5 février 2006

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TUNISNEWS
6 ème année, N° 2085 du 05.02.2006

 archives : www.tunisnews.net


L´Audace: Dix ans après – Revelations sur l´assassinat de Moncef Ben Ali

Edito de l´Audace: Pour un printemps tunisien

Yahyaoui Mokhtar: Caricatures Khaled Traouli: Les caricatures du prophète.., Peut-on positiver l’Evénement?

Mohamed-Chérif Ferjani: Caricatures xenophobes et reactions fanatiques – à quand la fin des amalgames

Mhamed Jaibi: Forcer le respect Balha Boujadi: Commentaire à mon ami Abdelhamid et les autres POLITIS: « Un Maghreb des peuples » Salim Lamrani: Le silence de Reporters Sans Frontières sur le journaliste torturé à Guantanamo

 

Dix ans après

REVELATIONS SUR L’ASSASSINAT DE MONCEF BEN ALI

Par Slim Bagga La presse tunisienne aux ordres d’un régime en quête de respectabilité traîne dans la boue à longueur de colonnes les dissidents et les opposants à  la mafia qui a mis la main sur le pays depuis 18 ans. Mais elle ne dit mot sur les scandales qui ont éclaboussé ce régime deux ans à peine après son  avènement. L’affaire de « la Couscous Connexion » jugée à Paris en 1992 est l’un de ces scandales inoubliables qui ne donnera l’apparence de tomber dans les  oubliettes qu’avec la mort de Habib Ben Ali, dit Moncef, frère du Général-Président, en 1996. Dix ans après cette disparition troublante, « L’Audace » est en mesure d’apporter des révélations sur ce qui était un assassinat mafieux, programmé et  exécuté au nez de la police tunisienne omniprésente… Retour sur les faits

Au printemps 1989, la Brigade des stupéfiants dirigée par Joëlle P. parvient à interpeller à Orly une escouade de trafiquants de drogue qui se dirigeaient vers Tunis. Des mois de filature et d’écoutes téléphoniques ont permis à la police française d’être édifiée sur l’existence d’un vaste réseau de trafic de stupéfiants entre la Hollande et la France. L’originalité est que les membres de ce réseau sont tous Tunisiens. Le hic est que la filature et les écoutes téléphoniques à l’hôtel Edouard VII, dans le quartier de l’Opéra,  ont permis de constater que le chef du réseau est Moncef Ben Ali, frère du président de la République tunisienne auquel il est affectivement très lié.
Flairant que des mois de travail allaient s’évaporer dans la mesure où les trafiquants envisageaient de se rendre à Tunis et disparaître dans la nature, la commissaire décida d’agir et d’interpeller tout ce beau monde à leur embarquement. « L’homme bien sapé, qui la prit de haut en lui disant : vous ne savez pas qui je suis » était bel et bien Moncef Ben Ali. Toutes ces honorables gens sont néanmoins arrêtées (les frères Roma, Hamada Ben Cheikh,  actuellement vice-président de la municipalité de Kélibia, Noureddine Ben Aleya, restaurateur etc.) à l’exception de Moncef Ben Ali et de Ridha Hassen,  neveu du directeur de la sûreté nationale et ancien consul général à Rome, Frej Gdoura. Le premier faisait prévaloir son lien de parenté avec Ben Ali, le second portait la valise en cuir pleine à craquer de billets Pascal  (500francs). Au sommet de l’Etat français, on est prévenu et l’Exécutif laisse faire.
 
Entre temps, l’avion Tunis-Air à destination de Tunis reste cloué au sol d’Orly avec plus de 200 passagers à bord. Le Général Ben Ali est informé  sur-le-champ. Il fit dépêcher un avion de Tunis à bord duquel des émissaires spéciaux sont porteurs de deux passeports diplomatiques: l’un portant l’identité de Moncef (Habib) Ben Ali et l’autre celle de Ridha Belhassen et non Hassen. L’ambassadeur de l’époque, Brahim Turki, se chargea alors de récupérer ces précieux documents et de les fournir à la police française pour sortir  de ses griffes ces deux mafiosi au statut particulier. Au bout de quatre heures et demi d’attente, l’avion Tunis-Air put décoller vers Tunis sans que les passagers n’eurent la moindre explication. Arrivée à Tunis
A l’arrivée de l’avion à Tunis, la crème des tortionnaires et des proches de Ben Ali se trouvaient en bas de la passerelle. Il s’agissait du ministre de l’Intérieur de l’époque, Chedli Neffati, du directeur général des services spéciaux, Mohamed Ali Ganzoui, du directeur de la police de l’air et des frontières, Hamda Boucetta et du président-bis, l’homme d’affaires Kamel Eltaief. Destination: le Palais de Carthage… C’est là que le Général Ben Ali reçut son frère et Ridha Hassen auquel il s’adressa en ces termes dans un bureau clos: « Si tu ouvres la bouche,  je te brise (je te n…. dans le langage ordurier de Ben Ali), si tu la fermes, je ferais de toi un homme ». Et Ridha Hassen de répondre: « Qu’attendez-vous de moi, Monsieur le Président? » « Que tu quittes Tunis et que tu ne t’affiches plus avec mon frère Moncef le temps que les choses s’apaisent et rentrent dans  l’ordre », rétorqua notre Généralissime protecteur des mafieux et des orphelins. Dans la semaine, Ridha Hassen liquida ses avoirs à Tunis et alla s’installer à Djerba avec sa jeune épouse, Saloua Ben Cheikh. Dans la semaine aussi, une licence de vente de tabac, une autre de vente d’alcool et une troisième d’import de friperie lui furent octroyées sur l’île… Bras de fer politique et manipulation médiatique :
Cette affaire avait jeté un grand froid sur les relations franco-tunisiennes à peine rétablies après la visite du président Mitterrand à Tunis au  printemps 1989 (voir encadré 1). Ben Ali exigeait, en effet, que Mitterrand l’appelle et l’assure de son soutien. En d’autres termes, il croyait normal que le Président français intercède auprès de la Justice française pour étouffer l’affaire et qu’il intervienne auprès de la presse pour ne pas ébruiter  « l’incident », d’autant plus qu’à Tunis tout le monde ignorait le scandale. Le président Mitterrand, à son honneur, ne bougera pas le plus petit doigt dans ce sens. Et la justice suivit son cours…  
Parallèlement, pour la consommation locale et à l’intention des chancelleries occidentales mises au parfum, Ben Ali ordonna fin juin 1989 une opération de manipulation médiatique par le biais de l’hebdomadaire « Réalités ». Pour être en fonction dans ce journal à l’époque, je peux en témoigner aujourd’hui et défie quiconque m’apporterait la moindre contradiction. Le bouclage de l’hebdomadaire se fait le mercredi soir. Slah Saied, maquettiste de la couverture en recevait les éléments dès le mardi de chaque semaine après une courte réunion regroupant Moncef Ben M’Rad, Taieb Zahar, Hedi Mechri (qui n’avait pas encore fondé le docile « L’Economiste maghrébin »), Moncef  Mahroug et moi-même. Tout cela pour dire que le mercredi matin, la couverture en quadrichromie roulait déjà. Mais ce fameux dernier mercredi de juin 1989 allait s’avérer un jour de bouclage du journal de toutes les compromissions. A dix heures du matin, Mohamed Ali Ganzoui cherchait à me joindre en vain après avoir laissé cinq messages auprès de la secrétaire Amel Ben Naceur. A onze heures, Hedi Mechri et Taieb Zahar me demandèrent de les accompagner au ministère de l’Intérieur. « En route, ils m’expliquèrent que c’était une première en Tunisie à mettre à l’actif de Ben Ali que d’avoir démantelé un vaste réseau de drogue´dans la capitale et ses banlieues. En un mot, il fallait remanier la couverture et réécrire le dossier central sur un tout autre sujet: celui du combat de Ben Ali contre le trafic de la drogue. Tiens donc!!!
Arrivés au bureau de Mohamed Ali Ganzoui, celui-ci nous expliqua qu’un  vaste réseau a été démantelé entre Tunis, l’Ariana, Hammam-Lif, Sidi Bou Said et La Marsa. Amor Ayari, arrêté; Zine Sadfi, arrêté, Ould El Kebailia, arrêté; divers autres petits consommateurs sans envergure arrêtés… Vérification faite, c’était vrai. Tous ces gens étaient en prison. Mais ce n’était que de la poudre aux yeux: ils quitteront leurs cellules 10 jours plus tard (voir  encadré 2).
Durant la période 1989-1992, le régime de Ben Ali et ses services ont accusé les dissidents tunisiens à l’étranger de faire bouger la presse française (principalement « Le Monde », « Libération » et le « Canard Enchaîné ») pour se pencher sur l’affaire et salir le frère du Président. Les dossiers montés de toutes pièces sont allés jusqu’à des incitations au meurtre… Ce qui n’empêcha pas Moncef Ben Ali de mourir assassiné et qu’une espèce d’omerta règne depuis dix ans sur sa disparition qui avait donné lieu à toutes les supputations et toutes les rumeurs possibles… Mort perfusé: la filière mafieuse turque :
Le procès de novembre 1992 a bel et bien eu lieu à la 14ème Chambre correctionnelle de Paris sous le regard de la presse internationale.
Tous les prévenus étaient en état d’arrestation à la différence de Moncef Ben Ali et Ridha Belhassen (Hassen, de son vrai nom) qui furent condamnés par contumace à 10 ans de prison et interdiction définitive du territoire français. Toutes les gesticulations du régime de Ben Ali et de ses affidés s’avérèrent vaines. Et je pense notamment au rôle de Abada Kefi, avocaillon du régime ou de Me Béji son autre avocassier qui s’est prêté à défendre l’indéfendable. Seulement voilà : quatre ans plus tard, la nouvelle ne put être cachée: Moncef Ben Ali est mort, et nul ne saura dans quelles conditions jusqu’à ce jour. Condamné par la France, son réseau démantelé à l’échelle européenne, mais protégé par son frère Président qui fit d’une sale affaire de famille une affaire d’Etat au risque de jeter le discrédit sur l’image de tout un pays, Moncef Ben Ali continua de diversifier son trafic d’héroïne et  s’attaqua à d’autres horizons comme la Turquie. Se croyant tout permis, il tenta de rouler des mafieux turcs qui organisèrent son assassinat en plein Tunis.
Le soir de sa mort, Moncef Ben Ali donna rendez-vous à son épouse vers 22 heures à son restaurant. Entre temps, il se trouvait chez l’une de ses amantes à El Menzah VI, nièce du juge d’instruction ripoux Ridha Boubakeur. Cinq barbouzes d’origine turque, qui suivaient ses déplacements, sonnèrent à la porte. Ils les ligotèrent et leur administrèrent des perfusions d’héroïne avant de prendre la poudre d’escampette.
Vers 23 heures, son épouse ne voyant pas Moncef Ben Ali arriver au rendez-vous, donna l’alerte. Et c’est l’un de ses confidents qui se dirigea vers l’appartement d’El Menzah où il ne put que constater les dégâts.
L’amante a été sauvée in extremis à la polyclinique Taoufik. Quant à Moncef Ben Ali,  c’en était fini. L’enquête policière précipitée permettra d’arrêter trois Turcs  sur les cinq. L’un d’entre eux est mort sous la torture. Deux autres croupissent encore dans l’indifférence dans les prisons tunisiennes condamnés à 70 ans de prison.
Autant dire qu’ils ne verront jamais plus la liberté. Et ne témoigneront jamais…
Morale: On ne peut indéfiniment mentir ni cacher la vérité au mépris du peuple.
Ben Ali, qui a fait de la manipulation et du mensonge une règle de gouvernement devrait balayer devant sa porte au lieu de lâcher ses chiens contre ses dissidents qui exercent leur droit constitutionnel de s’exprimer et d’émettre des avis contraires à sa politique aveugle.
Enfin, bien avant que les vautours Trabelsi n’empochent la République, le Général Ben Ali a couvert honteusement l’un des plus gros scandales que  la Tunisie ait connu à l’échelle internationale… Slim Bagga —————————————————————————-
Encadré 1

