18 avril 2006

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TUNISNEWS
6 ème année, N° 2157 du 18.04.2006

 archives : www.tunisnews.net


Taieb Smati: Ce n’était ni une initiative politique, ni une manœuvre policière C’était tout simplement une escroquerie. Mondher Sfar: L’Affaire « Am Hamadi »: Le dénouement? Khaled Ben M’barek: Les émissaires très spéciaux de la mafia au pouvoir … Soutenir les victimes Syndicat des Journalistes Tunisiens: Appel aux collègues et à l’opinion publique FIDH -OMCT:  L’asphyxie programmée de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme AFP: Arrivée en Espagne d’un Tunisien détenu en GB en liaison avec le 11 septembre AP: Londres extrade vers l’Espagne un Tunisien soupçonné d’avoir aidé Al-Qaïda New York Sun Staff Editorial:  La vérité sur la Tunisie Africultures: La leçon de cinéma de Nouri Bouzid

 

AU NOM D’ALLAH LE TOUT MISERICORDIEUX LE TRES MISERICORDIEUX  

  

TAIEB SMATI

PARTI ISLAMI TUNISIEN

Tunisian_islamic_party@yahoo.fr

partislami@yahoo.fr

 

NOUS BANNISSONS LA VIOLENCE

  

Ce n’était ni une initiative politique, ni une manœuvre policière

C’était tout simplement une escroquerie.

 

Un jour, mon ancien ami docteur SAHBI AMRI avait décidé d’effectuer une opération presque suicidaire pour attirer l’attention sur sa situation sociale délicate et réellement préoccupante, je n’étais pas d’accord avec lui et je lui ai conseillé de revenir à exercer sa profession de médecin de libre pratique. «Tu ne manque que de volonté lui répétais-je»!

  

 Il avait mis au courant un ami à lui de sa décision, ami qui s’était avéré par la suite  un agent de l’ordre infiltré et qui l’avait connu au moment de sa grève de la faim qu’il avait observé devant le siége de l’UGTT à sidi bouzid pour soutenir les gréviste du 18 octobre à Tunis.

 

Cet ami flic avait, à son tour, porté l’information à un deuxième flic spécialisé dans le racket et l’expropriation du bien d’autrui et répondant au sobriquet de hamadi. Celui_ci s’était présenté à nous, alors que nous savourions un café au salon de l’hôtel EL HANA av. habib bourguiba, en tant que L’AMI PERSONNEL DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE ZINE EL ABIDINE BEN ALI. Il nous a aussi assuré que les services de sécurité de la présidence n’avaient plus confiance aux services du ministère de l’intérieur, ceux-ci affirmait-il ne cherchent pas à assainir le climat social, se soucient peu des directives du président, ils(les services du ministère de l’intérieur) ne font que torturer, emprisonner, inculper à tort et se comportent avec les citoyens en général et l’opposition en particulier de façon à nuire au prestige du président, ce qui n’honore pas le président en particulier et l’humanité toute entière. C’est pour cela que je suis ici.

  

Il nous avait assuré que le président était disposé à libérer les prisonnier politiques, résoudre le problème de l’honorable PROFESSEUR MONSEF BEN SALEM, rapatrier les exilés etc…  

  

Bien entendu notre ami houcine m’hamdi refusa de croire en ces belles paroles du premier coup, parce qu’il est tout simplement autant que notre interlocuteur ancien de la même école, l’école du mensonge, de la honte, du mépris et du despotisme, avec tout le respect à monsieur houcine m’hamdi qui, ayant pris la sage décision de quitter cette institution, est devenu un homme respectable et intègre.

 

Le docteur sahbi el amri quant à lui avait avalé le morceau en entier, héla un taxi et, illico presto, s’était dirigé vers LA RESPECTABLE EPOUSE DU NON MOINS RESPECTABLE MAITRE ABOU.  «Je viens de faire la connaissance de l’ami personnel du président de la république » lui

disait-il, et d’ajouter « il suffirait de me remettre une lettre d’excuses et demandant la libération de votre époux, il sera libre dans les 24 heures!».

  

L’honorable dame, bien «encadrée» par des opposants politiques expérimentés, connaissant parfaitement le régime politique et ses magouilles avait refusé du premier coup la proposition, je crois même qu’elle lui avait claqué la porte au nez et peut être même qu’elle l’avait renvoyé. Si c’était le cas elle à très bien fait et personne ne peut lui en vouloir surtout maintenant que cette initiative s’est avérée «poisson d’avril» et que le docteur continue à se

faire traîner par son «macro» du bout du nez

  

 Après avoir été renvoyé par la respectable dame, docteur, traînant toujours du pied, nous rejoins au salon de notre hôtel el hana. «Je suis déçu par son attitude et son refus» disait-il, mais notre policier, jouant à la perfection son rôle de menteur rétorqua sans nous laisser le temps de commenter, «ne vous en faites pas je ferai tout pour libérer tout le monde, rapatrier les exilés, assainir le climat…, juste je demande votre aide et assistance pour mener à bien ma mission, faites en sorte que tout le monde me prête main forte, le président n’en sera que ravi» 

  

Je reconnais personnellement avoir été enthousiasmé et disposé à aider cet homme, mais de là à publier sur internet un texte comparable à celui de sahbi el amri ? pas question, et ce malgré l’attention particulière et les réalisations trop alléchantes que présentait l’agent hamadi à sahbi el amri surtout en ma présence, beaucoup d’argent, l’obtention du passeport de amri quelques instants seulement après lui avoir remis les papiers nécessaires et photo, le déblocage des salaires de son épouse, le paiement de certains crédits, le démarrage des travaux sur les terres agricole de sahbi (démarrage ayant coûté très cher, j’ai vu de mes propres yeux hamadi payer des milliers de dinars aux ouvrier, frais tel steg, matériel, outillage …

  

Hamadi affirmait toujours que c’est le président en personne, avec lequel il a passé du temps hier soir à discuter de la situation des gens, qui lui a donné cet argent pour sauver sahbi el amri.      

  

L’ESCROQUERIE

 

Nous étions, comme d’habitude, au salon de l’hotel EL HANA av.h.bourguiba à exposer des dossiers et discuter des cas lorsque nous en sommes arrivé au cas du docteur sahbi el amri présent parmi nous, ses terres et ses vergers, là l’agent hamadi lui demande d’appeler tout de suite monsieur YOUSSEF NASRI qui s’était joint à nous presque tout de suite. Sans détours ni façons l’agent hamadi lui intima ordre et menaces : « tu ne dois plus disposer des terres du docteur sahbi, et surtout ne pas enregistrer l’acte de vente auprès de la conservation de la propriété foncière, tu dois aussi annuler l’opération de vente, autrement je me verrai dans l’obligation de remuer tes anciennes affaires en justice et j’y ajouterai les nouvelles affaires notamment celles de tes chèques impayés, tes usines et ton business en souffriront beaucoup».

  

A ces menaces claires et directes devant nous tous presque 7 personnes, le visage de MONSIEUR YOUSSEF pali, mais arriva tout de même à placer une petite phrase «et mon argent» murmurait-il à peine, «qui me le rendra, sahbi ne dispose d’un sous», tu auras ton argent à la fin de ce mois de mars, répond l’agent hamadi.

  

MONSIEUR YOUSSEF, que je viens de contacter, affirme n’avoir toujours rien reçu.

 

Au fil des jours, nous constatons que c’est l’agent hamadi qui exploite les terres et vergers du DOCTEUR SAHBI EL AMRI et il était clair que tout l’argent que prodiguait l’agent hamadi au docteur sahbi amri n’était ni un crédit bancaire ni un don de son excellence monsieur le président comme se plaisait à l’affirmer notre agent mais tout simplement l’argent de hamadi personnellement en tant que nouvel associé chargé de fournir le fond de roulement, la récolte de cet été sera partagée fifty fifty,je suis certain que les calculs du mafiosi hamadi feront que notre docteur n’en sortira que débiteur.

  

De plus les ouvriers exerçants sur les terres ne contactent pas sahbi amri pour leurs salaires et diverses dépenses, semences, matériels, outils,… mais contactent toujours l’agent hamadi.

  

Etant donné que les terres du docteur ne sont en fait qu’un héritage pour tous ses frères et sœurs, ceux-ci interdisaient à quiconque se présentait pour travailler leur terre sans avoir touché au préalable leur quote-part, l’agent hamadi a fait appel à la garde nationale du gouvernerat du kef et du sers qui se présentent presque tous les jours sur les lieux pour assurer le bon avancement des travaux et empêcher les frères et sœurs du docteur de faire obstacle.

  

 Ainsi donc et du premier instant, l’agent hamadi avait fixé son but, organisé une véritable comédie et l’avait amplifié surtout par sa visite à Paris pour s’accaparer et confisquer les propriétés de la famille du docteur sahbi, mon ancien ami qui a renié sans raison aucune notre amitié et celle de tous ses amis. En réalité DOCTEUR SAHBI EL AMRI  est contraint, forcé, dominé et réduit à l’impuissance, je le jure, je suis le mieux placé pour connaître cet homme, imaginez que hamadi lui a retiré même sa puce téléphonique et lui intimé l’ordre de ne donner son nouveau numéro d’appel à personne.

