18 octobre 2010

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TUNISNEWS 10 Úme année, N° 3800 du 18.10.2010
 archives :www.tunisnews.net 


Reporters sans frontiÚres: Sakher Materi, gendre du président, décoré. Le sénat italien se déshonore Liberté et Equité: Arrestations des jeunes Mahfoudh Ayari et Jihad Belhajj Salah à Mateur Comité National de Soutien aux Populations du Bassin Minier: Libération Ridha Amaïdi

Afrik.com: La censure sur le Net, une rĂ©alitĂ© en Egypte et en Tunisie – Human Rights Watch sort un rapport Afef Bennaceur: OnziĂšme jour de la grĂšve de la faim de Fahem Boukadous et de son calvaire Le Soir: Radhia Nasraoui, l’avocate tunisienne qui se bat pour son mari Abou Firas: Lettre ouverte Ă  Monsieur BĂ©chir Ben Yahmed – Jeune Afrique – AP: Un jeune Carthaginois “rĂ©apparaĂźt” plus de 26 siĂšcles aprĂšs sa mort

Leaders: Comment changer l’image de la femme dans les mĂ©dias tunisiens ? L’exemple de Leaders RĂ©alitĂ©s: Tahar Belkhodja : Ma vĂ©ritĂ© sur les dĂ©cennies Bourguiba


Reporters sans frontiĂšres TUNISIE

Sakher Materi, gendre du président, décoré. Le sénat italien se déshonore


18.10.2010
Reporters sans frontiĂšres est scandalisĂ©e par le choix du prĂ©sident du SĂ©nat italien, Nicola Squiteiri, qui a dĂ©cernĂ© le prix « Guido dorso » de la presse et de l’information, le 17 octobre dernier, Ă  Sakher Materi, prĂ©sident-directeur gĂ©nĂ©ral d’El-Materi Princess Group et prĂ©sident des conseils d’administration de Dar Assabah et de Radio Zitouna. Ce prix, fondĂ© il y a 31 ans, est censĂ© rĂ©compenser l’apport du laurĂ©at dans le domaine de la presse et de l’information.   L’heureux Ă©lu n’est autre que le gendre du PrĂ©sident tunisien Zine El-dine Ben Ali. Il a,  certes, créé des mĂ©dias privĂ©s, mais ils ne sont en rien indĂ©pendants du pouvoir tunisien. Au contraire.   Le SĂ©nat italien semble avoir oubliĂ© que la Tunisie ne brille pas par son ouverture dans le domaine de la libertĂ© de la presse. Depuis la réélection de Zine El-Abidine Ben Ali en octobre 2009, la rĂ©pression n’a fait que se renforcer contre les dĂ©fenseurs de la libertĂ© d’expression. Taoufik Ben Brik a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© et condamnĂ© Ă  six mois de prison ferme dans une affaire montĂ©e de toutes piĂšces. Le cyberdissident ZouhaĂŻer Makhlouf a Ă©galement Ă©tĂ© incarcĂ©rĂ©. Aujourd’hui, c’est le journaliste Fahem Boukadous, condamnĂ© Ă  quatre ans de prison ferme, qui est derriĂšre les barreaux, malgrĂ© un Ă©tat de santĂ© plus que critique. A ceci il faut ajouter l’adoption, par les autoritĂ©s tunisiennes, de l’amendement de l’article 61bis du code pĂ©nal tunisien qui risque Ă  terme de limiter la libertĂ© de parole. Et on ne compte plus les procĂšs iniques, les agressions physiques, le harcĂšlement policier et les tracasseries administratives Ă  l’encontre des journalistes indĂ©pendants qui vivent un vĂ©ritable calvaire.   La remise de ce prix Ă  Sakher Materi dĂ©shonore l’institution pourtant respectable qu’est le SĂ©nat italien. En dĂ©cernant ce prix, il bafoue les valeurs qui l’animent.

Liberté pour Sadok Chourou, le prisonnier des deux décennies Liberté pour tous les prisonniers politiques Liberté et Equité Organisation de droits humains indépendante 33 rue Mokhtar Atya, 1001, Tunis Tel/fax : 71 340 860

Nouvelles des libertés en Tunisie


1)   Arrestations des jeunes Mahfoudh Ayari et Jihad Belhajj Salah Ă  Mateur   Aujourd’hui 17 octobre, le jeune Mahfoudh Ayari, ex prisonnier d’opinion, a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© en compagnie du jeune Jihad Belhajj Salah Ă  Mateur. Ils ont Ă©tĂ© emmenĂ©s dans un lieu inconnu alors qu’ils se dĂ©plaçaient dans le cadre de leur travail en tant que marchands ambulants. L’ex prisonnier d’opinion Mahfoudh Ayari est en butte depuis sa sortie de prison Ă  la rĂ©pression quotidienne des agents de la police politique. Le jeune Jihad Ben Salah est en butte aussi au harcĂšlement de ces agents. Ils posent des questions Ă  son sujet, se prĂ©sentent Ă  son domicile et le convoquent au district de police pour l’interroger. [
] Organisation LibertĂ© et EquitĂ© (traduction d’extraits ni revue ni corrigĂ©e par les auteurs de la version en arabe, LT)

Comité National de Soutien aux Populations du Bassin Minier Le 17 octobre 2010 Information

Libération Ridha Amaïdi


Le syndicaliste Ridha AmaĂŻdi a Ă©tĂ© libĂ©rĂ© il y a peu de temps aprĂšs avoir rĂ©digĂ© une demande d’arrĂȘt des recherches. On lui a demandĂ© de revenir au district de la garde Ă  Metlaoui demain pour achever de rĂ©gler sa situation. Ridha AmaĂŻdi avait Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© ce matin alors qu’il Ă©tait sur la route menant de Redeyef Ă  Tozeur, en vertu d’un mandat de recherches Ă©mis contre lui en 2008 Ă  la suite du mouvement de protestation du bassin minier [
] ComitĂ© national de soutien aux populations du bassin minier (traduction d’extraits ni revue ni corrigĂ©e par les auteurs de la version en arabe, LT)


 

La censure sur le Net, une réalité en Egypte et en Tunisie

Human Rights Watch sort un rapport


 

L’ONG amĂ©ricaine Human Rights Watch sort un rapport sur la censure sur le Net et la rĂ©pression envers les internautes en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Pays visĂ©s : la Tunisie, l’Egypte, la Syrie et l’Iran.

De notre partenaire El Watan

Alors que le Sommet mondial sur la sociĂ©tĂ© de l’information (SMSI) s’est ouvert mercredi Ă  Tunis, « la Tunisie continue d’emprisonner des personnes qui expriment leurs opinions sur le Net et supprime les sites Internet qui critiquent le gouvernement », a dĂ©clarĂ©, hier, l’ONG amĂ©ricaine Human Rights Watch (HRW) dans un rapport intitulĂ© « Fausse liberté : la censure sur le Net au Moyen-Orient et en Afrique du Nord ». Le rapport analyse la rĂ©pression envers les utilisateurs d’Internet dans ces rĂ©gions, particuliĂšrement en Tunisie, en Iran, en Syrie et en Egypte.

Pour Sarah Leah Whitson, directrice de la division du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord Ă  HRW, « les gouvernements du Moyen-Orient devraient prouver leurs engagements pour la construction d’une sociĂ©tĂ© de l’information en mettant fin Ă  la censure politique des sites Internet et en libĂ©rant les Ă©crivains emprisonnĂ©s pour avoir exprimĂ© leurs opinons politiques en ligne ». L’organisation considĂšre qu’Internet reste un moyen de contourner la censure de la presse. « Les sites en langue arabe ou en farsi peuvent atteindre une audience de millions de visiteurs, gratuitement et trĂšs rapidement », a affirmĂ© Whitson.