Ben Ali, l’irascible

Les relations franco-tunisiennes étaient au plus bas niveau depuis le coup d’Etat du 7 Novembre 1987. La France n’était pas prévenue du renversement de Bourguiba. Dans un communiqué laconique du Quai d’Orsay, le même jour, il est mentionné que  » la France prend acte du changement intervenu en Tunisie et rend hommage au premier Président Habib Bourguiba ». Ben Ali a interprété cette position comme une attaque contre sa respectueuse personne.
Quelques jours plus tard, à Sousse, une usine de montage de véhicules français (la STIA), déficitaire il est vrai depuis longtemps mais à laquelle Bourguiba n’avait jamais touché, trouvant compensation ailleurs pour le pays, a été fermée. Et la presse de se déchaîner contre la France en publiant: « La Tunisie a des amis, mais elle a surtout des intérêts ». En fait, il s’agissait exclusivement de « punir » la France pour son communiqué du 7 Novembre 1987.
Les relations sont restées au point mort jusqu’au 15 septembre 1988, date de la première visite officielle de Ben Ali à l’Elysée, suivie au printemps  1989 de celle de François Mitterrand en Tunisie… Encadré 2 Ganzoui, prudent En quittant le bureau de Mohamed Ali Ganzoui, je lui demandais une photo pour illustrer l’article concernant le démantèlement du pseudo réseau de la drogue en Tunisie. Il refusa en rigolant. Puis il finit par faire venir une photo. Trois heures plus tard, il me téléphona directement à l’imprimerie pour me dire ceci: Je vous conjure de publier la photo de Si Chedli (Neffati,  ministre de l’Intérieur) dans un format plus grand que la mienne. Pour l’histoire, ce fut fait… Menaces contre « L’Audace » Depuis le retour de Mohamed Ali Ganzoui, la pression sur les dissidents et l’opposition se fait plus pesante. En ce qui concerne « L’Audace », Ganzoui est pressé d’identifier nos sources. Ce à quoi il ne parviendra jamais. La tentative d’infiltration de notre journal par le biais de Ridha Belhassen, neveu du tortionnaire Frej Gdoura a été vouée à l’échec. Ce n’est pas en volant des puces de portables invalides volontairement mis à la disposition ‘d’un chargé de mission » qu’on découvrira les  sources de « L’Audace ».  
Je reviendrais à l’occasion sur la guerre sans merci qui déchire deux serviteurs zélés de Ben Ali: Frej Gdoura et Mohamed Ali Ganzoui. C’est un  feuilleton qui doit intéresser nos lecteurs. Pour l’heure, je me contenterais de rappeler à ceux qui croient que le territoire français est un terrain où ils peuvent accomplir impunément leurs méfaits, que j’ai déposé plainte avec constitution de partie civile, que je tiens l’ambassade et les agents qui y gravitent pour responsables de tout acte malveillant portant atteinte à moi-même et à ceux qui m’entourent. Les Autorités françaises ont été averties et m’ont assuré de leur vigilance; je les en remercie et leur fait part de toute ma gratitude.
 

(Source: L´Audace numéro du fevrier 2006 )

EDITO 0206

Pour un printemps tunisien

 

