12 août 2010

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TUNISNEWS

10 ème année,N° 3733 du 12.08.2010
 archives :www.tunisnews.net 

Liberté et Equité: Dr Mohammed Sadki Labidi privé de passeport depuis 10 ans Reporters sans frontières: Report du procès de l’agresseur de Mouldi Zouabi

AP: Scandale autour d’un chanteur tunisien qui a scandé “vive Nétanyahou” en Israël Luiza Toscane: Interview – Le 13 août  d’Afef Bennaceur Nouvelobs: Tunisie : coupable de vérité La Liberté: La Goulette: le grand retour de la Madone Le Temps: L’INSAT supprime la 3ème année pour cette saison Le Figaro: Ramadan en été : la mauvaise affaire du tourisme maghrébin DNA: La frontière algéro-marocaine vraiment fermée? Avec 2000 dinars, on peut la traverser Le Monde: La bataille du temps : La Mecque contre Greenwich Aljazeera: Tony Judt: An intellectual hero


Liberté pour Sadok Chourou, le prisonnier des deux décennies Liberté pour tous les prisonniers politiques Liberté et Equité Organisation de droits humains indépendante 33 rue Mokhtar Atya, 1001, Tunis Tel/fax : 71 340 860 Liberte.equite@gmail.com Tunis, le 12 août 2010

Le passeport est un droit, il faut le revendiquer En priver les citoyens est un crime Le docteur Mohammed Sadki Labidi attend ce droit depuis 10 ans


Le docteur Mohammed Sadki Labidi attend toujours de jouir du droit prévu par la constitution et la loi à son passeport, après avoir déposé nombres de demandes, la première au poste de police de Nakhilat à l’Ariana, enregistrée sous le numéro 369 le 16/05/2000, et la seconde au même poste, enregistrée sous le numéro 1291 le 12/12/2002. Par la suite il a envoyé un rappel le 15/01/2003 à la Présidence de la République avec copie au ministère de l’Intérieur. Une autre demande date du 17/10/2008, enregistrée sous le numéro 1316 au poste de Nakhilat dans le district de Raouad à l’Ariana Nord. Le docteur Mohammed Sadki Labidi jouit de tous ses droits civils et politiques en vertu de l’amnistie générale promulguée par la loi n°63 de l’année 1989 du 03/07/1989. Auparavant il avait été condamné par le tribunal militaire de Tunis à une peine d’emprisonnement de 15 ans et aux travaux forcés et à dix ans de contrôle administratif pour son militantisme au sein du Mouvement de la Tendance Islamique. Il a gelé le 23 mars 1991 toute activité politique au sein du mouvement de la Nahdha. […] Pour le bureau exécutif de l’Organisation Le Président Maître Mohammed Nouri (traduction d’extraits ni revue ni corrigée par les auteurs de la version en arabe, LT)  


Report du procès de l’agresseur de Mouldi Zouabi


Publié le 11 août 2010 Mercredi 11 août, le procès du journaliste Mouldi Zouabi a été reporté, pour la seconde fois, par le tribunal de Jendouba au 15 septembre 2010. « Le report de ce procès est un non-sens. Monté de toute pièce, il démontre une nouvelle fois la volonté du gouvernement tunisien de bâillonner la presse et de réduire les journalistes au silence », s’est indignée Reporters sans frontières. Correspondant à la radio Kalima, Mouldi Zouabi a été convoqué suite à son dépôt de plainte pour avoir été agressé par Khalil Maaroufi, un proche des services de police, le 7 juillet 2010. De plaignant, Mouldi Zouabi s’est retrouvé accusé de coups et blessures et de diffamation sur la personne de son agresseur. Il risque jusqu’à un an et demi de prison (http://fr.rsf.org/tunisie-quand-le-monde-tourne-a-l-envers-15-07-2010,37957.html). Entendu par le juge, les avocats de Khalil Maaroufi ont demandé oralement le report du procès. Or, l’article 39 du code tunisien des procédures pénales exige que ce recours soit fait par écrit. L’exécutif bénéficie en l’occurrence des faveurs de la Justice.

 
(Source:”Reporters sans frontières” le 12 aout 2010)
 


Le numéro 135 de Mouwatinoun organe du Forum Démocratique pour le Travail et les Libertés est maintenant disponible chez votre marchand de journaux.


Sachez qu’en l’achetant, vous contribuez à la survie d’un journal libre privé de financement public et de publicité. Vous pourrez visualiser la totalité de son contenu à partir du dimanche 15 aout 2010 en cliquant sur ce lien : http://www.fdtl.org/IMG/pdf/mouwatinoun_135.pdf Merci à vous de diffuser l’info. Cordialement, Le webmaster du FDTL (www.fdtl.org)


Scandale autour d’un chanteur tunisien qui a scandé “vive Nétanyahou” en Israël


 AP 12/08/10 17:41 TUNIS (AP) — Pour avoir lancé des vivats à l’adresse du Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou lors d’un concert en Israël, le chanteur tunisien Mohsen Chérif fait l’objet depuis plusieurs jours d’un véritable lynchage médiatique dans son pays et dans le monde arabe. Le tollé sans précédent a été déclenché par la diffusion sur le réseau social Facebook d’une vidéo montrant le chanteur rendant hommage à son président en lançant “vive Ben Ali”, avant d’enchaîner maintes fois “vive Nétanyahou”, “vive Bibi” sous l’influence du public israélien. En deux jours, plus de 40.000 réactions étaient enregistrées, dénonçant “l’acte indigne” de celui qui est qualifié de “traître”. L’artiste est accusé d’avoir fait l’apologie d’un “sanguinaire à l’origine du massacre de Gaza” et de l’attaque de la flotte humanitaire turque qui se dirigeait vers le territoire palestinien soumis à un blocus depuis quatre ans. Un internaute a diffusé une image retouchée du chanteur incriminé vêtu d’une jellabah bleue frappée de l’étoile de David et une corde autour du cou. Nombreux d’entre eux condamnent ce qu’ils considèrent comme “un pas vers la normalisation” avec l’Etat hébreu, appelant à déchoir son auteur de la nationalité tunisienne, à boycotter ses concerts et à lui interdire l’accès à la télévision. Outre les réactions sur le Net, la polémique a été relayée par la presse écrite tunisienne et arabe, notamment la chaîne Al-Jazeera ainsi que par les organisations de la société civile. Proclamant son “refus de toute forme de normalisation culturelle et artistique avec Israël”, le secrétaire général du Syndicat tunisien des professions musicales (STPF), Oussama Farhat, a invité les autorités à interdire à tout artiste de voyager en Israël, en application des décisions de la Ligue arabe. Des avocats tunisiens ont déjà déposé plainte contre le chanteur pour “atteinte à la dignité des Tunisiens et à leur sentiment national”. En attendant, Mohsen Chérif, comédien par ailleurs, devait être censuré dans un feuilleton programmé par la chaîne TV privée Hannibal, selon le journal “Le Quotidien”. Un violoniste qui a participé à la fameuse soirée, Béchir Selmi, membre de la troupe musicale de la radio tunisienne publique, a été suspendu de ses fonctions pour avoir participé à des concerts privés sans l’autorisation de son employeur. Un autre chanteur, Slim Baccouche, a vu le concert qu’il devait donner au festival international de Carthage annulé. Selon la vidéo diffusée sur Facebook, le spectacle était donné dans le kibboutz d’Eïlat, mais le flou subsiste quant à son origine et à la date du concert. D’aucuns s’interrogent sur les desseins de son auteur et sur le timing de sa diffusion, d’autant que certains médias avancent qu’elle remonte à deux ans. La Tunisie n’entretient pas de relations diplomatiques avec Israël. Les deux pays ont échangé des bureaux d’intérêts en 1996 qui ont été fermés en 2000 en application des résolutions de la Ligue arabe, suite à la deuxième Intifada palestinienne. Néanmoins des milliers de juifs venus d’Europe, d’Amérique et d’Israël viennent chaque année à Djerba pour le pèlerinage de la Ghriba, l’une des plus anciennes synagogues au monde, construite il y a plus de 2.500 ans, selon la légende. AP


