30 juin 2009

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TUNISNEWS

9 ème année, N° 3325 du 30.06.2009

 archives : www.tunisnews.net  


Appel pour le boycott des élections d’octobre 2009 Réunion des verts africains à Bohican (Bénin) du 25 au 29 Juin 2009 NouvelObs »Délit de solidarité » et droits de l’homme Le Temps: Crise de la Ligue Tunisienne pour la Défense des Droits de l’Homme – Scénarii pour une sortie de crise Les Amis d’Attariq: La «pédagogie» de M. Morjane à propos des rafles : tardive et peu convaincante Leaders: Sami Fehri sur le point de finaliser le dossier de la nouvelle chaîne TV Réalités: Yadh Ben Achour parle de la victoire du Sunnisme, de l’islamisme et de l’Islam d’Occident AFP: Sommet de l’UA : Kaddafi fait pression sur les leaders africains AFP: Burqa/ Sarkozy : Al-Quaïda menace de  » se venger  » de la France Reuters: Rafsandjani, médiateur ou victime de la crise iranienne ?


 
 

 Appel pour  le boycott  des élections d’octobre 2009

 

30 juin 09

 

Le Collectif pour le boycott des élections d’octobre 2009 en Tunisie appelle les Tunisien(ne)s à ne pas participer au simulacre d’élection, qui devrait voir le président indétrônable Ben Ali élu pour un cinquième mandat.

Le 25 octobre 2009, les citoyens tunisiens seront appelés aux urnes pour élire leur président de la République et les représentants de la Chambre des députés. La réforme pseudo constitutionnelle du 26 mai 2002 ayant supprimé la limite de nombre de mandats successifs pour le président sortant, elle lui octroie le droit de briguer un cinquième mandat et lui permet, concrètement,de se tailler une présidence à vie.

Arrivé au pouvoir par un coup d’Etat « médical » le 7 novembre 1987, Ben Ali fut, durant deux mandats, l’unique candidat à sa propre succession. En 1989 il fut « élu » avec 99,27% des voix et en 1994 il obtint 99,91% des voix. Les élections pseudo pluralistes inaugurées en 1999 maintiennent le statu quo. La participation de deux candidats de « l’opposition » ne l’empêche pas de remporter les présidentielles avec 99.45%.En 2004, malgré la présence de trois candidats, Ben Ali est « réélu » avec 94.49% des voix. Rien ne permet de croire que l’échéance électorale d’octobre 2009 sera différente. Bien contraire, tout indique qu’elle aura lieu dans des conditions encore plus graves que les précédentes.

Les adversaires de Ben Ali sont choisis par Ben Ali

Les mécanismes et les lois électoraux ajustés par le pouvoir, et surtout l’absence totale de toute forme de liberté, privent les Tunisiens du droit de choisir librement leurs gouvernants.Sur le plan juridique, les sept des neuf membres du Conseil constitutionnel, à qui incombe, notamment, la tâche de valider les candidatures à l’élection présidentielle, sont nommés par Ben Ali. Ainsi, les candidats officiels sont imposés par le Président lui-même. A chaque élection, il fait voter des lois exceptionnelles pour mettre au point des « élections » sur mesure et choisir par là ses adversaires.

Les lois électorales restreignent les candidatures à la présidentielle comme aux législatives,aux adversaires choisis et validés par Ben Ali et excluent du vote la majorité de la population tunisienne. Le code électoral est même façonné pour permettre de certifier la triche et d’accepter que le président-Etat-Parti chapeaute les différentes étapes des élections à sa guise. Aucune forme de contrôle indépendant n’est possible. Sur le plan politique, le régime ne cesse d’affirmer son totalitarisme en dominant la vie sociale, économique, politique et culturelle du pays. Les organisations syndicales et politiques, les institutions et les acteurs de la société civile n’ont jamais été aussi persécutés et assiégés. Ils subissent quotidiennement la répression, les violations de leurs droits à s’organiser, à s’exprimer et à manifester librement.

L’intimidation, le harcèlement, la prison, la violence, la torture et même l’assassinat sont les seules réponses que les autorités fournissent à la population et à la société civile. Rappelons les récentes actualités :les militants du bassin minier de Gafsa qui croupissent depuis de longs mois en prison dans des conditions inhumaines, les milliers de jeunes accusés de terrorisme, victimes de torture, de traitement inhumain et de procès inéquitables, l’interdiction du congrès de l’UGET, l’emprisonnement et l’expulsion de ses militants des universités, le passage à tabac des opposants, le putsh qui se trame contre le SNJT et qui en dit long sur l’état de la presse et de la liberté d’expression, l’interdit qui frappe les activités de la LTDH, la persécution que subissent les militants et les représentants de l’Association des magistrats et de l’Association tunisienne des femmes démocrates, etc.

Médias et justice dans les mains du Président

Allergique à toute forme de pensée et de critique, le pouvoir ne tolère que les louanges. Le matraquage médiatique orchestré par le régime domine tous les espaces.Radios, presses, télévisions et autres médias, accaparés par le parti unique ne peuvent que glorifier le Président et sa politique. L’état de délabrement total du système judiciaire fait de lui un outil d’asservissement entre les mains de l’exécutif. Dépourvue de toute indépendance, la justice, dont ses propres fonctionnaires sont parfois ses victimes, est aux ordres du pouvoir. Le ministère de la Justice parait comme annexé au ministère de l’Intérieur et il n’a d’autre mission que de garantir la survie du régime.

Dans ce contexte politique, les conditions les plus élémentaires ne sont pas réunies pour garantir un déroulement libre et démocratique des élections de 2009.

Sur le plan socio-économique, le régime fait régner l’injustice, les inégalités, la corruption et remet en cause les acquis et les droits des femmes. Par ces élections, le pouvoir de Ben Ali cherche à s’habiller d’une légitimité démocratique qu’il n’a jamais possédée. D’autre part, il veut garder les mains libres pour continuer une politique économique libérale, en défaveur des couches populaires, dictée par l’intérêt des plus riches familles au pouvoir et l’intérêt des capitaux européens et internationaux ; une politique qui asservit davantage la Tunisie au capitalisme à travers ses institutions, la Banque mondiale, le Fonds monétaire international et l’Union européenne. Et pourtant les luttes politiques et sociales, spontanées ou organisées, contre les choix socio-économiques du pouvoir n’ont jamais cessé. Manifestations, occupations, grèves des travailleurs, grèves de la faim et soulèvements populaires font d’ores et déjà partie du quotidien social. Les femmes, les travailleurs, les jeunes et les chômeurs du bassin minier qui ont osé braver l’interdit en sont le meilleur exemple.

Boycottons cette mascarade d’élection

Nous sommes convaincus du droit incontestable de l’opposition tunisienne à pouvoir se présenter à des élections réellement libres et démocratiques. Nous sommes convaincus aussi que le peuple tunisien a le droit de voter librement sans crainte et sans entrave. Cependant, la participation aux élections, dans les conditions actuelles, fera seulement écho à une comédie dans laquelle les jeux sont faits d’avance. Elle ne sera politiquement bénéfique qu’à la dictature, pas à l’opposition, ni au peuple tunisien. D’autant plus qu’au fond de sa conscience, le citoyen tunisien est parfaitement convaincu que, vu l’état actuel des choses, les urnes de Ben Ali ne pourront apporter aucun changement au quotidien de leur vie.

Tunisien(ne)s, rejoignez le Collectif

C’est ce constat qui donne toute sa raison d’être à notre action qui, en résonance avec la voix de la majorité des Tunisiens, appelle au boycott des élections d’octobre 2009.

Face à cet état des lieux, il nous incombe, signataires de cet appel, de nous constituer en Collectif démocratique, laïque et pluraliste, ouvert à toutes les Tunisiennes et tous les Tunisiens qui s’identifient à sa plateforme politique, pour :

- Refuser cette mascarade électorale, dénoncer son caractère fantoche et rejeter la présidence à vie.

- Rassembler les Tunisiennes et les Tunisiens pour réclamer des élections libres et démocratiques rompant avec le totalitarisme et la dictature.

- Organiser des manifestations de protestation visant à dénoncer cette supercherie électorale.

Nous invitons toutes les militantes et tous les militants, intellectuels, épris de justice et de liberté, toutes les Tunisiennes et les Tunisiens qui aspirent à la démocratie sociale et politique à rejoindre notre initiative.

