REMDH: Nouvelles mesures de harcèlement à l’encontre d’un défenseur des droits de l’Homme en Tunisie OMCT – FIDH: Nouveaux actes de harcèlement à l’encontre de Khemais Chammari Khemais Chammari: Lettre au Directeur Général des Douanes Tunisiennes OMCT – FIDH: Libération de MM. Foued Khenaissi et Boujomâa Chraïti – IFJ Welcomes Unification of Tunisian Journalists under National Trade Union
Kalima: Affaire du yacht volé: la justice française lance un mandat contre les frères Trabelsi
Kalima: Les perles de l’équipe Tekkari à l’ONUKalima: Le Congress américain fait une coupe drastique dans la subvention accordée à la Tunisie Chokri Hamrouni: Pour un retour digne des exilés Wicem Souissi: UE-Tunisie : un air irrespirable, oui mais lequel? Xinhua: La Tunisie et la France se préparent pour la prochaine visite de Sarkozy à Tunis AFP: Droits de l’homme: les pays arabo-islamiques sous le feu des ONG Tribune de Genève : Les droits de l’homme, enjeu de la nouvelle guerre Nord-Sud AFP: Mme Livni au Qatar appelle les pays arabes à nouer des liens avec Israël AFP: Trois Egyptiens transférés secrètement via l’Allemagne par la CIA (presse) AFP: Egypte: prison ferme pour 25 islamistes devant un tribunal militaire AP: Produits alimentaires – La communauté internationale confrontée à une grande crise Reuters: A peine élu, Silvio Berlusconi vise l’immigration clandestine AFP: L’islamophobie aux Pays-Bas critiquée par des ONG devant l’ONU Youssef Girard: Tan Malakka : nationalisme, marxisme et Islam (1/2)
Nouvelles mesures de harcèlement à l’encontre d’un défenseur des droits de l’Homme en Tunisie
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Mettre un terme aux harcèlements, intimidations, menaces, et attaques à l’encontre des défenseurs de droits de l’Homme conformément aux dispositions de la déclaration de l’Assemblée générale de l’ONU sur des défenseurs de droits de l’Homme du 9 décembre 1998 ;
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Respecter les libertés fondamentales des défenseurs des droits de l’Homme tunisiens, notamment leur liberté de mouvement, d’expression et d’association ;
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Faire respecter les engagements internationaux en matière de droits de l’Homme tels qu’exprimés dans la Déclaration de Barcelone à laquelle la Tunisie a souscrit ;
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Assurer le respect de l’article 2 de l’accord d’association UE/Tunisie ainsi que les lignes directrices de l’Union européenne sur les défenseurs des droits de l’Homme.
L’Observatoire pour la Protection des Défenseurs des Droits de l’Homme
APPEL URGENT – L’OBSERVATOIRE
TUN 005 / 0408 / OBS 057
Actes de harcèlement
14 avril 2008
L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situation suivante en Tunisie.
Description des faits :
L’Observatoire a été informé de sources fiables de nouveaux actes de harcèlement à l’encontre de M. Khemais Chammari, membre co-fondateur de la Fondation euro-méditerranéenne de soutien des défenseurs des droits de l’Homme (FEMDH).
Selon les informations reçues, le 3 avril 2008, alors qu’il rentrait d’un voyage professionnel en Europe, M. Chammari a fait l’objet, à l’aéroport de Tunis Carthage, de mesures de sécurité vexatoires de la part d’agents des douanes, qui lui ont fait savoir qu’il devait être soumis à une fouille corporelle « à la demande des autorités compétentes ». M. Chammari a refusé de se soumettre « à cette mesure arbitraire et provocatrice », selon ses propres termes, qui plus est sans fondement légal, et un accord a été trouvé avec les douaniers après plus d’une demi-heure de discussion.
Le lendemain, M. Chammari a adressé un courrier au directeur général des douanes tunisiennes, dans lequel il précisait que ce n’était pas la première fois qu’il est soumis à une fouille exhaustive, puisqu’à chacun de ses déplacements depuis plus d’un an et demi, ses bagages, ainsi que ses objets personnels, sont intégralement fouillés et inspectés, au départ de Tunisie comme à l’arrivée. M. Chammari précise que les agents auxquels il a été confronté ont toujours fait preuve d’un comportement correct à son égard. Dans sa lettre au directeur des douanes, M. Chammari a demandé à ce que ces incident ne se reproduisent pas, et a précisé qu’il « continuera […] à [s]’opposer à toute tentative de ce type à l’avenir ».
L’Observatoire rappelle en outre que M. Chammari avait fait l’objet d’une campagne de diffamation en décembre 2007, suite à sa participation à une conférence de presse organisée par le Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL) et le Parti démocrate progressiste (PDP) au cours de laquelle il avait présenté, au nom du Collectif 18 octobre pour les droits et libertés, deux textes portant sur l’égalité de genre et la liberté de conscience[1].
L’Observatoire condamne ces actes de harcèlement à l’encontre de M. Chammari, et considère qu’ils visent uniquement à sanctionner ses activités en faveur des droits de l’Homme.
L’Observatoire déplore plus généralement la violence croissante avec laquelle les autorités tunisiennes répriment toute personne qui promeut et défend les droits de l’Homme, et rappelle que conformément à l’article 1 de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1998, “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales aux niveaux national et international”.
Actions demandées :
L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités tunisiennes en leur demandant de :
i. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de M. Khemais Chammari ;
ii. Veiller à ce qu’un terme soit mis à toute forme de menaces et de harcèlement à l’encontre de M. Khemais Chammari et de tous les défenseurs des droits de l’Homme tunisiens ;
iii. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement à son article 1 susmentionné, son article 6(b), selon lequel “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, conformément aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’Homme et autres instruments internationaux applicables, de publier, communiquer à autrui ou diffuser librement des idées, informations et connaissances sur tous les droits de l’Homme et toutes les libertés fondamentales”, et son article 12.2 qui dispose que “l’Etat prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avec d’autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la présente Déclaration” ;
iv. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par la Tunisie.
Adresses :
· M. Zine el-Abidine Ben Ali, Président de la République, Palais de Carthage, 2016 Carthage, Tunisie, Fax : +216 71 744 721 ou +216 71 731 009
· M. Mohamed Ghannouchi, Premier Ministre, Secrétariat Général du Gouvernement, Rue de la Kasbah, 1008 Tunis, Tunisie, Fax : +216 71 562 378
· M. Rafik Belhaj Kacem, Ministère de l’Intérieur et du Développement local, Avenue Habib Bourguiba, 1001 Tunis, Tunisie, Fax : ++ 216 71 340 888 ; Email : mint@ministeres.tn
· M. Kamel Morjane, Ministère de la Défense Nationale, Avenue Bab Mnara, La Kasbah, 1008 Tunis, Tunisie, Fax : +216 71 561 804
· M. Bechir Tekkari, Ministère de la Justice et des Droits de l’homme, 57, Boulevard Bab Benat, 1006 Tunis, Tunisie, Fax : +216 71 568 106 ; Email : mju@ministeres.tn
· Ambassadeur, S.E M. Samir Labidi, Mission permanente de la Tunisie auprès de l’Office des Nations Unies à Genève, 58 Rue Moillebeau, Case postale 272, 1211 Genève 19, Suisse, Fax : +41 22 734 06 63 ; Email : mission.tunisia@ties.itu.int
· Ambassade de la Tunisie à Bruxelles, 278 avenue de Tervueren, 1150 Woluwe-Saint-Pierre, Belgique, Fax : + 32 2 771 94 33 ; Email : amb.detenusie@brutele.be
Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques de Tunisie dans vos pays respectifs.
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Genève – Paris, le 14 avril 2008
Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.
L’Observatoire, programme de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible.
L’Observatoire a été lauréat 1998 du prix des Droits de l’Homme de la République Française.
Pour contacter l’Observatoire, appeler La Ligne d’Urgence :
E-mail : Appeals@fidh-omct.org
Tel et fax FIDH : 33 1 43 55 20 11 / 33 1 43 55 18 80
Tel et fax OMCT : + 41 22 809 49 39 / 41 22 809 49 29
A l’Aimable Attention de Monsieur le Directeur Général des Douanes Tunisiennes
Libération de MM. Foued Khenaissi et Boujomâa Chraïti –
IFJ Welcomes Unification of Tunisian Journalists under National Trade Union
14/04/2008
The International Federation of Journalists (IFJ) today welcomed the unification of Tunisia’s two journalist unions in a move to strengthen the defence of journalists’ rights and promote press freedom.