 Le 13 août * d’Afef Bennaceur


 Il y a aujourd’hui deux femmes incarcérées pour des raisons politiques en Tunisie, quand les prisons comptent des milliers d’hommes. Il n’en a pas toujours été ainsi. Dans les années quatre vingt dix, des dizaines de femmes ont connu l’emprisonnement pour leurs idées. Afef Bennaceur, connue aujourd’hui comme militante contre le chômage, revient sur la décennie passée et sur ses combats actuels.   Afef Bennaceur vous avez connu la prison dans les années quatre vingt dix ? Pour quelle raison avez-vous été arrêtée alors ? A.B. j’ai été emprisonnée pendant dix-huit mois pour avoir protesté contre un programme de réforme de l’enseignement qui touchait aux intérêts des étudiants. Il s’agissait d’une protestation pacifique encadrée par l’Union Générale des Etudiants de Tunisie (UGET), sous forme d’arrêts des cours et de manifestations dans la cour de l’Université et les foyers universitaires jusqu’à l’intervention des forces de l’ordre. Elles ont procédé à des arrestations et je faisais partie de ceux qui ont été accusés d’organiser des assemblées générales sans autorisation et de provoquer du désordre, une procédure qui est souvent utilisée par le pouvoir tunisien vis-à-vis des étudiants et des activités de façon générale. Etiez-vous la seule femme dans cette affaire ? A.     B. J’avais alors vingt-deux ans et nous étions condamnées ma camarade Najwa Rizgui, qui n’avait pas vingt et un an, et moi-même. Nous étions les deux seules femmes à être condamnées dans cette affaire. Quelles étaient les conditions d’incarcération ? A.B. Les conditions de notre arrestation n’étaient pas ordinaires, car nous avons été enlevées dans la cour du foyer universitaire le 1er novembre 1994 à quatorze heures. Nous avons été frappées et torturées, puis ils nous ont amenées au commissariat et nous y avons passé huit jours pendant lesquels nous étions systématiquement torturées au moyen de bâtons, de buches et de tuyaux, torturées jusqu’à la perte de connaissance. Alors on nous aspergeait d’eau glacée alors qu’il faisait très froid, puis cela a été la prison de nouveau avec les menaces de viol et d’incarcération des proches qui s’informaient de notre sort. Puis nous avons été condamnées injustement et illégalement.   *  Avez-vous pu reprendre une vie « normale » à la sortie de la prison ? A.   B. Après ma sortie de prison, on a essayé de me soumettre à une surveillance administrative et il m’était interdit de circuler, mais j’ai refusé de signer et j’ai continué mes études dans la ville de Kairouan, sous la surveillance et le harcèlement constants de la police. Il m’était impossible de travailler pour ces mêmes raisons. La police a aussi tenté de me priver de sources de revenus, de gagner ma vie et de vivre dignement. Elle a ôté mon nom de la liste de recrutement dans l’enseignement primaire sous prétexte que j’étais détenue deux ans pour des raisons politiques. Le ministère a effacé mon nom le jour même où le syndicat l’avait imposé. Après, j’ai essayé de monter un petit commerce, mais on a souvent essayé de m’empêcher de continuer par des vols ou l’envoi d’agents de contrôle de la fiscalité !! Vous militez actuellement dans une structure de chômeurs ? Comment celle-ci s’est-elle constituée ? A-t-elle une dimension nationale ou est-elle restreinte à la région de Gafsa ? A.   B. Nous avons pris, mon mari et moi, l’initiative de monter un comité régional pour la défense des chômeurs diplômés et on a organisé des manifestations, des grèves de la faim et des protestations pacifiques pour revendiquer le droit au travail. D’autres comités ont été créés dans tout le pays et cela a débouché sur l’apparition de l’Union nationale des diplômés. Le fuit de ces protestations et du travail du comité régional de défense des diplômés a été le large mouvement de protestation des chômeurs diplômés du bassin minier.
Le fait que vous soyez une femme à la tête de cette structure reflète-t-elle un fort pourcentage de femmes diplômées au chômage, ou est-ce dû à vos capacités militantes ? A.   B. Le taux de chômage est plus élevé chez les femmes d’après les statistiques officielles. Comme j’habite en ville et que j’ai fait partie du mouvement estudiantin, je me suis trouvée au centre du mouvement des chômeurs diplômés. Aussi mes camarades et moi avons donné une image des femmes dans la société civile. Ce que nous avons fait a facilité l’intégration des femmes dans les mouvements de protestation, dans les activités sociales et politiques. Avez-vous à subir la répression qui s’est abattue sur d’autres militants, comme Hassen Ben Abdallah qui est en prison maintenant ? A.B. J’ai subi toutes formes de harcèlement, la surveillance rapprochée de mon foyer et de mes amis et connaissances. Pendant les manifestations, j’ai été frappée devant tout le monde. J’ai été torturée par des cadres connus des forces de police. J’ai porté plainte contre l’un d’entre eux. J’ai joint à ma plainte un certificat médical qui prescrivait une hospitalisation de dix-huit jours. De temps en temps, je suis interpellée et conduite au commissariat. Je continue de subir toutes formes de harcèlement et je suis interdite d’emploi dans tous les secteurs. Votre mari, Fahem Boukaddous, est emprisonné. Vous avez connu la prison et lui-même est un ancien prisonnier politique. Pensez-vous que la prison «  a changé » depuis les années 90 ? A.   B. J’ai été détenue dans trois prisons : Sidi Ahmed à Kairouan, la prison des femmes à Messadine (Sousse) et celle de Mannouba à Tunis. Mon mari a déjà vécu lui aussi cette expérience et il est actuellement à la prison de Gafsa. Il avait été emprisonné par le passé à la prison du 9 avril à Tunis. La prison en Tunis a gardé ses pires caractéristiques, ses conditions précaires et invivables, les rapports inhumains et terrifiants avec les détenus, les pressions, les transferts, les sanctions, l’interdiction des visites, le harcèlement des proches, les humiliations. Sans parler de la pollution, des maladies et de la privation des droits élémentaires de la vie ordinaire. Quelles répercussions cet emprisonnement a-t-il sur votre vie ? A.   B. Cette expérience a bouleversé ma vie. Après la perte de mon premier bébé, je dois attendre maintenant encore quatre ans (soit la sortie de mon époux de la prison) pour pouvoir être mère sachant que je cours le risque de ne plus pouvoir le devenir. D’autre part, je vis dans une société conservatrice qui a une vision très sévère vis-à-vis de la femme qui vit seule sans la protection d’un homme et sans enfants. Cette femme est souvent l’objet de soupçons et de préjugés d’ordre moral. Aussi, je me trouve incapable de subvenir à mes besoins élémentaires et de vivre dignement. Ce pays ne récompense notre amour qu’avec plus de terreur et de torture. Mais je suis certaine que le monde est vaste, comme notre pays d’ailleurs. Des hommes et des femmes sont capables de te prouver que tu n’es pas seule contre l’injustice. Son emprisonnement a suscité des protestations au niveau international, mais qu’en est-il de la solidarité quotidienne et concrète ? A.B. Ces nouvelles vont susciter de vives réactions de soutien sur le plan mondial. C’est un apport intéressant et touchant, mais sur le plan concret, la volonté de soutien et d’aide manifestées par plusieurs personnes, se heurte à la peur de la police, sa terreur et son harcèlement. Mais certaines voix libres du domaine syndical, juridique et politique trouvent le courage et l’audace d’exprimer leur attitude. Propose recueillis le 12 août par Luiza Toscane   * Le treize août est la journée officielle de la femme en Tunisie.


Tunisie : coupable de vérité


Le seul crime du journaliste Fahem Boukaddous ? Avoir révélé au monde l’ampleur de la révolte de Gafsa, en 2008. Et la violence de la répression exercée par le régime. Alors que beaucoup des supposés “meneurs” ont depuis été libérés, Boukaddous vient d’être jeté en prison pour quatre ans. Avec son épouse, Afef, Agathe Logeart, envoyée spéciale du Nouvel Observateur, a voulu comprendre pourquoi.

Le message était délibérément flou et le rendez-vous imprécis, car les téléphones ne sont pas sûrs. Afef savait seulement que quelqu’un souhaitait la rencontrer pour parler de la situation de son mari, le journaliste Fahem Boukaddous, 39 ans, condamné à quatre ans de prison le 6 juillet, arrêté le 15 et incarcéré depuis. Jusque-là, ceux qui avaient tenté d’aller à sa rencontre, à Redeyef, dans la région de Gafsa, dans le sud-ouest du pays, avaient dû rebrousser chemin, car la zone n’est pas accueillante pour ceux qui sont trop curieux. Ce serait donc à elle, Afef, de faire le chemin jusqu’à Tunis. Pas un instant, elle n’a hésité. Et pourtant la route est longue, 400 kilomètres.

La nuit-même, elle est partie, le plus discrètement possible, à bord d’un “louage”, ces taxis collectifs dont les horaires ont l’avantage d’être imprévisibles, puisqu’ils attendent d’être remplis de passagers pour démarrer. Elle est arrivée dans la capitale au petit matin, a patienté dans un café avant de se rendre dans un immeuble de bureaux du centre de Tunis. Devant le porche, dans les rues adjacentes, la présence ostensible de policiers en civil, à pied, à moto, en voiture, ne lui a pas échappé. Derrière leurs lunettes noires, ils l’ont toisée, mais ils l’ont laissée passer. Surveillance, intimidation : elle a l’habitude. Au moins, ce jour-là, la sécurité n’a-t-elle pas reçu l’ordre d’empêcher le rendez-vous avec la journaliste du “Nouvel Observateur” qui cherchait à la rencontrer depuis l’arrestation de son mari.

