Liberté et Equité: Mohammed Ali Layouni a disparu – Appel urgent Liberté et Equité: Sous le nouveau gouvernement provisoire – Des jeunes de Sidi Bouzid sont déférés pour un procès Parti du Travail Patriotique et Démocratique de Tunisie: Le nouveau gouvernement tunisien jette déjà le masque RABAM: La déliquescence du JOUG COLONIAL Karim BEN SLIMANE: Les pieds dans le tebsi : « Tunisa got talents » Ahmed BEN AMOR : Repos fixe marche Intervention de Mouhieddine Cherbib, au Conseil National d’ Europe Ecologie Les Verts Sonia D.: Le bal des assassins Khaled Falah: Arrivée à Tunis d´une délégation d’Enahj Edimoqrati du Maroc
AFP: Tunisie: l’opposant islamiste Rached Ghannouchi est arrivé à Tunis AFP: Rached Ghannouchi, le visage de l’islamisme tunisien, rentre au pays Reuters: L’islamiste Rachid Ghannouchi de retour en Tunisie AP: L’islamiste Rached Ghannouchi de retour en Tunisie après plus de 20 ans d’exil ATS: Tunisie: Rached Ghannouchi de retour après plus de 20 ans d’exil AFP: Tunisie: l’islamiste Ghannouchi pas candidat à la présidentielle AFP: Tunisie: l’islamiste Rached Ghannouchi ne briguera pas la présidence AFP: Tunisie: Paris doit très vite montrer sa solidarité (nouvel ambassadeur)
REVUE DE PRESSE
Mohammed Ali Layouni * a disparu Appel urgent Toute personne ayant des renseignements à son sujet est priée de prendre contact avec sa famille
A la suite de la charge répressive menée par les forces de police contre les manifestants place de la Kasbah dans l’après midi du 28 janvier 2011, et les courses poursuites dans les rues de la capitale et les ruelles de la médina, après que les jeunes aient été blessés et nombre d’entre eux arrêtés, la famille du jeune Mohammed Amine Laouini *(lycéen, 17 ans, originaire de Regueb dans le gouvernorat de Sidi Bouzid), a fait savoir que leur fils avait disparu et que son nom ne figurait pas dans la liste des personnes déférées au tribunal samedi 29 janvier 2011. Toute personne ayant des informations est priée de contacter sa famille au 97 243 071 Pour le bureau exécutif de l’Organisation Le Président Maître Mohammed Nouri [sic, LT] (traduction d’extraits ni revue ni corrigée par les auteurs de la version en arabe, LT)
Liberté et Equité Sous le nouveau gouvernement provisoire Des jeunes de Sidi Bouzid sont déférés pour un procès Est-ce ainsi que s’exprime la reconnaissance ?
Le nouveau gouvernement tunisien jette déjà le masque.
La déliquescence du JOUG COLONIAL
Les pieds dans le tebsi : « Tunisa got talents »
Karim BEN SLIMANE
REPOS FIXE MARCHE
Intervention de Mouhieddine Cherbib, au Conseil National d’ Europe Ecologie Les Verts à Paris le 29 Janvier 2011 en présence de plusieurs responsables, dont : Cecile Duflot, Eva Joly, Daniel Cohen Bendit, Alima Boumedienne, Dominique Voynet, Noel Mamère et Le président du Parti Tunisie Verte, Abdelkader Zitouni.
Mr le Président (de séance) , Philippe Meirieu
Chers es amis es,
Tout d’abord, je tiens à vous remercier de m’offrir l’opportunité de m’adresser aux militants présents à cette réunion du Conseil National. Je ne trouve guère de mots assez forts pour vous exprimer ma gratitude pour votre soutien inconditionnel et ce, depuis de nombreuses années dans notre combat contre la dictature de Ben Ali.
Je vais maintenant formuler quelques remerciements personnalisés avant d’aborder les questions concernant, à proprement parlé, l’avenir de la Tunisie, et je vous prie donc de bien vouloir m’en excuser.
Tout particulièrement, je me dois de rendre hommage à votre Porte Parole Cécile Duflot, qui, il y a plus de deux ans, a été à nos côtés, sur place, pour soutenir le formidable mouvement social pacifique du Bassin Minier de Gafsa pour la dignité, le droit au Travail et contre la corruption.
De plus, nous les militants des droits de l’homme, ainsi que toutes les forces démocratiques tunisiennes, sommes reconnaissants de l’action constante et infatigable d’Helene Flautre. En témoigne le voyage qu’elle vient d’effectuer avec Mme Eva Joly dans la Tunisie révolutionnaire.
Bien sûr, le soutien de Daniel Cohen Bendit n’est plus à démontrer, déjà en 1996, il s’adressait au Parlement Européen qualifiant Ben Ali de « Petit dictateur ».
De même, il me faut remercier, tous vos élus, des élus locaux, aux eurodéputés du groupe Verts, en passant par le député Noël Mamère, ainsi que le Maire du 2ème Arrondissement de Paris, Jacques Bautault, qui nous a toujours aidés et accueillis dans sa Mairie.
Je ne peux clore cette liste sans citer l’aide apportée par Patrick Farbiaz et Jérôme Gleize au travail des différents collectifs de soutien à la lutte du peuple tunisien.
Enfin, Merci, à mon amie la Sénatrice Alima Boumedienne, qui a été de tous nos combats, nous a accompagnés sur le terrain pour notre action de solidarité avec le peuple tunisien, pour la démocratie au Maghreb et pour le droit des Migrants.
Merci Alima, pour avoir accepté mon invitation de m’accompagner en Tunisie le 13 février prochain, après ma condamnation par contumace à 2 ans de prison ferme en Février 2009, pour avoir soutenu le Mouvement social du Bassin Minier.
A ce point de mon intervention, il est nécessaire d’aborder les questions de fond.
Certes, un premier pas a été réalisé grâce à la lutte héroïque et aux sacrifices de tout le peuple tunisien, qui a réussi par sa force seule, et au prix d’une centaine de morts dont celle de l’emblématique Mohammed Bouazizi, à chasser le dictateur.
Mais maintenant, comment continuer, à notre niveau, à soutenir de l’extérieur cette révolution tunisienne ?
Pour nous, ce soutien passe en premier lieu par une vigilance et une mobilisation constante de tous les démocrates et observateurs que nous sommes.
Ensuite, pour permettre au nouveau pouvoir de transition de répondre aux exigences exprimées tant en termes social, qu’en termes de développement économique et de démocratisation de la société, il nous faut inciter sans relâche la Commission européenne à modifier sa position quant à sa relation avec la Tunisie. Cela passe par une refonte des accords signés par le passé dans le cadre des Accords d’association avec l’UE.
La nouvelle relation que nous appelons de nos vœux doit être multidimensionnelle et équilibrée. Elle doit se concrétiser par des mesures politiques et économiques, et par là-même, viser aussi bien des objectifs de développement des régions abandonnées d’où la révolte est née, que les exigences de démocratisation.
Il nous faut donc bâtir un véritable partenariat qui se doit d’intégrer au même niveau les demandes sociales des populations et surtout de la jeunesse, les besoins légitimes d’une adéquation entre la qualification de ses diplômés, aujourd’hui massivement au chômage ou occupant des emplois précaires, et le marché du travail tunisien.
Concernant, le processus de démocratisation, nous attendons de l’UE qu’elle assiste le gouvernement de transition dans la mise la place d’institutions qui garantissent la liberté, le pluralisme et l’équité, ainsi que dans l’organisation d’élections libres et transparentes.
Quant aux gouvernements français qui se sont succédés depuis une vingtaine d’années, on ne peut que condamner leur attitude conciliante voire complice vis-à-vis de la dictature de Ben Ali. Le gouvernement actuel et le Président de la République N.Sarkozy se sont tout particulièrement démarqués par leur soutien sans faille et honteux à l’ancien régime et le dictateur Ben Ali.
Nous exigeons de la France qu’elle définisse une autre politique débarrassée de tous ces relents colonialistes, une politique basée sur le respect mutuel, l’amitié mais aussi la franchise et le courage, et ce, dans le but ultime d’accompagner la transition de façon bilatérale autant que dans le cadre européen. Les relations franco-tunisiennes, caractérisées par une Histoire commune forte, nécessitent une politique volontariste dans les domaines du développement économique, social, politique et culturel.
Nous revendiquons par conséquent, une autre politique d’immigration, avec l’arrêt immédiat des expulsions des sans papiers et leur régularisation.
Enfin, je ne peux finir mon discours sans signaler le combat et la participation exemplaires des femmes tunisiennes dans cette révolution. Je vous demande de rester à leurs côtés pour exiger une constitutionnalisation de l’égalité homme femme, elle seule en mesure de garantir le respect de ce principe au sein de l’ensemble de la société tunisienne.
Merci pour votre attention.
Mouhieddine CHERBIB
Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de l’Homme en Tunisie CRLDHT
LE BAL DES ASSASSINS.
