22 décembre 2005

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TUNISNEWS
6 ème année, N° 2040 du 22.12.2005

 archives : www.tunisnews.net


 

The Washington Post: Wary of Dissent, Tunisia Makes War on the Web
Répartition par ministère des dépenses du budget général pour l’année 2006

Ahmed Bouazzi: Contrevérités

Dr Béchir Larabi: Lettre à mes amis du RCD.

Mezri Haddad: Chouha autour de la Shoah

Raouf Bahri: “Ben Ali, bâtir une démocratie” de Sadok Chaâbane : Une démocratie par et pour les Tunisiens

Libération: Les déchirures des intellectuels algériens

 
Wary of Dissent, Tunisia Makes War on the Web

Despite Country’s Relative Openness, Internet Postings Landing Some Critics in Jail

 

By Daniel Williams

TUNIS — Lawyer Mohammed Abou wrote sharply about politics in a country where criticism of the government is generally dulled. His outlet was the Internet, the only venue available to politically combative Tunisians, provided they can get around electronic censorship.

He attacked the prison system, likening Tunisia’s jails to Abu Ghraib, Iraq’s notorious American-run penitentiary. He compared Tunisian President Zine Abidine Ben Ali to Israeli Prime Minister Ariel Sharon, a serious affront in the Arab world.

Then the government countered by blocking access to the Web site where Abou’s work appeared. Police picked him up at a pharmacy on March 1 and, a month later, a judge sentenced him to three years in jail for defaming Tunisia’s judiciary and, through a case suddenly brought against him, for assaulting a female lawyer.

His imprisonment became a cause for human rights activists and undermined the country’s carefully cultivated image as a leader of political openness in the Middle East. But the case was not unique. Tunisian security officials are making war on the Internet to prevent critics from using it to launch attacks on the government and Ben Ali, who has been in power for 18 years.

Even as delegates from 175 countries met in Tunis in November for the World Summit on the Information Society, a gathering aimed at spreading information technology around the world, the government kept up its controls. Delegates protested, but to no apparent result.

Government censors routinely block access to content and sites that draw concern. Monitors at public computers keep watch on users to see if they succeed in getting around the obstructions. Writing the wrong thing on the Internet can bring jail time.

“In Tunisia, citizens may be theoretically free to receive and share information, but they are practically prevented from doing so on a number of vital topics by a state that combines sophisticated American technology, harsh laws and informal pressures to limit access,” according to the Open Net Initiative, a joint project of the University of Toronto, Harvard University and Cambridge University that seeks to uncover obstacles to Internet use.

The Tunisian government defends its policy on security and public morality grounds. Habib Cherif, the government’s human rights coordinator, said restrictions are a defense against terrorism, violence and pornography. As for Abou’s criticism, Cherif said “the law forbids slander of the magistrates. Justice must be protected.”

“It’s the law, and so it is applied,” he added. Pressed on whether he, as the government’s chief human rights watchdog, agrees with censorship of all such critical commentary, he replied, “Yes. It is appropriate for a country in transition.”

Transition is a word often used by Tunisian officials when asked about restrictions on speech. The government prides itself on its relative openness, compared with its neighbors, Algeria, which experienced a vicious civil war in the 1990s, and Libya, which has been under the rule of Moammar Gaddafi for 37 years. Among Middle East countries, Tunisia stands out for its self-declared effort to model itself on European economic and political standards.

But compared with Egypt and Lebanon, countries with vibrant democracy movements, Tunisia looks retrograde. Ben Ali won his latest term in office with 94 percent of the vote against feeble opposition. Headlines from a variety of papers on a recent day featured the same message: lawyers in parliament had praised Ben Ali for his leadership, pursued with “conscience and sacrifice.”

The Tunisian police state is readily apparent. At the Tunisian League for Human Rights in Bizerte, a coastal town north of Tunis, police stood vigil one recent day outside the office, scattering only at the arrival of a reporter. They moved a block away, all speaking into walkie-talkies

 

(Source: The Washington Post Foreign Service Thursday, December 22, 2005; Page A25 )

 

 

Tunisie

Répartition par ministère des dépenses du budget général pour l’année 2006

 

Le volume du budget de l’Etat pour l’année 2006 est estimé à 13.552 millions de dinars (MD) contre 12.862 MD en 2005, soit une augmentation de 5,4%.

 

Ce budget sera alimenté par des recettes fiscales, de l’ordre de 8.282 millions de dinars, des recettes non fiscales, de près de 1.460 millions de dinars et des ressources d’emprunts d’un montant de 3.810 millions de dinars.

 

Réparties entre les dépenses de gestion et de développement (9 683 millions de dinars), et le remboursement de la dette publique (3 910 millions de dinars) dont 1.195 millions de dinars représentent l’endettement extérieur.

 

Les dépenses de gestion sont réparties entre les dépenses des salaires, les dépenses de gestion et celles d’intervention tandis que les dépenses de développement sont réparties entre les dépenses ordinaires de fonctionnement et les dépenses exceptionnelles de l’Etat.