Afef Ben Naceur a 38 ans. C’est une jeune femme au sourire très doux, qui paraîtrait parfaitement calme si elle n’allumait les cigarettes à la chaîne. De son sac, elle sort un trésor : l’étui rouge contenant la carte de presse internationale de son mari, délivrée par la Fédération internationale des Journalistes, n° TU 710, valable en 2009/2010. La preuve que son mari est bien journaliste, contrairement à ce qu’affirment les autorités tunisiennes, et que c’est à ce titre qu’il a été jugé et condamné “pour appartenance à une association criminelle susceptible de porter atteinte aux personnes et à leurs biens”, et “diffusion d’informations de nature à troubler l’ordre public”.

Sans Fahem Boukaddous, qu’aurait-on su du mouvement social qui pendant près d’un an a embrasé le bassin minier de Gafsa, en 2008 ? Journaliste, donc, il travaillait depuis 2006 pour la chaîne de télévision El Hiwar Ettounsi, qui depuis 2002 émet quelques heures par jour à partir de l’Italie, faute d’avoir reçu l’autorisation d’émettre depuis la Tunisie. A-t-il filmé lui-même, a-t-il récupéré des images d’amateurs enregistrées grâce à des téléphones portables ou de discrets caméscopes ? C’est à lui en tout cas que l’on doit ces images qui montrent la révolte de ces damnés de la terre que sont les habitants du bassin minier. Elles ont fait le tour du monde. On y découvre, dans les rues, ces hommes, ces femmes, ces enfants qui marchent en scandant : “Résistance, résistance contre les corrompus”, “Le droit à l’emploi pour le fils de l’ouvrier et du pauvre”, “Ô victime citoyen, sors crier ta cause”… Et les affrontements avec les forces de l’ordre, les blindés qui occupent la ville, les dos marqués par les coups de bâton, les visages tuméfiés, les jambes lacérées, les lèvres éclatées, les blessés par balles qui se tordent de douleur sur des brancards de fortune. Et puis ces corps dissimulés par des couvertures que l’on soulève pour montrer que tous ne se sont pas relevés. Germinal au pays des palmiers, saupoudrés de la poussière blanche du phosphate.

Tout a commencé le 5 janvier 2008, le jour où ont été publiés les résultats du concours d’embauche de la CPG, la Compagnie des Phosphates de Gafsa : 80 postes pour 1.000 candidats. Stupéfaction : à l’évidence les résultats ont été truqués. Les potentats locaux – autorités politiques, syndicats, hiérarques du RCD (Rassemblement constitutionnel démocratique), le parti au pouvoir, représentants des tribus du bassin – se sont servis, distribuant les postes à leurs affidés. Dans une région gangrenée par la corruption et le chômage (au mois 30% de la population, deux fois plus que pour l’ensemble du pays), c’est l’étincelle. Les mines de phosphate, c’est tout ce qui reste dans une région où l’agriculture a été détruite par la pollution liée à la mine, la nappe phréatique et les terres empoisonnées. Les oliviers, les orangers, les palmiers dattiers, les champs de céréales, les élevages de moutons n’ont pas résisté. Tout appartient à la CPG, y compris le foncier, ce qui gèle toutes les transactions immobilières. La région est devenue un piège. Il est infernal d’y vivre ; presque impossible d’en partir.

Cette fois pourtant, les habitants sont résolus à ne pas se laisser faire. Un recalé du concours décide aussitôt de faire un sit-in, tout seul devant les locaux de la compagnie. Très vite, il est rejoint par les veuves des mineurs et les femmes de mutilés qui montent des tentes et refusent de bouger tant que les résultats n’auront pas été révisés. Bientôt, c’est toute une ville qui se soulève. Fait rarissime, les femmes sont au premier rang de la révolte. Le siège de la centrale syndicale – considérée comme complice de la tricherie – est occupé. Le mouvement des “diplômés-chômeurs”, présent dans toute la Tunisie mais particulièrement actif dans la région de Gafsa (il y a 16 000 étudiants à l’université de la ville pour 80 000 habitants), entre dans la danse. Les manifestants bloquent les routes empruntées par les camions chargés de minerai. A un an de l’élection présidentielle, où le président Ben Ali, au pouvoir depuis 1987, va une nouvelle fois se représenter, on détourne les affiches électorales : “Ben Ali 2009” devient “Ben Ali 2080”, ou plus optimiste encore, “Ben Ali 2500″… Très vite, c’est la grève générale. Le soir, des jeunes gens prennent de petites pierres et cognent sur les ponts métalliques pour appeler au rassemblement : en souriant, on appelle cela “les tambours de la guerre”. On ne va pas sourire longtemps…

Le pouvoir prend peur. En 1984, les “émeutes du pain” – le doublement du prix du pain, des céréales et de la semoule – avaient fait vaciller le régime. Bourguiba avait cédé. Pas Ben Ali. Lui qui ne cesse de vanter le miracle économique tunisien craint que le mouvement ne donne une image désastreuse de son pays ; sans parler du risque de contagion. Les autorités entament des négociations avec les représentants du mouvement, mais cela ne va pas durer. La ville est encerclée par des blindés. Par dérision, les habitants décident d’évacuer les lieux avec des baluchons de fortune, en criant aux forces de l’ordre : “Puisqu’ils veulent tant cette ville, on la leur laisse !” Mais ils sont pris au piège : s’ils partent dans la montagne, en direction de l’Algérie toute proche, ils seront poursuivis pour trahison. Alors, l’armée tire. A balles réelles. Le 6 mai, Hichem, un jeune homme qui s’était réfugié dans un transformateur électrique et refusait d’en sortir tant qu’il n’aurait pas de travail, est électrocuté. Qui a baissé la manette pour rétablir le courant ? Le 6 juin, un autre jeune, Hafnaoui Maghzaoui, est tué par balles. Le même jour, Abdelkhalek Amayd est blessé par des tirs ; il mettra deux mois à mourir à l’hôpital. Les blessés se comptent par centaines. Les arrestations aussi. Il y a longtemps qu’il n’est plus question de négocier.

Pendant des semaines, le black-out de l’information est total. Aucun média officiel ne parle de la rébellion – ni de la répression – du bassin minier. Mais les images de Fahem Boukaddous finissent par circuler. Au tribunal de Gafsa, “les prévenus étaient jugés par brassées de trente”, se souvient Me Ridha Radaoui, bientôt rejoint pas ses confrères de Tunis, notamment Mes Mokhtar Trifi, président de la LTDH (Ligue tunisienne de Défense des Droits de l’Homme en Tunisie), et Nadia Nassraoui. Parfois, des convois d’une centaine d’avocats se rendent dans la ville. Bientôt s’ouvre le procès des supposés meneurs, syndicalistes pour la plupart. Des observateurs internationaux sont dépêchés. Avec beaucoup de difficultés, ils parviennent à assister aux audiences, dans un palais de justice encerclé par la police. Ils notent les déclarations des accusés, qui décrivent les mauvais traitements subis et en montrent les traces encore visibles. Au dépôt, en prison, les coups continuent de pleuvoir. Les salles du tribunal sont bourrées de policiers, qui prennent souvent la place des familles. Les accusés, épuisés, ont souvent signé des procès-verbaux rédigés à l’avance, au cours de gardes à vue dont les délais n’ont pas été respectés. Dans l’ordonnance de clôture de l’instruction de “l’affaire n° 15537”, signée du premier juge d’instruction Mokhtar S’Ooud, les allégations de tortures sont mentionnées à vingt reprises. Et par douze fois, le juge, que des avocats assurent avoir vu pleurer, mentionne par écrit qu’il constate lui-même les traces de coups sur les corps de ceux qu’il interroge.

C’est à ce moment que Fahem Boukkadous choisit d’entrer dans la clandestinité. S’il n’a pas pris part personnellement à la rébellion, il l’a relayée, et dans cette Tunisie-là, c’est une faute grave. Journaliste en exil en Espagne, victime à tant de reprises de mauvais traitements, elle-même incarcérée pendant plusieurs mois, Sihem Bensedrine, figure de la défense des droits humains dans son pays et fondatrice du magazine en ligne Kalima, explique qu’en Tunisie, “le plus grand des criminels n’est pas celui qui a commis le crime, mais celui qui l’a révélé”. C’est le cas de Boukaddous.

Dans les années 1990, quand il était étudiant en philosophie à l’université de Kairouan, Boukaddous appartenait au mouvement d’extrême gauche PCOT (Parti communiste ouvrier de Tunisie) et militait au syndicat étudiant Uget (Union générale des Etudiants tunisiens), comme sa future femme Afef. Accusés d’avoir participé à l’agitation de la faculté de lettres, ils avaient été condamnés à des peines de prison ferme. Elle avait passé deux ans et quatre mois derrière les barreaux. Lui, condamné à cinq ans ferme, avait choisi la clandestinité, déjà. Puis il y a eu une grâce présidentielle, et ils ont cru pouvoir reprendre le cours de leur vie. Diplômée d’arabe, elle n’a pas eu le droit d’exercer dans l’enseignement public, à cause de sa condamnation. Alors, ils ont ouvert une épicerie, dans le bassin minier. Curieusement, la petite échoppe a été saccagée. “Des bouteilles de gaz avaient été disposées aux quatre coins du magasin. Et une photo de Fahem, prise au cours de sa première clandestinité, volée. C’était un message clair”, précise Afef. Depuis, elle ne subsiste que grâce au soutien de ses proches. Le harcèlement n’a jamais cessé : en deux ans, elle a dû changer trois fois de maison, après que des inconnus sont venus intimider ses propriétaires. Quand le couple s’est marié, en 2006, tous les invités ont été contrôlés par la police, et les négatifs des clichés de la noce dérobés chez le photographe.

