24 mars 2011

TUNISNEWS
10 ème année,  N°3957 du 24.03.2011
archives : www.tunisnews.net 


Déclaration –  Vers une réelle démocratie et une justice sociale vraie

AFP: La Tunisie gèle les avoirs de Kadhafi AFP: Conflit/Libye: « c’est aux Libyens de décider » (Premier ministre tunisien à l’AFP)

AFP: Accord franco-tunisien dans le domaine des énergies renouvelables


REVUE DE PRESSE


Déclaration

Mener cette révolution citoyenne à son terme.

Vers une réelle démocratie et une justice sociale vraie.

S’identifier à la révolution, au sentiment national et au devenir de notre pays


 Avant de perdre la bataille de la rue, l’ancien régime a déjà et, depuis plusieurs années, perdu la bataille de la légitimité et de la démocratie.
 
Il était incapable de comprendre que le trop plein des frustrations a débordé pour la énième fois en 23 ans de dictature dans un système politique hermétiquement fermé et gangrené par la corruption et le pillage des richesses du pays.
Après la phase sécuritaire des années 90, ce régime s’est lancé dans une phase d’enrichissement illicite incluant la violation de la notion d’Etat de droit  et  le clientélisme. Honni par la population, ce régime mafieux a permis aux cercles gravitant autour du centre du pouvoir et aux familles proches d’amasser des fortunes colossales au prix de la ruine de l’économie nationale, suscitant l’exaspération et le Ras le bol des Tunisiens et des Tunisiennes. Les violations à répétition de la constitution a consacré un culte grossier de la personnalité qui a vidé l’idée républicaine de toute substance.
Partie des régions économiquement exclues, les manifestations de colère ont fait boule de neige débouchant ainsi sur des revendications politiques.
Les associations JISR, l’Union des Tunisiens de l’Est ainsi que le Réseau Euro-maghrébin Citoyenneté et Culture (REMCC) porteuses de mémoire et d’histoire, expriment leur adhésion totale au  processus révolutionnaire en cours et feront tout ce qui leur est possible pour qu’il aboutisse à l’édification d’une Tunisie nouvelle, ainsi que leur totale solidarité avec le peuple tunisien et sa révolution. Elles s’efforcent d’expliquer les objectifs de la révolution et de diffuser l’esprit critique et laïc chez ses membres dans un esprit de tolérance à l’égard des autres mouvements associatif et politique.
Estimant nécessaire et légitime dans une démocratie, de poser dans la transparence des questions brûlantes telles celle de la représentation des communautés tunisiennes expatriées, celle de la protection des acquis de la révolution contre les différences menaces de sa confiscation, ou encore de  l’usage et de la restitution futurs des biens de l’Etats et des familles mafieuses à l’étranger, ces associations rappellent que nul – personne morale ou association –  ne peut prétendre être le dépositaire exclusif  d’une quelconque autorité sur les problèmes qui touchent nos communautés et leurs rapports avec le pays  d’origine.
Elles considèrent que les Tunisiens et les Tunisiennes expatriés, longtemps marginalisés et exclus par l’ancien régime, n’acceptent aucune tutelle ou nouvelle instrumentalisation politique d’où qu’elle vienne.
Considérant que la diaspora tunisienne est colorée et plurielle, elles rejettent les intrigues hégémoniques de certaines structures autoritaristes et groupusculaires  qui s’autoproclament, aidées en cela par des associations « fantomatiques »,  en représentant unique des expatriés tunisiens, dont le fonctionnement opaque est, et demeure incompatible avec la loi 1901de gestion associative, et dont les méthodes de travail excluantes ne sont pas sans rappeler les pratiques de certaines structures d’un temps  à jamais révolu.
Enfin elles cherchent à susciter chez les Tunisiens à l’étranger un « civisme » révolutionnaire,  à réhabiliter les notions telles que le civisme, la confiance, la solidarité, l’honnêteté et le respect d’autrui afin que nous soyons dignes de notre peuple et des trois cents martyrs qui ont fait don de leur vie pour que nous puissions vivre libres.
 
JISR (Le Pont) Villeneuve d’ASCQ 
        Hedi SAIDI Président
 
Réseau Euro-Maghrébin Citoyenneté et Culture (REMCC) Paris
                 Noureddine SENOUSSI Président
 
Union des Tunisiens de L’Est  Montbéliard
            Farouk KHALDI Président

 

La Tunisie gèle les avoirs de Kadhafi


AFP / 24 mars 2011 18h01
 
TUNIS – La Tunisie a gelé les avoirs du colonel Mouammar Kadhafi, a indiqué jeudi à l’AFP une source proche du Premier ministre de transition Béji Caïd Essebsi.
 
« Ce n’est pas une décision unilatérale et la Tunisie ne fait que se conformer à une décision de l’ONU », selon cette source s’exprimant sous couvert d’anonymat, qui n’a pas donné davantage de précisions sur les avoirs éventuels que possèderait le dirigeant libyen, ni sur la date à laquelle cette décision a été prise.
 
Depuis le début de l’insurrection populaire contre le régime du colonel Kadhafi, au pouvoir depuis 42 ans, et surtout celui de l’intervention militaire internationale contre lui, la Tunisie est restée d’un grand mutisme sur la situation chez son voisin, avec lequel il entretient des rapports économiques très importants.
 
La Libye est un partenaire essentiel pour la Tunisie, le second après l’Union européenne. 1.200 entreprises tunisiennes y vendent leurs produits, soit 7% des exportations totales tunisiennes, et le commerce bilatéral a représenté en 2010 environ 1,2 milliard de dinars (environ 600 millions d’euros).
 
Sans oublier les quelque 2 millions de touristes libyens qui viennent s’amuser ou se faire soigner en Tunisie dans des cliniques privées.
 
Selon la revue tunisienne Réalités, la Libye est le quatrième investisseur arabe en Tunisie, et un grand pourvoyeur de produits pétroliers.

Conflit/Libye: « c’est aux Libyens de décider » (Premier ministre tunisien à l’AFP)


 
TUNIS, AFP | 24.03.2011 | 19:03
 
Il revient « aux Libyens de décider » s’ils veulent se débarrasser du régime du colonel Kadhafi, a déclaré jeudi le Premier ministre tunisien de transition Béji Caïd Essebsi dans un entretien à l’AFP, en exprimant des regrets à propos de l’intervention militaire en Libye.
 
La Tunisie a par ailleurs gelé les avoirs du leader libyen pas de façon « unilatérale » mais pour se conformer à une décision de l’ONU », a indiqué à l’AFP une source proche du Premier ministre.
 
S’ils s’en débarrassent, a-t-il dit à propos de Mouammar Kadhafi », « c’est leur affaire, nous prendrons acte et nous continuerons à travailler (avec la Libye, ndlr). Nous reconnaissons les Etats, les régimes ne sont pas éternels », selon lui.
 
« Voyez chez nous, après 25 ans de dictature. Ici personne n’ira pleurer sur la tombe de ceux qui sont partis », a poursuivi le Premier ministre de Tunisie à propos de la chute du président Zine El Abidine Ben Ali, le 14 janvier après un soulèvement populaire.
 
Interrogé sur le déclenchement le 19 mars d’une intervention militaire internationale contre le régime libyen, M. Caïd Essebsi la regrette visiblement: « nous n’aurions pas souhaité cela, mais une fois que la communauté internationale, agissant au sein du Conseil de sécurité (de l’ONU), s’est exprimée, alors nous appliquons », a-t-il dit.
 
M. Caïd Essebsi a insisté sur le fait que la Tunisie s’est toujours « inscrite dans le respect des résolutions du Conseil de sécurité, surtout quand elles sont contraignantes et prise sous le chapitre 7 », prévoyant le recours à la force en cas de non exécution.
 
« Pour nous, a-t-il rappelé, la Libye est presque une question de politique intérieure, nous sommes voisins et tellement liés par des relations séculaires, de solidarité et de coopération. Donc tout ce qui s’y passe nous touche ».
 
Le chef du gouvernement a toutefois nuancé: « Il y a le peuple, l’Etat et le régime et il y a effectivement un problème de régime (en Libye). Le peuple s’est révolté, ce n’est pas nous qui allons le regretter, mais cela reste malgré tout une affaire interne ».
 
Depuis le début du conflit en Libye, plus de 100.000 personnes ont fui vers la Tunisie, provoquant crise humanitaire pour ce petit pays lui-même en proie à une délicate transition démocratique depuis le renversement du régime de Ben Ali.
 
Tunis a par ailleurs gelé les avoirs du colonel Kadhafi.
 
« Ce n’est pas une décision unilatérale et la Tunisie ne fait que se conformer à une décision de l’ONU », a indiqué jeudi à l’AFP une source proche du Premier ministre.
 
La même source, s’exprimant sous couvert d’anonymat, n’a pas donné de précisions sur les avoirs que possèderait le dirigeant libyen, ni sur la date à laquelle cette décision a été prise.
 
Depuis le début de l’insurrection populaire contre le régime du colonel Kadhafi, au pouvoir depuis 42 ans, et surtout celui de l’intervention militaire internationale, la Tunisie est restée d’un grand mutisme et prudente sur la situation chez son important voisin.
 
La Libye est un partenaire essentiel pour la Tunisie, le second après l’Union européenne. 1.200 entreprises tunisiennes y vendent leurs produits, soit 7% des exportations totales tunisiennes, et le commerce bilatéral a représenté en 2010 environ 1,2 milliard de dinars (environ 600 millions d’euros).
 
Sans oublier les quelque 2 millions de touristes libyens qui viennent s’amuser ou se faire soigner en Tunisie dans des cliniques privées.
 
Selon la revue tunisienne Réalités, la Libye est le quatrième investisseur arabe en Tunisie et un grand pourvoyeur de produits pétroliers.

Accord franco-tunisien dans le domaine des énergies renouvelables


 
 
24/03/11 20:54
 
TUNIS (AP) — La Tunisie et la France ont signé jeudi un accord de coopération pour la réalisation de programmes et de projets communs dans le domaine des énergies renouvelables, rapporte l’agence officielle tunisienne TAP.
 
Signé à l’occasion de la visite qu’effectue actuellement à Tunis le ministre français de l’Industrie Eric Besson, l’accord s’inscrit dans le cadre des plans solaires tunisien (PST) et méditerranéen (PSM).
 
A travers « une coopération institutionnelle et technique », il vise notamment à « la valorisation de l’électricité produite en Tunisie à partir de sources d’énergies renouvelables sur les marchés européens ».
 
Selon le document intitulé « Arrangement administratif portant sur le développement et l’utilisation rationnelle des énergies renouvelables », les deux parties conviennent de développer en particulier au sein de l’Union pour la Méditerranée (UPM) les dynamiques relatives au développement des énergies renouvelables, à l’efficacité énergétique et au transport de l’énergie renouvelable.
 
M. Besson a, à cette occasion, évoqué le projet d’interconnexion électrique en Méditerranée (Medgrid) qui consiste à évaluer la faisabilité d’un réseau électrique permettant d’acheminer vers le Nord une partie de l’énergie solaire ou éolienne produite par le Sud. AP

Les 10 mots de la révolution tunisienne – 1. « Je vous ai compris »


Envoyés spéciaux du Nouvelobs.com en Tunisie, nos trois reporters ont rapporté dans leur besace des petites provisions linguistiques : dix mots qui résument l’incroyable changement opéré dans ce petit pays depuis le 14 janvier dernier.

