C.I.L.A.E: Le psychiatre franco-tunisien Ahmed ELEUCH sera jugé en appel ce jeudi 17 juin 2010 pour l’affaire de Sfax
Communiqué du Comité International pour la Libération d’Ahmed ELEUCH
Le psychiatre franco-tunisien Ahmed ELEUCH sera jugé en appel ce jeudi 17 juin 2010 pour l’affaire de Sfax
Le C.I.L.A.E (Comité International pour la Libération d’Ahmed ELEUCH) tient à rappeler à l’opinion publique française, tunisienne et internationale, quele docteur Ahmed ELEUCH comparaîtra ce jeudi 17 juin 2010 devant la Cour d’Appel de Sfax. Il avait été condamné en première instance, à Sfax, le mardi 19 janvier 2010, à une peine de deux ans de prison avec sursis au motif qu’il aurait « financé un groupe qui prône la haine religieuse ».
Ce procès en appel, initialement prévu le 23 mars 2010, avait du être reporté une première fois, au jeudi 20 mai 2010, à la demande de l’avocat de l’inculpé, qui n’avait pu obtenir la copie de la décision du non lieu accordé au psychiatre franco-tunisien dans l’« autre » affaire, celle de Tunis. Le 20 mai, l’avocat a de nouveau sollicité un deuxième report, afin de permettre à son client d’assister, le jour même, aux funérailles de son père, décédé la veille dans sa 85ème année dès suite d’une longue maladie.
Concernant l’affaire de Tunis, nous rappelons également que la Cour d’Appel de Tunis avait, le 25 janvier 2010, acquitté monsieur ELEUCH de sa condamnation à quatre ans d’emprisonnement ferme pour « participation à un groupe clandestin portant atteinte aux biens et aux personnes », ceci pour les mêmes faits qui lui avaient valu d’être condamné à Sfax quelques jours auparavant ! Cette innocence enfin reconnue avait mis un terme à de longs mois de souffrance pour le psychiatre franco-tunisien, qui était resté emprisonné sept semaines durant l’été 2009 et avait ensuite été contraint à de multiples allers-retours de Paris à Tunis pour un procès en appel sans cesse reporté.
Nous, collègues, confrères et sympathisants du docteur ELEUCH, comprendrions difficilement que ce dernier continue à être poursuivi à Sfax, après avoir été innocenté à Tunis, dans la mesure où il s’agit de facto d’une seule et même affaire, puisque d’une part le « groupe » incriminé dans les deux chefs d’inculpation est le même – l’ex parti En-Nahda – et que, d’autre part, les deux concernent des faits identiques, à savoir la participation présumée de monsieur ELEUCH à une réunion politique à Tripoli en 1993. Nous rappelons au demeurant la vacuité de ce dossier, le seul élément matériel retenu contre l’accusé restant à ce jour le témoignage d’un participant à cette même réunion, qui affirme que ce dernier y était présent.
Dans ce contexte, nous demandons à nos membres et sympathisants, en France et à l’étranger, de maintenir leur mobilisation en vue d’une réhabilitation complète de notre ami, collègue et confrère, afin qu’il puisse recouvrer sans ambiguïtés ses droits et sa dignité. Le récent décès du père d’Ahmed ELEUCH nous a rappelé ce qui avait motivé le retour du fils sur sa terre natale le 31 juillet 2009, au terme d’un douloureux exil de 19 ans : accompagner un père mourrant dans la dernière étape de sa vie.
Nous voulons croire que les autorités judiciaires tunisiennes auront à cœur, ce jeudi 20 juin 2010, au nom du respect des droits fondamentaux des citoyens tunisiens et de l’Amitié franco-tunisienne, de fournir à Ahmed ELEUCH un nouveau procès équitable et de prendre, à Sfax, une décision cohérente avec le non lieu qu’elles lui ont accordé à Tunis.
Docteur Patrick CHALTIEL,
Président du Comité International pour la Libération d’Ahmed ELEUCH (C.I.L.A.E.)