Condamné à six ans de prison par contumace – la plus lourde peine infligée en Tunisie à un journaliste dans l’exercice de ses fonctions –, puis à quatre ans en appel, Fahem Boukkadous va se cacher pendant dix-sept mois. Dans un pays aussi quadrillé que la Tunisie, ce n’est pas chose facile. “Tu ne peux pas voir ta famille, ni ta femme, ni sortir”, explique le journaliste dans un entretien réalisé par Reporters sans Frontières pendant cette période. Parfois, pourtant, Afef réussit à déjouer la vigilance des sbires qui ne la lâchent pas d’une semelle. Avec une infinie tendresse et une profonde fierté, elle montre cette photo prise au cours d’un rendez-vous secret, où elle entoure son mari de ses bras.

La cavale de Fahem Boukaddous ne ressemble pourtant pas à toutes les autres. Le journaliste est gravement asthmatique. Des certificats médicaux incontestables en font foi. Chaque crise peut lui être fatale. En novembre 2009, à l’occasion du 22e anniversaire de son accession au pouvoir, le président Ben Ali décide, par une mesure de grâce conditionnelle, de faire libérer 68 rebelles de Gafsa condamnés à des peines allant jusqu’à dix ans de prison. Boukaddous pense alors qu’il peut refaire surface. Condamné par contumace, il doit être rejugé. Ce qu’il n’a pas compris, c’est que lui n’aura pas droit à la clémence du souverain. A l’hôpital de Sousse, où il est soigné, il apprend que sa peine de quatre ans de prison est confirmée. A plusieurs reprises, la police tente de l’arrêter, mais les médecins résistent à la pression. C’est donc le 15 juillet, alors qu’à peine sorti de l’hôpital il y est revenu en compagnie de sa femme pour récupérer son dossier médical, que des policiers en civil l’interceptent. Il faudra plusieurs heures à Afef et à ses avocats pour retrouver sa trace, à plusieurs centaines de kilomètres de là. Désormais,

Prévue pour 300 à 350 détenus, la prison en contient plus du double. Boukaddous partage une cellule de 6 mètres sur 6 avec une dizaine de prisonniers. Les livres, les journaux, le courrier lui sont interdits. Comme ils le savent gravement malade, “par respect pour lui”, dit Me Ridha Radaoui du barreau de Gafsa, ses codétenus se hissent jusqu’à la seule petite fenêtre, tout en haut d’un mur, pour lui éviter de respirer la fumée de leurs cigarettes. Le 23 juillet, ce sont eux qui ont donné l’alerte quand le journaliste s’est mis à suffoquer. Afef raconte qu'”ils ont cogné dans la porte et appelé au secours. Au bout de quarante minutes, le médecin est arrivé et a averti l’administration de la gravité de la situation en cas de non intervention, un retard pouvant provoquer son décès”. Cette fois-là, son mari s’en est tiré. Pour combien de temps, s’interroge Afef. Désormais, à chaque fois qu’elle se rend à la prison, un gardien insiste pour qu’elle “dise au monde que Fahem est bien traité”. Le médecin pénitentiaire est aux petits soins avec elle. “Pour tenter de me convaincre, dit-elle, que sa situation est bonne.”

Quand on lui demande comment elle voit sa vie, la jeune femme sourit. “Je la vois dure. Mais on s’aime. Et je suis fière de lui”. Fahem et Afef n’ont pas d’enfant. Ils en rêvent. Fahem Boukaddous est libérable en 2015. Afef aura 44 ans.

Agathe Logeart

(Source: Nouvelobs.com le 12 aout 2010)

Lien: http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/media/20100810.OBS8352/tunisie-coupable-de-verite.html


La Goulette: le grand retour de la Madone

Assomption ● Le maire d’un quartier de Tunis (Il s’agit en fait de Imed Trabelsi, NDLR) veut relancer la traditionnelle procession de la Madone, avec la participation des juifs et des musulmans. Après quelques hésitations, les chrétiens ont accepté de bonne foi.

De retour de Tunis Isolda Agazzi  

Faire revivre «Un été à La Goulette», le film de Ferid Boughedir qui narre l’époque mythique où musulmans, chrétiens et juifs vivaient en harmonie dans ce petit port de pêcheurs où est née Claudia Cardinale? C’est le pari un peu fou du maire – un beau-frère du président Ben Ali -, qui veut remettre au goût du jour la procession de Notre-Dame de Trapani, organisée pendant des décennies par l’importante communauté de pêcheurs siciliens et maltais.

Le 15 août, les marins amenaient la statue de la Vierge dans la mer, marquant ainsi la fin de l’été – «la Madone est sortie, on ne se baigne plus», disaient les Tunisiens. Une festivité à laquelle les trois communautés religieuses ont participé avec ferveur jusqu’à la signature du «modus vivendi» de 1963, le document qui règle les relations entre l’Etat tunisien et le Vatican.

«Lorsque la nouvelle équipe municipale a été élue, il y a quelques mois, j’ai conseillé à Maroun Laham, l’archevêque palestinien de Tunisie, de rencontrer le maire pour lui présenter les vœux de la communauté chrétienne, La Goulette possédant l’une des plus anciennes églises du pays.

Celui-ci lui a demandé de relancer la procession de la Madone – le 8 août et non le 15 cette année, ramadan oblige», nous raconte Gilles Jacob Lelouche, assis sous le patio fleuri du «Mamy Lili», le restaurant de tradition juive et kasher qu’il transforme, à ses heures, en centre culturel et espace de dialogue interreligieux. Parti à l’âge de 18 ans, ce sexagénaire est revenu en Tunisie pour bâtir «le dernier carré de résistance de la culture et des traditions judéo-tunisiennes, suite au constat amer qu’on était en train de jeter à la poubelle 3000 ans d’histoire juive dans ce pays.»

L’archevêque l’a alors chargé de la coordination entre les différentes parties – «un chrétien s’adressant à un juif pour coordonner une action avec un musulman!», s’exclame le restaurateur.

«Je n’ai pas vécu l’époque des processions, continue Lelouche, mais mes frères et sœurs y participaient régulièrement, habillés en saint Antoine de Padoue et en robe de communion, sans se soucier du fait que c’était la Madone. La Goulette est avant tout une ville de partage et la fête des uns devient la fête des autres. Les Goulettois l’ont vécu très tôt grâce au cinéma Rex, qui ouvrait gratuitement ses portes aux enfants de la ville à trois occasions: Noël, la fête musulmane de l’Aïd, et les festivités juives du Pourim.»

Trois religions

Pour éviter que la nouvelle procession ne tourne à la «gadgétisation», elle sera précédée d’un colloque sur les pèlerinages des trois religions en Tunisie, une démonstration de chants musulmans soufis et la visite de l’équipe municipale à la synagogue de la Goulette – une première.

«Les musulmans et les juifs sont invités à la messe et à la procession, à commencer par le maire, souligne Lelouche. Nous avons lancé l’événement sur facebook et, en moins de 24 heures, nous avions déjà 250 participants inscrits, sans compter ceux qui ont reçu une invitation officielle par le diocèse, le rabbinat et la mosquée.»

Reste que la Tunisie d’aujourd’hui n’est pas celle d’il y a soixante ans. Les autorités ne cherchent-elles pas à se donner une légitimité? «Je m’en fiche! s’exclame le lettré. Si c’est pour le bien de la communauté et du pays, pourquoi pas?»

Patrimoine tunisien

Et le risque d’attentats? «Nous allons être surprotégés, assure-t-il, d’autant que le président de la république a tout fait pour réhabiliter l’image du judaïsme et du christianisme dans ce pays. Et le fait que l’initiative vienne d’une équipe municipale dirigée par une personne affiliée à la présidence n’est pas un mal. Au contraire, il faut aider les gouvernants à sauvegarder cet aspect du patrimoine tunisien.»

Du côté des chrétiens, les réactions sont plus nuancées. «La communauté catholique a évolué: il y a eu Vatican II et les processions ne sont plus de mise, ce n’est que du folklore!», s’inquiètent d’anciens fidèles. Certains haussent les épaules: si les gens veulent la procession, pourquoi les en priver? Pour d’autres, le geste du nouveau maire s’inscrit dans l’imaginaire culturel tunisien, qui fait de La Goulette le lieu où les trois religions vivaient ensemble. Et finalement il y a les irréductibles, qui auraient voulu camper sur la date du 15 août, ramadan ou pas.

Après quelques hésitations, les chrétiens ont accepté. L’archevêque a décidé d’agir en bonne volonté et de faire de cette procession un premier geste de contact entre musulmans, chrétiens et juifs. Cette année, il avait l’intention de se limiter à un petit tour discret autour de l’église, pour tester la réaction de la population. Raté! Aux dernières nouvelles, la Madone va bel et bien traverser la ville de bout en bout.