Par SONIA .D “Tunis: le gouvernement n’a jamais ordonné l’évacuation de la Kasbah TUNIS – Le gouvernement tunisien de transition n’a donné “aucun ordre d’évacuation” vendredi de la place de la Kasbah, haut lieu de la contestation populaire vidé de ses centaines de manifestants par la force vendredi, a déclaré samedi à l’AFP un ministre issu de l’opposition. “Il n’y a eu aucun ordre d’évacuation. Ni le Premier ministre ni le ministre de l’Intérieur n’ont donné l’ordre d’évacuation”, a affirmé Mokhtar Jalleli, ministre de l’Agriculture et de l’Environnement, originaire de Sidi Bouzid, la ville frondeuse du centre-ouest qui a donné le coup d’envoi de la révolution tunisienne.” <span>Le fait qu’il reconnait que d’après lui, ce ministre collabos, le gouvernement RCD n’avait pas donné d’ordre pour commettre ce massacre est très grave, donc , ce gouvernement de pacotille n’est qu’un masque et que dans l’ombre, il existe des gens qui commandent vraiment…qui sont ces gens? A quoi servent les potiches de l’opposition? Et cette mascarade justifie pleinement de purger tout l’état tunisien, et surtout le gouvernement de transition, de toutesles instances dirigeantes du RCD et de toutes les scories de l’ancien régime.</span> De violentes agressions ce vendredi dernier ont eu lieu contre les manifestants par les policiers anti-émeute. Ces derniers ont reçu l’ordre de dégager par tous les moyens l’esplanade de la Kasbah, devant la primature des potiches et des morts-vivant , le gouvernement impotent et illégitime du RCD et de la noria de collabos. Au lendemain d’un dérisoire remaniement du gouvernement qui se dit transitoire, mais qui dans les faits est une sale vitrine de certaines forces obscures qui complotent dans l’ombre, et qui manipulent les fils de ces marionnettes du gouvernement GANNOUSCHI, un gouvernement de bric et de broc qui salit la révolution et sert d’alibi et de paillasson aux réactionnaires tunisiens et aux milices RCD qui continuent à détruire le pays.Cette mise en scène de l’évacuation de l’esplanade de la CASBAH et l’agression horribles subie par les manifestants pacifiques venus des régions devraient nous faire réfléchir à l’incompétence et au complot alourdit contre la TUNISIE par ce gouvernement RCD, et ses collaborateurs éternels de tous les ordres que sont ces opportunistes qui salissent l’opposition, en leur nom propre ? Au nom de leurs partis? Peu importe; devant le silence assourdissant des militants d’ETTAJDID et du PDP, le subconscient collectif des tunisiens, a dejà enregistré qu’AHMED BRAHIM et ANCHABBI, et les autres sont les voix de leurs groupuscules . . Hier, ces individus ne représentaient qu’eux mêmes, en survivant dans les antichambre lupanars de la dictature; aujourd’hui, ils ne représentent plus rien ou si peu , leur ambition égoïste de vieilles fossiles d’un monde ancien . RCD dégage!! Et opportunistes collaborateurs aussi, place à un authentique gouvernement d’union nationale, sans RCD et sans les éternels parvenus. Dans les urnes les tunisiens, aucun doute là-dessus, sauront vous donner le coup de grâce, et vous renvoyer à votre seule place, celle que vous n’aurez jamais dû quitter, celle de l’échec, de la déroute d’un ordre grabataire, nuisible et ancien, celui morbide de votre ami BEN ALI, bac – moins trois, la nausée, celui qui ne vous a jamais compris. Il faut se rendre à l’évidence, désormais le gouvernement de transition qui pourrait être représentatif des aspirations de la rue tunisienne doit être purgé,épuré de la plupart des anciens caciques du régime Ben Ali.Et à tous les échelons décisionnaires, la police doit être Nettoyée de ses cadres, ce sont eux qui , anticonstitutionnellement, avec un président illégitime sous dialyse, et un gouvernement complice et sous contrôle qui sont en train de détruire la TUNISIE ou ce qu’il en reste après la chute de leur patron BEN ALI, tout le monde a peur pour ses billes dans se marigot, mais n’ayant pas le courage d’assumer leurs crimes, ils continuent à assassiner nos rêves. Des témoignages incroyables sur la confiscation de la révolution, et l’horreur dans l’affaire de la CASBAH nous donnent la preuve que les réactionnaires et les criminels sont encore là à manipuler la police et les tunisiens aujourd’hui, et je suis outrée par tous ces nouveaux résistants qui nous supplient d’appeler les tunisiens à se soumettre à ce gouvernement RCD, et lui donner une chance de travailler, donner une chance à l’illégitimité , c’est se mettre à la merci de la bête immonde qui se planque derrière le masque de ce gouvernement RCD, et ses sicaires agissants, ses hommes de main, qui agissent d’une façon horrible à tous les niveaux de la société tunisienne, même sur le net, même dans les médias, l’éviction de l’homme de droit et journaliste SOFIANE BEN FARHAT de NESSMA, lui qui s’est élevé contre la manipulation et la mise en scène policière, en est une preuve flagrante, c’est la confiscation de la révolution qui se met en place, et l’arbitraire qui refait surface sous d’autres formes, tant que ce gouvernement de fantoches ne plie pas bagage. Qui a donné l’ordre à l’armée d’évacuer les lieues, et à la police d’intervenir ? La réponse à cette question est évidente, et les témoignages des avocats, du cinéaste ZRAN, et d’un médecin sur place ne laissent aucun doute sur l’identité de ces forces occultes, qui après les snipers, changent de stratégie, mais leurs objectifs restent toujours les mêmes. http://www.facebook.com/?tid=1539104646503&sk=messages#!/video/video.php?v=196555493693961&oid=105471286194887&comments http://www.facebook.com/?tid=1539104646503&sk=messages#!/video/video.php?v=1861779182589&oid=231846292503&comments Les collaborateurs qui viennent de l’opposition nous affirment que les bons choix soient faits pour le pays, malgré le peuple, d’où ces gens tiennent-ils leurs légitimité pour parler en notre nom ? D’un président et d’un premier ministre, de caciques RCD qui étaient la colonne vertébrale de la dictature, ce cirque auquel ils participent est immoral, , illégitime, anticonstitutionnel et pis, criminel, c’est une atteinte aux droits les plus fondamentaux de la nation tunisienne, des droits exigés par le sang de ses martyrs depuis 1956 pour aller à la source de notre décadence, et depuis le sacrifice des martyrs de ce temps présent, en passant par les MANEJIM et REDEYAFE et le CHAHID BOUAZIZI et ses frères qui continuent de tomber. Ces opportunistes qui collaborent avec ce gouvernement RCD de GANNOUSCHI, BACCOUCHES et des cadres de police, les criminels masqués se moquent des tunisiens quand ils affirment qu’ils sont les gardiens de cette révolution, ce sont juste des ambitieux, des suceurs de sang, et des charognards qui avaient vécu dans la lâcheté la plus méprisable et qui aujourd’hui, Historions de la désinformation et des combines, passent à la caisse, et exigent au banquet des assassins, une part de gâteau qui ne leur appartient absolument pas.
Une délégation d’Enahj Edimoqrati ( La Voie Démocratique) du Maroc est arrivée à Tunis le 29 janvier pour exprimer la solidarité du peuple du Maroc avec la Révolution du peuple et de la jeunesse de Tunisie. La délégation est formée des camarades Abdallah El Harif et Abdelmoumen Chbari. Elle a rencontré les composantes du ” Front du 14 janvier”, et plus particulièrement des dirigeants du Parti Communiste des Ouvriers Tunisien et du Parti du Travail Patriotique et Démocratique de Tunisie; la délégation du PTPD était formée des camarades Abderazak Hammami, Mohamed Jmour et Khaled Falah. Sur le terrain, la journée de samedi a été marquée par les protestations contre l’évacuation brutale des occupants de la Place du Gouvernement à la Kasba, et par des procès intentés à plusieurs citoyens dont un groupe de 19 militants révolutionnaires ayant participé à l’occupation. Par ailleurs des manifestations , parmi lesquelles une grande manifestation de femmes, ont eu lieu à Tunis et essuyé des tirs de lacrymogènes, ainsi que des attaques de groupes de miliciens du parti RCD. Tunis, le 30 janvier 2011 Khaled Falah, membre du comité fondateur du PTPD
L’islamiste Rached Ghannouchi de retour en Tunisie après plus de 20 ans d’exil
Tunisie: l’opposant islamiste Rached Ghannouchi est arrivé à Tunis
TUNIS – L’opposant islamiste tunisien Rached Ghannouchi est arrivé dimanche à Tunis après plus de 20 ans d’exil sous le régime du président Ben Ali, accueilli par des centaines de partisans surexcités mais aussi des défenseur de la laïcité, ont constaté des journalistes de l’AFP. L’avion qui arrivait de Londres s’est posé vers 12H30 (11H30 GMT) à l’aéroport de Tunis où les forces de l’ordre se faisaient très discrètes. Rached Ghanouchi est apparu peu après à la foule et lancé un vibrant “Allahu Akbar” (Dieu est le plus grand) les bras tendus vers le ciel. Autour de lui, un cordon de sécurité de membres de son parti en casquettes blanches tentait de le protéger de la bousculade en criant “ne le touchez pas!”. Dans la cohue les militants du mouvement Ennahda (Renaissance) entonnaient un chant très symbolique en islam, celui qui évoque le départ du prophète Mahomet de la Mecque vers Médine. Dans le hall du terminal plein comme un oeuf jusque sur la coursive du premier étage, des centaines de partisans d’Ennahda avaient attendu plusieurs heures, agglutinés devant la porte de sortie du vol British Airways. A pleins poumons la foule alternait l’hymne national et de vibrants “Allahu Akbar”. Quelques corans et rameaux d’olivier émergaient de la masse compacte, mais surtout des appareils photos et des téléphones portables. Un peu en retrait, plusieurs dizaines de défenseurs de la laïcité ont tenu malgré tout à être présents avec des pancartes contre le fondamentalisme. Rached Ghannouchi, qui a quitté Londres dans la matinée en compagnie notamment d’une de ses filles, s’était déclaré “très heureux” juste avant son départ. (©AFP / 30 janvier 2011 13h13)
Rached Ghannouchi, le visage de l’islamisme tunisien, rentre au pays
De Kaouther LARBI et Sofia BOUDERBALA (AFP) –
L’islamiste Rachid Ghannouchi de retour en Tunisie
Reuters – Publié le 30/01/2011 à 14:01 – Modifié le 30/01/2011 à 14:03 par Tom Perry et Lin Noueihed TUNIS (Reuters) – Après vingt-deux ans d’exil, Rachid Ghannouchi, chef de file du mouvement islamiste Ennahda, a regagné dimanche la Tunisie où plusieurs milliers de personnes l’attendaient. Son retour est l’un des signes les plus forts du changement survenu en Tunisie depuis le renversement le 14 janvier de Zine ben Ali au terme d’un mois de contestation sociale et politique dans la rue. Rachid Ghannouchi, qui est âgé de 69 ans, est considéré comme un intellectuel modéré. Son organisation, fondée en 1981, est aussi perçue comme moins conservatrice que les Frères musulmans égyptiens. “Notre rôle sera de participer à la réalisation des objectifs de cette révolution pacifique: ancrer un système démocratique, la justice sociale et limiter les discriminations contre les organisations interdites”, a-t-il déclaré à Reuters à la veille de son retour. “Le dictateur est tombé et je souhaite être dans le pays”, a-t-il ajouté. Ennahda, qui signifie Renaissance en arabe, se dit proche idéologiquement du Parti de la justice et du développement (AKP) au pouvoir en Turquie. Cette organisation était la principale force d’opposition en Tunisie. Aux élections de 1989, deux ans après la prise de pouvoir de Ben Ali, elle avait obtenu officiellement 17% des voix, mais son score réel était sans doute plus proche de 30 ou 35%, selon des observateurs. La répression qui s’est alors abattue sur elle a contraint Ghannouchi à un exil londonien en 1989. La présence de milliers de personnes dimanche à l’aéroport de Tunis-Carthage constitue une démonstration de force sans précédent en faveur d’Ennahda depuis deux décennies. “Non à l’extrémisme, oui à l’islam modéré”, pouvait-on lire sur une des banderoles déployées par les partisans de cheikh Ghannouchi. “N’ayez pas peur de l’islam”, exhortait une autre. “Nous ne voulons pas d’un califat islamique, nous voulons un Etat démocratique”, explique Mohamed Habasi, venu accueillir Ghannouchi. “C’est nous qui avons le plus souffert de l’absence de démocratie”, ajoute-t-il. Un peu plus loin, une dizaine de militants laïcs se sont eux aussi rassemblés pour dire leur rejet de “l’islamisme, de la théocratie, de la charia et de la stupidité”. APAISEMENT Les islamistes n’ont pas paru jouer un rôle moteur dans le mouvement de contestation qui a abouti au renversement de régime. Mais le retour de Rachid Ghannouchi pourrait les galvaniser et des analystes estiment que la mouvance islamiste est à même de devenir un force politique de première importance dans la Tunisie de l’après-Ben Ali. Le calme est globalement revenu en Tunisie depuis l’exclusion jeudi du gouvernement des anciens caciques du régime de Zine ben Ali. Les forces de sécurité tentent de rétablir l’ordre à Tunis, où des commerçants se sont opposés à des manifestants pour réclamer un apaisement de la situation. Le gouvernement intérimaire de Mohamed Ghannouchi – sans lien de parenté avec le chef de file des islamistes – n’a toujours pas annoncé la date des élections promises. Des responsables d’Ennahda ont dit que leur parti participerait aux élections législatives mais qu’il ne devrait pas présenter de candidat à la présidentielle. Et Rachid Ghannouchi a lui-même affirmé qu’il ne désirait concourir à aucun mandat électif. “Il existe une autre génération, une génération plus jeune, qui a les qualifications nécessaires pour briguer ces postes”, a-t-il dit. Habib Bourguiba, “père” de l’indépendance vis-à-vis de la France, a mis en place un régime laïque en Tunisie et considérait l’islam politique comme une menace. Zine ben Ali, son successeur, a ensuite imposé des restrictions aux organisations islamistes à son arrivée au pouvoir avant de les réprimer franchement deux ans plus tard.