Paris, le 15 juin 2010
Sit internet : http://www.liberez-ahmed-eleuch.net
Contact : liberez.ahmed.eleuch@gmail.com
4e Forum mondial des droits de l’Homme
Nantes (France) / 28 juin – 1er juillet 2010
Face à la crise, les droits de l’Homme ?
http://www.spidh.org/fileadmin/spidh/Forum_2010/Programme_definitif_mod.pdf
Mercredi 30 juin 2010 :
Liberté d’expression et d’opinion : un combat permanent
Salle 150 – A
Droits de l’Homme et Maghreb : les crises, les révoltes, les droits, les conséquences des relations
économiques et politiques avec le nord de la Méditerranée.
Organisateur : Collectif Droits pour l’humanité (Nantes).
Au regard des droits de l’Homme, des événements graves se sont déroulés dans les pays du Maghreb : Algérie, Libye, Maroc, Mauritanie et Tunisie. Ces atteintes aux droits se traduisent par des arrestations arbitraires, des procès inéquitables et des condamnations lourdes. Des restrictions aux libertés affectent
l’ensemble de la société. Entre le moment où ces pays ont accédé à l’indépendance et aujourd’hui, comment les droits humains ont-ils pris place ? Où en sont la démocratie et les libertés publiques dans
les pays du Maghreb ? Est-il possible de dresser un constat sur la situation réelle et effective des droits humains actuellement, leur respect, leur violation ? La table ronde se propose d’analyser les facteurs ayant contribué à cette situation en croisant différentes approches : économiques, politiques, historiques, culturelles. Avec la présence de l’Association des travailleurs maghrébins de France (ATMF France – Washma Nantes) et la participation de syndicalistes, avocats et acteurs des droits humains au Maghreb : Adnane Hajji, Bechir Laabidi, Adal Jayar etAbid Khlaifi, syndicalistes et Zakia Dhifaoui, journaliste et professeure en Tunisie.
Cette table ronde est organisée avec le support du Collectif nantais de soutien aux Tunisiens de Redeyef.
Intervenants :
· Amine ABDELHAMID, vice-président de l’Association marocaine des droits humains membre de la Fédération Internationale des Droits de l’Homme – FIDH, coordinateur de la Coordination maghrébine des droits humains / CMODH, secrétaire général de l’Union syndicale des Fonctionnaires – Union marocaine du Travail / USF- UMT (Maroc) ;
· Aïssata Satigui SY, avocate, vice-présidente de l’Association mauritanienne des droits de l’Homme, coordinatrice de l’ONG mauritanienne Initiative pour la Promotion de l’éducation Citoyenne et du dialogue Politique /IPCD (Mauritanie) ;
· Lahouari ADDI, sociologue algérien, Amnesty International (Algérie) ;
· Khémaïs CHAMMARI, ancien secrétaire général de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme / LTDH, vice-président de la Fondation Euromed de soutien aux défenseurs des droits de l’Homme (Tunisie) ;
· Gilles MANCERON, historien, spécialiste du Maghreb (France) ;
Modérateur :
· Mouhieddine CHERBIB, ancien président de la Fédération des Tunisiens pour une citoyenneté des deux rives / FTCR – membre du Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de l’ Homme en Tunisie / CRLDHT (Tunisie);
Le Collectif Maghreb Solidarité s’engage à contribuer à bâtir des ponts de solidarité entre les deux rives de la Méditerranée
Demande de La Levée du Siège Policier Envers Mon Frère Abdelkarim Harouni
Hend Harouni – Tunisie Au Nom d’Allah Le Clément et Le Miséricordieux et la Prière et la Prière Soient sur Notre Prophète Loyal et Sincère Mohamed Tunis le 14 Juin 2010 – 3 Rajab 1431 Malgré nos appels renouvelés concernant la demande de la levée du siège imposé par la police civile sur mon frère Abdelkarim Harouni, l’ex-prisonnier politique, l’ancien Secrétaire Général de l’Union Générale Tunisienne des Etudiants (U.G.T.E.) et l’actuel Secrétaire Général de l’ONG « Liberté et Equité », ce siège se poursuit toujours, voire s’intensifie de jour en jour jusqu’à ce que la surveillance étroite est devenue jour et nuit et 24/24 au vu et su des citoyens là où il puisse se trouver : à son domicile, au travail, à notre maison, dans la mosquée, dans le cimetière et dans tous ses mouvements, y compris le déplacement dans le cadre de son travail ou avec les membres de la famille. En effet, cette surveillance collante se fait par relève des agents de la police civile avec l’utilisation de la même voiture blanche-marque : Partner – immatriculée sous le n ° 15-341969 relevant du ministère du Transport. Ce siège policier en question est considéré comme étant une atteinte flagrante à la liberté de mouvement et à la vie personnelle en relation étroite avec la liberté d’opinion et d’expression garanties pour tous et sans aucune distinction aussi bien par la Constitution du pays que par les conventions internationales. Par conséquent et en dernier lieu, ce siège est une atteinte aux droits de citoyenneté. La demande de la levée du siège pratiqué sur mon frère Abdelkarim signifie en elle même la défense de la liberté et de l’égalité. De ce fait, je lance un appel ardent à toutes les consciences libres en Tunisie et dans le monde en vue d’agir pour la levée du siège illégal et inhumain imposé sur mon frère Abdelkarim.