“We support the decision by our Tunisian colleagues to unite in one union to fight for the rights of media and provide support for journalists and freedom of expression,” said IFJ President Jim Boumelha.
Last week the Union of Tunisian Journalists (SJT) said it will join the National Union of Tunisian Journalists (SNJT) in an effort to create a unified voice to advocate for media workers and media freedom.
The IFJ said it supports the SNJT’s work to form a unified group of Tunisian journalists in a trade union that will defend independent journalism and professional standards.
Tunisia’s journalists created the SNJT earlier this year as a national trade union that focuses on improving the poor working conditions of journalists and defending journalists’ professional rights.
For more information contact the IFJ at +32 2 235 2207
The IFJ represents over 600,000 journalists in 120 countries worldwide
(Source: le site de la Fédération Internationale de sJournalistes FIJ, le 14 avril 2008)
Lien : http://www.ifj.org/default.asp?Index=6060&Language=FR
La Tunisie et la France se préparent pour la prochaine visite de Sarkozy à Tunis
Kalima reproduit ci-après l’article paru le 19 mars dernier sur l’emag Mediapart sur les développements dans l’affaire du Yacht volé, eu égard à l’intéret qu’il représente pour ses lecteurs qui n’ont pas accès au site français. Des proches de Ben Ali sont impliqués dans des vols de yachts de luxe Fabrice Lhomme Port de Bonifacio, le 5 mai 2006. Il est environ 5 heures du matin. Surgis de nulle part, plusieurs hommes se glissent à bord d’un superbe yacht, un V 58 de la prestigieuse marque Princess d’une valeur de 1,5 million d’euros, dont ils prennent le contrôle sans difficulté. Quelques minutes plus tard, le Beru Ma s’éloigne de la côte, sans un bruit. Ce que les voleurs ignorent, c’est que le bateau dont ils viennent de s’emparer est la propriété de Bruno Roger, patron de la banque d’affaires Lazard frères, pôle français du groupe Lazard, accessoirement ami intime de Jacques Chirac, et proche de Nicolas Sarkozy ! Le début d’une incroyable affaire, extrêmement embarrassante pour l’Etat tunisien… Le premier épisode a été dévoilé, dès le mois de juin 2006, dans les colonnes du Canard enchaîné. L’hebdomadaire satirique révèle que, grâce aux investigations d’un enquêteur privé mandaté par Generali, la compagnie d’assurances du Beru Ma, le navire a été repéré dans le port de Sidi Bou Saïd, près de Tunis. De leur côté, les gendarmes de la brigade de recherches de Toulon, qui agissent dans le cadre de l’information judiciaire ouverte au cabinet du juge d’Ajaccio, David Launois, reconstituent rapidement l’itinéraire du yacht et l’identité de l’équipage. En effet, victime d’un incident technique, le Beru Ma a dû faire escale à Cagliari, en Sardaigne, attirant ainsi l’attention des douaniers italiens. Les gendarmes décident alors de mettre sur écoute plusieurs suspects. Les conversations interceptées leur permettent d’identifier l’ensemble de l’équipe à l’origine du vol du Beru Ma, également impliquée dans deux autres vols de yachts de luxe : le Sando, dérobé au Lavandou (Var) en décembre 2005, et le Blue Dolphin IV, qui s’était volatilisé un mois plus tard dans le port de Cannes. Les gendarmes placent également sous surveillance le détective de Generali, Jean-Baptiste Andreani, un ancien policier. Ils le soupçonnent d’en savoir beaucoup plus qu’il ne veut en dire. Dans un procès-verbal de synthèse du 10 septembre 2006, les gendarmes notent à propos d’Andreani : « Bien que se montrant affable avec les différents enquêteurs, il apparaît très vite que l’intéressé n’est pas un philanthrope, mais plutôt un chasseur de prime d’assurance. Placé sous surveillance téléphonique, l’intéressé entretient des rapports ambigus avec les différentes parties, et il apparaît clairement qu’il fait de la rétention d’informations à notre encontre. » Sollicité par Mediapart, Jean-Baptiste Andreani a réfuté cette accusation, affirmant avoir entretenu « les meilleurs rapports avec les gendarmes » auxquels il assure n’avoir « absolument rien caché ». Une chose est sûre, c’est en interceptant une communication téléphonique d’Andreani que les gendarmes découvrent l’identité du commanditaire du vol. Il s’agirait d’un certain Imed Trabelsi, qui n’est autre que le neveu de la femme du président tunisien Ben Ali, Leïla. Un personnage redouté du tout-Tunis, qui ne compte plus ses frasques, au grand dam de son oncle par alliance. Pour ne prendre qu’un exemple, le dossier judiciaire contient des témoignages indiquant qu’Imed Trabelsi conduit la Mercedes 500 qui avait été dérobée en mars 2005, lors d’un car-jacking à Marseille, à l’ancien joueur de l’OM, Habib Beye… Régulièrement, l’opposition tunisienne dénonce les agissements d’Imed Trabelsi. Au début du mois de septembre 2006, les gendarmes procèdent à une vague d’interpellations. Parmi les personnes arrêtées, Cédric Sermand, le « cerveau » de l’équipe, impliqué dans les trois vols – pour le convoyage desquels il devait toucher au total 55.000 euros. D’abord peu loquace, Sermand, mis en examen pour « vols en bande organisée, escroquerie en bande organisée, faux et usage de faux » puis incarcéré, va, au fil de ses auditions, changer de stratégie et coopérer. Il sera remis en liberté en mai 2007. Sermand révèle ainsi, à propos du vol du Blue Dolphin IV, que c’est Moaz Trablesi, le frère d’Imed, qui « avait passé commande d’un bateau » via deux intermédiaires, Azzedine Kelaiaia et Amar Kechad. « Nicolas Sarkozy avait appelé » Du fait des intempéries, le yacht avait dû accoster à Bizerte, où Moaz Trabelsi l’attendait impatiemment. « Il est monté pour le visiter, mais comme il y avait beaucoup de monde et qu’il était tard, il l’a visité très rapidement », s’est souvenu Sermand, avant de livrer au juge Launois une anecdote révélatrice de la crainte que suscitent les Trabelsi en Tunisie. Sur le trajet entre Bizerte et Tunis, les deux hommes furent flashés par un radar mobile. Il est vrai que Moaz Trabelsi roulait à plus de 200 km/h… La suite, le juge Launois l’a résumée dans une question, lors d’un interrogatoire le 22 février 2007 : « Moaz Trabelsi aurait alors brusquement freiné, fait marche arrière sur plusieurs centaines de mètres pour aller casser le radar et frapper le policier. Le deuxième policier se serait excusé mais aurait également pris une gifle de Moaz Trabelsi. Est-ce que vous confirmez tout cela ? » « Concernant le déroulement des faits, c’est tout à fait ça », a répondu Sermand. Au cours d’un autre interrogatoire, le 6 mars 2007, Cédric Sermand a révélé les dessous du vol du Beru Ma. Au printemps 2006, après avoir reçu un acompte de 30.000 euros, partagé avec ses complices, Sermand dit avoir fait volte-face. « Je ne me sentais plus de voler un bateau et de le convoyer en Tunisie. C’est à ce moment-là qu’ils sont devenus plus menaçants. » « Qui est devenu plus menaçant ? », l’a relancé le juge. « Environ deux ou trois semaines après que nous avons reçu l’acompte, Xavier Ricco (un ami de Sermand, impliqué dans les trois vols) m’a appelé pour me dire qu’il avait reçu la visite de quatre Italiens qui lui avaient dit qu’il avait intérêt à convoyer le bateau sinon cela allait mal se finir. Xavier était paniqué au téléphone (…). Celui-ci m’a dit que pour ces gens-là, les femmes et les enfants ne comptaient pas. J’ai eu peur pour ma femme et mes enfants. J’ai alors rappelé Azzedine Kelaiaia pour lui dire que j’allais arriver en bateau. » Sermand a ensuite raconté en détail « l’abordage », le 5 mai 2006, du Beru Ma – « Je dois dire que je suis surpris de la facilité avec laquelle on peut voler un bateau d’une telle valeur, ça m’a pris 5 minutes montre en main pour démarrer ce bateau » – puis, surtout, l’entrée dans le port de Sidi Bou Saïd. « Lorsque nous sommes arrivés en Tunisie, s’est souvenu Sermand, il y avait beaucoup de gens qui semblaient nous attendre. Le bateau a plu à Imed Trabelsi et celui-ci m’a dit qu’il allait le garder et qu’il fallait aller