21 février 2008

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TUNISNEWS
 8 ème année, N°  2829 du 21.02.2008

 archives : www.tunisnews.net

Prononcé du jugement en appel dans l’affaire de Slimane C.R.L.D.H. Tunisie: Communiqué Protestation de la CMODH Contre la repression des défenseurs des Droits Humains en Tunisie AFP: Tunisie: peine de mort pour l’un des 30 salafistes jugés en appel El Watan: Cinq terroristes (dont un tunisien) abattus à Tébessa Le Temps: La mémoire « écarlate » – Si Mahmoud Bourguiba nous était conté Mezri Haddad: Le wahhabisme, négation de l’islam


 

Prononcé du jugement en appel dans l’affaire de Slimane

Le 20 février 2008 Saber Ragoubi (24 ans): condamné à mort par pendaison Imed Ben Ameur (34 ans), Sahbi Nasri ( 26 ans), Mohammed Beltaïfa (24 ans), Fethi Salhi (24 ans), Ali Arfaoui (43 ans), Moukhlis Ammar (26 ans), Oua’il Amami (22 ans), Ramzi Elifi (25 ans), condamnés à l’emprisonnement à perpétuité. Oussama Abadi (25 ans), Mohammed Amine Jaziri (28 ans), Taoufik Lhouimdi (29 ans), Ali Sassi (22 ans), Mejdi Latrech (24 ans), Zyed Essid (26 ans), Badreddine Ksouri (25 ans), condamnés à trente ans d’emprisonnement. Ahmed Mrabet (23 ans), Jaouhar Slama (29 ans), Mohammed Amine Dhiab (29 ans), condamnés à vingt ans d’emprisonnement Jaouhar Kassar (30 ans), Kamel Oum Héni (24 ans), condamnés à quinze ans d’emprisonnement Mohammed Bakhti (22 ans), condamné à douze ans d’emprisonnement Hatem Riabi (29 ans), Jamel Mellakh (24ans) condamnés à dix ans d’emprisonnement Mehdi Bel Hajj Ali (27 ans), Marouane Khlif (30 ans), condamnés à huit ans d’emprisonnement Khelifa Garaoui (26 ans), condamné à sept ans d’emprisonnement. Nafti Bennani (31 ans), condamné à quatre ans d’emprisonnement Mohammed Khlil Zendaj (22 ans), Zouhaïer Jrid (27 ans), condamnés à trois ans d’emprisonnement. A l’exception des condamnés à mort ou à l’emprisonnement à perpétuité, tous les autres ont été condamnés à une peine complémentaire de contrôle administratif de cinq ans.

(Source : communiqué en arabe du CNLT du 21 /02/08, LT)  


C.R.L.D.H. Tunisie

Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de l’Homme en Tunisie

membre du Réseau Euro-méditerranéen des Droits de l’Homme

21ter rue Voltaire – FR-75011 PARIS  – Tel/Fax : 00.33.(0)1.43.72.97.34

contact@crldht.org / www.crldht.org

 

 

Communiqué

 

Au 37ème jour de sa grève de la faim, l’état de santé de M. Abderrahmane TLILI est très alarmant.

 

Sa mère, Mme Fatma TLILI , après lui avoir rendu visite aujourd’hui, jeudi 21 février 2008, à la prison de Mournaguia, a réaffirmé sa détermination de poursuivre son jeûne de protestation, face à l’indifférence criminelle des autorités et aux contre vérités scandaleuses de leurs premiers commentaires officiels niant l’existence même de a grève de la faim de Abderrahmane TLILI.

 

 Profondément choquée par les commentaires officieux et officiels des autorités tunisiennes, Mme Fatma TLILI , mère de Abderrahamane Tlili, âgée de 89 ans, a décidé, en dépit de la dégradation de son état de santé, de poursuivre le jeûne qu’elle a commencé le 12 févier 2008, pour alerter l’opinion nationale et internationale sur l’état de santé alarmant de son fils Aberrahmane TLILI qui entame sa 37eme journée de grève de la faim

 

 Contrairement aux contre vérités diffusées par les autorités tunisiennes, M. TLILI est confronté à un régime carcéral inacceptable qui a affecté gravement son état de santé et qui nécessite des soins urgents dans un milieux hospitalier adapté.