  

De même DOCTEUR SAHBI AMRI n’aurait jamais écrit ce qu’il écrit ces derniers temps n’eut été les pressions ignobles et le part du régime politique en se servant de cet agent hamadi, plus ignoble encore ! SAHBI AMRI n’écrit que sur ordre, dictée et menace d’emprisonnement.

  

Je jure que le pauvre SAHBI AMRI est toujours sous menaces graves d’emprisonnement jusqu’à ce que l’agent hamadi lui retire à lui et à tous ses frères et sœurs toutes leurs terres et vergers, et même après il l’inculpera de n’importe quoi pour  se débarrasser définitivement de lui, peut être même qu’il l’emprisonnera ces quelques jours à venir pour disposer à lui seul des récoltes de cet été.

  

CONCLUSION

  

Deux mois après le début de cette manœuvre diabolique du régime politique par l’intermédiaire de l’un de ses agents, nous constatons que toutes les promesses n’étaient qu’une leurre, rien ne s’était réalisé aussi bien en ce qui nous concerne nous en Tunisie que nos amis en Europe, au contraire l’étau se resserre de plus en plus fort, L’HONORABLE EPOUSE DE MAITRE ABOU se heurte à diverses vexations lors de tous ses déplacements, son honorable époux est agressé dans sa cellule de la prison du kef et privé de ses droits humanitaires les plus élémentaires, le PROFESSEUR MONSEF BEN  SALEM est toujours interdit de ses droits et privé de sa liberté, la situation de nos prisonniers politiques s’empire.

  

Aucune promesse n’a été réalisée, seul l’agent hamadi a réalisé son vœu à lui : s’approprier les biens immobiliers de sahbi amri et mettre les propriétaires légaux sahbi, ses frères, ses sœurs et youssef (celui-ci aurait dû enregistrer l’acte de vente à la conservation de la propriété foncière) hors détat de nuire.

  

Ainsi je prie tous ceux qui comme mo,i auraient crû en cette manœuvre diabolique de mettre fin à leur rêve et surtout d’agir la main dans la main pour destituer ce régime politique tout entier, président, gouvernement, députés et parti au pouvoirs.

  

S’IL VOUS PLAIT ARRETEZ DE ME TORTURER AVEC L’HISTOIRE DE REFORMES 

  

merci

  

TAIEB SMATI

SECRETAIRE GENERAL FONDATEUR DU PARTI ISLAMI TUNISIEN

MOBILE 21 840 725

  


 

L’Affaire « Am Hamadi »: Le dénouement?

 

Il n’y a rien à ajouter au courageux communiqué de Taieb Smati publié en ce 18 avril 2006, sur cette affaire qui semble prendre son dénouement aujourd’hui. Mais la mission « Am Hamadi » n’a pas encore livré tous ses secrets.

 

Quels ont été ses objectifs ? Une opération d’intox de Ganzoui, ou vraiment comme l’a soutenu son auteur tenter de sauver Ben Ali et son régime d’une fin sérieusement envisagée en haut lieu, en tentant d’apaiser une partie des pressions qui ne cessent de l’étouffer du côté des opposants surtout à l’étranger ?

 

Quoi qu’il en soit, Taieb Smati l’a bien résumé : il faut en finir avec ce régime, une bonne fois pour toutes. Plus personne ne croit en lui, y compris ses proches les plus zélés, y compris ses soutiens les plus acharnés.

 

Curieusement, seule l’opposition semble encore hésiter, elle qui en souffre le martyre à travers les harcèlements quotidiens qu’elle ne cesse de lui porter avec courage et même héroïsme. Mais la question que nous devons nous poser est : tous ces sacrifices suffisent-ils à décider du sort du régime ?

 

Et qu’on ne nous dise pas qu’on ne peut renverser ce régime ! Ce régime peut être renversé dans les 24 heures si l’opposition en décide, car il n’a plus aucun soutien y compris dans les forces sécuritaires qui le soutiennent à bout de bras.

 

Mais je pense que l’opposition n’a pas encore renversé le régime « dans sa tête », avant de le renverser sur le terrain. Le déclic psychologique n’a pas encore eu lieu. J’espère qu’elle fera l’effort d’y arriver le plus tôt possible pour en finir avec cette tragédie et ces souffrances absurdes et vaines infligées à 10 millions de personnes par une poignée de maffieux..

 

Taieb Smati a besoin aujourd’hui de notre soutien. On ne ménagera aucun effort pour le soutenir et il peut compter sur nous.

 

Idha al-cha’bu arada al-hayat fa- la budda an yastajiba al-qadar.

 

Paris, le 18 avril 2006

Mondher Sfar

msfar@wanadoo.fr

 


Les émissaires très spéciaux de la mafia au pouvoir … SOUTENIR LES VICTIMES

Si on se résumait rapidement à propos des entremetteurs qui-parlent-au-nom-de-Ben-Ali, on retiendrait les faits saillants  suivants jusqu’au 18 avril 2006 :
• Nos lascars écument l’Europe. Ils ont déjà été aux Pays-Bas, sont en France et s’apprêtent à s’envoler pour Londres… • Nombre des Tunisiens ayant joué le jeu du « salut individuel » n’ont  obtenu que des promesses, y compris ceux qui se sont compromis par des textes  de repentis écrits à la demande de leurs démarcheurs • L’édifice prend l’eau de toutes parts, avec la fronde de M. Taïeb Smati. • Le mystère le plus dense entoure la personnalité des émissaires très  spéciaux, notamment celle du dénommé Hammadi A ce propos, il est important de noter que ce dernier, alias Amor Raouahi, né en 1961 à Grombalia, est un grand parrain de la mafia bénalienne. Il  semble commander à des hommes et à des institutions sans aucun statut autre  que celui du parrain, justement…
Ce profil nous était connu jusqu’à la lettre rendue publique  aujourd’hui par M.Smati, où l’on se rend compte que le jeu mafieux n’est pas sous-jacent,  mais connaturel à l’entreprise. En fait, tout ne serait qu’un énorme écran  de fumée en vue de déposséder Dr Sahbi Amri de biens familiaux de valeur. Il convient de relire sous ce nouvel éclairage le long texte  parano-névrotique publié par « le médecin privé de sa médecine » il y a 48 heures sur Tunisnews.
Ce propos caricatural s’apparenterait à un appel de détresse d’un détenu au secret et qui écrirait sous la dictée. Or, M. Smati nous informe que Dr  Amri est privé de ses moyens de communication, isolé du monde et maintenu  sous pression physique par les reggala du Maâllem Hammadi, alias Amor Raouahi.
Il est donc impératif que l’opinion puisse savoir au plus tôt où se trouve Dr Sahbi Amri et quel serait son statut juridique. S’il s’avère qu’il dépossédé de sa volonté et de son libre-arbitre, tous ceux qui le peuvent devront lui apporter leur soutien pour le soustraire aux  griffes des mafieux, qui, paraît-il seraient déjà entrés en possession de ses biens et les exploiteraient avec le soutien de la Garde nationale locale payée par le contribuable pour la sécurité des biens et des personnes…
Il convient également de saluer le courage de M. Taïeb Smati, qui a su reconnaître faire fausse route. Il faut s’attendre à ce que le pouvoir, représenté ici par le Maâllem Amor Raouahi, dit Hammadi, éprouvera une grande envie de se venger de lui.
Nous devons tous le soutenir et l’aider à tenir face à ces rapaces devenus gouvernants…
Tous les Tunisiens, au pays comme dans la diaspora, qui ont pu être  approchés par ces barbouzes, sont cordialement invités à partager leur expérience avec nous, grâce à cette adresse : cidtunisie@free.fr
Khaled Ben M’barek

 

Réflexion

 

Montasser Mzoughi   

 

Un Monsieur se présentant comme le guérisseur du président Ben Ali fait le tour de France en compagnie d’un ami intime pour régler les problèmes de quelques opposants.Il souligne à ses interlocuteurs que sa mission est officielle et discrète et n’a aucun projet politique.

 

Les opposants sont avertis donc que Mr Hamadi Ettounsi serait chargé par le président d’éponger les errements et les délits de ceux-ci en contre partie de leur harakiri politique. ou ya nass ma kan bas.

 

Stupide initiative visant apparemment à neutraliser quelques hommes fatigués ou peu convaincus, qui accepteront de rentrer au pays pour aller pointer aux postes de police et servir de mouchards locaux et d’indicateurs à bas prix.

 

Or il aurait suffit au régime d’élargir tous les prisonniers d’opinion et de faire revenir les opposants par une véritable amnistie pour que tout ce beau monde rentre et se mette au travail. et Mr ettounsi aura plein d’autres choses à faire.

 

18 avril 2006

 


Syndicat des Journalistes Tunisiens

11 Avenue Habib Thameur

Tunis

Tunis le 16 avril 2006

 

Appel aux collègues et à l’opinion publique

 

Le Syndicat des Journalistes Tunisiens (SJT) informe l’ensemble des journalistes et l’opinion public que l’état de santé de notre confrère Slim Boukhdhir, qui a entamé une grève de la faim depuis 13 jours (depuis le 5 avril 2006), connaît une détérioration de son état de santé d’une manière grave, sachant qu’il souffre de complications cardiaques et qu’il perdu jusqu’à ce jour 8 kg de son poids.

 

Le SJT appelle tous les confrères à soutenir Slim Boukhdhir afin qu’il puisse retrouver son droit de réintégrer son poste au sein du quotidien «Ech-chourouq » duquel il a renvoyé d’une manière abusive.