Tunisie: Rached Ghannouchi de retour après plus de 20 ans d’exil
L’opposant islamiste tunisien Rached Ghannouchi a été accueilli dimanche à Tunis par des milliers de partisans après plus de 20 ans d’exil. Son retour constitue un test pour la Tunisie de l’après Ben Ali, qui avait impitoyablement maté les islamistes au début des années 90. A son arrivée à l’aéroport de Tunis, où les forces de l’ordre se faisaient très discrètes, Rached Ghanouchi a lancé “Allah Akbar” (“Dieu est le plus grand”) les bras tendus vers le ciel. Il a évité de faire toute déclaration sur ses projets politiques. Dans le hall du terminal plein comme un oeuf, des milliers de partisans d’Ennahda, son parti, avaient attendu leur “héros” plusieurs heures. A pleins poumons la foule alternait l’hymne national et de vibrants “Allah Akbar”. Propos rassurants La présence de cette foule constitue une démonstration de force sans précédent en faveur d’Ennahda depuis deux décennies. “Non à l’extrémisme, oui à l’islam modéré”, pouvait-on lire sur une des banderoles déployées par les partisans de cheikh Ghannouchi. “N’ayez pas peur de l’islam”, exhortait une autre. “Nous ne voulons pas d’un califat islamique, nous voulons un Etat démocratique”, explique Mohamed Habasi, venu accueillir Ghannouchi. “C’est nous qui avons le plus souffert de l’absence de démocratie”, ajoute-t-il. Depuis Londres, Ghannouchi s’était aussi voulu rassurant: “la charia (la loi islamique) n’a pas sa place en Tunisie”, avait-il affirmé. Selon lui, “la peur est uniquement basée sur l’ignorance”, qu’il impute à la politique de diabolisation de son mouvement par le régime de Zine El Abidine Ben Ali. Rached Ghannouchi a fondé en 1981 Ennahda (Renaissance) avec des intellectuels inspirés par les Frères musulmans égyptiens. Il dit aujourd’hui représenter un islam modéré proche de l’AKP turc. Il a assuré que son parti participerait aux futures élections législatives, mais pas à la présidentielle. (ats / 30 janvier 2011 16:04)
Tunisie: l’islamiste Ghannouchi pas candidat à la présidentielle
TUNIS – Le dirigeant islamiste tunisien Rached Ghannouchi a déclaré dimanche à l’AFP qu’il ne serait pas candidat à la prochaine présidentielle, quelques heures après être rentré en Tunisie après plus de 20 ans d’exil. “Je ne vais pas me présenter à la présidentielle, et il n’y aura aucun (candidat) membre d’Ennahda”, a déclaré le dirigeant du mouvement islamiste dans un entretien au domicile de son frère dans le quartier d’El Menzah, dans le nord de Tunis. “Après 20 ans d’absence, mon parti n’est pas prêt à jouer un rôle sur la scène politique, la priorité est de reconstruire Ennahda”, a-t-il expliqué. Interrogé sur une éventuelle participation à l’équipe de transition qui s’est mise en place à la suite de la chute et du départ du président Ben Ali le 14 janvier, le dirigeant islamiste ne l’a pas exclu. “Si nous sentons que le gouvernement satisfait les attentes de ceux qui ont pris part à cette révolution, alors pourquoi pas?”, a-t-il commenté. Une élection présidentielle en Tunisie est théoriquement prévue pour dans six mois. (©AFP / 30 janvier 2011 17h52)
Tunisie: l’islamiste Rached Ghannouchi ne briguera pas la présidence
AFP: 30 janvier 2011, 19h01 Accueilli dimanche à Tunis par des milliers de partisans après un exil de 20 ans, l’islamiste Rached Ghannouchi a annoncé qu’il ne serait pas candidat à la première élection présidentielle de la Tunisie de l’après Ben Ali, l’ex-président qui avait laminé son mouvement. “Je ne vais pas me présenter à la présidentielle, et il n’y aura aucun (candidat) membre d’Ennahda”, a déclaré le dirigeant du mouvement islamiste, dans un entretien à l’AFP au domicile de son frère dans le nord de Tunis. Il est en revanche resté vague quant à une participation d’Ennahda aux législatives, qui doivent théoriquement être organisées, comme la présidentielle, dans un délai d’environ six mois. “Après 20 ans d’absence, mon parti n’est pas prêt à jouer un rôle sur la scène politique, la priorité est de reconstruire Ennahda”, a-t-il expliqué. Sa formation, interdite sous le règne de Ben Ali, a été écrasée dans les années 90, quelque 30.000 de ses membres ou sympathisants supposés arrêtés, tandis que des centaines d’autres étaient contraints à l’exil. Il n’a pas exclu toutefois une éventuelle participation à l’équipe de transition qui s’est mise en place après la fuite du président Zine El Abidine Ben Ali le 14 janvier, à l’issue de quatre semaines d’une révolte sans précédent à laquelle les islamistes ont surtout assisté en spectateurs. “Si nous sentons que le gouvernement satisfait les attentes de ceux qui ont pris part à cette révolution, alors pourquoi pas?”, a-t-il commenté. C’est la première fois que le leader islamiste adresse, depuis le sol tunisien, un message d’ouverture au gouvernement de transition, qui devra répondre dans les jours à venir à une demande de légalisation d’Ennahda. Depuis son exil londonien, le vieux leader, 69 ans, était resté très prudent, laissant le plus souvent le soin à ses porte-parole en France ou à Tunis de porter son message. A l’aéroport de Tunis, Rached Ghannouchi a été accueilli par une foule compacte qui chantait l’hymne national et criait sa “fierté islamique” retrouvée. “Allah Akbar” (Dieu est le plus grand), a-t-il lancé à la foule, tout sourire, les bras tendus vers le ciel, avant d’être emporté par une vague de militants, tandis que des défenseurs de la laïcité exprimaient leurs inquiétudes face à un retour de “l’obscurantisme”. Dimanche matin, Ghannouchi avait pourtant tenu des propos rassurants: “la charia (la loi islamique) n’a pas sa place en Tunisie” et “la peur est uniquement basée sur l’ignorance” — qu’il impute à la politique de diabolisation de son mouvement par Ben Ali. Rached Ghannouchi a fondé en 1981 Ennahda (Renaissance) avec des intellectuels inspirés par les Frères musulmans égyptiens. Il dit aujourd’hui représenter un islam modéré proche de l’AKP turc. Toléré au début de l’ère Ben Ali en 1987, son mouvement avait été réprimé après les législatives de 1989, où les listes qu’il soutenait avaient recueilli au moins 17% des suffrages. Ghannouchi avait alors quitté la Tunisie pour l’Algérie, puis Londres. En 1992, il avait été condamné par contumace à la prison à perpétuité pour un complot contre le président. A peine sur le sol tunisien, la signification de son retour fait débat. Pour Mohammed Habib Azizi, professeur d’histoire à l’université de Tunis, “ce qui s’est passé en Tunisie ne peut en aucun cas être considéré comme l’oeuvre des islamistes, des nationalistes ou des communistes”, dit-il à l’AFP. A l’aéroport, un syndicaliste de 37 ans, Mohammed Mahfoud, avait en revanche confectionné une pancarte sur la “contribution” d’Ennahda à la “lutte contre la dictature”, avec le nombre de prisonniers, d’exilés et de “martyrs”.
Tunisie: Paris doit très vite montrer sa solidarité (nouvel ambassadeur)
La fierté des Tunisiens devant leurs émules d’Egypte
Dans l’esprit des Tunisiens, pas de doute: leur révolution a inspiré et servi d’exemple au soulèvement en cours des Egyptiens qui descendent massivement dans la rue pour faire partir le président Hosni Moubarak.
“On a prédit que la +Révolution du jasmin+ répandrait son parfum sur son voisinage. C’est chose faite et il semble que ses effluves aient atteint l’Egypte”, écrit dimanche l’éditorialiste du journal Le Quotidien.
Aux terrasses des cafés de l’Avenue Bourguiba, on ne parle que de ça. “Après la Tunisie, c’est l’Egypte, mère de toutes les nations, qui s’y met”, relève un intellectuel, enchanté par les similitudes entre la révolution tunisienne et le soulèvement égyptien.
“On a l’impression de vivre le même scénario: le peuple est dans la rue, les postes de police et les permanences du parti au pouvoir sont attaqués par la foule et le président intervient à la télévision”, relève Dhafer Naji, en sirotant son café, les éditions dominicales de la presse sur la table.
Comme le président tunisien déchu Zine El Abidine Ben Ali, Hosni Moubarak s’est adressé aux Egyptiens. Le premier avait promis de ne pas se représenter et limogé son ministre de l’Intérieur, le second a désigné un vice-président et renvoyé tout son gouvernement.
“Zine El Abidine a parlé à trois reprises à la télévision, d’abord en menaçant de réprimer d’une main de fer les manifestants tout en lachant quelques concessions. Il a ensuite promis 300.000 emplois aux jeunes, puis des réformes politiques et a dit enfin avoir compris les Tunisiens… avant de prendre la fuite”, rappelle-t-il.
“Je pense que Moubarak est dans la première phase, celle du déni mais qu’il va finir par craquer comme l’a fait son camarade Ben Ali”, prédit M. Naji.
Samedi dans les rues de Tunis, des jeunes ont défilé derrière les drapeaux tunisien et égyptien en signe de solidarité avec le soulèvement égyptien. D’autres, dont plusieurs ressortissants de pays arabes, ont manifesté avec les drapeaux des deux pays devant l’ambassade d’Egypte.
Le drapeau tunisien est visible dans les marchés en Egypte ainsi que des pancartes avec le slogan “Moubarak dégage”, visiblement inspiré du “RCD dégage” des manifestants tunisiens qui demandaient la dissolution du parti honni de Ben Ali, le Rassemblement constitutionnel démocratique.
Un spot de la télévision privée tunisienne Nesma, diffusé par intermittence, fait l’analogie entre la Tunisie et l’Egypte grâce à un montage vidéo de scènes de soulèvement dans la rue et, plus parlant encore, d’extraits alternés tel un copié-collé des discours de crise de Ben Ali et de Moubarak: même décor solennel, mêmes expressions graves, mêmes gestes.
“Ce n’est pas étonnant que les autorités égyptiennes aient coupé internet en pensant ainsi limiter les échanges sur les réseaux sociaux qui ont aidé les Tunisiens à organiser leurs protestations”, relève Chedli Chebli, un ancien producteur de musique et de théâtre.
“Ce qui s’est passé en Tunisie est une +cyber révolution+ animée par les jeunes dans un climat mondialisé où les limites n’existent plus”, note Mohamed Habib Azizi, professeur d’histoire de l’université de Tunis, en disant douter de l’efficacité des restrictions égyptiennes sur les communications.
Selon lui, c’est le régime libyen qui craint le plus, dans le voisinage immédiat de la Tunisie, une “contamination révolutionnaire”.
“Les dirigeants libyens ont peur de la modernité politique qui souffle sur la Tunisie. Ils craignent une contagion d’autant plus que la Tunisie accueille cinq millions de visiteurs Libyens par an”, souligne M. Azizi.
Source : « La Depeche » Le 30-01-2011
Tunisie. Ils ont dit
Yves Aubin, ambassadeur de France en Tunisie de 2002 à 2007 Les autorités françaises étaient parfaitement informées des dérives du système Ben Ali. […] L’expertise du Quai d’Orsay, marginalisée depuis 2007, était négligée. Les propos du président de la République, au cours de sa visite à Tunis en 2008, se félicitant des « progrès de l’espace des libertés publiques », avaient suscité l’incompréhension et l’indignation, qui marquent encore les esprits aujourd’hui. Les premières déclarations françaises, au lendemain de la chute de Ben Ali, n’ont pas été à la hauteur de la nouvelle situation puisqu’on s’est contenté dans un premier temps de « prendre acte de la transition démocratique ».
Dominique Strauss-Kahn, directeur général du FMI après une rencontre avec Zine El Abidine Ben Ali, à Tunis, le 18 novembre 2008
Je m’attends à une forte croissance en Tunisie cette année, la politique économique adoptée ici est une politique saine et constitue le meilleur modèle à suivre pour de nombreux pays émergents.
Source : « L’humanite » Le 30-01-2011
Pour Israël, l’Egypte n’est pas la Tunisie
Dans les deux cas, la rue rejette un pouvoir dictatorial. Dans les deux cas, les islamistes sont un danger bien réel. Mais la différence tient au comportement et au rôle de l’armée… jusqu’à aujourd’hui.
Les Israéliens suivent avec une attention permanente la situation en Egypte. Pour autant, au ministère des affaires étrangères, on souligne que la situation est différente de celle qui prévalait en Tunisie avant le renversement de Ben Ali. Le point commun entre les deux pays est bien évidemment le danger islamiste. Mais le rôle de l’armée est en revanche très différent. Les stratégies des différentes parties ne sont pas comparables non plus.
Ainsi en Tunisie, les islamistes ne sont pas pressés. Ils considèrent que le temps joue pour eux et refusent pour l’instant de participer au nouveau pouvoir en choisissant de rester «vierges» de toute compromission avec le gouvernement qui vient de se constituer. Ils misent sur le pourrissement de la situation économique. Les chiffres officiels évaluent déjà à 3 milliards d’euros les pertes engendrées par les émeutes.
Si le président tunisien est tombé, c’est que l’armée a lâché l’ancien pouvoir en voulant apparaitre, à l’instar de la situation en Turquie, pays à l’origine de l’élite tunisienne, comme un garant de la démocratie ou a tout le moins une institution qui ne combat pas son propre peuple.