Le parlement tunisien adopte une loi sur la répression des actes de terrorisme nucléaire
15/06/10 21:34 TUNIS (AP) — La Tunisie a étoffé son arsenal juridique antiterroriste: son parlement a adopté mardi un projet de loi portant adhésion à la convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire. Cette nouvelle convention vient s’ajouter à 12 autres se rapportant à “la lutte contre le terrorisme sous toutes ses formes”. Selon l’agence officielle TAP, elle vient conforter, explicitement, les dispositions prévues par la convention des Nations Unies de 1977 relative à la lutte contre le terrorisme, s’agissant notamment de la responsabilité des personnes physique. Selon le ministre tunisien de la Justice et des droits de l’Homme Lazhar Bououni, “cette convention vise à lutter contre une nouvelle forme de terrorisme qui consiste à utiliser des matières radioactives dans des actes terroristes”. Après avoir noté que les Etats parties sont tenus de présenter des rapports “afin que le monde soit à l’abri de toutes formes de dérives dans ce domaine”, il a jugé “nécessaire de renforcer la coopération internationale et d’échanger les informations et les mesures préventives dans un monde marqué par l’intensification de l’utilisation de l’énergie nucléaire dans des applications civiles”. Considérée comme un “allié important” de l’Occident dans la lutte contre le terroriste, la Tunisie a adopté en 2003 une loi en la matière décrite par plusieurs organisations non gouvernementales et partis d’opposition comme “anti-constitutionnelle” et donnant lieu à “des abus”. AP
Tunisie: inauguration d’un nouveau site de production des gaz de l’air
AFP / 15 juin 2010 20h17 TUNIS – Linde Gas Tunisie, filiale du groupe allemand “The Linde”, leader mondial dans les secteurs gaz industriels et ingénierie, a annoncé mardi l’entrée en exploitation d’un nouveau site de production des gaz de l’air dans la zone industrielle d’El-Mghira au sud-ouest de Tunis. D’un investissement de 24 millions de dinars (12,8 millions d’euros), ce nouveau site tuniso-allemand couvre une superficie de deux hectares, a précisé à la presse Walid Rourou, directeur général de Linde Gas Tunisie. La production de ce site, inauguré mardi par Afif Chelbi, ministre tunisien de l’Industrie, est estimée entre 30 et 35 tonnes par jour, avec une part de marché de 16%, a indiqué M. Rourou. Ce projet regroupe aussi un laboratoire d’analyses, un atelier de maintenance et un bloc administratif. Des unités de conditionnement des gaz de haute technologie seront implantées prochainement, a-t-il ajouté. Le groupe Linde qui emploie près de 48.000 collaborateurs dans plus de 100 pays avec un chiffre d’affaires estimé à 11,2 milliards d’euros lors de l’exercice 2009, est entré sur le marché tunisien en mai 2008. Quelque 2.200 entreprises européennes produisent en Tunisie, ce pays est entré début 2008 en zone de libre-échange avec l’Union européenne pour les produits industriels.