1 JE VOUS AI COMPRIS

Attention, lecteurs, nous allons parler arabe : « Ana fhamtkom ». Vous avez compris ? Non ? Eh bien moi si, puisque précisément, ces deux mots veulent dire ceci : « je vous ai compris ». Quand on les prononce, désormais, en Tunisie, tout le monde comprend de quoi on parle. L’expression, répétée plusieurs fois, a été au centre du dernier discours de Ben Ali, celui qu’il a prononcé le 13 janvier, veille de sa fuite piteuse. Pour le conseiller qui écrivit le texte (et dont on ignore toujours le nom), la référence ne pouvait qu’être évidente : « je vous ai compris » est le slogan, certes un peu creux, mais plein de panache, que De Gaulle lance, en 1958, depuis un balcon d’Alger, à une foule venue l’acclamer en liesse. Le conseiller aurait pu se douter que l’histoire peut être farce. En 2011, personne n’a applaudi le discours. La liesse est venue le lendemain lorsque le peuple a appris que le vieux tyran qui, décidément, n’avait jamais rien compris à rien, avait enfin dégagé le terrain. Et « ana fhetkom », est devenue une expression culte, employée désormais par dérision, et reprise dans des raps, des slams, des chansons, des blagues.

Depuis le début des émeutes qui allaient mettre fin au régime, Ben Ali avait prononcé deux autres discours. Le deuxième, celui du 10, était celui des gros mensonges. Après avoir pillé le pays avec son clan pendant 23 ans, le président promettait tout, 300.000 emplois dans les mois à venir, le bonheur pour tout le monde, le rasage gratis à volonté. « Ben voyons » avait soupiré la Tunisie. La première allocution, le 28 décembre, juste après les premières manifestations de masse, avait été d’une autre tonalité. Une idée y revient sans cesse : « j’agirai avec fermeté ». En arabe, le tyran répète l’adverbe plusieurs fois : « avec fermeté, avec fermeté ». Il se croyait encore le maître, il pensait jouer une fois de plus de sa seule arme politique : le coup de crosse. Hasard de la prise de son, alors même qu’il parle, on entend distinctement, derrière lui, une sonnerie de téléphone. Il faut croire qu’aucun technicien apeuré n’avait eu le courage de lui demander de faire une deuxième prise. Dès le lendemain, sur facebook, personne ne parlait du texte, mais tout le monde commentait le coup de fil, en se tapant sur les cuisses: « qui c’était au téléphone ? Sans doute sa coiffeuse, elle devait lui rappeler l’heure de la permanente ! ». Un, deux, cinq ans avant, personne n’osait seulement écrire le nom du despote sans trembler. Et là, les rires, les moqueries, les blagues à n’en plus finir. « Quand on a vu circuler ça, nous explique un journaliste, on a compris que les jeunes n’avaient plus peur. On a compris que pour le régime, c’était la fin. »

Source : « Le Nouvel Observateur » Le 24-03-2011

Tunisie : génération révolution !

Le départ de Ben Ali et la fin de la dictature est d’abord le triomphe de toute une jeunesse. De notre envoyé spécial à Tunis.


 

 Peut être le moment ne sera-t-il pas inscrit dans les livres d’histoire. Pourtant, ce qui s’est passé le premier vendredi de mars, à la Kasbah de Tunis, la belle place blanche enserrée de ministères qui surplombe la vieille ville, a marqué un vrai tournant dans le cours de la Révolution de Jasmin. Dans la joie et sous la pluie – signe de prospérité dans un pays qui en voit trop peu- dans des transports d’émotion, pleurs, chants, youyous, on a démonté les tentes, pliés les calicots et on est remonté dans les cars pour repartir dans sa fac, sa ville ou son village : les organisateurs avaient décrété la levée du « sit in » qui n’avait pratiquement pas cessé ici, depuis les événements de janvier. Officiellement, cette fin de mouvement marquait une victoire. Les centaines de jeunes qui campaient depuis des jours sous l’œil débonnaire de quelques militaires assoupis sous leur char étaient venus avec des demandes précises – en gros la mise à l’écart des politiciens trop compromis avec la dictature et un certain calendrier électoral

La démission, le week-end précédent, après des manifestations de masse et une répression violente, d’un premier ministre qui avait trop servi Ben Ali (Mohammed Ghannouchi) ; puis le discours du président de la République, la veille au soir, promettant l’élection en juillet d’une « assemblée constituante » l’avaient montré : toutes ces revendications avaient abouti.

Seulement, chacun a bien senti qu’il se jouait autre chose derrière cette apparente fin en triomphe. La Kasbah, avec ses airs de Woodstock 2011 en version arabe, avec ses guitares, ses chansons, ses tentes de fortune, ses filles voilées rigolant avec ses néo-gauchos, ses provinciaux et ses tunisois, ses posters de Che Guevara collés à côté du drapeau national et ces badauds venant en famille goûter le bonheur inouï de pouvoir enfin parler librement de l’avenir d’un pays libre, c’était aussi d’une certaine manière, la Révolution acte I : c’est à dire l’union, dans un joyeux chahut, de l’étudiant de la capitale et du chômeur de Kasserine, le mariage de toute une jeunesse, la génération facebook et la génération Bouazizi (1). Les tentes pliées, et la marche électorale commencée, la Tunisie passe à l’acte II, celui que les politologues appelleront la « transition démocratique ». Nul doute qu’il soit nécessaire. Nul doute qu’avec ses effets de tribune, ses constitutions de partis et ses manœuvres politiciennes, il se jouera autrement. Quel rôle y prendront donc ces jeunes qui furent les héros de l’acte I ? C’est toute la question.

A gros traits, on dira qu’il existe déjà, pour attirer à eux les uns et les autres, au moins deux grands pôles prêts à agir. Le premier, ce sont les islamistes, et surtout le grand parti qui les représente ici, Ennahdha (la renaissance), dont Rachid Ghannouchi, le vieux leader, vient de rentrer triomphalement de 20 ans d’exil, auréolé de ce cadeau inestimable que Ben Ali et l’imbécillité de ses alliés occidentaux lui ont donné : la gloire du persécuté. Il ne faut jamais oublier ce fait indiscutable. En Tunisie, un nombre énorme de citoyens a une sainte horreur des islamistes et de ce qu’ils représentent. Nul n’a oublié à quels délires a pu conduire la lutte contre eux, dans une dictature où le simple fait de porter le voile, la barbe ou de faire sa prière pouvait valoir les pires ennuis. Quand on rencontre Hichem, un des leaders « jeunes » de Ennahdha, la première chose qu’il nous raconte, les larmes dans les yeux, ce sont ces années de lutte ; ce camarade torturé par les flics il n’y a pas six mois ; ce père, emprisonné pendant 17 ans, qu’il n’a presque jamais vu qu’à travers un parloir. De ces combats, nous affirme-t-il, il a gardé un principe : « la première chose qui compte pour nous, c’est la liberté. D’ailleurs, le Prophète ne dit pas autre chose » Et tout en parlant, il sort son téléphone portable pour y chercher dans l’appli « coran » les versets qui le prouvent. Hichem, est un jeune étudiant moderne, chaleureux, sympathique, à l’image même que cherche à donner pour l’instant un mouvement qui, officiellement, regarde plus vers le très modéré parti AKP de Turquie que vers l’Iran d’Ahmaninejab. Est-ce une façade ? Est-ce un discours mensonger fait pour endormir la méfiance du peuple avant de chercher à rafler le pouvoir ?

Notre second pôle le craint. Eux, pour l’instant, ne sont pas rassemblés dans un parti structuré, mais rassemblés par des valeurs, la laïcité, l’égalité de la femme, le combat pour les droits de l’homme. De ce côté là non plus, il ne manque pas de gens qui ont résisté à la tyrannie avec un courage magnifique, des militants historiques ou des jeunes, comme Sofiane Chourabi, un des célèbres bloggeurs qui, depuis dix ans, s’est toujours montré prêt à tous les risques pour poster sur la toile telle ou telle vidéo montrant la vérité de la dictature. D’ailleurs, le virus ne l’a pas quitté. Il arrive à notre rendez vous avec un œil au beurre noir, souvenir cuisant d’un récent tabassage par la police, qui voulait l’empêcher de filmer, lors de la répression qui a suivi les manifs du samedi d’avant. Tout de même, ajoute-t-il en riant, les choses ont un peu changé : cette fois il a pu porter plainte, et le porte parole du ministère lui a téléphoné personnellement pour s’excuser. Lui, comme nombre de ses amis, rêve d’une Tunisie à la démocratie exemplaire, pluraliste, où la religion serait respectée, mais cantonnée à la sphère privée. Et pour commencer le travail, il vient de lancer avec d’autres une association qui va bientôt organiser dans les facs, les lycées des ateliers tentant d’apprendre à la jeunesse les bases de la vie politique.

Il y a de quoi faire, de ce côté-là, on part de zéro. C’est le point paradoxal de cette histoire. Toute cette jeunesse, en allant affronter dans la rue les matraques d’un régime policier, a montré qu’elle était capable de faire de la politique dans son sens le plus noble. Après des années où on n’a gavé le pays que de mensonges ou de football, elle n’a aucune idée de la façon dont on peut la faire dans sa pratique la plus quotidienne. « Pour qui aller vous voter ? » demande-t-on à tous ceux et celles qu’on rencontre, les étudiants de la fac, les chômeurs d’une lointaine banlieue. Et tous de répondre, avec une franchise désarmante : « comment voulez vous qu’on sache, on ne sait même pas qui se présente ?». Ils ont pour eux une base solide : cette liberté chèrement acquise, qu’ils ne voudraient voir volée par personne. Ils ont des désirs clairs : un métier, une économie qui fonctionne, la fin du chômage. Mais aucune idée sur ceux qui pourraient les aider à les accomplir.

Source : « Le Nouvel Observateur » Le 24-03-2011

Tunisie, Abdelfattah Mourou ou la nouvelle vision de l’islam politique !