faire les papiers à la douane. » Là, les choses se compliquent. Pas pour longtemps. « Le douanier a dit à Imed Trabelsi que ce n’était pas possible de faire les papiers. Imed Trabelsi a dit au douanier : « Comme cela, ce n’est pas possible ? ! » Il a ajouté : « Tu sais à qui tu parles ? » Imed Trabelsi a fait pression sur le douanier et, au final, celui-ci a accepté de faire les papiers en contrepartie du paiement de la taxe de luxe et d’une somme d’argent qu’il versait, au noir, au douanier. » Tandis que des hommes de main de Trabelsi s’affairent sur le yacht afin de le « maquiller », un événement inattendu se produit. « Nous sommes repartis en direction de la douane centrale pour faire établir les vrais « faux papiers tunisiens ». C’est à ce moment-là qu’Azzedine Kelaiaia a reçu un coup de fil lui disant qu’il fallait faire repartir le bateau. En effet, il m’a dit que j’avais volé le bateau du banquier (de) Jacques Chirac et que Nicolas Sarkozy avait appelé pour savoir où était le bateau. » Présent au côté de Sermand au moment de la livraison du Beru Ma, Olivier Buffe, également mis en examen dans la procédure, a déclaré : « Je confirme bien l’épisode dans la voiture où Azzedine Kelaiaia a dit à Cédric Sermand qu’on avait volé le bateau du banquier (de) Jacques Chirac et que Nicolas Sarkozy avait appelé pour savoir où était le bateau. » Une enquête soudain moins prioritaire Manifestement, Jacques Chirac, alors président de la République, et Nicolas Sarkozy, qui était ministre de l’Intérieur, ont suivi de près les développements d’une affaire susceptible de contrarier Bruno Roger, mais aussi de créer de vives tensions avec le régime « ami » de Zine el-Abidine Ben Ali. Ce que l’audition comme témoin, le 24 mai 2006, de l’ancien policier Jean-Baptiste Andreani a largement confirmé. L’enquêteur privé a d’abord indiqué s’être rendu à Sidi Bou Saïd à la demande de Generali, dès le 15 mai 2006, en se faisant passer pour un touriste. « A mon arrivée j’ai été pris en charge par notre correspondant , le commissaire d’avarie. Je ne le connaissais pas avant cette rencontre. Au cours de notre transport au port de Sidi Bou Saïd, ce dernier m’a mis en garde sur les dangers encourus car le bateau se trouvait dans un port protégé par la famille présidentielle », s’est rappelé Andreani. Après avoir authentifié le Beru Ma, le détective dit avoir informé par téléphone Generali ainsi que le propriétaire, Bruno Roger. « Le lundi soir 15 mai 2006, tard, vers 21 h 30-22 heures, j’ai reçu un appel sur mon portable du commandant de gendarmerie en poste à l’ambassade de France, à Tunis. Il m’a demandé où se trouvait le bateau et m’a sollicité pour le conduire sur le lieu d’accostage. Ce commandant avait été contacté par le direction de la gendarmerie qui elle-même avait été contactée par M. Sarkozy, et ce à la demande du propriétaire, M. Roger », a assuré Jean-Baptiste Andreani. « De ce que j’ai pu en savoir, M. Roger est une relation de M. Sarkozy. Sur ce vol de bateau, j’ai été contacté directement à deux ou trois reprises par M. Guéant, directeur de cabinet de M. Sarkozy (Claude Guéant est aujourd’hui secrétaire général de l’Elysée) ainsi que par le major général de gendarmerie Nauroy », a conclu le détective, que les gendarmes soupçonnent d’avoir régulièrement rendu compte, de vive voix, de ses recherches au palais de l’Elysée. Dans un procès-verbal d’août 2006, les gendarmes concluent, notamment sur la base d’écoutes téléphoniques, qu’Andreani a eu « connaissance rapidement de la découverte du navire Beru Ma dans le port de Sidi Bou Saïd. De la même manière, nous serons informés de l’évolution des négociations avec la justice tunisienne relatives à la restitution du navire volé. Il est à noter que la personnalité d’Andreani (il serait un ancien fonctionnaire de police, DST ou RG), tout comme celle du propriétaire du Beru Ma, M. Bruno Roger, directeur de la banque Lazard et proche de certains membres du gouvernement, font que certaines sources ont sans doute été activées localement et que, par conséquent, outre la découverte rapide du navire Beru Ma, le destinataire de ce navire soit tout aussi rapidement identifié comme étant Trabelsi Imed, neveu du président tunisien en exercice ». Est-ce dû à une intervention directe de l’Elysée ? Toujours est-il que, quelques semaines après sa découverte dans le port de Sidi Bou Saïd, le Beru Ma était rapatrié en France et rendu à Bruno Roger. Une efficacité dont n’ont pas bénéficié les deux autres propriétaires lésés. Pourtant, leurs bateaux, à en croire les témoins interrogés, étaient stationnés à côté du Beru Ma. Et pour cause : ils étaient destinés aux mêmes commanditaires, les frères Trabelsi. Lors de son interrogatoire du 6 mars 2007, Cédric Sermand a d’ailleurs déclaré : « Je tiens à préciser que lorsque je suis parti de Tunisie la troisième fois (en mai 2006), les trois bateaux, à savoir le Sando, le Blue Dolphin IV et le Beru Ma étaient dans le port de Sidi Bou Saïd. Je suis surpris que seul le Beru Ma ait pu être rapatrié en France. » Ce n’est pas la seule curiosité du dossier. D’autres éléments laissent à penser que la justice française a considéré l’enquête du juge David Launois, remplacé début 2007 par son collègue Jean-Bastien Risson, beaucoup moins prioritaire une fois le yacht de Bruno Roger récupéré. Des échanges de courriers entre le juge Risson et le parquet d’Ajaccio l’attestent. De mauvaises nouvelles d’Interpol Tunis Au printemps 2007, le juge Risson décide de procéder aux derniers actes qui s’imposent dans son dossier : signifier aux deux frères Trabelsi, qui n’ont pas souhaité répondre à ses convocations, les charges retenues contre eux. Le 3 mai 2007, dans la plus grande discrétion – l’information n’a jamais été révélée à ce jour –, le magistrat ajaccien délivre deux mandats d’arrêt internationaux visant Imed et Moaz Trabelsi. Les mandats d’arrêt valant mises en examen, les deux Tunisiens se trouvent de facto poursuivis pour « complicité de vols en bande organisée » pour le vol du Beru Ma, du Blue Dolphin IV et du Sando. Les mandats d’arrêt sont diffusés par le parquet d’Ajaccio, via Interpol. Le 4 septembre 2007, le juge Risson reçoit un message d’Interpol Tunis l’informant que la police tunisienne ne peut « légalement procéder à l’exécution de cette demande », le juge d’instruction tunisien chargé de l’affaire ayant décidé de classer sans suite le dossier pour « non-établissement de l’infraction » (voir document). Surpris, Jean-Bastien Risson se tourne vers le parquet afin d’obtenir des explications. Il découvre alors que le procureur, José Thorel, n’a pas dénoncé les faits dont il était saisi. Fort mécontent, le juge Risson envoie un courrier, dès le 6 septembre, à Interpol Tunis. « J’ai l’honneur de vous informer, écrit le juge, que le procureur de la République d’Ajaccio a dénoncé aux autorités judiciaires de l’Etat tunisien uniquement des faits de recel de vol concernant le seul navire le Beru Ma. Les faits de vols commis en bande organisée et de complicité de vols commis en bande organisée (…) n’ont donc pas été dénoncés aux autorités judiciaires tunisiennes. En conséquence, celles-ci n’ont pas pu valablement se saisir de ces faits. Au surplus, les autorités tunisiennes n’ont pas été destinataires d’une dénonciation concernant les faits de vols commis en bande organisée, complicité de vol en bande organisée ou de recel de vol concernant les navires le Sando et le Blue Dolphin IV.» Et le magistrat d’insister : les deux mandats d’arrêt visant les Trabelsi « doivent être mis à exécution » (voir document). Jean-Bastien Risson n’est pas au bout de ses (mauvaises) surprises. Début novembre 2007, il est directement contacté par les avocats français des frères Trabelsi qui proposent au juge de se déplacer en Tunisie pour interroger leurs clients en qualité de témoins assistés. Bien entendu, le magistrat, qui entend mettre en examen les Trabelsi, si possible à Ajaccio, décline l’offre. Dans la foulée, le 28 novembre 2007, le juge Risson clôture