Certes, dans un pays où la manufacture est la première source de revenu, tout cela favorise une bonne image de la Tunisie à l’étranger. «Ça arrange l’économie et l’œcuménisme», conclut lucidement un homme d’affaires. Cela fait longtemps que les entrepreneurs italiens ont remplacé les pêcheurs siciliens. I

Chrétiens et juifs surveillés, mais bien acceptés

Aujourd’hui, la communauté catholique de Tunisie ne compte plus que quelques milliers de fidèles, essentiellement des expatriés et des coopérants. Les relations entre l’Etat tunisien et le Vatican sont réglées par le «modus vivendi» de 1963. La présence des catholiques est bienvenue, même si elle doit être très discrète: pas le droit de sonner les cloches et de célébrer la messe en dehors des endroits reconnus et sûrement pas de faire une procession.

L’Eglise est surveillée de près. Contrairement à de nombreux pays arabes, où la djahilia (l’époque préislamique) est considérée comme de la barbarie, l’histoire tunisienne officielle commence avant l’arrivée des musulmans. On trouve dans ce pays le plus grand nombre de penseurs ouverts par habitant, même s’ils ont très peu pignon sur rue. «La révolution vient d’en haut et à force de s’habiller en moine, les gens finissent par devenir des moines, analyse un ancien Français.

Même dans la presse, on parle de dialogue des civilisations et il existe plusieurs chaires universitaires de civilisation et religion comparées.»

«C’est politique, mais c’est sincère, confirment plusieurs interlocuteurs et les catholiques n’ont pas de problèmes ici. On nous accepte pour donner l’image d’un pays ouvert, mais aussi pour construire une nouvelle mentalité d’en haut, un peu comme au Vatican.» Il y a aussi quelques réformés qui prient dans les églises catholiques.

Quant aux juifs, bien que la plupart aient quitté le pays, plusieurs synagogues sont encore en fonction. Une nouvelle forme de tourisme cultuel et culturel est en train de voir le jour: quatre ou cinq pèlerinages juifs sont organisés chaque année – dont le plus célèbre, celui de la Ghriba à Djerba – et des circuits chrétiens commencent à émerger, sur les pas de saint Cyprien et saint Augustin. IA

(Source: “La Liberté” (Quotidien – Suisse), le 7 août 2010)

L’INSAT supprime la 3ème année pour cette saison


 
12/10/2010 Par Badreddine BEN HENDA   Grogne de 104 étudiants : «Notre école nous a lâchés», déplorent-ils «Nous les avions prévenus…Et puis ils ont le droit de choisir la faculté qu’ils veulent», répond l’administration de l’INSAT «Système excessivement sélectif», rétorque le syndicat du Supérieur Nous avons tout récemment reçu de la part d’étudiants de l’Institut National des Sciences Appliquées et de Technologie (INSAT) un courrier dans lequel ces derniers se plaignent du sort très incertain que leur réserve leur institution après deux années et demie de formation.    Ils sont même allés jusqu’à se considérer comme « jetés à la rue » par le prestigieux établissement qui les a encadrés 30 mois durant. D’après ces étudiants, la situation déplorable qu’ils vivent en ce moment résulte de l’adoption par l’INSAT du régime d’études appelé LMD (Licence-Mastère-Doctorat). Avant 2008, la formation des étudiants de cet établissement se déroulait autrement : l’étudiant y suivait deux cycles d’études, le premier durait 2 ans et demi. C’était le cycle préparatoire intégré qui en cas de réussite autorisait l’étudiant à passer un concours sur dossier pour entrer dans le second cycle destiné à la formation d’ingénieurs et qui dure 3 années. En principe et selon des paramètres connus des étudiants de l’INSAT, le passage à ce deuxième cycle ne peut concerner que 70 % des candidats. Les 30 % restants et qui n’ont donc pas été admis au concours présentent un projet de fin d’études en tant que techniciens supérieurs et pourront s’ils veulent poursuivre leurs études supérieures, s’inscrire dans d’autres établissements de formation d’ingénieurs. Avec la réforme LMD, le cycle préparatoire intégré ne dure plus que 2 ans et les étudiants qui n’accèdent pas au cycle d’ingénieurs sont appelés à finir un semestre d’études à l’INSAT après quoi ils suivent un stage et remettent un mémoire pour l’obtention d’une licence appliquée. Depuis le 30 juillet dernier, les étudiants qui ont échoué au concours d’ingénieurs (104 au total) ont commencé à recevoir des courriers par voie postale les informant qu’en raison de leur nombre assez faible, la 3ème année de formation a été supprimée et qu’ils seront réorientés vers d’autres établissements de la capitale pour y terminer leurs études et en obtenir leurs licences. Une telle mesure, affirment les étudiants, pose plus d’un problème : d’abord du point de vue juridique, puisqu’aucune loi ni aucun décret ne stipule selon nos correspondants que l’INSAT a changé de statut et de régime d’études. D’autre part et à supposer que ce soit le cas, ces changements ne doivent pas se produire en cours de cycle. Ce sont les étudiants nouvellement inscrits que cela concerne et non les étudiants déjà engagés dans un cursus couronné par un diplôme de fin d’études. Il est également inconcevable qu’on les réoriente en cours de formation vers d’autres établissements que le leur, le seul habilité selon eux à parfaire cette formation. Les facultés et instituts proposés pour accueillir ces étudiants sont honorables mais pour y être orienté, un bachelier n’a pas besoin d’avoir un score élevé. Or, les étudiants de l’INSAT ont été reçus au bac avec plus de 15,5/20 de moyenne générale ; sans compter qu’un diplôme délivré par cette prestigieuse institution est de loin plus crédible au niveau de l’embauche que n’importe quel autre obtenu dans un établissement de moindre notoriété.  «On ne peut pas garder une 3ème année pour des groupes de 10 étudiants seulement par section»  Pour l’administration de l’INSAT, la réaction de ces étudiants frustrés est tout à fait compréhensible après leur échec au concours d’ingénieurs. Peut-être, affirme un responsable de l’Institut qui a préféré garder l’anonymat, espèrent-ils par ce courrier faire pression sur la direction de notre institut pour leur permettre d’accéder au cycle supérieur alors qu’ils ont raté ledit concours. En tout cas, ils savent tous d’avance et nous les avons toujours prévenus qu’en cas d’échec, ils pouvaient être dirigés vers d’autres établissements pour y poursuivre le dernier semestre de leurs études de licence appliquée. Dans notre établissement, nous avons cette année décidé de supprimer la 3ème année, en raison du nombre trop faible (10 seulement) des étudiants à encadrer par section. Il n’est tout de même pas concevable qu’on finance des cours et toute une logistique pédagogique pour seulement 10 étudiants par section. Les professeurs ont beau penser le contraire, nous sommes sûrs qu’ils ne sont pas au fait de plusieurs contraintes qui nous obligent à prendre la mesure décidée. Cela dit, les étudiants qui vous ont contacté ont tort de se considérer comme abandonnés à leur sort par leur institution mère : nous leur avons proposé de choisir l’établissement et la licence de leur choix et nous prendrons en charge toutes les procédures de leur nouvelle inscription. En ce qui concerne les programmes des autres instituts et facultés, nous les avons bien étudiés et estimons que nos étudiants avec leur formation solide ne trouveront aucune peine à les assimiler. Qu’on comprenne une fois pour toutes que nous adoptons une logique de sélection qui prévaut dans toutes les grandes écoles du pays. Certes, nous sommes un peu plus exigeants que les autres, et c’est légitime dans la mesure où nous veillons à préserver la crédibilité de nos diplômes et le grand prestige dont jouit notre institut. Sachez à ce propos que nos diplômés ne passent pas, au pire des cas, plus de 15 jours avant d’être tous recrutés par les entreprises et sociétés du pays. Les étudiants qui n’ont pas réussi au concours d’ingénieurs doivent de leur côté admettre cette logique sélective à laquelle ils étaient sensibilisés dès leur entrée à l’INSAT. Qu’ils cherchent l’explication de leur échec dans d’autres facteurs dépendant d’eux-mêmes ou de leur entourage. Ils ne doivent pas oublier que le régime LMD repose sur le principe de la complémentarité des institutions universitaires. Même à l’étranger, c’est ce principe qui prévaut au Supérieur. Quoi qu’il en soit, nous mesurons leur déception, mais nous leur assurons que les horizons qui se profilent devant eux ne sont pas aussi sombres qu’ils le prétendent. Ils ont en effet d’autres chances à saisir, dont le doctorat en particulier !  «L’INSAT applique un système de sélection excessif» Pour la Fédération syndicale de l’enseignement dont nous avons contacté par téléphone le secrétaire général, M.Sami Aouadi, les revendications des 104 étudiants sont légitimes et méritent que la presse nationale en reproduise l’écho. « L’INSAT applique un système de sélection excessif, ajoute M.Aouadi. Je dirai même que cet établissement broie une partie de ses étudiants, qui sont pourtant parmi les plus brillants bacheliers du pays. On y songe un peu trop à la renommée et au prestige de l’école et pas assez aux horizons à ouvrir devant les futurs diplômés. On s’y accroche encore à une image de grande école, mais cette image est en totale inadéquation avec les réalités de notre pays.»   (Source: “Le Temps (quotidien -Tunisie) le 12 aout 2010)