 

Conformément au principe de solidarité entre les journalistes, le SJT appelle les associations professionnelles à soutenir notre confrère Slim Boukhdhir dans son drame afin de sauver sa vie et appelle les parties responsables à faciliter la réintégration de son poste de travail.

 

Pour le Comité Constitutive

Le Président

Lotfi Hajji

 

 


Syndicat des

Journalistes Tunisiens

11 Avenue Habib Thameur

Tunis

 

Tunis le 16 avril 2006

 

Communiqué

 

Le Syndicat des Journalistes Tunisiens (SJT) a pris information que les autorités tunisiennes s’abstienne à octroyer à notre collègue Souhyr Belhessine, Rédactrice en chef de 7/7, ancienne journaliste de l’agence Reuters et de Jeune Afrique son passeport, sachant qu’elle a déposé la demande auprès des services intéressés depuis environs quatre mois.

 

Le SJT s’interroge concernant les raisons de ce refus et exprime sa crainte que ça soit une sanction en raison de l’activité de notre collègue Souhyr Belhessine dans le domaine des Droits de l’Homme, à savoir qu’elle est vice-Présidente de la Ligue Tunisienne des Droits des Hommes et vice-Présidente de la Fédération Internationale des Droits de l’Homme.

 

Le SJT condamne cette interdiction et appelle les autorités tunisiennes à permettre à notre collègue de disposer de son passeport conformément à la Constitution.

Le SJT appelle aussi les autorités tunisiennes à cesser ce genre de sanctions à l’encontre des journalistes actives dans le domaine des Droits de l’Homme et qui défendent  la liberté d’opinion et d’_expression.

 

Pour le Comité Constitutive

Le Président

Lotfi Hajji

 


 

La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH)

et l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT),

 

COMMUNIQUE

18/04/2006

 

 

FIDH -OMCT:  L’asphyxie programmée de la LTDH :

Les autorités à l’œuvre pour empêcher la tenue du 6ème Congrès national de l’organisation

 

La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), dans le cadre de leur programme conjoint, l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, font part de leur exaspération à l’égard des nouveaux actes de harcèlement visant la Ligue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH).

 

 

En effet, le 15 avril 2006, les membres des comités de section du Grand Tunis et du Nord de la LTDH ont été violemment empêchés par les forces de l’ordre de se rendre aux bureaux de l’organisation à El Omrane, où devait se tenir une réunion préparatoire au 6ème Congrès national de la LTDH, prévu les 27 et 28 mai 2006.

 

L’Observatoire rappelle que depuis août 2005, la LTDH doit faire face à des actes de harcèlement récurrents qui visent à empêcher la tenue de ce Congrès national (Voir Rapport annuel 2005 de l’Observatoire). Ainsi, en septembre 2005, 22 personnes alléguant de leur appartenance à la LTDH, mais connues pour être affiliées au Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD, parti au pouvoir), avaient obtenu en référé la suspension du Congrès et de tous les travaux préparatoires à la tenue de cet événement, jusqu’à ce qu’une décision définitive soit rendue sur le fond. Après de multiples reports, la prochaine audience dans cette affaire devrait se tenir le 6 mai 2006.

 

En outre, le 14 avril 2006, la LTDH a été oralement sommée par le responsable de la police du secteur d’El Omrane de ne pas tenir cette réunion. Le même jour, les 20 autres plaignants ont informé la LTDH qu’ils intentaient une seconde procédure sur le fond, identique à la première, pour obtenir l’annulation de la convocation du Comité directeur pour la tenue du Congrès de la LTDH, ainsi que de tous les travaux préparatoires afférents.

 

L’Observatoire exprime sa plus vive préoccupation à l’égard de ces actes de harcèlement, qui illustrent une nouvelle fois les graves entraves posées à la liberté d’association et de réunion en Tunisie et les actes de harcèlement constants dont font l’objet les défenseurs des droits de l’Homme tunisiens, en particulier la LTDH.

 

L’Observatoire condamne fermement cette nouvelle tentative d’instrumentalisation de l’appareil judiciaire par les autorités tunisiennes, et rappelle que la Tunisie est tenue de se conformer aux obligations internationales en matière de droits de l’Homme, en particulier le Pacte international relatif aux droits civils et politiques auquel elle est partie, et la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée le 9 décembre 1998 par l’Assemblée générale des Nations unies, notamment son article 1 qui prévoit que « chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales aux niveaux national et international » et, à cette fin, « de se réunir et de se rassembler pacifiquement » (article 5b).

 

Contact presse :

 

FIDH : Gaël Grilhot : +33 1 43 55 25 18

OMCT : Anne-Laurence Lacroix : +41 22 809 49 39

 

(Source : le site de la FIDH, le 18 avril 2006)

URL: http://www.fidh.org/article.php3?id_article=3261


 

Arrivée en Espagne d’un Tunisien détenu en GB en liaison avec le 11 septembre

 

AFP, le 15.04.2006 à 21h19

MADRID, 15 avr 2006 (AFP) – Un Tunisien Hedi Ben Youssef  Boudhiba, détenu en Grande-Bretagne dans le cadre des attentats du  11 septembre, est arrivé samedi soir en Espagne après avoir été  extradé par les autorités britanniques à la demande de la justice  espagnole, a-t-on appris de source policière.

                      Ben Youssef Boudhiba, détenu depuis le 20 août 2004 à Liverpool,  a été livré aux autorités espagnoles à la demande du juge  anti-terroriste espagnol Baltasar Garzon, qui soupçonne le Tunisien  d’être l’un des dirigeants de la cellule « Ansar al Islam », l’une des  sources présumées de financement du réseau terroriste Al Qaïda.

                      Cette cellule aurait été dédiée « au financement et à la  confection de faux-papiers pour d’autres membres du réseau  terroriste » dont certains seraient impliqués dans les attentats du  11 septembre aux Etats-Unis, estime le magistrat de l’Audience  nationale (principale instance pénale espagnole).

                      « Les activités semblent caractéristiques des infrastructures  financières et logistiques que les cellules de ce type développent  en Europe et qui contribuent de manière décisive à renforcer le  réseau Al Qaïda et ses groupes de soutien en Europe pour faciliter  des actions terroristes », ajoute le communiqué du bureau du juge  Garzon.

                      Le magistrat espagnol accuse également M. Boudhiba, 46 ans,  également connu sous le surnom de « Fathi », d’avoir fourni de faux  papiers au Yéménite Ramzi Binalshibh, « cerveau » présumé des attaques  du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, avec Mohammad Atta, l’un des  pilotes kamikazes qui se sont écrasés contre les tours jumelles du  World Trade Center de New York.

 

AFP

                                           


Londres extrade vers l’Espagne un Tunisien soupçonné d’avoir aidé Al-Qaïda

                     

Associated Press, le 15.04.2006 à 21h56

LONDRES (AP) — Hedi Ben Youseff Boudhiba, un Tunisien de 46 ans soupçonné d’avoir collecté des fonds pour Al-Qaïda, a été extradé samedi de Grande-Bretagne vers l’Espagne, a rapporté la police

londonienne.

 

Le juge antiterroriste espagnol Balthazar Garzon avait inculpé M. Boudhiba, membre présumé d’une cellule espagnole qui aurait fournit des faux documents, dont des passeports, aux hommes qui préparaient les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis.

 

D’après la police londonienne, le Tunisien a été remis aux autorités espagnoles sur la base de l’armée de l’air de Northolt, non loin de la capitale britannique.

 

Hedi Ben Youseff Boudhiba avait été arrêté à Liverpool, dans le nord de l’Angleterre, en avril 2004. Pour s’opposer à son extradition, ses avocats avaient argué qu’il avait huit ans d’âge mental.

 

Associated Press


 

Mise au point de la part de Mme Louisa Toscane

 

Chers amis

 

J’ai reçu à deux reprises sur ma boite e-mail des communiqués émanant d’un comité des familles de prisonniers politiques, dont un long rapport d’activités dont je vous ai envoyé la traduction il y a deux jours.

 

Traduction pure et simple, les deux documents étant truffés d’erreurs (sur l’identité des prisonniers, leurs condamnations et certains numéros de téléphone des familles) mais je ne suis là que pour traduire.

 

L’équipe de Tunisnews, qui a reçu les mêmes documents et les a publiés en arabe, s’est livrée à des investigations sur l’origine de ces documents non signés, et après une discussion avec Me Saïda Akrami a annoncé qu’elle retirait ce document et a présenté ses excuses aux lecteurs dans un communiqué publié lundi 17 (voir ci-dessous)

 

L.T

 

توضيح واجب من هيئة التحرير واعتذار للسادة القراء

 

بعد أن نشرنا في عددنا الصادر يوم 15 أفريل 2006 بيانا صادرا عما يُسمى  » لجنة عائلات المساجين السياسيين » اتصل بنا عدد من القراء للتنبيه إلى أن عددا من الأسماء الواردة في القائمة المنشورة رفقة البيان على اعتبار أنهم مساجين « هم أشخاص أفرج عنهم في فيفري 2006 أو في نوفمبر 2005 أو قبل ذلك ».