 
Cet hiver tunisien est morne sur le plan politique. Après le SMSI et la formidable dynamique qui l’avait précédé et accompagné, notre pays est retombé dans la léthargie. Seul le parti au pouvoir et ses alliés s’agitent sur la scène. Le premier expédiant les affaires courantes, par le mensonge, la corruption, les « ajustements » effrénés du coût de la vie et la peur. Les seconds recherchant le meilleur moyen de lui venir en appui, notamment par l’annonce tonitruante d’une prétendue Alliance démocratique et progressiste dont le seul objectif est d’annihiler le processus de redressement de l’opposition tunisienne, consécutif au Mouvement du 18-Octobre. Ce mouvement, s’est transformé en « Comité du 18 octobre pour les droits  et les libertés. » Cette dénomination semble montrer que ses promoteurs n’ont  pas eu l’audace d’aller au bout de la dynamique engendrée par la grève de la  faim :METTRE SUR PIED UNE STRUCTURE POLITIQUE EN VUE DE MENER UN COMBAT  POLITIQUE. Les droits et les libertés sont certes des notions éminemment  politiques, mais on ne pourra prétendre les atteindre qu’en agissant sur la forme du gouvernement : une tortiocratie est congénitalement despotique et  antipopulaire ; il nous faut donc réaliser d’abord l’alternance au pouvoir. Autrement, non seulement aucun progrès ne sera accompli, mais la nouvelle structure sera contre-productive dans la mesure où, à son corps défendant, elle va servir de faire-valoir au pouvoir, pleinement conscient que si elle ne lui fait pas de mal, elle peut, par contre, lui faire du bien… Et si elle se montrait plus pugnace, elle subirait le sort qui lui avait été réservé le 28 janvier lorsqu’elle avait juste tenté de tenir une simple réunion… Mais qu’est-ce qui amène les Tunisiens à élaguer eux-mêmes leurs aspirations légitimes jusqu’au dénuement ? Leurs divisions et leurs peurs ?
L’activisme effréné des agents du pouvoir en vue de les affaiblir et d’annihiler leur potentiel créateur ?
La  crainte que leur union ne déplaise à certains milieux « amis », que le pouvoir s’en serve pour dénoncer leur « alliance » avec les islamistes diabolisés tout spécialement pour la circonstance ? Sans doute y a-t-il un peu de tout cela à la fois. Pour autant, les acteurs d’octobre 2005 se doivent de rechercher  inlassablement une voie de rassemblement en vue de mettre en œuvre les objectifs  initiaux du mouvement. La constitution d’un large front de l’opposition tunisienne, reconnue ou pas, sera le seul moyen de lui apporter la légitimité et la crédibilité dont elle a grand besoin. Cela a été possible lors d’un combat à caractère revendicatif limité, tel que la grève de la faim. Rien n’empêche que le même combat soit réédité, mais avec un PROGRAMME POLITIQUE mettant  en cause la légitimité de l’Etat-RCD et la nécessaire alternance pacifique à la tête de l’exécutif. C’est là l’unique moyen de donner espoir à l’opinion tunisienne, notamment aux jeunes, de plus en plus enclins au départ (harka), à la démission, à la compromission ou à la violence. Avec une structure politique crédible, il sera possible de se  constituer en alternative au pouvoir. Même si le grand changement venait à tarder, la présence même d’une opposition structurée amènera le pouvoir à relâcher  un tant soit peu la poigne qui étrangle le pays. Pourquoi Mustafa Ben Jaâfar, Lotfi Hajji, Hamma Hammami, Moncef Marzouki, Sihem Bensedrine, Abdessattar  Ben Moussa, Mohamed Nouri, Sana Ben Achour, Khémaïs Chammari, Khédija Chérif, Zied Daouletli, Héla Abdeljawad, pour ne citer que ceux-là en vrac, pourquoi ces militants acceptent-ils leur désunion comme une fatalité ? Quel  aveuglement politique les détourne si stupidement de la seule voie de salut : l’unité sans exclusive ? Sur cette voie, le printemps peut être prometteur. L’Association  tunisienne des jeunes avocats (ATJA) tiens congrès en février, deux ans après avoir  été capturée (livrée diraient certains) par le pouvoir à la faveur d’une  élection si mal négociée. Les avocats tunisiens, jeunes ou moins jeunes, auront à assumer la lourde tâche de la reconquête de ce prestigieux fleuron de la société civile. Il leur faudra surtout prendre garde à ces faux démocrates, tels les Ben M’rad, Jmour et autres appendices du Tejdid ou de l’insignifiant tortiocrate en herbe Mohamed Kilani. Une victoire éclatante sur ce plan apportera une vigueur nouvelle à la dynamique entretenue par l’ensemble des forces opposées ou autonomes, telles la  LTDH (dont on ne sait cependant ce qu’elle peut attendre de l’agent Zakaria Ben Mostfa), le CNLT, le RAID, le Syndicat des journalistes ou l’Association des  Magistrats. Le contexte peut difficilement être plus propice à la concertation et  au travail d’équipe, condition première de toute ambition démocratique. Notre cause est juste et notre ennemi est déloyal. Il suffirait qu’une poignée de partis et de personnalités entament le processus. Comme en octobre 2005, le dynamique tournera ensuite par sa propre propulsion.. En quoi les Géorgiens ou les Ukrainiens seraient-ils plus dignes, plus intelligents ou plus courageux que les Tunisiens ?
Khaled Ben M’barek

 
(Source: L´Audace numéro du fevrier 2006 )

Arrestation de Mahmoud Thabet

 

La section de la Ligue Tunisienne pour la Défense des Droits de l’Homme de Monastir a fait état de l’arrestation, survenue à la mi novembre 2005, de monsieur Mahmoud Ben Salem Thabet, originaire de Moknine, père de trois enfants, ancien chauffeur de taxi, et mis à la disposition de la quatrième chambre d’instruction du Tribunal de Première Instance de Monastir.

 

Il a été écroué par la suite à la prison civile de Monastir. Sa famille affirme qu’il a été torturé lors de son interrogatoire puis placé en isolement pendant trois jours. Il est en grève de la faim depuis le 19 janvier 2006 : il exige d’être libéré afin de subvenir aux besoins de ses enfants et assumer le loyer du logement qui abrite sa famille.

 

La Ligue fait part dans son communiqué de sa vive préoccupation et de son inquiétude face à la détérioration de l’état de santé de monsieur Thabet. Elle demande à ce qu’il soit statué rapidement sur son affaire et qu’il soit libéré s’il n’y a aucune preuve de son implication dans les crimes qui lui sont reprochés.

 

(Source : El Maoukef N°345 du 3 février 2006)

 

(Traduction ni revue ni corrigée par les auteurs de la version originale, LT)

 


 

Banques tunisiennes :

Le rapport Fitch qui agace…

 

 

Lors de leur rencontre, la semaine dernière à Tunis, avec le ministre des finances Mohamed Rachid Kechich sur la consolidation du secteur financier tunisien, les représentants de la Banque mondiale et du FMI avaient tous en tête le récent rapport de Fitch North Africa sur les banques locales….

 

 

(Source : « Maghreb confidentiel », N° 727 du 2 février 2006)

 

Et voici le texte intégral du rapport qui peut être consulté sur ce lien:

Résultats 2004 des principales banques tunisiennes et perspectives 2005

 

(Source : le site officiel de « FITCH NORTH AFRICA », c’est une filiale de l’agence internationale de notation FITCH RATINGS et couvre à partir de sa base de Tunis, le marché de l’Afrique du Nord. Elle intervient également sur les pays francophones d’Afrique de l’Ouest.)

URL : http://www.fitchratings.com.tn

 


Caricatures  

 