Ramadan en été : la mauvaise affaire du tourisme maghrébin


10/08/2010 Par Olfa Khimira Cette année, le ramadan en plein été pousse de nombreuses familles musulmanes en vacances au «bled» à avancer leur retour en France. Les professionnels du tourisme maghrébins tentent de contrer ce manque à gagner. Pour éviter d’avoir à supporter en plein jeûne du ramadan la chaleur écrasante de certaines grandes villes d’Afrique du nord, de nombreuses familles musulmanes de France venues passer leurs vacances en Tunisie, au Maroc ou en Algérie préfèrent rentrer pour retrouver les températures plus clémentes de l’Hexagone. Une perte sèche de revenus pour ces pays où le tourisme tourne d’ordinaire à plein régime tout l’été. Déjà l’année dernière, la tradition bien établie selon laquelle les émigrés reviennent au pays pour le ramadan, avait été remise en cause. En effet, le mois du jeûne avait commencé le 22 août et avait déjà provoqué un léger chamboulement sur les dates de retour. Cette année, les compagnies aériennes se sont retrouvées prises d’assaut début juin et pendant tout le mois de juillet. « Pour la saison estivale, nous avons constaté un raccourcissement de la période des vacances. Les premières vagues ont commencé début juin et le pic de retour se situe entre le 1er et le 10 août, soit quelques jours avant le ramadan », explique Abdelkrim Ben Ahmed, représentant général France nord de la compagnie Air Algérie. Raviver l’intérêt des musulmans pour un ramadan « au pays » Les responsables du tourisme maghrébins redoutent que les émigrés, grands amateurs de vacances d’été, ne boudent leurs pays d’origine pendant le mois de ramadan. Un seul mot d’ordre: les convaincre qu’une fois passé l’austère moment de jeûne entre le lever et le coucher du soleil, ils retrouveront les soirées à l’ambiance traditionnelle et familiale qu’ils ne pourront pas retrouver en France. Cette situation difficile pour le secteur touristique maghrébin va se répéter sur plusieurs années encore, le ramadan avançant d’une dizaine de jours par an en fonction du calendrier lunaire. «Le problème c’est que nous n’avons pas assez de recul afin de prédire le comportement des gens. Pour l’instant, nous remarquons juste un étalement de la date de retour», observe Abdelmadjid Jazi, directeur commercial chez Tunisair. Afin de raviver l’intérêt des musulmans pour un ramadan «au pays», Air Algérie a lancé un tarif spécial «Siam» (jeûne en arabe, ndlr) : une réduction des prix des billets pendant le mois de ramadan, d’une moyenne de 55 % pour ses dessertes vers la France. A titre d’exemple un vol Paris-Alger coûte en moyenne 240 euros. La compagnie française Aigle Azur offre également des tarifs promotionnels pour tous ses vols vers le Maghreb, effectués entre le 5 août et le 12 septembre 2010. Un vol aller/retour depuis Paris vers l’Algérie est proposé à 219 euros. Tunisair, elle, vise uniquement les jeunes d’origine tunisienne de moins 30 ans, en offrant un tarif préférentiel de 50% sur un voyage France-Tunisie. En effet, les compagnies aériennes ont constaté que les jeunes sont les plus réticents à vouloir passer le ramadan au «bled». Comme Slim, 21 ans, qui passe d’habitude «toutes ses vacances en Tunisie», mais a décidé cet été d’avancer sa date de retour : «il fait trop chaud pour jeûner là-bas, en plus, c’est d’un ennui !».
 
(Source: Lefigaro.fr le 10 aout 2010)


La frontière algéro-marocaine vraiment fermée? Avec 2000 dinars, on peut la traverser


11/08/2010 Par Ryad Abdi 1ère PARTIE : L’ALLER. Il y a quelques années, je n’avais pas besoin de payer un passeur pour aller humer l’air chérifien. Les temps ayant changé, je ne dois plus jouer au héros. Il paraît que les frontières algéro-marocaines sont mieux surveillées en raison de la présence du monarque sur la plage de Saïdia à la fin du mois de juillet dernier. Un passeur se propose de me les faire traverser clandestinement pour 2000 dinars.   Pour passer de l’autre côté de la frontière, je me suis déplacé à Boukanoun, le village algérien qui face à Ahfir, la bourgade marocaine. Mon ange gardien, qui dit s’appeler Omar, attablé sur la terrasse du café Es-Sabah, exige 2000 DA comme droit de passage. Payable à l’avance. Rendez-vous est pris pour le lendemain à 6 h du matin… Samedi, je suis au rendez-vous à l’heure convenue. Notre convoi s’ébranle cahincaha. Nous amorçons la traversée à pas feutrés. Mes appréhensions sont telles que je sens mes pieds collés avec de la glu sur le sol. Nous sommes six à faire la traversée, sept avec le passeur. Dociles, mes cinq compagnons dont deux subsahariens doivent se courber parce que leur taille pose problème. Leur grande taille peut-être repérée par les vigiles de part et d’autre de la frontière. Le nez collé à leur dos, je suis à la queue de la file. Ma position ne répond à aucune stratégie, si ce n’est de prendre la poudre d’escampette en cas de complication. «Alors camarades, vous allez en Espagne?» Notre passeur se permet une « chemma » ( tabac à chiquer) avant de nous accorder un moment de répit. En pareilles circonstances, on est habité par des sentiments ambivalents. Et moi, entre le bonheur de réussir le passage et la peur d’échouer, je me fie fatalement au destin. «Alors camarades, vous allez en Espagne?» demandes-je aux deux Subsahariens. Interloqués, les deux blêmissent. Passablement énervé, Omar intervient: «Laisse-les tranquilles…Je t’ai pourtant prévenu de ne pas poser trop de questions!» Notre ange gardien nous explique alors que nous devons attendre la relève des soldats. Mauvais calcul ou mauvais sort? Toujours est-il qu’à ce moment précis, une voix enrouée surgit des broussailles : «Halte!» Mes tripes se sont mises à gargouiller à la vue du tabor, le bidasse marocain. J’ai réalisé alors que nous sommes sous le ciel et sur les terres du «Commandeur des croyants». Déjà au Maroc ! «Sidi, c’est le premier convoi» «Le tourisme va bien? Allez, vos papiers! Nous sommes le serviteur de Sa Majesté», ordonne le tabor en braquant sa vieille mitraillette sur nous. Un des passagers se met à trembloter. Nullement impressionné, en guise de documents de voyage, notre passeur refile au soldat des billets de banque pliés, en accompagnant son geste d’un chuchotement à l’oreille de celui qui nous nous menace toujours avec son arme. «Sidi, c’est le premier convoi», explique doctement Omar le passeur. « Y’en a pas assez», entonne le gardien du temple en tenue kaki. Je ne sais pas quelle mouche m’a piqué lorsqu’avec un sourire qui se veut rassurant, je réponds: «En effet, nous ne sommes que six, si j’exclus le passeur.» «Celui-là, je l’emmène au poste» «La ferme, toi ! Il ne parle pas du nombre, mais de l’oseille», coupe le passeur. ll sourit hypocritement et renchérit: «Ya Sidi, celui-là ne fait pas partie du lot. Il est, comme dirait l’autre, en surcharge.». Le guide vient de me désigner comme une charge de plus dans ce convoi des braves qui veut rallier le Maroc. «Celui-là, je l’emmène au poste», tranche le militaire, son armé encore braquée sur nous. Le passeur tente de sauver les meubles. «Sidi, excusez son innocence arrogante, il va seulement voir sa mère qu’il n’a pas revue depuis la fermeture des frontières», plaide-t-il. «Où habite-t-il, demande le tabor d’un air goguenard. Je ne l’ai jamais vu, je dois le fouiller!». Puis, en s’adressant à mon auguste personne, il m’ordonne d’enlever mes chaussures. «Il n’en a pas l’air…Tu es Algérien, toi?» «Il n’a rien, Sidi, plaide Omar, il n’a jamais traversé la frontière ou peut-être une seule fois dans sa vie, c’est un pauvre ouvrier qui trime du matin au soir comme un forçat.» Méfiant, le soldat, sans doute le résultat d’une longue expérience acquise à surveiller cette frontière officiellement fermée mais ouverte de toutes parts «Il n’en a pas l’air…Tu es Algérien, toi?», me demande-t-il. Pour éviter plus de désagréments, il faut recourir au mensonge. «Moitié-moitié…Ma mère est marocaine, mon père algérien» A vrai dire, c’est un presque un demi-mensonge. Dans cette bande frontalière entre l’Algérie et le Maroc, des milliers de personnes sont issues de familles et de couples mixtes. Mon mensonge semble avoir davantage attisé la cupidité du bidasse. «Dans ce cas, il doit payer plus cher. Que vaut l’argent quand il s’agit de l’amour de sa mère?», dit-il d’un air cynique de celui qui est rompu à la pratique du racket et du rançonnement. « Mon boulot est de faire passer des gens et de les ramener à bon port, le reste ne me concerne pas» Mes compagnons se murent dans un silence sépulcral et tentent gauchement d’éviter de se croiser leurs regards. Ils sont trahis par leur attitude d’hommes traqués. Le tabor, qui semble éprouver un malsain plaisir à nous torturer, revient à la charge en me regardant avec mépris. Son collègue lui fait signe discrètement de nous relâcher. Il a consenti, enfin, à nous libérer le passage, mais à condition de lui ramener, à mon retour, un démodulateur pour paraboles. J’ai accepté sans prononcer un mot, sans comprendre pourquoi moi, je dois payer une surtaxe. Il est clair que les membres du convoi ne sont pas tous logés à la même enseigne. Devant mon air de chien battu, Omar me glisse à l’oreille : «Les autres doivent s’acquitter d’un droit de passage spécial, eux casquent en euros et quant à moi, mon boulot est de faire passer des gens et de les ramener à bon port, le reste ne me concerne pas», m’ explique notre guide. Nous reprenons le chemin comme si nous revenions d’un enterrement, mon nez toujours collé au dos d’un des Subsahariens. Nous croisons deux baudets dont les bâts sont lourdement chargés. Des animaux convoyeurs de marchandises de contrebandiers. La première partie de la traversée s’est achevée. Il reste encore à s’enfoncer dans les terres marocaines avant d’arriver au premier village. « Avant que je n’oublie, tu me dois une rallonge de 2000 dinars » Nous dévalons une pente qui aboutit à la rivière. Omar nous intime l’ordre de nous arrêter une seconde fois. Il n’est plus crispé. J’en profite pour demander l’autorisation de fumer une cigarette. J’en ai proposé aussi aux autres passagers. Ne sont-ils pas soulagés d’avoir parcouru une partie de l’itinéraire? Je commence à m’inquiéter et à perdre patience : «Décidément, il y a trop d’escales, Omar! Nous sommes arrivés en principe, qu’attendons-nous pour continuer?». «Tant que nous n’avons n’a pas traversé la rivière, nous sommes jamais arrivés, tranche-t-il avant d’ajouter d’un ton martial. Avant que je n’oublie, tu me dois une rallonge de 2000 dinars car je sais que tu ne ramèneras jamais ce foutu démodulateur au tabor et, dans ces conditions, c’est moi qui serais dans de mauvais draps. Alors, je préfère prendre mes précautions. Ce n’est pas pour un bout de métal que je vais bousiller mon business, tu dois comprendre ça aussi…» Le passeur est apparemment inquiet, mais il ne s’oppose plus à mes interventions. La censure est levée comme par enchantement. Au bout de la traversée, un concert de Cheba Zahouania à Oujda Quinze minutes se sont écoulées quand trois personnes arrivent à notre hauteur. Omar, devenu jovial comme par magie, les accueillie avec des embrassades. «On part», dit l’un d’eux. Omar, d’un ton exagérément solennel, s’arrête brusquement pour nous confier à nos nouveaux sbires. « Ma mission s’achève ici, dit-il. Désormais, vous appartenez à vos nouveaux anges gardiens, courage et que Dieu vous protège!.» Un de mes nouveaux anges gardiens m’accompagne jusqu’au centre de la ville d’Ahfir, précisément au café de La paix. Il m’explique que je devais me pointer au même endroit le lendemain à 16h. Une fois le thé à la menthe avalé, je prends normalement un taxi sur Oujda. Direction, café de France où un de mes amis marocains, Rachid, professeur de français, m’attend. « Tu as de la chance, ce soir, il y a Chaba Zehouania au festival du raï qui se déroule sur la place Ennour!», m’annonce-t-il. Je lui raconte que la traversée était trop protocolaire comparativement aux précédentes. Il m’explique alors que la venue de Mohamed VI dans le Maroc Oriental a obligé les responsables marocains à renforcer les mesures de sécurité. Visiblement, cela n’a pas empêché notre tabor de prélever sa dime. Il me reste à refaire le chemin inverse pour retourner en Algérie.   Source : http://dna-algerie.com/dna-mag/49-dna-mag-reportage/329-reportage-comment-jai-lgriller-la-frontiere-algero-marocaine-avec-2000-da-lmoitie-marocain-moitie-algerien-tu-dois-payer-plus-cher-r-.html