 

وبعد التثبت والإستفسار، اتضح لنا فعلا أن السادة الصادق العرفاوي  وسعد الحنزولي والحبيب البجاوي قد أفرج عنهم يوم 25 فيفري 2006 وأن السادة مبروك الغضبان ومنور النصري ونصر الدين الخليفي ونور الدين بن عبد الله قد أفرج عنهم يوم 5 نوفمبر 2005 وأن السادة الحبيب ساسي وخالد الصغير  هشام اللمطي قد أفرج عنهم في تاريخ آخر.

 

من جهة أخرى، أكدت الأستاذة سعيدة العكرمي ، الكاتبة العامة للجنة الدولية لمساندة المساجين السياسيين لتونس نيوز أن اللجنة المزعومة « لا علاقة لها بلجنة عائلات المساجين السياسيين المتفرعة عن الجمعية والتي تنسق أعمالها الأخت فوزية السنوسي » وشددت على أن « الجمعية لا تتحمل مسؤولية ما ينشر دون إمضاء ممثلها القانوني ».

 

وأضافت الأستاذة العكرمي في ردها على أسئلة تونس نيوز: « ومع ان الجمعية لا تدعي احتكار الدفاع عن هذه القضية العادلة ومع اعتزازها بكل جهد يبذل من أي طرف فرد او مجموعة خدمة لها فانها لا تخفي خشيتها من ان يكون  بعض ما ينشر على خلاف الحقيقة ومن مصادر مجهولة تحاول إيهام القارئ  بالنشاط صلب الجمعية محاولة للمساس بمصداقية الجمعية التي عرفت بجديتها وحرفيتها وحرصها على الحقيقة ».

 

ومن جهتنا، ونظرا للأخطاء الخطيرة التي وردت في البيان وللشكوك التي تحوم حول هذه « اللجنة » المجهولة الهوية ولأن ما صدر عنها (هذه المرة وفي المرة السابقة يوم 8 أفريل 2006) غير ممضى، فقد قررت هيئة التحرير – إيمانا منها بخطورة أي محاولة للتلاعب بقضية المساجين السياسيين العادلة والمقدسة – سحب النص من موقع « تونس نيوز » والاعتذار للسادة السجناء المفرج عنهم وللسيدات والسادة القراء على هذا الخطأ وللسيدة لويزة طوسكان  التي تكرمت بترجمة البيان إلى الفرنسية.

 

هيئة تحرير « تونس نيوز »

17 أفريل 2006


Truth About Tunisia

 

New York Sun Staff Editorial April 12, 2006   URL: http://www.nysun.com/article/30855   The press counselor at Tunisia’s embassy in Washington, Taoufik Chebbi, has written in contesting Eli Lake’s March 31 news story about the Tunisian regime’s intimidation of Neila Charchour Hachicha after she gave an interview to al-Jazeera complaining of the lack of free speech in her native land. Mr. Chebbi talks about free speech but neglects to mention that our State Departments human rights report for 2005 says that of the eight « mainstream » dailies in the country, « two were owned by the ruling party, and two, though nominally private, took editorial direction from senior government officials. All media were subject to significant governmental pressure over subject matter. »   If Tunisia’s press is free then why was lawyer Mohamed Abbou charged with disturbing the public order for printing a statement comparing his country’s political prisoners with those held in Abu Ghraib prison in Iraq? Why was Ali Ramzi Bettibi arrested in 2005 for posting a statement from Human Rights Watch on a Web site? Mr. Chebbi insists that Tunisia is a pluralistic society and opposition parties are free to compete in federal elections. But he neglects to mention that President Ben Ali racked up at 94% margin of victory in the 2004 vote.   To be sure, Tunisia is not Cuba, Libya or Iran. But we have had enough experience with soft authoritarianism to understand that official detentions, torture and death squads are not always necessary to keep control. Dissidents in Tunisia complain of the kind of intimidation of which Mr. Chebbi says is impossible. Ms. Hachicha told us last month that too many things have happened to her and her family since her interview on al-Jazeera to think this is a coincidence. Her husband has been charged with fraud, her daughter has been humiliated, her car has been stolen, and her friends have been urged to walk away from her. The sad fact about Tunisia is that Ms. Hachicha has more credibility than her government.  
 
——————————————————– Traduction de l’article :   Truth About Tunisia

La vérité sur la Tunisie

New York Sun Staff Editorial April 12, 2006   Le conseiller de presse à l’ambassade de la Tunisie à Washington, Taoufik Chebbi, a écrit en contestant l’histoire de nouvelles mars de 31 du lac Eli au sujet de l’intimidation du régime tunisien de Neila Charchour Hachicha après qu’elle ait accordé une entrevue à al-Jazeera où elle se plaint du manque de liberté de presse dans son pays. M. Chebbi parle de liberté de presse mais il néglige de mentionner que le rapport du Département d’Etat sur les droits de l’homme pour 2005 dit que « des huit principaux journaux du pays, deux appartiennent au parti au pouvoir, et deux, bien que nominalement privés, leurs éditoriaux sont dictés par les fonctionnaires du gouvernement. Tous les contenus (sujets et thèmes) des médias dénotent la pression gouvernementale dont ils font l’objet »   Si la presse en Tunisie est libre pourquoi l’avocat Mohamed Abbou se trouve condamné pour trouble de l’ordre public suite à un article où il compare les conditions des prisonniers politiques de son pays à ceux détenus dans la prison d’Abu Ghraib en Irak? Pourquoi Ali Ramzi Bettibi a-t-il été arrêté en 2005 par le fait qu’il a signalé sur un site Web l’existence d’un rapport sur la situation des droits de l’homme? M. Chebbi insiste sur le fait que la Tunisie est une société pluraliste et des parties d’opposition sont libre de participer aux élections. Mais il néglige de mentionner que le Président Ben Ali a raflé le score de 94% des voix en 2004    Pour être sûre, la Tunisie n’est pas le Cuba, la Libye ou l’Iran. Mais nous avons eu assez d’expérience avec l’autoritarisme doux pour comprendre que les détentions, la torture et les pelotons officiels de la mort ne sont pas toujours nécessaires pour garder la commande. Les dissidents en Tunisie se plaignent des intimidations que M. Chebbi nie catégoriquement. Mme. Hachicha nous a rapporté que le mois dernier, juste après son entrevue sur al-Jazeera trop de choses sont arrivées à elle et à sa famille pour penser que ceci est une coïncidence : son mari a été condamné pour fraude, sa fille a été humiliée, sa voiture a été volée, et ses amis ont subi des pressions pour s’éloigner d’elle. Le triste fait sur la Tunisie est que Mme. Hachicha a plus de crédibilité que son gouvernement. 


 

La leçon de cinéma de Nouri Bouzid

Festival Panafricana, Rome, le 5 avril 2006

Propos recueillis par Olivier Barlet

 

Bouzid Nouri | Réalisateur | Tunisie 

 

Né en 1945 à Sfax. Il achève ses études de cinéma en 1972. En désaccord avec le gouvernement tunisien d’alors, il est privé de liberté et empêché de travailler durant plusieurs années. Au début des années ’80, il entame une carrière d’assistant-réalisateur, avant de signer son premier long métrage, « l’homme de cendres », présenté à Cannes et à Namur. En 1989, « Les sabots en or » confirment le talent de Bouzid. En 1993, il présente à la Quinzaine des réalisateurs « Bezness », qui sera projeté ensuite à Namur. Il y a quatre ans, « Bent Familia » était également sélectionné au FIFF. En plus de son activité de réalisateur, Nouri Bouzid collabore à l’écriture de nombreux succès du cinéma tunisien comme « Halfaouine » de Férid Boughedir, « Les silences du palais » ou « La saison des hommes » de Moufita Tlatli.

 

 

Pour son intervention devant les étudiants italiens (université de Rome 3), Nouri Bouzid, qui enseigne la réalisation à Tunis, a rappelé les principes de base de son cinéma et répondu aux questions du public. 

  

 

La création cinématographique (non de la technique mais de la conscience) comporte trois étapes : l’écriture qui peut être elle-même en plusieurs étapes, le tournage et le montage. Ces trois étapes ne sont qu’un seul et unique processus. La moindre rupture peut porter préjudice à l’œuvre finale. On peut rester dans le même processus même si on change de main comme on peut le rompre en étant la même personne. Un film est à la merci de beaucoup d’aléas. Les plus importants sont selon les pays la liberté d’expression et d’ordre économique. Le reste, c’est le choix de ceux qui dirigent ce processus et ces choix sont essentiels. Un film est un travail qui porte avant tout l’empreinte de personnes et surtout de l’une d’entre elles.

 

Bien sûr, si le scénario porte un mal, c’est très compromettant mais les étapes suivantes sont aussi des étapes d’écriture : on peut réécrire durant le tournage. Je ne peux pas travailler avec un réalisateur qui ne soit pas scénariste, même s’il n’écrit pas, car il va écrire avec la caméra. Je ne veut pas qu’il me mette en images. Si le tournage est une mise en images, le film est mort et d’un ennui insupportable. Ceux qui travaillent sur le film, de l’opérateur au monteur, doivent connaître la technique du cinéma. Connaître la technique, c’est pouvoir résoudre des problèmes essentiels de création et d’expression. La personnalité des auteurs ne doit pas se perdre dans la technique. Pasolini n’était pas technicien avec son premier film : il venait de la littérature. Il a dit avoir essayé de démystifier la technique pour que la création reste au poste de commande.