 Ça fait longtemps que le sim-sala-mim ne fonctionne pas. Depuis des mois la porte est bloquée et pas moyen d’accéder aux trésors d’Ali Baba que ce web cachait. Un autre Ben Ali s’en est exclusivement approprié avec ses amis. Depuis ce maudit sommet sur la société de l’information (SMSI) la vie est dure pour les opposants. Il n’en reste plus que la nostalgie, que c’été beaux les jours quand on pouvait accéder à tous ces sites interdits moyennant des proxy, des anonymyser que même ceux qui ont inventé l’Internet n’ont pas acquis meilleur usage que nous. On surfait alors impunément sur toute la toile tout en se moquant à la dérision de ces chiens de gardes de la dictature qui cherchaient jour et nuit à nous en empêchait. C’été notre modeste contribution dans la création de postes d’emploi aux nouveaux parvenu sur le marché du travail.   On savait tôt où tard qu’il va céder ou être obligé de trouver un autre moyen pour nous barrer complètement l’accès. C’est fait, maintenant sans pouvoir se plaindre de ne pas avoir de connexion, on ne peut plus accéder à rien. Vous connaissez le haut débit chez vous, ici on a inventé le bas débit, l’ADSL à moins de 10 ça n’existe qu’en Tunisie. Qu’est ce qu’on se régalait quand nous avons ces vielles connexions ordinaires à 52. Ça c’été l’Internet…   Maintenant qu’on se rappelle avec regret on à l’impression que tout un monde ne nous appartient plus. Ça nous laisse la gorge sèche tellement on à l’impression d’avoir été repoussé arrière dans le temps. J’ai fini personnellement par me résigner, je suis revenu à mon calendrier classique, c’est plus conforme à ma réalité avec l’an 1527 je vie confortablement mon XVI ème siècle et bien conforme à mon temps. Je pense même changer de haillons et laisser tomber définitivement le pantalon pour endosser ces longs kamis bien aérés et de serrer tous ces maux de têtes par un grand turban, sans la bombe bien entendu, et que dieu nous protége des calomnies. Si on ajoute le temps depuis que je suis interdit de voyager, pour moi l’avion n’existe plus, ces OVNI je ne sais plus à quoi il sont bon avec leur bruit, chaque fois que j’en aperçois un je lis la fatiha et je me repent à dieux l’implorant de nous protéger quand il vont tomber. Et dire qu’on a encore à espérer de cette vie, imaginez comment peut-on la supporter si on ne crois pas en dieux, en sa clémence e dans la pitié de son prophète le jour du jugement dernier qui nous à promis le paradis avec tout ce qu’on décrit après l’épreuve de la misère de la vie.   Je n’ai vraiment rien à cacher du mal que je sens à vivre ma situation. Je ne m’arrête pas à méditer sur ce vers d’un fameux poète arabe qui dit : « Si vous êtes condamné à vivre sous un tyran soyez injuste et si vous vous trouvez avec des ignorants soyez aussi ignorant». Pour devenir ignorant il n’y a rien de plus facile qu’a l’être dans ce pays avec tous les efforts que nos gouvernants déploient pour nous le faciliter et les mensonges dont ils nous font mystifier qu’on se sent broyer par toute une machine à abêtir malgré soi. Mais devenir injuste pour un ancien magistrat révoqué, ça revient à leur donner raison à posteriori et en plus je risque avec ce que j’ai perdu dans la vie de perdre la récompense de ma patience dans l’au-delà. Ainsi l’enfer de Ben Ali plutôt que celle du bon dieu. Comme ça la mort n’est plus ce que pensait ces mécréants occidentaux qui ne comprennent rien à notre religion, la mort c’est notre délivrance. Sans qu’il y ait besoins de vierges du paradis ni du vin béni même un paradis a sec et dans la continence nous suffit face à ce qu’on endure ici.   Avec toutes ces idées étranges qui me passent par la tête je dors tard la nuit, d’ailleurs ça a toujours été comme ça je ne me suis jamais endormis de bon heur, ainsi les meilleurs moments de sommeil sont les derniers. Mais depuis quelque temps je me réveille chaque matin en sursaut avant 7 heures du matin sur le son assourdissant d’un magnétophone qui diffuse du coran du nouveau magasin juste en face de mon balcon. Le premier jour j’ai cru que c’est le signal du décès de son propriétaire. Allah yarhmou je me suis dis. Je ne le connais pas auparavant car il vient d’ouvrir récemment après que le propriétaire de l’immeuble avait aménagé l’appartement du rez-de-chaussée en magasin, dommage ça ne lui avait pas porté bonheur. Mais avec le passage des jours je commence à douter, le son de son magnéto couvrait celui de ma télévision à l’intérieure de chez moi et ça continu de 6h30 à 9 heures chaque matin.   Un dimanche j’ai sortit tôt le matin pour me rendre à Sousse visiter un ami et j’ai décidé de passer lui demander de baisser un peu le son. Après avoir user de toute la courtoisie et le calme que je pouvais avoir pour présenter ma doléance dans une telle situation il me surprend avec un regard de dédain par lequel il me balaya de haut en bas comme un mécréant : « Toi le coran te dérange? » surpris de la réaction j’essaie en vain de dissiper l’accusation d’impie dont il vient de m’assommer « non vous m’avez mal compris c’est le son qui me dérange… » Depuis j’ai compris que c’est la dernière trouvaille pour me torturer… ça peut faire du bien d’écouter le coran de bon matin… Peut être aussi que quelqu’un doit passer de bon matin au Souk-Town pour me dire si le son du stéréo est excessif ou si je commence à halluciner déjà. Au fond cette posture de martyr me convient et je pourrai trouver une dizaine d’histoires vraies qui m’arrive comme ça. J’aurai de quoi pleurnicher pendant toute une année tout en dénonçant la tyrannie de mon pays et me faire une stature d’opposant important qui fait pitié.   La dérision face à une caricature c’est qu’on se moque de vous tout en vous accusant de n’être que tel qu’on a voulus vous présenter, esprit tordu, passéiste et intolérant à cause de votre éaction. En réalité notre réaction ne les convient pas non pas parce qu’elle est disproportionnée avec leur infamie mais parce qu’elle leur avait fait mal là où ça leur fait mal le plus. Si l’insulte nous blesse dans notre orgueil d’être présenté de cette façon, ils ont le plus de mal à supporter les conséquences dans leur porte monnaie. Si non leur liberté d’expression ne jouerait que dans un seul sens. Comment peu-on comprendre leur droit d’exprimer leur racisme et leur phobie envers plus d’un milliard d’individus qui partagent la même identité dont ils veulent abaisser en la confondant avec le terrorisme et le passé tout en cherchant à tourner notre exercice de notre droit à l’expression de notre protestation comme arguments contre nous pour prouver que nous somme tels qu’ils nous ont décrit.   Le constat de tout ce qui est en train de se passe est que cette culture de négation de la diversité et de l’intolérance à la différence ne procède pas de nous mais de ceux qui cherchent à prouver par toute particularité l’infériorité de leur vis-à-vis pour mieux les dominer. C’est ainsi que l’esclavage, la colonisation se sont institutionnalisés et c’est ainsi encore qu’ils veulent perpétuer notre dépendance en marchés de leurs déchets et de leurs produits périmés.   Cette énième tentative de scellés leur alliance avec nos oppresseurs au moment ou la cause de la liberté commence à prendre pieds dans nos pays et donner de l’espoir dans son avènement on vient nous chanter qu’il est évident que la liberté d’expression ne peut être comprise sans retenu tant qu’on doit l’exercer aussi. Nous renvoyant ainsi à la même définition que nos dictateurs en ont déjà fait.   Par ces caricatures ils ne font que nous projeter notre image du fond leur inconscient avec la haine en plus. Ce qui semble souffrir le plus de cohérence et d’objectivité c’est cet esprit arrogant et hautain incapable de se rendre comte de sa bêtise et des scandaleuses façons dont il est en train de déstabiliser le monde aujourd’hui en s’opposant à son évolution. Le parti des fanatique à aussi des alliés en occident, c’est la meilleure façon d’aggraver la confusion entre la politique et la religion. J’avoue que ces danois me laisse pantois et ce n’est pas une insulte de leur dire que je n’ai aucune envie de voir mon pays aussi dépravé d’âme et d’esprit.   Laissons tomber ces misérables dessins, notre coran ne nous a jamais interdit les représentations graphiques et les photos contrairement à ce qu’ils disent pour se justifier, c’est d’accepter de s’humilier que notre religion nous prohibait. Pourtant malgré tous ces signaux déprimants il y de véritables données qui donne envie d’espérer.   Pour trouver la meilleure caricature qui stigmatise le degré d’incompréhension entre nos deux civilisations il suffit de se pencher sur ce qui est entrain de se passer en Palestine maintenant. Un parti terroriste vient de gagner les élections avec une écrasante majorité, cette qualification que tous les pays occidentaux lui ont collé tous les palestiniens qui ont voté pour lui (+75%) n’ont trouvé aucune scrupule à s’identifier et à lui remettre le destin de leur pays. D’habitude quand l’occident se trouve contrarié par ce genre de renversement de situation dans l’un de nos pays, notre avis n’est pas retenu, il fait faire le nécessaire par les militaire pour l’empêcher ou renverser l’autorité fraîchement plébiscitée. On s’en souvient de ce qui s’est passé chez nous ou pire encore en Algérie et partout ou de véritable changements ont pu se dessiner. Imaginez si nous étions à leur place quel imam naturalisé on leur aura installé en tête de leur gouvernement ces danois à la place de leur Rasmussen. Heureusement cela ne risque plus d’arriver, ils ont compris que les résultats de vraies élections doivent être respecté même chez nous et le américains ont allé jusqu’à accepter que l’Irak qu’ils occupait soit gouverné par des iranien si tel été la volonté des irakiens. Cela représente un acquis sans précédant dans la consécration de la liberté d’expression des peuples qui est en train de faire frémir tous les socles des dictatures qui prolifèrent particulièrement chez nous.   Le sarcastique dans le dessin est qu’on veut maintenant nous déposséder de ce qu’ils nous ont accordé par l’une avec l’autre main au nom du bon sens. C’est frustrant de nous priver de savourer ce signe de confiance dans notre choix. Ils posent des conditions pour que hamas s’aligne sur les conditions d’Oslo pour être accepté en partenaire dans la paix au lieu de commencer par réviser de la position ridicule dans laquelle le peuple palestinien les a mis en votant pour les terroristes qu’ils ont stigmatisés. On lui demande un hypocrite reconnaissance verbale de l’Etat d’Israël qui nie par les faits la simple possibilité d’existence de leur pays par son invasion de colonies fanatiques et armés, par son encerclement par un mur de ségrégation, par les incursions et le bombardements quotidiens. Et pour finir on leur demande de se désarmer et de se soumettre à l’armée d’occupation sans conditions alors que des dizaines de milliers continuent à croupir en prison pour résistance à l’occupation, qu’on continu à nier le droit de retour aux exilés etc…   Drôle de victoire dont on veut gratifier ce parti en acceptant le libre choix de son peuple on veut le ramener à appliquer la politique de ses ennemis, une telle logique ne peut plus être acceptée aujourd’hui qu’en cet occident sectaire et mal en point. Là encore nous somme en face d’un immense fossé d’incompréhension que seul le satire peut exprimer et nous auront besoin encore de longues années pour que le bon sens puisse triompher. Et pour leur faire comprendre que c’est au pays qui existe de reconnaître celle qu’il empêche d’exister. Que c’est le pays qui porte dans sont drapeau le symbole de son expansion au dépend de ses voisins d’enlever ces deux traits bleu synonyme du Nil et de l’Euphrate pour donner confiance dans sa volonté de paix et non ces mots d’une charte dépassé par l’actualité. Que c’est la puissance nucléaire non déclarée qu’on cherche à protéger au dépend de toues le conventions et non ce peuple désarmé qu’on continue à assassiner qui à plus besoin d’une protection internationale que de désarmement.   Il y a tant de choses à rectifier et que nos tyran assume la responsabilité par leur politique qui à consister à berner l’occident sur la véritable nature de nos revendications dans l’espoir de continuer à avoir sa protection pour nous gouverner malgré notre volonté. Pour que la confiance puisse s’instaurer et pour que nos générations futures ne se trouvent pas condamnés dés leur naissance et à la merci d’une sentence déjà prononcée qui ne leur laisse de la vie que l’espoir d’une délivrance en allant se faire exploser à la face de leurs ennemis partout ou ils sont.   Malgré tout ce que j’ai dis je demeure convaincu que si l’occident n’a pas exister il fallait l’inventer ne serait ce pour donner une parie à la liberté, ceux qui l’habite de nos concitoyens le savent mieux que moi pace qu’ils sont conscients à quoi il leur avait permis d’échapper dans leur propres pays. Serait-il trop demander de penser à enlever le siége qu’il à instauré autour de la liberté et d’accepter de la laisser s’étendre dans nos contrées ? Mais peuvent-ils comprendre qu’ils sont aujourd’hui le principal obstacle à l’émancipation d’une grande partie de l’humanité que ses enfants viennent échouer noyés dans leurs ports et écrasés sous les murailles de leurs cités. Si le sommet de la liberté est d’afficher librement ses bêtises, des bêtises ils nous ont saturé.   NB : ce texte n’est qu’une caricature procédant de mon droit au satire dont je n’ai pas à m’en excusé. Yahyaoui Mokhtar  

Source: le forum de TUNeZINE le 5 fevrier 2006

 


Les caricatures du prophète..,

Peut-on positiver l’Evénement?