En Egypte, l’armée appuie totalement, pour l’instant, le gouvernement et la répression qu’il mène contre les manifestants. Elle reste le bras armé du pouvoir qui vient de décider de la mettre en première ligne pour mater la rébellion en consolidant les effectifs des policiers et des services de sécurité. Les israéliens estiment qu’Hosni Moubarak contrôle encore la situation. Ils expliquent que le président égyptien et son appareil sécuritaire jouent un jeu assez subtil en laissant certaines manifestations se développer uniquement pour diminuer la pression de façon à garder le contrôle des évènements. Il peut encore compter sur une armée qui lui reste fidèle et ne reçoit d’ordres que de lui. Ses proches relativisent aussi des émeutes de quelques milliers de personnes dans un pays de 80 millions d’individus.
L’inquiétude d’Israël vient surtout de la concomitance de ces évènements avec la nouvelle situation politique au Liban, marquée comme on l’attendait en Israël par le poids grandissant du Hezbollah, et la chute du régime de Ben Ali foncièrement opposé aux islamistes. L’importance de l’Egypte est fondamentale pour l’équilibre de la région. Elle garde encore une énorme influence auprès du monde arabe et a toujours joué le rôle de sage et souvent d’intermédiaire respectée dans les négociations avec les palestiniens. Benjamin Netanyahou a été informé par ses services que les Frères Musulmans, contrairement aux islamistes tunisiens, sont eux particulièrement impliqués dans les manifestations.
Après avoir manifesté une certaine prudence dans les premiers jours, les islamistes égyptiens ont décidé de se joindre aux manifestants dans la nuit du jeudi 27 janvier pour ensuite étendre le mouvement après les prières du vendredi. Ils ont enflammé les quartiers pauvres du Caire, Choubra en particulier avec ses quatre millions d’habitants. Les unités spéciales de la police n’étaient plus en nombre suffisant après des actions qui les ont épuisés et démoralisés. Moubarak a donc estimé devoir mettre les militaires en première ligne aux côtés des policiers pour endiguer le flot des manifestants. L’armée a exigé l’institution d’un couvre-feu, de 18h à 7h, pour faire souffler ses troupes et pour organiser la contre attaque mais le pouvoir central a refusé. L’armée a pris sur elle d’instaurer un couvre-feu à Suez, à Ismaïlia et à d’El Arish pour ne pas voir les émeutiers à proximité des frontières avec Israël et avec Gaza. L’ordre y règne grâce aux patrouilles de sécurité blindées.
La question est de savoir ce que sera, si la situation s’aggrave encore, l’ attitude des jeunes officiers qui pourraient ne pas accepter de tirer sur une foule désarmée. La sortie des fidèles des mosquées après la prière du vendredi a été tumultueuse et de nombreux jeunes se sont hissés sur les véhicules blindés des forces de sécurité pour en extirper les militaires et parfois fraterniser avec eux.
Tout repose pour Moubarak sur l’armée tant les forces de police et de sécurité semblent aujourd’hui dépassées. Les israéliens pensent qu’Hosni Moubaral et son entourage n’ont pas encore pris la mesure du ressentiment. La répression, l’armée, le fait que les imams des mosquées ont été contraints d’axer leurs sermons du vendredi sur un appel au calme, n’ont pas mis fin aux révoltes.
Appel à l’aide aux Américains
Le ministre de la défense égyptien Mohamed Hussein Tantawi s’est rendu à Washington pour obtenir le soutien de l’administration américaine dans la lutte contre les émeutiers. De source israélienne, des réunions secrètes ont permis d’exposer au président Obama et à ses hauts responsables politiques et militaires la réalité de la situation. Le ministre de la défense égyptien les a mis en garde contre le risque de voir le régime tomber si aucune aide matérielle n’est fournie pour accroitre la répression. Le danger guette car les Frères Musulmans, alliés d’Al Qaeda, agissent à présent ouvertement pour récupérer à leur profit les mouvements de protestation. Le pouvoir égyptien demande un pont aérien pour obtenir des équipements anti-émeutes. La réponse américaine se fait attendre.
Il est certain que les forces de sécurité ont perdu le contrôle de la situation dans plusieurs endroits. A Suez, le siège de la police a été incendié ainsi que des locaux du parti du président. Les renseignements israéliens précisent cependant qu’Hosni Moubarak garde encore de sérieux atouts entre ses mains pour les utiliser en ultime option. Quatre divisions blindées ont été mises en état d’alerte tandis que tous les soldats ont été rappelés à leur base. Par mesure préventive, 2.500 militants membres de l’opposition ont été arrêtés… sans pour autant réduire les troubles. Par ailleurs les émeutiers sont dans le flou depuis qu’internet est bloqué. Le gouvernement égyptien a compris qu’il devait gagner la guerre de l’information qui a coûté le pouvoir à Ben Ali.
Le président Moubarak s’est plié aux exigences de son armée en acceptant un couvre-feu sur l’ensemble du pays après la tentative de prise d’assaut du ministère des affaires étrangères et des bâtiments de la télévision ainsi que l’incendie du siège du Parti national démocratique. La figure de l’opposition, Mohammed El Baradei, a été placée en résidence surveillée.
Les prochains jours s’annoncent cruciaux pour la capacité de survie du régime Moubarak. Une prise du pouvoir par l’armée est un scénario plausible. Les israéliens craignent par ailleurs la propagation à la Jordanie dont les Frères musulmans ont dirigé des émeutes contre le royaume hachémite. Dans un scénario catastrophe, Israël pourrait se retrouver entièrement encerclé d’ennemis comme en 1967
Source : « Slate.fr » Le 30-01-2011
Un gouvernement de «désunion» nationale : Vers une lutte des classes en Tunisie ?
À peine consommée l’euphorie légitime suite à la fuite de Ben Ali, nombre de Tunisiens ayant participé aux révoltes initiées fin décembre dans les provinces déshéritées du centre et du sud du pays, se sont sentis floués par la constitution du gouvernement d’union nationale, avec à sa tête Mohamed ElGhannouchi, Premier ministre de l’ex-dictateur pendant plus de dix ans. Près de deux semaines après sa nomination, et contraint à un remaniement, force est de constater que ce gouvernement a cristallisé toutes les craintes et les espoirs des Tunisiens. Alors que le peuple tunisien avait salué d’une seule voix, au soir du 14 janvier 2011, la chute d’un régime autoritaire et corrompu, il paraît évident que la présence de membres éminents du RCD aux ministères-clés du gouvernement dit «de transition» a ouvert une brèche entre les différents groupes sociogéographiques du pays.
Aux cris de «ils ont volé nos richesses, ils ne voleront pas notre révolution», des milliers de manifestants des zones rurales déshéritées du centre et du sud du pays ont entrepris le siège du Premier ministère dans le but de «faire tomber les derniers restes de la dictature». Les membres de l’ancien gouvernement, qu’il s’agisse des caciques de l’ancien régime ou d’ex-opposants, justifiaient leur présence afin d’éviter «le vide total» et taxent les grévistes d’ «irresponsables».
En phase avec ces propos, largement relayés par une presse nationale acquise à la cause des dirigeants – quels qu’ils soient –, quelques centaines de manifestants s’étaient réunis mardi 25 janvier à Tunis pour soutenir la première équipe formée par El Ghannouchi. Leur mot d’ordre : «Oui à la démocratie, non au chaos». Moins partisans du gouvernement que d’un retour au calme, ces mécontents s’insurgeaient contre l’immobilisation économique du pays. Une véritable campagne visant à disqualifier les grévistes et les manifestants antigouvernement s’est largement développée notamment via facebook. De nombreux groupes soutenant le gouvernement et réunissant plusieurs dizaines de milliers de sympathisants se sont employés à stigmatiser le radicalisme des insurgés.
Maniant une rhétorique de la peur et du vide, ces internautes ont opéré un renversement des valeurs lorsqu’ils décrivent les émeutiers – ceux qui ont contribué par leurs actes à faire chuter Ben Ali – comme des fauteurs de troubles menant le pays vers le chaos. Les individus véhiculant une telle vision, si l’on en juge par la disproportion entre le nombre d’internautes «engagés» sur facebook (plus de 50 000) et ceux qui ont manifesté devant le Théâtre national (quelques centaines), semblent plus enclins à lutter derrière leur ordinateur qu’à braver la matérialité de la rue. Cette même rue – dans laquelle évoluent les acteurs originels de la révolte – ne s’est d’ailleurs pas faite prier pour perturber ces chantres du retour «à la normale» en leur enjoignant de quitter les lieux en ces termes : «Dégagez, vermines !».
Ces jours-ci, en Tunisie, le débat politique ayant pour socle le gouvernement d’union nationale se caractérise par sa dimension sociale. Le schéma serait donc le suivant : les pauvres contre / les classes moyenne et bourgeoise, pour. Cette vision, pour manichéenne qu’elle soit, n’en est pas moins révélatrice de la scission en œuvre dans la société tunisienne. Ce hiatus s’est en partie manifesté dans l’utilisation simpliste et erronée du concept de «e-révolution» dans de nombreux médias. Mises à part les réserves que le manque de recul et la sémantique nous obligent à adopter concernant le vocable «révolution», il convient de s’interroger sur le caractère «numérique» réel de la révolte tunisienne.
Loin de minorer le rôle manifeste d’Internet en tant que vitrine nationale et internationale, il convient de garder à l’esprit que la chute de Ben Ali n’est pas le fait des internautes mais bien des déshérités de la Tunisie rurale. Il est intéressant de constater qu’une frange de la classe moyenne urbaine, dont l’avènement fut prôné par Ben Ali, contribue dans une certaine mesure à perpétuer son empreinte par sa défense du gouvernement d’union nationale et son refus de s’engager dans une lutte radicale auprès des classes populaires. Cette classe moyenne, qui s’est sincèrement réjouie du départ de Ben Ali et des siens et qui aspire à la démocratie, n’en demeure pas moins prisonnière de la mécanique parfaitement huilée de la domination par l’économie et la peur instaurée depuis des décennies tant par Ben Ali que par Bourguiba. Il serait inexact de croire que les anciens régimes tunisiens reposaient uniquement sur la répression.
Ces pouvoirs ont donné l’illusion d’un pacte social entre l’Etat et la société garantissant la relation d’assujettissement du peuple tunisien dans son ensemble. C’est sans doute parce que le champ économique représentait leur unique prérogative du temps de la dictature, que les classes moyennes s’expriment aujourd’hui moins en termes politiques qu’économiques. Ce stratagème, les laissés-pour-compte de la dictature économique, pour leur part, à défaut de l’avoir analysé dans toute sa complexité, l’ont rejeté par instinct politique et social. À l’opposé, de la même manière qu’elles avaient jadis gardé le silence en raison de la menace islamiste, les classes moyenne et bourgeoise des grandes villes de Tunisie semblent plutôt enclines à faire preuve de mutisme politique si toutefois l’ordre social et la stabilité économique l’emportaient sur le vide, l’incertitude et le chaos.
Source : « elwatan » Le 30-01-2011
Les révoltes populaires en Tunisie et en Égypte troublent l’Occident
Les manifestations populaires en Égypte, contrairement à celles qui ont mis fin à la dictature de Ben Ali, ne suscitent pas la même sympathie dans les grands médias occidentaux. L’exigence de liberté, de dignité et de justice d’un peuple qui vit depuis trente ans sous état d’urgence serait-elle moins recevable que celle exprimée par les Tunisiens ? Tous les peuples ont également le droit de vivre libres et de ne se soumettre qu’à la seule souveraineté du droit. La réticence occidentale, nettement plus marquée qu’à l’endroit de la révolution tunisienne, s’explique directement par l’importance géopolitique de l’Égypte et son voisinage avec Israël. Un gouvernement démocratique – les dirigeants occidentaux le savent – exprimerait le refus du peuple égyptien de l’alignement de Hosni Moubarak et de son régime sur la politique américaine.
Peu, bien entendu, mettent en avant le tropisme israélien. L’argument le plus fréquemment avancé est que le peuple égyptien serait plus disposé que le tunisien à choisir une voie islamiste, toujours présentée de manière univoque et globalisante sous ses aspects les plus repoussants. En invoquant le terme, les médias convoquent immédiatement le registre de l’émotion : l’« islamisme » est une notion lourde de menaces, une synthèse de fanatisme, de terrorisme et d’antiféminisme pathologique. Cet islamisme fantasmé est pratique – convenient diraient les Anglais –, car il permet de faire l’économie de la réflexion. Les « spécialistes » suggèrent donc – ils n’osent plus vraiment l’affirmer péremptoirement, la leçon tunisienne ayant servi – que la faiblesse numérique de la classe moyenne égyptienne et le taux élevé d’analphabétisme, à la différence de la Tunisie, rend ce pays moins apte à la démocratie. Le fanatisme religieux trouverait dans l’arriération de la société un terreau tout à fait propice à une prise de pouvoir aux conséquences apocalyptiques. S’agissant du Yémen, où se déroulent également des manifestations pour la démocratie, l’appréciation est encore plus négative. Les Yéménites seraient encore plus attardés que les Égyptiens et donc encore moins éligible à la démocratie et aux libertés.