son dossier. Le jour même, il reçoit une télécopie de Me Jean-François Velut, l’avocat d’Imed Trabelsi, qui revient à la charge. Dans ce fax, l’avocat écrit : « Connaissance prise de la position exacte de mon client qui dénie toute responsabilité pénale dans cette affaire, je pense qu’un certain nombre d’éléments militent en faveur d’une commission rogatoire internationale qui serait exécutée sur place par vos soins. » Or, deux jours plus tard, le 30 novembre 2007, le procureur d’Ajaccio, José Thorel, délivre au juge un réquisitoire supplétif afin d’obtenir de lui qu’il rouvre son enquête et se déplace à Tunis pour recueillir les explications des frères Trabelsi, soit précisément ce que souhaite l’avocat d’Imed. Ce n’est pas tout : le 19 décembre, le procureur Thorel délivre un nouveau réquisitoire supplétif afin de demander au juge Risson, qui a donc été contraint de rouvrir son instruction, de procéder à Tunis à l’audition de témoins susceptibles de mettre hors de cause Imed Trabelsi, ce que lui a réclamé par courrier le jour même Me Velut… Le procureur conteste toute forme de pression De plus en plus furieux, le juge Risson envoie le 19 janvier 2008 au procureur un courrier plein de sous-entendus. « A ce jour, écrit-il, Imed Trabelsi a refusé de s’expliquer en France sur les faits qui lui sont reprochés. Il n’a jamais été entendu et n’est donc pas partie à la procédure. Ni lui ni son avocat n’ont donc eu accès au dossier d’information, sauf à faire apparaître une violation du secret de l’instruction. Il est donc intéressant de remarquer que Me Velut connaît d’ores et déjà les témoins susceptibles de faire apparaître l’innocence revendiquée par M. Imed Trabelsi. » En clair, le magistrat semble persuadé que les frères Trabelsi sont parfaitement informés du contenu de la procédure qui les vise. Au palais de justice d’Ajaccio comme à la gendarmerie de Toulon, certains connaisseurs du dossier se demandent si les neveux du président Ben Ali, qui veulent absolument obtenir la levée des mandats d’arrêt qui les empêchent de se déplacer, n’ont pas bénéficié de la bienveillance, voire d’une forme de protection, des plus hautes autorités de l’Etat français désireuses de ne pas se brouiller avec le chef de l’Etat tunisien. Interrogé par Mediapart, le procureur d’Ajaccio, José Thorel, a contesté avoir subi « la moindre pression de qui que ce soit ». José Thorel rappelle que s’il a dénoncé à Tunis des faits de « recel », « c’est parce que le vol avait eu lieu en France et que les probables receleurs se trouvaient en Tunisie ». Selon le procureur, « c’est la justice tunisienne qui, en ouvrant une enquête pour « vol » plutôt que pour « recel », a tout fait capoter, pour des motifs qu’il ne m’appartient pas de commenter ». José Thorel affirme par ailleurs qu’il « assume parfaitement d’avoir demandé au juge de rouvrir son enquête, afin de se donner toutes les chances d’interroger les deux hommes soupçonnés d’être les commanditaires des vols. Nous attendons d’ailleurs une réponse de Tunis ». A ce jour, le juge Risson n’a toujours pas pu se rendre en Tunisie pour y signifier aux Trabelsi leur mise en examen.
(Source: Kalima Numéro 62 mis en ligne le 15 avril 2008)
Les perles de l’équipe Tekkari à l’ONU Sihem Bensedrine 15 avril 2008
(Source: Kalima Numéro 62 mis en ligne le 15 avril 2008)
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Le Congress américain fait une coupe drastique dans la subvention accordée à la Tunisie
POUR UN RETOUR DIGNE DES EXILES
Il n’est pas exagéré de penser que l’exil de beaucoup de Tunisiens constitue une vraie situation de rente combien profitable à tous ceux qui ont fait de leur malheur une mine d’or inépuisable et un fond de commerce on ne peut plus rentable.
Oui, les « exilés politiques » font l’objet de toutes les convoitises de ceux qui veulent faire de leurs drames, leurs souffrances, et leurs peurs un tremplin pour la réalisation de leur ambition personnelle ou catégorielle. Que des partis, des associations, des candidatures aux élections ou aux prix des droits de l’Homme, des manifestations, des réunions publiques, des pétitions, etc. ont été rendu possibles grâce à l’apport direct ou indirect de cette masse de frustrés… tout simplement parce qu’ils ne peuvent pas rentrer dans leur pays. En faisant durer le calvaire de cette catégorie de Tunisiens, on continue à mettre de l’huile sur un feu dont ils sont les principales victimes. Privés de leur pays, ces Tunisiens exilés craignent d’être privés et exclus d’un espace symbolique de substitution. Ils s’y attachent, non pas par adhésion, encore moins par conviction, mais parce qu’il s’agit du seul refuge qui s’offre à eux et à leurs enfants : l’horreur du vide oblige !
Comme le retour de ces exilés doit mettre fin à une situation de privilèges de ceux qui pêchent dans les eaux troubles et profitent de leur souffrance, ces derniers usent de tous les moyens pour alimenter les rumeurs contre ceux qui brûlent du désir de revoir la mère patrie. Collabos, vendus, ou pions…tous les qualificatifs sont bons pour dissuader ces gens et continuer de les presser comme un citron. Ce stratagème fait souvent mouche, dans la mesure où on leur explique que les portes d’un retour digne au pays ne sont pas encore totalement ouvertes. Il faut comprendre la nature de ces exilés qui, pour résister à la violence de « l’exil » (Mandela n’avait-il pas affirmé, lui qui venait de passer 27 ans de sa vie en prison, « je m’estime heureux de ne pas avoir vécu l’expérience de l’exil »), construisent une carapace de protection presque de salut, qui consiste à s’attacher à des valeurs morales (courage, dignité, honneur, intégrité, sacrifice, etc.) qui donnent sens à leur vie et qui expliquent leur souffrance permanente, malheureusement méconnue ou simplement ignorée.
LE RETOUR signifie l’inutilité de ce fardeau, approvisionné généralement par ceux qui marchandent avec leur peur et leur souffrance, et par conséquent la rupture avec les fournisseurs. Le retour digne qui préserve leur intégrité et leur capital axiologique changerait leur allégeance et la placerait du côté du pays qui leur aura offert cette possibilité, ce même pays qu’ils avaient quitté il y a si longtemps pour préserver la même dignité. Le parcours de ces exilés est un héroïsme dont doit se réclamer avant tout leur pays qui les a élevés, construits et même préparés pour réussir là où tout les prédestinait à échouer. Des individus qui ont su développer à travers des associations, des comités, des espaces éducatifs et sociaux, des formes de solidarité et d’altruisme faisant d’eux un modèle du genre avec à l’arrivée un bilan globalement positif qui honore tous les Tunisiens. Après avoir mangé leur pain noir, ils commencent à voir l’avenir autrement. Mais, voilà que surgissent les marchands de leur calvaire, les industriels « des chocs des Tunisiens » de tout bord, pour leur imposer leur combat à eux et les replonger dans les spectres de la rupture ! Quel cynisme ahurissant, quand on sait que, le plus souvent, les concepteurs des luttes fratricides se moquent de « l’idéologie » de leurs « clients » dans les petits coins !
Une grande partie de ces exilés a pu réaliser durant ces années d’exil, une forme de réussite personnelle et sociale sur tous les plans (économique, professionnel, scientifique, associatif et surtout éducatif et familial). Elle aimerait simplement la partager avec tout le pays. Débarrassés des contraintes politiques, d’autres ont des acquis et des centres d’intérêts à faire valoir ! La politique, au sens strict du terme, c’est-à-dire la conquête du pouvoir ne les intéresse plus. C’est en ce sens qu’ils conçoivent des relations plus pacifiées et plus constructives avec le pays. D’autres encore ont épousé des formes d’engagement politique et continuent à œuvrer pour le bien être de leur pays. Ne faut-il pas concevoir leur différence comme une richesse et non comme une menace, une addition et non une soustraction pour le seul combat qui vaille : la réussite de notre pays.