 

Khaled TRAOULI

ktraouli@yahoo.fr

Tout était dit ou presque, nulle doute que l’affaire est grave, nulle doute qu’un symbole aussi important que le prophète est malmené, nulle doute que des millions d’individus sont offensés, nulle doute qu’une religion mal comprise est ridiculisée, nulle doute que la conception de la liberté et de ses limites sont différemment appréciées, nulle doute que la provocation ne peut que susciter plus de méfiance et plus d’incompréhension et plus de barrières…surtout lorsqu’elle s’exprime sans talent et sans connaissance de son environnement et de ses propres limites ! Nulle doute que « la démocratie n’a rien à gagner à ces excès, la liberté tout à y perdre »

Mais devant cet acte et les événements qu’il a suscité, une question pourrait s’imposer, une question qui pourrait extrapoler la situation dans l’avenir et permettre de la percevoir sous un autre angle, sous une autre grille de lecture : Pourrait-on positiver ces évènements ?

Les masses dans la rue qui dit mieux ?

Ces manifestations qui ont secoué le monde musulman demeurent, tout en restant non violentes, des actes nouveaux et insolites notamment dans la partie arabe, bien qu’elles soient des contestations dirigées vers l’extérieur. En effet la chape de plomb et le rideau de fer qui ont quitté les pays de l’ex bloc soviétique ont trouvé refuge dans cette partie du monde, ou l’hégémonie de la pensée unique, de la voie unique, du parti unique, ont balayé toute forme de contestation et marginaliser toute forme d’opposition, les masses sont cantonnées dans la misère pour certains, et le mutisme pour d’autres… Ceci n’est plus une révélation, le monde arabe dans sa majorité connaît le silence des cimetières malgré la présence de temps en temps de quelques étincelles de réveil soudaines et instantanés, qui jaillissent et  meurent dans le noir et les cris !

Les masses sont dans la rue, et le pouvoir semble apprécier et jouer le jeux de la défense de la religion, certains diront que le gouverneur est un individu comme les autres qui était offensé dans sa foi, d’autres diront que l’amour de Mohammed et sa défense ne sont le monopole de personne, d’autres diront que les gouvernements n’avaient pas le choix, ils se trouvaient entre le marteau et l’enclume, laisser la rue à sa guise… et c’est la récupération par le mouvement islamique qui ne tardera pas ; ou bien interdire la contestation et refuser les manifestations, et c’est encore pire, le peuple n’acceptera pas et pourrait tomber dans l’excès, ce qui pourrait générer des actions violentes aussi bien contre l’étranger mais surtout contre les régimes en place. Suivre l’effervescence de la rue semble la solution idéale, ou du moins celle du moindre mal.

Mais quelques soient les finalités, quelques soient les interprétations, les masses sont dans la rue et c’est là où l’événement prend toute son ampleur et sa dimension intérieure et « révolutionnaire », l’apprentissage que va acquérir la masse en descendant dans la rue, l’habitude de réclamer pacifiquement et à bouche ouverte et à haute voix ses revendications, ses demandes et ses désirs. Et c’est dans ce sens, et sans exagérer notre optimisme, que ce mouvement de foule peut s’installer dans la conscience  et dans les faits. La peur de manifester sa peine ou sa joie vis à vis du régime peut être ébranlée, car un peuple qui s’habitue à la rue ne pourrait plus la quitter.

Positiver la sortie des masses signifie acquérir cette volonté de bouger, cette mentalité d’écarter la peur et de concrétiser ses choix et ses exigences sur le terrain. Et c’est dans ce sens qu’un éventuel processus de changement « à l’ukrainienne » dans lequel la rue aura son mot final, pourrait tisser sa toile, la démocratie serait imposée par la rue dans la rue et à travers la rue !

Toute fois l’absence de cette possibilité d’une révolution « orange » dans le monde arabe ne tient pas au manque d’ingrédients , ni l’Ukraine ni la Géorgie n’avaient une tradition de rue certes, tous les deux venaient de sortir d’un long tunnel de mutisme et de silence,  la rue ne constitue en faite que le catalyseur et l’étincelle qui ébranle et détruit le mur de la peur  et broie la chape de plomb, elle  constitue la première forme de défis et les premiers pas vers la libération. C’est une prise de conscience du rôle de la rue, et du rôle de la masse dans le changement. La rue demeure une école d’action et de revendications qui ne peut pas remplacer la volonté d’un peuple à réagir mais pourrait concrétiser ce désir à la liberté et coopérer à sa réussite.

La liberté oui mais dans les deux rives !

Une fausse confrontation s’était installée entre d’une part une société, une tradition, une culture qui vit de liberté et la sacralise ; et une autre société moyenâgeuse, une culture obscure, et une censure dominante qui règne sur la conscience et les gestes. Sans s’arrêter sur l’éventualité d’une déviation que pourrait générer de telle amalgame, toute fois dans ces propos il y’a une partie de vérité qui forme cet état de censure et de manque de liberté dans nos pays.

Ce n’est pas aujourd’hui que le monde découvre l’état de délabrement avancé des libertés dans le monde arabe… Oui il y’a une différence entre les deux rives vis à vis de la place de la liberté dans le processus de développement, oui il y’a une différences entre les régimes et systèmes entre les deux rives, oui il y’a d’un côté une liberté  tout aussi relative mais régnante et défendue par la loi, et dans l’autre une censure et un manque de liberté défendu par l’arbitraire et la corruption… Mais fallait-il attendre ces événements regrettables pour les souligner ?

Nous estimons que le manque de liberté dans cette partie du monde est une pierre angulaire de la mauvaise gouvernance dans ces pays, et que l’arbitraire et son hégémonie sur toute la vie sociétale est une réalité que subit des millions d’individus condamnés au silence, le rôle des occidentaux est d’être « justes » et cohérents avec leurs principes et leur histoire. Exiger la liberté au-delà de leur rives est une demande morale et  une revendication éthique qui étaient souvent absentes ou marginalisées devant les exigences des intérêts des uns et des craintes des autres.

Positiver les événements actuels c’est pousser l’Occident à la prise de conscience que la liberté n’a pas une seule et unique adresse, et que des millions d’individus regardent avec un air d’étonnement et de rejet cet air de deux poids deux mesures.

Enfin il y’a sûrement d’autres voix, d’autres angles d’autres grilles pour positiver ces événements regrettables, nous pensons surtout à la question de l’universalité et la particularité qui pourrait engendrer d’autres réflexions et générer peut-être une prise de conscience de l’existence de l’autre, sans toute fois que l’un ni l’autre nie ses racines ni épouser l’arbitraire, mais ceci c’est un autre débat et un autre issu peut-être !

(Source : le site du LIQAA  www.liqaa.net , le 5 février 2006)


CARICATURES XENOPHOBES ET REACTIONS FANATIQUES :  A QUAND LA FIN DES AMALGAMES ?