Une vieille rengaine
L’air est connu. En Algérie même, il s’était trouvé des « politologues » pour prétendre, au lendemain du coup d’État militaire du 11 janvier 1992, que la démocratie n’était envisageable qu’à partir d’un certain niveau d’éducation moyen des populations. Venant d’universitaires algériens – avaient-ils lu l’appel du 1er Novembre 1954, texte fondateur de la Révolution algérienne ? –, cette absurde théorie prenait la dimension d’un véritable reniement. Ainsi donc, dans la hiérarchisation des sociétés que cette thèse sous-tend, les Égyptiens se situeraient quelques crans en dessous des Tunisiens. Les revendications du peuple des rives du Nil seraient moins acceptables car, si elles étaient satisfaites, elles déboucheraient inévitablement sur une dictature religieuse obscurantiste et belliqueuse.
Pour « preuve » de cette fatalité évidemment catastrophique, les mêmes spécialistes agitent le spectre de la révolution iranienne de 1979, qui a débouché sur l’ordre des ayatollahs. Les grands médias avaient convoqué, ad nauseam, cet épouvantail pour justifier le putsch des généraux algériens. Et à l’occasion des turbulences égyptiennes, ce bien commode croquemitaine est ressorti des placards de l’information « orientée ». Pourtant ces éléments de propagande – « de langage », selon les spin doctors – ne résistent pas à l’analyse. Il s’agit d’une construction fondée sur des présupposés erronés. Au-delà des « spécificités » chiites et du culturalisme, la théocratie iranienne est avant tout le produit de l’histoire tourmentée de ce pays. Comment comprendre la situation actuelle de l’Iran quand on omet de rappeler l’impact considérable et traumatisant de l’élimination du nationaliste Mossadegh par les services secrets anglo-américains en 1953, de l’épouvantable dictature du Chah et de la guerre déclenchée par Saddam Hussein en 1980 avec le soutien des Occidentaux ?
La diabolisation permanente et systématique de l’Iran est à mettre en perspective avec le traitement médiatique réservé à l’Arabie saoudite – indéfectible allié (pétrolier) de l’Occident. Pourtant, les formes les plus sombres de fanatisme religieux et d’obscurantisme meurtrier trouvent leur origine dans ce pays. Le salafisme djihadiste n’est qu’une déclinaison du wahhabisme saoudien, interprétation sectaire et médiévale de l’Islam. Les organisations terroristes qui se réclament de l’Islam trouvent toutes leur matrice idéologique dans le dogme officiel de ce pays. Ce n’est pas un secret : l’Arabie saoudite a financé à coup de milliards de dollars la propagation dans le monde musulman de cette doctrine régressive. Il est vrai que le djihadisme a été bien utile dans la guerre contre le communisme et la défaite de l’Union soviétique en Afghanistan. On comprend, à l’aune des services rendus et du tropisme israélien qu’il faut taire, pourquoi le sort des Iraniennes intéresse beaucoup de monde en Occident, contrairement aux malheureuses Saoudiennes, qui ne sont même pas autorisées à conduire leur automobile….
Des mouvements populaires enracinés dans l’histoire
On n’est pas obligé de partager les simplifications mensongères et les raccourcis manipulateurs. Les mouvements populaires dans les pays arabo-musulmans s’inscrivent dans le cadre de leurs cultures propres et de leurs histoires spécifiques. Pour exemplaire et éminemment désirable qu’elle puisse paraitre aux yeux de beaucoup, la laïcité française n’est pas une référence pour ces peuples. On peut le déplorer, mais c’est un fait. Au nom de quelle supériorité – de quelle « mission civilisatrice » ? – voudrait-on imposer à ces populations un marqueur politique français ? Pourquoi leur dénierait-on la démocratie, principe universel s’il en est ? Le regard à travers le prisme d’un particularisme local ne permet aucune compréhension des crises du monde arabe.
La myopie et l’absence de sens moral marquent le discours des élites médiatiques françaises à l’endroit des arabo-musulmans. La perte de crédit de la République française dans une aire si proche où elle tenait une place de premier plan en est un signe. Le mépris dans lequel les populations sont ostensiblement tenues et le soutien à des régimes dictatoriaux ont fini par brouiller l’image du pays des droits de l’homme et ont grandement réduit l’influence française. Il est affligeant de constater que pour beaucoup de jeunes Arabes – il serait bien trompeur de réduire cela à la question des visas –, la France officielle n’est perçue qu’en termes de capacité de nuisance. Et l’on s’étonne de découvrir lors des crises que le crédit de la France dans ces pays ne va pas au-delà des quartiers résidentiels sécurisés ? L’aveuglement est entretenu et consolidé par le rapport privilégié avec la variante « moderniste » des oppositions artificielles créées par les régimes pour donner l’illusion du pluralisme. Le cas algérien est ici aussi exemplaire. Depuis le putsch militaire et la « sale guerre » des années 1990, on ne voit sur les chaînes de télévision que des représentants en service commandé chargés de confirmer les peurs et les chimères islamophobes du néoconservatisme « à la française ».
La posture française est d’autant plus contre-productive que la représentation de populations bloquées dans leurs archaïsmes et rétives à la modernité est fausse. Tout comme celle d’un Islam univoque, patriarcal et replié sur lui-même. Les sociétés arabes font preuve d’une réelle vitalité et d’une considérable capacité de résistance à l’oppression. Contrairement aux thèses véhiculées par le discours dominant, ces sociétés sont en mouvement et sont bien plus ouvertes que ne le prétendent les propagandistes et les relais « experts » des dictatures. Il suffit d’observer la présence massive des femmes dans les rangs des manifestants aussi bien en Tunisie qu’en Égypte, ou même au Yémen. Les « chômeurs diplômés » et la généralisation d’Internet sont deux signes parmi d’autres de la transformation de ces sociétés. L’enfermement des populations, déjà battu en brèche par l’apparition des chaînes d’information satellitaires, est considérablement relativisé par le Web. Les populations sont informées hors des appareils des dictatures et, comme on a pu le constater, les opinions sont bien plus politisées qu’on ne le pense.
L’émergence de la société
La gouvernance par la terreur et le bâillonnement, défendue au nom de la guerre à l’islamisme, est une impasse politique, sociale et économique. Les intérêts de grandes puissances en Égypte sont considérables et constituent un facteur important qui empêche de pronostiquer un basculement à court terme de l’Égypte dans la démocratie. Il n’en reste pas moins qu’un énorme verrou a sauté. La société s’impose comme un acteur dont il faudra désormais tenir compte. Le progrès est insuffisant – les Égyptiens le ressentent en maintenant la pression contre un régime soutenu par les occidentaux –, mais c’est indiscutablement un nouveau point de départ. Après les indépendances formelles acquises dans les années 1950 et 1960, les peuples arabes expriment leur volonté de bénéficier des droits et des libertés démocratiques. Les Occidentaux devront s’en accommoder, sauf à entretenir et à assumer pour des objectifs inavouables une logique de guerre de civilisation. Aussi désagréable que cela puisse paraître à certains, la démocratie dans le monde arabe fonctionnera nécessairement dans un contexte fortement déterminé par l’Islam. La sécularisation ne se décrète pas et nulle part dans le monde on n’exige des populations d’abandonner préalablement leurs croyances et leurs usages avant de prétendre aux libertés et à l’État de droit…
La classification des sociétés sur une échelle d’« aptitude à la démocratie » est une aberration. Il n’existe pas de hiérarchie des peuples, aucun peuple n’est mineur à vie et aucune société humaine n’est ontologiquement inéligible à la démocratie. Il n’y a pas de prérequis « éducatif » à l’exercice des droits citoyens. La seule pédagogie en la matière est celle du débat et l’unique cadre en est le droit. Le soutien d’une démocratie à des dictatures au nom du containment de l’« islamisme » est inacceptable. La lutte contre l’islamisme rétrograde par la répression et la violence est également une option irréaliste et contreproductive. Les militants de la démocratie réellement ancrés dans leurs sociétés ne cessent de répéter que ce sont la dictature et les inégalités qui nourrissent l’instabilité et pas l’inverse. Ils prêchent dans un désert occidental où la pensée dominante est façonnée par un prisme sécuritaire déformé et déformant.
Source : « Mediapart » Le 30-01-2011
Après la révolution
Enfin c’en est fini de la corruption
Pendant des années, on n’a eu aucun droit en Tunisie. Mais maintenant que le détesté dictateur Ben Ali est parti, les fenêtres s’ouvrent.
Benali est parti, les fenêtres s’ouvrent
« Pourrais-tu me ramener le livre sur la femme de Ben Ali, si tu viens en Tunisie ? » Il y a deux semaines, une telle question aurait été impensable. Qui éprouvait un intérêt pour la politique faisait bien de le garder pour soi, surtout si ça avait trait au clan Trabelsi, dont faisait partie des membres proéminents telle l’épouse de Ben Ali, Leila. Mieux encore, il valait mieux ne pas prononcer à haute voix le nom de Ben Ali. Son surnom était Tarzan.
Comme les choses sont différentes aujourd’hui. Le livre sur le luxueux mode de vie de Leila est entre temps devenu un grand succès.
Caricatures
Désormais, on a le droit de faire toutes sortes de choses en Tunisie. Les photos de Ben Ali de plusieurs mètres de haut ont disparu du paysage. Dans les kiosques, on trouve des journaux français comme Libération avec des caricatures des ex-gouvernants.
Au café La République dans le quartier populaire Lafayette, tout le monde, du chauffeur de taxi au diplômé de l’université, veut dire ce qu’il pense du régime renversé. Amel, par exemple, propriétaire d’une petit épicerie, raconte comment sa vie était rendue impossible par des agents de police et des fonctionnaires corrompus. « Les choses restent difficiles, mais au moins, maintenant, je n’ai plus à avoir peur d’eux. »
D’après Habib, un homme d’affaires, le système était pourri de part en part. « Ma famille a une grosse entreprise de bâtiment et on nous étions sans cesse victimes de chantages. Même les investisseurs étrangers étaient sous pression pour ‘acheter’ des permis officiels et pour ‘vendre’ une majorité des actions de leurs entreprises à des officiels corrompus. »
Dans la banlieue du Kram aussi, la vie a changé pour le meilleur. Hajer y habite avec son mari et ses deux enfants, à côté de la maison de ses parents, Aïcha et Lotfi. Le père de Hajer était un modeste marchand qui a travaillé dur toute sa vie pour que sa fille puisse recevoir une bonne éducation. Hajer, 29 ans, elle-même mère de deux petites filles, est biologiste. Elle est maintenant tout juste de retour d’une manifestation sur le campus de l’université. « Des mots comme ‘citoyen’, ‘manifestations’ et ‘protestations’ nous étaient étrangers. Aujourd’hui, tout le monde ici a fait grève contre la dureté des conditions de travail, qui rendent toute recherche impossible. Nos laboratoires sont très vieux. Certains d’entre nous doivent se résoudre à partir à l’étranger pour leur recherche. Mais la plupart ne peuvent pas se le permettre. C’est pour ça que nous demandons au gouvernement plus d’argent pour des bourses. Il y a un fort besoin dans ce pays pour du personnel médical et des biologistes. »
Hajer espère que ses filles pourront voyager plus facilement. « J’aimerais leur faire voir Paris, où j’ai étudié pendant six mois. »
Jusqu’à un temps récent, passer la frontière en voiture était un véritable calvaire, à cause de tous les douaniers corrompus.
Interrogatoire
Autre scène inhabituelle, trois jours plus tôt à l’aéroport de Tunis. Un agent des douanes jette comme à l’accoutumée un coup d’œil sur le livre qu’amène un voyageur. L’ouvrage parle de Leila Trabelsi. En temps normal un cas semblable aurait immédiatement entrainé un interrogatoire ou une inspection des bagages. Mais maintenant, l’agent veut surtout voir un peu ce qu’il y a dans ce livre. Tout en riant, il fait signe au voyageur de passer et lui dit, « bienvenue en Tunisie libre ».