 

Les dépenses de gestion et de développement s’élèveraient à 9. 683MD réparties comme suit :

 

Ministère Budget %

 

Chambre des Députés 12996 0.1

Chambre des conseillers 6936 0.1

Présidence de la République 162091 1.7

Premier Ministère 113947 1.2

Ministère de l’Intérieur 817805 8.4

Ministère de la Justice et des Droits de l’Homme 174005 1.8

Ministère des Affaires étrangères 91109 0.9

Ministère de la Défense nationale 582466 6.0

Ministère des Affaires religieuses 38244 0.4

Ministère des Finances 171378 1.8

Ministère du Développement et de la Coopération internationale 124035 1.3

Ministère des Domaines de l’Etat et des Affaires foncières 30073 0.3

Ministère de l’Agriculture et des Ressources hydrauliques 705216 7.3

Ministère de l’Industrie, de l’Energie et des petites et moyennes entreprises 636263 6.6

Ministère du Commerce et de l’Artisanat 312477 3.2

Ministère de l’Equipement, de l’Habitat et de l’Aménagement du territoire 492649 5.1

Ministère de l’Environnement et du Développement durable 142207 1.5

Ministère du Tourisme 111565 1.2

Ministère des Technologies de la Communication 75925 0.8 Ministère du Transport 244242 2.5 Ministère des Affaires de la Femme, de la Famille, de l’Enfance et des Personnes âgées 41214 0.4

Ministère des Communications et des Relations avec la Chambre des Députés et la Chambre des Conseillers 38150 0.4

Ministère de la Culture et de la Sauvegarde du patrimoine 115926 1.2

Ministère de la Jeunesse, des Sports et de l’Education physique 198567 2.1

Ministère de la Santé publique 713783 7.4

Ministère des Affaires sociales, de la Solidarité et des Tunisiens à l’étranger 172781 1.8

Ministère de l’Education et de la Formation 2231574 23.0

Ministère de l’Enseignement supérieur 714757 7.4

Ministère de la Recherche scientifique et de la Technologie et du développement des compétences 102507 1.1

Ministère de l’Emploi et de l’Insertion professionnelle des Jeunes 58040 0.6

Dépenses exceptionnelles 250072 2.6

 

Total 9 683000 100

 

(Source : reveiltunisien.org, le 21.12.2005, d’après «Babnet.net », le 14/12/2005)


Contrevérités
Ahmed Bouazzi Professeur à l’Université de Tunis El Manar   Dans son interview au journal Haaretz, M. Finkielkraut affirme, en parlant de la traite des noirs, que ce qui distingue l’« Occident » des autres civilisations c’est que « l’élimination de l’esclavage fut une affaire européenne et américaine ».   Or, la Tunisie, située pourtant en dehors de l’Europe, a aboli l’esclavage par une loi beylicale en 1846, soit deux ans avant la France et 17 ans avant les Etats-Unis et, il faut le faire remarquer ici, 35 ans avant l’instauration du protectorat colonial français de 1881.   Par son affirmation qui ignore cette vérité historique, M. Finkielkraut exprime une vision européocentriste de l’Histoire, assez répandue malheureusement, qui exclut les civilisations non européennes des actes historiques positifs pour la civilisation humaine. Cette vision colonialiste de l’Histoire m’agresse en tant que Tunisien.   La vérité historique contredit l’idée visiblement défendue par M. Finkielkraut que les Français d’origine arabe ou musulmane seraient étrangers aux «valeurs » de l’« Occident » et, du coup, le haïraient.  C’est par de tels mensonges que les défenseurs du «clash des civilisations » ont obtenu du peuple américain son assentiment pour la guerre contre l’Irak, qui n’en finit  pas de provoquer des morts par dizaines de milliers. Quelles conséquences ces mensonges vont-ils provoquer en France si on les laisse sans démenti ?


 

Lettre à mes amis du RCD.