 

Maniant aisément le verbe, mélangeant avec brio sérieux et humour, Abdelfattah Mourou qui ne se défait de son habit traditionnel que dans l’enceinte des tribunaux, est une personnalité dont on ne se lasse guère d’écouter le discours. Formant avec Rached Ghannouchi et d’autres, le premier noyau à l’origine d’al-Ittijah al-Islami, mouvement de la tendance islamique, devenu Ennahdha, l’homme a un pied dedans et l’autre dehors d’un mouvement avec lequel il dit entretenir des liens forts qu’il n’est pas prêt à rompre, bien qu’il s’en considère momentanément écarté. Abdelfattah Mourou a plusieurs flèches à son arc. Brillant avocat, illustre prédicateur, et homme politique ; une vocation qu’il a abandonnée en gelant son adhésion à Ennahdha dans la foulée des événements de Bab Souika, mais avec laquelle il semble impatient de renouer.  Même s’il maintient le suspens sur l’éventualité qu’il crée son propre parti, si les choses avec sa formation originelle ne s’arrangent pas. Le discours qu’il a tenu hier sur la chaîne TV Nesma plaide plutôt pour un retour aux sources. Cheikh Mourou tient néanmoins un discours en totale rupture avec le passé. Ses pensées et sa vision de l’Islam, dans sa relation avec la politique et la modernité, ont tellement évolué qu’il semble s’éloigner substantiellement des fondamentaux et du référentiel idéologique sur lesquels a été créé le mouvement islamique vers la fin des années 1970. Ennahdha se dit en effet un parti civil, dont la référence est l’Islam en interaction avec les acquis de l’époque. Les différences, voire des divergences qui puissent exister en son sein, ne doivent en aucun cas toucher les fondamentaux, en l’occurrence « l’Islam et ses principes, et l’application des méthodes pacifiques pour le changement ». Récemment légalisé, et d’ores et déjà présent dans le nouveau paysage politique tunisien, Ennahdha, à l’instar de tout parti politique, a besoin d’élargir ses bases et de polariser de nouveaux militants, seuls garants de sa pérennité, a fortiori qu’il cherche à jouer un rôle dans la gestion présente et future de la chose publique. Dans toute formation politique, la mobilisation populaire se fait sur la base d’un projet et d’idéaux fédérateurs. Qu’il soit de gauche ou de droite, islamique ou nationaliste, un parti politique propose un programme, une vision et des références idéologiques qui sont de nature à séduire les uns, et à rebuter d’autres. Dans le cas d’espèce, le projet politique d’Ennahdha s’inspire de l’Islam. N’adhère au mouvement islamique, en toute logique, que celui qui s’en tient à une certaine discipline religieuse, se conforme aux percepts de l’Islam, et s’abstient de commettre des péchés que le coran interdit. Sauf qu’Abdelfattah Mourou ne perçoit pas les choses ainsi. L’homme voit grand, et cherche à ratisser large. Sa démarche est de consolider l’assise populaire de son mouvement, et de tendre la main même à ceux qui ne font pas forcément preuve de rectitude, s’agissant du respect des règles religieuses. Tel celui qui « après avoir accompli les rites du petit pèlerinage (Omra) se permet un petit apéritif  de temps à autre ». De telles idées ont-elles la chance de tomber dans des oreilles attentives au sein d’Ennahdha ? Me Mourou peut-il trouver sa place au sein d’un mouvement, que quoiqu’il se dise ouvert et respectueux des acquis de l’époque, ne transige point avec les fondamentaux, soit l’ISLAM et ses principes ? Et puis, que cherche un homme aussi perspicace que lui, en préconisant une large ouverture sur la société au point de concevoir un parti politique taillé sur mesure sur les attentes des Tunisiens, toutes catégories confondues ? Est-il en train de pécher par excès de populisme, allant jusqu’à vider  le mouvement islamique de sa substance, pourvu qu’il soit celui qui polarise le plus ? Abdelfattah Mourou cherche-t-il à faire évoluer son mouvement, ou à changer la société tunisienne en essayant de la moraliser et de la réconcilier avec sa religion, a posteriori ? Autant d’interrogations que suscitent le discours d’un homme qui dit avoir envie de transformer un petit épicier (petit parti politique), en hypermarché (un parti politique avec une large assise populaire), en recrutant des membres dans tous les milieux, même parmi les anciens du RCD.  Son souci, explique-t-il, est de construire une Tunisie que « le Président déchu nous a laissé en lambeaux », il se dit  prêt pour cela à collaborer avec l’ensemble des acteurs présents sur la scène qu’ils soient de gauche ou de droite, et demeure convaincu qu’on ne peut avancer, construire et transformer la Tunisie qu’en mettant la main dans la main et en laissant de côté nos divergences et querelles…Qu’en disent ses anciens compagnons de route?

Source: ”GlobalNet” Le 24-03-2011

Tunisie – Entretien avec Moncef Marzouki, président du parti du Congrès pour la République


 

Docteur en médecine, professeur à l’Université de Sousse, président de la Ligue tunisienne des Droits de l’Homme (dissoute par la dictature), fondateur du Comité national pour la défense des prisonniers d’opinion (organisation déclarée illégale), candidat à l’élection présidentielle de 1994 (mais peu après emprisonné), Moncef Marzouki a été de tous les combats pour l’établissement de la démocratie dans son pays. Contraint à un exil de plusieurs années, il est aujourd’hui de retour en Tunisie, à la tête d’un parti politique jusqu’alors interdit, le Congrès pour la République.

Le Cas de la « révolution » tunisienne apparaît très simple, vu d’Europe et sous la plume de la plupart des commentateurs. Pourtant, si l’on se montre plus attentif, il pose question, par bien des aspects.

Ainsi, nombre d’observateurs décrivent les événements qui se déroulent en Tunisie, depuis la fin du mois de décembre 2010, depuis le suicide par le feu du jeune Mohamed Bouazizi à Sidi Bouzid, comme une révolution qui a réussi à mettre à bas un régime dictatorial corrompu.

Quelques-uns, en revanche, considèrent que, à ce stade, la « révolution » est un échec : après avoir tenté, mais sans succès, d’imposer un gouvernement quasiment entièrement composé des caciques du RCD (le Rassemblement constitutionnel démocratique, parti du président Ben Ali), le premier ministre Ghannouchi s’est d’abord maintenu au pouvoir.

Quant au « nouveau » gouvernement, finalement « remanié » sous la pression populaire, il ne comprend certes plus aucune des grandes figures du RCD, mais presque tous ceux qui y siègent sont des diplomates, fonctionnaires ou financiers qui ont fidèlement servi l’ancien régime.

Et le récent commentaire du nouveau ministre des affaires étrangères, Ahmed Ounaës, ne trompe pas, lorsque, en représentation auprès de la Commission européenne, ce dernier a affirmé que le renversement de la dictature n’avait rien à voir avec une révolution et que les années Ben Ali avaient été positives sur le plan économique, en permettant à la Tunisie de passer du socialisme au libéralisme.

Quel est votre sentiment, aujourd’hui, et quelle est votre analyse de la situation, un peu plus de deux semaines après que le calme soit revenu à Tunis?

 

C’est la question de fond. On y réfléchit tous. Mais je tiens à vous rappeler que ça ne fait qu’un mois à peine que la dictature est tombée. Un jugement, maintenant, je pense que c’est beaucoup trop rapide…

Je me place dans la perspective historique. Je suis quelqu’un qui a beaucoup lu l’histoire des révolutions et j’en retiens quelques conclusions qui sont toutes malheureusement assez négatives. Premièrement, ce ne sont pas les gens qui ont fait la révolution qui en profitent. Deuxièmement, après la révolution, il y a toujours une contre-révolution. Troisièmement, il y a souvent un retour en arrière. Rappelez-vous, en France, après la révolution : ils ont eu la Terreur, la venue de Bonaparte, puis la Restauration, etc. Il a fallu presqu’un siècle pour que la révolution aboutisse.

Souvent, une révolution se fait et, immédiatement, il y a un blocage; mais une résurgence apparaît plusieurs années après. Beaucoup de révolutions finissent par être récupérées, dans la confusion; les lendemains déchantent… C’est comme une loi générale.

Quand on constate cela, ça pousse au pessimisme; et, en même temps, ça pousse à l’optimisme : même si, aujourd’hui, la révolution a l’air de s’enliser, quelque chose de fondamental, d’extraordinaire, s’est passé, dans les coeurs, dans les têtes. Elle a eu lieu. Personne ne peu effacer son impact psychologique. Au contraire, elle va germer encore plus, dans les coeurs et les esprits, et repartir de plus belle, quand on a l’impression qu’elle s’est perdue dans les méandres du désordre.

Donc, ma vision est à la fois historique : on sait très bien ce qui s’est passé; on n’est pas différents des autres peuples; il se peut qu’effectivement, ce qui nous attend, c’est l’étiolement, l’essoufflement, le retour du bénalisme ou d’une forme de bénalisme, la récupération, la déception, la désillusion.

Et, en même temps, dans cette perspective historique, je sais que quelque chose de fondamental a eu lieu et, cette chose fondamentale, personne ne pourra l’effacer, une chose qui habite les coeurs et les esprits et qui aura des résurgences très rapidement.

Aussi, en tant qu’acteur politique, je me dis que c’est de bonne guerre : Ben Ali est parti, mais la dictature est restée. L’appareil sécuritaire est resté; l’ensemble de l’appareil politique est resté. Les habitudes sont restées; les comportements sont restés. Tout cela ne va pas disparaître du jour au lendemain. Il reste donc un énorme travail, à la fois pédagogique, de coercition s’il le faut, de batailles dures pour, justement, liquider tout cet héritage.

Alors, la question, c’est : quel est aujourd’hui le rapport de forces? Est-ce que c’est la contre-révolution qui va l’emporter ou est-ce que la révolution va encore aller de l’avant?

Source : « Le Post » Le 24-03-2011

Bâtir une économie numérique, entre la Tunisie et la France, objet de la visite d’Eric Besson


 

A l’occasion de sa visite en Tunisie, et après son entretien avec son homologue tunisien, Eric Besson, ministre français de l’Industrie, de l’Energie et de l’Economie numérique, s’est rendu, jeudi 24 mars 2011, au siège de la société TELNET à Tunis, accompagné de Boris Boillon, ambassadeur de France en Tunisie.

«La Tunisie ne sera pas à l’avenir simplement un pays qui propose de la main-d’œuvre pour des activités à faible valeur ajoutée, c’est ce que j’ai constaté lorsque j’ai rencontré ce matin quelques chefs d’entreprise tunisien, et voilà TELNET fait l’exemple de plusieurs sociétés tunisiennes à très forte valeur ajoutée», souligne le ministre.

M. Besson a précisé que l’objectif de sa visite en Tunisie est de promouvoir, chacun dans son secteur, l’économie numérique. «On doit essayer ensemble de promouvoir l’économie numérique surtout par les infrastructures même si on a été largement devancé par le monde asiatique», déclare le ministre.

Signalons également que M. Besson a refusé de répondre aux questions des journalistes présents sous prétexte qu’il tiendra un point de presse, vendredi 25 mars 2011, à la résidence de l’ambassadeur de France. Cependant, l’impression qu’on eu c’est que le ministre français veut faire oublier l’ancienne coopération franco-tunisienne et tourner la page des gaffes commises par la diplomatie française ces derniers jours.

Source: “wmc” Le 24-03-2011

Tunisie : Nessma fait son show


 

De la visite éclair de Hillary Clinton, la secrétaire d’État américaine, le 17 mars, les Tunisiens retiendront surtout les quarante minutes d’entretien exclusif accordé à Nessma TV (la conférence de presse officielle a été annulée au dernier moment, sans aucun motif).

La chaîne avait signifié à certains journalistes critiques à son égard qu’ils étaient persona non grata sur le plateau. En revanche, de nombreuses personnalités travaillant pour des sociétés américaines, notamment Microsoft et General Motors, étaient présentes. Il est vrai que ces compagnies étaient presque chez elles. Directrice de Microsoft Tunisie, Salma Smaoui est, par exemple, l’épouse de Nabil Karoui, codirigeant de Nessma. Certains expliquent la visibilité prise récemment par la chaîne par l’entregent du producteur Tarak Ben Ammar, l’un de ses actionnaires, et de Moez Sinaoui, son ancien directeur de la communication aujourd’hui chargé de mission auprès du Premier ministre. Une question : Hillary Clinton savait-elle que Mouammar Kaddafi, qu’elle n’a pas ménagé dans ses déclarations, est actionnaire de Quinta Communications, la société de Tarak Ben Ammar ?