Démocratie et classe moyenne
Prof. Taoufik BACHROUCH Certains se font la gorge chaude de notre classe moyenne, non sans raison. D’autres s’en félicitent, abusivement. Alors que nulle étude sérieuse du phénomène de stratification sociale n’a été tentée pour l’établir avec précision. Un observatoire vraiment indépendant des inégalités nous fait toujours défaut. La notion reste malaisée à cerner, étant liée qu’elle est aux différences de salaires, de revenus, de patrimoine, de prestige et d’instruction, selon les ménages et les niveaux de vie ; elle pâtit de surcroît d’une manipulation politicienne. Alors notion sociologique ou slogan politique, à défaut d’être une réalité objective ? Lorsque la Cour des Comptes a épinglé l’INS, pour le caractère parfois défaillant de son outillage statistique, cela n’a fait que confirmer nos soupçons. Nos statistiques inspireraient un sentiment de défiance ? La suspicion qui pèse sur ses données y incline. Le risque est de nous induire en erreur, sans que nous soyons à même d’y répondre à armes égales. Un économiste qui garde mon estime m’a dit un jour qu’une statistique favorable au régime, il faut la diviser par deux pour rester dans le vrai. Toutefois nous sommes contraints d’en tenir compte/ L’on prête, depuis Montety, à notre classe moyenne le fait d’avoir été le fer de lance du Destour sous le Protectorat, pour s’être d’abords interposée entre les prépondérants et le peuple ; et de s’être épanouie ensuite sous les Trente glorieuses, au terme du processus de tunisification des compétences, de la libéralisation de l’économie et de délocalisation de nos chômeurs outre mer. Elle donna lieu à un noyau de petite « bourgeoisie », devenue dominante à terme, décalquée sur le modèle français, dans un contexte de sous développement endémique, et sur fond de culture franco-arabe discutable, parce que utilitaire sans plus. Alors même que l’ancienne classe supérieure de type beylical était reléguée au second plan, parfois injustement, victime de félonie qu’on lui prêta bien volontiers. L’Etat national a pris dès lors appui sur la nouvelle classe émergente, des entrailles de laquelle sortira, au fil du temps, la future classe supérieure d’aujourd’hui. Qu’en est-il advenu sous l’ombre tutélaire de la démocratie restreinte ? Un rapport de force est en train de s’inverser au profit du capital. La classe moyenne en fera à terme les frais. En butte à la crise de l’école et de l’emploi, et exposée à l’érosion de son pouvoir d’achat, sans projet mobilisateur majeur, elle s’interroge présentement sur son destin. Signe de la détérioration de sa condition, elle a tendance à vivre, non sans peine, bien au dessus de ses moyens, comme si elle ne se résigne pas au déclassement qui la ronge. Elle tente de défendre, au plan symbolique, sa position sociale, en se comportant tant bien que mal comme ceux d’en haut et d’ailleurs. Mais la précarisation salariale qui l’entache la place actuellement dans un état mal assuré. Une redistribution des cartes sociales est aujourd’hui à l’œuvre sur fond de mondialisation. Le diagnostic doit reposer bien entendu sur des études de cas, car les difficultés ne sont pas uniformes au sein de ce large éventail d’agrégat social. Il nous en manque une courbe de Lorenz. Celle que, à ma connaissance, l’INS n’a pas cru devoir nous produire. Notre Institut estime pourtant que la classe moyenne se situe dans une fourchette de dépenses annuelles comprises entre 400 et 585 dinars par personne (2005). Les moyennes finissent donc à ce train par ne plus rien dire. L’ascension sociale par l’éducation qui l’a faite s’est aujourd’hui grippée, quoique diversement, ce qui perturbe son procès de renouvellement à l’identique. Les diplômes se sont dépréciés comme le dinar glisse et l’emploi ne se prête plus à la demande de leurs détenteurs. Alors même que nombreux sont les nouveaux riches qui ne doivent leur réussite sociale, pour une large part, ni au travail ou au mérite, mais plutôt aux chemins de traverse, pour ne pas dire autre chose. Pour eux, il suffit de se saisir de quelques affaires juteuses et de s’y prendre en conséquence. Il n’y a pas mieux que d’observer, par contraste, les