Le RETOUR DIGNE signifie, pour ces gens, qu’ils vont retrouver une forme de liberté et que leurs choix ne seraient plus dictés par ceux qui ont su tirer profit de leur malheur. Ensuite, ils auront de nouveaux acquis à préserver (ceux qu’ils retrouveront en rentrant : famille, paix, amour et reconnaissance, fardeau de l’exil jeté, etc.). Ils feront tout pour ne plus dilapider ce dont ils ont été privés des années durant. Enfin, rien que pour justifier leur retour, ils porteront haut la main une image positive d’un pays qui les a accueillis. Tout le monde en sortira gagnant dans cette affaire, point de vainqueurs ou de vaincus, la Tunisie en sortira grandie et renforcée par la réinsertion d’une partie de ses enfants les plus dévoués et les mieux construits par les épreuves de la vie.
Les exilés qui rentrent au pays sont des gens qui sont tournés vers l’avenir. Ils viennent de tourner la page et de rompre avec toutes les survivances d’un passé qui leur a fait tant mal. Durant de longues années d’exil, ils se sont forgés une identité autonome et indépendante caractérisée par un attachement viscéral à des valeurs dont a besoin leur pays, pour répondre aux défis de ce même avenir qu’il ne faut pas aborder en ordre dispersé. La Tunisie s’apprêtant à vivre des échéances importantes (projet de l’Union méditerranéenne, présidence française de l’Union européenne, défis économiques, élections 2009 et l’indispensable ouverture politique, etc.), le retour digne des exilés dans le cadre d’une démarche d’affirmation de la cohésion nationale, qui exclue toute récupération personnelle ou institutionnelle doit constituer un évènement majeur qui nous permettra de rompre avec cette page triste de notre histoire et d’aborder ces rendez-vous réconciliés et unis dans la défense des intérêts de notre pays.
Les autorités tunisiennes ne doivent pas ignorer qu’en allégeant les conditions de retour, qu’en décomplexant la démarche et qu’en la plaçant sous le signe du salut collectif et non individuel, les candidats seront plus nombreux et par conséquent les gains politiques plus énormes.
L’auteur de ces lignes a pu bénéficier d’un retour très digne. Reçu honorablement dès mon arrivée à l’aéroport de Tunis Carthage, puis chaleureusement accueilli par toute une ville (Bizerte) qui m’a comblé de son affection et de sa douceur, j’ai pu mesurer l’impact de cette démarche sur des gens qui voient en nous (les exilés) un idéal de courage et de lutte. Il m’a été donné de voir un pays et un peuple qui a besoin de nous comme l’atteste cette incroyable histoire d’une portée fortement symbolique. À Tunis, j’ai rencontré mon ami, ancien joueur et actuel porte-parole du Club Africain Bessam Mehri qui, sachant que j’allais être reçu au Parc B par mes amis les frères Larbi et Youssef Zouaoui respectivement Directeur technique et entraîneur de l’Espérance Sportif de Tunis, m’a transmis des informations au sujet du Club marocain de Barnoussa que l’EST allait rencontrer dans le cadre de sa campagne africaine, un club qu’il ne fallait pas sous-estimer. Les frères Zouaoui étaient ravis du message amical de Bessam. Je l’étais un peu plus, et je me suis dit, que c’est bien une formidable chose que deux clubs supposés frères ennemis (CA et EST) puissent s’échanger des messages d’amitié par le biais d’un exilé de 17 ans. C’est un signe de la providence : je suis toujours utile pour le pays ! Et de quelle manière : réconcilier des frères ennemis.
Quelle est belle cette Tunisie que j’ai quittée en pleurant comme la première fois il y a dix-sept ans !
Je ne veux pas être l’exception qui confirme la règle. Tous les Tunisiens exilés ont le droit à cette joie, et à chacun une place doit être réservée dans cette Tunisie suffisamment grande pour accueillir tous ses enfants quels qu’ils soient.
Le retour est une chance pour la Tunisie et tous ceux qui l’aiment. Saisissons-la !
Paris, le 15 avril 2008
Chokri HAMROUNI, politologue.
UE-Tunisie : un air irrespirable, oui mais lequel?
Wicem Souissi
La préoccupation environnementale est décidément partagée par les gouvernants de part et d’autre de la Méditerranée. Est-ce pour autant une priorité pour tous? Rien n’est moins sûr au regard des gouvernés.
La Commission européenne vient d’avancer son pion sur l’échiquier de l’Union pour la Méditerranée, chère à Nicolas Sarkozy, récemment contraint par la chancelière allemande, Angela Merkel, d’associer l’ensemble des Vingt-sept à son projet. Sans attendre le lancement, en juillet, à Paris, de l’institution euro-méditerranéenne, Bruxelles a repris à son compte une idée du président français : assainir d’ici à 2020 la rive sud de la mer.
Bel et bien inscrits dans les textes régissant les rapports entre les deux rives, la démocratie et le respect des droits de l’homme, quotidiennement foulés au pied dans le Sud, continuent ainsi à êtres relégués à un rang accessoire, au profit d’intentions on ne peut plus louables, quoiqu’hypocrites.
Annoncée le 10 avril, la dépollution maritime envisagée par l’Union européenne rejoint celle que, le même jour ! le président tunisien Ben Ali a programmée pour l’industrie des phosphates de la région de Gafsa. Cette hypocrisie autoritaire tente de faire passer au second plan ce que la population, paupérisée, juge ultra-prioritaire : résorber, non pas la pollution manufacturière, mais celle de l’injustice, qui, là et par tout le pays, avec une corruption galopante, a pris des proportions industrielles.
(Source: le blog « Tunisia Watch » de Mokhtar Yahyaou, le 13 avril 2008)
Lien: http://tunisiawatch.rsfblog.org/
L’Institut international de la pensée islamique – IIIT France
dans le cadre de sa formation LMD : études islamiques interdisciplinaires
Séminaire
Dimanche 20 avril 2008 de 9h30 à 17h
Colonialisme, immigration et citoyenneté
en France et en Europe
Daniel Rivet & Stéphane Lathion
Au siège de l’Institut : 9/11 avenue Michelet 93400 Saint Ouen 9ème étage
Métro n°13, arrêt Carrefour Pleyel, Sortie BD Ornano
9h30 : Inscription
10h-13h : Daniel Rivet, Historien, ancien directeur de l’IISMM, spécialiste du Maghreb colonial
» La France : Terre d’immigration, du 19ème siècle à nos jours »
14h-17h: Stéphane Lathion, Sociologue, Président du GRIS, groupe de recherche sur l’islam en Suisse
« Musulmans d’Europe: de l’immigration à la citoyenneté »
Entrée libre
Institut international de la pensée islamique (IIIT France)
9-11, avenue Michelet, 9e étage, 93400 Saint Ouen
Tél : 0140102446 Fax : 0140102447 http://www.iiitfrance.net
Parutions 2007-2008 IIIT Editions :
Pluralisme et reconnaissance : Défis des particularismes et des minorités, sous la direction de Mohamed Mestiri & Dimitri Spivak
Islamophobie dans le monde moderne, sous la direction de Mohamed Mestiri, Ramon Grosfoguel & Soum El Yamine
Oumma : La communauté charismatique, Mona Abul Fadl
Le problème de la méthodologie dans la pensée islamique, Abdulhamid Abu Sulayman
Droits de l’homme: les pays arabo-islamiques sous le feu des ONG
AFP, le 14 avril 2008 à 17h42
GENEVE, 14 avr 2008 (AFP) – Les pays arabo-islamiques tentent de confisquer le temps de parole au Conseil des droits de l’homme de l’ONU pour éviter les questions qui fâchent, a dénoncé lundi à Genève la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH).
En marge de l’examen de l’Algérie par la nouvelle procédure du Conseil des droits de l’homme, l' »Examen périodique universel » (EPU) qui entame sa deuxième semaine à Genève, les défenseurs des droits de l’homme ont à nouveau critiqué les défauts du mécanisme.
« Le bloc latino-européen a posé des questions se fondant sur les documents des ONG et du Haut commissariat aux droits de l’homme, et un second bloc composé des pays arabes et de l’OCI (Organisation de la conférence islamique) a tenté un hold-up du temps de parole et évité les problèmes majeurs des droits de l’homme », a critiqué devant la presse Julie Gromellon de la FIDH.