Source : « Jeune Afrique » Le 24-03-2011

Quelle est la véritable identité de Nessma TV ?

«Le bon grain de l’ivraie»…


 

Dans la volonté d’apporter des éclaircissements, sur certains sujets qui fâchent, lesquels font l’objet depuis quelque temps, sur le net, à travers les médias, via la blogosphère ou autres, de débats houleux et passionnés, touchant à la chaîne Nessma, une rencontre de presse s’est tenue, dans la matinée d’hier, au siège de Nessma, avec le maître de céans, Nabil Karoui, pour tenter de répondre justement, aux interrogations des uns et des autres, qui sont aussi les interrogations de la rue tunisienne, sur la véritable identité, et les orientations de la chaîne, sa nouvelle ligne éditoriale, s’il en est, et la manière dont elle aura accompagné, jusqu’ici, la révolution intra-muros, prenant tout le monde de court, partant du fait qu’elle n’a pas vocation à traiter de la politique, de quelque manière que ce soit, comme c’est stipulé sur son cahier de charges.

Mais il y a eu un revirement à 180°, à partir d’un certain 30 décembre 2010, quand Nessma a diffusé une émission spéciale « Sidi Bouzid », qui a eu un impact extraordinaire sur les téléspectateurs, lesquels se sont demandé ce soir-là, s’ils n’étaient pas tout simplement en train de rêver. Un ton différent, aux antipodes, un sujet traité frontalement, avec une audace dont on est loin d’être coutumiers, une manière d’aborder les faits, incisive et tranchante, et surtout des images qui viennent directement de Sidi Bouzid, là où les choses sont en train de se passer.

Comme l’expliquera encore une fois, Nabil Karoui (comme il l’a fait lors de la rediffusion de ce spécial « Sidi Bouzid »), le paradoxe a fait que cette émission soit, en même temps une commande, et une initiative personnelle.

« J’avais reçu un coup de fil d’Oussama Romdhani quatre jours avant le 30 décembre, où on nous demandait de programmer une attaque en règle, via une émission, de la chaîne Al Jazira et France 24.

Tous ceux qui travaillent dans les médias tunisiens, ont tous reçu un jour ou l’autre, une consigne, émanant d’Abdelwaheb Abdallah, et parfois d’Oussama Romdhani. Et ils savent qu’ils ne peuvent qu’obtempérer. Sauf que nous avons décidé que le père Noel cette année, anticipera sa visite de quelques jours. Et qu’il fallait y croire. Du coup, on a posé nos conditions : qu’on puisse obtenir l’autorisation de nous rendre sur place à Sidi Bouzid, pour y filmer les faits. Ce fut très compliqué et doublement hasardeux vu qu’on a été jusque-là une chaîne « d’Entertainement », et que nous n’étions pas préparés à nous métamorphoser en deux temps trois mesures, en une chaîne d’information. Et nous étions en pleine révolution. A 20 heures, Oussama Romdhani nous a envoyé un fax, nous autorisant à filmer. Nous n’avons plus hésité une seule seconde. Par la suite, ce fut comme dans un rêve éveillé, sauf que nous savions qu’au réveil, nous risquions de basculer dans le cauchemar. C’est pour cela qu’après le montage de la spéciale, j’ai compris que si on ne diffusait pas tout de suite, on n’aura jamais le courage de le faire plus tard. En bref, si la révolution avait avorté, les carottes étaient cuites pour nous, et le plus surprenant c’est que nous en avions conscience. Mais nous vivions une sorte de schizophrénie ici, et les journalistes en sont arrivés à pleurer avant chaque émission de « Ness Nessma », car le pays était à feu et à sang, et nous faisons mine d’appartenir à une autre planète. Ce fut très éprouvant. Alors en ce jour de 30 décembre, on a pris la décision d’arrêter les frais, et franchement on ne le regrette pas ».

Idem pour Hillary ?

Pour Hillary Clinton, c’est une autre paire de manches. Ayant fait faux- bond aux journalistes qui l’attendaient au siège des Affaires étrangères, pour consacrer l’exclusivité à Nessma au cours d’un talk-show qui devait durer une heure (il durera 40 minutes au final), il va de soi que chacun y a mis son grain de sel, cherchant à trouver l’anguille, devant sûrement se cacher sous la roche.

« Non, la théorie du complot, à laquelle tout le monde semble s’attacher, ne tient pas la route… », précisera Nabil Karoui.

D’où il apparaît que ni Tarek Ben Ammar, ni Berlusconi ne sont responsables de la présence d’Hillary Clinton, en exclusivité sur le plateau de Nessma. « C’est le département d’Etat américain, via les services de l’Ambassade américaine à Tunis, qui nous a proposé de la recevoir. Nous n’allions quand même pas refuser, ajoutera le maître de céans. Pour ce qui est des questions qui lui ont été posées, elles se sont forcément focalisées sur tout ce qui regarde la Tunisie puisqu’elle était, au centre de l’évènement. Ce n’est pas arrivé depuis cinquante-ans. Nous avons pourtant évoqués d’autres sujets également: les réformes entreprises par Mohamed IV, la fin de l’état d’urgence en Algérie, la Libye…, et nous avions même préparé des questions sur Marouane Barghouthi et la Palestine, mais le talk a été abrégé. On a résisté encore pendant dix minutes mais il a fallu rendre l’antenne ».

Une chaîne pro-sioniste « Nessma » ? En tous les cas, la campagne dont elle fait les frais depuis une semaine, les menaces qui parviendraient, via le fax, et les sit-in devant la chaîne, dont l’objectif est sa fermeture, comme étant une chaîne à la solde de « l’ennemi », puisqu’elle prêcherait la « laÏcité », -suprême sacrilège- !, la placent dans le collimateur de certains fondamentalistes, l’accusant, entre autres péchés, de refuser la diversité et d’exclure tous ceux qui ne sont pas de la même « chapelle ».

« Faux, rétorquera Nabil Karoui, puisque nous sommes ouverts à toutes les sensibilités. Nous avons reçu Ennahdha, comme nous avons ouvert nos portes à tous ceux qui désiraient prendre la parole pour s’exprimer librement. D’ailleurs nous recevons ce soir, Abdelfatteh Mourou.

Mais vient un moment où il faut arrêter la « chasse aux sorcières », et les lynchages médiatiques gratuits, d’autant plus que si notre chaîne a pris, depuis la révolution, la décision de revoir ses options fondamentales parce que le contexte l’exigeait, sachez que notre grille de programmation, à partir de fin mars, reprendra ses lignes maîtresse, en renouant avec le sport, la variété, les talk-shows à caractère social ou autres, les infos à vingt-heures, et les débats chaque vendredi. D’autant qu’on aura d’autres défis à relever, puisque nous avons rejoints Hotbird et le bouquet Orange, et qu’avec Canal Satellite, les téléspectateurs maghrébins, en France, et plus généralement en Europe, attendent beaucoup de nous et nous l’ont fait savoir. Et puis, nous n’oublions pas notre dimension maghrébine ; ce qui implique que si la Tunisie a été, pendant un mois et demi en ligne de mire, c’est parce que les circonstances l’exigeaient d’une manière impérieuse. Nous avons fait notre devoir ».

Source: ”Le Temps” Le 24-03-2011

Lien: http://www.letemps.com.tn/article-54340.html

Saint-Brieuc. Des larmes et des sourires tunisiens


 

Il y a eu des sourires et beaucoup de larmes, hier dans l’hémicycle du conseil général à Saint-Brieuc. Une trentaine de jeunes Tunisiens ont fait revivre leur révolution l’espace d’une heure.

Elles s’appellent Khouloud, Nesrine, Amal et Rabeb. Elles ont 16ans, sont tunisiennes et ont vécu à Gabès cette révolution de «jasmin», comme on l’appelle. À un âge où ni les affaires de l’État, ni la politique en général ne suscitent habituellement un grand intérêt. Et pourtant. L’hymne tunisien et une minute de silence Dans l’hémicycle du conseil général des Côtes-d’Armor où elles sont installées avec leurs camarades du lycée pilote de Gabès, il y a cet air grave dans les yeux des uns et des larmes dans les yeux des autres quand le film de la révolution passe. Il y a cette minute de silence, puis cet hymne tunisien qu’ils chantent sans hésitation. Une heure plus tôt, Khouloud, Nesrine, Amal et Rabed avaient plus le sourire, même en évoquant en aparté cette période de leur vie. «Plus les jours avançaient, plus nous entendions les manifestations de colère de la population», se souvient Nesrine. «Cela a touché notre vie, notre famille. Cette révolution, c’est notre dignité», lâche fièrement Rabeb. «Nous allons enfin avoir le droit de nous exprimer», poursuit Amal. «Et que la Tunisie trouve enfin une place de choix au sein des nations jeunes et libres», conclue Khouloud. Elles ont un petit mot pour la Libye, une révolution qui se déroule actuellement dans la douleur. «C’est horrible», confie Khouloud. «Tout le monde doit être fier de ces gens qui sacrifient leur vie pour la liberté», poursuit Rabeb. «On espère que la Libye arrivera à se libérer, comme nous», lâche Nesrine. L’insouciance n’était pas de mise, hier, au conseil général.

Source : « Le Telegramme » Le 24-03-2011

Tunisie-ONU: Ban Ki-moon réitère le soutien de l’ONU


 

Tunis, Tunisie – ‘Le peuple tunisien occupe une place pionnière dans les événements décisifs pour la démocratie qui secouent actuellement le monde arabe et la lutte pour la liberté, la dignité et la justice sociale que livre le peuple tunisien a trouvé aujourd’hui  un écho à travers le monde entier’, a affirmé le Secrétaire général des Nations unies Ban-Ki-moon, en visite en Tunisie. Le Secrétaire général des Nations unies a indiqué, lors d’une rencontre mardi soir dans la ville de Gammarth, banlieue Nord de Tunis, que le processus de transition démocratique que mène le peuple tunisien va dans le sens du succès, ajoutant que l’important est que ce soit le peuple tunisien qui ait choisi cette voie à travers un consensus pacifique.

M. Ban Ki-moon a précisé que l’ONU contribuera au soutien du processus de transition démocratique à travers l’appui au gouvernement et le soutien aux composantes de la Société civile qui, a-t-il dit, ‘trouvent en Tunisie un terrain fertile étant donné que ce pays est un espace de rencontre des civilisations et une porte de contact et de commerce susceptible de s’inspirer de son histoire en matière de pouvoir pour atteindre les buts escomptés’.

Abordant le processus politique dans le pays, Ban Ki-moon a indiqué que la Tunisie dispose, aujourd’hui, d’une feuille de route claire et qu’elle est en train de construire de nouvelles bases assurant l’organisation d’élections transparentes et libres.

Il a également réitéré la disponibilité de son organisation à aider la Tunisie dans les domaines du développement, ainsi que la création d’opportunités d’emplois, l’organisation des élections, tout comme l’ONU appuiera l’élection d’une Assemblée constituante et la mise en place d’une nouvelle Constitution ouvrant la voie à des élections transparentes et libres.

 

Ban Ki-moon a annoncé que les Nations unies enverront un groupe d’experts en Tunisie en parallèle avec l’octroi d’aides financières nécessaires pour le déroulement des élections.