 

Remplaçons le mot création par un mot plus concret : la dramaturgie. Puisque c’est un processus total, il est important que la conscience cinématographique soit partagée par tous. Quel est l’essence du langage cinématographique ? Je donne à mes élèves un exercice durant les trois premiers mois de leur cursus : me raconter un phénomène, une histoire, une atmosphère, une situation uniquement par de très gros plans sans mise en scène. J’appelle cela « gestes quotidiens ». Pourquoi ? Parce qu’il faut apprendre à observer les choses dans un cadre : placer virtuellement dans son œil un cadre. Cela permet de ne pas voir tout en même temps mais de ne voir que ce qui se trouve dans le cadre. C’est ce qu’on appelle le champ. Les étudiants doivent apprendre à mettre un détail dans le champ et le reste hors-champ. La force du cinéma est d’exprimer l’ensemble champ et hors-champ. Si je demande aux élèves de décrire cette salle de cours sans faire de gros plans, ils vont me faire tous les mêmes plans de l’ensemble de la classe. Si je leur demande de me décrire cette classe par de très grands détails, ils devront choisir : il y a une infinité de détails. Je développe ainsi l’aspect subjectif qui leur permet de cultiver la créativité.

 

Il est essentiel d’apprendre à choisir un cadre et d’exclure le reste. Si je viens avec ma caméra et ne filme que les garçons. Tout le monde croira qu’il n’y a que des garçons. J’ai exclu l’essentiel car l’essentiel est ce que je montre. S’il y a dans la classe quatre filles avec un voile. Si mon regard est celui d’un Occidental attiré par le voile, tout le monde croira que toutes les filles sont voilées. Même chose pour des costumes noirs. Je dois apprendre à manipuler de façon consciente. Le cinéma n’est que de la manipulation, même le documentaire. Le simple fait de prendre un acteur pour jouer ce qui n’est pas sa vie, c’est de la manipulation. Il ne faut pas avoir de problème moral par rapport à ce mot. C’est un mot essentiel. Cela ne se voit pas quand quelqu’un peint. Mais ce sont aussi des éléments captés dans la vie ou imaginés. Dans un film, les plans sont divers et je dois exclure des choses. La grande difficulté est de donner une idée de l’ensemble avec des détails. Comment apprendre à exclure le hors-champ en donnant au spectateur la possibilité de reconstituer un espace fictif dans sa tête. Au cinéma, l’espace est fictif. C’est pour cela qu’il y a des lois pour que le spectateur puisse reconstituer l’espace sans problème : les 180 degrés, les 30 degrés, les axes, etc. Sinon, ce sera comme la caméra de contrôle dans le supermarché !

 

L’essence du langage cinématographique est le hors-champ car il doit être constitué dans la tête du spectateur sans le voir mais c’est aussi l’exclusion de certains moments. Une histoire raconte des événements qui durent dans la vie : L’Homme de cendres dure au moins quatre jours, ce qui veut dire quatre fois le passage du jour à la nuit et de la nuit au jour, ce qui me permet d’aider le public à se placer dans le cycle de la vie. C’est une chose qui doit être consciente. Le spectateur doit ressentir le cycle du temps. La durée des événements est généralement beaucoup plus longue que la durée du film. Il peut arriver exceptionnellement qu’elle soit dans la durée du film, comme un match en direct : il y a tension, émotion, spectacle et scénario. La durée des événements s’appelle le temps de l’action et la durée du film est le temps cinématographique ou bien le temps filmique. Ce n’est pas la durée du film. Ce ne sera le cas que s’il nous donne une impression forte de la durée des événements, par exemple que cette séance de cours dure trois heures. La différence entre ces durées est l’essence du cinéma : comment choisir des moments et en exclure d’autres de façon à faire sentir au spectateur ce qu’on a exclu. Si le cours dure trois heures et que je le filme entièrement, je peux passer par des moments très ennuyeux. Si le personnage s’ennuie, cela ne veut pas dire ennuyer le spectateur. Un film est avant tout un plaisir, sinon on serait un ennemi de l’art. Le cinéma expérimental va jusqu’au bout des choses pour voir jusqu’où on peut aller et pour que le langage cinématographique ne s’arrête pas. L’ellipse, c’est de savoir quel temps exclure pour communiquer au public l’émotion que je désire transmettre. Quand la durée de l’action est égale au temps filmique, on est en temps réel : le direct.

 

Dans un match de coupe de monde, il y a une vingtaine de caméras mais elles sont toutes du même côté. Quand il y a un but, on le passe plusieurs fois en changeant d’angle et quand on le fait, on marque sur l’écran pour le public que c’est une caméra inversée. Allez voir un match en vous plaçant de l’autre côté. Comparez entre l’enregistrement et votre souvenir du match : vous n’avez pas vu le même match. Tout s’invertit. Dans le résumé, les dix minutes couvrent tout le match. Cela donne une idée de la différence entre le reportage et le langage cinématographique. Au stade, on voit tout le stade. A la télévision, on voit des joueurs et le ballon. Hors-champ et ellipse.

 

Deux idées guident ces choix : un centre d’intérêt dramatique que je veux mettre en exergue. Si je me déplace avec la caméra, je déplace mon centre d’intérêt. Le montage permet de le mettre au centre. Le point de vue est le deuxième choix essentiel. Si on les oublie, on fait des ellipses et hors champ sans être fidèle à notre vision du monde. Il est essentiel de ne jamais s’en écarter.

 

Je fais toujours un exercice avec mes élèves : si je décide de suivre une personne avec un caméra alors qu’elle attend un coup de fil qui n’arrive pas. Elle peut changer de place pour ne pas déranger en se levant, aller fumer une cigarette pour se désangoisser, etc. Filmé en 15 minutes, il ne sera qu’un temps filmique de 15 minutes. Si je monte cela en des moments forts avec ses déplacements, des détails sur des changements d’attitude. J’arrive à 5 minutes de film qui couvrent 15 minutes de temps d’action mais qui couvrent un temps indéterminé. L’émotion du personnage, la contribution et la lecture du spectateur mettent le temps qu’on veut. Au risque de critiquer un cinéma qui vous plaît, sachant que le langage cinématographique est universel, j’ai constaté un engouement pour les plans séquences : en tant que réalisateur, je peux dire que c’est la solution de facilité. Le plan-séquence peut être essentiel pour communiquer les petits détails quotidiens dans leur temps réel, mais cela ne peut pas être dicté par une mode. Le plan-séquence ne permet malheureusement pas de couvrir un temps très long. Nous revenons au cinéma de Chaplin où le film faisait la bobine, en un plan. Eisenstein, Vertov, Griffith ont inventé le montage et donc le temps filmique, et donc le langage cinématographique. Si par snobisme on fait un plan-séquence, on n’est pas dans le langage cinématographique. Si je compare Angelopoulos et Kiarostami, le premier plan-séquence est construit, avec une architecture intérieure, prévue, qui demande un travail énorme de mise en place, de conception, alors que le second est du snobisme et on ne peut plus détecter les centres d’intérêt dramatiques. Je respecte Kiarostami mais il n’est pas à prendre en exemple. Ses premiers films n’étaient pas comme ça. Pas plus que Lynch, s’il avait commencé comme ça, on ne le connaîtrait pas. Il faut commencer par faire ses preuves.

 

Qu’est-ce qu’une conscience cinématographique ? C’est apprendre à imaginer. Même si je suis devant une réalité, avant de filmer je dois faire une construction virtuelle dans ma tête. Le terme est maintenant réducteur avec les ordinateurs. Je ne peux pas écrire un scénario si je n’imagine pas toutes les situations dans ma tête, dans leurs évolutions, avec le rapport spatial et dramatique entre les personnages. Ce n’est pas la vie. Avoir une conscience cinématographique, c’est faire la différence énorme entre la réalité et la réalité dramaturgique. La dramaturgie est presque une science qui soumet la réalité à des lois. C’est la science de l’évolution entre des personnages en vue de créer un conflit ou de le régler. Dans la vie, chacun d’entre nous a un gros problème à résoudre. Nous nous accommodons souvent cette situation sans la régler. La réalité dramaturgique se doit de la régler. Copier la vie n’est pas dramaturgique. La réalité n’est pas toujours spectaculaire. Le film doit être un spectacle.

 

Au-delà de l’apprentissage technique des lois, il convient de savoir ce que l’on veut et s’y tenir : son point de vue. Le traitement du temps et de l’espace doit y répondre.

 

Un plan est toujours en temps réel : il couvre toujours la durée de l’action qu’il filme, ni plus ni moins. Faire une ellipse demande de manipuler le temps, donc changer de plan. Cette collure entre les deux plans accueille tout le temps dont je ne veux pas, mais doit me permettre de reconstituer dans la tête tout le temps enlevé. Dans cette salle, la différence de style entre les visages et les murs blancs m’empêchent une harmonie entre les détails et l’ensemble. Si j’évite de montrer l’ensemble, les détails vont pousser le spectateur à construire un ensemble en accord avec les détails : j’ai évité une erreur de style. Ou bien j’ai les moyens de faire repeindre les murs. Dans la série Urgences, les murs de l’hôpital sont verts et non blancs.