 

 Le CRLDHT réaffirme sa solidarité avec la famille TLILI et exige la libération immédiate de M; Abderrahmane TLILI pour qu’il soit hospitalisé d’urgence.

 

 

Paris, le 21 février 2008


Coordination Maghrébine des Droits Humains

 

 

Protestation de la Coordination Maghrébine

Des Organisations des Droits Humains – CMODH –

Contre la repression des défenseurs des Droits Humains en Tunisie

 

 

Encore une fois le Régime Tunisien vient de sévir contre les défenseurs des droits humains de ce pays ; En effet, le lundi 18 février Mme Fatima Ksila secrétaire générale du «Comité pour le respect de libertés et des droits de l’Homme en Tunisie » – Organisation membre de la CMODH – et Mme Samia Abbou, responsable au sein de l’association tunisienne contre la torture, ont fait l’objet d’agression violente de la part des agents de sécurité à Soussa alors qu’elles étaient en mission de prospection sur des violations graves des droits humains en Tunisie.

 

La CMODH, constituée de 14 organisations de défense des droits humains au Maghreb, tout en se solidarisant entièrement avec les deux victimes, dénonce l’acte odieux de la police tunisienne et exige de nouveau le respect des droits humains dans ce pays en commençant par le respect des défenseurs des droits humains.

 

 

Pour la CMODH

Le Coordinateur : Abdelhamid AMINE

 

 


Tunisie: peine de mort pour l’un des 30 salafistes jugés en appel

 

AFP, le 21 février 2008 à 10h07

 

TUNIS (AFP) – Un des 30 salafistes tunisiens jugés pour « terrorisme » et complot présumés a été condamné à mort et sept à perpétuité par décision de la Cour d’appel à Tunis, devant laquelle ils comparaissaient depuis le 15 janvier, au milieu d’une mobilisation contre la peine capitale.

 

 Selon le verdict prononcé dans la nuit de mercredi à jeudi, Saber Ragoubi, 24 ans, a vu son jugement à la peine capitale confirmé mais un second condamné à mort a été jugé à perpétuité.

 

 Six autres ont été condamnées à la prison à vie et les 22 accusés restants, parmi lesquels sept ont bénéficié d’un allégement, se sont vu infliger des peines allant de 30 à 3 ans d’emprisonnement.

 

 Les prévenus âgés de 22 à 42 ans, revendiquant, pour certains, une idéologie salafiste prônant un retour aux origines de l’islam, ont été jugés pour leur d’implication présumée dans des affrontements armés ayant fait entre décembre 2006 et janvier 2007 14 morts, dont un officier et un agent de sécurité, selon les autorités.

 

 Faisant suite à un premier jugement contesté et boycotté par la défense en décembre 2006, le procès en appel a donné lieu durant deux jours en continu à des plaidoiries non stop de la défense, qui a réclamé soit l’acquittement, soit l’allègement des peines en soulignant « irrégularités » et « entorses au droit ».

 

L’absence de preuve à charge et la pratique de la torture « pour arracher de faux aveux » ont été au centre des plaidoiries, qui ont nécessité parfois des rappels à l’ordre du président de la Cour Manoubi Hmidane.

 

Son verdict a été jugé « sévère » par la défense et provoqué émotion et pleurs parmi les proches des accusés. « C’est une grande déception, surtout le maintien de la peine capitale pour Saber Ragoubi », a déclaré à l’AFP l’avocat Samir Ben Amor, Me Radhia Nasraoui qualifiant le verdict de « catastrophique ». « Je rentre à la maison avec une trop mauvaise nouvelle. Je suis amer, désespéré! », a lancé Lamine, le père de Saber, étouffant un sanglot.

 

Outre l’accusation de « complot contre la sûreté intérieure », les prévenus ont été jugés « en vrac » selon la défense, pour « tentative d’attaques visant à changer le régime », assassinats, maniement d’armes et adhésion à une organisation terroriste. Durant leur procès, ils ont nié leur adhésion aux projets d’une bande armée dénommée « Soldats d’Assad Ibn Fourat » qui avait établi un camp d’entraînement à Ain Tbournek, sur les hauteurs de Grombalia (40 km de Tunis), théâtre des violences.