taux élevés de chômage, de divorce, de célibat et de dénatalité pour mesurer l’ampleur du malaise qui règne et la portée de la fracture sociale qui est à l’oeuvre. L’inégale répartition des valeurs gratifiantes est au coeur aujourd’hui de la question sociale. Echouer dans les études n’est plus un drame, au contraire, ce peut-être une chance inestimable, pour ceux qui savent l’attraper au vol, sans scrupules, à la faveur d’un coup de pouce par ci ou de quelque coup d’audace par là. A nous deux Tunis, mais différemment de ce qu’autrefois avait pu lancer un certain Julien. Les élites de services paraissent comme désarmées ; elles ont tendance à se replier comme par dépit sur leurs positions acquises. Elles sont victimes de leur ramollissement, voire de leur abaissement. Rien d’étonnant à ce que la tension qui en découle demeure stérile. Elle n’est pas dirigée contre le Capital, et encore moins contre l’Etat ou la Corruption. Le système D et les « «épaules » se muent en planches de salut. La crainte de l’Etat bloque : on ne bouge plus. Le recours au trafic d’influence soulage : mais tout le monde n’y a pas accès, d’où l’injustice qui l’entache. Et les multiples oppositions sont incapables de cristalliser les frustrations à l’œuvre : pourtant ce sera l’affaire du siècle. Il leur manque un chef au miroir duquel elles se mirent. Sans un chef solide, un programme commun, une orientation d’avenir et une volonté commune d’aboutir, un rêve en somme, point de salut. A contester sans risque, on s’oppose en rampant. A réclamer sans péril on se satisfait sans gloire. Le pourcentage de 80% de détenteurs de logements qu’on lui prête et dont on a fait un thème de campagne politique, est improbable. Il existe en Tunisie 2 500 830 logements (2004). La catégorie dâr ‘arbî et houch représente 54,3% (il eut fallu les dissocier n’étant pas de même nature). Celle des villas représente 38%. Celle des appartements constitue 6,9%. La catégorie des logements modestes (notion vague) fait 0,8%. Le secteur moderne d’habitation ne réunit que 44,9% des logements recensés. Les villas reviendraient-elles alors aux classes supérieures et les appartements, maisons arabes et houchs aux classes moyennes ? A noter l’existence de 5% de logements secondaires et de 10,4% de logements inoccupés. Les logements habités ne comptent plus que 84,6% de l’ensemble des logements. Il a été recensé 31% d’habitations rurales et 69% d’habitations urbaines. Où est la classe moyenne dans tout cela, puisque la ventilation n’a pas tenu compte des critères sociaux ? Un houch est-il l’équivalent d’une dar-arbi pour les ranger dans une catégorie unique ? Les différences sociales entre la ruralité et l’urbanité, entre le houch, la maison arabe, la villa et l’appartement ont été gommées par les statisticiens. On y a logé 80% des ménages, comme si à chaque ménage devait correspondre impérativement un logement. Allez dire aux habitants des médinas de Tunisie sur lesquelles j’ai travaillé qu’ils appartiennent majoritairement à la classe moyenne. Nos statisticiens ont fait l’impasse sur la paupérisation en cours. Le pays compte par ailleurs 2.185.839 ousars/ménages contre 2.500.830 logements/maskans (un rapport de 87% effectivement, arrondi à 80 % pour faire bonne mesure). Le nombre des locataires n’est pas mentionné. Celui des propriétaires possédant plus d’une maison non plus. Le compte n’y est pas. Alors on fabule gaillardement. Les laudateurs de la classe moyenne ont fait, sur la foi d’un toit quelle que soit sa qualité, et d’un revenu quel que soit son niveau, une formation fourre tout, qui gomme les disparités en son sein. L’idée de moyennisation socio-économique est discutable à la base ; elle est source malentendus à la limite. Une moyenne ne veut plus rien dire en la matière, à elle seule. Entre un ignorant et un savant où placer le curseur de la moyenne ? La classe moyenne se définit aussi par ses rêves et ses fantasmes, l’aspiration en somme à la belle vie, vent debout, sans en posséder ni la culture ni les moyens ni le raffinement. Se définit-elle par sa capacité à dépenser ? Lorsque 20% des nantis se réservent 47,3% de la masse des dépenses totales par