TUNISNEWS
6 ème année, N° 2146 du 07.04.2006
Le Monde : Tunisie : Washington dénonce le “harcèlement” de l’opposition AFP: Réunion de l’Otan avec ses partenaires méditerranéens AP: Maroc: réunion entre l’OTAN et les pays du Sud de la Méditerranée vendredi AFP: Accord de principe pour associer trois autres pays à une opération de l’Otan AFP: UE: les importations d’habillement de Chine explosent de 47% en 2005 (IFM) Mondher Sfar: Neila Charchour Ou le fiasco du Programme Américain de Démocratie dans le Monde Arabe Houcine Ghali: le drame de l’opposition tunisienne Site de la présidence Autrichienne : Ursula Plassnik : « La Tunisie, pionnière du processus de Barcelone » Jeune Afrique: Printemps 56 : la libération du Maroc et de la Tunisie Jeune Afrique: Mohamed Talbi et ses contradictions
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Une interview prévue avec le Pr BEN SALEM … annulée
Sous pression des autorités tunisiennes, une interview prévue avec le Pr BEN SALEM de la chaîne ALARABIYA le 06/04/2006 à 20 heures “Paris time” a été annulée.
Contact Pr BEN SALEM (en Tunisie) : 0021674274053
0021697856447
0033611710838
(Source : liste de diffusion « Ahrar Tounes, <ahrrar_tounes@yahoo.fr> le 7 avril 2006 à 6h38, Heure de Paris)
Tunisie : Washington dénonce le “harcèlement” de l’opposition
Accord de principe pour associer trois autres pays à une opération de l’Otan
Réunion de l’Otan avec ses partenaires méditerranéens
Maroc: réunion entre l’OTAN et les pays du Sud de la Méditerranée vendredi
UE: les importations d’habillement de Chine explosent de 47% en 2005 (IFM)
Neila Charchour Ou le fiasco du Programme Américain de Démocratie dans le Monde Arabe
LE DRAME DE L’OPPOSITION TUNISIENNE
Houcine Ghali, Genève
Lorsque le président Ben Ali a chassé Bourguiba du pouvoir le 7 novembre 1987 pou s’y installer sans la moindre légitimité, le peuple tunisien et l’ensemble de la classe politique ont manifesté leur enthousiasme pour la “nouvelle ère” promise et l’alternance qui se dessine.
L’artisan du coup d’Etat médical a été plébiscité au delà de son espérance et même le Mouvement de la tendance islamiste ( MTI ), devenue après Ennahdha ( Renaissance ), lui a manifesté un soutien pragmatique en faisant semblant de jouer le jeu de la réconciliation, dans le seul but de glaner une reconnaissance jamais octroyée durant le règne de Bourguiba.
L’euphorie engendrée par ce changement inespéré et les promesses tous azimuts dispensées par le “sauveur de la nation” ont grisé un peuple habitué à un paternalisme schizophrénique durant les 30 ans de règne d’Habib Bourguiba.
Dix huit ans après, la situation en Tunisie se trouve pire qu’avant : répression sans précédent, brutalité policière, règne de l’arbitraire, pratique courante de la torture, confusion entre le parti dominant ( RCD ) et l’Etat, plébiscites iniques, opposition légale domestiquée, militants des droits humains pourchassés, corruption généralisée et mainmise des composantes des clans au pouvoir sur l’économie du pays.
L’absence d’un projet concret qui bouleverse dans les faits l’ordre établi jusqu’à 1987 et qui permet la participation effective des citoyens à leur devenir a engendré désenchantement et frustration. Les rouages du pouvoir continuent de planifier, décider, choisir et présenter les orientations que le peuple doit accepter sans concertation ni délibération préalables.
L’opposition officielle s’est contentée de promesses émanant d’un président autoritaire qui a servi plus de vingt ans un pouvoir destourien dominé par un Bourguiba sénile, schizophrène et castrateur. Les plébiscites ubuesques et la promulgation de textes législatifs par un Parlement domestiqué constituent de pseudo-pratiques démocratiques qui cachent mal un despotisme jamais égalé.