Le SMSI à Tunis, « une humiliation »

HRW s’est aperçu que ces gouvernements appliquaient des politiques contradictoires Ă  l’égard d’Internet. « Avec plus ou moins d’enthousiasme, ils cherchent Ă  faciliter la diffusion des technologies de l’information et de la communication en gardant Ă  l’esprit leurs intĂ©rĂȘts Ă©conomiques. Mais ils cherchent, en mĂȘme temps, Ă  avoir la mainmise sur la circulation de l’information », note l’ONG. En Tunisie, selon HRW, le gouvernement emprisonne des internautes qui publient des critiques sur le Net et ferme des sites publiant des rapports sur les abus des droits de l’Homme. « Quand j’ai appris, la premiĂšre fois, que le sommet aurait lieu ici, que la dictature aurait la chance de se montrer sous son meilleur visage, celui de la modernitĂ©, et qu’elle pourrait cacher tout le reste, j’ai vu cela comme une humiliation », a confiĂ©, Ă  l’ONG, Mokhtar Yahyaoui, du Centre tunisien pour l’indĂ©pendance de la justice.

La police en civil a arrĂȘtĂ© le journaliste en ligne tunisien Mohamed Abou, le 1er mars 2005. La veille, il avait publiĂ© un article sur un site prohibĂ©, qui comparait le prĂ©sident Zine El Abidine Ben Ali au Premier ministre israĂ©lien Ariel Sharon. Abou purge maintenant une peine de trois ans de prison Ă  Le Kef (environ 200 km au sud-ouest de Tunis). En Iran, suite Ă  la fermeture par le gouvernement des journaux rĂ©formistes, Internet est devenu le principal moyen de communication pour Ă©changer informations politiques et idĂ©es. Le pays compte sept millions d’internautes, ce qui alimente le dĂ©veloppement de la sociĂ©tĂ© civile, estime HRW. Le gouvernement rĂ©agit en emprisonnant des internautes, bloggers et administrateurs de sites.

Répression en Egypte

En Egypte, des activistes et bloggers utilisent dĂ©sormais Internet, les messages Ă©lectroniques et les SMS pour attirer l’attention sur les violations des droits de l’Homme, pour organiser des manifestations et mĂȘme pour harmoniser les slogans chantĂ©s lors des protestations. Le premier site Internet des FrĂšres musulmans est fermĂ©. Le 26 octobre 2005, des agents de sĂ©curitĂ© en civil ont emprisonnĂ© le blogger Ă©gyptien Abd Al Karim Nabil Souleiman Ă  Alexandrie et ont confisquĂ© les tirages de ses Ă©crits en ligne. Souleiman Ă©tudiait la jurisprudence islamique Ă  l’universitĂ© Al Azhar Ă  Mouharram Bek, un district d’Alexandrie qui fut, quelques jours avant son arrestation, le dĂ©cor funeste d’émeutes sectaires. Le 22 octobre, il avait postĂ© des commentaires sur Internet critiquant les Ă©meutiers musulmans et l’Islam.

En Syrie, les autoritĂ©s censurent avec facilitĂ© les informations et les correspondances grĂące Ă  l’état d’urgence promulguĂ© il y a plus de 40 ans. Le gouvernement manipule la structure mĂȘme d’Internet, limitant l’usage des rĂšgles de base qui permettent aux gens d’envoyer des messages Ă©lectroniques et de construire des sites. Les forces de sĂ©curitĂ© dĂ©tiennent des internautes isolĂ©s du monde extĂ©rieur et qui subissent des tortures, selon HRW. Mais les Syriens, relĂšve l’ONG, trouvent de nouveaux moyens pour contourner la censure. « Internet est aujourd’hui en Syrie le seul moyen pour les intellectuels de se rencontrer et de partager des idĂ©es », indique ainsi un activiste syrien des droits de l’Homme Ă  HRW.

(Source: afrik.com le 18 octobre 2010) Lien:http://www.afrik.com/article9049.html

 


Carte de visite 18 octobre 2010

OnziĂšme jour de la grĂšve de la faim de Fahem Boukadous et de son calvaire


Aujourd’hui, Fahem a pu se rendre au parloir avec difficultĂ©. La premiĂšre chose qui m’a frappĂ©e c’est son Ă©tat extrĂȘmement critique : sa pĂąleur Ă©vidente, la difficultĂ© Ă  poser son regard, sa perte de poids visible. Il m’a dit qu’il avait une infection des bronches, une baisse de tension artĂ©rielle et une augmentation inquiĂ©tante des globules blancs (14100 quand la moyenne est de 10000) ce qui menace son immunitĂ©. Son poids a chutĂ© de plus de 5 kilos. Il a Ă©tĂ© transportĂ© aux urgences de l’hĂŽpital de Gafsa Ă  deux reprises Ă  la suite de crises d’asthme les lundi 11 et vendredi 15 octobre. Les examens pratiquĂ©s ont rĂ©vĂ©lĂ© une infection thoracique et le mĂ©decin lui a prescrit des antibiotiques qu’il n’a pas pris car ils sont nocifs s’il ne prend pas de nourriture. MalgrĂ© ces Ă©preuves physiques Fahem reste dĂ©terminĂ© et il reste dĂ©terminĂ© Ă  continuer sa grĂšve jusqu’à l’obtention de sa libertĂ©, quoi qu’il en coĂ»te. Il remercie chaleureusement tous les ĂȘtres libres qui en Tunisie et dans le monde sont prĂȘts Ă  se mobiliser pour des causes justes et refusent de marchander la libertĂ©, la vĂ©ritĂ© et la dĂ©termination. Il exhorte toutes les associations et les organisations de droits humains et politiques Ă  continuer de solidariser avec son combat pour la libertĂ© et la vie. LibertĂ© pour Fahem Boukadous Demain verra l’aube d’un jour nouveau Afef Bennaceur (traduction d’extraits ni revue ni corrigĂ©e par l’auteure de la version en arabe, LT)  

 


Radhia Nasraoui, l’avocate tunisienne qui se bat pour son mari


BAUDOUIN LOOS

lundi 18 octobre 2010, 16:27

Dure, la vie d’avocate, en Tunisie, lorsqu’on voue sa vie Ă  dĂ©fendre les droits de l’homme, lorsque l’on fait partie d’une association qui lutte contre la torture, et lorsque son propre mari est le chef d’un parti politique non reconnu qui s’est rĂ©fugiĂ© depuis quelques mois dans la clandestinitĂ©.

Radhia Nasraoui, c’est d’elle qu’il s’agit, lance un appel en faveur de Hamma Hammami, son mari. Ce dernier, qui a dĂ©jĂ  connu les geĂŽles du rĂ©gime du prĂ©sident Ben Ali Ă  plusieurs reprises, a quittĂ© les Ă©crans radar de la police politique tunisienne le 12 octobre 2009, quand une vingtaine de policiers s’étaient vainement prĂ©sentĂ©s au domicile tunisois du couple.

 
Quelques jours plus tĂŽt, Ă  son retour de France, il avait Ă©tĂ© sĂ©vĂšrement battu Ă  Tunis par des hommes de main au beau milieu de l’aĂ©roport. Comme souvent, sa plainte n’avait pas Ă©tĂ© actĂ©e par la police. Son vrai « crime » ? Des dĂ©clarations sans complaisance contre le rĂ©gime donnĂ©es Ă  des tĂ©lĂ©visions (Al-Jazira et France 24). ConvoquĂ© ensuite Ă  la brigade criminelle, il choisit alors la clandestinitĂ©, comme il l’avait dĂ©jĂ  fait quelques annĂ©es plus tĂŽt. Le ministre tunisien de la justice dira peu aprĂšs qu’« une plainte avait Ă©tĂ© dĂ©posĂ©e contre lui et contre son Ă©pouse par un citoyen qu’ils avaient agressĂ© ».
 
La mĂ©thode qui consiste Ă  accuser d’« agression physique » des journalistes ou des militants des droits humains n’est pas neuve. Notre confrĂšre Taouffik Ben Brik le sait bien, qui encourut une plainte semblable Ă  Paris en 2002 (il vient d’ĂȘtre relaxĂ©) et fut condamnĂ© Ă  Tunis Ă  six mois de prison ferme (qu’il a prestĂ©s jour pour jour) dans une autre affaire du genre en novembre 2009.
 