 

 Ils ont répété à l’envi avoir côtoyé fortuitement les meneurs en cherchant un refuge dans cette zone boisée pour échapper à la police à leurs trousses pour cause de pratique religieuse et port de barbe. Quelque-uns ont cependant reconnu avoir été initiés au maniement de Kalachnikov, mais tous ont nié avoir nourri un projet de déstabilisation du régime en Tunisie, affirmant que des aveux leur avaient été arrachés sous la torture.

 

 Le parquet et les avocats de la partie civile ont réclamé le maintien de la peine capitale pour délits « terroristes » et « intentions criminelles prouvées ».

 

 Au moment de faits, les autorités avaient indiqué avoir saisi six Kalachnikov, des explosifs et plans de sites des ambassades américaine et britannique. Selon elles, le noyau armé de la bande s’était introduit par la frontière algérienne, après un séjour dans les maquis du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), devenu branche d’Al-Qaïda au Maghreb.

 

 De ce noyau – composé d’un Mauritanien et de cinq Tunisiens, dont le chef Lassad Sassi, jihadiste vétéran d’Afghanistan – quatre sont morts, et deux autres arrêtés avant les accrochages. Ces derniers sont jugés séparément.

 

Ces violences étaient les plus importantes en Tunisie depuis l’attentat revendiqué par Al-Qaïda sur l’île de Djerba (21 morts, le 11 avril 2002).

 

Le procès a été suivi par des diplomates et des observateurs étrangers dont Me Denys Robillard, mandaté par la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH) et Amnesty International.

 

 La FIDH et des opposants tunisiens se sont mobilisés contre la peine capitale. La Tunisie observe un moratoire de facto sur les exécutions et son président Zine El Abidine Ben Ali s’est engagé en novembre dernier à « ne jamais signer l’exécution de condamnés à mort ».


 

 

Cinq terroristes (dont un tunisien) abattus à Tébessa

 

Cinq terroristes appartenant à la branche armée d’Al Qaïda au Maghreb islamique ont été abattus hier par les forces combinées à Djebel Oum El Kmakam, dans la région de Ouled Hilal, située dans la commune de Bir El Ater, à 90 km au sud de Tébessa, à l’issue d’une vaste opération de ratissage, déclenchée il y a quelques jours, a-t-on appris de source sécuritaire.

 

La même source a indiqué que les terroristes éliminés seraient de différentes nationalités, dont un Tunisien, un Marocain, un Libanais ainsi que deux Algériens, activant au sein du groupe El Fath El Moubine, et seraient, selon les informations qui nous ont été communiquées, derrière l’opération perpétrée il y a une dizaine de jours à Guemar, dans la wilaya d’EI Oued, où huit gendarmes gardes frontières ont été tués. A l’issue de cette opération, les forces de l’armée ont réussi à récupérer plusieurs armes dont trois kalachnikovs, un fusil à pompe, un fusil de chasse, des munitions et une grande quantité de provisions. Trois casemates ont été détruites lors de cette opération qui se poursuit toujours.

 

Par ailleurs, l’on apprend d’une source sûre qu’un militaire a été grièvement blessé lors de l’explosion d’une bombe hier dans la région de Guabel Boudjlal, à 50 km au sud de Tébessa. L’engin a explosé lors du passage d’un convoi militaire.

 

Lakehal samir

 

(Source : « El Watan » (Quotidien – Algérie), le 21 février 2008)

Lien : http://www.elwatan.com/spip.php?page=article&id_article=87777

 

 


 

On ne se cultive plus à l’Avenue Habib Bourguiba !

Au diable la culture !…les crêpes rapportent plus

 

Dans la partie centrale de l’avenue Habib Bourguiba de Tunis. Celle qui va de l’Avenue de France jusqu’à la place 7 Novembre il n’y a qu’une seule librairie et un seul kiosque à journaux. Jadis avant sa rénovation sur le terre-plein central il y avait des dizaines de Kiosques et sur ses deux côtés plein de librairies.

 

Aujourd’hui à la place de ces espaces culturels on trouve des banques, des magasins et des cafés « Avant on venait ici pour flâner dans les librairies jetant un coup d’œil sur les nouvelles publications pour ensuite acheter les journaux et les magazines exposés sur les devants des kiosques lesquels chacun avait sa clientèle. Il y a ceux qui viennent pour les éditions des quotidiens nationaux le matin et d’autres pour les journaux et magazines qui arrivent vers 18 heures directement de l’aéroport Tunis – Carthage »  confie un sexagénaire assis à la terrasse d’un café.