Source : « Afrique en ligne » Le 24-03-2011

Constitution tunisienne : « S’orienter vers un modèle portugais »


 

Pour le constitutionnaliste Paul Alliès, qui a été associé aux travaux de révision de la Constitution tunisienne, c’est un modèle parlementaire avec une élection du président au suffrage universel direct qui convient au pays.

Quand sera rédigée la nouvelle Constitution du pays ?

La Constitution de 1959 est suspendue et une assemblée constituante chargée d’en rédiger une nouvelle sera élue le 24 juillet. Le parti démocrate progressif (PDP) voulait une élection rapide, par peur du vide laissé par le pouvoir, mais le président par intérim Fouad Mebazaa a décidé de rester au pouvoir pour assurer la continuité de l’Etat. En attendant le 24 juillet, un code électoral est mis en place pour servir de base légale, de guide à cette élection. J’ai pu le consulter, il est très bien fait, avec des échelles de sanctions pénales en cas de fraude, notamment. Il préconise un scrutin uninominal, ce qui permettra l’émergence, à un échelon local, d’individus représentant les partis. Il y a une réelle émulation, les débats des trois prochains mois vont se pencher sur des questions liées au régime, mais aussi sur des considérations économiques et sociales.

Le pays a donc retrouvé sa stabilité ?

La Tunisie est encore paralysée par les grèves. Le syndicat UGTT (Union Générale Tunisienne du Travail), qui ne s’est pas purgé lui-même, pousse le peuple à des revendications salariales, dans une surenchère pour faire oublier son passé. Il est en tout cas remarquable d’observer que les révolutionnaires respectent le droit et ont mis en place des juridictions. Sur les 10 millions d’habitants, il n’y a pas eu d’épuration des 2,5 millions de benalistes.

Quelle était la raison de votre voyage en Tunisie ?

Depuis la chute de Ben Ali, une commission est chargée de faire des propositions de réforme. Elle a été contestée, car elle s’est formée dans la précipitation, mais son président, Yadh Ben Achour, est un homme exceptionnel, un remarquable philosophe et juriste. J’ai donc été invité par des universitaires pour venir travailler avec les responsables des sous-commissions qu’ils ont créées. Nous avons débattu dans des réunions et je les ai conseillés sur la mise en place d’un système qui garantit le meilleur équilibre possible des pouvoirs.

En France, vous êtes président de la Convention pour la 6° République (C6R), groupe de réflexion qui milite contre l’hyper présidentialisation du pouvoir en France. Qu’avez-vous conseillé aux Tunisiens ?

La Constitution tunisienne de 1959 a été copiée sur la Constitution française de 1958. Or, depuis 50 ans, on assiste en France à une augmentation des pouvoirs de l’exécutif. Les Tunisiens ne veulent pas utiliser un système qui a engendré les excès contre lesquels ils se sont soulevés. J’ai donc pointé les erreurs françaises commises avec le présidentialisme. Sur ce sujet, il va falloir être attentif à leurs changements, car ils peuvent nous apprendre énormément de choses. En France, on en est réduit à placer les sondages au premier plan. On suit les hommes politiques comme dans une course hippique ! La Tunisie a balayé cela.

Quel modèle de régime conviendrait le mieux aux Tunisiens, selon vous ?

Il faut plutôt les orienter vers l’exemple du Portugal ou de la Pologne. En sortant d’un régime dictatorial, ces Etats ont recopié le système français, mais ont très vite neutralisé la fonction présidentielle incarnée par le Général Eanes ou Lech Walesa. Ils ont donné le pouvoir au premier ministre, donc à la majorité de l’Assemblée. En Tunisie, un tel système garantirait l’équilibre des pouvoirs, tout en conservant une élection du président au suffrage universel direct. Le poste présidentiel serait donc conçu à minima, un simple contre-pouvoir face au premier ministre.

Vous êtes aussi responsable d’un Master II de journalisme à l’Université de Montpellier. Quel est votre regard sur la presse tunisienne à l’heure actuelle ?

C’est un peu le même scénario qu’en France, en 1944. Au sortir de la libération, il y a les jeunes journalistes résistants, les plus actifs, et ceux avec de l’expérience, mais qui n’ont pas franchement beaucoup résisté. Il y a un manque de professionnalisme criant dans les médias tunisiens aujourd’hui : dans une émission sur une télé indépendante, un jeune a appelé à pendre le premier ministre. Et la jeune journaliste qui animait les débats n’a pas su tempérer ces propos ! Dans la presse tunisienne aujourd’hui, 2/3 du rédactionnel sont des pages entières de communiqués de partis, de courriers de lecteurs, de chroniques. Il n’y a pas assez de reportages, d’enquête, d’investigation. Mais la presse doit conserver sa place : il y a une grande différence entre web et journalisme, entre flux et tri de l’information. On a donc besoin de professionnels de l’info.

Après tant d’années de dictature et de silence, est-il possible de structurer l’opinion publique tunisienne ?

C’est un pari compliqué, mais vu la politisation et la culture de la société tunisienne, on peut être optimiste. Cet Etat a aboli l’esclavage en 1846 et a été le premier régime arabe à adopter une constitution écrite, dès 1861. A ce sujet, la France a des tas de choses à dire. On pourrait leur faire part de notre expérience en matière de collectivité locale, faire des formations accélérées pour les journalistes. Au lieu de ça, on envoie le ministre du tourisme, qui leur propose une campagne publicitaire gratuite dans le métro pour faire la promotion d’un tourisme de bronze-cul ! C’est une honte pour la France.

La laïcité est-elle une aspiration majoritaire en Tunisie, ou un simple courant d’opinion ?

La France n’est pas une exception. La société tunisienne est, elle aussi, laïcisée. Et celui qui imposera à la jeunesse un retour à l’ordre dans la religion aura bien du courage. Même Ennahda (courant islamiste autorisé à former un parti par le Gouvernement, NDLR) cite aujourd’hui plus volontiers l’AKP turc que la Charia. L’enjeu est que l’on passe d’une religion d’Etat à un système de sécularisation, mais pas au point de laisser les mosquées et l’enseignement religieux aux mains de formations que personne ne pourra contrôler.

Interview de Paul Alliès, constitutionnaliste à l’Université Montpellier I, par Antoine Jaunin

Paul Alliès est constitutionnaliste à l’Université Montpellier I et président de la Convention pour la 6e République (C6R), groupe de réflexion politique qui préconise l’abandon d’une hyper présidence « à la française » et un plus juste équilibre des pouvoirs. Du 25 février au 6 mars, il s’est rendu en Tunisie pour participer aux travaux de révision de la Constitution du pays, à l’invitation d’universitaires.

Source : « Le Nouvel Observateur » Le 24-03-2011

Tunisie : les entreprises à l’épreuve de la contestation sociale


 

Revalorisation des salaires, intégration des intérimaires, nouvelles embauches… Dans le sillage de la révolution tunisienne, les patrons font face à une montée des revendications des travailleurs.

Bassin minier de Gafsa, au centre de la Tunisie. Le climat reste électrique, même si les ouvriers des sites d’extraction de phosphate ont repris le chemin du travail depuis dix jours. Grèves, sit-in… Poussés par la population et l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT), principal syndicat du pays, ils réclamaient 20 000 embauches. Bilan : plus de 4 000 ont été concédées ; le PDG de la Compagnie des phosphates de Gafsa et du Groupe chimique tunisien a démissionné ; et toute la filière des phosphates, une des principales sources de devises du pays, s’est trouvée à l’arrêt pendant un mois et demi, avec des pertes quotidiennes estimées à plus de 1,5 million d’euros.

En fait, dans le sillage dudépart de Ben Ali, de nombreux dirigeants ont assisté, impuissants, à une montée de revendications mêlant demandes sociales, règlements de comptes et arrière-pensées politiciennes. Premières touchées, les entreprises publiques. Sous la pression des salariés, les directeurs généraux de la Société tunisienne d’assurances et de réassurances (Star), de Tunisie Télécom, de la Société tunisienne de l’électricité et du gaz (Steg), des Ciments de Bizerte, etc., ont pris la porte, accusés pour certains de mauvaise gestion, pour d’autres d’une trop grande proximité avec l’ancien régime.

Cette défiance n’épargne pas le privé. Les secteurs de l’hôtellerie, du textile et de l’équipement automobile font partie des plus affectés. « En février, nous avons géré une vingtaine de négociations salariales pour des multinationales », confirme un conseiller juridique tunisois.

Bras de fer

Cablitec Tunisie, filiale d’un groupe français spécialisé dans les câbles automobiles, connaissait encore début mars des débrayages à répétition. Au cœur du bras de fer entre la direction et les salariés : la réintégration d’une représentante du personnel licenciée au mois de novembre et la levée de sanctions visant des membres de l’UGTT. Le conflit a rapidement tourné à l’affrontement, et le PDG, Hervé Bauchet, a même acheté des pitbulls pour protéger l’entreprise… « Depuis une dizaine de jours, le climat s’est amélioré, précise-t-il. Il n’y a plus de menaces physiques proférées à l’encontre de nos salariés, notre activité a redémarré normalement. Seules 39 personnes refusent toujours de reprendre le travail. Nous avons dû provisoirement les remplacer par des intérimaires. »

Cet apaisement ressenti dans de nombreuses entreprises, le patronat l’attribue au message de fermeté adressé le 4 mars par le nouveau Premier ministre, Béji Caïd Essebsi, au secrétaire général de l’UGTT, Abdessalem Jrad, lui intimant de ne pas mettre en péril l’économie nationale. De fait, le syndicat appelle désormais à la reprise du travail. Mais dans certaines sociétés comme l’usine de fromage Land’Or, le conflit social perturbe encore la production. « Localement, on ne sait pas toujours si le syndicat joue double jeu ou s’il est dépassé par sa base », analyse Hichem Elloumi, président de la branche « électrique et électronique » de l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Utica).

L’avocate Donia Hedda Ellouze, qui a mené plusieurs négociations, se veut rassurante : « Si les demandes d’augmentation étaient au départ surréalistes, avec des hausses de 30 % à 40 %, au final les discussions ont abouti à des revalorisations raisonnables de 2 % à 3 %, accompagnées d’avantages sociaux et de primes liées à la productivité. » Chez Cablitec, la direction envisage un effort plus important, avec une augmentation moyenne de 5 %, et jusqu’à 10 % pour certains postes. Car beaucoup d’entrepreneurs l’admettent : une partie des revendications sont justifiées. « Il faut qu’il y ait une meilleure répartition des richesses, par exemple en instituant un système d’intéressement », reconnaît David Sierra, directeur de l’hôtel de luxe The Residence Tunis, lui aussi en proie un temps à un mouvement social.

Contrats précaires

Toutefois, une frange du patronat met en garde contre des concessions salariales trop rapides. « Il faut faire un état des lieux de la compétitivité de nos entreprises avant de répondre aux souhaits des salariés », plaide Abdelaziz Darghouth, PDG d’Ambiance Déco. Pour lui, il est urgent d’attendre. Sa crainte serait en fait de devoir remettre la main à la poche une seconde fois si le gouvernement, sous la pression de l’UGTT, devait instaurer des négociations nationales pour chaque filière dans les semaines à venir. Et ce alors que l’Utica, divisée entre héritiers de l’ère Ben Ali et refondateurs, vit une crise interne sans précédent qui l’empêche de tenir pleinement son rôle de contrepoids aux demandes du syndicat.