Dans le communiqué que Radhia Nasraoui a rendu public ces derniers jours, elle révÚle que son mari a subi avec succÚs une intervention chirurgicale dans la clandestinité.
Mais qui est Hamma Hammami ? D’abord et avant tout un homme qui se situe dans la gauche radicale. Son parti, le PCOT (parti communiste ouvrier de Tunisie) est interdit. Le journal du parti, Al Badil, subit le mĂȘme sort depuis 1991 (il existe nĂ©anmoins en ligne). Comme le dit sa femme, « depuis l’arrivĂ©e de Ben Ali au pouvoir, mon mari a Ă©tĂ© maintes fois traduit en justice, condamnĂ© suite Ă  des procĂšs inĂ©quitables Ă  de longues annĂ©es de prison pour des dĂ©lits d’opinion ou parfois pour des dĂ©lits de droit commun, dans le but de le discrĂ©diter. Il a souvent purgĂ© ses peines au pavillon des condamnĂ©s Ă  mort et subi tortures, mauvais traitements, agressions. Jamais il n’a eu la chance de voir ses plaintes donner lieu Ă  enquĂȘte ».
 
Radhia Nasraoui elle-mĂȘme continue son mĂ©tier avec bien des difficultĂ©s – « ils essaient par l’intimidation de dissuader tous mes clients de me confier leurs affaires, heureusement tout le monde ne se laisse pas faire », nous dit-elle – alors que son cabinet a plusieurs fois reçu la visite de cambrioleurs jamais identifiĂ©s. Mais, pour le moment, ce qui anime cet infatigable petit bout de femme, c’est le sort prĂ©caire de son mari dans la tourmente, comme elle l’explique dans son communiquĂ© : « J’appelle les organisations de dĂ©fense des droits de l’Homme, les partis politiques et toutes les personnes concernĂ©es par les libertĂ©s Ă  exprimer leur solidaritĂ© avec mon mari Hamma Hammami pour que cesse enfin le calvaire que vit notre famille ».
 
(Source: “Le Soir” (Quotidien – Belgique) le 18 octobre 2010)

 Lettre ouverte Ă  Monsieur BĂ©chir Ben Yahmed – Jeune Afrique –  


 

 
Par Abou Firas.   J’ai mis longtemps Ă  vous Ă©crire cette lettre, partagĂ© entre l’inutilitĂ© du geste et son absence d’impact. A chaque fois ou je lis vos analyses je me plais Ă  en partager l’essentiel , je suis admiratif de votre luciditĂ©, modĂ©ration et recul.   Finalement je le fais par respect pour vous, car aprĂšs votre parcours personnel et professionnel, vous ĂȘtes ce que nous pouvons  appeler  “une institution”, et Ă  ce titre vous n’avez pas le droit de cĂ©der à  la facilitĂ©, Ă  l’appĂąt du gain ou encore moins Ă  la flagornerie inacceptable.   Monsieur, vous avez Ă©tĂ© l’un des ministres les plus Ă©coutĂ©s d’un grand prĂ©sident tunisien Ă  ses dĂ©buts. Par humilitĂ©, vous n’avez pas voulu dire dans quelles conditions vous avez du quitter ce grand politicien mais nĂ©anmoins homme arabe et africain, avec toutes ses grandeurs et ses dĂ©chĂ©ances.   Monsieur. Je suis frappĂ©, outrĂ© et scandalisĂ© par votre silence assourdissant en ce qui concerne la Tunisie de Ben Ali, de sa femme et de leurs familles. Est-il concevable que vous soyez Ă  ce point silencieux face Ă  ce qui s’apparente comme une des plus grandes farces du monde arabo-musulman de notre Ă©poque ?   Seriez-vous ignorant de la main mise des familles du prĂ©sident et de sa femme et de leurs alliĂ©s sur l’Ă©conomie du pays ? des mascarades d’Ă©lections depuis 20 ans ? d’un rĂ©gime hyper-centralisĂ© qui n’a de cesse que de protĂ©ger ses sbires et leurs malversations ? des injustices flagrantes commises par l’administration envers les citoyens et sa grande bienveillance Ă  tous les abus, dĂ©tournements de toutes sortes commises dans notre pays ?   Seriez-vous Ă  ce point ignorant des manouvres de coulisse, ou le pouvoir en rĂ©alitĂ© est partagĂ© entre une poignĂ©e (le mot est juste) d’hommes aux ordres simultanĂ©s de Ben Ali et de sa femme de plus en plus omniprĂ©sente ? Vous ĂȘtes si silencieux devant la mascarade qui se rĂ©pĂšte d’un plĂ©biscite populaire demandant ou plutĂŽt implorant un prĂ©sident de briguer un 6Ăšme mandat consĂ©cutif Ă  l’Ăąge de 79 ans et de modifier pour cela la constitution -encore une fois- afin de consacrer de fait une prĂ©sidence Ă  vie.   Seriez-vous mal informĂ© des abus d’une bande de malfrats qui a accumulĂ© au fil de ces derniĂšres annĂ©es des richesses au dĂ©fi de toutes les lois, de toute Ă©thique,  dans tous les domaines licites et surtout illicites ?   Votre Ă©quipe et vous-mĂȘme seriez vous si mal informĂ©s que l’Ă©tat de l’Ă©conomie rĂ©elle tunisienne puisse vous Ă©chapper : investissement privĂ© trĂšs faible, chĂŽmage explosif , clientĂ©lisme et corruption galopantes ? votre rĂ©daction donne du  “l’homme d’affaires” aux voyous notoires de ce rĂ©gime qui saigne Ă  blanc l’Ă©conomie de toute une nation, comme si ces hommes d’affaires sont un pur produit de rĂ©ussite au mĂ©rite.   Est-il concevable que vous soyez insensible aux tracas (et le mot est si faible) d’une courageuse poignĂ©e de femmes et d’hommes dignes qui souffrent dans leur chair tous les jours juste par ce qu’ils ont osĂ© braver le gĂ©nĂ©ral et sa bande ? vos colonnes ne leur donnent pas la parole ou si peu. Le mĂȘme silence vis-Ă -vis des milliers de jeunes traduits devant la justice pour des raisons politiques et les milliers de prisonniers d’opinion dans le pays dont vous ne cessez de vanter les mĂ©rites.   Seriez-vous si ignorant des milliers de prisonniers politiques qui sont jugĂ©s par une justice corrompue et obĂ©issant Ă  des lois scĂ©lĂ©rates et inconstitutionnelles.   Seriez-vous Ă  ce point dĂ©connectĂ© de la rĂ©alitĂ© Tunisienne et de la grande frustration de tout un peuple face Ă  ces familles de voyous ? Seriez-vous sourds aux rĂ©criminations de ce peuple qui ne se cache plus pour critiquer ouvertement les pratiques de plus en plus mafieuses de ce rĂ©gime ?   Pourquoi au point de reproduire dans certains de vos articles les arguments peu glorieux d’une presse aux ordres de ce rĂ©gime ?   Et votre silence personnel ?……  Et votre silence personnel ?   Qu’une personne anonyme comme moi ait peur d’affronter un rĂ©gime criminel qui ne reculera pas devant toutes les pratiques inavouables pour me faire taire et m’Ă©craser ? Mais vous ? De quoi auriez-vous peur ? Ou quel marchĂ© justifie un silence aussi coupable ?   Votre ligne de rĂ©daction choisie pour ne pas heurter un pouvoir qui pourrait vous interdire la diffusion sur un marchĂ© important justifie t’elle cette connivence coupable ? Je n’ose comparer votre comportement Ă  un autre journaliste -ou presque-  , tunisien et qui sur les ondes de sa chaine satellitaire fait comme si la Tunisien n’existe plus sur la carte du monde, d’aprĂšs les termes d’un juteux accord avec un rĂ©gime voyou.   Je ne suis pas un donneur de leçons.. Loin de la … je suis conscient de ma faiblesse et de ma vulnĂ©rabilitĂ© mais si des gens comme vous s’inclinent devant l’ignominie … l’espoir est fatalement perdu.   Vous ne mĂ©ritez pas qu’on s’adresse Ă  vous Mr BĂ©chir Ben Yahmed derriĂšre l’anonymat d’internet de peur des reprĂ©sailles d’un rĂ©gime dont vous avez choisi d’ĂȘtre l’alliĂ©.   Un rĂ©voltĂ© anonyme.