Les pays arabo-islamiques ont « encore une fois tenté de déplacer le débat sur les droits civils et politiques vers celui sur les droits économiques, sociaux et culturels », a-t-elle ajouté.
« Contrairement à ce qui s’est passé pour la Tunisie, il y a quand même eu une évaluation de l’Algérie (par le Conseil), mais tronquée. On a évacué les questions sur l’impunité et les disparitions forcées », a relevé Julie Gromellon.
Dans son rapport remis au Conseil des droits de l’homme, l’Algérie a indiqué que « malgré un contexte de crise qui a duré plus d’une décennie où la difficulté d’allier liberté et sécurité était omniprésente, l’Etat républicain a continué de fonctionner normalement ».
Or le Collectif des familles de disparus en Algérie comptabilise 8.200 dossiers de personnes disparues du fait des forces de l’ordre depuis le début des années 1990.
« Dans le dossier remis par l’Algérie au Conseil, il n’est fait mention nulle part du dossier des disparitions forcées », a déploré Nassera Dutour, porte-parole du Collectif qui refuse « de clore le sujet » comme le souhaiterait Alger.
Le choix de la Concorde civile et de la Réconciliation nationale proposé par Alger en 1999 et 2005 « ne sacrifie ni la mémoire ni ne consacre l’impunité. Il est la voie de la sagesse que la société martyrisée a décidé d’emprunter pour cultiver le pardon », se défend Alger dans son rapport.
Les droits de l’homme, enjeu de la nouvelle guerre Nord-Sud
Par Guy Mettan, directeur exécutif du Club suisse de la presse
Deux ans après la création du Conseil des droits de l’homme et alors qu’on célèbre le 60e anniversaire de la Charte de 1948, il vaut la peine de se pencher quelques minutes sur les enjeux et les batailles qui se livrent derrière les célébrations rituelles des droits humains. Le calendrier 2008 est particulièrement chargé.
Siégeant durant tout le mois de mars à Genève, le Conseil a, entre autres, enregistré le départ de la Haut Commissaire Louise Arbour, et élu Jean Ziegler comme membre de son nouveau comité consultatif. Mais surtout c’est cette semaine que s’ouvre la première session des « examens périodiques universels », sorte de grands oraux auquel les pays membres doivent se soumettre pour savoir s’ils sont dignes de figurer au palmarès des élus qui respectent la Charte. Seize pays passent sur le gril, du Royaume-Uni à la Tunisie. En juin prochain, le Conseil doit élire ses nouveaux membres.
Voilà pour l’agenda. Mais ce qui ressemble au traintrain routinier et ennuyeux des réunions onusiennes cache en fait une bataille passionnante et de longue haleine entre l’Occident riche et démocratique d’une part, et l’immense majorité des pays du sud d’autre part. En principe, tous proclament que les droits humains sont universels et inséparables les uns des autres et qu’on ne peut donc les choisir à la carte.
Mais la réalité est plus complexe. Aux yeux des pays d’Afrique, d’Asie et du Moyen-Orient, les beaux principes défendus avec emphase par le camp occidental, emmené par les Etats-Unis, le Japon, l’Europe et les puissantes ONG qu’ils financent généreusement, visent en fait à affirmer la primauté des droits politiques et culturels (liberté de vote, d’association, d’expression, droits des minorités…) sur les droits sociaux et économiques (droit à l’éducation, au travail, au logement, à la santé, etc.).
En d’autres termes, disent les pays du sud, depuis que vous avez réglé le problème des droits sociaux et économiques chez vous – souvent à notre détriment en nous imposant des conditions d’échange inéquitables – vous vous focalisez sur les droits politiques, qui vous servent de prétexte pour vous ingérer dans la gouvernance de nos pays, dont vous stigmatisez les lacunes pour mieux dissimuler le fait que vous continuez à assurer votre prospérité grâce à l’exploitation de nos ressources naturelles et humaines.
A quoi les pays riches rétorquent que tout est lié, qu’on ne peut séparer le développement économique du développement politique. Ce qui reste à prouver quand on sait que le Chili, Taiwan, la Corée, Singapour et maintenant la Chine ont assuré leur décollage économique sans forcément respecter les droits politiques !
On le voit, le débat n’est pas anodin. Les enjeux politiques sont immenses et ne sauraient être réglés en quelques séances d’experts. Primauté des droits politiques ou primautés des droits économiques ? Le combat est violent et la guerre de tranchées rude. Quand on se promène dans les couloirs du Conseil des droits de l’homme, on est sommé de prendre parti : pour les Sud-Africains, les Pakistanais, les Egyptiens ou les Algériens qui mènent la fronde anti-nordiste, ou pour l’Union européenne, la Suisse ou les Etats-Unis, qui forment l’avant-garde anti-sudiste.
Et pourtant, des (bons) compromis sont possibles
La seule manière de dépasser un tant soit peu les clivages est de sortir de l’arène politique pour privilégier une approche pragmatique, sur le terrain, en se concentrant sur les progrès enregistrés, et d’identifier les lacunes qui restent à combler, dans tous les domaines des droits de l’homme, qu’ils soient politiques, sociaux ou économiques.
Parmi les 16 pays qui passent ces jours leur examen périodique universel, le dossier remis par la Tunisie constitue un bon exemple de la démarche à suivre pour sortir de l’impasse et fait avancer, de ce fait, l’ensemble de la cause des droits de l’homme.
Premier constat, le rapport – disponible sur le site du Conseil des droits de l’homme, 22 pages au total – est complet et sérieux. La première partie en détail le cadre constitutionnel et législatif du pays en matière de promotion et de protection des droits de l’homme et met en avant les nouveautés (un article constitutionnel garantissant les libertés fondamentales et les droits de l’homme dans leur acception universelle, globale, complémentaire et interdépendante »). Les droits de l’enfant, le rôle du Conseil constitutionnel, des tribunaux et des structures nationales de contrôle tant officielles que privées (ONG) sont détaillés et définis.
La deuxième partie fait le point sur les progrès réalisés en matière de droits civils et politiques (rôle des partis, place réservée à l’opposition et aux minorités, indépendance de la justice, répression des actes inhumains commis par des gents de l’Etat, ouverture des prisons aux délégués du CICR, tolérance religieuse, manuels scolaires…). Les points forts sont soulignés, tels que le statut juridique des femmes et leurs droits particuliers dans la société tunisienne. Dans la ligne des pays du sud, la dernière partie met en exergue les progrès très réels et assez spectaculaires enregistrés dans le domaine des droits économiques, sociaux et culturels. Des rapports du PNUD sur le développement humain et du World Economic Forum, qui mettent la Tunisie en très bonne position en matière de qualité de l’enseignement primaire, de dépenses pour l’éducation, de scolarisation des filles, d’accès à l’internet , de développement durable, de croissance économique, de transferts sociaux ou d’égalité des chances.
Enfin, la conclusion esquisse les perspectives d’avenir et prend des engagements pour le futur (révision du code électoral, rôle accru des médias, amélioration du système pénal) dans un contexte de terrorisme – la Tunisie a été victimes d’attentats signés d’Al Qaida et, tout récemment, de l’enlèvement de deux touristes autrichiens – et d’extrémisme racial et religieux.
Ce rapport épuise-t-il le sujet ? Bien sûr que non. Mais il a le grand mérite d’aborder toutes les questions, de façon concrète et transparente. Le débat peut donc se faire, des critiques peuvent être émises, des recommandations formulées, des avancées constatées, des responsables désignés. Les opposants peuvent se défouler, le gouvernement peut se défendre. Ce qui est finalement la seule chose qui compte. Car tout le reste n’est que vaines palabres. C’est sur le terrain, dans le concret, que progresse la cause des droits de l’homme et sur ce plan, la Tunisie fait plutôt figure de bon élève.
(Source : « Tribune de Genève » (Quotidien – Suisse), le 10 -11 avril 2008)
Mme Livni au Qatar appelle les pays arabes à nouer des liens avec Israël
AFP, le 14 avril 2008 à 21h45
DOHA, 14 avr 2008 (AFP) – La ministre israélienne des Affaires étrangères, Tzipi Livni, en visite au Qatar, a appelé lundi les autres pays arabes à nouer des liens avec l’Etat hébreu, leur suggérant un rapprochement par étape.
« J’espère que les autres pays arabes suivront l’exemple du Qatar » en entretenant des contacts avec Israël, a lancé Mme Livni devant les participants à un forum sur la démocratie tenu à Doha, au deuxième jour de sa visite au Qatar, la première dans ce riche émirat gazier du Golfe.