 

Kiosques

 

Jadis, sur les terrasses des cafés et à l’intérieur les gens s’attablaient et tout en sirotant un thé ou un café ils bouquinaient où ils lisaient les journaux. Aujourd’hui, ils ne font que boire et manger. La lecture est devenue rare, le ventre en a pris le dessus. En réaménageant l’avenue, on a déplacé le kiosques vers d’autres lieux. En  plus pour réanimer cette partie centrale on y fait défiler de temps en temps des groupes folkloriques, des marionnettes et autres. Alors que l’espace au milieu est suffisamment large pour abriter des foires de livres ou des expositions de peintures. Mais le culturel est aux abonnés absents dans cette partie centrale de la plus belle avenue du pays. Les commerces se font au détriment de la culture.

 

Néjib SASSI

 

 

(Source : « Le Temps » (Quotidien – Tunis), le 21 février 2008)

 


 

 

La mémoire « écarlate »

Si Mahmoud Bourguiba nous était conté

Entretien conduit par : Samia HARRAR

 

Son fils aîné révèle, en exclusivité, les facettes d’un poète prolifique, d’un père chouchoutant ses enfants, de ses manies, de ses rites  et ses superstitions…

Dans la mesure où ce qui fonde la spécificité, et la richesse de notre identité culturelle, c’est justement ce que ces grands hommes nous ont légué, il est de notre devoir de ne pas avoir la mémoire courte, d’être reconnaissants pour tous ces précieux acquis qui constituent notre patrimoine, et que l’on doit préserver contre l’oubli, envers et contre tout.

Jalel Bourguiba, fils aîné du poète, s’est exprimé sur la question et sur d’autres encore, au nom de tous les siens…

 

Le Temps : Mahmoud Bourguiba, le poète, était votre père. Quels souvenirs gardez- vous de lui ?

-Jalel Bourguiba : J’étais son fils aîné  et je garde, effectivement, beaucoup de souvenirs. J’avais dix-neuf ans quand il nous a quitté, et j’aurais aimé le garder encore plus, mais c’est ainsi. Mon père m’a beaucoup choyé, car il adorait les enfants, et était un très bon père de famille. Plus tard, mon frère a pris la relève, quand moi je suis devenu un peu plus grand. En fait, mon père était aussi poète dans sa manière d’être. Ma mère était plutôt autoritaire, mais mon père avait une bonne nature, et il adorait ses enfants. De ce fait, il se mettait rarement en colère, et quand ça lui arrivait, ça ne durait jamais longtemps. Plus tard, vers la fin de sa courte vie, son grand ami Béchir Farhat qui travaillait avec lui à l’ERTT, nous confiera également que mon père était tellement transparent dans ses rapports avec les gens, qu’il ne pouvait s’empêcher de l’afficher sur son visage, s’il était blessé ou en colère, de sorte que tous ceux qui l’approchaient se sentaient en confiance à son contact.

 

*Votre père est mort en 1956, à l’âge de 47ans, dans des circonstances assez tragiques…

Il est vrai que ça a dû être très dur ; mais je voudrais cependant corriger quelque chose, par devoir de mémoire envers mon père. En 1938, Othman Kaâk a demandé à mon père de travailler avec lui, pour la mise en place du bureau arabe de la Radio tunisienne. Mon père s’est donné corps et âme à cette nouvelle tâche, en se reconvertissant en animateur radiophonique, auteur d’émissions littéraires et critiques, écrivant aussi des pièces pour enfants, bref, apportant sa contribution à ce travail d’édification d’une structure sensible du pays. Quelqu’un d’autre succéda à Kaâk, et ensuite, avec l’indépendance du pays, la direction de l’ERTT étant devenue tunisienne, mon père fût « remercié », comme tout le monde d’ailleurs, sous prétexte qu’il avait travaillé sous la tutelle d’un colon. Mais j’insiste sur le fait que c’était une mesure qui visait tout le monde, sans restriction. Sauf que la nouvelle direction de l’ERTT fût remerciée à son tour, parce que le président Bourguiba avait vu que les choses déclinaient considérablement, et a nommé Abdelaâziz Laroui, en remplacement. Ce dernier a entrepris de (re)cruter petit à petit, tout le staff congédié, et a demandé à mon père de se préparer pour reprendre ses anciennes fonctions. Malheureusement, une crise d’urée a emporté mon père en une semaine, et il était donc trop tard pour entreprendre quoique ce soit…