 

Un jeune Carthaginois “rĂ©apparaĂźt” plus de 26 siĂšcles aprĂšs sa mort


AP 17/10/2010 TUNIS (AP) — DĂ©couvert en 1994 par une Ă©quipe d’archĂ©ologues tunisiens et français, le squelette d’un jeune homme ayant vĂ©cu Ă  Carthage au VIe siĂšcle avant J.-C. a “repris vie” grĂące Ă  une reconstitution rĂ©alisĂ©e par le laboratoire parisien d’Elisabeth DaynĂšs spĂ©cialisĂ© en dermoplastie. C’est sur la colline de Byrsa, Ă  l’entrĂ©e du musĂ©e de Carthage qui surplombe la baie de Tunis, qu’une chambre funĂ©raire datant de l’Ă©poque punique a Ă©tĂ© “fortuitement” dĂ©couverte Ă  prĂšs de cinq mĂštres de profondeur, alors qu’il Ă©tait question au dĂ©part de planter un arbre Ă  cet endroit prĂ©cis. Une des deux tombes juxtaposĂ©es renfermait “le squelette presque intact” d’un Carthaginois, et les analyses devaient dĂ©montrer qu’il avait vĂ©cu il y a quelque 27 siĂšcles. Ce haut lieu de l’histoire d’une Carthage maintes fois dĂ©truite, notamment par le gĂ©nĂ©ral romain Scipion-Emilien en reprĂ©sailles des victoires remportĂ©es sur Rome par le cĂ©lĂšbre chef carthaginois Hannibal, “est aujourd’hui ressuscitĂ© Ă  travers la ‘renaissance’ de l’un de ses fils”, se rĂ©jouit le Pr LeĂŻla Ladjimi SebaĂŻ, directeur de recherche Ă  l’Institut national du patrimoine (INP) de Tunisie. La fouille et l’Ă©tude de la sĂ©pulture et le “mobilier funĂ©raire” ont alors Ă©tĂ© confiĂ©es Ă  l’archĂ©ologue français Jean-Paul Morel, professeur Ă©mĂ©rite Ă  l’universitĂ© de Provence, alors en mission Ă  Carthage-Byrsa. L’Ă©tude anthropologique menĂ©e par la chercheuse, le Pr Sihem Roudesli-Chebbi, puis par l’AmĂ©ricaine Karen Ramey Burns, devait rĂ©vĂ©ler que le squelette Ă©tait celui “d’un trĂšs jeune homme ĂągĂ© de 19 Ă  24 ans, d’une belle stature, assez robuste et d’une taille d’environ 1m70”. PrĂ©sentant un crĂąne plutĂŽt long, un front large, une face relativement Ă©troite, un orifice nasal plutĂŽt fin et Ă©troit, des orbites hautes et une rĂ©gion mentonniĂšre vraisemblablement carrĂ©e, les anthropologues le rapprochent d’un type europĂ©en, hispanique, appartenant donc au bassin mĂ©diterranĂ©en. Le Pr Morel en conclut que “ce jeune homme Ă©tait sans doute bien nĂ©, selon la qualitĂ© de sa sĂ©pulture et celle des objets qui l’accompagnaient dans son ultime voyage”. Il s’agit de divers objets en cĂ©ramique, notamment des amulettes de style Ă©gyptisant en stĂ©atite et “une trĂšs belle gemme scarabĂ©e figurant un athlĂšte agenouillĂ© en position de course, ainsi que de fragments de tissus et d’ossements d’une oie sacrificielle”. AprĂšs plusieurs annĂ©es de labeur et grĂące Ă  la dermoplastie qui, selon le Pr LeĂŻla SebaĂŻ, “s’appuie sur la technique la plus exacte et l’art le plus accompli, le squelette a retrouvĂ© sa physionomie, ses traits, son visage, ses vĂȘtements, bref son apparence humaine”. Souriant, vĂȘtu de sa tunique phĂ©nicienne en lin blanc, portant des sandales Ă  la mode carthaginoise, ce tĂ©moin exceptionnel de Carthage de l’Ă©poque punique est exposĂ© au public depuis samedi au musĂ©e de la citĂ© d’Hannibal. La reconstitution “saisissante” du “jeune homme de Byrsa” semble Ă  tel point proche du rĂ©el que des archĂ©ologues et palĂ©o-anthropologues impressionnĂ©s par la performance scientifique s’interrogeaient sur sa façon de parler et sur ses occupations quotidiennes au VIĂšme siĂšcle avant J.-C., rapporte le chroniqueur de l’agence TAP, Abdelmajid Bettaib. L’atelier parisien de la dermoplasticienne Elisabeth DaynĂšs avait rĂ©alisĂ© auparavant d’autres reconstitutions Ă  partir de fossiles, dont celles de “l’Homme de Neandertal”, de “Lucy” et du portrait du pharaon Toutankhamon. L’opĂ©ration a Ă©tĂ© conduite par le bureau tunisien du Conseil international des musĂ©es (ICOM), une ONG associĂ©e Ă  l’UNESCO.

 
 

Comment changer l’image de la femme dans les mĂ©dias tunisiens ? L’exemple de Leaders


17/10/2010
Les mĂ©dias sont-ils Ă©quitables Ă  l’égard de l’image et des reprĂ©sentations de la femme dans le monde arabe? Comment lutter contre les stĂ©rĂ©otypes qui plombent cette image et la confinent souvent Ă  un statut rĂ©ducteur, immĂ©ritĂ© ? Et surtout, quelle dĂ©marche suivre : rĂ©gulation, autorĂ©gulation, prise de conscience, formation des journalistes et animateurs radio et TV? Mohamed Gontara, Ă  la tĂȘte du CAPJC, ne pouvait choisir meilleur thĂšme (Le genre  social dans les mĂ©dias), ni meilleurs intervenants et meilleure opportunitĂ© pour ce grand dĂ©bat. A la veille de la tenue Ă  Tunis des assises de l’Organisation de la Femme Arabe, prĂ©sidĂ©e par la PremiĂšre Dame de Tunisie, il a invitĂ© journalistes, chercheurs en communication et enseignants Ă  l’Ipsi pour dresser l’état des lieux et, surtout, dĂ©finir des modes opĂ©ratoires efficaces. Au mĂȘme moment Ă  Paris (le 13 octobre prĂ©cisĂ©ment), c’est dire l’acuitĂ© du thĂšme, la France convertissait la Commission « Image des femmes dans les mĂ©dias », mise en place en 2008 et placĂ©e auprĂšs de la SecrĂ©taire d’Etat chargĂ©e de la Famille et de la SolidaritĂ©, et prĂ©sidĂ©e par MichĂšle Reiser, devient officiellement une instance de veille chargĂ©e d’examiner les efforts et les progrĂšs rĂ©alisĂ©s par les mĂ©dias en termes de reprĂ©sentation des femmes. La SecrĂ©taire d’Etat, Nadine Morano lançait ce jour-lĂ  une dĂ©marche inĂ©dite d’autorĂ©gulation, sous forme de charte signĂ©e en acte d’engagement par des reprĂ©sentants des diffĂ©rents mĂ©dias pour une dĂ©marche Ă©quilibrĂ©e visant Ă  favoriser la lutte contre la sous-reprĂ©sentation des femmes, faire Ă©voluer les mentalitĂ©s et promouvoir l’égalitĂ© entre les hommes et les femmes. A Tunis, au cours du dĂ©bat au CAPJC, Hamida El Bour, Fatma Azzouz, Naziha Zouabi, Zohra Gharbi et nombre d’autres intervenants avaient soulignĂ© l’importance d’une prise de conscience collective des communicateurs tunisiens, plaidant pour une mise en avant des rĂ©ussites fĂ©minines dans le monde arabe. Au nom de Leaders, Samira Chtila, trĂšs Ă  l’aise avec le concept Ă©ditorial adoptĂ© par notre journal en ligne et rĂ©confortĂ© par le grand nombre de success stories mises en ligne, n’avait que l’embarras de choix quant aux exemples Ă  rappeler. « La femme tunisienne, a-t-elle soulignĂ©, mĂ©ritent effectivement une meilleure mĂ©diatisation, plus Ă©quilibrĂ©e, plus juste et plus valorisante. Qu’elle soit dans les champs, ou les laboratoires, elle est toujours laborieuse, studieuse, accrochĂ©e Ă  ses multiples statuts d’épouse, de maman, de gestionnaire du foyer et d’agent Ă©conomique et social. Sa rĂ©ussite est Ă  mesurer sur tous ces fronts et elle est impressionnante. » Samira a expliquĂ© qu’en parlant des femmes tunisiennes qui rĂ©ussissent au pays et Ă  l’étranger, et en soulignant leurs mĂ©rites, Leaders a contribuĂ© Ă  rendre justice Ă  tant de talents et de compĂ©tences peu connues. « Cet Ă©lan, a-t-elle appelĂ©, doit se poursuivre, en approche gĂ©nĂ©rale, par tous les mĂ©dias. C’est non-seulement un vecteur d’image pour notre pays, mais aussi un devoir de reconnaissance Ă  l’égard de la femme, auquel nous devons tous souscrire, naturellement.»  
(Source: Leaders.com le 17 octobre 2010) Lien: : http://www.leaders.com.tn/article/comment-changer-l-image-de-la-femme-dans-les-medias-tunisiens-l-exemple-de-leaders?id=3197
 