Pour bien affermir son régime, le général/président a su fabriquer une opposition officielle sur mesure qui fait sans relâche l’éloge de l’artisan de ” l’ère nouvelle” sans présenter un quelconque projet ni pour une participation au pouvoir ni pour une possible alternance.
Le drame de l’opposition tunisienne réside incontestablement dans son impuissance d’avoir un impact sur les masses laborieuses, les laissés pour compte et les démunis. Ses actions politiques se sont toujours exprimées par les manifestations d’un groupe d’intellectuels concentrés en général à la capitale Tunis et jamais suivies par un élan populaire capable de peser sur les orientations idéologiques du pouvoir en place. Il est bien beau de mettre en avant la revendication des droits humains, l’exigence de la démocratie et la pratique de la liberté, tandis que la majorité des Tunisiens pensent d’abord à avoir un travail et de quoi nourrir leurs familles. Des problèmes concrets comme l’avenir des classes moyennes, de la paysannerie, de la montée des inégalités sociales, du pouvoir d’achat qui ne cesse de se dégrader , de l’explosion du chômage, de la déprime de la jeunesse, du surendettement des familles, de la corruption rampante, de la défaillance de l’Etat providence, de l’arnaque instaurée à travers la fiscalité et les gonflements des factures de l’eau, de l’électricité et du téléphone, ont été dédaignés par toutes les franges de l’opposition tunisienne et n’ont pas constitué leur cheval de batail permettant la mobilisation de la population.
Sur ces points fondamentaux, l’opposition s’est toujours avérée absente, ignorant superbement les intérêts premiers des gens et ne s’occupant que de ses propres fantasmes en cherchant par l’activisme politique une compensation à ses diverses frustrations.
Ni les partis de l’opposition officielle, ni les partis radicaux reconnus, ni les organisations de la société civile bannies mais actives sur la scène politique ne sont parvenus à se mettre d’accord sur un programme minimal de lutte leur permettant de constituer un genre de front commun face au pouvoir destourien. Quelques tentatives dans ce sens n’ont guère aboutit et l’intransigeance des uns n’a d’égale que la volonté des autres à accepter avec délectation les sollicitations du régime issu du 7 novembre 1987.
Au sein de l’opposition tunisienne, on assiste donc à des affrontements politico-idéologiques et la lutte politique n’a jamais eu pour socle des programmes, une vision claire du devenir du peuple et une stratégie efficace pour l’alternance au pouvoir.
L’expérience de bloc des différentes composantes de l’opposition radicale en Europe de l’Est et en Amérique latine a fini par payer mais sans interpeler en quoique ce soit l’opposition tunisienne avec toutes ses composantes.
C’est à croire que les Arabes sont damnés et qu’ils vivent en dehors de l’Histoire, puisque toutes les nations du monde évoluent sauf celle issue du prophète Mohamed!
Houcine Ghali, Genève
05.04.2006
Ursula Plassnik : « La Tunisie, pionnière du processus de Barcelone »
Signature d’un accord-cadre financier bilatéral
La ministre des Affaires étrangères et présidente du Conseil de l’UE Ursula Plassnik a rencontré ce jour son homologue tunisien, Abdelwahab Abdallah, pour une réunion de travail. La politique européenne de voisinage et le partenariat euroméditerranéen figuraient au centre des débats. Des thèmes bilatéraux et régionaux ont également été abordés, notamment la nouvelle situation au Proche-Orient après la formation du gouvernement palestinien et les élections en Israël ainsi que le dialogue entre les cultures et les religions.
« La Tunisie est pionnière dans le processus de Barcelone, dans le cadre duquel l’UE travaille en étroite collaboration avec ses partenaires méditerranéens depuis plus de 10 ans. Ces dernières années nous ont montré l’impact incontestablement positif du processus de Barcelone sur le dialogue entre les pays et sur le développement économique et social dans la région. Par ailleurs, la Tunisie fait également partie des premiers participants à la politique européenne de voisinage au titre de laquelle des paquets de coopération sur mesure se traduisant en plans d’action sont élaborés conjointement. La coopération avec la Tunisie va des questions économiques à la lutte commune contre le terrorisme et l’immigration illégale en passant par le renforcement de l’État de droit et la promotion de la démocratie. C’est un signe encourageant pour toute la région que l’UE travaille concrètement avec la Tunisie afin de créer un sous-comité sur les droits de l’Homme », a expliqué Mme Plassnik.