personne et par an (2006), la réponse coule de source. Il ne reste plus que l’autre moitié pour les 80% restants (y compris 2,3 % pour ce qu est du décile le plus bas). Foin de calculs compliqués et opaques. La classe moyenne serait constituée de ceux qui forment 77% de la population et à laquelle reviennent 50% des dépenses restantes. Le critère des dépenses n’est pas rentable politiquement parlant, puisque le montant des dépenses de 80% des ménages équivaut à celui des 20% restants. La population qui consomme le plus n’est pas celle que l’on croit. Par ailleurs le salaire brut moyen (2006) est évalué dans la Fonction Publique (323.230 individus) à 831 dinars par mois. Ceux qui touchent plus que 800 dinars y comptent quelque 49,5%. Ceux qui reçoivent entre 500 et 800 dinars se chiffrent à 32% ; sont-ce ceux-là qui constituent la classe moyenne des ronds de cuir. Ceux qui gagnent moins de 500 dinars représentent 17%. Servi en net, il faut compter quelque 20% en moins. Rien à voir avec le salaire d’un footballeur en vue ou de tous ceux qui se livrent à l’évasion fiscale. Un smigard (225 à 260 dinars par mois, un peu plus depuis les dernières augmentations) en occuperait-il la strate inférieure, alors que le seuil improbable de pauvreté est estimé officiellement à quelque 31 dinars près par mois ou un peu plus. La classe moyenne serait-t-elle constituée (cf. Insee France) de l’ensemble de ceux dont les revenus salariaux mensuels (et non pas les niveaux de dépenses) se situent entre une fois et demi le SMIG et deux fois et demi, soit pour ce qui nous concerne, entre 337/390 dinars et 560/ 650 dinars (y compris les charges). Allez dire à ceux-là qu’ils jouissent aujourd’hui d’un statut de classe moyenne, surtout dans les grandes villes. Ceux-là ne sont-ils pas déjà à plaindre en termes de pouvoir d’achat, par les multiples inflations qui courent (5% nous dit-on)? La fourchette de 300 à 700 dinars ne fait plus une classe moyenne, dénuée de sens qu’elle est (37% de la Fonction publique en brut) : ce plateau de revenus n’autorise plus un minimum de bien-être décent, mais conduit à des fins de mois bien difficiles et à de l’endettement endémique dont les médias commencent à parler. La paupérisation est en train de bouleverser l’édifice social de la classe moyenne que l’Etat Providence a laissé en héritage. Surtout quand avec un salaire d’un peu plus de mille dinars, on est rangé parfois abusivement dans la strate inférieure la classe supérieure. Et avec un salaire mensuel de 36 dinars, on verse dans la pauvreté. Mais voila que désormais, signe des temps, l’accès un à un logement social Foprolos est subordonné à un salaire compris entre 1 et 5 fois le smig selon l’étendue de la surface bâtie de 50 à 100m². Ce qui revient à dire que les catégories sociales gagnant un salaire mensuel compris entre 225 et 1300 dinars sont éligibles au même titre à l’acquisition de logements sociaux individuels, parce que leurs membres éprouvent des difficultés particulières, en raison de leur inaptitudes à briguer une ville comme leurs devanciers. Rappelons que le logement social est destiné à des personnes à revenus fixes et qui ne peuvent se loger sur le marché libre de l’immobilier. On glisse du bidonville à la cité ouvrière, puis de celle-ci à la cité populaire et de celle-ci au logement social pour cadres supérieurs en mal de logement stable. C’est la nouvelle fourchette de ceux qui, de l’ouvrier basique au cadre supérieur doté d’une voiture de service (avec 400 litres d’essence et une poignée de jetons), n’arrivent plus à se loger sur le marché libre de l’immobilier, celui dont les offres de prix varient aux dernières estimations de 1.400 à 2.400 dinars le m2. Le social gagne les cadres en faveur desquels je propose la création d’un 27-27. La strate inférieure de la classe supérieure commencerait-elle pour de bon à partir de 1300 dinars ? C’est encore discutable. Le pouvoir d’achat est au coeur du problème. Les transferts sociaux deviennent insuffisants, un baume sur une jambe de bois. Des pans entiers de la classe moyenne sont en butte à leur déclassement de fait. Les Fripes qui inondent le pays lui servent pour le moment de