Elle a estimé que les Arabes ne devraient pas attendre qu’Israël parvienne à un règlement avec les Palestiniens pour normaliser leurs relations avec l’Etat hébreu, suggérant qu’ils pourraient engager un
rapprochement « étape par étape ».
Elle a ajouté comprendre le lien établi par les Arabes entre la normalisation avec Israël et un règlement du problème palestinien, mais leur a demandé d’entreprendre « quelques pas » dans l’intérêt des Palestiniens, et non pas dans celui d’Israël.
Le Qatar maintient des contacts avec Israël même en l’absence de relations diplomatiques. Il abrite depuis 1996 un bureau de représentation commerciale israélien géré par deux diplomates, et des représentants des deux pays se rencontrent régulièrement.
Mais la question des relations avec Israël demeure très controversée dans le monde arabe en l’absence de progrès sur un règlement du conflit israélo-palestinien.
Interrogée sur un plan de paix arabe, vieux de six ans et offrant à Israël une normalisation en échange de son retrait des territoires arabes occupés, un Etat palestinien et le retour des réfugiés, Mme Livni a dit que ce plan représente « les paramètres de la Ligue arabe » et que s’il est « à prendre ou à laisser », « il n’y a pas lieu à un dialogue ».
Dans son intervention au Forum de Doha, Mme Livni a associé Israël aux Arabes « modérés » qui affrontent « les radicaux », s’élevant contre ce qu’elle a appelé « le terrorisme » émanant de la bande de
Gaza contrôlée par le mouvement islamiste Hamas, actuellement soumise à un blocus israélien.
« Israël ne pose pas de menace pour la stabilité et la paix dans la région (…). La menace provient des radicaux, qui refusent de Reconnaître nos droits démocratiques », a-t-elle dit.
« Lorsque je dis +nos+ (droits), je veux dire les droits des Israéliens, des Palestiniens modérés, des Arabes modérés et des régimes musulmans pragmatiques », a-t-elle encore dit.
Trois Egyptiens transférés secrètement via l’Allemagne par la CIA (presse)
AFP, le 15 avril 2008 à 13h58
BERLIN, 15 avr 2008 (AFP) – L’agence américaine de renseignement (CIA) avait organisé au moins deux vols via l’Allemagne pour transférer clandestinement des prisonniers soupçonnés de terrorisme avant que Berlin soit mis au courant de ces affaires en 2004, rapporte mardi un quotidien allemand.
En décembre 2001, un vol, pour lequel aucune autorisation de survol du territoire n’avait été accordée, a permis le transfert par la CIA de deux Egyptiens de Stockholm au Caire, rapporte le quotidien Süddeutsche Zeitung citant des élements d’un rapport confidentiel à la commission parlementaire allemande chargée de la surveillance des services secrets.
En février 2003, un autre Egyptien, enlevé par la CIA à Milan, en Italie, avait été dans un premier temps transporté secrètement à la base militaire américaine de Ramstein (ouest de l’Allemagne),
avant d’être lui aussi envoyé en Egypte.
Les organisations de défense des droits de l’Homme ont critiqué plusieurs gouvernements européens, coupables selon elles, de complicité dans les détentions secrètes opérées par les Etats-Unis dans le cadre de la lutte anti-terroriste après les attaques du 11 septembre 2001 par Al-Qaïda, ainsi que dans le transfert secret de suspects vers des pays où ils ont pu être torturés.
Les informations publiées mardi proviennent d’un rapport mandaté par la commission parlementaire qui enquête sur une éventuelle coopération entre Berlin et la CIA.
Selon le rapporteur, Joachim Jacob, un ancien responsable de la protection des données informatiques, il sera difficile d’obtenir de plus amples informations sur les activités en Allemagne de la CIA sans la coopération des Etats-Unis.
Le ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, a du se défendre le mois dernier devant la commission d’accusations de complicité avec la CIA dans l’enlèvement à
l’automne 2001 d’un Allemand d’origine syrienne, Mohammed Haydar Zammar, livré ensuite à la Syrie.
M. Zammar, qui était soupçonné de contacts avec les pilotes kamikazes responsables pour les attaques du 11 septembre, avait été arrêté par la CIA alors qu’il effectuait un voyage au Maroc, la
police criminelle allemande ayant communiqué aux Américains les dates de son voyage. Il avait ensuite été remis à la Syrie où il a depuis lors été condamné à 12 ans de prison pour appartenance aux Frères musulmans, un mouvement interdit.
Un autre Allemand, d’origine libanaise, avait pour sa part été arrêté fin décembre 2003 en Macédoine à l’occasion d’un voyage. Il affirme avoir ensuite été séquestré par la CIA qui l’a conduit en Afghanistan, emprisonné, battu, harcelé, puis libéré au bout de cinq mois en Albanie sans qu’aucune charge ne soit retenue contre lui.
AFP
Egypte: prison ferme pour 25 islamistes devant un tribunal militaire
Produits alimentaires
La communauté internationale confrontée à une grande crise
A peine élu, Silvio Berlusconi vise l’immigration clandestine
L’islamophobie aux Pays-Bas critiquée par des ONG devant l’ONU
Tan Malakka : nationalisme, marxisme et Islam (1/2)
Par Youssef Girard mardi 15 avril 2008
« Un peuple capable d’organiser lui-même, sa vie économique, et de produire toujours et partout des dirigeants en son sein ne pourra jamais être soumis à l’aide de tanks et d’avions ». Tan Malakka
Militant nationaliste indonésien, musulman et marxiste, Tan Malakka fut l’une des figures les plus marquantes de ces militants révolutionnaires des Trois Continents qui cherchèrent à décentrer le marxisme et à lier lutte anti-capitaliste, anti-impérialiste et renaissance nationale-culturelle.
A l’instar du Tatare Sultan Galiev, de l’Indien Manabendra Nath Roy, du Péruvien José Carlos Mariategui ou du Vietnamien Ho Chi Minh, Tan Malakka s’attacha à adapter le marxisme, idéologie née dans un contexte européen, aux réalités nationales-culturelles d’un pays asiatique et musulman, l’Indonésie, notamment en prenant en compte sa dimension islamique contre un communisme « occidentaliste » qui ne voyait dans l’Islam qu’un résidu de traditions moyenâgeuses. Pour ces révolutionnaires non-occidentaux le marxisme était compris « en tant que ferment de la renaissance nationale, à vection socialiste »[1].
Né à Suliki à l’ouest de Sumatra en 1897 dans l’Indonésie sous domination coloniale néerlandaise, Tan Malakka étudia à l’école normale d’instituteurs hollandaise de Bukittinggi, le centre culturel et intellectuel du pays Minangkabau. En 1913, il reçut un prêt des anciens de son village pour poursuivre ses études aux Pays-Bas. Là-bas, il suivit les cours de l’école normale de Haarlem jusqu’en 1919.
Arrivant en Hollande, Tan Malakka découvrit le marxisme qu’il se mit à étudier avec le plus grand intérêt. Le marxisme lui fournissait des outils d’analyse critique pour mieux comprendre la situation politique et sociale de l’Indonésie. Ses relations, à la fois avec des étudiants marxistes Hollandais et des étudiants Indonésiens, le convinrent que l’Indonésie devait se libérer de la domination coloniale par la révolution. Dans ce contexte d’émulation intellectuelle, la révolution russe d’octobre 1917 eut une grande importance dans sa réflexion sur l’Indonésie et sur le lien entre capitalisme, impérialisme et oppression sociale.
Rentrant en Indonésie en 1919, Tan Malakka devint instituteur dans une école pour les enfants d’ouvriers de plantation près de Medan dans le nord Sumatra. Dans le même temps, il commença à coopérer avec l’Union Social-Démocrate des Indes [ISDV] qui devait devenir le futur Parti Communiste d’Indonésie [PKI]. En 1920, il quitta Sumatra pour Java où, à la demande de l’organisation nationaliste et islamique Sarekat Islam [Ligue Islamique], il créa une « école du peuple » à Semarang, dans le centre de Java. Cette ville était un centre actif du nationalisme indonésien. Créé en 1912 par Hadji Oemar Said Tjokroaminoto, l’organisation Sarekat Islam était un mouvement nationaliste et islamique défendant les thèses de la salafiyyah impulsées par Djamal ed-Din al-Afghani.