Paris, le 28 juin 2009

Collectif pour le boycott des élections d’octobre 2009 en Tunisie www.boycottelections2009.net contact@boycottelections2009.net Premiers signataires  1. Wassim Azreg, militant politique, Paris.  2.  Nejib Baccouchi, Doctorant en Philosophie, Paris.  3. Rania Majdoub.  4. Raja Albahri.  5. Raja Chamekh, militante féministe, Paris.  6. Lotfi Hammami, Doctorant en Philosophie, Paris.  7. Lamia Guizani, indépendante, Perpignan,  France.  8. Hamadi Aouina  9. Adel Thabet, Paris. 10. Béchir Abid, militant, Paris 11. Abdelwahab Hammami 12. Samir Hammouda, Paris. 13. Mohsen Rezgui 14. Anis Ben FARHAT, militant indépendant. 15. Mohsen Chebbi, Paris. 16. Ezzeddine Boughanmi 17. Faouzi Ouerghi 18. Loumamba Mohsni 19. Adel Al-khammar, communiste tunisien, Grande-Bretagne. 20. Anouar Nsiri, Grande-Bretagne. Pour signer l’appel, envoyez votre signature àcontact@boycottelections2009.net 
 

(Source: « Charchaouka Tunisienne »  un blog parfumé au jasmin hébergé par  bakchich)

Lien:http://www.bakchich.info/Appel-pour-le-boycott-des,08175.html


 

Réunion des verts africains à Bohican (Bénin) du 25 au 29 Juin 2009

 
Réunis au Bénin à Bohican, les partis et associations écologiques ont décidé la constitution du mouvement des verts en Afrique (MVA) après un long débat démocratique et fructueux. Notre coordinateur national, a été choisi unanimement ainsi que madame Fatima Alaoui, Présidente des verts marocains, membre du comité de préparation du premier congrès des verts africains, chargés de la communication qui va se dérouler en Ouganda en Mars 2010. Ainsi, notre parti a participé à la constitution de cette première organisation des verts africains. Notre coordinateur national a pris part à tous les débats et a participé par ses interventions et propositions à toutes les discussions du statut constitutif et de la première charte des verts africains, qui stipule « le rejet des financements provenant des sources en conflit avec leurs visions et valeurs » et le refus « de coopérer avec les dictateurs … et organisations qui leurs sont affiliés » Auparavant le représentant de notre parti a exposé clairement les agissements (documents à l’appui) du parti fantoche et les calomnies qu’il ne cesse de propager contre notre parti et le mouvement vert. Durant cette rencontre africaine, les représentants des partis et associations écolos, et les jeunes verts africains ont accueilli chaleureusement le représentant de « Tunisie Verte » et ont réitéré leur soutien total à notre parti comme « seul représentant des verts en Tunisie ». Ils ont formulé leur demande au gouvernement tunisien pour l’enregistrement de notre parti après 5 années de lutte commune. En marge de la rencontre des verts africains au Bénin, les deux représentants du parti fantoche, logé 5 étoiles (aux frais du contribuable tunisien) et proposant « cadeau » et « finance » a essuyé un cuisant échec et toutes leurs propositions ont été rejetées. Ainsi, poussé par son instinct de Barbouze, un des 2 fantoches (journaliste au journal « Le Renouveau » journal officiel du RCD parti au pouvoir et animateur local de radio), se présentant comme expert de la biodiversité auprès des Nations Unies, sic et resic !!, a voulu agresser une jeune femme rapporteur des différentes réunions pour lui arracher le procès verbal, en vue de le remettre à ses commanditaires et se faire justifier le déplacement. Inutile de parler aussi des calomnies propagées par les 2 fantoches et de leurs provocations envers notre parti. Malheureusement pour eux, ils sont tombés dans la nasse cette fois-ci !! Nos camarades africains ont découvert le véritable visage de ces fantoches.   Tunis le 30 Juin 2009 Abdelkader Zitouni Coordinateur National du parti « Tunisie Verte » Membre du Parti Vert Européen, Membre de la fédération des verts africains, Membre de « Global Greens ». E- mail : tunisie.verte@gmail.com Tel : 00.216.98.510.596 Fax : 00.216.71.750.907

 

« Délit de solidarité » et droits de l’homme

 

NOUVELOBS.COM | 30.06.2009 | 16:33

Sihem Bensedrine, chargée de mission à la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) et à l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), était, lundi 29 juin, l’invitée des forums du Nouvel Observateur. Elle est co-auteure du rapport : « Délit de solidarité » ( *). Cette journaliste tunisienne a fondé le Conseil National pour les Libertés en Tunisie (CNLT) en 1998.

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Eric Besson, ministre de l’immigration, nie l’existence d’un « délit de solidarité ». Pourtant « c’est un terme qui revient de façon récurrente dans les interviews que nous avons faites; ce mot exprime un sentiment clair de citoyens français, engagés dans des actions d’aide aux immigrés. Les pouvoirs publics sont en train de sanctionner leurs gestes de solidarité et de les dissuader d’une posture de citoyenneté vigilante de leur part » explique la journaliste militante des droits humains. « Le rapport est bourré d’exemples concrets ». La France, pays des droits de l’homme, risque fort d’être un jour montrée du doigt. Le problème se situe bien au delà des positions d’Eric Besson. « C’est un gouvernement entier qui est responsable de cette politique du « tout sécuritaire » (…) avec ses conséquences désastreuses sur la liberté des citoyens français ».

Quant aux sans-papiers, ils sont particulièrement mal traités. « J’ai vu à Calais des jeunes diplômés venus de Gaza, du Darfour, et d’autres zones de conflits (qu’on leur a imposés) et qui croyaient dans le message humaniste de l’Europe, vivre dans des conditions d’indignité intolérables au Nord de la France au vu et au su des autorités publiques. ». Enfin, l’indignation à géométrie variable des pays occidentaux choque Sihem Bensedrine. «  « L’Europe ne s’émeut pas de façon égale des violations démocratique selon le lieu où elles se produisent. (…) C’est ce qui fait douter de larges franges des populations du Sud de la sincérité du message démocratique de l’Occident. » Ainsi la France fait preuve d’une grande mansuétude envers la Tunisie, malgré les violations des droits de l’homme qui s’aggravent, explique la journaliste, elle-même régulièrement victime d’actions policières et juridiques.

Claire Fleury

 

( *) le rapport est consultable sur :

http://www.fidh.org/L-Obstination-du-temoignage-rapport-2009-defenseurs-droits-humains


Crise de la Ligue Tunisienne pour la Défense des Droits de l’Homme Scénarii pour une sortie de crise

Mohamed Goumani, membre du Comité directeur :  » Un début de solution nécessite des initiatives constructives  » Mme Arbia Ben Ammar, ex-membre du Comité directeur :  » Le dialogue est primordial « 
 
 Depuis son 5ème congrès qui s’est tenu en octobre 2000,  la Ligue Tunisienne pour la Défense des  Droits de l’Homme, (LTDH), vit une véritable  crise qui bloque ses activités et l’empêche de tenir un 6ème congrès. Cette crise a débuté  quand des adhérents de la Ligue  ont déposé une plainte dénonçant, selon eux,  des irrégularités  qui ont émaillé  les travaux du 5ème  congrès, en demandant l’annulation des résultats des élections de ce congrès.
 