cache misère vestimentaire et d’identité de classe par emprunt et sans traçabilité. Là aussi les prix s’envolent, alors que les meilleures pièces s’envolent pour l’Europe. La classe moyenne n’est plus alors qu’une illusion, un phantasme de politiciens intellectuellement peu regardants; elle est à repenser, car source d’artifices et de manipulations. C’est un fait cependant que le fossé qui la sépare de celle des riches s’élargit. Ce faisant la fracture qui est à l’œuvre, en son sein, affecte différemment les salariés et les tenants des professions libérales. Les premiers constitueront bientôt la véritable classe moyenne, faite de salariés, de fonctionnaires, de cadres, d’enseignants, d’ingénieurs et de retraités, en équilibre toujours instable, car incapables de résister au glissement de leur pouvoir d’achat, parce que émargeant à un budget de l’Etat peu enclin à des augmentations conséquentes. Et les autres, ceux des services et du commerce, dont la hausse des revenus profite de l’inflation et du gonflement de leurs chiffres d’affaires, et qui ont tendance à se surclasser. Ce clivage finira par disloquer ce groupement entre riches de plus en plus riches et précaires de plus en plus précaires. Le problème réside dans la hausse des inégalités en termes de revenus et de pouvoir d’achat, ce qui menace de suite, croyons-nous, le capital humain du savoir et de la culture à une dépérissement rampant. Il faut en faire partie pour s’en rendre compte. Le basculement qui s’opère est à l’avantage des indépendants qui mènent rondement leurs affaires, derrière les figures de proue de la société capitalo-financière locale et aux dépens des serviteurs de l’Etat, dont le moment de gloire tend à se décliner au passé. Le pays ne manque plus d’argent. Cependant c’est sa répartition équitable qui pose problème. L’assiette dévolue aux serviteurs de l’Etat ne les contente plus, d’où la tentation de la corruption que la rumeur publique chuchote (voyez le classement du pays à cet égard). La classe moyenne serait en voie de fissuration, ne pouvant accéder confortablement et également à la consommation de masse. En fait on s’est servi d’un abus statistique comme d’un habile camouflage tendant à affubler une démocratie politique imparfaite d’une démocratie sociale présumée. L’illusion d’optique qui en résulte serait politiquement payante, mais socialement pénalisante. Le syndicalisme peut faire alors de la figuration, ayant perdu sa raison d’être, les frictions sociales n’étant plus reconnues dans les faits. L’ennemi n’est plus le colonialisme, ni le socialisme, ni le libéralisme, ni l’autoritarisme, ni même l’intégrisme, le despotisme ou la mondialisation. Il n’y a plus d’ennemi de classe visible, identifié et reconnu comme tel. Le jeu des intérêts ne se développe pas librement. Par le mythe et le leurre on camoufle les dures réalités du vécu. La bulle sociale peut être payante. Mais elle court les risques de toutes les autres bulles. Il en résulte qu’aujourd’hui le potentiel d’intégration, défavorable pour les uns et avantageux pour d’autres, ne fonctionne plus à souhait pour tous comme sous l’Etat Providence globalement. Le hiatus qui se creuse entre le potentiel économique et la dynamique démographique fera bientôt éclater la bulle de la classe moyenne. Les salariés en seront les victimes désignées, pour avoir perdu leur puissance motrice. D’autant que la mondialisation agit en fait comme les Etats coloniaux du XIXe siècle, mais en y mettant les formes, cette fois. Déjà pointe, dans son sillage, une nouvelle mouture de classe compradore en devenir dont les intérêts prolongeront les siens et qui est en passe de s’affirmer comme la véritable classe supérieure sous bannière étrangère. La demande mondialiste ne corroborera pas la demande sociale. Prestige, autorité, revenu, influence et pouvoir constitueront bientôt une rémunération correspondant à une certaine demande de la mondialisation. Le pouvoir est sommé à terme de s’y conformer. Nous en avions eu un avant goût avec les scandales qui ont précédé l’établissement du Protectorat. Eternel recommencement ! Eternelle incurie !
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