Par le Docteur Béchir Larabi   Je vous écris parce que la parole sous- entend toujours un degré d’estime et aussi de reproche, une rencontre qui tend à faire la vérité en toute âme et conscience et j’en prends pour témoin nos martyrs et nos enfants.   J’ai grandi au rythme des exigences morales d’un père doué d’un grand sens du devoir. Plus tard, je me surprenais à courir, avenue de la Liberté, derrière la Lincoln noire présidentielle, vociférant des louanges et essuyant mes larmes d’adolescent à qui on promettait des lendemains heureux. Mon ascension sociale n’aurait jamais été rendue possible sans le concours de quelques pédagogues généreux et aussi, et surtout, sans la bourse d’études salutaire et salvatrice que nous accordait notre jeune République. C’est dire la dette, incommensurable, contractée auprès de nos aînés qui ont libéré notre Patrie et c’est ainsi que j’ai choisi—comme beaucoup d’autres— la voie oblative des serviteurs passionnés, des défenseurs purs et durs de la Chose Publique. Mais le crépuscule des dieux n’épargnant personne, je me suis réveillé un matin de novembre 87 les mains tuméfiées à force de saluer la fin d’une longue et pénible éclipse. Je renaissais à nouveau.   Aujourd’hui, la Tunisie a cinquante ans. Une cinquantaine d’années vécue dans un discours monolithique et unilatéraliste, accepté par une société civile qui vivait dans l’immédiateté, c’est-à-dire dans l’attente d’un bien être social. Cet “ordre socialement nécessaire”, pour reprendre une vieille __expression, a concrétisé des progrès majeurs de notre condition humaine et économique. Ces performances ont placé notre pays parmi l’élite des pays émergents, rendant ainsi légitime l’exigence d’une plus grande ère de liberté –de toutes les libertés fondamentales— et de démocratie pleine et entière—. Le bonheur ne doit plus rester uniquement dans les assiettes, il doit aussi et surtout habiter nos têtes.   Mes amis, ne soyez pas rétifs ou exclusifs. On ne peut plus discourir sur le mode “vous avez juridiquement tort parce que vous êtes politiquement minoritaires” : être au pouvoir, du côté du manche, ne signifie pas avoir toujours raison, ou pour le dire autrement, la Démocratie— la vraie— n’est pas l’abus des positions majoritaires, et gagner les élections ne donne pas le droit de confisquer le pouvoir. Le Parti est une partie, seulement, de la société. Il faut en découdre avec “la morale de la responsabilité” qui voudrait que la fin justifie les moyens, car de nos jours, elle n’est plus réaliste et encore moins convaincante. Mieux que la diabolisation de la contestation, mieux que la relégation de tout désaccord à une action antinationale, restez à l’écoute. Le respect de l’Autre et de son droit à la controverse est primordial.   “Tout est social”, disait Bourdieu, nous le savons tous. Et la science politique ne finit pas de montrer les dangers de tous les systèmes politiques clos, autistes. Le droit aux avis politiques non violents, aussi non conformes soient-ils à l’idéologie dominante, doit être reconnu et garanti. Tout le reste est mystification. Une société n’est, en réalité, que ce qui détermine les rapports et les relations d’hommes à hommes. Paul Valéry disait : “Il n’y a pas d’amour, il y a des preuves d’amour”. Cette vérité est imprescriptible. Plus que jamais, elle est applicable à la vie politique : il n’y a pas de liberté, il y a des preuves de liberté ; il n’y a pas de démocratie, il y a des preuves de démocratie.   La Tunisie a grandi, ne nous arrêtons pas en si bon chemin car l’histoire ne garantit aucun franchissement irréversible des seuils du progrès. Seule une attitude volontariste et collective, bannissant la violence d’où qu’elle vienne et respectant le citoyen, est capable de garantir le bonheur durable à nos enfants.   (Source : « Réalités » N° 1043 du 22 décembre 2005)  

  “Ben Ali, bâtir une démocratie” de Sadok Chaâbane :