La justice, dans un premier temps,  a donné satisfaction aux plaignants  en  désignant un administrateur judiciaire à la tête  de la Ligue. Mais en appel, la cour a décidé le 21 juin 2001, d’annuler les décisions et les structures issues de ce congrès. Mais a chargé  le comité directeur élu de préparer dans un délai d’un an le 6ème congrès. Ce dernier verdict vient d’être confirmé le 11juin courant par la Cour de cassation. Une confirmation saluée par les adhérents  de la Ligue qui espèrent qu’elle permettra de trouver une solution à la crise.   Compromis Certes, le verdict  de la Cour de cassation confirme  le jugement en appel. Mais,  il ne faut pas  oublier que  ce jugement  a été prononcé en 2001 et que, depuis  cette date, plusieurs plaintes ont été déposées contre le comité directeur de la Ligue et notamment contre la tenue  des congrès des sections et la fusion de certaines d’entre elles et les jugements rendus  par les tribunaux n’ont jamais été en faveur de la direction de la Ligue. Le dernier jugement rendu suite à une plainte déposée  par des présidents de sections fusionnées, a annulé  la tenue du 6ème congrès prévu en septembre 2005. Depuis toutes les activités de la Ligue sont bloquées et la crise en son sein perdure. Aujourd’hui, donc, et après le verdict  de la Cour de cassation,  les parties concernées dans cette affaire vont-elles enfin par le biais du dialogue, du consensus  et du compromis, trouver une solution ? Pour en savoir plus, nous avons invité M.Mohamed Goumani, membre du comité  directeur actuel de la LTDH et Mme Arbia Ben Ammar ex-membre du comité directeur, qui  faisait partie de ceux qui ont dénoncé les résultats du 5ème congrès. Interviews. Néjib SASSI ————————————— Mohamed Goumani, membre du Comité directeur :  » Un début de solution nécessite des initiatives constructives «    Le Temps :  A la suite de la confirmation par la cour de cassation du verdict prononcé  en appel et chargeant le   comite directeur de l’organisation du congrès  de LTDH, pouvons-nous dire, comme il se  répand dans les milieux proches de la Ligue, que la crise est en voie d’être résolue ? Mohamed Goumani : L’intérêt au cours  des dernières semaines de la presse pour la situation de la LTDH et les débats relatifs aux perspectives de dépassement  de l’impasse actuelle qui s’animent au sein de ses structures dirigeantes sont  des signes  positifs porteurs d’espoirs quant aux résultats escomptés. Dans ce cadre, je perçois cette dernière décision de  la justice comme l’expression d’une sortie de  l’immobilisme de ce dossier  dans le sens de la résolution de la crise sans qu’elle ne n’apporte  en elle-même les réponses attendues. Les éléments actuellement disponibles restent dans les limites des déclarations d’intention et du sondage d’opinion des différents acteurs mais les conditions de sortie de l’impasse ne sont pas encore réunies. Elles dépassent la seule question de charger quelque partie que ce soit de l’organisation du congrès de la Ligue.   Où se situe donc le problème ? La décision de charger l’actuel comité directeur d’organiser le congrès date de 2001 , c’est plutôt les jugements  prononcés en 2005 et 2006 contre le comité directeur qui lui interdisent tout travail préparatoire  de ces assises en raison de la restructuration  de la Ligue et en particulier des cas de fusions de sections qui ont été considérées comme contraires aux statuts et règlement  intérieur. Les décisions judiciaires annulant les congrès de nombreuses sections rendent le problème complexe et ont contribué à paralyser la Ligue  depuis plus de quatre ans. Même si nous ne pouvons ignorer ces décisions de justice, rappelons que ces affaires résultent de différences d’appréciation et de divergences quant à la gestion des affaires de la ligue et à son rôle . La solution ne pourra donc venir que du débat le plus large autour de ces questions afin de rapprocher les points de vues et de parvenir à un consensus  qui permettra le retrait de ces  affaires et  d’ouvrir la voie à la préparation du congrès  .   Les divergences se limiteraient-elle à la restructuration et à des mesures organisationnelles concernant la préparation du congrès ? Des divergences relatives à la restructuration sont essentielles mais elles ne peuvent résumer tout le problème. Le différend est  à mon avis antérieur même à cette restructuration. Il prend ses racines dans la différence d’approches entre la direction de la Ligue et les autorités au sujet des rapports du politique aux droits de l’homme, du positionnement de la Ligue et de ses relations avec les réseaux internationaux. Cela sous entend la crainte d’une instrumentalisation de la Ligue par l’opposition dans le débat politique, d’une atteinte à l’image du pays à l’étranger et d’une mise sous influence par les biais des financements .  Les dirigeants de la ligue quant à eux , s’en tiennent à la nécessite d’indépendance de leur organisation et à l’accomplissement de son rôle de défense des droits humains à l’abri de toute mainmise. Ce contentieux sous jacent peut être dépassé surtout que toutes ces questions ont déjà fait l’objet d’un débat et d’une évaluation critique dans le cadre de l’élaboration des projets de motions du cinquième congrès et que  ce débat s’est poursuivi à l’occasion de la préparation du 6ème congrès. Je reste convaincu que si les différents partenaires   au sein de la ligue apportaient leur contribution à l’établissement  d’un consensus clair relatif à ces aspects, cela dépasserait beaucoup d’entraves sur la voie du 6ème congrès.   Quelles sont vos propositions concernant la question de la restructuration ? Je pense que toute proposition qui se veut constructive doit au préalable reconnaître la complexité du problème et prendre en considération les préoccupations de toutes les parties prenantes pour œuvrer avec les contraintes du possible et d’une réalité qui doit intégrer : -la légitimité de l’actuel comité directeur. -la réalité des structures existantes depuis maintenant près de 8 années (24 sections) . -les sections qui n’ont pas pu tenir leurs congrès et celles dont certains membres  ont cru bon de porter plainte devant la justice. Quant à l’éventuel retour à la situation antérieure à l’année 2000, je pense que ceux qui continuent à évoquer une telle possibilité manquent de réalisme et continuent à d’entretenir l’ambiguïté et l’immobilisme   . L’optimisme est de rigueur mais la solution sera d’autant plus proche que  nous éviterons les illusions trompeuses, la surenchère et les attitudes figées. Le renforcement de la confiance et l’amélioration des conditions du dialogue sont fondamentaux et je pense à titre d’exemple que la proposition étudiée au sein de comité directeur d’un accord  d’arbitrage au sujet de la restructuration peut constituer le point de départ d’un large débat sans exclusive et un début de concrétisation de la dernière décision de l a justice confirmant le jugement prononcé en 2001 .    – Pouvez-vous nous donner plus de précisions à propos de ce comité d’arbitrage ? Le comité d’arbitrage proposé par certains membres du comité directeur  fait encore l’objet de discussions avant l’adoption du principe et l’engagement de  toutes les parties à en accepter les propositions qui devront  mener aux congrès. Ce comité diffère de ceux qui l’ont précédé du fait de l’engagement préalable de tous à en accepter l’arbitrage. Ses membres seraient cooptés sur la base de leur intégrité, de leur connaissance des spécificités de la ligue et de leur capacité à résoudre ce genre de situations et devraient nécessairement être acceptés par l’ensemble des intéressés. Le comité directeur gardera quant à lui toutes ses prérogatives pour superviser la participation et l’organisation du congrès sans contradiction avec la décision judiciaire et dans le respect de ses fonctions légitimes.   Un congrès consensuel reste-t-il possible selon vous ? Sans pouvoir vous confirmer que la crise est en voie d’être résolue, je reste optimiste. Un début de solution nécessite des initiatives positives de toutes les parties dans ce sens et je considère que l’annonce par le Comité directeur dans son dernier communiqué quant à sa disposition au dialogue est un premier pas pour identifier les mesures à prendre pour la tenue du congrès. J’espère que cet appel trouvera un écho  favorable auprès des contestataires et du côté du pouvoir qui peut  faciliter le dialogue au sein de la ligue en levant les empêchements actuels aux réunions et à la concertation. En conclusion, je dirais que la tenue du congrès national consensuel n’est pas impossible mais elle requiert une volonté forte et sincère de toutes les parties. Interview réalisée par N. S. ————————————————– Mme Arbia Ben Ammar, ex-membre du Comité directeur :  » Le dialogue est primordial «    Le Temps : Avec ce verdict, la Ligue va -t-elle s’acheminer vers une sortie de la crise ? Mme Arbia Ben Ammar : La Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme est un acquis national et l’une de nos raisons de notre fierté en tant que Tunisiens, et cela nous exhorte à redoubler d’efforts pour permettre à la Ligue de reprendre son lustre d’antan et reprendre des activités tant bénéfiques pour une société qui fait ses pas dans la démocratisation de la vie politique. A notre sens, tous les militants de la Ligue  doivent être impliqués dans la préparation du Congrès et doivent être pour leur part conscients de la délicatesse de leur mission puisque l’enjeu est de taille car c’est à eux qu’incombe la responsabilité de réaliser une mission dont toutes les forces politiques reconnaissent toute l’importance, à savoir sauver la ligue du marasme dans lequel elle s’est enlisée depuis une dizaine d’années.   Quel est selon vous le scénario pour dépasser les divergences et trouver une solution adéquate ? Il est impératif d’entamer un débat qui instaure un climat de réconciliation indépendamment des considérations idéologiques et politiques de chacun puisque le multipartisme doit libérer la Ligue des considérations partisanes et des objectifs qui dépassent le champ de la défense des droits de l’Homme. La structuration de la Ligue, issue de plusieurs congrès, ne peut être envisagée que dans le cadre d’un congrès consensuel qui bannisse toute forme d’exclusion des militants des droits de l’Homme. Le dialogue est primordial pour la Ligue puisque sa vocation même ne peut être conçue que dans le cadre d’une concertation équitable et d’égal à égal avec toutes les composantes de la société civile et politique. Et le comité directeur actuel est appelé à saisir l’occasion et à dépasser les querelles anciennes pour aller dans l’avenir afin de permettre à la Ligue de retrouver sa place et son rôle importants pour notre société. Interview réalisée par N.S.
(Source: « Le Temps » (Quotidien – Tunisie) le 28 juin 2009)