 

*Il paraît que Mahmoud Bourguiba est tombé dans la rue, sous les Arcades plus exactement, parce qu’il avait eu le cœur brisé par cette injustice…

 

-C’est ce que raconte Moncef Charfeddine notamment ; mais mon père est mort dans son lit, entouré de tous les siens. Ce qui est étrange, c’est que l’épouse de M.Charfeddine, qui est une cousine, était avec nous à la maison quand ça s’est passé. Et,  je trouve dommage qu’on n’ait de cesse de reconduire cette erreur, alors qu’il est facile de vérifier auprès de ses enfants. Mon père a laissé trois garçons et trois filles, alors je trouve surprenant que personne n’ait cherché tout simplement à nous contacter, pour vérifier. Cela nous blesse au cœur à chaque fois.

 

*C’est l’occasion ou jamais d’en savoir plus sur Mahmoud Bourguiba : est-il né à Jerba, à Sidi-Bou Said, à Tunis ? Car il existe plusieurs versions sur ses origines…

-Les anciens nous ont appris que la famille Bourguiba, qui serait une seule famille à l’origine, était originaire de la Turquie. L’Empire Ottoman avait implanté des familles, à Jerba, Tripoli, Tourbet El Bey (Tunis), et nous en passons. Le grand-père de mon père était spécialiste des carrosses d’or des Beys. Il était établi à Tourbet El Bey. C’est là que mon père est né. Il y a fréquenté le Koutab  et ensuite, la prestigieuse Ezzeitouna, et puis la khaldounia quelques temps, pour apprendre le français. Mais,  je me souviens qu’entre 1940 et 1950, nous avions habité Hammam-Lif. Nous devions y rester un mois, mais mon père a tellement aimé cet endroit qu’on y est donc resté dix ans, avant de revenir à Tourbet El Bey.

 

*Avez –vous en souvenir, des fréquentations préférées de votre père alors ?

-Il fréquentait beaucoup de poètes, et à cette époque, c’était surtout Jaleleddine Naccache, Lârbi Kabadi, Ahmed Kheireddine…, en fait, tous ses compagnons de « Taht Essour » et ses collègues de la plume qu’il aura connu toutes ces années où il aura eu à s’occuper des pages littéraires de plusieurs journaux, dont je citerais : « Ezzohra », « Ennahdha », « Al Wazir »…

C’était une époque d’effervescence créatrice. Et,  je me souviens à titre d’anecdote, que Jaleleddine Naccache et Sadok Thraya avaient enfermé mon père dans les lieux d’aisance, et avaient exigé qu’il déclame très vite 200 vers, s’il voulait rattraper le dernier train de minuit, pour rentrer chez lui à Hammam-Lif. Il paraît que pour mon père, ça a été un jeu d’enfant.

 

*Justement, comment écrivait votre père ? Est-ce qu’il avait des manies, des rites ?

-C’était un gros travailleur, mon père ; mais il n’était pas matinal. Il écrivait tard dans la journée, et surtout le soir. Il le raconte d’ailleurs dans les mémoires qu’il nous a laissées, qu’il dormait rarement avant minuit, été comme hiver ; et qu’il lui arrivait de travailler jusqu’à quatre à cinq heures du matin, sans se lasser. Il est vrai qu’il ne pouvait vivre sans écrire, mais également sans lire. Il avait toujours un livre à portée de la main. Et,  il lisait surtout dans son lit, jusqu’à ce qu’il soit emporté par le sommeil.

Quand il avait un poème, ou une chanson en gestation, il appelait souvent ma mère pour qu’elle lui prépare sa table, dans la chambre à coucher, et il s’enfermait pendant deux heures, installé sur son lit, avec un coussin sur les genoux, et il travaillait d’arrache -pied jusque ce qu’il soit satisfait de sa trouvaille. Il m’appelait parfois, pendant ces longues séances, pour m’apprendre les règles de la poésie classique, mais je le suppliais de me libérer parce qu’à quatorze ans, on veut pouvoir s’amuser dehors avec les copains. Alors, il appelait parfois mon frère.