« Les relations bilatérales entre l’Autriche et la Tunisie sont excellentes elles aussi. À l’avenir, nous voulons intensifier le dialogue politique et les relations économiques et cultures », a poursuivi la ministre des Affaires étrangères, évoquant le comité bilatéral ad hoc d’intensification de la coopération qui se réunira pour la troisième fois en automne.
« Avec la signature ce mercredi d’un accord-cadre financier, nous espérons être parvenus à intensifier de manière significative nos relations économiques », a conclu la ministre des Affaires étrangères. D’autres accords bilatéraux sur la coopération en matière de sécurité et de protection civile sont en cours d’élaboration.
6 Avril 2006
(Source : « Site de la présidence Autrichienne 2006 », le 6 avril 2006)
URL: http://www.eu2006.at/fr/News/Press_Releases/April/0504PlassnikAbdallah.html
France-Maghreb : hausse des échanges
par SAMIR GHARBI
Selon les statistiques publiées en mars par la Chambre de commerce franco-arabe (CCFA), les échanges de marchandises entre la France et l’Afrique du Nord ont augmenté de 15 % en 2005, pour atteindre 23,4 milliards d’euros. C’est deux fois plus que le commerce de la France avec les pays arabes du Golfe, ou avec l’ensemble de l’Afrique subsaharienne, et davantage que ses échanges avec la Chine (22 milliards) ou le Japon (16 milliards).
Pour mesurer le poids réel de chaque partenaire, nous avons divisé le total des échanges par la population. Résultat : la Tunisie se classe au premier rang avec 530 euros par habitant (de ventes et d’achats à la France en 2005). C’est vingt fois plus que l’Égypte (26 euros) et treize fois la moyenne africaine (40 euros). Pour la Tunisie, c’est d’autant plus important que son commerce avec la France est désormais bénéficiaire : 166 millions d’euros en 2005. Cet excédent contraste avec le déficit enregistré par le Maroc (415 millions) ou l’Algérie (986 millions).
(Source : Jeune Afrique, N° 2360 du 2 au 8 avril 2006)
Pour l’unité du Maghreb
Moncef Guen, Président de l’Association du Grand Maghreb
J’ai beaucoup apprécié votre éditorial sur les « doyens de l’indépendance » (voir J.A. n° 2357). Il confirme, une fois encore, votre militantisme pour la libération nationale de la Tunisie et pour la cause du Maghreb. L’erreur historique commise par notre génération et celle qui nous a précédés est de n’avoir pas su ou pu faire avancer un Maghreb économique dès les premières années de l’indépendance, aux premiers balbutiements de la planification et quand l’Europe lançait la Communauté du charbon et de l’acier puis, en 1956, le Marché commun. Il n’y avait pas de Sahara occidental à l’époque et l’enthousiasme pour l’unification du Maghreb était à son apogée. Le peuple maghrébin paie lourdement les conséquences de cette erreur.
Nous ne devons plus nous croiser les bras. Il faut que deux pays, au minimum, commencent le parcours : Maroc-Tunisie ou Algérie-Tunisie, faute d’Algérie-Maroc. Je suis convaincu que, à l’instar de l’Europe, le premier pas franchi entraînera une évolution naturelle des événements. Beaucoup de jeunes Maghrébins, ainsi que des entrepreneurs et cadres des trois pays, Algérie, Maroc, Tunisie, apprécieront de voir un magazine comme Jeune Afrique poser le problème de l’absurdité du blocage de la construction maghrébine.