Par Mohamed-Chérif FERJANI* Les réactions suscitées par les caricatures concernant le Prophète de l’islam dans les mondes de l’islam comme celles qu’elles ont provoquées dans le reste du monde, plus particulièrement dans les pays occidentaux, témoignent de l’ampleur des amalgames, des incompréhensions et des malentendus qui alimentent les tensions et les haines des deux côtés. Que le message véhiculé par quelques unes des caricatures en question soit xénophobe, il n’y a aucun doute. Qu’il contribue à entretenir la confusion entre islam et terrorisme, c’est évident. Qu’il soit « caricatural », comment peut-il ne pas l’être puisqu’il s’agit précisément de caricatures ? Que des musulmans et des antiracistes soient choqués et indignés par ce genre de messages et le condamnent, c’est légitime et normal. Mais que ce soit un prétexte à un tel déchaînement de délires fanatiques, liberticides et aussi xénophobes que ce qui est dénoncé dans les caricatures incriminées, c’est non seulement inadmissible, c’est grave et dramatique à la fois. En effet, ces réactions se situent sur le même terrain de la xénophobie et de la vision caricaturale de l’AUTRE – avec l’art en moins – qui a inspiré les images qu’elles veulent dénoncer. Ce faisant, elles ne font qu’apporter l’eau au moulin des préjugés qui assimilent islam, fanatisme, et terrorisme. Les plus xénophobes s’en frottent les mains en y voyant la preuve de ce qu’ils ont toujours dit de l’islam et des musulmans. Certains, parmi les mieux disposés à l’égard des musulmans, croient leur trouver une excuse en prétendant que « l’islam interdit la représentation du Prophète » ! Où ont-ils trouvé les fondements d’un tel interdit ? Si ce qu’ils disent est vrai, comment se fait-il qu’on puisse admirer dans des musées d’art musulman, y compris dans des pays musulmans, des miniatures musulmanes représentant le Prophète de l’islam avec d’autres prophètes ou avec ses proches et ses compagnons ? S’agit-il d’un interdit de l’islam ou de théologiens rigoristes, comme on en trouve dans différentes religions, qui s’autorisent à interdire non seulement la représentation du Prophète mais aussi toute représentation humaine ? Ce ne sont pas les images d’hystérie collective, par lesquelles des musulmans ont réagi aux caricatures publiées dans un journal danois, qui vont faire reculer les préjugés sur l’islam et le monde musulman ! Au lieu d’envier aux pays européens les droits dont ils jouissent et qui leur manquent tant, ces musulmans se laissent manipuler par leurs gouvernants qui, tout en les opprimant et les privant de leurs droits fondamentaux dont en premier la liberté d’expression, les laissent se défouler contre les pays occidentaux pour demander aux Etats européens de se mettre à leur école et limiter la liberté de la presse ! Les victimes des dictatures revendiquent pour les peuples jouissant de la liberté d’expression le même régime que leur imposent leurs oppresseurs ! Les musulmans qui se laissent ainsi manipuler savent-ils vraiment ce qu’ils demandent et pour le compte de qui ? Au lendemain de la victoire de Hamas aux élections palestiniennes, et au moment où les pressions de l’intérieur et de l’extérieur se font sentir pour que les régimes en place acceptent un minimum de réformes démocratiques, ceux qui participent à ces manifestations savent-ils qu’il sont encore une fois victimes de la surenchère entre l’islam politique fanatique, les dictatures aux abois et les « modernistes » timorés qui se disputent le credo de l’islam sur le dos de leur quête de dignité et de liberté ? Sinon, comment expliquer l’intervention de ces réactions en ce moment, quatre mois après la publication des caricatures qui ont suscité tant de haine ?
*(Professeur à l’Université Lyon2, Directeur du GREMMO, UMR 5195, CNRS-Université Lyon2, Auteur de travaux sur l’islam, le monde arabe, la laïcité et les droits humains dont Le politique et le religieux dans le champ islamique, Fayard, 2005, et Islamisme, laïcité et droits de l’Homme, L’Harmattan, 1992)
(Source: Alerte electronique de M Tarek BEN HIBA le 5 fevrier 2006)

FORCER LE RESPECT

 Par M’hamed JAIBI

  

 

L’affaire des caricatures publiées par un journal danois pose de nouveau, et de manière solennelle, la problématique des rapports entre les cultures et religions de ce monde.

Certes, ces caricatures portent gravement atteinte aux croyances des Musulmans et constituent une provocation agressive de très mauvais goût.

Mais cet événement a donné l’occasion à un large débat international sur le respect des sacralités et spécificités des multiples communautés d’un monde en profonde mutation que la globalisation, les chaînes satellitaires et les technologies de l’information rendrent de plus en plus compact et solidaire, conforme à ce destin de « village planétaire » qui ne cesse de s’affirmer.

Le journal ayant publié ces dessins ridicules s’est excusé, de même que l’auteur lui-même. Et la crise doit donc normalement être considérée comme circonscrite. Mais l’événement a été l’indice d’une réactivité notable au sein des communautés musulmanes, avec les risques d’explosion que le vaste mouvement de protestation populaire a révélés. De sorte que l’opinion occidentale et les sphères de décision politiques, économiques et médiatiques ont été édifiées sur l’impact international que peuvent avoir, désormais, des délits délibérés d’atteinte aux croyances et au sacré d’une communauté.

La campagne de boycott des produits danois en est l’un des indices les plus originaux. Sachant, toutefois, que le Danemark, en tant que pays démocratique, ne pouvait empêcher la publication de ces « caricatures », et ne pouvait les mettre judiciairement en cause en l’absence d’une plainte en bonne et due forme. Ce qui pose, de nouveau, le problème de l’absence d’un véritable lobbying arabo-musulman.

Cela dit, il ne faudrait pas, comme c’est souvent le cas, que d’agressés, nous ne passions au banc des accusés. Les réactions les plus fermes, mais les plus courtes, sont souvent les meilleures. Tout comme les mauvaises « plaisanteries », fussent-elles danoises.

Le monde arabo-musulman a réagi comme un seul homme. Cela a été perçu par l’ensemble de l’opinion mondiale et des Etats occidentaux comme un holà accepté de manière sportive et amicale par tous. Il faut tout faire pour en tirer profit, dans la durée de rapports de respect et de confiance, et ne pas transformer une victoire en défaite, par des gesticulations désormais ou des prolongations sans fin. l’Islam a subi un affront qui s’est transformé en reconnaissance. Prenons en acte pour avancer et forcer, à l’avenir, le respect de tous.

(Source :Editorial du N° 12 du journal électronique édité à Tunis par « Le Groupe de Presse Libre & Communication », en date du Samedi 4 Février 2006)

URL: http://www.gplcom.com/journal/fr/


 

COMMENTAIRES À MON AMI ABDELHAMID ET LES AUTRES

 

BALHA BOUJADI

 

J’ai quelques commentaires à faire à tous ceux qui m’ont écrit après le papier que j’ai publié à Tunisnews à propos de la manipulation islamiste de l’affaire des caricatures.

 

1-       Je remercie monsieur Abdelhamid Addassi pour les informations qu’il a données sur la chronologie de l’affaire, je reconnais ne pas avoir autant des détails, et j’apprécie beaucoup les démarches diplomatiques et je respecte la position du gouvernement danois qui dit ne pas pouvoir s’entremêler dans les affaires de la liberté de presse et d’_expression, car c’est vrai, il s’agit d’un pilier de la démocratie, et la liberté d’_expression doit être totale ou rien de tout. Si chez nous, nous avons une culture d’interdits, ce n’est pas normal d’imposer les mêmes interdits aux autres. Ce qui est grave c’est la mobilisation et la manipulation de la rue, car jouer sur les sentiments religieux pour enflammer les foules c’est déclarer la guerre à une autre culture, et on n’en a pas besoin maintenant, ni des guerres et surtout… ni d’autres défaites… c’en est trop déjà.

 

2-       Mon ami Addassi évoque ensuite que les musulmans sont les premiers à avoir défendu la liberté d’_expression, mais (et il y’a toujours un « mais ») il faut que ça soit « une bonne » _expression. Là, je me suis perdu, car la « bonne » _expression d’après quel critère moral ?  la morale des ayatollahs ? des Talibans ? de Tourabi ? de Kotb ? de Ghannouchi… Et si tout le monde est « libre » de s’exprimer à condition de s’exprimer dans les règles où est la liberté ? C’est-à-dire que la liberté est conditionnelle, et les occidentaux ont brisé toutes les conditions qui entravent leur liberté et ce depuis la révolution française.

 

3-       Il dit aussi que les occidentaux nous haïssent car nous sommes des gens honnêtes qui quand nous promettons une chose nous accomplissons nos promesses. C’est tellement superficiel ce que tu dis car eux aussi ils sont encore plus sérieux que nous, sinon ils ne seraient pas là où ils sont au niveau du progrès social, économique et culturel. Personnellement je n’ai jamais été trompé par un européen, alors que par mes frères musulmans, je peux en écrire un livre.

