par le peuple, grĂące Ă  son militantisme dans les diffĂ©rents domaines politique, social et culturel. « L’Islam est une composante essentielle de l’identitĂ© de la sociĂ©tĂ© et personne n’a le droit de s’en faire le porte-parole », a-t-il affirmĂ©. « Le sacrĂ© demeure au-dessus de tous et ne doit aucunement faire l’objet de surenchĂšres », a-t-il soutenu, estimĂ© indispensable de « s’adonner Ă  la politique loin des mosquĂ©es et des maisons de culte ». Par ailleurs, il a indiquĂ© que la transition dĂ©mocratique doit ĂȘtre opĂ©rĂ©e sur la base d’un consensus entre toutes les catĂ©gories et sensibilitĂ©s politiques, faisant remarquer que la prochaine campagne Ă©lectorale doit ĂȘtre encadrĂ©e par un « pacte civil » pour Ă©viter les surenchĂšres.

Source : « Espace Manager » Le 25-04-2011

La Parité tunisienne vue par « Le Monde »


 

La Tunisie vient d’envoyer un signal fort. Adopter le principe de la paritĂ© hommes-femmes pour les Ă©lections de l’AssemblĂ©e constituante prĂ©vues le 24 juillet. Tous les partis politiques organisĂ©s, des plus progressistes aux plus intĂ©gristes, ont applaudi. Plus rĂ©jouissant, le dĂ©bat bouillonne autour d’un concept qui n’a rien d’une Ă©vidence. Les sceptiques s’interrogent. Faut-il imposer la prĂ©sence de femmes ? N’est-ce pas un constat d’échec ? Pourquoi ne pas l’étendre Ă  d’autres groupes discriminĂ©s ? Les partisans de la paritĂ© leur rĂ©pondent. Qu’il s’agit d’une constituante, et non d’une lĂ©gislative. De candidats proposĂ©s et non de quotas en vue d’élire obligatoirement 50 % d’hommes et 50 % de femmes. Ce qui change tout. Mais n’épuise pas le dĂ©bat.

Ces arguments, passionnants et complexes, rappellent furieusement ceux qui ont agitĂ© la France en 1999. A l’époque aussi, le concept de « paritĂ© » avait divisĂ©. Chez certains, il s’agit d’une stratĂ©gie provisoire en vue de faire avancer l’égalitĂ©. Chez d’autres, de rĂ©affirmer le principe de la diffĂ©rence hommes-femmes. Avec tous les clichĂ©s qui peuvent aller avec. La fracture est allĂ©e jusqu’à diviser le camp fĂ©ministe. Entre universalistes et diffĂ©rentialistes. Le principe du « coup de pied dans la fourmiliĂšre » l’a emportĂ©. Le retard Ă©tait si grand qu’on a cru devoir user de ce stratagĂšme pour en sortir.

Dans un pays oĂč la premiĂšre constituante remonte Ă  plus de deux siĂšcles, la reprĂ©sentation des femmes n’était pas au programme. Le suffrage s’est longtemps dit « universel », bien que rĂ©servĂ© aux hommes. GrĂące Ă  Mustapha Kemal AtatĂŒrk, les femmes turques ont mĂȘme obtenu le droit de vote avant les Françaises. GrĂące Ă  Bourguiba et Ă  des ministres de l’éducation comme Mohamed Charfi, la Tunisie peut s’enorgueillir de compter une classe moyenne fĂ©minine Ă©duquĂ©e.

C’était le seul « bon cĂŽtĂ© » de l’autoritarisme dit « laĂŻque », mĂȘme si la sĂ©paration entre le politique et le religieux n’a jamais existĂ©. Il Ă©tait temps de se dĂ©barrasser de l’autoritarisme, mais faut-il renoncer Ă  aller vers une vraie laĂŻcitĂ© ? Par peur d’apparaĂźtre comme nĂ©o-benalistes ou d’ouvrir une brĂšche, aucun parti d’envergure ne semble revendiquer la fin de l’islam comme religion d’Etat.

Du coup, la question se pose : la dĂ©mocratie va-t-elle permettre de continuer Ă  avancer vers l’égalitĂ© hommes-femmes ou autoriser certains reculs ?

 

Les progressistes tunisiens ont voulu la « paritĂ© » pour prĂ©server les acquis de la modernitĂ© tunisienne contre un Ă©ventuel retour de bĂąton obscurantiste. Le problĂšme, c’est que la paritĂ© – et non l’égalitĂ© – ne pose aucun problĂšme aux intĂ©gristes. Puisqu’elle recoupe leur vision diffĂ©rentielle des hommes et des femmes. Et qu’ils n’auront aucune difficultĂ© Ă  prĂ©senter des candidates intĂ©gristes pour porter leurs idĂ©es


VoilĂ  bien longtemps qu’ils ont imaginĂ© un « fĂ©minisme islamique » capable de prĂŽner la paritĂ© mais de rĂ©futer l’égalitĂ©. Sous prĂ©texte de s’opposer au fĂ©minisme dit « occidental ». Officiellement, il s’agit de soutenir un fĂ©minisme dit de l’intĂ©rieur, basĂ© sur des rĂ©fĂ©rences musulmanes. En rĂ©alitĂ©, il s’agit de rĂ©futer toute revendication rĂ©ellement moderniste comme « extĂ©rieure » et « occidentale ». En vue de prĂŽner un fĂ©minisme pudibond et rĂ©actionnaire, oĂč la femme porte le voile, accepte une petite tape symbolique si elle dĂ©sobĂ©it, et ne « doit pas se libĂ©rer au dĂ©triment de la famille », traditionnelle bien sĂ»r. Un condensĂ© de sexisme dĂ©guisĂ©, applaudi par certains intellectuels français – chrĂ©tiens de gauche ou tiers-mondistes – comme le comble de l’avant-garde.

En France comme en Tunisie, le chemin menant de la dĂ©mocratie Ă  l’émancipation est long Ă  parcourir. La dĂ©mocratie compliquĂ©e, mais belle. (Source: ”Le Monde”)

Source: ”Tunisie Numerique” Le 25-04-2011

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