Tahar Belkhodja : Ma vérité sur les décennies Bourguiba


Il y a de cela douze ans, Tahar Belkhodja avait créé l’évĂšnement, et la polĂ©mique aussi, avec son livre “Les trois dĂ©cennies Bourguiba”, alors pourquoi parler d’une réédition mĂȘme si elle est “revue et complĂ©tĂ©e” ?. En fait la couverture du livre, qui reprend celle de la premiĂšre Ă©dition de 1998, est trompeuse. Le livre qui vient de paraĂźtre est beaucoup plus qu’une Ă©dition revue et complĂ©tĂ©e. C’est quasiment un nouveau livre oĂč l’ancien ministre de l’IntĂ©rieur et ensuite de l’Information, entre autres, de Bourguiba revient sur tous les chapitres de son livre pour rĂ©pondre, clarifier et analyser tout ce qui s’est dit et Ă©crit sur ces trente ans de la vie de notre pays durant ces douzes derniĂšres annĂ©es. Tahar Belkhodja revient particuliĂšrement sur les tĂ©moignages et les Ă©crits rĂ©cents de trois personnages centraux de ces dĂ©cennies : Ahmed Ben Salah, l’ancien hyperministre des annĂ©es soixante, Mohamed Mzali, le Premier ministre de 1980 Ă  1986 et Beji CaĂŻd Essebsi qui a occupĂ© des portefeuilles de premiĂšre importance des annĂ©es soixante aux annĂ©es quatre-vingt, Tahar Belkhodja a beaucoup travaillĂ©. Il s’attarde sur les dates, les rĂ©fĂ©rences et les documents afin d’établir ce qu’il estime ĂȘtre la vĂ©ritĂ© des faits. Ce livre n’est pas pour autant un manuel d’histoire, mais un tĂ©moignage vivant d’un acteur qui a souvent comptĂ© surtout durant les vingt derniĂšres annĂ©es du rĂšgne de Bourguiba. Tahar Belkhodja a acceptĂ©, pour les lecteurs de RĂ©alitĂ©s, de rĂ©pondre dans une grande interview Ă  toutes nos questions. Il n’aura Ă©ludĂ© aucune. Son franc parler peut gĂȘner, mais il a le mĂ©rite de ne pas manier la langue de bois. Et mĂȘme si son ambition est d’établir la vĂ©racitĂ© des faits, il est conscient qu’il prĂ©sente sa propre vĂ©ritĂ©. Mais c’est une vĂ©ritĂ©, dit-il, qui se base sur des donnĂ©es concrĂštes et vĂ©rifiables et il met aux dĂ©fis ses dĂ©tracteurs potentiels de relever une seule erreur factuelle dans sa narration. Avis aux amateurs. Pourquoi avoir rééditĂ© ce livre, douze ans aprĂšs ? Il fallait actualiser en fonction de ce qui s’est passĂ©, de ce qui s’est dit, des commentaires qui ont suivi la premiĂšre Ă©dition, de ce que j’ai oubliĂ©, de ce que j’ai peut-ĂȘtre dĂ©formĂ©, de ce que je n’ai pas rĂ©ussi Ă  expliquer
 Il me fallait donc actualiser tout cela. La premiĂšre Ă©dition date de 1998, mais le manuscrit Ă©tait terminĂ© en 1996, et c’est sur l’intervention personnelle du PrĂ©sident de la RĂ©publique Zine El Abidine Ben Ali, auquel je rends hommage, que ce livre a Ă©tĂ© diffusĂ© en Tunisie Ă  partir de 1998. Il a Ă©tĂ© peu de temps aprĂšs traduit en arabe. Les Ă©diteurs avaient imprimĂ© 10.000 exemplaires. La version arabe n’est pas encore totalement Ă©puisĂ©e, mais la française l’est depuis trĂšs longtemps. Cela, Ă  lui seul, justifiait une réédition, mais ce n’est pas lĂ  la raison principale de cette nouvelle Ă©dition revue et complĂ©tĂ©e. Je dois vous avouer que je suis passĂ©, ces douze derniĂšres annĂ©es, par des Ă©tats d’ñme assez pĂ©nibles. Je me suis beaucoup interrogĂ© sur ce qui s’est dit et Ă©crit dans des institutions de recherches aussi bien publiques que privĂ©es. Les tĂ©moignages qui y ont Ă©tĂ© apportĂ©s, surtout par d’anciens collĂšgues et les Ă©crits de certains d’entre eux m’ont beaucoup interpelĂ©. Si je leur reconnais le mĂ©rite d’avoir tĂ©moignĂ© et Ă©crit, je constate pour autant que cela n’a pas Ă©clairĂ© la lanterne de nos concitoyens. Qu’entendez-vous par cela ? Il y a trois sortes de lecteurs. Il y a ceux de la gĂ©nĂ©ration Bourguiba qui sont au fait des principaux Ă©vĂšnements et qui ont Ă©tĂ© scandalisĂ©s par un certain nombre de ces tĂ©moignages, mais il ne voulaient pas rĂ©agir. Il y a ceux de ma gĂ©nĂ©ration qui ont servi leur pays sous Bourguiba. Certains tĂ©moignages nous ont offusquĂ© d’autres nous paraissaient trĂšs peu vraisemblables, car on ne peut pas faire parler les morts Ă  sa guise en s’arrogeant des propos ou des prises de positions qui ne peuvent pas cadrer avec le contexte de l’époque et la psychologie des personnages. Il y a enfin ceux qui ne connaissent ni les personnages ni les Ă©vĂšnements et qui voient dĂ©ferler des tĂ©moignages de toutes parts dont un feuilleton fleuve sur les colonnes d’un quotidien de la place. Ces lecteurs se posent beaucoup de questions, mais n’ont pas de rĂ©ponses satisfaisantes. Malheureusement nous n’avons pas en Tunisie la tradition d’une vĂ©ritable critique. Sous d’autres cieux, tout ce qui se dit ou s’écrit est passĂ© immĂ©diatement au crible par la critique des historiens, des journalistes et des politiques. C’est ce travail de vĂ©rification et de validation qui nous manque. C’est cela qui m’a incitĂ© Ă  revenir sur ce que j’avais Ă©crit pour rĂ©pondre Ă  certains de ces tĂ©moignages et pour clarifier les faits. Ma gĂ©nĂ©ration va bientĂŽt partir et tous ceux qui ont assumĂ© des responsabilitĂ©s de premier plan dans le rĂ©gime de Bourguiba ont un devoir de mĂ©moire. Il faudrait que nos citoyens sachent ce qui s’est rĂ©ellement passĂ© dans ces trois dĂ©cennies Bourguiba, et aprĂšs chacun est libre d’avoir sa propre opinion. Je n’ai pas voulu dans cette nouvelle Ă©dition polĂ©miquer avec personne, mais tenter de restituer des faits prĂ©cis dans leur contexte historique et politique. Mon ambition est qu’à partir de ce livre, et d’autres, il y ait un vĂ©ritable dĂ©bat contradictoire et une clarification des faits et des responsabilitĂ©s afin que les historiens et les critiques puissent trancher en connaissance de cause. L’un des principaux personnages de la Tunisie des annĂ©es soixante est Ahmed Ben Salah. Vous avez beaucoup rĂ©pondu dans votre livre Ă  ses tĂ©moignages Ă©crits et oraux. Globalement, diriez-vous qu’Ahmed Ben Salah est en train de falsifier l’histoire ? Non, je ne peux pas dire qu’Ahmed Ben Salah falsifie l’histoire, loin de lĂ . C’est un honnĂȘte homme. C’est un homme intĂ©grĂ© et trĂšs intelligent. Il n’a pas cherchĂ© Ă  s’enrichir. C’est aussi un grand travailleur. Mais Ă  cĂŽtĂ© de ces qualitĂ©s indĂ©niables, l’homme avait aussi