 

4-       Quant à Hamas et la question d’argent des européens, c’est une autre histoire de manipulation, car les islamistes ont exploité l’affaire et ils ont crié au scandale comme s’il s’agit d’un chantage. Or, ces aides généreuses pour le peuple palestiniens se font dans le cadre de la feuille de route et des conventions d’Oslo. Les européens donnaient de l’argent à un pouvoir qui a reconnu Israël et qu’il a accepté de négocier avec lui et suivre un processus de paix pour construire deux Etats souverains et indépendants : La Palestine et Israël. Cependant, Hamas ne reconnaît pas Israël et dans sa charte il est écrit noir sur blanc que sont objectif est de détruire l’état hébreu. Par conséquent le processus de paix va être avorté et la guerre va être déclarée (Si Hamas ne change pas de charte). Alors les européens ont respecté le résultat des urnes mais ils ne sont pas disposés à donner leur argent à une organisation qui pense l’utiliser pour acheter des armes et commettre des massacres. Alors laissez vos discours sur la dignité et l’orgueil pour une autre occasion et oeuvrons tous pour la paix afin que ce peuple palestinien pris en otage par les régimes dictatoriaux du monde arabe et par la littérature romantiques des nationalistes et des islamistes puisse un jour connaître un peu de liberté et de tranquillité.

 

5-       Je n’ai rien contre les barbes, mais ce qui cache derrière. Regardez Saddam Houssein avec sa barbe, il est beau comme un ange. Regardez comment il arbore le Coran sacré comme s’il était le symbole de la sainteté et de la sagesse, alors qu’il a massacré des milliers des gens. Tu peux porter ta barbe comme tu veux, ça ne me dérange pas, ce qui me dérange c’est ta façon de penser et d’agir.

 

 

Quand j’ai vu aujourd’hui les foules syriennes s’acharner sur l’ambassade danoise sous les regards bienveillant des agents de l’ordre, j’ai compris beaucoup sur la manipulation des masses pour qu’un régime criminel, le syrien, qui a tué Hariri, Touini, Kassir,  et les autres journalistes et politiciens… puisse se venger d’un occident qui l’a acculé à fuir le Liban.

 

Quand je vois comment les régimes de Moubarek, de Ben Ali, des saoudiens et des iraniens… exploitant l’affaire des caricatures pour commencer à disserter sur la liberté d’_expression, j’ai envie de vomir, car ces gens là qui n’ont jamais exercé la liberté d’_expression même pas avec leurs épouses, veulent aujourd’hui donner des leçon aux danois et aux norvégiens. Sans parler des islamistes qui ne font que fabriquer des robots sans volonté ni sentiments, tous préparés à obéir et à répéter comme des perroquets les citations de leurs maîtres à penser. Tout ce beau monde insulte notre intelligence chaque fois qu’il parle de la liberté et encore plus s’il emploie la religion et l’image de prophète pour atteindre leurs fins mesquines.

 

BALHA BOUJADI, le 5 février 2006

balhaboujadi@yahoo.es


 

« Un Maghreb des peuples »

 

Gustavo Marin (*) , du Comité de Pilotage du Forum social maghrébin, résume l’assemblée qui s’est tenue fin janvier à Bouznika, au Maroc

 

Le rêve du Maghreb des Peuples commence à prendre corps. L’Assemblée préparatoire du Forum social maghrébin s’est tenue en même temps que le Forum à Caracas, du 27 au 29 janvier à Bouznika au Maroc. Plus de 500 altermondialistes venus de la Tunisie, de l’Algérie, de la Mauritanie, des associations maghrébines d’Europe, et des internationaux venus de Sénégal, Zimbabwe, Brésil, Chili, Italie, Espagne, France ainsi que les animateurs du Comité d’organisation du prochain Forum social mondial à Nairobi en janvier 2007 ont animé les travaux, avec les associations et les syndicats marocains organisateurs de cette assemblée.

 

Cette Assemblée constitue une véritable Assemblée de Citoyens et représente un fait inédit dans l’histoire des mouvements sociaux et de la société civile de la région.

Un trait significatif de ce rassemblement a été la présence des Sahraouis venus du territoire du Sahara Occidental et des animateurs des associations de la société civile sahraouie.

Les femmes et les jeunes ont été largement représentés.

 

Tous les participants sont engagés à gagner la paix, à transformer profondément les sociétés du Maghreb, à lutter sans relâche pour que les peuples eux-mêmes prennent en main leur destin. Tous sont décidés à surmonter les obstacles que les régimes dictatoriaux et les oligarchies politiques et financières imposent à la démocratisation et au développement humain des peuples du Maghreb.

Les ateliers ont permis de lancer les travaux pour l’élaborer des propositions sur

 

* la résolution des conflits dans la région, en particulier au Sahara Occidental,

* la démocratisation des systèmes politiques et le respect de tous les droits,

* la mise en oeuvre des politiques économiques et sociales capables de répondre aux besoins sociaux et de contrecarrer les effets pervers de l’insertion du Maghreb dans la mondialisation néolibérale,

* le renforcement des organisations des femmes et de jeunes,

* la protection des migrants d’Afrique sub-saharienne et des pays du Maghreb dans la région et en Europe, et la mise en place de politiques qui fassent des flux migratoires un levier pour le développement économique et social et arrêter, maintenant et définitivement, le véritable système esclavagiste qui s’impose sur les migrants,

* la valorisation des multiples initiatives de protection de l’environnement et de gestion responsable et durable des ressources, notamment de l’eau et de sources d’énergie.

 

Maintenant les travaux en vue du Forum social maghrébin sont lancés. Tout au long de l’année 2006 de forums locaux, nationaux, par thèmes, seront organisés partout dans le Maghreb. Le but est de faire que les forums deviennent réellement des forums sociaux, participatifs, de plus en plus ouverts et pris en mains par les organisations sociales, les syndicats, les ONG, les réseaux associatifs, les groupements d’artistes et de jeunes.

 

Pour donner du temps au temps, mais avançant dès maintenant, un consensus large s’est dégagé pour que le Forum social maghrébin se tienne après le Forum social mondial de janvier 2007 à Nairobi. Fort probablement il aurait lieu en mai 2007 et pour le choix du lieu il y a maintenant l’embarras du choix. Les Marocaines et les Marocains souhaitent qu’il se tienne au Maroc, mais ils sont aussi conscients qu’il est nécessaire de faire partager leur riche expérience de deux forums nationaux et de cette assemblée préparatoire dans d’autres pays de la région. Les Algériennes et les Algériens souhaitent également que ce forum se tienne à Alger. Une de grandes surprises de cette assemblée de Bouznika est l’entrée remarquable des Mauritaniennes et des Mauritaniens qui ont très chaleureusement invités tous à venir en Mauritanie et tenir la Forum social maghrébin à Nouakchott. Ces invitations mutuelles, cette ouverture aux autres, sont certainement la contribution la plus significative que les Maghrébines et les Maghrébins rassemblées à Bouznika apportent à la construction d’un autre Maghreb et d’un autre monde maintenant et dans le futur.

 

L’Assemblée s’est terminée sur « les pateras de la dignité » à l’embouchure du fleuve à Rabat où des Sub-sahariens, des Maghrébins et les invités internationaux ont rencontré la presse pour annoncer le lancement des travaux vers le Forum social maghrébin en mai 2007.

 

(*) Gustavo Marin

Fondation Charles Léopold Mayer

Conseil international du Forum social mondial

 

(Source : Article paru dans POLITIS N° 887 de la semaine du 2 au 8 février 2006, page 15.)


Le silence de Reporters Sans Frontières sur le journaliste torturé à Guantanamo

par Salim Lamrani*

Le silence observé par l’organisation de « défense de la liberté de la presse », Reporters sans frontières (RSF), au sujet du journaliste soudanais, M. Sami al Hajj, suscite de nombreuses interrogations quant à l’impartialité de l’association dirigée par M. Robert Ménard. Toujours prompte à stigmatiser, souvent de manière arbitraire, certains pays dans la ligne de mire de Washington tels que Cuba, le Venezuela et la Chine, RSF a totalement ignoré le calvaire enduré par M. al Hajj, travaillant pour la chaîne de télévision qatarie Al Jazeera [3].

 

Le 22 septembre 2001, Al Jazeera a envoyé une équipe de journalistes, dont faisait partie M. al Hajj, enquêter sur le conflit en Afghanistan. Après 18 jours de reportage, le groupe s’est retiré au Pakistan. En décembre 2001, M. al Hajj est retourné avec ses collègues couvrir l’investiture du nouveau gouvernement afghan. Mais, avant d’avoir pu atteindre la frontière, la police pakistanaise a procédé à l’arrestation du journaliste soudanais, relâchant les autres membres de l’équipe qatarie [4].

Transféré aux autorités étasuniennes installées en Afghanistan, M. al Hajj allait vivre un véritable cauchemar sur la base aérienne de Bagram. « Ce furent les pires [jours] de ma vie », a-t-il témoigné. Il a avoué avoir été abusé sexuellement et menacé de viol par les soldats nord-américains. Il a également été gravement torturé pendant de longs mois. Les sévices à son encontre ont été multiples. Il était obligé de se mettre à genoux à même le sol pendant plusieurs heures. Des chiens le harcelaient et l’agressaient constamment. Le journaliste soudanais a également été longtemps enfermé dans une cage et placé dans un hangar à avions glacial. Il a expliqué comment ses cheveux et les poils de sa barbe ont été arrachés un à un par ses bourreaux. Il a été régulièrement passé à tabac par ses gardes et, durant près de 100 jours, il n’a pas été autorisé à se laver alors que son corps était couvert de poux [5].