 

Un plan étant toujours en temps réel, je suis obligé de couper : il me faut plusieurs plans. Le temps cinématographique est généralement plus court que le temps d’action, mais parfois des moments importants demandent à gonfler le temps. Si des terroristes placent une bombe avec une horloge avec trente secondes à venir. Des plans de l’horloge donnent le temps et des plans des personnes en danger se multiplient : le temps est gonflé car cinématographiquement, ce temps n’est pas lisible en temps réel. La durée d’un plan est déterminée par le temps de lecture dramatique : la montée des larmes dans le gros plan d’Amina dans Bent Familia doit durer – je ne peux couper la monter de ces larmes.

 

Le temps de la maturation dramatique dans une séquence est également important : je ne peux sentir la montée dramatique s’il n’y a pas un temps de lecture dramatique. C’est le temps nécessaire pour gagner la complicité du spectateur. S’il est convaincu, l’émotion est là. Le problème est qu’elle varie d’une culture à l’autre. Dans Satin rouge, la maturation dramatique de l’entrée de cette femme dans le cabaret est faite pour les Occidentaux, pas pour les Tunisiens pour qui il faudrait qu’elle dure plus longtemps. Un conflit secondaire peut être traité en quelques minutes mais un conflit essentiel qui va changer la vie d’un protagoniste et faire changer les profondeurs de l’être doit durer, comme un garçon humilié plusieurs fois par son père et qui va répondre de façon violente. S’il répond tout de suite, la maturation dramatique ne permettra pas d’y croire. On ne peut pas faire un court métrage sur l’attentat contre le Pape : j’ai besoin de la durée. La réalité peut ne pas convaincre. Si on avait proposé le 11 septembre comme scénario avant qu’il arrive, il n’était pas crédible.

 

On peut multiplier les plans sans ellipses : c’est la télévision en direct. Le changement de plan n’oblige pas l’ellipse mais l’ellipse demande le changement de plan.

 

Un plan est une unité dramatique de base, une vision du monde, construite avec un début et une fin. Le montage consiste à aller plus loin. Un plan est une représentation plastique d’un monde naturel : on doit rester dans le même style de composition, de valeurs, de lumière etc. mais un plan tout seul ne construit pas un langage. Le langage se construit par le montage. Il commence au départ dans la tête du réalisateur, se concrétise durant le tournage, prend sa forme définitive durant le montage. Le découpage consiste à imaginer une scène en plans. Il n’y a pas de modèle : nous sommes dans l’art. La création se passe des modèles. Qu’est-ce qui va traverser notre tête quand on imagine la scène plan par plan ? Des raisons précises sont déterminées par notre conscience cinématographique. Par ordre d’importance, je dirais comme clefs mais non comme modèles :

 

1 – le déplacement du centre d’intérêt dramatique : si par exemple on se déplace sur un autre visage que je ne peux pas avoir dans le même plan, je découpe. Un coup de foudre entre deux amoureux : si la caméra balaye de l’un à l’autre, un moment sans regard coupera l’émotion. L’intensité dramatique ne passe pas là en un plan. On ne peut jamais sacrifier l’intensité dramatique.

2 – L’ellipse introduit le hors champ : je découpe pour traiter le temps.

3 – La dramaturgie est au poste de commande mais le style donne l’identité du réalisateur. La dramaturgie peut être générale à tous et l’objet d’un technicien, mais le style est personnel. Il se manifeste dans la nature des plans : mouvement ou fixe, contre-jours ou tons sombres, éclats de lumière et couleurs comme Almodovar. Le style est une esthétique inventée, l’apport de l’auteur. Dans Shéhérazade, je ne peux tourner ce plan-séquence avec une focale longue. J’ai peu de profondeur de champ : une concession est un focale courte comme le 25. Une focale est une altération de l’espace, plus elle est longue plus elle l’aplatit et le réduit. Plus elle est courte, plus elle l’agrandit. Je choisis une focale de base pour le film, autour de laquelle je vais m’articuler. Le danger énorme est que les caméras d’aujourd’hui ont un zoom et une focale fixe. Un zoom est une autre vision du monde, une autre profondeur de champ. Le zoom est une facilité : on vole un détail et ça se sent. Cela ne peut pas fonctionner dans la dramaturgie de la fiction de long métrage. Le zoom produit une image piquée qui demande beaucoup de lumière. Je peut utiliser le zoom dans une focale précise pour obtenir une esthétique. J’oblige mes étudiants à ne pas utiliser le zoom dans un plan. C’est le seul moyen de les obliger à prendre conscience de la focale. Le zoom n’est pas montable. La conscience de la focale est importante : elle est déterminée par la profondeur de champ, la partie nette dans le champ. D’une focale à une autre, je peux allonger ou raccourcir cette profondeur de champ, c’est comme une respiration. La focale et ses changements donne un rythme au film qui doit être scientifiquement traitée. Si ce n’est pas prévu au tournage, le montage sera impossible : les plans qui cassent le rythme intérieur du film devront être éliminés. Cette conscience est nécessaire au montage.

Les chefs opérateurs étrangers ont pris l’habitude de décider des focales, peut-être en considérant que la technologie n’existe pas dans le tiers-monde. Il m’est arrivé d’avoir de longues disputes car je ne veux pas qu’on choisisse la focale à ma place. La focale est la prolongation de mon œil. Quel est l’œil que je choisir pour l’univers que je choisis.

 

Ce sont des clefs pour découper. S’il s’agit de voir de façon hyper-réaliste les petits détails et l’escalade d’une émotion en temps réel, le plan-séquence est le bon choix. Je ne suis pas contre mais je suis contre la facilité, la mode et le snobisme. Il faut servir votre dramaturgie et votre univers.

Nous découpons aussi pour une raison objective, obligatoire : à chaque fois que l’action réelle est impossible en un plan. Exemple : un accident n’est jamais un vrai accident. On fragmente et chaque fragment ne représente aucun danger. Cela demande une maîtrise technique totale. Mais la technique s’apprend très vite, c’est l’écriture qui compte. Le choc de l’accident dure deux secondes : ça ne suffit pas pour la lecture dramatique, je dois gonfler le temps. Les Choses de la vie de Claude Sautet : la séquence de l’accident revient à plusieurs reprises dans le film. Le visage de Michel Piccoli, les éléments de la voiture qui saute dans tous les sens, etc : tout est multiplié.

 

Le découpage peut être aussi guidé par des raisons économiques. Un spot publicitaire de 32 secondes passe à la catégorie 45 secondes. Le commanditaire veut 30 secondes et des signes précis. Les plans sont forcément courts. La publicité a été très utile au langage cinématographique. Elle s’inscrit dans sa structure mentale et il accepte davantage d’audace cinématographique. Les contraintes servent le langage cinématographique.

 

La crise de l’Algérienne dans Bent Familia, j’ai voulu être fidèle à la réalité algérienne. La séquence était écrite et je lui ai demandé de la vivre. Elle a demandé d’avoir le temps de se préparer et de le faire en un plan. J’ai installé un travelling pour pouvoir la cadrer quand la caméra puisse se déplacer, j’ai établi les lumières pour que le style soit respecté. La scène a été tournée en cinq minutes, découpée ensuite au montage. J’ai construit les plans des autres en fonction, pour pouvoir construire l’ensemble. J’aurais pu maintenir le plan entier au montage et cela aurait passé.

 

L’expérience de Koulechov nous apprend que deux plans qui se succèdent ne donnent pas la somme des sens mais un troisième sens.

 

Ce qui est le plus complexe dans un film, c’est la maîtrise du récit : comment maîtriser l’ensemble du film. L’écriture est fondamentale. La base se fait durant l’écriture du scénario, la première étape.

Le personnage est un être humain, les émotions sont fragiles, la forme de l’acteur ou du réalisateur varie d’un jour à l’autre. Le risque de s’écarter du personnage est très fréquent. L’essentiel d’un scénario est la construction du protagoniste. Cela commence par « pro » comme antagoniste commence par « anti ». Le point de vue décide du protagoniste. Si je fais un film policier, qui n’implique pas la transformation de la vie, le conflit ne changeant pas la vie du commissaire, je peux prendre comme protagoniste l’inspecteur, je suis de son côté, il incarne mes idéaux, même si c’est clandestin, mais je peux aussi prendre le point de vue du criminel. S’il y a conflit entre père et fils, je choisir le point de vue de l’un ou de l’autre : il n’y a pas de situation médiane. La manipulation va loin. Je manipule les émotions du public pour manipuler ses idées. Je dois choisir mon point de vue pour savoir le but final du film : défendre les enfants ou les parents ? L’ordre de la police ou celui des délinquants ? Dans le cinéma, je n’ai pas de déclaration à faire, on ne serait plus dans le scénario : il faut de la persuasion clandestine. Le simple fait de voir davantage le délinquant dans son quotidien et ses problèmes lui confère les circonstances atténuantes dans la tête du spectateur.

Dans L’Homme de cendres, mon premier film, Farfat était absent de la première version du scénario. Il me manquait. Je ne le nommais pas mais quelque chose me manquait. J’avais envie de faire des scènes que je ne pouvais pas avec Hachemi. Ce personnage était si bien construit qu’il ne pouvait le faire. Il a engendré Farfat.