Source : « Contrepoints » le 30-01-2011
La Tunisie de « Ganou-Chichi »par Taoufik Ben Brik
Balivernes ! Ils veulent me faire avaler leurs couleuvres. Ils ne savent même pas quoi me dire pour me convaincre que leur choix est le bon. Ils me disent que “a politique est l’art du possible”, et que “la Révolution relève de l’impossible”.
Ils sont heureux. Heureux d’avoir été approché par le cabinet de recrutement de la nouvelle fournée de renégats. Heureux d’avoir une connaissance dans un ministère ou dans un comité ad-hoc. “Oh, tu sais, Néjib Chebbi, c’est un copain d’enfance”, “Toufik Bouderbala, c’est la crème des hommes. Il est ceci, il est cela”, “Iyadh Ben Achour ne se laissera pas faire, hein… C’est un fils d’ulémas. Je connais sa sœur Sana qui connait la femme du voisin de mon cousin Fritchou”. Je ne sais pas si c’est Khémais Chammari ou Khédija Cherif qui vendait leurs starlettes. Dans tous les cas, j’ai vu William Bourdon, l’avocat aux anges. Il tient son scoop pour Sharpa. Ben Ali Baba fait gaffe, à ton sésame, les sept salopards s’en vont en guerre.
D’accord pour les renégats. Mais Ghanou-chichi, ça rime avec pipi. Vous n’allez pas m’obliger de partager son baldaquin. Ca sent le Ben Avi et la belle Lili. L’horreur ! Mokhtar Trifi et Bochra Bel Hadj Hmidi font du tapin à la télé avec les Trabelsi, Sihem BenSedrine et autres alliés des beldis nous déterrent leurs zombis. Feu Mestiri et Filali. Pourquoi pas Zmerli, Charfi et Djazi ?
Je n’ai rien contre le ” i “. Mais Chichi et autres papys s’en foutent comme de l’an quarante que la manifestation d’aujourd’hui (29 janvier) a été dispersée par la milice du RCD, armée de gourdin, de chaînes et de coutelas. Les uns font leurs meetings, râpent et zappent la révolution. Les autres se dispersent aux quatre vents pour semer le doute et l’involution. Les Bouzidis dégagent !
Je lui apprends que les services spéciaux sont à mes trousses, que la page facebook de ma femme et celle de mon entourage sont piratées, que je suis sur écoute, que l’armée ne me protège pas, ne protège pas les gueux, mes cousins et mes voisins, elle me complimente (elle, c’est Om Zied) : “Très bien Taoufik…mais il faut que tu protestes auprès des autorités. Appelle Mokhtar”. (Mokhtar Jellali, le tout nouveau ministre de l’agriculture est le mari d’Om Zied)
Je ne t’appelle pas chère amie pour que tu interviennes auprès de ton cher ministre de mari, mais pour te dire, que rien n’a changé. Sous Chichi ou zebbi, c’est la même merde. Je n’ai pas à choisir entre deux merdes. laissez-moi dans ma merde. Je vous emmerde. Et, sans emmerdes, je m’emmerde.
Source : « Le Nouvel Obsevateur » Le 30-01-2011
Tunisie/Ben Ali: annulation de passeports
Le ministère tunisien des Affaires étrangères a annoncé aujourd’hui avoir annulé 48 passeports diplomatiques en possession de parents du président déchu Zine El Abidine Ben Ali et d’anciens responsables. “Des passeports diplomatiques qui avaient été remis à des membres de la famille de Ben Ali et d’anciens responsables ont été annulés”, a déclaré un porte-parole du ministère, cité par l’agence officielle TAP. “Le nombre de ces passeports annulés atteint à la date d’aujourd’hui 48”, a-t-il ajouté sans identifier les personnes qui les détenaient. Le porte-parole a par ailleurs précisé que le ministère avait chargé les représentations diplomatiques tunisiennes à l’étranger d’intervenir auprès de “pays frères et amis pour obtenir le gels d’avoirs” de proches de l’ancien président qui sont poursuivis par la justice tienne pour acquisition illégale de biens mobiliers et immobiliers et d’exportation illégale de devises. Le ministère a aussi relayé auprès des pays concernés les mandats d’arrêt émis par la justice contre le président et ses proches se trouvant à l’étranger, selon cette même source. Il a également démis de leurs fonctions un certains nombre d’ambassadeurs et de consuls généraux, a poursuivi le porte-parole, sans donner de liste des diplomates concernés.
Source : « Le Figaro » Le 30-01-2011
Ben Ali en Tunisie, maintenant Moubarak en Egypte, who’s next ?
Voyant son homologue Ben Ali réduit à quitter la Tunisie, M. Moubarak, Président d’Egypte (depuis plus de 29 ans), a pris des mesures draconiennes pour s’assurer que son peuple ne manifesterait pas. Non, il n’a pas donné la parole à l’opposition. Il n’a pas non plus fait en sorte que le chômage se résorbe ou que la situation économique égyptienne s’améliore. Il a tout simplement coupé tous les systèmes de communication qui pourraient servir de support à un soulèvement populaire, comme ce qui s’est passé en Tunisie. Résultat : plus d’Internet, plus de portable. C’est donc tout un peuple qui se retrouve coupé du monde.
Mais heureusement, il existe des hackers partout. Les hackers du groupe Anonymous s’en prennent depuis le 23 Janvier aux sites gouvernementaux égyptiens, pour bloquer les ministères. Les plus touchés seraient les ministères de l’Intérieur et des TIC (Technologies de l’Information et de la Communication, tiens, tiens…). Mais Anonymous ne suffit pas. Le blocage d’Internet les empêche d’agir. En effet, les causes d’Anonymous sont souvent rejointes pour des pour des actions locales et ponctuelles. Les jeunes Egyptiens n’ayant pas accès à Internet, il leur est impossible d’aider. Des opérateurs solidaires mettent à disposition des numéros de secours pour déjouer la censure égyptienne. Les connexions bas-débit ainsi créées permettent aux opposants de s’organiser pour manifester. Anonymous encourage à envoyer les listes de numéros mis à disposition par fax, un des derniers moyens de communication encore disponible. Ces techniques ont porté leurs fruits puisque des comptes Twitter, comme #jan25 se chargent de relayer l’information à la population, occasionnant depuis cinq jours des manifestations de plus en plus radicales et de plus en plus violentes.
Mais Moubarak n’est pas à la porte pour autant. Car contrairement à Ben Ali, le président égyptien a l’armée de son côté. Et encore plus depuis la soirée du 29 janvier. Car la carte que joue Moubarak est osée : renverser soi-même son gouvernement pour être en bons termes avec le suivant. Selon Libération, un « autocoup d’Etat ». La démission du gouvernement annoncée, Moubarak s’est entouré de ses alliés de l’armée, afin que les fraternisations soldats/manifestants cessent et que son régime ne soit pas renversé. Notons que son seul regret à l’heure actuelle est d’avoir nommé un Vice-Président, synonyme dans cette République particulière de successeur, place qu’il réservait à son fils jusqu’à maintenant. Il est à craindre maintenant que la Moubarak devienne ivre de pouvoir et ordonne encore à l’armée de tirer sur la foule. Ce qui fait peur aujourd’hui, c’est que personne ne sait si elle le fera ou pas.
La santé du président peut laisser penser qu’il a voulu passer la main en douceur. Mais pour l’heure, Internet est toujours coupé et l’armée occupe toutes les grandes villes égyptiennes, faisant respecter les couvre-feux et tentant de disperser les manifestants tant bien que mal. Le Maghreb semblait plongé dans une crise économique depuis deux ou trois ans. Il est désormais plongé dans une crise politique, économique et sociale qui menace l’équilibre de toute la région, l’Algérie en première ligne. Des questions fusent également sur l’avenir du Maroc, réputé plus stable politiquement et économiquement que ses voisins, et celui de la Lybie, sous le joug du dictateur Mouammar Kadhafi, en place depuis plus de 41 ans.
Source : « Lescandaleuxmag.fr » Le 30-01-2011
Le peuple tunisien offre une très grande leçon aux citoyens d’Europe
Par Ignacio Ramonet, président de l’association Mémoire des luttes.
Comment appréciez-vous ce qui est en train de se passer en Tunisie ?
Ignacio Ramonet. C’est une excellente nouvelle pour tous les démocrates. C’est l’expression d’un sentiment populaire dont nous imaginions qu’il existait profondément dans les sociétés maghrébines, et plus largement dans le monde arabe. Mais on se demandait comment ce désir de liberté, de normalité démocratique pouvait s’exprimer. Car, aujourd’hui, les régimes autoritaires sont complaisamment soutenus par les démocraties européennes et les États-Unis au prétexte qu’ils sont des remparts contre les islamistes. Exactement comme du temps de la guerre froide, quand l’Occident soutenait des dictatures en Europe, en Amérique centrale et dans la plupart des pays du continent sud-américain pour empêcher l’arrivée des communistes au pouvoir. Finalement, ces peuples se sont débarrassés des dictatures. C’est ce qui est en train de se passer en Tunisie, là où l’on ne s’y attendait pas forcément.
Y voyez-vous le signe que, malgré le bulldozer du capitalisme mondialisé, les peuples peuvent reprendre l’initiative ?
Ignacio Ramonet. Quand, à travers les consignes technocratiques du FMI, de la Banque mondiale ou de la BCE, les exigences des marchés sont imposées aux peuples, il suffit parfois de quelques éléments pour produire des réactions inattendues. C’est la catastrophe climatique de l’été dernier en Russie qui, entraînant un manque de céréales sur le marché mondial et le renchérissement de certaines matières premières alimentaires, est à l’origine des émeutes en Algérie, en Tunisie, en Égypte. Et les révélations de WikiLeaks, notamment la divulgation des dépêches de l’ancien ambassadeur américain Robert F. Godec, ont joué aussi un rôle non négligeable. Même si tous les Tunisiens soupçonnaient les méthodes de prédation du clan Trabelsi, ils n’en avaient jamais eu une description aussi détaillée. Tout cela rassemblé a déclenché des protestations symboliques. L’immolation de Mohamed Bouazizi a été le détonateur des manifestations et de ce qu’il faut bien appeler une révolution.
Quels sont les écueils auxquels le peuple tunisien peut avoir à faire face ?
Ignacio Ramonet. Dans ces vingt-trois années de dictature qui ont fait suite à l’autoritarisme de la fin des années Bourguiba, les principales forces politiques d’opposition et les principaux leaders ont été éliminés. Il est donc difficile aujourd’hui de trouver des personnalités qui aient à la fois la confiance du peuple et l’expérience de l’exercice du pouvoir. Dans ces conditions, comme dans toutes les révolutions, une partie de la société souhaite l’instauration d’une période de transition tandis qu’une autre, constituée en particulier de ceux qui ont le plus souffert sur le plan économique, social, en matière d’absence de liberté et de respect des droits humains, est impatiente et voudrait faire table rase. Si l’affrontement entre ces deux forces devait durer, on peut craindre que des structures organisées, en l’occurrence l’armée, s’emparent du pouvoir. En Tunisie, l’armée n’a pas conduit la révolution, elle n’a fait que la faciliter en refusant de tirer sur les manifestants. Devant la peur du chaos, elle peut être tentée de prendre les choses en main. Ce n’est pas souhaitable, mais il est clair que le pays ne peut pas rester trop longtemps sans gouvernement.
Vous faisiez le rapprochement avec la fin des dictatures en Amérique latine, cette révolution n’est-elle pas, elle aussi, un ballon d’oxygène pour les peuples des pays européens ?
Ignacio Ramonet. En Amérique latine, la révolution s’est faite par les urnes. Les dictatures ont fait place à des démocraties ultralibérales avant que les mouvements sociaux fassent irruption et que des leaders qui en étaient issus gagnent les élections. Je pense à la Bolivie avec Evo Morales, à l’Équateur avec Rafael Correa et, même si c’est un peu différent, au Venezuela avec Hugo Chavez. En Tunisie, le contraste est immédiat entre la chute de la dictature et l’émergence de ces mouvements sociaux que l’on connaît encore mal, mais où l’on distingue un syndicat puissant et des mouvements populaires forts enracinés dans les régions. Il y a là une grande fraîcheur. Le peuple tunisien, en se débarrassant non seulement de la dictature mais aussi des consignes économico-idéologiques qui l’oppressaient, offre une très grande leçon aux citoyens européens. Eux n’auront pas à renverser des dictatures. C’est par les urnes qu’ils pourront, comme en Amérique latine, changer des modèles qui, tout en étant démocratiques, n’en sont pas moins oppresseurs.