Le 13 juin 2002, M. Sami al Hajj a été expédié à Guantanamo. Durant le vol, il a été maintenu enchaîné et bâillonné avec un sac sur la tête. A chaque fois que la fatigue le gagnait, il était violemment réveillé par ses gardes qui le frappaient à la tête. Avant son premier interrogatoire, il a été privé de sommeil pendant plus de deux jours. « Pendant plus de trois ans, la plupart de mes interrogatoires avait pour but de me faire dire qu’il y a une relation entre Al Jazeera et Al Quaeda », a-t-il rapporté à son avocat [6].

Sur le territoire cubain illégalement occupé par les Etats-Unis, le reporter soudanais n’a pas reçu d’attention médiale alors qu’il a souffert d’un cancer de la gorge en 1998, et qu’il est atteint de rhumatismes. Il a été frappé sur la plante des pieds et intimidé par des chiens menaçants. Il a été victime de brimades racistes et n’a pas été autorisé à profiter des temps de promenades en raison de sa couleur de peau. Il a également été témoin de la profanation du Coran en 2003 et, avec ses codétenus, s’est mis en grève de la faim. La réaction de l’ armée étasunienne à la protestation a été extrêmement violente : il a été battu et jeté du haut des escaliers, se blessant sérieusement à la tête. Il a ensuite été isolé avant d’être transféré vers le Camp V, le plus sévère de tous les centres de détention de Guantanamo, où il a été classé au niveau de sécurité 4, niveau qui est synonyme des pires brutalités [7].

Ce témoignage, accablant pour l’administration Bush qui refuse toujours d’accorder le statut de prisonniers de guerre aux détenus de Guantanamo, s’ajoute à deux déclarations faites par d’autres victimes à Amnistie Internationale, tout aussi accusatrices [8]. Cependant, ils ne constituent que la pointe émergée de l’iceberg. A Guantanamo, le crime est double : les Etats-Unis infligent les barbaries les plus inhumaines à des personnes séquestrées sans preuves formelles, et occupent par la force une partie du territoire de la nation souveraine de Cuba.

La collusion entre RSF et Washington s’est déjà illustrée dans le cas du cameraman espagnol José Couso, assassiné par les soldats de la coalition. Dans son rapport, l’entité parisienne avait exonéré de toute responsabilité les forces armées étasuniennes malgré les preuves flagrantes. La connivence entre RSF et le Département d’Etat nord-américain était telle que la famille du journaliste a dénoncé le rapport, demandant à M. Ménard de se retirer de l’affaire. La complicité est également évidente dans le cas de Cuba, où RSF transforme des agents stipendiés par les Etats-Unis en « journalistes indépendants », alors l’information à ce sujet est disponible et inconstestable [9].

Les autorités étasuniennes se réjouissent des rapports tendancieux de RSF et les utilisent même dans leur guerre propagandiste contre Cuba. M. Michael Parmly, chef de la Section d’intérêts nord-américain à La Havane, a affirmé que 20% des journalistes emprisonnés dans le monde « se trouve à Cuba. Reporters sans frontières a récemment établi un classement de 164 pays pour la liberté de la presse ; Cuba a été classé avant-dernier juste devant la Corée du Nord [10]  ».

Mise en cause pour sa stigmatisation constante de Cuba à partir d’éléments factuels erronés et pour son alignement sur le point de vue étasunien, RSF a tenté de répondre aux accusations. Mais le manque de cohérence du communiqué ainsi que les propos contradictoires observés n’ont fait que renforcer les soupçons [11]. En effet, M. Ménard n’a point fourni d’explications sur les liens douteux et les diverses réunions de son organisation avec l’extrême droite cubaine de Floride. Le secrétaire général de RSF va même jusqu’à afficher son admiration pour M. Franck Calzón, président du Center for a Free Cuba, organisation extrémiste financée par le Congrès des Etats-Unis. « Il fait un travail fantastique en faveur des démocrates cubains », a-t-il assuré à son sujet [12]. Par la suite, RSF a été contrainte d’avouer publiquement qu’elle recevait un financement de ce même Centre [13].

De la même manière, RSF a perçu des émoluments par le National Endowment for Democracy, organisme dépendant du Congrès et chargé de promouvoir la politique étrangère étasunienne [14]. Ce financement entraîne un conflit d’intérêts au sein de l’ organisation française, peu disposée à dénoncer les exactions commises par l’un de ses mécènes, à savoir le gouvernement des Etats-Unis. Avant la publication du témoignage divulgué par Amnistie Internationale, M. Ménard aurait toujours pu prétendre ignorer l’existence de M. Sami al Hajj. Mais, malgré la forte médiatisation internationale de ces nouveaux cas de torture sur la base navale de Guantanamo, RSF n’a toujours pas daigné s’ intéresser à ce scandale et s’est réfugié dans un mutisme révélateur.

La censure de ce nouveau cas de grave violation de la liberté de la presse commise par l’administration Bush ne fait que confirmer un peu plus le double discours de Reporters sans frontières. Pendant que l’organisation s’acharne de manière démesurée sur Cuba alors que les cas évoqués sont loin d’être convaincants, elle reste silencieuse sur une flagrante atteinte à l’intégrité d’un journaliste, emprisonné et torturé uniquement parce qu’il travaille pour la chaîne qatarie Al Jazeera, extrêmement influente dans le monde arabe et peu complaisante envers Washington. La crédibilité de l’organisation de M. Ménard, déjà fortement ébranlée par son traitement partial et ses liens avec le gouvernement des Etats-Unis, est de plus en plus en berne car de tels manquements comparés à la récurrence obsessionnelle de certains sujets comme Cuba ne peuvent pas être le fruit du hasard.

Salim Lamrani Chercheur français à l’université Denis-Diderot (Paris VII), spécialiste des relations entre Cuba et les Etats-Unis.

Dernier ouvrage publié : Washington contre Cuba : un demi-siècle de terrorisme et l’affaire des Cinq, Le Temps des Cerises éd.  


[1] Amnistie Internationale, « USA : Who Are the Guantanamo Detainees ? Case Sheet 16 : Sudanese National Sami al Hajj », 11 janvier 2006. http://web.amnesty.org/library/index/ENGAMR512072005 (site consulté le 14 janvier 2006).

[2] Amnistie Internationale, « USA : Who Are the Guantanamo Detainees ? Case Sheet 16 : Sudanese National Sami al Hajj », 11 janvier 2006. http://web.amnesty.org/library/index/ENGAMR512072005 (site consulté le 14 janvier 2006).

[3] Amnistie Internationale, « USA : Who Are the Guantanamo Detainees ? Case Sheet 16 : Sudanese National Sami al Hajj », 11 janvier 2006. http://web.amnesty.org/library/index/ENGAMR512072005 (site consulté le 14 janvier 2006).

[4] Ibid.

[5] Ibid.

[6] Ibid.

[7] Ibid.

[8] Amnistie Internationale, « USA : Days of Adverse Hardship in US Detention Camps – Testimony of Guantánamo Detainee Jumah al-Dossari », 16 décembre 2005. http://web.amnesty.org/library/Index/ENGAMR511072005 (site consulté le 14 janvier 2006) ; Amnistie Internationale, « USA : Who Are the Guantánamo Detainees ? Case Sheet 15 : Yemeni National Abdulsalam al-Hela », 11 janvier 2006. http://web.amnesty.org/library/index/ENGAMR512062005 (siteconsulté le 14 janvier 2006).

[9] Famille Couso, « La familia de José Couso pide a Reporteros Sin Fronteras que se retire de la querella », 17 janvier 2004. www.josécouso.info (site consulté le 18 juillet 2005).

[10] Michael E. Parmly, « Speech by U.S. Interests Section Chief of Mission Michael Parmly Marking the 57th Anniversary of the UN General Assembly’s Adoption and Proclamation of The Universal Declaration of Human Rights », United States Interest Section, 15 décembre 2005. http://havana.usinterestsection.gov/uploads (site consulté le 29 décembre 2005).

[11] Reporters sans frontières, « Pourquoi s’intéresser autant à Cuba ? La réponse de Reporters sans frontières aux accusations des défenseurs du gouvernement cubain », 6 juillet 2005. www.rsf.org/article.php3 ?id_article=14350 (site consulté le 15juillet 2005).

[12] Salim Lamrani, Cuba face à l’Empire : Propagande, guerre économique et terrorisme d’Etat (Outremont, Québec : Lanctôt, 2005), pp. 88-89.

[13] Reporters sans frontières, op.cit.

[14] Ibid.

(Source : Voltairenet, Réseau de presse non-alignée, le 30 janvier 2006)

URL : http://www.voltairenet.org/article134695.html


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