Exposant son travail avec le mouvement Sarekat Islam au quatrième congrès l’International Communiste en 1922 à Moscou, Tan Malakka expliqua : « Nous avons à Java une très grande organisation avec de nombreux paysans très pauvres, le Sarekat Islam (Ligue islamique). Entre 1912 et 1916 cette organisation avait un million de membres, peut-être jusqu’à trois ou quatre millions. C’était un très grand mouvement populaire, qui émergea spontanément et était vraiment révolutionnaire.
Jusqu’en 1921 nous avons collaboré avec lui. Notre parti [le Parti Communiste d’Indonésie], constitué de 13 000 membres, entra dans ce mouvement populaire et y mit en oeuvre sa propagande. En 1921, nous réussîmes à faire adopter notre programme par Sarekat Islam. La Ligue islamique elle aussi faisait de l’agitation dans les villages, pour le contrôle des usines et pour le slogan : « tout le pouvoir aux paysans pauvres, tout le pouvoir aux prolétaires ! » Ainsi, Sarekat Islam faisait la même propagande que notre Parti communiste, parfois seulement sous un autre nom.
Mais en 1921 une scission se produisit comme résultat de critiques maladroites de la direction de Sarekat Islam. Le gouvernement, par l’entremise de ses agents au sein de Sarekat Islam, exploita la scission et il exploita aussi la décision du second congrès de l’Internationale communiste : la lutte contre le pan-islamisme ! Que disaient-ils aux simples paysans ? Ils disaient : regardez, les communistes ne veulent pas seulement scissionner, ils veulent détruire votre religion ! C’en était trop pour un simple paysan musulman. Le paysan se disait à lui-même : j’ai presque tout perdu en ce monde, dois-je perdre aussi mon paradis ? Cà je ne le veux pas ! Voilà comment pensait le simple musulman. Les propagandistes du gouvernement l’exploitaient avec beaucoup de succès. Et donc nous avons eu une scission »[2].
Face aux membres du Congrès de l’Internationale Communiste, Tan Malakka poursuivait son argumentation en faveur d’une collaboration entre les marxistes indonésiens et l’organisation islamique Sarekat Islam : « les Sarekat-islamistes croient en notre propagande et restent avec nous avec leurs tripes, pour utiliser une expression populaire, mais dans leurs coeurs ils restent avec le Sarekat Islam, avec leur paradis. Et le paradis est quelque chose que nous ne pouvons pas leur donner. C’est pourquoi ils ont boycotté nos réunions et que nous ne pouvions plus faire de propagande du tout.
Depuis le début de l’année dernière, nous avons travaillé à ré-établir le lien avec Sarekat Islam. A notre congrès en décembre de l’année dernière, nous avons dit que les musulmans du Caucase ou d’autres pays qui coopèrent avec les Soviets et luttent contre le capitalisme international comprennent mieux leur religion ; et nous avons aussi dit que s’ils voulaient faire de la propagande pour leur religion, ils pouvaient le faire pour autant qu’ils ne le fassent pas dans des réunions mais dans les mosquées.
On nous a demandé dans des réunions publiques : êtes vous des musulmans, oui ou non ? Croyez vous en Dieu, oui ou non ? Comment pouvions nous répondre à cela ? Oui, j’ai dit, quand je suis face à Dieu je suis un musulman, mais quand je suis face à l’homme je ne suis pas un musulman. C’est ainsi que nous avons infligé une défaite à leurs chefs avec le Coran dans nos mains ; et à notre congrès l’année dernière, nous avons contraint les dirigeants de Sarekat Islam, par le biais de leurs propres membres, à collaborer avec nous.
Quand une grève générale a éclaté en mars de l’année dernière, les travailleurs musulmans avaient besoin de nous puisque nous avions les cheminots sous notre direction. Les dirigeants de Sarekat Islam disaient : si vous voulez collaborer avec nous, vous devez nous aider vous aussi. Bien sûr, nous sommes allé à leur rencontre et nous avons dit : oui, votre Dieu est puissant, mais il a dit que sur cette terre les cheminots sont plus puissants ! Les cheminots sont le comité exécutif de Dieu dans ce monde »[3].
Ce rapprochement entre le Sarekat Islam et le Parti Communiste d’Indonésie, eu lieu au moment ou Tan Malakka fut élu président du PKI. En fait, il était le premier partisan et le grand artisan du rapprochement entre le PKI et le Sarekat Islam. Toute fois, du fait de ses activités politiques, il fut arrêté par les autorités coloniales hollandaises à Bandung en 1922 et exilé aux Pays-Bas. Au cœur de la puissance coloniale, il se présenta aux élections parlementaires hollandaises de 1922 comme candidat du Parti Communiste de Hollande qu’il voulait persuader de soutenir la cause de lutte de libération nationale indonésienne.
Par la suite, Tan Malakka se rendit à Berlin puis à Moscou. Il milita au sein de l’Internationale Communiste [Komintern], où il soutint que les communistes européens devaient impérativement aider les luttes nationalistes de l’Asie et des pays colonisés. Du fait de sa connaissance de l’Asie du Sud-Est, il fut nommé agent du Komintern pour cette région.
En 1923, l’Internationale Communiste l’envoya à Canton en Chine, avec pour mission de faire paraître un journal en langue anglaise. A la suite de cela, il se rendit à Manille aux Philippines, alors sous domination américaine. Malgré son action en faveur de l’Internationale Communiste, Tan Malakka était en désaccord avec les thèses de Lénine sur les mouvements de renaissance nationale-culturelle qu’étaient le pan-islamisme ou le pan-asiatisme.
En juillet 1920, le deuxième congrès l’Internationale Communiste traça les grandes lignes de la politique anti-colonialiste du Komintern. Dans ses « Thèses et additions sur les questions nationales et coloniales », le congrès affirmait : « Il est nécessaire de lutter contre les mouvements panislamiques et pan-asiatiques, et autres tendances similaires, qui essaient de combiner la lutte de libération contre l’impérialisme européen et américain avec le renforcement du pouvoir de l’impérialisme turc et japonais ainsi que des potentats locaux, grands propriétaires, hauts dignitaires religieux etc ; »[4].
Deux remarques s’imposent au sujet de cette affirmation du congrès qui avait suivi les orientations de Lénine[5] :
– Premièrement, Lénine, de part ses conceptions occidentalo-centriques, était incapable de comprendre en quoi les mouvements panislamiques ou pan-asiatiques étaient porteurs d’une dynamique de renaissance civilisationelle dans des sociétés en proie à la domination politique, économique et culturelle de l’occident ;
– Deuxièmement, alors que les bolcheviks avaient repris les rênes l’empire des Tsars, Lénine dénonçait des mouvements, le pan-islamisme et le pan-asiatisme, susceptible de remettre en cause la domination coloniale russe sur le Caucase, l’Asie Centrale ou l’est de la Sibérie. Derrière la dénonciation du pan-islamisme et du pan-asiatisme ce cachait la défense du projet « Grand Russe » que les bolcheviks avaient repris.
Loin de ces conceptions occidentalo-centristes, Tan Malakka fut l’un des principaux acteurs de ce qu’Anouar Abdel Malek appela une « véritable lutte idéologique » entre « les marxistes européocentriques et les marxistes nationalitaires (« nationalistes ») des pays sous-développés »[6].
[1] Abdel Malek Anouar, La dialectique sociale, Ed Seuil, Paris, 1972, page 36. Anouar Abdel Malek notait que ces marxistes du Sud restaient « inconnus, mal aimés, dénigrés ».
[2] Tan Malakka, Communisme et Pan-islamisme, IVème Congrès de l’Internationale Communiste.
[3] Tan Malakka, Communisme et Pan-islamisme, IVème Congrès de l’Internationale Communiste.
[4] Résolution de l’Internationale Communiste, Thèses et additions sur les questions nationales et coloniales, IIème Congrès de l’Internationale Communiste, Juillet 1920
[5] Dans un texte de préparation du congrès Lénine affirmait « la nécessité de lutter contre le panislamisme et autres courants analogues, qui tentent de conjuguer le mouvement de libération contre l’impérialisme européen et américain avec le renforcement des positions des khans, des propriétaires fonciers, des mollahs, etc ». Cf. Lénine, Première ébauche des thèses sur les questions nationale et coloniale, L’Internationale Communiste, n°11, juillet 1920
[6] Abdel Malek Anouar, La dialectique sociale, op. cit., page 296.
(Source: oumma.com le 15 avril 2008)