La «pédagogie» de M. Morjane à propos des rafles : tardive et peu convaincante

Boubaker Jridi La réaction de la blogosphère et des journaux de l’opposition (voir en particulier le n° 132 d’Attariq), suite à la campagne de rafles visant l’enrôlement de jeunes pour le service militaire, a du bon. Elle a obligé le ministre de la défense à descendre de son piédestal et à essayer, lors d’une conférence de presse organisée le jeudi 18 juin dernier, d’expliquer et de justifier cette pratique d’un autre âge qui a instauré un climat de terreur parmi les jeunes, durant plusieurs jours, à travers tout le pays. Toutefois, l’exercice de pédagogie auquel a tenté de se livrer M. Kamel Morjane a essentiellement deux grands défauts : il vient un peu trop tard et, surtout, il est loin d’être convaincant. En effet, dans un pays où l’on respecte les citoyens et où existe une véritable opinion publique, cet exercice de pédagogie et de communication doit normalement précéder ce type de campagne « sur le terrain ». Mieux encore, la réussite d’un tel exercice devrait susciter une adhésion des citoyens à la démarche du gouvernement et lui permettre de faire l’économie de ces pratiques musclées très dommageables en termes d’image ! Venons-en, maintenant, au contenu de cette communication tardive qui n’est pas exempte de faiblesses et d’incohérences. Car, en affirmant aux journalistes que l’objectif de cette campagne n’est pas principalement l’enrôlement de force dans l’armée, mais plutôt celui d’ « assurer la sécurité du citoyen et de l’ordre public », M. Morjane s’emmêle quelque peu les pinceaux. On découvre, ainsi, au détour d’une phrase anodine, qu’il y aurait une menace sur l’ordre public et notre sécurité et que la tâche de les défendre a été dévolue non pas au ministre de l’intérieur, mais à celui de la défense (sic) ! Encore plus inquiétant ! En quoi consiste cette menace ? La campagne de rafles visant les jeunes a-t-elle permis de la juguler ? Pourquoi s’en charge-t-il lui-même ? Le ministre n’estime pas nécessaire d’éclairer notre lanterne sur ces questions… De même, si l’objectif de cette campagne est seulement d’assurer la sécurité et l’ordre publics, pourquoi l’essentiel de la conférence de presse tourne-t-il autour de la question du service militaire, de son statut et de la nécessité de lui construire, dans la société, une image plus positive? A ce niveau, M. Morjane conteste l’utilisation du mot « rafles » pour décrire ces opérations où les forces de l’ordre encerclent un quartier et où les policiers, armés de matraques et se faisant aider par des chiens, appréhendent des jeunes et les font monter dans de sinistres voitures cellulaires (resic) ! Même si ça y ressemble beaucoup, il ne faut pas désigner ces opérations par ce mot car il serait « à connotation colonialiste ». Toutefois, et dans l’attente que l’on puisse enrichir le lexique par un vocable plus politiquement correct, M. le ministre devrait méditer le fait que, 53 ans après l’indépendance du pays, ce mot n’est pas prêt de disparaître du vocabulaire de notre société qui, elle, sait appeler un chat « un chat » ! Il pourrait, peut-être, y voir le signe d’une coupure entre les jeunes et le pouvoir et, plus généralement, entre gouvernés et gouvernants, dans ce pays. C’est là, en effet, que gît, principalement, le problème. Et, au lieu de le résoudre en adoptant des pratiques humiliantes et incompatibles avec l’idéal démocratique, il aurait fallu, d’abord, s’interroger pourquoi l’attitude des jeunes, et pas seulement eux, vis-à-vis du service militaire, est aussi négative ? Pourquoi ce qui devrait être appréhendé comme un devoir sacré est plutôt perçu comme une punition – et les rafles ne font que consolider ce sentiment ? Certes, le ministre esquisse un début de réponse : il estime, d’un côté, que la sensibilisation à l’importance du devoir national n’est pas assez efficace et, de l’autre, que « nos jeunes sont choyés » !! L’analyse est, avouons-le, un peu courte. Car, une meilleure stratégie de communication avec, par exemple, de plus beaux spots télévisés, n’améliorera pas la situation. On reconnaît, dans cette approche, les attitudes habituelles du pouvoir, qui a souvent tendance à identifier des problèmes techniques là où il s’agit de vrais problèmes politiques ! Les choses iront sans doute dans le bon sens le jour où les Tunisiens, dans leur ensemble, vivront pleinement leur citoyenneté et qu’ils percevront la classe politique comme issue de leurs choix, comme leur propre émanation, le jour où il y aura égalité de tous devant le service militaire, qui ne sera plus l’apanage des plus défavorisés et le jour où le pouvoir lui-même le percevra comme un devoir sacré et non comme un moyen de remplir ses caisses à travers la logique bassement mercantile des «affectations individuelles». Mais, peut-être est-ce là trop demander… (Source : le blog « Les Amis d’Attariq », le 27 juin 2009) Lien : http://amisattariq.blogspot.com/2009/06/la-pedagogie-de-m-morjane-propos-des.html

Sami Fehri sur le point de finaliser le dossier de la nouvelle chaîne TV

Les Tunisiens auront-ils bientôt leur 5ème chaîne TV? Cette fois-ci, c’est effectivement bien avancé ! Sami Fehri s’active fébrilement à boucler le dossier nécessaire pour déposer auprès des autorités compétentes une demande de télédiffusion d’une chaîne TV généraliste, apprend Leaders. Dans le respect des procédures en vigueur, le patron de Cactus Production multiplie les études et analyses, tant techniques que conceptuelles et financières afin de fournir au Ministère de la Communication et des Relations avec la Chambre des Députés et la Chambre des Conseiller, les éléments indispensables à l’examen de sa demande. Evidemment, Sami Fehri sait que ce n’est pas gagné d’avance et que ce n’est pas automatique. Certes, il jouit à la tête de la maison de production d’une bonne expérience et a fait incontestablement ses preuves dans divers genres télévisuels, notamment les émissions grand public et les feuilletons. Mais, cela ne lui donne aucun droit acquis. Comptant toujours sur la robustesse des dossiers qu’il sait préparer et la persuasion de son argumentaire, il redouble d’efforts, avec une équipe de conseillers chevronnés, pour bien ficeler le dossier. Encore quelques semaines pour bien ficeler Tirant enseignement de différentes expériences, Sami Fehri sait qu’en fait, le plus dur n’est pas de demander l’autorisation, quitte à se débrouiller par la suite, cahincaha. Ca sera là l’aventure la plus totale qu’on ne peut plus se permettre. Le plus sage est en effet de pousser l’étude du projet sous tous ses aspects, d’approfondir le concept, de décliner ses composantes, de prévoir les détails de la mise en œuvre et de faire valider le modèle économique. Quelques semaines lui seront ainsi nécessaire pour tout mettre en boîte, et cette fois-ci non pas vidéo, mais une épaisse boîte en carton contenant tous les documents appropriés, et d’aller avant le début du ramadhan au plus tard, la déposer, boulevard du 7 Novembre, au siège du Ministère. De nouveaux développements Commenceront alors les phases d’études par les services concernés, d’auditions, et d’échanges (dont personne ne connaît les délais qu’ils devraient prendre), en espérant parvenir à répondre à toutes les exigences et décrocher l’avis favorable. Sur quelle base ? Comment se fait l’attribution des autorisations et fréquences ? Comment sera géré le nouveau dispositif de la Télévision Numérique Terrestre ? Autant de questions qui trouveront sans doute bientôt réponse. Une chose est sûre, c’est que le paysage audiovisuel et médiatique tunisien connaît ses dernières années des développements heureux. Et augure de nouvelles mutations encore plus bénéfique pour les Tunisiens. (Source : «Leaders.com.tn», le 25 juin 2009) Lien : http://www.leaders.com.tn/article.php?aid=947


Yadh Ben Achour parle de la victoire du Sunnisme, de l’islamisme et de l’Islam d’Occident

 

29-06-2009

Entretien conduit par Zyed Krichen

 

“Aux Fondements de l’Orthodoxie Sunnite” est le nouvel ouvrage de Yadh Ben Achour. Ce grand spécialiste du droit international et de l’histoire des idées politiques s’est penché depuis une vingtaine sur l’étude de la pensée religieuse, notamment dans ses dimensions politiques et juridiques. Dans son dernier livre, Yadh Ben Achour s’attelle à une tâche titanesque : décrire et analyser le processus historique qui a amené une certaine vision de l’Islam des origines à se transformer en une orthodoxie dominante qui a fini par verrouiller le champ des possibles, inauguré par l’avènement de la Révélation.