Une démocratie par et pour les Tunisiens

Raouf Bahri    Dans toute la littérature relative à la Tunisie de l’Ere nouvelle, le dernier ouvrage du Professeur Sadok Chaâbane tranche tant par sa conception que par son contenu.   L’auteur, que nos lecteurs connaissent bien, est professeur agrégé de Droit public et Science politique. Il a été plusieurs fois ministre et est actuellement Ministre conseiller auprès de la Présidence de la République, chargé de l’Institut Tunisien des Etudes Stratégiques (ITES).   Dans ce petit livre, édité par la Maison Arabe du Livre, Sadok Chaâbane, qui connait bien son sujet, a voulu mettre en relief le processus démocratique engagé en Tunisie depuis le 7 novembre 1987 et le soumettre à évaluation.   L’ouvrage, après une introduction où l’on définit la démocratie, puis où l’on se pose la question de savoir si ce mode de gouvernement était une tradition en Tunisie, se divise en quatre chapitres qui décrivent le processus suivi par le Président Ben Ali : Edifier un consensus —Domicilier l’opposition— Instaurer une démocratie des programmes — Structurer la vie politique. Il se termine par “Un mot pour l’avenir” dans lequel l’auteur, après sa démonstration, peut affirmer que “la Tunisie d’aujourd’hui construit sa démocratie d’un pas sûr”.   Car c’est bien de cela dont il s’agit et qui depuis 1987 guide la démarche du successeur de Bourguiba, qui a hérité d’une Tunisie en construction où la démocratie n’en était qu’à ses balbutiements.Car cette notion ne faisait pas vraiment partie de nos traditions, si l’on excepte les périodes carthaginoise et romaine, et encore ne s’agissait-il que d’une revendication de l’élite, des “citoyens libres” par opposition aux esclaves, aux ouvriers et aux mercenaires. Et ce n’est pas l’invasion et les diverses dynasties arabes qui se sont succédé qui allaient installer la démocratie, qui n’a refait surface qu’avec l’action réformiste à partir de la moitié du 19ème siècle. Même le Pacte Fondamental (Ahd al-Aman) de 1857 et la Constitution de 1861 n’étaient pas l’aboutissement de revendications populaires.   D’ailleurs, l’auteur relève plusieurs types de démocraties, certaines “vêtues en monarchies et d‘autres habillées en républiques”. Mais dans toutes le critère important est l’existence d’une majorité qui détient le pouvoir et d’une minorité qui constitue l’opposition. Opposition qui doit être constructive, éviter le refus permanent, œuvrer pour “mériter d’être l’alternative potentielle”.   Et Sadok Chaâbane de démontrer la naissance d’une opposition, encouragée par le Président Ben Ali qui au début a dû la chercher —comme Diogène cherchant un homme, avec une lanterne (NDLR)—, en présentant les divers partis qui forment le paysage politique de la Tunisie nouvelle, avec la naissance de programmes électoraux, ce qui n’appartenait évidemment pas à la tradition d’un régime de parti unique. Après avoir cité quelques tendances qui forment une opposition non reconnue parce que d’inspiration non démocratique, il montre la progression de cette opposition légale, la diversification des options proposées par les partis qui visent vraiment une participation effective, notamment grâce aux élections, régies par une loi électorale qui garantit une compétition honnête, même si la suprématie du parti au pouvoir est incontestable, ce qui s’explique par sa légitimité historique.   Il était important d’édifier un consensus qui permette au pluralisme de se perpétuer; aussi Ben Ali a-t-il commencé par rassembler les diverses sensibilités politiques et intellectuelles au sein d’un “Pacte National”, signé dès le 7 novembre 1988, résultat de plusieurs mois de discussions avec les partis politiques et basé sur des valeurs communes: l’Islam, l’arabité, le refus de la violence et la tolérance, le respect de la justice et de la propriété privée, la libre concurrence et la solidarité. Ce pacte excluait les partis qui souhiteraient se fonder sur la religion ou sur une ethnie, et permettait d’amender la Constitution du pays en y ajoutant un certain nombre de paragraphes aux articles 5 et 8, afin que les décisions prises aient force de loi.   C’est ainsi que se confirmait l’avènement d’une démocratie par et pour les Tunisiens, basée sur les préoccupations des citoyens et permettant l’édification du pays sur des bases saines et solides. L’auteur rappelle à ce sujet les 15 points duProgramme électoral de 1999 de Ben Ali et les 21 points du Programme de 2004.   Les partis politiques étaient appelés à proposer eux aussi leur programme, du moins pour ceux qui avaient fait l’effort d’en établir un et non ceux qui préféraient (et préfèrent encore) répercuter le discours dangereux de certaines chaînes paraboliques que les Tunisiens captent. Plutôt de se complaire dans un passéisme désuet et dangereux, l’objet du discours politique doit être celui de l’avenir. La démocratie qui nous est proposée est une démocratie consensuelle, qui peut différer de celle de certains pays occidentaux qui peuvent se permettre de “consolider les constantes et marginaliser les marginaux” car ils n’ont pas à craindre de retour en arrière— et souvent ils ne nous comprennent pas. Or, pour la Tunisie, la crainte d’un recul du processus démocratique est toujours présente, car il n’est pas encore assimilé par tous, et les exemples abondent de pays qui, après une avancée démocratique, se sont réveillés sous des régimes dictatoriaux. Il faut donc élargir la sphère de la compétition, accorder aux partis d’opposition une présence effective à tous les niveaux (local, régional, national), même si leur insuffisante implantation dans la société ne leur permet pas d’obtenir le nombre de voix suffisant. C’est pourquoi la loi électorale a été modifiée à plusieurs reprises, toujours dans le sens de sept orientations essentielles qui sont: élargir les sphères de la compétition, renforcer les candidatures dans le cadre des partis, axer la compétition autour de programmes, garantir à l’opposition une représentation minimale, prendre en considération le besoin de majorité stable, diversifier les types de représentation, garantir l’honnêteté des élections.   Le choix de Ben Ali a été de rendre la souveraineté au peuple, ce qui explique la création, cinquante ans après l’installation de la Chambre des Députés, d’une seconde représentation des Tunisiens, la Chambre des Conseillers (appelée ailleurs Sénat), qui partage les prérogatives de la première Chambre dans les domaines législatifs et budgétaires. Ses membres sont choisis par tiers par les organisations professionnelles, les régions et le Président de la République qui nomme des personnalités et des compétences nationales. Certes il s’agit d’un choix indirect, mais les citoyens y participent à travers les organisations nationales, elles aussi élues par leur base. La transparence des élections est garantie depuis 1999 par un Observatoire National des Elections qui recueille les plaintes éventuelles et établit un rapport à la suite de chaque scrutin.   Certes, personne ne prétend que la démocratie est parfaite en Tunisie, mais on peut dire qu’elle est en bonne voie. La prudence reste de mise pour résister aux dangers intérieurs, qui consistent en les restes de certains mouvements extrémistes dangereux, et surtout extérieurs avec la menace de courants extrémistes qui se trouvent aux portes de notre pays, et dont l’idéologie est diffusée par les chaînes paraboliques, “ravivant d’anciens sentiments que nous avions réussi à éteindre et un discours moyennageux que nous avions enterré”, encourageant par exemple le port d’un “habit confessionnel que nous n’avons jamais connu pendant notre longue histoire musulmane et non musulmane”. La vigilance est de rigueur et les partis politiques étudient leur situation actuelle et ce qu’ils peuvent faire pour améliorer leur présence lors du grand tournant qui se profile à l’horizon 2009 pour raffermir le pluralisme.   L’essentiel est d’avoir à l’esprit, et c’est la conclusion du livre de Sadok Chaâbane, que : “Nous sommes Tunisiens. Nos racines sont profondes dans l’histoire. Notre identité authentique. Notre avenir est entre nos mains. Nous savons où nous allons et nous aspirons à une grande gloire”.   (Source : « Réalités » N° 1043 du 22 décembre 2005)

 

Chouha autour de la Shoah.