ses dĂ©fauts. C’est un homme qui a Ă©tĂ© trop seul et qui a voulu l’ĂȘtre. Ahmed Ben Salah n’accordait aucune importance aux institutions, ni au Parlement, ni au parti. Il a usĂ© et abusĂ© du systĂšme de Bourguiba. Ce systĂšme existait depuis 1934 du temps du mouvement national. Sa philosophie Ă©tait de mobiliser les masses dans l’ordre et la discipline et cela a continuĂ© aprĂšs l’indĂ©pendance. Ben Salah avait une politique, le coopĂ©rativisme, et pour lui il fallait que tout le monde le suive sans discussion. Il a marginalisĂ© le Parlement et assujetit le parti. Il aurait pu avoir rĂ©ellement tout le monde avec lui, mais d’une autre maniĂšre. Ben Salah Ă©tait un peu trop pressĂ© et il n’acceptait pas les rĂ©sistances. Il croyait peut-ĂȘtre trop en lui-mĂȘme. L’homme a connu des dĂ©boires et des malheurs, mais la posture de martyr ne me semble pas ĂȘtre intĂ©ressante. Au vu de ce qu’il dit et de ce qu’il Ă©crit on a l’impression qu’il veut revivre une deuxiĂšme fois les annĂ©es soixante Ă  sa maniĂšre. Je ne dirais pas qu’il est en train de falsifier l’histoire, mais il la raconte telle qu’il avait voulu la vivre et non pas dans sa factualitĂ© rĂ©elle. Le seul grand reproche que je peux me permettre de lui faire est qu’il n’a pas fait sa mea culpa comme Bourguiba l’avait faite. Bourguiba avait dit : peuple, j’ai fait des erreurs et je te demande de me pardonner. Ben Salah maintient jusqu’à aujourd’hui que son systĂšme est le meilleur et qu’il a Ă©tĂ© victime d’un complot. Tout cela n’est pas trĂšs crĂ©dible mais je pense, qu’à sa maniĂšre, il est de bonne foi. Ahmed Ben Salah dit qu’il n’avait pas voulu gĂ©nĂ©raliser les coopĂ©ratives, qu’il fut surpris par la nationalisation des terres agricoles qui appartenaient aux colons, qu’il fut victime d’un complot ourdi par les “tunisois” et l’Ambassadeur de France de l’époque et vous, dans votre livre, vous prĂ©tendez exactement le contraire
 alors Ă©clairez nous
 Bourguiba avait un grand dĂ©faut : quand il donne sa confiance Ă  quelqu’un, il la donne de maniĂšre absolue. Ben Salah avait les mains libres et jouissait de la confiance totale de Bourguiba. Plus tard avec HĂ©di Nouira ce fut exactement la mĂȘme chose. Bourguiba avait le sens de la hiĂ©rarchie. Cela l’avait poussĂ© Ă  sacrifier certains de ses proches. Je fus moi-mĂȘme sacrifiĂ© et emprisonnĂ© du temps de Ben Salah . Ainsi Ben Salah ne pouvait pas dire qu’il ne gouvernait pas de 1960 Ă  1969. Bourguiba le soutenait fermement et absolument et c’est probablement cela qui avait poussĂ© Ben Salah Ă  dĂ©laisser ses collĂšgues du gouvernement, le parlement et le parti. Pour dire la vĂ©ritĂ©, de 1960 Ă  1964 tout le monde Ă©tait convaincu des bienfaits de la politique de Ben Salah. Il faut rappeler que la planification, Ă  ce moment lĂ , Ă©tait une tendance gĂ©nĂ©rale mĂȘme dans des pays comme la France. Nous croyons tous Ă  l’époque que le plan Ă©tait tunisien, alors que ce n’était pas vrai. Aucune institution ne fonctionnait correctement Ă  ce moment-lĂ . Nous Ă©tions tous des suiveurs, d’abord du fait du parti unique. Le Parlement pendant trente ans ne dĂ©battait pas. Il ne faisait qu’entĂ©riner les dĂ©cisions de l’exĂ©cutif. Le parti non plus. Les motions du congrĂšs de Bizerte de 1964, oĂč le nĂ©o-Destour devenait le Parti Socialiste Destourien, Ă©taient dĂ©jĂ  dĂ©cidĂ©es depuis mars 1963 par le Conseil national. Le CongrĂšs de 1964 n’était lĂ  que pour la galerie. Ainsi du fait du systĂšme du parti unique et du rĂ©gime prĂ©sidentiel il n’y avait ni dĂ©bat ni prise de dĂ©cision collective. Dans les annĂ©es soixante tout se dĂ©cidait entre Bourguiba et Ben Salah. TaĂŻeb M’hiri Ă©tait, du fait de son passĂ© militant et de son charisme, l’un des rares Ă  Ă©chapper Ă  l’influence  de Ben Salah. Mais Ă  sa mort en 1965 Ahmed Ben Salah Ă©tendait son influence au MinistĂšre de l’IntĂ©rieur en y mettant BĂ©ji CaĂŻd Essebsi. Vous voulez dire que BĂ©ji CaĂŻd Essebsi Ă©tait l’homme de Ben Salah? Je ne peux pas dire que BĂ©ji CaĂŻd Essebsi Ă©tait l’homme de Ben Salah, mais je dis que Ben Salah avait contribuĂ© Ă  le nommer. En 1965 Ben Salah Ă©tait plus fort que jamais et il est normal qu’à la disparition de TaĂŻeb M’hiri, il ait voulu mettre quelqu’un de confiance dans un ministĂšre aussi important que l’IntĂ©rieur. Normalement ce portefeuille devait revenir Ă  Abdelmajid Chaker. Je dis aussi que Bourguiba savait cela. La preuve est que quand Bourguiba a dĂ©mis Ben Salah le 9 septembre 1969, il avait dĂ©mis le mĂȘme jour, BĂ©ji CaĂŻd Essebsi. AprĂšs les Ă©meutes de juin 1967, Bourguiba me confia le dossier de la sĂ©curitĂ©. Mon rĂŽle Ă©tait de rendre aux services de sĂ©curitĂ© leur fonction d’ĂȘtre au service de l’Etat. Le MinistĂšre de l’IntĂ©rieur devrait reflĂ©ter fidĂšlement ce qui se passe dans le pays. Il fallait connaĂźtre la rĂ©alitĂ© du terrain, or les rapports qui nous provenaient de l’intĂ©rieur du pays Ă©taient paraphĂ©s par les gouverneurs et donc ne contenaient que ce que Ben Salah voulait bien entendre. J’ai changĂ© cet Ă©tat de choses et c’est lĂ  que j’ai eu des problĂšmes avec mon ministre du tutelle et avec Ahmed ben Salah. Mais c’est Ă  ce moment-lĂ  qu’on a commencĂ© Ă  savoir ce qui se passait rĂ©ellement dans le pays. Revenons au CongrĂšs de 1964. Qu’est-ce qui a radicalement changĂ©? En 1964 j’étais Ambassadeur Ă  Dakar et j’ai eu la chance de vivre en direct deux ans auparavant le crash du socialisme au SĂ©nĂ©gal en 1962. Mamadou Dia, le Premier ministre sĂ©nĂ©galais faisait le mĂȘme socialisme que chez nous. Il y avait une Ă©quipe française avec François PĂ©an, un grand professeur d’économie et Demenis qui Ă©tait Ă  Tunis et qui avait imaginĂ© un systĂšme pour les pays en dĂ©veloppement et qui avait installĂ© des bureaux d’études et de planification Ă  Tunis, Ă  Alger, Ă  Niamey et Ă  Dakar et cela entre 1960 et 1961. En 1962 Ă  Dakar Mamadou Dia avait voulu aller trop vite et Senghor a rĂ©sistĂ© Ă  cela. Il y avait une nuit oĂč le pouvoir avait failli basculer Ă  Dakar et c’est finalement le PrĂ©sident Senghor qui avait pris le dessus. Quand Bourguiba avait visitĂ© le SĂ©nĂ©gal en 1965, Senghor lui avait