(Source : Jeune Afrique, N° 2360 du 2 au 8 avril 2006)
Citer les Livres avec exactitude
C. Guizonnier, Bordeaux, France
Je suis un fidèle lecteur de votre journal, que je lis chaque semaine avec plaisir. En général, j’aime bien les articles de Mohamed Talbi, qui sont toujours objectifs et mesurés.
Pourtant, en page 112 de votre numéro 2353, M. Talbi écrit dans son article intitulé « Intox et liberté »: « Le terme terroriste n’existait pas encore pour désigner [le prophète Mohammed], mais il fut introduit dans l’actuel catéchisme de l’Église catholique (§ 2297) avec une allusion à peine voilée à l’islam. »
Je suis allé consulter mon catéchisme de l’Église catholique et, au paragraphe 2297, voici ce qui est écrit: « Ces enlèvements et les prises d’otages font régner la terreur et, par la menace, exercent d’intolérables pressions sur les victimes. Ils sont moralement illégitimes. Le terrorisme qui menace, blesse et tue sans discrimination est gravement contraire à la justice et à la charité… »
Où M. Talbi voit-il, dans cet article, une allusion à Mohammed et à l’islam ? Il n’est pas bon d’écrire des choses inexactes lorsqu’il s’agit (surtout aujourd’hui) de l’islam et des chrétiens.
(Source : Courrier des lecteurs, Jeune Afrique,
N° 2360 du 2 au 8 avril 2006)
Printemps 56 : la libération du Maroc et de la Tunisie
par SAMY GHORBAL
Un documentaire de France 5 célèbre le cinquantenaire de l’indépendance des deux anciens protectorats français du Maghreb. Un anniversaire ignoré par les autres chaînes et les grands médias tricolores.
Un Mitterrand peut en cacher un autre. Tunis, le 20 mars 1956. Une foule en liesse célèbre la fin du protectorat français. Habib Bourguiba savoure son triomphe : ce jour marque l’aboutissement du combat d’une vie et le propulse au panthéon des grands hommes. Il est et sera pour toujours El-Moujahid el-Akbar, le Combattant suprême. La République française, qui a accepté le principe du retrait graduel en signant les accords de Carthage, le 31 juillet 1954, s’associe à l’événement en dépêchant son garde des Sceaux, François Mitterrand.
Paris, mars 2006. Le Maroc et la Tunisie ont fêté, à quelques jours d’intervalle, le cinquantième anniversaire de leur indépendance. Une commémoration qui a rencontré peu d’écho médiatique en France. La presse, hormis L’Express et Le Nouvel Observateur, qui ont chacun consacré un cahier spécial au Maroc, a oublié d’en rendre compte. La télévision, elle, n’a pas bouleversé ses programmes. Seule France 5, la petite dernière des chaînes du service public de télévision, s’est singularisée en diffusant Un printemps 56, très beau documentaire en deux parties (deux fois cinquante-deux minutes), signé Frédéric Mitterrand, le neveu de l’autre…
Homme de télévision aux multiples talents (animateur, scénariste, réalisateur), Frédéric Mitterrand, 59 ans, est un amoureux de la Tunisie, pays qu’il considère comme sa seconde patrie, dont il a demandé et obtenu la nationalité, et où il réside une partie de l’année. C’est aussi un familier du Maroc, où il a vécu une partie de son adolescence. Épaulé par son ami Yannis Chebbi, le patron d’origine tunisienne d’Électron Libre, une société de production audiovisuelle indépendante, c’est donc « tout naturellement » qu’il s’est attelé à la réalisation de ces deux documentaires jumeaux, il y a un peu plus d’un an. Construits et découpés de manière similaire, sur un mode narratif, les films accordent une place centrale aux deux héros de la marche vers l’indépendance du Maroc et de la Tunisie, le sultan Mohammed Ben Youssef, le futur Mohammed V, et l’avocat nationaliste francophile Habib Bourguiba.
Un choix éditorial à la fois cohérent et discutable, qui simplifie le récit et le rend accessible aux non-initiés, mais qui, s’agissant de l’épisode marocain, présente l’inconvénient de réduire, voire d’occulter le rôle pourtant essentiel d’acteurs comme Abderrahim Bouabid, Abderrahmane Youssoufi, ou encore Mehdi Ben Barka.