En fait,  il aimait transmettre ce que lui  avait appris, et en ce sens, il a aidé beaucoup de jeunes poètes ; dont M’naoeur Smadeh,  notamment. Et il était exigeant mais ouvert à tous les genres. Par exemple, il a traduit des poésies de Verlaine, et d’un autre poète français dont j’ai oublié le nom. Il a aussi traduit le « Barbier de Séville » parce qu’il adorait cette pièce.

Bref, il était fécond, très fécond ; et à chaque concours de joutes poétiques, il l’emportait haut la main. Et puis, pour les chansons, il démarrait au quart du tour, car mon père était très passionné et adorait la beauté sous toutes ses formes. C’était un bon mari, plein d’égards pour sa femme, mais il n’en faisait qu’à sa tête.

 

*Comment se fait-il que toutes les œuvres de votre père n’aient pas été éditées jusqu’à ce jour ?

-Vous savez, il nous tient à cœur que cela se fasse le plus tôt possible, avant que ces œuvres, documents inédits, et photos,  jamais publiés, ne soient complètement érodés par le temps, et perdus à jamais… Il est vrai que le ministère de la culture vient de sortir un livre  sur la vie et l’œuvre de Mahmoud Bourguiba, signé par Habib Ben Fdhila, mais ce n’est pas suffisant. Car il y a encore des recueils inédits, dont deux que l’on compte hélas pour perdus, puisqu’à deux reprises, (je suis ingénieur de son à l’ERTT), on me les avait demandés pour la préparation d’une émission-hommage à mon père. Je ne les ai jamais revu. Ils auraient disparu comme par enchantement.

Heureusement que la plupart de ses poèmes ont été publiés dans les divers journaux auxquels il a collaboré, et ils sont disponibles à la bibliothèque nationale. Mais,  il reste « Diwan Fadhila », un cahier avec des poésies, des chansons et des photos inédites, sur la vie de Fadhila Khetmi ; « Diwan El Wassila » sur Wassila Sabri et Aziza Naïm, également avec des photos inédites ; sans compter deux autres recueils, des documents d’époque, inédits, et quelque 700 chansons, enregistrées à l’ERTT.

Tout cela pour vous dire l’importance du legs poétique de mon père, dont on attend qu’il fasse l’objet d’une édition complète  de la part des instances culturelles de tutelle.

Car, à mon humble avis, pour les générations qui viendront après nous, et qui ne sauront pas que les chansons de Sadok Thraya, Hédi Jouini, Ali Riahi, Saliha, Oulaya, Naâma, Fethia Khaïri, et nous en oublions et des meilleurs, lesquelles chansons sont effectivement éternelles, c’est à Mahmoud Bourguiba que nous les devons. Et qu’il fût ce poète merveilleux et prodige, qui nous a quitté un peu trop tôt à notre gré…

 

Entretien conduit par : Samia HARRAR

 

(Source : « Le Temps » (Quotidien – Tunis), le 21 février 2008)

 


Le wahhabisme, négation de l’islam

 