“Aux Fondements de l’Orthodoxie sunnite” ne se contente pas de cette investigation historique, il analyse longuement le système sunnite dans ses dimensions théologiques, politiques et sociales et tente une explication synthétique des raisons qui ont fait que le Sunnisme traverse les siècles et peut-être même les millénaires.

Le livre de Yadh Ben Achour n’est pas seulement un essai sur l’histoire des idées politiques et théologiques, il se veut aussi une réflexion sur les problèmes de notre temps, de la difficulté, voire de l’impossibilité de réformer le Sunnisme, et des nouveaux possibles qui s’ouvrent de nouveau à l’Islam, surtout en dehors de ses contrées historiques.

“Aux Fondements de l’Orthodoxie Sunnite” est un livre fondamental pour comprendre les enjeux idéologiques et politiques d’aujourd’hui en terre d’Islam, et cela en les plaçant dans la perspective éclairante de l’histoire des idées.

Yadh Ben Achour apporte une contribution de taille aux débats qui souvent déchirent les élites musulmanes.

En avant-goût, nous vous proposons cette interview avec l’auteur, où il revient en détail sur l’essentiel de ces questions.

• Aux Fondements de l’Orthodoxie Sunnite par Yadh Ben Achour. PUF 2008 et Cérès éditions pour le Maghreb-Tunis-Avril 2009.

Toutes les religions ont produit leur orthodoxie. Quelle est la spécificité de l’émergence de l’orthodoxie sunnite en terre d’Islam ?

Dans l’histoire des religions il y a un moment inaugural : une Révélation, une Sagesse, un Texte, une Inspiration… Cet évènement peut être tué dans l’œuf, mais peut également s’ancrer dans l’histoire. Au bout de quelque temps, souvent des siècles, se formera autour de cet événement inaugural une orthodoxie, c’est-à-dire une religion officielle qui inclut à la fois les instances politiques, une société de croyants et un savoir des gens de la religion qui se constitue souvent en Eglise : une instance spécialisée compétente en matière religieuse. La spécificité du Sunnisme est qu’il est une religion sans Eglise. Il a connu au premier siècle unsuccès foudroyant avec la dynastie des Ommeyades et les conquêtes de l’Islam qui ont constitué, très vite, l’Empire islamique. Mais jusque-là on ne peut pas parler d’orthodoxie. Jusqu’au milieu du troisième siècle de l’Hégire, il y avait encore beaucoup d’hésitations et de conflits. Le Sunnisme n’est devenu une orthodoxie qu’au bout de quelques siècles. Son trait spécifique est qu’il donne à la majorité du peuple des croyants la qualité de référent en matière religieuse. Le Sunnisme s’est lui-même identifié comme étant la religion de la majorité (Ahl al Sunna Wal Jamaa : les Gens de la Sunna et de la Communauté). Ils ont avancé un grand nombre de dires (“hadiths”) du Prophète pour consacrer cette idée. Par exemple “Ma Communauté ne peut pas tomber sur l’erreur” ou “Suivez la grande masse”… C’est le pilier de ce que les savants appellent “l’œuf” (baïdhat) de l’Islam, c’est-à-dire sa force et sa puissance.

Le Sunnisme est ainsi une religion sans église qui s’est constituée en orthodoxie et qui a fait du peuple majoritaire des croyants son référent exclusif en matière doctrinale et en matière religieuse. Dans la pratique cela se passe différemment. Mais c’est très important de dire au peuple des croyants : vous êtes le référent de la vérité religieuse Cela explique beaucoup de choses dans l’histoire du Sunnisme jusqu’à aujourd’hui. Le Sunnisme est une orthodoxie de masse. C’est un système de religion collectiviste.

 

Les autres factions de l’Islam des origines : les Kharijites, les Chiites, les Mutazilites, n’étaient-elles pas, elles aussi, des tentatives pour imposer une certaine orthodoxie ?

Absolument. C’est cela le mystère de l’histoire. Un certain nombre de factions se font la guerre, discutent, dialoguent, se déchirent… Elles mènent un véritable combat d’idées avec leurs théologiens et aussi de véritables batailles militaires.

Si l’on vivait à ce moment-là, on ne pouvait pas dire qui allait remporter la victoire finale. Pourquoi c’est telle faction et pas une autre ?

La Tunisie de l’époque vivait les mêmes problèmes que l’Orient au moment de la dynastie aghlabite, comme l’a vu Mohamed Talbi dans son extraordinaire thèse sur l’Emirat aghlabite. Les querelles religieuses, philosophiques et doctrinales du Moyen-Orient étaient transposées dans notre pays. La dynastie aghlabite s’est instituée comme dynastie représentative du Califat abbasside. Elle a été détruite par les Fatimides qui étaient des Chiites Ismaliens. Ensuite, avec les Zirides, quelques siècles après, il y a eu le rétablissement du Sunnisme avec El Moez Ibn Badis. D’ailleurs lemême monarque est retourné au Chiisme suite à la vengeance des Fatimides, maintenant installés au Caire, qui lui avaient envoyé les tribus des Banou Souleïm et Banou Hilal pour le châtier. En définitive, malgré ce long temps de gouvernement fatimide en Tunisie, c’est le Sunnisme dans son expression malékite qui s’est imposé en Tunisie et dans tout le Maghreb, alors que cette région a connu le gouvernement chiite, mais aussi des émirats kharijites, surtout au Maghreb Central (l’actuelle Algérie)… Comment expliquer dans ce contexte la victoire du Sunnisme ? Je pense que personne ne peut répondre à cela. C’est cela les contingences de l’histoire.

Peut-on parler d’un Islam pré-sunnite? et si oui, quelles seraient ses caractéristiques ?  

Avant la constitution du Sunnisme en orthodoxie, tout était ouvert. Dans les premiers siècles de l’Islam de grandes divisions ont vu le jour, comme celle entre les tendances déterministes et celles qui défendent la liberté humaine, le self-arbitre et la raison. Dans le domaine juridique tout, également, était ouvert. Les quatre Ecoles (le Malékisme, le Hanafisme, le Chaféisme et le Hanbalisme), qui constituent aujourd’hui l’orthodoxie sunnite, étaient loin d’être majoritaires à l’époque. Il y avait au moins une quinzaine de tendances juridiques. Plusieurs d’entre elles n’existent plus aujourd’hui, comme celle d’Al Aouzaai, N’oublions pas que le Calife abbasside Al Maamoun a pratiqué une politique pro-chiite pour gagner le cœur des Irakiens, à telle enseigne qu’il a désigné comme son successeur au Califat l’un des imams du Chiisme, Ali Ridha. Que se serait-il passé si Ali Ridha avait succédé à Al Maamoun ? La face du Monde musulman aurait certainement changé. L’Islam majoritaire aurait pu devenir chiite. Il a fallu attendre le Calife Al Mutawakkil pour rétablir le Sunnisme dans son intégralité. Jusque-là tout était possible.

Je dirais que l’Islam pré-sunnite est un Islam éclaté, dans lequel tout aurait été possible : le Chiisme, le Mutazilisme, le Soufisme… Le problème est de savoir quand et comment le verrouillage opère. Il y avait bien évidemment à cette époque-là des dogmes communs à tous les Musulmans autour du Texte Révélé, mais le fait de se référer à la Tradition prophétique (la Sunna) n’était pas évident.

C’est-à-dire…

L’Imam Chafeï, dans le livre sept de son “Kitab Al Oum” parle des sectes et des factions qui refusaient la Sunna en tant que telle. Pour elles le Texte du Coran était suffisant en soi et le Prophète n’avait pas à ajouter sa propre inspirationà celle qu’il a reçu de Dieu. D’autres disaient que nous acceptons les hadiths, mais à condition qu’ils soient à consensus généralisé (Mutawatir). C’est cela l’Islam pré-sunnite : une division philosophique entre les Mutazilites et les Déterministes, une autre sur la constitution même de la Sunna : doit-on la prendre en considération, et si oui quelle Sunna ? Les Chiites ne reconnaissent pas le mécanisme de la constitution de la Sunna telle que l’admettent les Sunnites. Les questions juridiques étaient, elles aussi, totalement ouvertes. L’Islam pré-sunnite était l’Islam où tout pouvait devenir possible. Ensuite le verrouillage a eu lieu aux niveaux de la théologie, du droit, de l’éthique et des mœurs. Tout cela grâce à une trilogie : le pouvoir politique, le pouvoir religieux et la masse des croyants.

La tentative du Calife abbasside Al Maamoun d’imposer une sorte de syncrétisme mutazilo-chiite, n’est-elle pas la première tentative pour imposer une orthodoxie à l’Empire musulman ?