Mitterrand s’est beaucoup appuyé sur les archives des actualités cinématographiques françaises, des images estampillées « coloniales », mais qui constituent souvent la seule source documentaire disponible. Il s’est attaché cependant, dans ses commentaires et en faisant intervenir des grands témoins, à corriger et mettre en perspective ces documents.
Un printemps marocain comporte quelques morceaux d’anthologie. Parmi les scènes les plus marquantes : la prosternation du glaoui de Marrakech, implorant, à genoux, le pardon du sultan après son retour d’exil, et ces rares et inédites séquences de bonheur familial, montrant Mohammed V et ses enfants pique-niquant à la campagne ou batifolant dans une piscine, extraites des archives personnelles de la famille royale, prêtées à l’auteur par la princesse Lalla Amina, la sœur cadette de feu Hassan II.
Le film sur la Tunisie, quoique moins riche sur le plan iconographique, est mieux maîtrisé, davantage nuancé et, peut-être, plus émouvant. Bourguiba, que l’on voit sur de nombreux clichés, s’y taille évidemment la part du lion. Mais personne n’est oublié, et surtout pas le bey Moncef, objet d’une extraordinaire vénération populaire, patriote ombrageux et courageux, monté sur le trône en 1942 et déposé un an plus tard par le général Juin, le résident français. Le rôle du syndicaliste Farhat Hached, assassiné, en décembre 1952, à l’âge de 38 ans, par les terroristes de la Main rouge, est également souligné, avec insistance et justesse. Le casting des témoins est rendu remarquable par la présence de celui que les Tunisiens appellent familièrement « Bibi », Habib Bourguiba junior, le fils unique du zaïm, issu de son union avec la Française Mathilde Lorrain, et des anciens ministres Mohamed Sayah, Driss Guiga, Ahmed Mestiri, Béchir Ben Yahmed et Noureddine Hached.
Le sens politique du fondateur du Néo-Destour, la formidable magie de son verbe, le magnétisme de son charisme, mais aussi ses accès de mesquinerie, sont décortiqués et analysés avec nuance et lucidité. Mais le témoignage le plus bouleversant est sans conteste celui du vieux militant communiste Georges Adda, lorsqu’il raconte le courage devant la mort de trois militants nationalistes, s’époumonant à chanter l’hymne national alors qu’on les conduit au poteau d’exécution. Instant cruel et magnifique : les murs de la prison de Tunis se mettent à trembler lorsque le chant des patriotes est repris, en chœur, par les 1 000 autres détenus, et couvre le bruit des rafales…
Les films, diffusés les 18 et 25 mars 2006 sur France 5, ont fait également l’objet d’une projection spéciale organisée à l’Institut du monde arabe (IMA) dans la soirée du lundi 27 mars, devant l’ambassadeur du Maroc à Paris, Fathallah Sijilmassi. Son homologue tunisien, Raouf Najar, qui devait aussi y assister – et qui était présent lors de l’avant-première, le 16 mars, à France Télévisions -, a en revanche fait faux bond sans explication. Faut-il y voir le signe d’un certain malaise qui règne, en Tunisie, autour de ces cérémonies du cinquantenaire, organisées sans faste particulier ? Le Maroc de Mohammed VI a célébré l’événement en grande pompe, à Rabat, le 16 novembre 2005, avec quelques mois d’avance sur le calendrier officiel* en présence de nombreux invités étrangers, dont les Premiers ministres français et espagnol Dominique de Villepin et José Luis Rodriguez Zapatero. Ce fut l’occasion d’un grand débat national sur le bilan d’un demi-siècle d’indépendance, qui a culminé avec la remise du « Rapport du cinquantenaire » (voir J.A.I. n° 2349).