racontĂ© cet Ă©pisode en lui disant que ce qui s’est passĂ© Ă  Dakar risque de se passer Ă  Tunis. Au congrĂšs de 1964 j’étais invitĂ©, comme tous les autres ambassadeurs, en tant qu’observateur. Le CongrĂšs Ă©tait bien verrouillĂ©. Trois hommes tenaient le CongrĂšs : Ben Salah, Amor ChĂ©chia et HĂ©di Baccouche. Les motions, dĂ©jĂ  prĂ©parĂ©es et mises en application depuis mars 1963 furent entĂ©rinĂ©es. TaĂŻeb M’hiri avait bataillĂ© pour qu’on parle des trois secteurs : le coopĂ©ratif, le public et le privĂ©. Il avait rĂ©ussi une prouesse extraordinaire en ramenant Habib Achour qui avait quittĂ© le CongrĂšs, autrement on aurait eu en 1964 une scission entre le Parti et la Centrale syndicale. Ben Salah avait aussi rĂ©ussi Ă  transformer le parti quasiement Ă  la soviĂ©tique. Le ComitĂ© central n’était plus composĂ© uniquement de militants Ă©lus par le congrĂšs, mais il y avait Ă  cĂŽtĂ© d’eux tous les gouverneurs, les secrĂ©taires gĂ©nĂ©raux des comitĂ©s de coordination, des hauts fonctionnaires. Ces gens-lĂ  Ă©taient tous dĂ©signĂ©s par Ben Salah. Il y a eu un autre changement qui est presque passĂ© inaperçu en 1964. En cas de vacance du pouvoir, ce n’est plus la Consitution de 1959 qui s’applique (elle prĂ©voyait que c’était au PrĂ©sident du Parlement d’assumer un intĂ©rim de quarante jours et d’organiser une nouvelle Ă©lection gĂ©nĂ©rale), mais que c’est au ComitĂ© central de choisir le successeur de Bourguiba qui devait continuer la lĂ©gislature en vigueur. Une autre nouveautĂ© du CongrĂšs de 1964 et qui a menĂ© au jeudi noir de 1978 est la constitution de comitĂ©s d’entreprises qui Ă©taient sensĂ©es dans les faits, contrer et doubler les structures syndicales et c’était pour cette raison que Habib Achour avait voulu quitter le CongrĂšs. Tout cela fait que le CongrĂšs de Bizerte fut un CongrĂšs trĂšs, trĂšs spĂ©cial. En 1965 TaĂŻeb M’hiri dĂ©cĂ©dĂ© et BĂ©ji CaĂŻd Essebsi qui lui succĂšde, au MinistĂšre de l’IntĂ©rieur. En 1967 il y a eu ces Ă©meutes, en apparence suite Ă  la dĂ©bacle des armĂ©es arabes face Ă  IsraĂ«l, mais en fait cela exprimait surtout le ras-le-bol de la population. Ahmed Ben Salah dit que n’eut Ă©tĂ© le rapport unique de l’Ambassadeur de France de l’époque, les Ă©vĂšnements auraient pu prendre une autre tournure
 Ce n’est pas le rapport de l’Ambassadeur de France. C’est le rapport des six ambassadeurs des pays qui formaient la CEE (Commission Economique EuropĂ©enne) de l’époque signĂ© par eux six. PrĂ©tendre jusqu’à aujourd’hui que c’est un rapport de l’Ambassadeur français n’est que pure dĂ©sinformation. En plus je ne peux pas croire au dialogue surrĂ©aliste entre Ben Salah et Sauvagnac, quand Ben Salah prĂ©tend qu’il aurait dit Ă  l’Ambassadeur de France : «tu ne sais pas Ă  qui tu parles ! Heureusement que je n’ai pas d’éventail» (allusion Ă  l’éventail du Dey d’Alger en 1830). On ne peut pas parler Ă  un Ambassadeur comme cela. Cela n’est pas vraisemblable. Mais les grands choix n’étaient-ils pas ceux de Bourguiba ? Ben Salah ne peut pas dire que la nationalisation de terres coloniales lui a Ă©tĂ© imposĂ©e. C’est Ă  partir de ces terres-lĂ  que Ben Salah avait fait ses noyaux de production et sa rĂ©forme agraire. Il ne peut pas dire maintenant que ce n’est pas lui. C’est cela qui me rend furieux et c’est pour cela que j’ai voulu rééditer ce livre pour m’insurger contre ces contre vĂ©ritĂ©s. Nous, les responsables politiques du temps de Bourguiba, nous devons de dire la vĂ©ritĂ©. Nous devons dire que nous avons nationalisĂ© les terres coloniales de bonne foi, mais que nous n’avons pas rĂ©ussi ce que nous avons entrepris. Pourquoi nous dĂ©rober Ă  nos responsabilitĂ©s et accabler les morts ? Je ne cherche pas Ă  charger Ben Salah mais uniquement Ă  rĂ©tablir la vĂ©ritĂ© historique des faits. Ahmed Mestiri, alors ministre de la DĂ©fense, fut le premier Ă  critiquer publiquement la politique de Ben Salah en 1968 et Ă  dĂ©missionner du gouvernement. Comment jugiez-vous Ă  l’époque son attitude ? Avant Ahmed Mestiri, il y a eu Ahmed Tlili. Quand TaĂŻeb M’hiri dĂ©cĂ©da en 1965, Ahmed Tlili aprĂšs la cĂ©rĂ©monie funĂšbre quitta immĂ©diatement le pays. C’étaient ces deux lĂ , avec Abdelhamid Chaker, qui faisaient de la rĂ©sistance. La mort de TaĂŻeb M’hiri avait donc rompu l’équilibre
 Absolument. C’était le seul qui pouvait tenir tĂȘte Ă  Ben Salah. Ahmed Tlili avait Ă©crit en 1966 une lettre que Bourguiba nous avait cachĂ©e. Il y avait posĂ© clairement le problĂšme du manque de dĂ©mocratie et de la dĂ©rive autoritaire. Il faut dire que les choses avaient commencĂ© Ă  s’effilocher. On a eu les Ă©vĂšnements de Msaken Ă  la fin de 1965, quand on a voulu dĂ©raciner 8.000 pieds d’oliviers. C’était la premiĂšre alerte. Il y a eu ensuite les Ă©vĂšnements de 1967, de Ouerdanine en 1969, de Jebeniana, etc
 Notre grande erreur Ă  tous Ă©tait de ne pas prendre l’exacte mesure des Ă©vĂšnements. Mais que pensiez-vous de la position d’Ahmed Mestiri ? Est-ce que vous la partagiez ? Absolument, surtout que je l’avais vĂ©cu en direct. Ahmed Mestiri est un homme trĂšs intĂšgre que j’aime beaucoup. C’est aussi un homme de conviction. En 1968 j’étais au Palais de Carthage. Bourguiba avait reçu auparavant Mestiri. Il m’avait dit : “ce bourgeois ne comprend pas le socialisme et il n’a rien Ă  faire avec nous”. Je lui avais rĂ©pondu dĂ©licatement que nous avons besoin de tout le monde et que la pĂ©riode est difficile. Bourguiba m’avait rĂ©pondu : “c’est lui qui ne veut pas. Il vient de dĂ©missionner”. Je me suis rendu directement chez Ahmed Mestiri et j’avais longuement discutĂ© avec lui, mais il Ă©tait dĂ©cidĂ© Ă  rendre public son dĂ©saccord. Il est vrai qu’un certain nombre de responsables politiques comme Ferjani Belhaj Ammar, Habib Achour et HĂ©di Nouira avaient exprimĂ© en interne quelques critiques, mais les vĂ©ritables coups de semonce furent ceux d’Ahmed Tlili en 1966 et d’Ahmed Mestiri en 1968. Fin 1968 je fus sacrifiĂ© par Bourguiba et j’ai fait deux mois de prison. Ahmed Ben Salah avait dit qu’il y avait un complot contre le socialisme et que j’étais l’un de ses instigateurs. Ben Salah avait menacĂ© de dĂ©missionner et Bourguiba avait dĂ©cidĂ© de me sacrifier car Ben Salah ne pouvait pas partir de la sorte. PrĂšs de quarante ans aprĂšs, comment voyez-vous le procĂšs de Ben Salah ? Avant que Ben Salah ne soit destituĂ© j’étais nommĂ© ambassadeur Ă  Dakar, aprĂšs mes deux mois de prison, et ensuite Ă  Madrid avant que je ne revienne pour ĂȘtre secrĂ©taire d’Etat Ă  l’Agriculture. C’est Ă  ce moment-lĂ  que le procĂšs de Ben Salah se dĂ©roulait