Le pouvoir est quelque chose d’extrêmement précaire. Il n’a jamais la liberté qu’on lui suppose. Le pouvoir ne cherche qu’à se maintenir et à se créer sa propre légitimité. Pour cela, il est prêt à tous les compromis et à toutes les astuces possibles et imaginables. Al Maamoun cherchait un équilibre. Cela prouve que le Monde musulman était extrêmement divisé à l’époque. Al Maamoun, en tant qu’homme de pouvoir, a d’ailleurs parfaitement réussi dans sa démarche. Quels sont les fondamentaux du Sunnisme ?

Il y a d’abord les fondamentaux de l’Islam, à savoir la révélation, l’au-delà, l’eschatologie… ensuite c’est une constitution très spécifique de la Tradition prophétique. Les Sunnites reconnaissent un certain nombre de codificateurs de la Sunna : principalement Al Bukhari et Muslim, ce qui fait que pour le Sunnite, d’hier comme d’aujourd’hui, les propos rapportés dans cex deux “Authentiques” sont des certitudes irrécusables. Il y a ensuite une certaine conception de la légitimation du système, ce que j’ai appelé dans mon livre une théologie de validation. Tout d’abord pour écrire l’histoire du Prophète comme dans la “Sira” d’Ibn Hisham et ensuite pour codifier la tradition prophétique.

Le Sunnisme a adopté, dans sa majorité, la Théologie Ashaarite (IVème siècle de l’Hégire) qui se veut une attitude intermédiaire entre les Mutazilites qui croient en la liberté humaine et en l’obligation de la justice pour Dieu et les déterministes. Ils ont produit la fameuse théorie du Kasb: Dieu engendre les actions et l’homme les endosse. En fait, comme l’a démontré déjà Ibn Rochd (Averroès) ce n’est qu’un jeu de mots. L’Ashaarisme n’est en fait qu’un déterminisme déguisé.

Comment expliquez-vous que l’orthodoxie sunnite ait pu survivre à tous les aléas de l’histoire et surtout à ses défaites politiques et militaires ?

C’est la question fondamentale. Je ne dis pas que le Sunnisme est l’essence de l’Islam, je dis que c’est l’histoire qui l’a consacré en tant qu’orthodoxie. Le système a été fait pour traverser les siècles et peut-être même les millénaires. Le Sunnisme a été, tout au long de son histoire, entouré de catastrophes : pertes de territoires, défaites idéologiques… mais il a pu se maintenir grâce à un combat acharné mené par une sorte de sainte alliance entre le pouvoir politique, le pouvoir de l’interprète de la parole sacrée et la masse du peuple des croyants. C’est la reconnaissance de la vox populi au niveau théologique qui explique la pérennité du système des croyances sunnites à travers les siècles.

En 2009, les sources d’inspiration qui régissent la pensée des croyants restent celles qui sont fondées par les grands théologiens de l’époque classique. Ce système englobe toutes les dimensions de la vie : le politique, le juridique, l’économique, l’intime dans ses détails les plus infimes.

La force de ce système est qu’il ait pu entrer dans l’esprit populaire. Il y a une incroyable homogénéité entre la pensée savante et les convictions du peuple. Le peuple ne lit pas et ne comprend pas ces traités sophistiqués, pourtant si l’on fait un sondage de l’esprit civique majoritaire jusqu’à nos jours on ne peut être que frappé par cette cohérence entre les modes de pensée savante et les réflexes de ce peuple majoritaire de croyants.

On a l’impression que les forces vives des peuples arabo- musulmans, au cours de la majeure partie du XXème siècle se sont éloignés de ce modèle…

Oui et non. Ils s’en sont éloignés dans les vies de consommateur, mais l’esprit majoritaire reste encore dans le halo de la pensée traditionnelle scolastique.

Selon vous les mouvements réformistes étaient-ils encore sous l’emprise de la pensée traditionnelle ?

Oui et non aussi. Devant le retard accusé par le Monde musulman, idée irrécusable du fait même de la catastrophe que fut la colonisation, le mouvement réformiste faisait le procès du Taqlid : l’enfermement de la pensée grâce au verrouillage opéré par les théologiens classiques. La solution préconisée par le réformisme était une sorte de syncrétisme qui tient compte des acquisdu Monde moderne occidental (le constitutionnalisme, le positivisme juridique, l’économie du marché…) tout en veillant à protéger et à conserver le système classique de la Chariaa. Cela est très visible chez Kheireddine, Ibn Abu Dhiaf, Refaa Tahtaoui, Jabarti…

Les mouvements qui ont adopté uniquement et strictement le mode de pensée occidental sont extrêmement minoritaires. Il y a bien sûr l’exception Ataturk qui est importante, mais qui demeure néanmoins une exception.

Actuellement nous assistons au retour du refoulé. Cela est dû, je pense, à une certaine accélération de l’histoire. La modernisation de nos sociétés a été trop rapide. Cela nécessite, probablement, un temps d’arrêt.

A l’heure actuelle nous en sommes au moment où le référentiel dominant est constitué par la littérature théologique classique. Le problème qui se pose à nous est que les franges les plus radicales comme les jihadistes ont pour sources essentielles les œuvres classiques et notamment Ibn Taymyya. Le Salafisme n’est pas une invention du monde moderne. C’est un mécanisme de défense qui a parcouru toute l’histoire de l’Islam. La dynastie Almohade qui a régné sur le Maghreb au XIème et XIIème siècles de l’ère chrétienne n’est qu’une préfiguration du Wahhabisme.

Le Wahhabisme n’est pas une exception. Il a eu beaucoup d’antécédents historiques : le Hambalisme sous les Abbassides, le début de la dynastie almoravide, les Almohades… Comment expliquez-vous cette nouvelle vitalité de l’orthodoxie sunnite ces dernières décennies ?

C’est probablement une réaction contre une modernisation trop accélérée qu’on a connue dès la fin du XIXème siècle. Il y a également l’environnement mondial qui explique cette sorte de crispation du Monde musulman et en particulier du Monde arabe autour de ses normes oubliées et retrouvées. L’Islam, dans son ensemble, considère qu’il y a une sorte de complot universel occidental contre lui en tant que civilisation et religion. Le dossier de ce complot est extrêmement fourni. On le fait remonter au Moyen-Âge avec les Croisades, ensuite le démembrement de l’Empire Ottoman, la colonisation et surtout la constitution de l’Etat d’Israël. Cela maintient les Etats arabes en particulier, mais aussi l’essentiel du Monde de l’Islam, dans une sorte de psychologie victimaire. En voulant se défendre de ce supposé complot, les Musulmans se crispent davantage autour de normes anciennes qu’on veut ressusciter et sur lesquelles on veut bâtir le présent et l’avenir. Vous dites dans votre livre que les communautés musulmanes qui vivent en Occident sont une chance pour l’Islam. Pourquoi ?

L’Islam a vécu aux XIXème et XXème siècles une période de reflux qui s’est manifestée particulièrement par les différentes formes de la colonisation. Paradoxalement, à ce moment-même, l’Islam a connu une période d’expansion extraordinaire à travers le monde. Dans le Monde musulman historique, l’Islam perdait des territoires mais en même temps il s’étendait sur toute la planète. Cela est dû au fait que l’Islam n’a pas besoin d’armées pour se répandre. C’est une religion dont les dogmes fondamentaux sont très accessibles et convaincants. J’ai dit dans mon livre que l’avenir de l’Islam pourrait venir de ces nouvelles contrées situées surtout en Occident. Justement parce que l’Islam d’Occident a perdu les deux piliers qui faisaient la force de l’orthodoxie sunnite : le pouvoir et la majorité. Du coup cela oblige l’Islam à entamer un dialogue de fond avec des civilisations, des cultures et des normes qui lui sont étrangères sans pouvoir leur imposer sa propre manière de voir. Cela explique qu’il y a, dans ces nouvelles contrées de l’Islam, des auteurs et des mouvements réellement révolutionnaires au niveau de la pensée. Il faut préciser que ces nouvelles idées ont été pensées dans l’Islam historique, mais elles ont échoué à cause de la pesanteur et de la contrainte de l’orthodoxie de pouvoir et de l’orthodoxie de masse. Par exemple ?