La Tunisie, elle, s’est contentée du service minimum : un discours, à tonalité très économique, du président Zine el-Abidine Ben Ali, devant les cadres et militants du parti, à Radès, le 20 mars, et un défilé militaire le lendemain, aux Berges du Lac. Mais la réflexion sur le bilan et les perspectives d’ouverture politique a été, elle, pour l’instant, soigneusement escamotée. Et la société civile n’a pas eu son mot à dire…
(*) La date retenue coïncide en fait avec l’anniversaire du retour d’exil de Mohammed V, le 16 novembre 1955.
(Source : Jeune Afrique, N° 2360 du 2 au 8 avril 2006)
Mohamed Talbi et ses contradictions
par NEJIB BOUZIRI, LA MARSA, TUNISIE
Lors de la polémique née des « caricatures du Prophète », Mohamed Talbi écrit, dans votre n° 2353 du 13 au 18 février 2006, sous le titre « Intox et liberté » : « Ce qui importe, c’est ce qui se profile derrière et cela ressort avec une nette évidence de l’émission Envoyé spécial (France 2, jeudi 2 février 2006, 20 h 50). Tout tient en deux mots : l’islam terrorise et avilit les femmes. Images d’archives à l’appui, ce fut le procès en règle de l’islam qui tue les journalistes, les cinéastes et autres artistes. L’islam avilit les femmes, image de la smala de Mohammed en illustration… »
Dans « La grande interview » publiée dans le n° 2346-2347, et sans que l’intervieweur soulève la question, Mohamed Talbi prenait seul l’initiative d’inviter dans ses propos Michel Houellebecq afin que ce dernier puisse clamer que « l’islam est la religion la plus con du monde ». Il ne pouvait pas ne pas voir que ce qui se profilait derrière cette phrase « tient en deux mots » : l’islam est le terreau du terrorisme, il tue les journalistes, les cinéastes, les écrivains, il avilit les femmes, etc. Mais il faut aller plus loin, car, quand Michel Houellebecq proclame que « l’islam est la religion la plus con du monde », il insulte Dieu, le Coran, le prophète Mohammed, Moïse, Jésus et tous les autres prophètes que l’islam reconnaît ainsi que le milliard et demi de musulmans.
Mohamed Talbi, qui a si bien vu ce qui se profilait derrière les caricatures du Prophète, non seulement n’a rien vu de ce qui se profilait derrière la phrase de Michel Houellebecq, qu’il considère comme un témoignage, mais il se plaît à dire : « Il a dit que l’islam est la religion la plus con du monde. Pourquoi pas ? » Et ajoute : « Mais il peut dire ce qu’il veut et partout. Je peux dire que le Coran, c’est de la connerie. »
Ce faisant, Mohamed Talbi ne s’est sans doute pas rendu compte que, d’une part, il choquait non seulement et en premier lieu les musulmans, mais aussi les autres croyants, et, d’autre part, il encourageait tous ceux qui cherchent à donner une image négative de l’islam, ce que bizarrement il condamne dans son article « Intox et liberté ».
Plus loin, dans cet article, il écrit : « Je voudrais décomplexer dans tous les sens les uns et les autres, désintoxiquer par la parole libératrice pour que les relations humaines entre individus et communautés s’établissent sur des bases saines et égalitaires, sans mépris sous-jacent, à l’intérieur et à l’extérieur de toutes les frontières nationales et internationales. »
Même si Mohamed Talbi ne nous dit pas quelle est la parole libératrice et ne précise pas quelles sont les bases saines et égalitaires sans mépris sous-jacent, on aurait aimé le voir tenir ces propos dans « La grande interview ».
Mais là où Mohamed Talbi atteint les sommets de la contradiction, c’est quand, après avoir affirmé, dans « La grande interview », que la liberté c’est sa religion, au point de donner sa bénédiction à Michel Houellebecq quand ce dernier insulte l’islam, il conclut curieusement son article « Intox et liberté » par la phrase suivante : « Mais je pose cette question au ministre de l’Intérieur : doit-on admettre, au nom de la liberté d’_expression, que l’on dessine la caricature de Mohammed sur les tombes, comme la croix gammée sur les tombes juives ? »
(Source : Courrier des lecteurs, Jeune Afrique, N° 2360 du 2 au 8 avril 2006)