 
Mezri Haddad philosophe, membre du Daedalos Institute of Geopolitics (Chypre). D’un point de vue politique, le discours présidentiel à Riyad est justifiable. D’un point de vue éthique, la foi de Sarkozy dans le changement au sein de ce royaume est louable. Mais croire à une contribution saoudienne dans l’élaboration d’une «politique de civilisation» à même de provoquer une sécularisation au cœur de l’islam est une pure et funeste chimère. Et pour cause : on ne peut pas être et avoir été. L’Arabie Saoudite a été le principal financier des mouvements intégristes dans le monde. Il est vrai qu’elle était en parfaite osmose avec les intérêts géopolitiques américains. C’est le traumatisme du 11 septembre 2001 qui a infirmé ces choix stratégiques que les Etats-Unis ont faits bien avant l’invasion de l’Afghanistan par l’URSS. Sous l’influence pernicieuse de la monarchie saoudienne, les dirigeants américains ont, en effet, longtemps soutenu l’islamisme comme alternative aux régimes arabes postcoloniaux. La prise de pouvoir par les talibans en Afghanistan était une victoire de l’idéologie saoudienne, un succès de la logistique pakistanaise et la consécration de la stratégie américaine. L’attaque du 11 Septembre a changé toute la donne. Mais, par on ne sait quelle ruse de l’Histoire, plutôt que d’amorcer le déclin de cette monarchie qui incarne ce qu’il y a de plus rétrograde dans l’islam, ces événements ont donné une nouvelle vie au régime saoudien. Les wahhabites doivent au fond remercier leur compatriote et disciple Ben Laden. Pour la simple raison que, comparé à la barbarie et au nihilisme d’Al-Qaeda, la théocratie wahhabite fait maintenant figure de régime modéré. Or toutes les tendances de l’islamisme ont les mêmes maîtres à penser, les mêmes dogmes (l’islam est religion et politique, le jihad et le martyr sont un devoir religieux…) et les mêmes objectifs : éradiquer les apostats (musulmans), combattre les mécréants (juifs et chrétiens), établir une théocratie coranique. «La politique de civilisation, c’est ce que font tous ceux qui œuvrent pour un islam ouvert, un islam qui se souvient des siècles où il était le symbole de l’ouverture et de la tolérance… C’est ce que fait l’Arabie Saoudite», disait Nicolas Sarkozy dans son discours de Riyad.
Bien au contraire, dès sa naissance en 1932, la monarchie saoudienne a effacé quatorze siècles de civilisation, a cultivé et propagé partout dans le monde un islam sectaire, sclérosé, intolérant et des plus fanatiques. C’est une erreur de prendre les dernières réformettes de cette monarchie pour des réformes stratégiques et structurelles. Ces mesures cosmétiques ont été entreprises sous la panique à l’idée d’être le maillon faible du «Grand Moyen-Orient démocratique» décrété par Bush. C’était un analgésique pour calmer le Léviathan très en colère après les attentats du 11 Septembre – dont le cerveau était Ben Laden, un proche de l’oligarchie régnante, et la majorité des terroristes, des sujets saoudiens. Cette oligarchie n’est d’ailleurs pas dupe. A la moindre réforme profonde – comme celle, primordiale, des manuels scolaires -, c’est tout l’édifice saoudien qui menacera de s’écrouler à moyen terme. Il est par conséquent évident que la France, qui souhaite moderniser l’islam, ne peut pas établir une alliance «civilisationnelle» avec une Arabie wahhabite qui n’a jamais abandonné le rêve insensé d’islamiser la modernité. C’est une illusion de considérer ce pays comme représentatif des musulmans dans le monde, encore moins comme figure emblématique de l’islam sunnite. Certes, le pays abrite les lieux saints de l’islam, mais il n’incarne pas pour autant l’islam quiétiste et spirituel pratiqué par la majorité des musulmans. La religion de l’Arabie Saoudite n’est guère l’islam mais le wahhabisme, une secte hérétique déguisée en orthodoxie islamique, dont Ben Laden est le pur produit. Né d’une rencontre, en 1745, entre un prédicateur inculte et illuminé – Muhammad ibn Abd al-Wahhab (1703-1792) – et un chef de guerre impitoyable et ambitieux – Muhammad ibn Saoud (1705-1765) -, le wahhabisme a été d’emblée combattu par les plus grandes autorités islamiques du Caire, d’Istanbul, de Damas, de Bagdad, de Tunis et de Fès.
La réforme (religieuse) du wahhabisme est impossible et même absurde. Penser le contraire, c’est admettre implicitement que le wahhabisme puisse être l’une des expressions de l’islam. Or le wahhabisme, c’est la négation même de l’islam, c’est la nécrose de la civilisation islamique. Ce n’est pas de l’Orient arabe, encore moins de l’Arabie Saoudite, que sortira un islam des Lumières, mais de l’Occident arabe, de ce Maghreb qui a enfanté Ibn Khaldun et Averroès, le dernier philosophe né en terre d’islam. Il est noble de croire, comme Nicolas Sarkozy, à une possible évolution de l’Arabie Saoudite vers la modernité. Le problème, c’est que l’un des dogmes constitutifs du wahhabisme est précisément le rejet du changement, considéré comme une injonction coranique. Il faut donc abolir le wahhabisme. Sans lui, l’Arabie Saoudite pourrait évoluer et se réformer. Mais sans le wahhabisme, y aurait-il encore une Arabie Saoudite ? (Source : « Libération » (Quotidien – France), le 21 février 2008) Lien: http://www.liberation.fr/rebonds/311315.FR.php

 

 

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