 

Comment se construit un personnage. S’il est bien construit, il porte le patrimoine génétique total de la totalité du scénario. Je vais déterminer l’âge, le sexe, le statut social. Mais surtout son histoire : je dois savoir ce qui précède le film, ce qui me permettra de comprendre comment il évolue dans le présent. Il n’est que la continuité de son éducation et de son histoire. Le plus difficile, le plus négligé, c’est l’invisible qu’il nous faut en partie rendre visible. Quelles sont les choses qu’il déteste ? Qui peut les incarner ? Ce personnage engendre un antagoniste. Hachemi ne peut échapper à sa condition de violé : il porte la blessure. Le conflit qu’il porte est une destinée. Son conflit est intérieur, qui vient de l’éducation et de la profondeur : le film ne règle pas le conflit, la solution installe des interrogations dans la tête du spectateur qui sort avec des questions sur lui-même.

 

La partie invisible est aussi de connaître exactement sa vie sexuelle. S’il n’a aucun rapport avec personne, l’auteur doit le savoir. C’est essentiel si le film ne parle pas de sexualité car cela lui permet d’avoir une manière de regarder, de sourire, en lien avec l’autre sexe. C’est un rapport précis qui situe le personnage. Je sais plus que lui sur sa sexualité car chez lui, des choses relèvent de l’inconscient. Je dois construire son inconscient. Cela me permet de savoir son comportement et sa démarche. Plus j’ai l’audace d’aller dans ce sens, plus ce personnage existe pour le public. Je ne suis pas obligé de faire des séquences de sexe. La sexualité est la chose la plus partagée, mais fait partie de la face cachée des gens. On ne fait jamais un scénario sur la vie publique des gens : c’est de cela qui souffrent des films politiques, comme La Chute, qui a choqué les Juifs. Il n’est pas possible de construire un film sur un personnage sans parler de sa vie privée et la sexualité est toute la mécanique cachée de la vie privée. On peut avoir comme source d’inspiration un proche ou un voisin, mais il faut laisser travailler ses fantasmes. Ne jamais se brimer dans la construction du personnage. Cela facilitera la façon de le faire parler car on le connaît bien !

 

L’évolution du personnage : une trajectoire émotionnelle est essentielle. La succession d’actions et d’événements ne suffit pas. Une trajectoire invisible mais vécue doit être psychologique et rythmique, dans la tête du réalisateur dans chaque plan. Un film se tourne dans le désordre : il faut être très clair sur la trajectoire pour savoir ce que vit le personnage à tout moment. Des monteuses brillantes proposent souvent des déplacements de séquences.

 

Si je sais que le conflit principal est au sein de mon personnage, je vais lui construire son entourage qui répondra dans son ensemble aux besoins du protagoniste autant que de l’auteur. Je dois savoir où il doit arriver, le chemin à prendre. Le personnage doit vivre des transformations, bien avant de rédiger un scénario. Cela n’arrête pas : cela se poursuit durant le tournage avec le comédien. Il lui faut des leviers dramatiques : des zones privées qui le font réagir si on les touche. C’est ce qu’on appelle une faille. Qu’est-ce qui va le faire bouger ? Dans une succession d’événements, il va rompre son équilibre instable. Pourquoi lui et pas un autre ? Et comment en être convaincu, grâce à une maturation dramatique ?

 

Vol au-dessus d’un nid de coucou : quand au début Jack Nicholson perd son pari de déplacer la fontaine, c’est essentiel pour que l’Indien le fasse à la fin. Le personnage aura des relations secondaires, et on lui construit des problèmes avec ses proches, ces intrigues secondaires construisant ce que je veux garder ou enlever. Comment exclure ce que je ne connais pas ? Je vais me référer à un autre film et ne pas maîtriser le récit.

 

Le récit n’est pas l’histoire qu’on raconte : ce sont les trajectoires émotionnelles et psychologiques. Dans les feuilletons égyptiens, le récit est maîtrisé car tout est dit. Et pourtant, c’est sans intérêt car ils se ressemblent d’un feuilleton à l’autre. Pour qu’un personnage soit digne de ce nom, il faut qu’il ne ressemble à personne, qu’il échappe à la moyenne des gens. Si je connais mon personnage, je ne mets pas n’importe quoi. Il faut la force de dire non et la patience de construire le personnage. C’est comme un enfant, ça met neuf mois. L’accouchement, la rédaction, c’est dix jours : on peut écrire dix ou douze pages par jour quand on connaît bien son personnage.

 

Il faut le connaître comme existant réellement et portant cohérences et des incohérences de notre choix. L’écriture, la réalisation et le montage sont un seul processus. Sinon, je peux être séduit par des propositions de l’acteur et cela donne un autre personnage. La direction d’acteur consiste à donner à l’acteur ses repères, son passé. Il ne doit pas construire un personnage différent du mien : le résultat sera bâtard. Des acteurs modifient le personnage pour des raison morales : il a honte d’être violeur par exemple. Il faut travailler le comédien : il est violeur mais dans un film qui porte une dignité. Il est salutaire en défendant une dignité avec des choses dévalorisantes. Il est important de ne pas toucher au narcissisme de l’acteur mais de l’utiliser : il faut construire le personnage avec lui. Si l’acteur change à la dernière minute, je suis obligé de modifier des choses au niveau de l’apparence, sans changer l’essentiel. Durant le montage, on réussit à enlever des choses qui paraissaient nécessaires. Un échafaudage n’est plus nécessaire une fois qu’on a construit, mais il est nécessaire au comédien pour qu’il se mette sur orbite. On ne réussit pas à tous les coups mais on fait beaucoup d’efforts pour y arriver. Je ne peux pas entrer dans un travail sans avoir cela dans la tête.

Récemment, j’ai travaillé sur un premier film d’un jeune réalisateur. Il a obtenu deux aides à l’écriture (une avance sur recettes française et une aide tunisienne). En voyant le film, j’ai vu qu’il a détruit le personnage que j’ai construit. J’ai regretté d’avoir mis mon nom. Il y avait rupture entre l’écriture du scénario et le résultat final.

 

Hachemi et Farfat : Hachemi est introverti et secret, Farfat est volatile et extérieur. Les plans de Hachemi sont comme de dévoiler le secret, dans les couloirs. Farfat est sur les terrasses. Les plans ne sont pas conçus de la même façon. Le style est au service de la dramaturgie. Dans Les Sabots en or, on a un cas rare au cinéma : la structure du film épouse la structure psychologique du personnage. Il essaye de ramasser les parties cassées de son passé et à chaque fois, devant une image choc, ces parties de son passé se détruisent. Il découvre à chaque fois que sa vie est foutue. Devant une image choc, le film se détruit. C’était une structure très risquée pour le rapport au public, mais cela explique sans doute en partie le succès du film : les gens reviennent au film pour mieux comprendre. Il comporte beaucoup d’éléments qui leur parlent. La torture, la prison, une douleur qu’on identifie très vite et qu’on a envie de connaître. Beaucoup étaient gênés par la structure, mais cela pose le problème de savoir si on fait le problème tel qu’on le voit ou pour un large public. Il y a une réponse qui me concerne. Il n’y a pas une réponse juste et une réponse fausse. Je fais le film qui me plaît comme spectateur. En essayant au maximum d’ennuyer le public.

 

Tout ce que je dis est à connaître mais pas à respecter entièrement. On peut transgresser le code de la route quand on sait qu’il n’y a pas de risque. Il faut le connaître pour le transgresser. Si on ne transgresse pas, on ne fait pas une œuvre de création. La transgression suppose une démarche : on ne peut pas tout transgresser à la fois. Des éléments repères sont indispensables. La transgression ne s’apprend pas. Elle est dans l’art le dépassement du savoir. Elle ne peut être le résultat de l’ignorance. Votre transgression peut avoir déjà été faite.

 

Le premier scénario doit échapper à toute méthode, comme on le sent, sans frein : il sera matière de base portant les éléments d’un personnage difficile à obtenir si l’on recourt à une recette. Les réécritures (au moins dix fois dans mon cas) demandent de la méthode car le personnage est là et ne risque pas d’échapper. On peut être à son service, la méthode aussi. Partir de la méthode pour écrire serait de faire comme un ordinateur.

 

Débat avec la salle

 

Question : comment déterminez les espaces dans vos films ?

 

C’est la démarche de s’approcher du personnage et d’y inviter le spectateur. Il est exceptionnel que je fasse un travelling arrière. Je vais toujours dans la démarche de m’approcher. Dans le scénario, on fait le choix de l’arène. C’est l’espace du conflit principal. Dans Bent Familia, j’ai fait du lit une arène. Ce n’est un espace d’amitié qu’entre les femmes amies, mais un espace de conflit avec le mari, la mère, ou celui de la crise de Fatiha. Un festival à Turin pensait que j’étais homosexuel : j’ai répondu que j’était croyant mais pas pratiquant ! Dans L’Homme de cendres, cela nous a coûté très cher et pris beaucoup de temps d’installer ce drame patriarchal et féodal dans un espace correspondant. Les nouveaux appartements ne sont pas la réponse à un besoin psychologique et à un besoin économique. Le borj, la maison des parents, cette fortification, a dû être reconstitué. J’ai dû emprunter à mes parents deux camions de meubles ! Et le fait de ne pas avoir retrouvé la marmite qui venait de mon grand-père a généré un conflit avec mon père ! Notre patrimoine tragique ou dramaturgique doit s’installer dans notre patrimoine, chargé des émotions qu’il avait. Aller vers ces intérieurs, c’est aller vers l’intérieur des personnages. Ce n’est jamais pour plaire à l’Occident. C’est parce que c’est notre propre personnalité. Un appartement à Tunis ressemble au monde entier mais je veux que le patrimoine tunisien reste dans la mémoire. J’ai passé 20 ans de ma vie dans une maison arabe. Ceux qui estiment que c’est un recul sont des idiots : ce sont les choses les plus belles que nous avons créées.