Source : « L’humanite » le 30-01-2011
Le mouvement tunisien est politique et social
Entretien à deux voix de camarades militants tunisiens
Le monde entier vient d’assister au premier renversement, qu’on ne croyait plus possible, d’un régime arabe caricaturalement autocratique et corrompu. Malgré le mécontentement latent et des soulèvements ponctuels de ces dernières années, l’insurrection a surpris tout le monde, y compris les gens les plus au contact des réalités sociales. Pourquoi ? Et comment qualifieriez-vous ces événements ?
— L’insurrection a été imprévue par tout le monde, pratiquement, même si elle n’est pas une surprise pour beaucoup, dont nous.
Pour caractériser exactement ce qui s’est passé, nous disons qu’il s’agit d’un soulèvement populaire : ce n’est pas une révolution dans le sens traditionnel c’est-à-dire strict et plein du terme. Ce qui s’est passé est comparable aux intifadas, aux soulèvements, aux révoltes qui se sont déroulées dans les territoires occupés dans les années 90 du siècle passé. C’est donc un mouvement populaire qui vise la démocratie, les libertés fondamentales et la satisfaction de revendications sociale : les dimensions politiques et sociales sont imbriquées, enchevêtrées.
On peut dire que la situation était mûre pour ce soubresaut, ce soulèvement, surtout depuis les événements de la région des mines de phosphate en 2008, autour de Gafsa. Les ingrédients étaient donc déjà en place et le jeune de Sidi Bouzid qui s’est immolé le 17 décembre, c’est l’étincelle qui a mis le feu à l’ensemble de la situation. Nous pensons que c’est ainsi qu’on doit caractériser ce qui s’est passé. Ce n’est donc pas une révolution dans le sens d’un mouvement politique qui permet à une force sociale particulière, une classe sociale, à une ou plusieurs formations politiques de prendre le pouvoir. Ça c’est une interprétation qu’il faut éviter absolument et qui délimite bien le cadre général de l’analyse.
Ce soulèvement était essentiellement dirigé contre une dictature personnifiée et constituait une mobilisation essentiellement anti-autoritaire. La fuite de Ben Ali le 14 janvier ne règle évidemment pas tous les problèmes de la société tunisienne : Pensez-vous que la situation pourrait déboucher sur une révolution telle que vous la définissez ?
— Ce sont les gauchistes qui pensent comme ça… Ils disent qu’il faut insister, qu’on doit continuer la mouvement jusqu’à la victoire finale — avec des accents qui rappellent celle des bolcheviques… Et c’est ce qu’ils sont en train de faire maintenant. Mais ce n’est pas une révolution : c’est un soulèvement populaire qui a débouché sur des acquis : l’éviction du grand dictateur et de sa famille, la découverte du niveau de corruption qui a caractérisé le pouvoir tunisien, des luttes au sein des entreprises pour évincer les responsables corrompus. Il y a donc un mouvement général de conquête de liberté qui ne se limite pas à la liberté de former des partis, la liberté de la presse, etc. mais qui s’étend jusqu’à la liberté même au sein des entreprises, des administrations, etc. Tout le monde maintenant s’est libéré de ce blocage qui a été imposé par la dictature et a été entretenu depuis maintenant 54 ans — parce qu’il ne s’agit pas que de l’ère Ben Ali, c’est-à-dire le parti unique aux commandes, l’État-parti qui surplombe tout, etc… Le propre du régime de Ben Ali, ses caractéristiques singulières, c’est que la corruption y avait dépassé les limites de l’imaginable.
— Surtout, il ne faut pas commettre l’erreur que les gens ici commettent facilement. Il ne faut jamais, à notre sens, dresser une muraille de Chine entre le régime de Ben Ali issu du coup d’État du 7 novembre 1987 et le régime issu de l’indépendance politique de la Tunisie en 1956. Il n’y a pas vraiment de rupture : il y a une continuité. En bref, le régime du parti unique instauré par l’élite destourienne dont le symbole politique était le président Bourghuiba a fait le lit, s’est prolongé à travers un régime policier. C’est-à-dire plus clairement, ça a consisté en la consolidation et le renforcement du dispositif et des appareils de répression. Donc entre les deux régimes, avant et après le 7 novembre 87, il y a une continuité. Le mouvement populaire actuel vise à détruire les handicaps qui peuvent se formuler comme, en gros, un silence politique imposé par le régime destourien depuis 1956, jusqu’au 14 janvier 2011. À notre sens, c’est la méthodologie a suivre pour comprendre ce qui vient de se passer.
Le régime est tombé mais depuis longtemps, c’est tout l’appareil étatique, politique et administratif qui a été infesté par les cadres du RCD, qui sont toujours en place, sans parler des nombreuses entreprises qui appartenaient directement au clan Ben Ali. Que se passe-t-il aujourd’hui dans ces lieux particulièrement ?
— D’abord il faut savoir que les avoirs, les biens de la famille, du clan Ben Ali représentent 40% du PIB de la Tunisie et 60% du budget national. En l’espace d’une dizaine d’années, ils ont tout accaparé, toutes les branches essentielles et lucratives de l’économie tunisienne : Aéroport, grandes entreprise, GSM, téléphonie, bâtiment, etc. Avant les employés avaient peur, d’autant plus qu’elles étaient la propriété du sommet de l’État : Il y avait donc une peur accentuée, redoublée par rapport à celle du reste de la population. Après la chute de Ben Ali et de sa famille, ces entreprises ont été mises sous la tutelle juridique, et à l’intérieur on assiste à des luttes, des mouvements de contestation, actuellement.
Justement, la peur et la dépression qui dominent actuellement le monde entier ont été spectaculairement vaincues un peu partout en Tunisie. La parole se libère aujourd’hui, comme cela est arrivé en France pour la dernière fois en Mai 68 : Que se dit-il ? Quelles sont aujourd’hui les aspirations actuelles du peuple tunisien ? Comment les gens envisagent-ils l’avenir ?
— Tout dépend de la période. Au début, dans les deux ou trois jours après la chute, il était surtout question de la corruption, et des partis politiques et des individus qui allaient prendre en charge la situation, prendre le pouvoir. Maintenant, les gens s’interrogent sur la poursuite du mouvement. Des gens disent : puisque le gouvernement est toujours en place, quatre ministres font partie de l’ancien régime, il faut que les manifestations continuent, jusqu’à leur départ. D’autres pensent que derrière ce mouvement il y a des partis qui sont en train d’usurper le mouvement pour leurs intérêts propres et ils se questionnent à propos du nombre étrangement important de formations politiques, se demandent quand est-ce qu’ils se sont constitués, etc. D’ailleurs pour eux c’est une découverte : c’est la première fois qu’ils entendent parler d’organisations politiques. Il s’est alors avéré que la population ne connaissait pas ces formations politiques, ni aucune, d’ailleurs : pour eux c’était les deux ou trois qui étaient au pouvoir, point. Par exemple, certains veulent que la vie normale reprenne, que rouvrent les lycées, les écoles primaires, ils craignent l’avenir. Il y a en a qui craignent que l’armée prenne les choses en main si le mouvement se poursuit.
De toutes façons, quelles que soient les divergences, les gens sont d’accord sur une chose : on a chassé un dictateur, une famille corrompue, un régime totalitaire, c’est le mouvement de s’exprimer et il ne faut plus avoir peur. Et c’est le plus important. Les petites divergences sur l’appréciation de la situation actuelle, ça peut se comprendre. Mais de toutes façons, tout le monde est d’accord : fini la peur, fini la répression, fini le parti unique, le reste est secondaire.
— Dès les premiers jours après la fuite du dictateur, le pouvoir en place — qui n’a guère changé — a joué la carte de la peur. Il y a des couches de la petite bourgeoisie ou en général des classes moyennes qui veulent avec insistance qu’on revienne à la normale : Il faut que l’appareil productif reprenne ses activités, que nos enfants retournent à leurs classes, etc. et que donc tout ça doit finir le plus tôt possible. De l’autre côté, il y a ce qui se passe : les marches, les manifestations, les revendications, qui sont quotidiennes.
Il y a donc deux composantes : le mouvement populaire spontané qui veut faire valoir leurs droits et leurs revendications. De l’autre côté, il y a les formations politiques petites bourgeoises qui veulent confisquer etrécupérer le mouvement, pour servir leurs intérêts privés et on pourrait dire sectaires — car c’est vraiment un comportement sectaire.
Avant d’aborder les petites manœuvres politiques, quelques questions sur le processus insurrectionnel. Vous connaissez la France et l’émiettement social qui la ravage : il y a en Tunisie comme dans tous les pays qui n’ont pas été complètement ravagés par le repli sur soi, l’égoïsme et l’indifférence, une vie sociale dense et un peuple vivant et réactif digne de ce nom : en quoi cela a joué dans le mouvement ? Quels sont les réflexes populaires maintenus qui ont aidé à l’insurrection ?
— Bien sur ça a joué. Ces relations ont joué dans les petites villes et les villages, parce que plus la ville est grande, moins il y a de relations, plus elles sont lâches. Dans les patelins, les gens se connaissent, tous. C’est la même chose en France, dans les milieux ruraux. C’est donc toute une conception de l’urbanisme qui est à méditer et à revoir, tout un aménagement du territoire. C’est un sujet énorme mais capital dans le projet d’une société authentiquement démocratique. C’est donc les rapports de voisinages, les liens familiaux, les connaissances qui ont joué, il n’y a pas de spécificité culturelle qui ferait qu’on serait héréditairement conçu pour faire des révolutions… D’ailleurs, on disait que les Tunisiens étaient un peuple de peureux : il s’est avéré que c’était absolument faux. Ils ont affronté une répression avec un courage exemplaire.
L’absence totale de leaders lors de l’insurrection puis la mise en place de comités de quartiers et la grande défiance de la population vis-à-vis des bureaucraties politiques ne rendent-elles pas la situation favorable à la propagation de vos idées et pratiques de démocratie directe ?
— Ce qui est paradoxal c’est que les staliniens d’ici appellent les gens, dans leurs tracts, à se constituer en conseils populaires : c’est complètement en contradiction avec leurs discours et leur idéologie. Ce sont des loups : ils peuvent aider à ce que se constitue de tels comités, mais pour se les accaparer ensuite à leur profit : on l’a déjà vu dans l’histoire… Mais de toutes façons, ils n’ont pas la possibilité de la faire, ni la clairvoyance nécessaire. En tous cas, d’ici un mois, les choses vont les clarifier : l’idée centrale qui émane de la population, c’est que ce soulèvement est le nôtre et on ne veut pas qu’il soit récupéré par les partis. Déjà c’est un acquis important. Quant à la récupération, tout le monde est contre, qu’elle vienne du pouvoir ou des opposants. Pour nous, ces positions vont dans le sens d’une démocratie directe, en tous cas, ce sont les prémisses. Nous allons continuer à œuvrer en ce sens en tous cas.
Justement quelles perspectives vous donnez-vous aujourd’hui ? Le soulèvement commencé à la mi-décembre ouvre effectivement une période d’incertitude, et d’opportunités : où en sont la population d’un côté et les bureaucraties politiques de l’autre ? Pensez-vous que l’insurrection est finie ou n’est-elle qu’un commencement ?