Par Mezri Haddad   Pour les lecteurs non arabophones, le mot dialectal chouha —qui trouve d’ailleurs son origine sémantique dans l’arabe classique chawwaha , c’est-à-dire déformer (diffamer)— signifie scandale. Et c’est le mot qu’il faut employer au constat de la vague d’indignation et de diffamation que mon article de la semaine dernière a suscité chez certains de mes con-patriotes et, surtout, coreligionnaires. Sur les sites web communautaristes où ils déversent continuellement quantité d’inepties sur l’Islam, la théologie, la culture, la philosophie, la maçonnerie et la plomberie…, quantité de calomnies sur les gens qui ne partagent pas leurs avis, et quantité de mensonges sur leur pays, j’ai été traité de “ philosophe réactionnaire ”, de “ traître ” et de “ sioniste, portant un nom qui en dit long sur ses origines suspectes ”, allusion à mon nom, haddad, qu’on retrouve également chez les Juifs et chez les Chrétiens. Comme tout cela est beaucoup pour un seul homme, je ne retiendrai ici, et n’assumerai, que le qualificatif de “ philosophe réactionnaire ”. Oui, je suis un penseur réactionnaire, si ce mot traduit l’anti-gauchisme (stalinien) et l’anti-modernisme (hédoniste) ; oui, si la progression est régressive et que le modernisme est synonyme de mimétisme aveugle. Je ne suis pas un philosophe à la mode, parce que j’ai appris à me méfier des idées admises, surtout lorsqu’elles sont majoritairement admises. Le jour où je deviendrai moderne et populaire, je ferai mon deuil de la philosophie.   Je comprends l’indignation de ces “ chiens de meutes ”, comme dirait Mauriac, qui défendent l’Islam, les Droits de l’Homme, la liberté, la démocratie, …et toute la quincaillerie des produits phosphorescents. Je m’attendais bien à leurs réactions épidermiques, et leurs invectives ne m’affectent pas autant qu’elles les discréditent: “Chaque fois qu’on produit un effet, on se donne un ennemi. Il faut être médiocre pour être populaire ”, disait Oscar Wilde. Le présent article ne leur est pas destiné, pas plus que le précédent d’ailleurs. Je n’ai jamais tenu compte du conseil de l’écrivain belge Maurice Maeterlink, “ s’il est incertain que la vérité que vous allez dire soit bien comprise, taisez-la ”. Ce que j’ai écrit la semaine dernière sur le problème culturel, psychologique et je dirai même pathologique, que nous avons, nous autres Musulmans, avec la Shoah, je le réitère, je persiste et signe. Je ne l’ai pas écrit par opportunisme —mon article était programmé par la rédaction cinq jours avant les propos de Mahmoud Ahmadinejab— et la traîtrise qu’on me prête, je l’assume entièrement vis-à-vis des “ fidèles musulmans ”, ainsi que de tous les fidèles en infidélité à l’égard de l’esprit coranique et des vraies valeurs islamiques.   Intitulé “ La Shoah, second péché originel ou l’humanisme en question ”, cet article de réflexion a été rédigé à l’occasion du colloque “ Humanisme, savoir et devenir de l’Humanité ”, que la Fondation Témimi a eu l’audace et le mérite d’organiser. J’étais à mille lieues de penser que, très peu de temps après sa publication, le jeune président iranien me donnerait hélas raison en déversant sa bile et son flot d’éructations antisémites. Et c’est en raison de ces déclarations irresponsables et suicidaires que je reviens aujourd’hui sur la question de la Shoah.   Les Musulmans n’ont absolument aucune raison, ni historique, ni politique, ni religieuse, de nier ce fait abominable et tragique que fut le génocide juif. Historique : les Musulmans n’ont jamais pris part au massacre des Juifs. Bien au contraire. Sémites eux-mêmes, les Arabes étaient sur la liste des “ races inférieures ” à éliminer. Politique : en quoi la négation du génocide constituerait-il une réponse aux exactions commises, depuis 1948, par les Israéliens contre le peuple palestinien ? N’est-il pas plus intelligent politiquement et, surtout, plus juste moralement de reconnaître la Souffrance de l’Autre, celui-là même qui nous fait souffrir ? L’Occident, qui assume entièrement la responsabilité du génocide, a voulu réparer une tragédie (juive) par une injustice (palestinienne). Religieux enfin : entre Israéliens et Palestiniens le conflit n’a jamais été entre Judaïsme et Islam mais entre deux idéologies radicales, le nationalisme arabe et le nationalisme sioniste. Il est vrai que dans cette opposition exacerbée, tous les moyens étaient bons pour galvaniser et fanatiser les troupes, y compris en recourant à des lectures intégristes, utilitaristes et sélectives du Coran.   