 La bataille du temps : La Mecque contre Greenwich


Londres, correspondant Depuis plus d’un siècle, il dicte l’heure qui nous mène inexorablement au bout de la journée. LeGreenwich Mean Time, ou GMT, l’heure universelle, est l’une des dernières fiertés des Britanniques et l’envie d’autres. Grâce au méridien de Greenwich de longitude zéro, matérialisé par un rail de cuivre traversant la cour de l’Old RoyalObservatory de Londres, les sujets de Sa Majesté se considèrent comme le peuple de l’heure. C’est l’un des derniers lambeaux de la grandeur impériale passée.  

Depuis le 12 août, le GMT doit faire face à un concurrent de poids, l’Arabian Standard Time, symbolisé par la géante horloge construite à La Mecque. Pour donner l’heure “musulmane” à 1,5 milliard de fidèles de par le monde, les autorités saoudiennes n’ont pas lésiné sur la dépense. L’horloge à quatre cadrans de 46 mètres de diamètre lacérés d’or couronne une tour de 609 mètres, la deuxième plus haute au monde après leBurj Khaila de Dubaï (828 mètres). En comparaison avec ses 96 mètres et ses cadrans d’un diamètre six fois plus petit, le célèbreBig Ben fait bien piètre figure.

L’édifice est doté de tous les atours, comme l’attestent les deux millions d’ampoules électriques éclairant l’inscription “au nom d’Allah”, présente sur chaque cadran de l’horloge. Pour appeler les fidèles à prier, 21 000 luminaires verts et blancs décorant le sommet de la tour et visibles à 30 km à la ronde s’illumineront cinq fois par jour.

EMPRISE BRITANNIQUE

Pour ses promoteurs, La Mecque, et non Greenwich, est le vrai centre de l’univers. Aux yeux de l’Arabie saoudite, le développement du temps moyen islamique doit casser l’un des derniers vestiges de l’emprise coloniale et chrétienne de l’ancienne puissance tutélaire. D’après les experts de la charia, le premier lieu saint de l’islam a l’avantage sur Londres d’offrir le parfait alignement avec le pôle Nord, ce que contestent les scientifiques occidentaux.

L’enjeu est d’importance. La Mecque a trois heures d’avance sur le GMT. Et le méridien de Greenwich est aujourd’hui l’une des grandes attractions touristiques de la capitale britannique. Malgré ce défi, la direction de l’Observatoire londonien reste confiante. Après tout, le GMT a résisté avec succès à de multiples tentatives de putsch, en particulier de la part de la France. La création, en 1667, du méridien de Paris devait concurrencer l’emprise britannique. Lors de la conférence de Washington de 1884, qui avait adopté l’heure de référence de Greenwich, la France s’était d’ailleurs abstenue. Vexé que le méridien de Paris n’ait pas été retenu comme base zéro, l’Hexagone boudera le GMT jusqu’en 1911 au profit de l’heure d’Angers, situé à l’exacte longitude de Greenwich. Le dispositif a survécu à l’avènement, en 1972, du temps universel coordonné (UTC).

Surtout, le GMT garde sa certitude de détenir sur sa concurrente saoudienne un atout implacable. Outre-Manche, l’heure, c’est l’heure. La ponctualité est une religion.

Marc Roche
Article paru dans l’édition du 13.08.10
(Source: “Le Monde” (Quotidien -France) le 13 aout 2010)

Tony Judt: An intellectual hero


 