L’autre axe principal des revendications concerne l’intégration de centaines d’intérimaires. Des contrats précaires dont la durée peut être légalement prolongée pendant quatre ans. « On ne pensait pas qu’il y avait de tels abus. Dans certains cas, les intérimaires étaient payés 120 dinars [alors que le salaire minimum est de 272 dinars, soit environ 139 euros, NDLR] et les cotisations sociales n’étaient même pas réglées ! » explique Nedra Tlili, directeur général adjoint de la société de matériel industriel Sacmi. Là encore, la plupart des patrons estiment qu’une évolution de la législation est légitime. Mais il faut faire attention, avertissent-ils, à maintenir une certaine flexibilité dans les entreprises. Pour concilier les attentes des salariés et des patrons, un nouveau cadre réglementant l’intérim devrait être étudié prochainement.

Les chefs d’entreprise en sont conscients : plus qu’un ajustement des salaires ou/et des conditions de travail, c’est une révolution du management des entreprises qui les attend. « Nos sociétés doivent être plus transparentes, adopter une meilleure gouvernance, admet un patron tunisois. Manager ses ressources humaines ne peut plus uniquement se limiter à faire des plannings et à réprimander. »

Source : « Jeune Afrique » Le 24-03-2011

Libération éventuelle, aujourd’hui, du journaliste tunisien Lotfi Messaoudi


 

Le journaliste tunisien Lotfi Messaoudi sera libéré, ce jeudi, a indiqué l’ambassadeur de Tunisie à Tripoli, Slaheddine Jemmali qui a affirmé avoir été rassuré, mercredi, par un haut responsable libyen du secteur de l’information.

Joint au téléphone, le diplomate tunisien a souligné à l’Agence TAP que la décision libyenne de libérer Lotfi Messaoudi qui travaille à la chaîne satellitaire « Al-Jazeera » est « le fruit d’un effort exclusivement tunisien ».

Les négociations engagées à ce sujet, a-t-il dit, « ont été, dès le départ, positives », ce qui ne peut que traduire les relations privilégiées unissant les deux peuples frères tunisien et libyen.

La date et le lieu de libération du journaliste tunisien n’ont pas encore été fixés, a-t-il précisé, relevant que sa libération est prévue dans les heures qui viennent.

Lotfi Messaoudi a été arrêté, depuis le 19 mars alors qu’il était en train d’accomplir son travail à l’Ouest de la Libye.

Quelque 160 tunisiens ont été, jusqu’aujourd’hui, libérés sur fond des événements survenus, depuis le 17 février 2011, en Libye, a indiqué le diplomate tunisien.

Le Premier ministre intérimaire, Béji Caïd Essebsi, a souligné, mardi, dans un entretien téléphonique avec l’ambassadeur de Tunisie à Tripoli, la nécessité « de mettre tout en oeuvre et de multiplier les contacts avec les autorités libyennes, afin de garantir le retour en Tunisie du journaliste Lotfi Messaoudi dans les plus brefs délais ».

Source : « Tunisie soir » Le 24-03-2011

Les Tunisiens de France ? « Des révolutionnaires sur canapé »


 

Le bonhomme n’a pas l’air commode. Et il ne s’embarrasse pas avec les politesses d’usage. D’emblée, Mohamed annonce la couleur.

« Journaliste pour un site internet ? C’est pas vraiment sérieux, alors. J’ai un quart d’heure, mon frère. Après, j’ai des rendez-vous. »

Il commande un café serré et invective le serveur qui oublie ses deux verres d’eau.

« C’est parce que c’est gratuit que ta mémoire flanche ? »

Il baragouine quelques noms d’oiseaux, en arabe, et improvise un petit cours de sciences politiques.

« La démocratie, c’est quoi ? Le pouvoir au peuple ? Ben Ali était démocrate, mais à sa manière. Avec les Arabes, il faut une main de fer. Sinon, c’est le chaos, comme à Tunis. Tu verras en juillet, pendant les élections, ce sera la “chakchouka” [plat traditionnel tunisien, ndlr], le bordel. Ils le regretteront. »

Mohamed, 52 ans, exige l’anonymat. « D’accord pour le prénom mais surtout pas le lieu. » Dans ce café du Val d’Oise, en banlieue parisienne, c’est l’un des seuls Tunisiens.

« Dire du bien de Ben Ali, c’est un peu dangereux »

En ce moment, il ne travaille pas. Il planche sur un projet de restaurant à La Marsa, dans la banlieue huppée de Tunis. Il cherche un associé. Si d’aventure ça ne marchait pas, il recommencerait les chantiers. Son verre à la main, il continue son exposé.

« Dire du bien de Ben Ali, c’est un peu dangereux. Comment dire… Comme tout le monde est devenu comme par magie révolutionnaire, je ne veux pas d’ennuis. Pourtant, s’il fallait tondre tous les anciens bénalistes, la Tunisie serait un pays de chauves.

En fait, je ne suis pas un militant et je me fous bien du RCD [Rassemblement constitutionnel démocratique, parti de Ben Ali], des Trabelsi [la belle-famille de l’ex-Président] et du reste de l’équipe.

Seulement, le pays marchait plutôt bien. Le chômage, la corruption ça existe partout ! Même ici ! Regarde l’état des autres pays arabes. En Afrique, personne ne peut rivaliser avec nous. Mais s’ils veulent changer… »

« J’ai peur des barbus qui savent vendre leurs salades »

Son iPhone dernier cri sonne.

« C’est pour toi le café, hein ? Je dois partir. Tu peux écrire aussi que tout est de la faute des Trabelsi. Leïla [Trabelsi] a même porté la poisse à Kadhafi en se réfugiant chez lui. »

Un client, qui a entendu la conversation, s’invite très brièvement à notre table.

« La Tunisie a montré la voie mais si j’ai peur des barbus qui savent vendre leurs salades. Je sais de quoi je parle. J’étais dans l’armée algérienne. »

Il se lève, emboitant le pas à Mohamed, qui disparaît rapidement au milieu de la foule.

« Envoie la copie de ton article »

Il y a la révolution et ses effets. Habib Bourguiba, puis Zine el-Abidine Ben Ali avaient fait du politique une chasse gardée. Depuis quelques semaines, les partis de toutes obédiences se multiplient, portés par un vent démocratique jusque là inconnu – 49 au total.

Sur le chemin qui me conduit dans une petite gare en Essonne, toujours en banlieue parisienne, où j’ai rendez-vous avec Walid – le prénom a été modifié – mon téléphone sonne. C’est encore Mohamed.

« Envoie la copie de ton article, je ne voudrais pas que tu déformes mes propos. Et surtout ne donne pas de nom. »

Avant que je puisse lui répondre, il raccroche, bougon.

La Tunisie ? Des affiches dans le métro pour des vacances

Walid, 36 ans, est un jeune père de famille. Il est né dans l’ouest tunisien, à Jendouba. Quand il arrive en France, à 17 ans, il est trop tard pour les études. En plus, là-bas, de son propre aveu, « il n’était déjà pas très brillant à l’école ». Des petits jobs dans la banlieue lyonnaise, puis la restauration traditionnelle avec son cousin, à Paris. « Aujourd’hui ça va, grâce à Dieu. »

Il n’a pas vu venir la révolution ; jusqu’à janvier dernier, la Tunisie, c’était les affiches dans le métro pour des vacances de rêve à prix imbattables ou quelques panégyriques sur un modèle de développement à suivre. Même pour Walid.

Au plus fort de la contestation, en janvier, Walid n’est pourtant pas plus inquiet que d’habitude.

« Quand j’avais ma famille restée là-bas au bout du fil, elle avait l’air plutôt sereine. Ma mère, de nature très stressée, était même plutôt cool. »

Quand je lui parle de Mohamed, il me dit comprendre ses arguments. Walid n’est pas contre le changement mais plutôt contre le risque qu’il fait planer sur son pays.

« Il n’y a aucune alternative politique sérieuse. »

« Quand ils bronzaient sur la plage… »

Et quand je lui évoque ces Tunisiens nés en France qui ont explosé de joie à la chute de Ben Ali, et qui se sentent fiers de leur pays d’origine, il s’agace.

« Zinedine Ben Ali a fait la part belle aux expatriés. La Tunisie compte énormément sur les devises. Nous bénéficions de régimes très avantageux. Ils s’érigent en révolutionnaires alors qu’ils n’ont fait que zapper sur leur canapé, et attendre.

Parmi eux, qui a risqué sa vie ? Personne. Ils peuvent être solidaires, certes, mais je suis contre cette récupération. Quand ils bronzaient sur la plage, je ne crois pas qu’ils avaient tant d’états d’âme. »

En effet, les milliers de prisonniers politiques n’apparaissaient pas sur les cartes postales. Quand je lui demande ce que ces expatriés auraient dû faire toutes ces années, il tempère :

« Rien, justement. Tu ne peux rien faire. En plus, le tourisme fait vivre le pays. Moi je ne dis pas qu’ils ne devaient pas bronzer, je dis juste qu’ils ont tort de cracher contre un système qui leur a fait la part belle, les a protégés et duquel ils ont largement profité. »

« Ben Ali, à peu de choses près, ça marchait plutôt pas mal »

Il allume une cigarette. Il se dit « pragmatique », tenant de la politique « ni-ni ». Ni pro, ni anti-Ben Ali.

« Tu crois quoi ? Quand Ben Ali se déplaçait, il était acclamé. “Tahia Ben Ali, tahia Ben Ali” [vive Ben Ali, vive Ben Ali, en arabe]. Je ne dis pas qu’il l’était par tout le monde, mais beaucoup de gens adhéraient à sa politique. Ça, c’est une certitude. Le régime a duré car il trouvait des échos favorables. »

Il m’invite à marcher un peu, profiter de la belle journée de printemps. Son petit frère est au lycée, à Tunis. Il veut aussi être journaliste. Il a même filmé quelques vidéos, postées ensuite sur Facebook. De son propre aveu, des images assez violentes.

« Ça a été le grand tort du Président. La répression a été beaucoup trop abusive. Et en définitive, si la France avait envoyé son “savoir-faire”, il serait peut-être encore en place. Car les policiers tunisiens n’étaient pas préparés aux émeutes. »

Il n’emploie à aucun moment le terme d’ex-Président. A dessein. Bien-sûr, il sait que Ben Ali ne reviendra pas. Pourtant, tant qu’il n’a pas été remplacé, même en fuite, il reste le boss, en attendant le prochain.

« Le prochain suivra à coup sûr la politique de Ben Ali, car à peu de choses près, ça marchait plutôt pas mal. »

« Je ne suis pas bénaliste, mon ami, je suis honnête »

Il est 17 heures. Dans deux heures, il doit aller travailler, dans le centre de Paris. Avant de me quitter, il tient à me raconter une anecdote.

« Dans mon restaurant, une fille, une habituée, d’origine tunisienne, disait être étonnée et effrayée par la révolte. Quand je lui ai demandé si elle s’inquiétait pour sa famille, elle m’a dit qu’elle partait en vacances avec des copines d’école et qu’elle n’avait vraiment pas envie d’annuler. Hier, je l’ai revue, et elle me disait qu’elle était fière d’être révolutionnaire. »

Il me serre la main, et me donne son adresse au pays.