L’on a ainsi outrancièrement et de façon anachronique exploité certains versets à connotation antijuive, exactement de la même façon que des intégristes chrétiens ont utilisé certains passages du Nouveau Testament qui étaient extrêmement violents à l’égard des Juifs et pouvaient, par conséquent, “ justifier ” les horribles pogroms. Il faut toujours rappeler que les versets coraniques qui n’étaient pas favorables aux Juifs ont été “ dictés ” dans un contexte historique et politique bien précis. On pourrait, on devrait aujourd’hui les déclarer caduques, comme d’ailleurs certains de nos ancêtres exégètes les avaient déclaré “ abrogés ”. Cela passe évidemment par une lecture historico-critique et herméneutique du corpus coranique, qui consiste à expliquer le texte par le contexte. Et dans cet effort de transcendance et de réconciliation avec nos frères en monothéisme, nous n’aurons pas beaucoup de difficultés à trouver, ou plus exactement à retrouver le véritable esprit du Coran à l’égard des Juifs, comme à l’égard des Chrétiens d’ailleurs. Autrement dit les versets qui sont passés à la trappe et qu’on ne cite jamais, et pour cause. A titre d’exemple, un verset de la Sourate “ La vache ”, qu’on retrouve d’ailleurs répété mot pour mot à deux reprises : dans la Sourate “ Le plateau pourvu” (verset 69) et dans la Sourate “ Le pèlerinage ”(verset 17). Que dit la Sourate “ La vache ”(2), verset 62 : “ Qui, ceux qui ont cru et ceux qui se sont judaïsés, et les Nazaréens et les Sabéens, quiconque a cru en Dieu et au Jour dernier et fait œuvre bonne, pour ceux-là, leur récompense est auprès de leur Seigneur. Sur eux, nulle crainte ; et point ne seront affligés ”. Ce n’est pas ici le lieu pour multiplier des exemples de ce genre, ou d’autres tirés de la sublime tradition prophétique, et qui peuvent servir d’arguments théologiques ou religieux irréfutables pour condamner l’antisémitisme.   Les déclarations inutilement provocatrices du président iranien desservent les vraies valeurs de l’Islam que cet Etat théocratique prétend incarner. Ils nuisent aux intérêts du peuple iranien et apportent de l’eau au moulin des Etats-prédateurs qui rêvent de piétiner l’Iran après avoir écrasé l’Irak. Malgré les multiples défaites et humiliations qu’ils ont subis, certains Musulmans n’ont hélas toujours pas compris que le monde a complètement changé ; qu’une politique fondée sur le ressentiment, sur la haine d’autrui et la négation de l’autre ne mène qu’au désastre, au “ choc des civilisations ” ; que la force d’un pays n’est plus dans la quantité d’armes qu’il possède mais dans son degré de développement économique, social, politique et culturel. Pour l’avoir compris, la Turquie –qui est pourtant dirigée par un parti islamo-nationaliste— rivalise d’adresse et de performance avec les plus grandes nations du monde. C’est une pièce maîtresse de la géopolitique moyen-orientale.   L’ennemi n’est pas extérieur à nous, il est en nous : c’est notre leucémie intellectuelle et notre faiblesse culturelle, malgré la grandeur de notre civilisation. Nos jérémiades sur notre puissance perdue, nos lamentations sur l’âge d’or de l’Islam, nous empêchent de voir les causes intrinsèques de notre sous-développement et de notre décadence : la résistance à l’universalisme, l’enfermement identitaire, le mépris de la culture. L’autodafé des manuscrits d’Ibn Ruchd (Averroès) annonçait inexorablement la chute de Grenade. Entre 1195 et 1492, il existe ainsi une relation de causalité que seuls les grands esprits, dont Ibn Khaldûn, ont pu déceler. En n’écoutant pas les philosophes, les princes se privent d’un atout majeur dans l’affirmation de leur puissance et la perpétuation de leur règne.   Et puisque j’évoque la persécution d’Averroès et la chute de Grenade, deux évènements consubstantiels, il est peut-être bon de rappeler deux vérités historiques incontestables. Primo, l’un des rares et prestigieux disciples d’Averroès a été Moïse Maimonide, le philosophe et théologien juif qui a achevé ce qu’Averroès avait entrepris : le rapprochement de la pensée juive de la pensée aristotélicienne (Averroès voulait faire la même chose avec la pensée islamique). Secundo, la reprise de Grenade par les rois catholiques a été le début d’une nouvelle ère de persécution, de conversion forcées et d’extermination des Juifs d’Espagne. Il y a dans ces deux évènements matières à méditation. Mieux vaut tard que jamais.   (Source : « Réalités » N° 1043 du 22 décembre 2005)
 