Les droits de la femme ont été pensés dans le Monde arabo-musulman. Les idées de Kacim Amin et de Tahar Haddad ont connu une très large diffusion. Elles ont été même adoptées par certains Etats. Seulement on a l’impression de ne plus bouger depuis. Si l’on excepte le Code du Statut Personnel tunisien, le Monde arabe avance très peu sur cette voie. C’est toujours les mêmes débats qui reviennent : l’égalité successorale, les droits de la femme… Je ne dis pas que ces idées révolutionnaires ne germeront pas dans le monde historique de l’Islam. Je dis simplement qu’il y a des difficultés dues au contexte général. Ces mêmes idées transposées dans les nouvelles terres de l’Islam ont toutes les chances de pouvoir aboutir et de déboucher sur une pensée créatrice nouvelle. Dans ces contrées-là, il y a aujourd’hui des idées nouvelles et parfois même révolutionnaires, mais aussi de nouvelles pratiques de l’Islam. Je pense particulièrement au féminisme musulman aux Etats-Unis, aux mouvements islamiques libéraux au Canada, à certains ouvrages écrits par des Musulmans sud-africains et français comme le livre d’Abdennour Bitar “L’Islam sans soumission : pour un existentialisme islamique”, qui tout en seréclamant de l’Islam, apporte des idées très nouvelles sur le Paradis, l’Enfer… Chez nous on le prendrait pour un hérétique. Je précise toutefois que l’Islam radical se porte bien dans ces nouvelles contrées de l’Islam, mais l’Islam moderne aussi. Chez nous l’Islam ouvert est menacé de meurtre. En Occident, l’Islam bénéficie de quelque chose d’extraordinaire : la liberté. Le jour où la musulmane américaine Amina Wadoud a décidé qu’en tant que savante elle pourrait diriger la prière du vendredi, elle a trouvé des centaines d’hommes et de femmes pour la suivre et prier derrière elle. Le même geste aurait été inconcevable dans le Monde musulman historique.

Cela est-il dû à la mainmise de l’orthodoxie sunnite ou à l’absence de liberté ?

Cela va ensemble. Une orthodoxie est par nature oppressive. Quand le pouvoir politique met dans la main de cette orthodoxie le glaive pour exécuter les récalcitrants, alors une pensée libre a peu de chance d’éclore. Maintenant il ne faut jamais fermer les portes de l’avenir. Seulement de grands pays de l’Islam tels que le Pakistan et l’Arabie Saoudite ne sont certainement pas des exemples d’une saine confrontation de l’Islam avec la modernité. Loin de là, nous sommes en train de régresser et de diffuser à travers ces sociétés un mode de pensée totalement fermé.

Le Sunnisme est-il réformable ?

C’est ce que les Sunnites essaient de faire depuis un siècle et demi. L’idée de réforme est venue des autorités religieuses elles-mêmes. Dans le cas de la Tunisie, des savants comme les Cheikhs Salem Bouhajeb, El Khedr al Husseïn, Tahar Ben Achour… Tous ces penseurs ont appelé à la réforme. Ces hommes de religion ont constaté que leur système était en crise, mais si l’on compare la pensée de ces réformateurs avec la pensée dominante d’aujourd’hui, on constate qu’on a encore régréssé, et je ne parle pas ici des radicaux de l’Islam et des jihadistes. Je parle du commun des mortels. La réislamisation de nos sociétés qui se fait aujourd’hui est nettement en-deçà de ce que les réformistes religieux ont pensé, il y a de cela parfois plus d’un siècle.

Plus concrètement …

Prenons l’exemple de l’établissement du calendrier lunaire pour déterminer les cycles cultuels. Les Tunisiens se posaient déjà cette question sous les Zirides, il y a de cela un millier d’années. Les Chiites de l’époque étaient pour le calcul astronomique et les Sunnites pour la vision oculaire.

Revenons au XXème siècle. Des savants de l’Islam étaient parfaitement d’accord, dans un but de rationalité, de s’en tenir au calcul astronomique, position que la Tunisie a adoptée jusqu’en 1988. La réislamisation dont on parle ne va pas toujours dans le bon sens que les réformateurs religieux ont voulu pour l’Islam. Elle est en train de régresser dans le sens de l’Islam rigoriste et traditionnaliste. L’exemple du calendrier hégirien montre que nous ne sortons pas de débats multiséculaires. Nous n’avançons pas. Comment se fait-il qu’on en soit à vouloir, en 2009, pratiquer et imposer des normes juridiques et éthiques qui ont été pensées pour un autre temps ? Malheureusement cela constitue une véritable demande sociale et le pouvoir est là pour la sanctifier . L’établissement religieux a-t-il failli à sa mission en accompagnant et légitimant cette régression ?

C’est cela la force d’une orthodoxie : personne n’est libre. C’est un triangle dans lequel il y a le pouvoir, la masse des croyants et le savoir religieux. Ces trois dimensions sont interdépendantes. Le savoir religieux vend une image de marque : que va penser la foule, la masse des croyants, de ma fatwa (décret religieux) ? Le pouvoir politique agit de même, mais il est plutôt excusable. C’est le moins responsable de tous, car à moins d’être suicidaire, un pouvoir politique est obligé de suivre le savoir religieux et la masse sauf en des périodes très exceptionnelles où un immense législateur vient dire à sa société qu’elle est attardée et qu’il faut la changer. En général le pouvoir gère au quotidien selon les grandes aspirations de la majorité de son peuple.

Est-ce cela qui explique la connivence observée aujourd’hui entre l’Islam radical et l’Islam officiel ?

Il n’y a rien qui se ressemble autant que l’Islam le plus radical et l’Islam officiel. Entre eux il n’y a aucune différence au niveau de la pensée. La différence est seulement politique. L’un, le radical, se sent responsable de sa propre personne vis-à-vis de Dieu, et également en charge de sa société. Il doit les conduire au salut par la persuasion et si cela ne marche pas par la violence. C’est le croyant intégral qui donne le croyant intégriste. Tandis que le croyant mondain n’utilisera jamais la violence pour extirper le “mal”. Il dira seulement “que Dieu nous préserve et qu’il guide les égarés sur sa voie”. Les Etats musulmans qui combattent le terrorisme aujourd’hui le font au nom du même Dieu, du même Prophète et d’un même système de pensée. Il n’y a rien de fondamentalement différent entre l’Islam officiel défendu par les Etats et l’Islam radical. Les sources sont les mêmes, les références sont les mêmes et souvent aussi les citations. Cette harmonie est consternante entre le système officiel et celui qui le conteste. En croyant combattre la dissidence et le terrorisme, les Etats les alimentent en réalité. Dans leur lutte les Etats n’utilisent pas que la violence, ils utilisent aussi des arguments théologiques pour défendre ce qu’on peut appeler un Islam soft, mais en fait ils ne font que renforcer leurs ennemis car ils utilisent, en définitive, les mêmes arguments. Est-ce que les Etats ont le choix ?

Je pense qu’ils l’ont. Il est vrai que le choix n’est pas très ouvert, mais ils pourraient adopter des politiques religieuses plus critiques et plus intelligentes. Il faut éveiller l’esprit des gens et leur montrer la force de l’histoire dans la constitution des orthodoxies, et qu’une religion n’existe pas en tant que phénomène en soi, que ce sont les pratiquants qui font une religion et qu’on peut pratiquer l’Islam d’une manière différents. Ce n’est pas ce qui se fait actuellement.

 

(Source: « Réalités » (Hebdomadaire- Tunisie) le 29 juin 2009)


 