« Si un jour tu passes par-là, n’hésite pas. »

Il part, puis revient vers moi :

« Je ne suis pas bénaliste, mon ami, je suis juste honnête. Il y a du bon et du mauvais partout. Mais globalement, c’était un bon Président. »

Source : « Rue 89 » Le 24-03-2011

Tunisie : l’organisation des élections entre crise et consensus


 

Créée par le pouvoir exécutif, l’Instance supérieure pour la réalisation des objectifs de la Révolution doit participer à l’organisation de l’élection d’une Assemblée constituante en Tunisie. Le consensus recherché sur la loi électorale sera toutefois difficile à atteindre tant qu’un certain nombre de polémiques sur sa composition et son rôle ne seront pas éteintes.

Le débat s’annonce rude, pour parvenir à un accord sur les conditions de l’élection d’une Assemblée constituante en Tunisie. Créée sur décision du président par intérim, Foued Mebazaa, et du Premier ministre, Béji Caïd Essebsi, l’« Instance supérieure pour la réalisation des objectifs de la Révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique » fait l’objet de nombreuses critiques, alors que chacun ressent l’urgence de graver dans le marbre de la Constitution les acquis de la Révolution qui a mis à bas le dictateur Zine el-Abidine Ben Ali.

Les jeunes et les régions

« L’instance supérieure a commencé ce mardi son travail pour élaborer la loi électorale, sur un rythme de trois réunions cette semaine », rapporte Ahmed Brahim, premier secrétaire du mouvement Ettajdid (social-démocrate). En théorie, l’élection d’une assemblée constituante devrait se tenir en juillet et la campagne électorale commencer en avril. Mais rien n’est simple, dans la période post-Ben Ali.

La toute première réunion de l’Instance supérieure, jeudi 17 mars, a été le théâtre de violents affrontements verbaux, au point qu’elle a rapidement été ajournée. Sans être « opposé a priori à sa création », le Parti communiste des ouvriers de Tunisie (PCOT) a ainsi eu de nombreux griefs à exprimer, explique son représentant en France, Adel Thabet. Outre la composition décidée « sans concertation » par l’exécutif, c’est surtout « l’absence de représentation des principaux acteurs de la Révolution » qui le choque. Ni les Conseils de protection de la Révolution qui se sont créés dans les régions, ni les organisations de jeunesse ne sont en effet représentés. Un comble, alors que l’âge avancé de Béji Caïd Essebsi comme celui de son prédécesseur à la tête du gouvernement, Mohammed Ghannouchi, ont fait l’objet de critiques acerbes.

Dirigée par le juriste Yadh Ben Achour, l’Instance supérieure comprend 71 membres, dont 12 représentants de partis politiques,18 représentants d’organisations professionnelles ou de syndicats et 42 personnalités politiques. Parmi ces dernières, certaines étaient « extérieures », voire « opposées à la Révolution », note également Adel Thabet, qui dénonce une volonté du gouvernement de limiter le pouvoir de nuisance de l’Instance supérieure en y nommant de nombreuses personnalités à la représentativité aléatoire.

Date et modalités du scrutin

Pour Ahmed Brahim, toutefois, le temps n’est pas à l’emportement ni au « ciblage d’individus » au sein de l’Instance supérieure : « La question de la composition est en train d’être réglée et nous devons à présent travailler sans tarder à l’organisation des élections ». Le maître-mot, pour le premier secrétaire d’Ettajdid, est la recherche du consensus, dans un climat apaisé.

Les détails de la loi électorale devraient être décidés au sein de l’Instance supérieure « par consensus ou bien, à défaut, par un vote », expose Ahmed Brahim. Parmi les enjeux les plus importants figure celui du type d’élection pour l’Assemblée chargée de rédiger la nouvelle Constitution, avec soit un scrutin uninominal à deux tours, soit un scrutin de listes à la proportionnelle. Pour Ettajdid, la première solution pourrait s’avérer dangereuse, en favorisant des « potentats locaux issus du régime de Ben Ali ». Signe que chaque choix doit être soigneusement soupesé.

L’autre question reste la date du scrutin. Adel Thabet estime clairement les délais « trop courts pour organiser des élections crédibles par la majorité du paysage politique ». Et malgré une préférence pour une élection en juillet, Ahmed Brahim reconnait que « les experts internationaux parlent en général d’un délai de 22 semaines nécessaires à l’organisation d’élections sérieuses », et se déclare prêt à discuter.

« Chambre d’enregistrement »

Restera ensuite, pour l’Instance supérieure, à faire reconnaître ses décisions par le gouvernement. Or, dénonce Adel Thabet, l’exécutif tunisien n’y verrait en fait qu’une « chambre d’enregistrement » de ses propres décisions. « Lors de la première réunion, le 17 mars, il a été annoncé que le projet de loi électorale allait y être distribué », raconte-t-il, et ce n’est, d’après le représentant du PCOT, que grâce à ses protestations que l’Instance supérieure pourra disposer d’une plus grande marge de manœuvre.

La solution, pour Ahmed Brahim, est une fois de plus dans le consensus. « Depuis le début de la Révolution, Ettajdid a défendu la création d’une instance consultative, car le gouvernement n’osera pas aller contre des décisions approuvées par une instance aussi diverse dans ses opinions », relativise-t-il. Mais malgré leurs divergences, les deux hommes politiques se rejoignent dans une même conviction : c’est par le vote d’une nouvelle Constitution que la Tunisie tournera avec succès la page de la dictature.

Source: “Afrik.com” Le 24-03-2011

Tunisie : La révolution en pension complète


 

Quelque 300 touristes français vivent depuis plus de deux mois dans un complexe hôtelier situé à Zarzis, dans le sud de la Tunisie. « Révolution du jasmin », chute de Ben Ali, départ de clandestins pour l’Europe, arrivée des réfugiés de Libye, ils racontent tout…

« Nous étions au courant qu’un gamin s’était immolé par le feu, mais nous pensions qu’il s’agissait d’un fait divers. Et puis, une fois arrivé ici, on a vu les manifestations grossir… » Depuis le 3 janvier, Claudine Orhonne se trouve avec Lionel, son mari, en vacances, à l’hôtel Club Sangho de Zarzis (600 kilomètres au sud de Tunis). « Nous ne savions pas que nous allions assister à une révolution », admet cette retraitée nantaise, âgée de 63 ans. Comment le savoir ? Quand, le 17 décembre 2010, Mohamed Bouazizi, modeste vendeur ambulant de fruits et légumes, se présente avec deux bidons de diluant et un briquet devant le gouvernorat de la ville de Sidi Bouzid, lui-même ignore que son geste va enflammer l’ensemble du monde arabe et, au-delà, faire trembler l’équilibre politique de la planète.

Les premières manifestations éclatent au lendemain de son immolation. C’est le début de « la révolution de la dignité », baptisée plus tard « du jasmin » (en Tunisie on nous demande souvent pourquoi) par la presse étrangère. En moins d’un mois, elle emportera le président Ben Ali avec son régime. Puis ce sera le tour de l’Egypte et d’Hosni Moubarak, avant que la Libye de Kadhafi ne se soulève contre son « guide »…

Un blindé à l’entrée de l’hôtel

Autant d’événements vécus « en direct » par les quelques 300 clients français du Sangho, pour la plupart retraités. Le plus souvent… au bord de la piscine, devant leur télévision ou bien au bar de l’hôtel. « On savait qu’il y avait des morts (cinq à Zarzis, NDLR), mais ici nous sommes dans une espèce de bulle, un petit paradis », reconnaît volontiers Claudine. Une bulle conçue comme un village méditerranéen : quarante bungalows blancs, enfouis sous une palmeraie de quatorze hectares, offrent à leurs locataires une vue imprenable sur la mer qui vient languir au pied de leur terrasse. Plage de sable fin, piscine extérieure chauffée en hiver, centre de balnéothérapie, cours de tennis en terre battue, terrain de pétanque, Wi-Fi gratuit, animations en tout genre, balades, sports nautiques… Parmi les multiples offres proposées aux touristes en Tunisie, le Sangho se place non loin du haut de gamme.

« Le 12 janvier (48 heures avant la chute de Ben Ali), un blindé s’est posté à l’entrée de l’hôtel. On nous à alors déconseillé de sortir. Nous n’avons plus quitté le Sangho pendant une quinzaine de jours », relate Serge Warcop, 57 ans. Venu de Cherbourg avec son épouse, Sylvie, passer un séjour de treize semaines dans l’établissement, il dit n’avoir jamais songé à rentrer en France. « Certains tour-opérateurs (Thomas Cook, Jet Air) ont exigé que leurs clients soient rapatriés. Nous, nous avons contracté directement avec Tunisie Contact. Ils nous ont laissé le choix. » « Nous avons tenu bon pour ne pas avoir à rapatrier nos clients et pour maintenir les rotations, avoue Lassaâd Labidi, le directeur du Sangho. Ce sont des habitués. En dépit de la situation, ils n’ont pas annulé leur séjour. Ici, c’est leur résidence secondaire », assure-t-il. Et de se féliciter du résultat, au sortir de cette période révolutionnaire : « Les Tunisiens font la différence entre la politique et le peuple. Nous n’avons pas eu un seul vol à déplorer. Pas une seule agression, pas un sac arraché ! » De fait, 180 personnes demeurent au Sangho depuis le mois de décembre 2010. Tandis que 200 autres sont arrivés début janvier. « Nous avons sécurisé leur transfert depuis l’aéroport en coopération avec l’office du tourisme de Djerba et l’armée », précise le patron de l’établissement.

« Ça nous revient moins cher que d’être en France »

Bien que fidèles, les seniors français n’ont-ils jamais eu peur pour leur vie ? « Non, nous ne nous sommes pas sentis en danger. A un moment, c’est vrai, il y a eu un peu de stress et pas mal de rumeurs. A Tunis, ça bardait, Internet était bloqué, nos excursions étaient annulées, d’autres hôtels se vidaient… Les Belges, par exemple, recevaient des SMS de leur ambassade toutes les heures. Nous rien », raconte Serge Warcop. « Même pendant la période du couvre-feu (à 18 heures), les activités et les animations se sont poursuivies. Une partie du personnel dormait sur place. Les cours de danse, la gym, les soirées, tout continuait », explique cet ancien charcutier-traiteur aujourd’hui au chômage.

Au terme d’un séjour de trois mois, Sylvie, son épouse, ressent le mal du pays, elle s’apprête à rentrer en France. Seule. Son mari ayant, quant à lui, décider de rester sur place trois semaines supplémentaires. « La direction m’a fait une offre difficile à refuser », indique-t-il sans autre précision. Le forfait de base dont le couple a bénéficié était déjà alléchant : 1.370 € par personne, pour deux mois, en pension complète. « Tout inclus : l’avion, le transport depuis l’aéroport, l’hôtel, la bouffe, le vin ! » précise Serge. Tout en faisant remarquer : « Ça nous revient moins cher que d’être en France. Faites le calcul. Ne serait-ce que le prix du chauffage et de l’électricité pendant l’hiver… Mieux vaut fermer la maison et venir ici, au soleil. » D’autant qu’à Zarzis, climat politique incertain aidant, et comme dans toutes les stations balnéaires tunisiennes, la concurrence s’aiguise. « L’hôtel d’à côté est presque vide. Ils sont venus nous démarcher sur la plage en nous proposant 50 % de discount sur la thalassothérapie », révèle Sylvie. Une offensive contrecarrée aussitôt par le Sangho qui désormais offre à ses intrépides clients de prolonger leurs vacances pour la somme dérisoire de 13 € par jour. Tout compris.