By Mark LeVine New York University (NYU) professor and internationally renowned historian Tony Judt died last week of amyotrophic lateral sclerosis, better known in the US as Lou Gehrig’s disease after the famous baseball player whose death from the disease first brought it to public consciousness in 1941. It is hard to fathom the scope of the loss, not just of the man, but of the type of scholarship, of the way Professor Judt taught those willing to learn about how to approach and utilise history. I only knew Judt in passing as a graduate student at NYU but his reputation was already secure then, as a leading historian of France and the European Left. What was as striking as his superior intellect was his equally clear intellectual courage. He was clearly an intellectual of both the 1960s and of the Left (a much maligned combination in Newt Gingrich’s America). But unlike so many of his peers he grasped the inherent contradictions of both while they were happening. And so Judt became an astute and critical observer of why the era and its politics not only failed to bring about revolutionary change in Europe and the US, but produced a conservative backlash that is largely responsible for the slow destruction of the welfare states that had enabled unprecedented prosperity in the West in the decades after the second world war. Israel shaping politics What is most interesting in this regard is that among the most important experiences that shaped Judt’s critical stance towards the Left was the years he spent as a devoted left-wing Zionist, including many summers spent working on Israeli kibbutzim and even volunteering as an auxiliary in the Golan Heights in the wake of the 1967 war. As he explained in an article earlier this year, despite their progressive ideology (or better, the mythology surrounding them), the kibbutzim were “provincial and rather conservative communities, their ideological rigidity camouflaging the limited horizon of many of their members …. The mere fact of collective self-government, or egalitarian distribution of consumer durables, does not make you either more sophisticated or more tolerant of others …. Even now I can recall my surprise at how little my fellow kibbutzniks knew or cared about the wider world-except insofar as it directly affected them or their country”. Judt’s realisation is not surprising. The mundane realities of daily life inevitably batter down ideological commitments and utopian visions. More broadly, the paradoxes and ethical contradictions of the “New Left” of the 1960s, during which he came of age, led many acolytes of the movement to lurch rightwards in disgust. In so doing, it planted many of the seeds out of which the neoconservative movement grew in the ensuing two decades. Unlike his more politically jaundiced contemporaries, Judt retained his core commitment to justice and intellectual honesty even as he grew disenchanted with the politics of his era. As he put it: “By the time I went up to Cambridge I had actually experienced – and led – an ideological movement of the kind most of my contemporaries only ever encountered in theory. I knew what it meant to be a “believer” – but I also knew what sort of price one pays for such intensity of identification and unquestioning allegiance …. I was – and remain – suspicious of identity politics in all forms, Jewish above all. Labour Zionism made me, perhaps a trifle prematurely, a universalist social democrat – an unintended consequence which would have horrified my Israeli teachers had they followed my career. But of course they didn’t. I was lost to the cause and thus effectively dead.” Judt might have been “dead” to his Israeli teachers, but in the US his honesty and willingness to be self-critical about his attachment to Zionism made him one of the main enemies of the organised Zionist community, both its institutions and its intellectuals. The attacks against him intensified after he had the temerity to propose a one-state solution for the Israeli-Palestinian conflict. Leon Wieseltier of The New Republic, explained that with his public disavowal of Zionism Judt “has become precisely the kind of intellectual whom his intellectual heroes would have despised,” and even removed Judt’s name from the masthead of the magazine (he had been a contributing editor), just because he dared to advocate what in essence would be a “new republic”. A death, of sorts, but one that Judt likely (one can hope) did not mind too much, since the magazine had moved far from the kind of thoughtful progressive politics that defined its first half century and towards the type of uncritical ideological politics he abhorred, whether from the Right or the Left. Threatened status quo Of course, Wieseltier was not concerned about Judt’s heroes. He was concerned by who Judt was: a brilliant Jewish intellectual, who actually lived in Israel, knew the country well, spoke Hebrew, and had the ability to contradict the official party line with integrity and compassion. And because he was not a “knee-jerk” leftist who uncritically supported any cause or group that opposed US or Israeli policies, he was even more dangerous to the dominant narrative surrounding Israel and American foreign policy. In the last decade the neoconservatives have created something of a cottage industry going after professors they deem “dangerous” because they refuse to provide the intellectual support for and often vehemently oppose both the militarisation of US policy abroad and the disintegration of government services at home. Judt’s work, even as he became physically incapacitated, was as trenchant as ever in uncovering why the Right had succeeded in getting the majority of Americans to acquiesce to, if not actively support, their agenda. In his last book, Ill Fares the Land, he explored how the social contract that defined post-war life in Europe and the US and the guarantee of security, stability, and fairness it represented stopped being considered a legitimate social goal and how a social democratic vision could win back the disaffected by creating a “civic language” that could support a renewed social contract between governments and their citizens. Ignored Needless to say, few politicians paid much attention to Judt or invited his counsel. I could find no evidence of his ever having been called to testify before the US congress. The White House made no mention of his passing, even though Barack Obama, the US president, has during his tenure invited well known historians to the White House to help provide him with historical perspective on the numerous crises he faces. According to a just published account by one of the invited historians, Gary Wills, most invitees warned Obama that “pursuit of war in Afghanistan would be for him what Vietnam was to Lyndon Johnson,” an assessment none of the government officials who participated in the celebrated-but-secret top secret review of Afghan policy apparently sought fit to make before suggesting the massive, but still seemingly ineffective surge. I could not help but contrast the principled and well-reasoned analyses of scholars like Judt with their limited ability to impact political discourse as I perused a glossy flyer sent to me by my congressman, John Campbell, as part of his 2010 reelection propaganda. Titled “Strengthening Our Relationship with Israel,” the slickly designed cardboard notice provided details of everything he has done “to support Israel’s right to defend herself and ensure her safety in the region”. The illustrations and the symbolism they evoke are in fact quite striking – picture of Campbell at a American Israel Public Affairs Committee (AIPAC) conference, of a young Israeli girl, of the Dome of the Rock (which has been all but appropriated by Israel as a defining image of the country, despite its function as a major Muslim holy place and symbol of Palestinian nationalism).The Israeli flag is even more prominent than the US flag – right next to the congressman’s head in one image. Lowest political instincts Among the resolutions and letters “in support” of Israel Campbell shared with constituents were those “repudiating the findings of the Goldstone Report,” “reaffirming the unequivocal support for the alliance and friendship between the United States and Israel,” several Iran sanctions bills, and finally, HR 5501, the “America Stands with Israel Act”. This bill, currently referred to the Committee on Foreign Affairs, would not only remove the US from the UN Human Rights Council, but “prohibit American taxpayer dollars from being used to pay for any UN investigation into the flotilla incident”. It also support Israel’s “unconditional right to defend herself and support[s] Israel’s naval blockade of Gaza”. In excerpts of his letters to Obama administration officials Campbell declared that “a strong Israel is an asset to the national security of the United States and brings stability to the Middle East”. To Binyamin Netanyahu, the Israeli prime minister, he gushed that “in a volatile area of the world, where Israel stands as a beacon of light for democratic values, the country and all it stands for is hated by many. Thus, it has been forced to defend its mere existence and must be able to continue to do so in situations like this, in which efforts were made to aid a terrorist-controlled region”. The flyer is utterly devoid of any critical thinking, which is precisely the way the congressman intended it. How else could he declare that he will continue “supporting America’s strongest ally in the Middle East” without a hint of irony? There is no reason for him to consider that the Israeli government itself has agreed to cooperate with the UN flotilla investigation, that its own investigation has found numerous violations of the laws of war, and agreed to ease the blockade – all of which make his opposition redundant. To ensure support from his many conservative Jewish – and even more important, Evangelical Christian – constituents, no compromise is possible with the UN or anyone who would challenge Israel’s “unconditional right” to do whatever it wants. There is not a chance that Campbell might consider how a region in which the majority of countries are US clients or allies can be “terrorist-controlled” – unless he means that most of the region’s governments regularly terrorise their citizens (but I doubt it). Nor can one hope that Campbell might read the many Israeli scholars and policy-makers who increasingly warn about the deterioration of democratic values and freedoms in Israel. What would be the point of that, particularly when the US is not far behind, even under a Democratic administration? Indeed, I wish that Judt could have had the chance to discuss his experiences and disenchantment with Israel and the numerous actions the congressman so uncritically supports before he died. But even if he had and Campbell had become better educated as to the realities of the country and its policies, what good would it do? When it comes to the Middle East, and Israel/Palestine in particular, promoting nuanced discussion and policies can only cost votes, while pandering to peoples’ willful ignorance and most chauvinistic interests will at least bring out the party faithful. Useless knowledge? Ultimately, Campbell and the vast majority of his 534 House and Senate colleagues have little use for the knowledge that historians like Judt could offer because the main purpose of that knowledge is to disrupt hypocritical arguments and the fantasies of ideologically – and as importantly – money-driven policies. As Judt put it, the historian’s task is precisely “to tell what is almost always an uncomfortable story and explain why the discomfort is part of the truth we need to live well and live properly. A well-organised society is one in which we know the truth about ourselves collectively, not one in which we tell pleasant lies about ourselves”. Today Americans and their politicians much prefer pretty lies to hard truths, even as they pay for that privilege more dearly with each passing year. It would be nice if Judt’s arguments and scholarship could help shape the civic language that has so clearly gone missing in the US during the last 30 years. But in the meantime, his writings on European history and the need for a new social contract between rulers and ruled can inspire a new generation of scholars and activists in other cultures, including the many societies of the global south that are still grappling with the slow demise of the “authoritarian bargains” that for decades ensured continued power for autocratic elites, and in return, a basic level of development for their citizens. It is there, in Latin America, Africa, and the Muslim world, where the legacy of Judt’s call for a critically reflective social democratic political discourse might well be found. If American militarism, European myopia, corporate greed and the militant ideologies of numerous stripes do not doom them first. Mark LeVine is a professor of history at UC Irvine and senior visiting researcher at the Center for Middle Eastern Studies at Lund University in Sweden. His most recent books are Heavy Metal Islam (Random House) and Impossible Peace: Israel/Palestine Since 1989 (Zed Books). The views expressed in this article are the author’s own and do not necessarily reflect Al Jazeera’s editorial policy.
(Source: Aljazeera.net le 12 aout 2010) Lien:http://english.aljazeera.net/focus/2010/08/201081084238516548.html  
 

 

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