 

Question sur la symbolique et la continuité entre présent et passé.

 

J’ai voulu partir d’où nous venons : une enfance violée. Un âge adulte violé. Ces deux films sont un règlement de compte avec la mémoire, un rapport violent avec elle. J’ai ensuite eu envie de passer au présent. J’ai beaucoup souffert qu’on me dise que je parle de moi, alors que ce n’est pas le cas. Tout est imaginé, même l’enfance de Fellini dans Amarcord. La réalité dramatique se reflète dans la réalité, qui est une source intarissable. Ce que je vois maintenant, c’est le fruit de notre enfance. J’ai horreur des gens qui veulent montrer la Tunisie comme un pays moderne. Si c’est ça la modernité, qui m’enlève mon patrimoine, je la détester. Mon lien avec la mémoire est violent car cette mémoire est chargée de violence. Ces personnages sont conflictuels : ils portent le conflit de façon structurelle. La rupture de l’ordre est irréparable. L’acte du père de Hachemi n’est pas négatif : il défend l’ordre qui est en péril. Je ne vais pas donner au père ma conscience à moi. Il ne peut pas ne pas défendre l’ordre car l’ordre est en danger : il ne faillit pas à sa mission de père. On m’a beaucoup reproché ce père négatif face à M. Levy qui serait positif.

 

Question sur Les Sabots en or : pourquoi un langage moderne qui ne se retrouve pas dans ses autres films. Pourquoi n’avoir pas continué dans cette collection ?

 

La structure narrative est une réponse à la dramaturgie. C’est le sujet du film qui l’impose. Je n’ai pas envie d’être prisonnier d’un modèle. L’intérêt des Sabots en or est qu’il ne ressemble pas aux autres. Le thème de Bezness ne peut être traité à la première personne. C’est un choix de point de vue. La structure narrative doit épouser la dramaturgie. Les Sabots en or est mon film le plus personnel au niveau de l’écriture mais je ne veux pas tomber dans un modèle. Qu’est ce qui est commun entre 8 ½ et Amarcord ? Chaque film est une urgence. Je ne saurais ce qui me pousse à choisir tel sujet à tel moment. Cela tourne dans ma tête et un jour, je me mets à écrire. Les Sabots en or était un film infaisable, seulement possible après le succès de L’Homme de cendres. Je voulais régler très vite la question de l’idéologie. C’est un écriture plus complexe mais tous les personnages des autres films ont un lien de parenté. Je ne les renie pas, ce sont mes enfants. J’assume ces films, avec leurs faiblesses : ce sont des êtres vivants avec leurs défauts, produit des contraintes qui les ont vu naître. Avec Poupées d’argile, je n’ai plus travaillé avec Attia et ai pris mon essor. Contrairement à ce qu’affirme Attia qui dit que je ne peut travailler que sous la contrainte, c’est le contraire. C’est à moi de mettre les autres sous la contrainte.

 

Question sur la signification du miroir dans ses films.

 

J’ai horreur d’un plan où je mets un personnage contre le mur. Dans Bent Familia, la maison de Aïda sont quatre lieux différents (rue, couloir, escalier, appartement). Je ne trouvais pas la cage d’escalier avec la profondeur nécessaire dans l’appartement. Et je voulais cette profondeur d’espace. Si un personnage est contre un mur, je mets un miroir. C’est davantage une question d’esthétique que de symbolique.

Question sur les couples de personnages et leur possibilité d’échapper au destin grâce à la liberté de l’un.

Je préfère éviter les flash-backs. Amina représente le passé de Aïda : un personnage engendre un autre et peut être son passé ou son futur. L’acte violent de Farfat devrait être celui de Hachemi. Il paye le fait que son corps soit trop assimilé au corps d’une femme. Ces personnages n’existaient pas à la première version du scénario et ont été engendrés par la suite.

 

Question sur la continuité entre les films, notamment dans les matières.

 

Un deuxième cycle a démarré avec Poupées d’argile. Je remarque en relisant mes poèmes que les éléments organiques sont très présents. Mes films ont un aspect organique.

 

Question sur L’Homme de cendres, quand Hachemi se rend chez le Juif M. Lévy pour lui livrer son secret. Un dialogue entre cultures antagonistes ?

 

Le personnage de M. Levy (son nom est lié au fait qu’il est âgé) fait partie du patrimoine tunisien et de ma propre mémoire. J’ai connu des gens qui sont partis mais des vieux sont restés car ils n’ont plus l’âge et le temps de refaire une vie. Le choix de M. Levy a une raison dramaturgique : la joie et le plaisir (le mariage) que Hachemi refuse dans la structure patriarcale, il le fait par la chanson et le mariage simulacre chez M. Levy. La structure patriarcale ne peut pas faire le bonheur de Hachemi, il le cherche donc dans la marginalité. Je savais que le choix de M. Levy aurait des interprétations diverses qui m’intéressaient. Mon appartenance politique (GEAS) pour laquelle j’ai passé plus de cinq ans en prison est très claire. J’avais en prison un ami juif qui était dans la même organisation que moi. La différence de religion était saluée de façon très claire. Un jour, un gardien de prison avait fait une mauvaise plaisanterie avec Gilbert Nacache. Nous avons refusé de sortir dans la cour et avons demandé à voir le directeur, exigeant des excuses du gardien. Ce gardien est devenu très respectueux, très surpris par notre attitude. Sur la question palestinienne, nous étions les premiers de la gauche arabe à voir comme solution deux Etats, et cela dans le contexte de l’après 1967. Je pense que les Arabes doivent être les premiers à dénoncer le génocide des Juifs. Je ne l’ai pas mis dans Kamikaze pour que ça ne dévie pas le sujet. Mais j’ai été traité de sioniste, ce qui est difficile à vivre dans un pays arabe.

 

Question sur le besoin de plaire au public occidental dans certains détails dans les films arabes.

 

Je suis pour la liberté totale de chaque cinéaste. Je suis moins militant qu’avant. Je me disais que nous avions dans notre patrimoine Les Mille et une nuits qui servent de ressource pour l’Occident quand il est en mal d’érotisme. Pourquoi ne pas récupérer cet espace d’expression qui nous appartenait : le corps ? Si on regarde les films porno à la télé et qu’on ne considère pas notre propre corps, c’est une perversion sociale : il nous faut considérer notre propre corps pour y échapper. Tout ce qui peut aider les Arabes à guérir de leur sexualité est bienvenu.

 

Question d’actualité

 

Un problème cache l’autre : la question palestinienne et l’Irak. Le mur qui se construit est une absurdité et je soutiens toutes les forces qui cherchent à libérer le peuple juif de ce ghetto. En ce qui concerne l’Irak, nous sommes des otages de Saddam et de Bush. Nous étions contre Saddam mais comme c’est une occupation, nous ne pouvons qu’être contre. Je suis anti-Bush car cela dépasse toutes les limites. Zarkaoui m’humilie aussi en commettant des actes terroristes contre des civils. Il me donne honte d’être musulman. Il n’a pas le droit : je le porte sur mes épaules sans l’avoir choisi. Mais je soutiens les vrais patriotes irakiens et j’espère que Bush perdra. Je suis content quand des militaires américains meurent : c’est un occupant militaire. On ne peut le chasser sans le tuer. On ne peut comparer la libération de l’Europe contre les fascistes avec la libération de Saddam. Je suis d’accord qu’on l’attaque quand il occupe le Koweït mais lors de la deuxième guerre, il n’y avait pas d’occupation ! Bush a pour effet de donner aux peuples arabes une sainte horreur de la démocratie ! Il renforce les intégristes.

 

Question sur la direction d’acteurs, que les réalisateurs les considèrent souvent comme des matériaux bruts, des outils.

Je construis le personnage avec l’acteur, en lui expliquant le passé du personnage. Le paradoxe du cinéma est que l’acteur sait ce qui va se passer mais doit faire comme s’il ne le savait pas. Comment le diriger pour qu’il se mette en situation de ne pas savoir ? Je n’aime pas que les acteurs jouent « intelligent », quand ils réfléchissent. Je les préfère instinctifs et je leur donne souvent un animal à suivre, par exemple de réagir comme un chien. Je demande toujours à l’acteur de me donner un levier, une faille chez lui, qui me permet d’entrer dans sa complexité. Après le film, j’ai tellement honte de cela que je coupe toute relation avec l’acteur. Je n’ai jamais repris le même acteur, sauf dans Kamikaze où un acteur avait un rôle secondaire dans Poupées d’argile, car la faille je l’avais surtout cherchée dans le protagoniste. C’est par respect que je ne les vois plus : je connais trop leur secret, que je ne dirai bien sûr à personne. Je n’ai jamais eu de rapport amoureux avec une comédienne mais j’ai une histoire d’amour avec chaque personnage.

 

Propos recueillis par Olivier Barlet

 

(Source : le site « Africultures.com », le 18 avril 2006)

URL: http://www.africultures.com/index.asp?menu=affiche_article&no=4385


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