La loi sur «le rôle positif de la colonisation» provoque malaise et questionnements.

Les déchirures des intellectuels algériens

 

Par Annie COHEN-SOLAL  Annie Cohen-Solal professeure à l’université de Caen et à l’EHESS-Paris. Depuis le processus de démocratisation de 2003, l’Algérie est un pays surinformé. Les quotidiens y prolifèrent, en langue française et en langue arabe, avec des noms comme l’Authentique, l’_Expression, le Citoyen, la Voix de l’Oranie, le Maghreb, Liberté, Al Ahdath, Al Ayam, El Khabar, El Massa, El Youm, El Watan, la Nouvelle République, la Tribune, El Moudjahid, etc. Pour la seule ville d’Oran, ils se chiffrent à plus d’une quinzaine. Et les nuées d’antennes paraboliques s’accrochent aux balcons et aux toits des maisons, comme autant d’oreilles qui se tendent pour capter la rumeur du monde. Dans ce pays aujourd’hui déboussolé par les incertitudes sur la maladie de son Président, et qui demande plus de transparence à cet égard, les troubles dans les banlieues françaises et le choix de l’utilisation de la loi d’exception ont été observés de très près par l’opinion publique. Mais, depuis quelques semaines, c’est l’article 4 de la loi du 23 février 2005 qui provoque l’indignation chez les intellectuels algériens qui analysent, jugent et ripostent.   Certains reprennent l’axe Fort-de-France-Alger, qui fut naguère celui de Frantz Fanon, médecin psychiatre, né à Fort-de-France, et qui, nommé en poste à l’hôpital de Blida, devint dans les années 50, l’un des théoriciens de la révolution algérienne et forma des hommes tels que Houari Boumédiène, Ferhat Abbas, Ahmed Medgui ou encore Abdelaziz Bouteflika (l’actuel Président algérien). Ainsi, l’éditeur Sofiane Hadjadj diffuse et commente la lettre ouverte envoyée par Patrick Chamoiseau et Edouard Glissant au ministre de l’Intérieur : «Il n’est pas concevable qu’une telle Nation ait proposé par une loi (ou imposé) des orientations d’enseignement dans ses établissements scolaires, comme aurait fait le premier régime autoritaire venu, et que ces orientations visent tout simplement à masquer ses responsabilités dans une entreprise (la colonisation) qui lui a profité en tout, et qui est de toutes manières irrévocablement condamnable…»   D’autres, comme l’historien Daho Djerbal, directeur de la revue Naqd, poursuivent leur travail de réflexion sur l’histoire coloniale, et se penchent avec inquiétude sur cette pénétration intempestive des politiques dans l’espace des historiens : «Que représente l’article 4 de la loi du 23 février 2005 ? nous explique-t-il. Dans le meilleur des cas, c’est du cafouillage entre l’UMP et le président de la République. Dans le pire des cas, c’est de la perversité. En tout cas, il y a certainement, quelque part, quelque chose qui cloche dans la transmission des décisions politiques au niveau de l’UMP. La guerre d’Algérie reste de l’ordre du refoulé dans la conscience française et cela génère pour la société française des réactions compulsives ; celles-ci continueront de l’agiter tant qu’elle n’aura pas mis en parole son passé, dans lequel toute une génération, que ce soit directement ou indirectement, a mis les mains. D’ailleurs, le problème posé par les banlieues est un problème posé par une partie du corps social français que l’on continue à considérer en France comme un élément exogène, alors que certains d’entre eux sont là depuis trois générations.»   «Je le répète depuis longtemps mais personne ne m’écoute, nous déclare pour sa part le romancier Boualem Sansal, si les Français et les Algériens que l’histoire a intimement liés dans le pire, veulent se libérer et aller vers le meilleur, ils doivent se mettre ensemble pour dénouer le drame et s’ouvrir à une vraie amitié, sans freins ni rétroviseurs. Il va de soi que la France qui a une histoire brillante mais pas mal de chapitres noirs, doit engager le débat avec toutes ses anciennes colonies et ses actuels départements d’outre-mer. Alors, créons vite un collège de sages et parlons, l’Histoire ne tardera pas à nous dire tout ce que nous devons savoir de l’avenir.»   Après les douleurs de la décennie difficile, l’élection du président Bouteflika en 2003 a permis aux Algériens de s’engager dans une période démocratique de leur histoire, dans laquelle vint heureusement s’insérer le traité d’amitié avec la France. Et, depuis deux ans, stimulés par cette ouverture, les intellectuels de ce pays ont commencé à retisser quelques liens avec la France, comme l’atteste par exemple la publication, cosignée par Mohamed Harbi et Benjamin Stora, de l’ouvrage la Guerre d’Algérie, la fin de l’amnésie 1954-2004. Et puis voici qu’en quelques semaines de cet automne 2005, la crise des banlieues ­ et toute sa cohorte de révélations sur la situation des immigrés en France ­, le recours à la loi d’exception, les déclarations provocatrices du ministre de l’Intérieur et surtout cet inadmissible article 4 de la loi de février 2005 semblent anéantir tous les progrès et forcent les intellectuels algériens à se demander si, malheureusement, ils ne sont pas revenus à la case départ !   