 Je pense, en toute responsabilitĂ©, que Ben Salah devait assumer sa responsabilitĂ©. La dĂ©cennie des annĂ©es soixante avait bien dĂ©butĂ© puis a Ă©tĂ© dĂ©naturĂ©e par des fantasmes personnels. Cela s’est soldĂ© par un Ă©chec qui aurait pu mettre le rĂ©gime en pĂ©ril n’eut Ă©tĂ© Bourguiba et le crĂ©dit dont il jouissait auprĂšs des Tunisiens. Un rĂ©gime qui subit un Ă©chec aussi cuisant doit changer et il devrait y avoir des responsables qui payent pour cet Ă©chec. Fallait-il le condamner Ă  la prison pour autant alors qu’il n’y a ni enrichissement personnel ni malversations financiĂšres ? Je suis d’avis qu’il ne fallait pas faire un procĂšs pĂ©nal. Mais le fait que Ben Salah n’ait pas fait sa mea culpa. Ce qui a Ă©nervĂ© Bourguiba, c’était l’entĂȘtement de Ben Salah Ă  vouloir dĂ©fendre une politique qui  a Ă©chouĂ©. D’ailleurs c’est son dĂ©bat tĂ©lĂ©visĂ© avec BĂ©hi Ladgham oĂč il s’est Ă©vertuĂ© Ă  dĂ©fendre le socialisme allant jusqu’à humilier le numĂ©ro deux du rĂ©gime qui a signĂ© sa perte. Bourguiba avait voulu aider Ben Salah Ă  rectifier le tir et cela depuis 1967, mais ce dernier n’a rien voulu entendre. La preuve est que Bourguiba avait nommĂ© dĂšs 1968 Mansour Maala au Commerce, Tijani Chelli, Mekki Zidi et Mokhtar Fakhfakh. L’objectif du PrĂ©sident Ă©tait d’opĂ©rer un changement de politique en douceur et c’est Ben Salah qui n’en a pas voulu. Ben Salah a Ă©tĂ© dĂ©mis en septembre 1969. Bourguiba s’était rendu Ă  Paris en novembre 1969 pour ne revenir qu’en juin 1970. Le pays a vĂ©cu pendant ces mois une situation extrĂȘmement difficile. Je pense que c’était tout un rĂ©gime qui Ă©tait jugĂ© mais malheureusement Ben Salah n’a pas voulu assumer ses propres responsabilitĂ©s. Cela Ă©tant, moi je ne suis pas pour les procĂšs politiques car l’issue est connue d’avance. De toutes les façons c’est aux historiens de faire le point sur cet Ă©pisode pĂ©nible de notre histoire nationale. Il y a eu un autre procĂšs retentissant dans les annĂ©es soixante, celui du groupe “Perspective” en 1968. Comment avez-vous vĂ©cu ce procĂšs ? A ce moment-lĂ  j’étais aux affaires et j’assume totalement ma responsabilitĂ©. Mais il faudrait revenir un peu Ă  l’histoire. Depuis 1953 nous avions une organisation estudiantine (UGET) qui Ă©tait reprĂ©sentative de toutes les tendances politiques et idĂ©ologiques de la jeunesse tunisienne : des baathistes aux trotskistes en passant par les destouriens et les communistes. Moi mĂȘme j’étais secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de l’UGET en 1957 et je n’étais pas le candidat du parti. Le candidat du parti Ă©tait Mohamed Amamou et j’étais Ă©lu grĂące aux voix de gauche. Au congrĂšs du Kef, le parti avait fait main basse sur l’UGET. Le Parti a voulu prendre par la force la section parisienne de l’UGET et c’est Ă  partir de ce moment-lĂ  que la gauche estudiantine a commencĂ© Ă  s’exprimer en dehors de cette structure. Cela dĂ©coulait de la logique mĂȘme du parti unique. Ce n’était pas le seul sort de l’UGET, les deux organisations syndicale et patronale ont connu la mĂȘme chose. Avant ma nomination en 1967 Ă  la suretĂ© il y a avait eu dĂ©jĂ  quelques echaffourĂ©es avec les perspectivistes en 1966. En 1967 Perspectives reprĂ©sentait un problĂšme aigu pour le gouvernement. Le journal du groupe “Perspectives” attaquait la politique socialiste du rĂ©gime et Ben Salah. Le pouvoir de l’époque ne pouvait accepter pareille fronde. En 1967 devant cet activisme, le parti avait voulu corriger ces Ă©lĂ©ments et nous avons eu des agressions contre certains Ă©lĂ©ments de “Perspectives”. La milice du parti agissait en dehors de la loi. J’avais dit, aprĂšs qu’on ait mis devant le commissariat central un perspectiviste malmenĂ©, que je ne couvrirais plus ces agissements au futur et que j’en parlerai au PrĂ©sident. De mon point de vue pour arrĂȘter ces exactions, il fallait mettre tout ce monde Ă  l’abri et les intĂ©grer dans le circuit lĂ©gal. A cĂŽtĂ© de cela ni Ben Salah, ni Bourguiba, ni le parti ne pouvaient permettre le dĂ©veloppement d’une pareille contestation. Vous voulez dire que ce procĂšs, en quelque sorte, visait Ă  protĂ©ger les militants de perspectives de la milice destourienne ? Non. HonnĂȘtement pas tellement pour les protĂ©ger, mais d’en finir avec une situation qui risquait de dĂ©raper. On a arrĂȘtĂ©, plus d’une centaine de militants perspectivistes et j’ai dĂ©jĂ  dit qu’il y avait eu des exactions dans les locaux de la police et j’ai dit dans mon tĂ©moignage Ă  “El Jazira” que j’en assumais toute la responsabilitĂ© en tant que Directeur gĂ©nĂ©ral de la suretĂ©. Je ne peux pas dire que je n’étais pas au courant, mais je ne pensais pas que cela ait allĂ©, parfois, aussi loin. LĂ  j’ai appris que les pontes de la sĂ©curitĂ© qu’on a hĂ©ritĂ© de la colonisation usaient de moyens pas trĂšs catholiques. AprĂšs l’affaire “perspectives”, j’ai congĂ©diĂ© tout ce beau monde, et les ai mis Ă  la retraite. Mais aprĂšs mon dĂ©part on les a tous remis en service. Il y a eu des exactions, mais il n’y a pas eu de mutilation ou de tortures atroces. Est-ce qu’il y a eu de la torture ? Il y a eu une espĂšce de torture tout Ă  fait condamnable. J’en assume indirectement la responsabilitĂ©, mais on ne peut pas crier au martyre. Le procĂšs de 1968 de perspectives arrangeait tout le monde au pouvoir et notamment Ahmed Ben Salah. C’était une opposition en moins. *Dans le prochain numĂ©ro : le litige frontalier tuniso-algĂ©rien, l’Union avec la Libye, Ahmed Mestiri, HĂ©di Nouira et le jeudi noir (A suivre) (Source: “RĂ©alitĂ©s” (Hebdomadaire – Tunisie) le 18 octobre 2010) lien: http://41.226.15.227/realites/home/lire_article.asp?id=1144025&t=293

 

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