L’arrivée des réfugiés chinois

« Le plus triste, c’est lorsque les 3.000 jeunes de Zarzis sont partis pour Lampedusa, se rappelle Claudine. Une trentaine sont morts en mer quand leur bateau a été arraisonné. Là, c’était un choc. Il n’y avait plus de sourire, nous étions KO debout », confie-t-elle. « Ils étaient dans la rue à attendre d’embarquer, des groupes de plusieurs centaines de personnes. Sur le moment, nous avons cru qu’il s’agissait de manifestants », témoigne Bernard Lozier, un pêcheur à la retraite, originaire lui aussi de Cherbourg. « Cinq ou six employés du Sangho – des serveurs, des cuisiniers – ont disparu du jour au lendemain. Ils ont suivi le mouvement », raconte-t-il. Ajoutant : « Ils veulent échapper à la pauvreté, ce n’est pas une émigration politique. »

Pour Serge Warcop, c’est surtout l’épisode des réfugiés fuyant les combats en Libye (la frontière du pays se trouve à moins de 100 kilomètres de Zarzis) qui semble avoir été le plus marquant. « Quatre-vingt réfugiés chinois ont débarqué d’un coup. Certains étaient encore en bleu de travail. C’était une horreur, une véritable invasion ! Ils étaient bruyants, ne respectaient pas la file d’attente comme nous au restaurant. Et puis, leur façon de manger… des cochons ! » se souvient-il avec effroi. Consciente de la panique générée par l’arrivée de ces nouveaux clients asiatiques et ne souhaitant pas voir les anciens quitter les lieux, la direction, dès le lendemain, met en place deux services séparés. « Heureusement, ils ne sont restés que trois jours, souffle Serge. A la piscine, ils ne faisaient pas attention aux autres. Ils s’en foutaient, c’était leur entreprise qui payait ! » croit-il savoir. Quels souvenirs retiendront nos retraités français de leurs vacances en Tunisie ? « Le départ de Ben Ali, le 14 janvier. Je me le rappellerai toujours, on a fêté l’anniversaire de ma femme le lendemain ! » répond Serge, sans hésiter. « Curieusement, nous avons été plus choqués par Le Caire que par la Tunisie, indique pour sa part Claudine Orhonne. Nous sommes allés déjà deux fois là-bas. On suivait, en direct, à la télévision, les manifestations de la place Tahrir, c’était très impressionnant. » Retour en France prévu le 3 avril.

Source : « France soir » Le 24-03-2011

Dette extérieure tunisienne, pas de raison de s’inquiéter


«Le marché financier ne couvre pas la totalité des besoins de la Tunisie, mais partiellement. Pour ce qui est du remboursement de notre dette extérieure, nous avons une échéance qui tombe dans les prochaines semaines et nous sommes en mesure de la rembourser sans aucun problème en attendant la deuxième. Concernant le recours au marché financier international, nous pouvons le reporter au deuxième semestre de l’année ou même à l’année prochaine», estime Abdelhamid Triki, ministre de la Planification et de la Coopération internationale.

Il faut reconnaître que les fondamentaux de l’économie tunisienne restent solides même si la notation de la Tunisie a baissé pour des raisons afférentes au climat qui règne dans le pays depuis la révolution et se rapportant particulièrement à la sécurité, la stabilité et la visibilité des orientations futures du pays. Toutefois, les instances internationales sont disposées à aider la Tunisie et à la soutenir. Nous pouvons citer à ce propos la Banque européenne d’investissement (BEI) ou l’Agence française de développement (AFD).

Pour ce qui est de la dette extérieure de la Tunisie, et à supposer qu’on arrive à compenser tous les besoins additionnels y compris le manque à gagner à cause de la baisse des recettes touristiques, eh bien l’encours de l’année se situera à 38% au lieu de se positionner à 34,6%, ce qui reste dans les normes pour des pays comme le nôtre en matière de taux d’endettement.

La dette extérieure de la Tunisie est à hauteur de 70% remboursable sur une période qui dépasse les 10 ans.

Toutefois, aujourd’hui, depuis la découverte du niveau de corruption qui a atteint tous les aspects de la vie publique et économique sous le règne Ben Ali, des questions se posent avec acuité quant à la manière dont ont été utilisés les prêts contractés à l’international.

Des membres de diverses assemblées parlementaires européennes sont même allées jusqu’à appeler via, le Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers Monde à «la suspension immédiate du remboursement des créances européennes sur la Tunisie (avec gel des intérêts) et la mise en place d’un audit de ces créances. Cet audit, qui devra associer des représentants de la société civile comme l’a fait le gouvernement équatorien en 2007-2008, permettra de faire la lumière sur la destination des fonds empruntés, les circonstances qui entourent la conclusion des contrats de prêts, la contrepartie de ces prêts (les conditionnalités) ainsi que leurs impacts environnementaux, sociaux et économiques».

Ceci, sachant que la dette de la Tunisie s’élève à 14,4 milliards de dollars et que l’actuel gouverneur de la Banque centrale de Tunisie envisagerait d’affecter 577 millions d’euros du budget de l’État au remboursement du service de la dette publique extérieure pour l’année 2011.

Pour Abdelhamid Triki, il n’y a aucune raison de s’inquiéter quant au bon usage des dettes contractées par le gouvernement tunisien sous le régime Ben Ali: «Les procédures suivies par les bailleurs de fonds, que ce soit la Banque mondiale, la BAD, l’Union européenne ou la BEI sont des procédures qui garantissent le meilleur emploi des prêts internationaux».

Les projets financés par des fonds internationaux doivent être inscrits aux plans de développement qui doivent être ratifiés par les deux chambres et préalablement soumis au Conseil de développement qui représente toutes les sensibilités politiques du pays.

Pour sélectionner un projet, le bailleur de fonds s’assure que les comptes de l’institution concernée pour les trois dernières années sont audités et certifiés par un auditeur externe inscrit à l’ordre des experts comptables et commissaires aux comptes.

D’autre part, les dossiers d’appel d’offres sont soumis pour approbation au bailleur de fonds. Les séances d’ouverture des plis sont publiques, parfois en présence du bailleur de Fonds lui-même. Les versements sont effectués par tranches, le versement d’une tranche donnée ne peut se faire que si 60% à 80% de la tranche précédente a été utilisée, justifiée et auditée.

Cette procédure prouve par conséquent qu’il aurait été très difficile pour Ben Ali et co de puiser dans les prêts extérieurs accordés à la Tunisie.

 

Tout en rappelant que nos besoins en financements proviennent à hauteur de 75% de l’épargne nationale et 25% des financements extérieurs y compris es IDE.

Source: “wmc” Le 24-03-2011

Tunisie – Sous prétexte que les photos sont interdites par l’islam, agression des artistes d’Artocratie


 

Un groupe d’individus a agressé, lundi 21 mars 2011, les artistes du projet Artocratie (lire notre article à ce sujet) qui étaient en train de coller des photos géantes en noir et blanc représentant la diversité tunisienne sur la façade de la cellule du RCD du Kram. C’est ce qu’a indiqué Abdelhafidh Smaâli, président de l’association du développement économique, social et culturel de la ville du Kram dans un communiqué.

La cause de cette agression est que, selon ces individus, la religion musulmane interdit les photos et les représentations. Les agresseurs ont, également, menacé de décoller les photographies et d’empêcher toutes activités culturelles dans le futur.

Il est à noter que les photographies collées sur le mur de la Karaka de la Goulette ont été arrachées.

Source: “Business News” Le 24-03-2011

Dette de la Tunisie-Annulation ou service soutenu ?


 

J’ai lu sur vos colonnes que certains tunisiens réclament, avec l’appui d’éléments irresponsables européens, l’annulation de ce qu’ils appellent la dette odieuse de la Tunisie. Cette position illustre un faux débat et est extrêmement dangereuse pour notre pays.

Ce débat ne vaut même pas la peine d’être soulevé car le problème ne se pose même pas. La Tunisie a réduit sa dette extérieure de plus de 60% du Produit intérieur brut (PIB) en 2004 à environ 48% en 2009 et 2010. Un  résultat qui prend toute son importance si on le compare aux taux de pays comme le Brésil (60,80%), la Jordanie (61,40%) la France (83,50%), l’Italie (118,10%), la Grèce (144%), le Liban (150,70%) et le Japon (225,80%). L’analyse de la soutenabilité de la dette tunisienne montre que, pourvu que les politiques macro économiques soient judicieuses, cette dette déclinera à 38% du PIB en 2015.

Les politiques macro économiques doivent être judicieuses, en ce sens que le PIB doit connaître  un taux de croissance relativement élevé, l’inflation doit être maîtrisée et le taux de change stabilisé. Or, les circonstances actuelles nécessitent une grande vigilance de la part des autorités financières et monétaires. Le déficit budgétaire sera certainement important en 2011, les exportations vers l’Union européenne, elle-même en pleine crise, seront difficiles et le tourisme est en marasme. Malgré ces difficultés transitoires, le service de la dette, qui représente environ 11% des recettes d’exportation des biens et services, demeure gérable. Il est évident qu’il le sera encore davantage si les ressources, illégalement sorties de Tunisie par les clans de l’ancien régime et leurs mandarins jusqu’ici peu inquiétés,  sont récupérées dans les meilleurs délais. Les jeunes qui ont fait la Révolution attendent des actions concrètes sur ce point et des indications au public faisant le point en toute transparence sur ce sujet. Il y va non seulement du matelas de réserves de change du pays mais aussi de la stabilisation du taux de change du dinar et, sur le plan réel, de l’emploi des jeunes, surtout dans les zones rurales. Si les amis de la Tunisie dans le parlement européen veulent vraiment aider notre pays qu’ils votent des résolutions intimant à leurs gouvernants de faire rendre à la Tunisie ce qui lui est dû.

Position dangereuse

Cette position est dangereuse parce qu’un défaut de la Tunisie sur sa dette aura des conséquences incalculables sur son développement futur. Même pendant les années 80 quand la Tunisie était quasiment en état de cessation de paiement, elle n’a jamais renoncé à honorer les échéances de sa dette, ce qui lui a valu une notation financière de qualité et lui a permis de lever des fonds importants sur les marchés financiers à des conditions raisonnables. Faire comme certains pays d’Amérique latine : le Mexique en 1982, l’Argentine en 2002 et comme la Russie en 1998, est un très mauvais exemple. Notre pays verra ses sources de financement coupées, y compris celles des institutions financières internationales, comme la Banque mondiale, la Banque africaine de développement, la Banque européenne d’investissement. Pourquoi courir un tel risque quand il n’y a pas péril en la demeure ? Pour satisfaire les désirs de certains démagogues ? Pour créer des difficultés supplémentaires au pays ? Pour faire échouer la Révolution?

Soyons raisonnables.

Source: ”Leaders” Le 24-03-2011

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