L’écrivain Brahim Hadj Slimane, s’interrogeant sur le rôle politique de l’intellectuel algérien aujourd’hui, cherche des modèles auprès de Vaclav Havel ou des Latino-Américains qui ont mené un combat démocratique contre les dictatures dans leur pays. «Je me reconnais totalement dans la position de Jean-Paul Sartre concernant l’engagement nécessaire de l’intellectuel», lui répond Abderrezak Adel, économiste en poste à l’université de Constantine. «L’intellectuel engagé, militant, qui s’inscrit dans la politique de l’immédiat, c’est la seule dimension juste. Au niveau mondial, la tendance à l’intrusion de l’intellectuel dans les espaces politiques renvoie à l’émergence, la montée, du combat pour la démocratie, comme valeur universelle. En Algérie et dans les pays arabes en général, le nationalisme et le populisme ont phagocyté, d’un certain point de vue, toutes les velléités intellectuelles qui pouvaient se cristalliser et apparaître comme des pôles d’idées, et cette identification au populisme a créé un vide.»   Pour leur part, on le voit, les quinquas algériens fourmillent de références culturelles, semblables à celles de leurs homologues européens, mais enrichies par les ruptures et les distances. C’est le professeur Ismail Abdoun qui admet que Sartre l’a libéré de sa «saharianité». C’est Omar Mehibel qui, dans El Watan, consacre une page entière à Jacques Derrida, un an après sa disparition, en rappelant que «né à Alger (El Biar) en 1930 dans une famille juive, décédé à Paris en 2004, Derrida a toujours gardé une nostalgie non exprimée vers ce pays d’enfance si proche, si lointain qu’est l’Algérie». C’est Lounes, le magnifique érudit kabyle de la librairie El Ghazali à Alger, qui récite impeccablement la prose de Mouloud Mammeri, une prose qui, dans une ironique virtuosité, se calque et se décalque sur celle des grands classiques français, en écho à La Fontaine ou à Bossuet. C’est le cinéaste et écrivain Abderrahmane Djelfaoui qui rappelle avoir consulté la collection complète des Temps modernes dans la bibliothèque de son père. C’est Leïla Benali qui, rappelant sa lecture du Premier Homme, le roman posthume d’Albert Camus, signale ces phrases indéchiffrables laissées entre parenthèses par les éditions Gallimard. «Ces phrases, moi-même j’ai pu les déchiffrer, parce que j’ai grandi à Belcourt où est né Camus. Mais, apparemment, personne à Paris n’a pu faire ce travail et j’ai été un peu vexée pour mon quartier.» Que représentent-ils, avec leur mémoire bouillonnante, sinon une société civile qui cherche à reconstruire une mémoire historique abîmée, un passé artificiellement déchiré par l’histoire officielle de leur pays ?   Car l’historiographie algérienne, comme le signalait récemment Mohamed Harbi sur les ondes de France Culture, a imposé «aux historiens et aux sociologues de discuter du social algérien en termes de rupture» et, pour les générations des vingt, trente et quarante ans, l’histoire de l’Algérie, enseignée à l’école, a commencé avec son indépendance en 1962. Pour les années qui précédèrent, ils n’ont rien étudié officiellement. Le décalage en termes de mémoire historique est donc immense entre ces Algériens qui ont fait leurs études dans les premières années de l’indépendance et ceux qui, ayant grandi au cours des années de la colonisation française, avaient appris à aimer les poèmes de Du Bellay et de Ronsard, à dessiner le cours de la Loire, à mémoriser les dates du règne de Louis XIV, mais pour lesquelles l’histoire de leur propre territoire était, de manière scandaleuse, rigoureusement effacée et niée.   De fait, entre les déchirures de l’historiographie algérienne et les différentes strates de silences imposées par l’histoire officielle française, les intellectuels algériens se trouvent face à de nombreuses et délicates batailles à livrer. «Entre la parole des Sartre, Barrat, Jeanson, Audin, Mandouze, etc., et la génération d’aujourd’hui, il y a un hiatus», analyse encore Daho Djerbal au sujet des silences français sur la guerre d’Algérie. «Quelque chose n’a pas été transmis, c’est la dénonciation de l’innommable, et cette lacune crée une situation malsaine à laquelle il faut à tout prix remédier. Il faudrait faire ce qu’ont fait les intellectuels de l’indignation : aller chercher ce qui gît dans la conscience politique française. Mais où sont passés aujourd’hui les intellectuels de l’indignation ?»   Dans ce contexte, on comprend bien que l’«histoire positive de la colonisation» que prétend imposer l’article 4 de la loi du 23 février 2005 dans les manuels scolaires français provoque incompréhension et consternation chez les intellectuels algériens. D’autant qu’ils partagent avec les Antillais une spécificité qui les rend hypersensibles aux moindres secousses qui se produisent des deux côtés de la Méditerranée. «Nous sommes des métis, des métis culturels», déclarait encore récemment Mohamed Harbi. «Mais ce métissage culturel est la manière algérienne d’aborder le problème de la modernité, parce qu’en réalité notre modernité a commencé avec la colonisation».   (Source : « Libération » (France), le 22 décembre 2005)

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