Sommet de l’UA : Kaddafi fait pression sur les leaders africains

 
30/06/2009 07:30:57 –
AFP –Les chefs d’Etat africains se retrouvent à partir de mercredi à Syrte, en Libye, sous la présidence de Mouammar Kaddafi qui met la pression sur son projet controversé de « gouvernement africain » alors que le continent est confronté à des crises menaçant la stabilité de plusieurs pays. Autoproclamé « roi des rois traditionnels d’Afrique », le « guide » libyen, au pouvoir depuis 40 ans, recevra ses pairs pour le 13e sommet de l’Union africaine (UA) en pouvant se targuer d’un nouveau titre : celui de doyen des chefs d’Etat africains, qui lui est revenu après la mort début juin du président gabonais Omar Bongo Ondimba. Elu en février pour un an à la tête de l’UA, malgré la réticence manifeste de certains dirigeants, le colonel Kaddafi compte mettre à profit sa présidence pour forcer la voie à la concrétisation d’une « unité africaine » dont il a fait un objectif prioritaire. Quitte à bousculer, comme il en l’habitude, les plus réticents, parmi lesquels les pays d’Afrique australe -notamment l’Afrique du sud- et de l’Est. « La mort aux ennemis de l’Afrique » Dès leur arrivée à Syrte, la région natale du leader libyen où a été édifié à 500 km à l’est de Tripoli un centre de conférences ultramoderne planté entre la Méditerranée et le désert, les 53 délégations africaines sont mises en condition. Les maximes du guide sont partout, placardées sur les avenues en arabe, anglais et français, des plus encourageantes (« L’Afrique c’est l’espoir », « L’Unité c’est la force ») aux plus inquiétantes (« La mort aux ennemis de l’Afrique »). . . Dimanche, lors d’une réunion des ministres des Affaires étrangères de l’UA précédant le sommet, M. Kaddafi a accru la pression pour créer une « Autorité » dotée de réels pouvoirs exécutifs, qui regrouperait les différentes instances de l’UA existantes (comme l’actuelle Commission ou le Conseil de paix et de sécurité). « Celui qui dira non devra expliquer pourquoi » « Maintenant, celui qui dira non devra expliquer pourquoi », a-t-il prévenu dans son discours de bienvenue, en proposant un recours au vote pour départager partisans et adversaires d’une intégration africaine accélérée. « Si les deux-tiers sont d’accord, le tiers restant devra obtempérer et respecter la décision de la majorité », a-t-il lancé. Selon plusieurs témoins, la rencontre s’est déroulée dans une ambiance tendue et a dû être interrompue avant de reprendre à huis clos. Le président de la Commission de l’UA, Jean Ping, a fait connaître ses réticences à sa manière, en insistant devant les ministres sur l’urgence à résoudre d’autres dossiers avant de s’atteler à des projets plus ambitieux. L’inquiétude de Jean Ping Citant les crises politiques ou les coups d’Etat qui ont secoué ces derniers mois Madagascar, la Mauritanie, la Guinée Bissau, la Guinée ou le Niger, il a estimé que « la situation d’ensemble sur le continent demeure préoccupante » et regretté « la persistance du fléau des coups d’Etat ou de changements anticonstitutionnels ». M. Ping a déploré une « évolution politique régressive inquiétante » et souhaité « une réponse cohérente de la part des instances compétentes de l’UA », alors que le colonel Kaddafi a pris plusieurs fois récemment le contre-pied de positions de la Commission. Durant leur rencontre de trois jours, les chefs d’Etat africains aborderont malgré tout des dossiers plus consensuels, comme celui du développement de l’agriculture, thème officiel du sommet. M. Kaddafi a par ailleurs invité pour l’occasion le dirigeant italien Silvio Berlusconi, qui l’avait reçu à Rome à la mi-juin. Habitué des coups d’éclat, il pourrait avoir d’autres « invités surprise », indiquaient lundi des sources diplomatiques à Syrte sans plus de précision.  

 

Burqa/ Sarkozy : Al-Quaïda menace de  » se venger  » de la France

30 juin 09 DUBAI (AFP) — La branche maghrébine d’Al-Qaïda a menacé de se venger de la France après que son président Nicolas Sarkozy a déclaré que la burqa n’y était pas la bienvenue, a rapporté mardi le centre américain SITE, citant des forums jihadistes sur internet. « Hier c’était le hijab et aujourd’hui, c’est le niqab » », a affirmé le dirigeant d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) Abou Moussab Abdoul Wadoud. « Nous nous vengerons de la France et de ses intérêts par tous les moyens à notre disposition, pour l’honneur de nos filles et de nos soeurs », a-t-il ajouté. Le président français a affirmé « solennellement » le 22 juin que la burqa n’était « pas la bienvenue » en France. Le voile intégral « n’est pas un signe religieux, c’est un signe d’asservissement, c’est un signe d’abaissement » de la femme, a-t-il lancé. Une mission parlementaire a été chargée d’enquêter pendant six mois sur le port de la burqa ou niqab, qui couvre complètement la tête, le visage et le corps. Le hijab recouvre la tête. La France est le seul pays d’Europe à avoir interdit par la loi, en 2004, le port du foulard islamique (qui ne recouvre que la tête) à l’école, après un débat passionnel. Il s’était alors agi d’interdire « les signes religieux ostentatoires » dans les établissements scolaires. AFP – 2009.  

Rafsandjani, médiateur ou victime de la crise iranienne ?

 
Reuters, le 30 juin 2009 à 16h28     par Parisa Hafezi     TEHERAN, 30 juin (Reuters) -Ali Akbar Hashemi Rafsandjani, sorti ce week-end du silence qu’il observait depuis le début des troubles en Iran, fait figure de possible médiateur dans la crise ouverte par la réélection de Mahmoud Ahmadinejad. L’ancien président de la République islamique, âgé de 71 ans, devra toutefois compter sur sa longue expérience politique pour résister au Guide suprême Ali Khamenei, si ce dernier reste partisan de la seule fermeté à l’égard des contestataires. Aujourd’hui en froid avec Khamenei, qu’il a contribué à porter à la tête de la théocratie iranienne après la mort de l’ayatollah Ruhollah Khomeini, en 1989, Rafsandjani a visiblement opté pour la prudence, laissant passer deux semaines avant de s’exprimer sur le scrutin du 12 juin et la vague de contestation qu’il a suscité. Rompant ce silence, il a dénoncé dimanche un complot visant à semer la discorde et à entamer le crédit de la classe dirigeante. « Partout où la population vigilante est intervenue, ce complot a été déjoué », a-t-il dit sans désigner les conjurés. Rafsandjani, qui a soutenu la candidature de Mirhossein Moussavi, devenue la figure de proue de la contestation, a pris soin de saluer la décision de l’ayatollah Khamenei de prolonger la semaine dernière le délai imparti au dépôt des plaintes sur les conditions du scrutin. Ces quinze jours de silence n’ont pas manqué d’alimenter les rumeurs à son sujet. Certains lui prêtaient l’intention de jouer les médiateurs, d’autres le voyaient orchestrant les manifestations en sous-main et un troisième courant l’imaginait s’attaquant directement à Khamenei via l’Assemblée des experts qu’il préside. Les 88 membres de cette instance sont notamment chargés de nommer le Guide et disposent en théorie du pouvoir de le révoquer, ce qui serait sans précédent dans l’histoire de la République islamique. Quelles que soient ses intentions, toutes ces rumeurs contradictoires laissent supposer qu’il n’a pas pu avancer ses pions, estime Anoush Ehteshami, spécialiste de l’Iran et chercheur à l’université britannique de Durham. Face à l’agitation, Ali Khamenei a jusqu’ici fait preuve d’une détermination sans faille, autorisant le recours à la force et soutenant sans réserve Mahmoud Ahmadinejad. Mirhossein Moussavi et Mehdi Karoubi, autre candidat du camp réformateur, n’ont toutefois pas hésité à braver son autorité, pilier principal du régime, en invitant leurs partisans à ne pas renoncer à leurs revendications. « TOUS VULNÉRABLES » Cette défiance qui, pour beaucoup, témoigne de dissensions au sommet du clergé chiite, risque d’accroître sa détermination et sa fermeté, notamment par le biais des tribunaux spéciaux qui seront chargés de juger les fauteurs de trouble. « Rafsandjani pourrait y être traduit pour avoir fomenté l’instabilité et défié le Guide. S’ils le font à Moussavi, tous seront vulnérables », assure Anoush Ehteshami, évoquant les membres du camp réformateur. Pour Baqer Moin, biographe de Khomeini, Rafsandjani n’est pas seulement préoccupé par son avenir politique, mais par la survie même du régime qu’il a contribué à mettre en place. « Il ne veut pas que le système soit ruiné par les partisans de la fermeté. Ils pense qu’ils ont influencé Khamenei. Il ferait évidemment partie des victimes s’ils venaient à l’emporter », explique-t-il. « Son objectif principal est de préserver la légitimité des cercles dirigeants, qui a été affectée par la contestation du scrutin », renchérit un observateur ayant requis l’anonymat. Reste que son inimitié notoire envers Ahmadinejad ne joue pas en faveur de sa survie personnelle. L’actuel président, qui l’a affronté lors du scrutin de 2005, l’a accusé de corruption pendant la dernière campagne électorale. Rafsandjani l’a en retour taxé de démagogie et lui a imputé l’isolement croissant de l’Iran sur la scène internationale. Sa fille Faezeh a été brièvement arrêté la semaine dernière après avoir pris la parole devant des partisans de Moussavi. Certains y ont vu un avertissement. Mahmoud Ahmadinejad l’aurait éliminé depuis longtemps s’il en avait eu l’occasion, mais Rafsandjani dispose encore d’appuis solides, poursuit Baqer Moin, citant le grand ayatollah Hossein Ali Montazeri, l’ex-président Mohammad Khatami ou le président du Parlement, Ali Larijani. « Ce sont tous des personnages puissants, mais Ahmadinejad dispose de l’appareil militaire et, pour le moment au moins, des faveurs du Guide. Le moment décisif sera la présentation de son gouvernement au parlement », ajoute le biographe de Khomeini. Version française Jean-Philippe Lefief .
 

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