— Il y a plusieurs manières de voir les choses, c’est une question de jugement politique. Pour nous, nous assistons pratiquement à la fin du mouvement, du moins sur le plan général, national – c’est différent dans les régions. Il y a donc deux façons de voir les choses. Il y a d’abord celle des gauchistes, les nationalistes arabes et tous les soit-disant opposants — il y a aujourd’hui 26 formations politiques ! Pour eux, il faut continuer le mouvement jusqu’à la fin pour s’accaparer le pouvoir. Pour nous, c’est du grand n’importe quoi. Ce qu’on peut faire maintenant, c’est continuer la révolution mais pas sous les formes de manifestations, d’émeutes, etc, mais sous la forme de luttes partout où c’est possible, dans les entreprises, dans les administrations, etc. Donc, en fin de compte, ce qu’elle a donné cette «révolution», c’est que les gens n’ont plus peur de s’exprimer, et non pas seulement dans les journaux, sur internet, mais surtout sur les lieux de travail, là où ils sont. Il n’y a plus de peur. Donc sur ce plan-là, on a dépassé un stade, on a fait un saut qualitatif sur le plan politique. Mais il ne faut pas avoir l’illusion que le mouvement va continuer dans le sens d’une révolution sociale avec prise de pouvoir : c’est de l’aventurisme, de l’infantilisme et c’est ce qui est en train de se passer maintenant, sous la pression des mouvements staliniens, nationalistes arabes, baasistes, etc. parce pour eux c’est une occasion qui ne va pas se représenter dans l’avenir, donc ils profitent de l’occasion pour pousser les jeunes, tenter de mobiliser les masses, et les instrumentaliser à cette fin. Mais nous pensons que cela va déboucher sur des résultats contraires à leurs intentions
Comme en France les «responsables politiques» ne visent qu’à faire partie de l’oligarchie, des dominants, qui n’agissent plus que pour leurs propres intérêts. Pensez-vous que le soulèvement puisse donner naissance à des structures populaires autonomes avant que les cliques politiciennes ne confisquent les affaires du peuple ?
— La récupération a déjà commencé. Nous assistons à une récupération opérée non seulement par les forces traditionnelles mais aussi par les formations de l’opposition — plus exactement ils veulent carrément avoir leur part du gâteau, du butin. C’est ce processus-là qui se déroule actuellement sous nos yeux. En ce qui concerne la conquête de la liberté, c’est le seul acquis véritable, dans la mesure où tout le monde s’exprime librement, sans rien craindre, de telle sorte que la principale artère de Tunis, l’avenue Bourguiba, est devenue un énorme espace de discussion : on y voit partout des gens qui discutent, qui débattent ou qui manifestent… Il y a des manifestations toutes les deux-trois heures, maintenant. C’est donc un mouvement démocratique, dans la mesure où même la satisfaction des revendications sociales font partie des droits démocratiques. Il y a donc des manifestations devant les administrations, les sociétés, les sièges de compagnie, il y a des pétitions, des occupations de locaux, des lieux de travail, pour exiger la satisfaction de revendications qui datent d’une vingtaine d’années. C’est un peu comparable à des grèves sauvages, c’est en tout cas les prémisses de grèves sauvages.
D’autre part, un autre acquis, c’est la constitution de comités de quartiers. Ces structures-là sont totalement spontanées. Devant tout le monde et officiellement, elles ont été constituéees pour épauler les forces de l’ordre, pour le maintien de l’ordre : cela c’est la terminologie officielle. En fait, dans la pratique, ces comités ont permis à la fois d’assurer une sécurité et une auto-défense — notamment contre les fauteurs de troubles à la solde du régime Ben Ali — mais ils ont aussi et surtout permis aux gens de décompresser, de se défouler, de discuter, toutes les nuits et ont ainsi, de fait, bravé le couvre-feu gouvernemental. Et puis cela confirme la tendance générale qu’on peut résumer ainsi : dès que les masses commencent à prendre leur destinée en main, à réfléchir, elles constituent des structures, des comités, des conseils, des soviets — qu’importent les dénominations — des chouras comme en Iran. Et ça s’est passé partout : lors des grèves en 1946 au Caire, en Iran en 1978 et actuellement en Tunisie. Ce qui constitue un pas supplémentaire vers le pouvoir populaire et les soviets — entendus au sens d’organes politiques autonomes ou encore de démocratie directe. Il faut absolument souligner cette dimension-là.
Précisément, cette formation de groupes de défense dans les quartiers contre les pillards et les milices de Ben Ali n’ont qu’une fonction d’auto-défense aujourd’hui. Pourraient-il vraiment constituer les germes d’une démocratie directe face aux pouvoirs oligarchiques qui ne manqueront pas de sortir des prochaines élections ? Quel peut être leur avenir si la sécurité se rétablit ?
— En fait, les comités de quartier sont finis, pratiquement. Les militaires nous ont dit : regagnez vos maisons, on n’a plus besoin de vous, vous avez joué un rôle pendant une période, finito… Mais on a noué des relations avec les voisins. Avant les gens ne se disaient même plus bonjour — surtout dans les grandes villes. Ils font connaissance, maintenant, ils discutent, se connaissent : il y a un mouvement d’entraide, de soutien mutuel, qui n’existait pas avant. On a même nourri les soldats lors de la fraternisation, avec les couscous, la chorba, etc
Il n’y a donc plus d’auto-organisation populaire parallèlement à la rupture profonde entre le peuple et les bureaucraties politiques tunisiennes. Ne craignez-vous pas que, comme en France, cela se transforme finalement en un refus viscéral de toute organisation, voire de tout discours un peu général ?
— Non. Les gens ne sont pas contre le principe de l’organisation : ils s’organisent tout seuls, eux-mêmes. Ils disent : qui sont ces gens-là qui viennent nous parler à la télévision, nous donner des leçons, nous parler de révolution ? Tout le monde ici est devenu révolutionnaire : on a pas besoin de révolutionnaires professionnels. C’est vraiment ça. Quand les gens disent : on ne veut pas de parti, qu’est-ce que c’est que tout ces partis et ces gens nouveaux tous les jours qui viennent nous parler avec leurs lunettes à la télévision pour confisquer notre révolution ? Les gens sont contre tous ces partis et c’est un acquis ! Les gens veulent contrôlereux-mêmes leur avenir.
Il y a eu cette fraternisation, ces discussions, qui sont l’essence même du processus insurrectionnel, mais les divisions et inégalités au sein de la société tunisienne sont très importantes : entre classes sociales, entre hommes et femmes, entre régions pauvres et les autres, entre quartiers populaires ou bourgeois, entre milieux urbains ou rural…
— Bien sûr. Par exemple, pour reprendre les questions brûlantes, il y a toujours ces régions de l’intérieur du pays qui se sentent toujours un peu délaissées par rapport aux régions côtières et c’est normal car la bourgeoisie ne veut pas investir dans ces régions peu rentables en terme de profit. Il y a donc de forts déséquilibres régionaux. La réponse des gauchistes est qu’il faut investir, créer des entreprises, développer les régions : c’est une réponse essentiellement productiviste. L’UGTT (Union Générale des Travailleurs Tunisiens) prépare un programme dont l’unique objectif est de générer une croissance économique. Ce serait la solution, pour eux. Comme au temps de la collectivisation, l’UGTT se considère comme un parti qui collabore à la gestion du pays. Notre conception est tout à fait différente : il faudrait revoir les choix technologiques, agricoles, sociaux, etc. Il faudrait un système basé sur l’entraide : ce n’est pas parce qu’une région produit beaucoup qu’elle doit tout s’accaparer. Il faut redistribuer pour que tout le monde profite des richesses nationales. On demande donc une distribution équitable entre individus mais aussi entre régions. Par exemple Sidi Bouzid, la ville d’où tout est parti, produit 17% des fruits et légumes de Tunisie et pourtant même les gens de là-bas n’en profitent pas.
Alors il y a ces injustices énormes qui demeurent et en même temps un mouvement profond qui traverse toute la société et tout le pays. Quelles sont les revendications qui sont avancées précisément, dans toutes ces luttes ?
— Les revendications sont multiples. Il y a en Tunisie beaucoup d’ouvriers qui n’ont pas de statut, des journaliers, mal payés. Et c’est ainsi dans la plupart des branches, les PME font beaucoup de sous-traitance pour les grandes entreprises européennes. Donc les conditions de travail sont vraiment lamentables. On a par exemple cette loi d’avril 1972, instaurée par Hedi N. l’ancien Premier ministre de l’époque, qui permet aux entreprises étrangères d’ouvrir des boîtes ici avec exemption d’impôts pendant 5 ans avec une production destinée à l’exportation. Elles bénéficient pratiquement de la protection de l’État, de la gratuité des infrastructures de base, par exemple, sous couvert de lutte contre le chômage — et il n’y a bien entendu ni syndicats ni rien du tout malgré des salaires de misère.
Et il y a d’autre part des revendications d’ordre plus politiques. Dans les entreprises, les administrations, il y a la corruption, le piston, le favoritisme : il y a tout un mouvement aujourd’hui contre toutes ces pratiques, cette mentalité. Il y a même les policiers qui se sont mobilisés pour de meilleures conditions de travail, par exemple, mais il y a surtout les travailleurs dans les aéroports, les salariés municipaux, les infirmiers, les ouvriers de la voirie, etc. Pour les médecins, par exemple, un secteur que je connais, il y a une pétition qui a circulé pour dire que, dorénavant, les soignants et les internes n’acceptaient plus d’être malmenés par les grands chefs de service : ils veulent la fin du mandarinat. Il y a donc des revendications d’ordre purement économiques, mais aussi une dimension plus politique, qui réclame la démocratie dans tous les établissements. Et c’est le plus important : si on veut profiter des acquis de ce soulèvement, il faut continuer dans ce sens-là, travailler à ça.
Oui, mais parallèlement, il y a un processus électoral en cours pour établir un gouvernement élu. Que peut-il en sortir ? Verra-t-on émerger autre chose qu’un petit jeu d’oligarques obsédés par le pouvoir comme le connaissent tous les pays où règne une oligarchie libérale appelée «démocratie représentative» ?
— Il y a bien sûr cette autre voie, qui a été choisie par d’autres : continuer les manifestations, pousser le système à bout, parce qu’ils pensent qu’ils ont les forces suffisantes pour faire tomber ce gouvernement-là. Bien sûr, ils peuvent avoir raison. Ils sont encadrés par l’UGTT et cet organisme-là a une spécificité en Tunisie : il a toujours eu un rôle politique primordial dans le pays : par exemple l’expérience de collectivisation des années 60 en Tunisie. Le programme collectiviste, c’était le projet de l’UGTT. Elle a soutenu par la suite, à partir des années 70 la montée du capitalisme sauvage, ce qu’on appelle la «démocratie libérale». Donc l’UGTT a toujours été un appui pour le gouvernement. Comme le soulèvement a depuis sa naissance largement dépassé tous les cadres des partis, syndicats, etc. l’UGTT fait maintenant semblant de l’épouser, elle prend le train en marche et récupère toutes les organisations politiques d’opposition. Par exemple, tous les partis d’opposition se réunissent aujourd’hui au siège de l’UGTT. Elle a évidemment présenté trois ministres pour le prochain gouvernement, et puis s’est retirée. Pourquoi ? Parce que tous les formations politiques, gauchistes, nationalistes arabes, etc. essentiellement petite-bourgeoises, s’étant mises sous le patronage de l’UGTT, celle-ci est devenue la force politique principale du pays. Donc elle n’est plus simplement un syndicat, mais elle est pratiquement devenue un gouvernement dans le gouvernement. Ce front commun est en train de faire des tractations pour aboutir à un gouvernement où tous ces mouvements-là, donc les 25, seraient présents — et ça c’est impossible. On va donc au-devant de grands affrontements politiciens pour les places au pouvoir…
— UGTT, l’équivalent de la CGT en France, a été fondée en 1946 et a toujours été une force politique. Je dirais même un parti politique et une composante de la machine politique de la bourgeoisie tunisienne. Depuis sa création elle a participé activement à la lutte de libération nationale et la dimension revendicative a toujours été escamotée. Ce qui a prévalu a été l’aspect lutte de libération nationale et même la lutte armée à partir de 1952. On peut dire que le soulèvement qui se passe maintenant est comparable à celui de 52, qui a abouti à la création de formation de partisans qui ont pris le maquis et qui ont lutté contre les forces colonialistes les armes à la main, avant même le déclenchement de l’insurrection algérienne en 54. Donc il y avait un soulèvement populaire de masse en 52 et l’histoire a fait que le deuxième soulèvement depuis cette date est décembre-janvier 2011. Ces événements ne se produisant pas tous les jours…
D’autre part, l’armée a joué un rôle très important dès le début en apparaissant comme une force de non-collaboration — un général ayant été limogé pour avoir refusé de tirer sur la foule dès les premières manifestations — et à la fin pour maintenir un semblant d’ordre : qu’en est-il exactement ? Et n’y a-t-il pas là un danger d’une mainmise militaire sur l’évolution de la situation ?
— Il faut dire que Ben Ali a tout fait, dès le début de son règne, pour limiter le rôle des militaires : il est lui-même d’origine militaire et savait donc très bien le danger que l’armée pouvait représenter pour son pouvoir. Par contre, il a consolidé l’appareil répressif du ministère de l’Intérieur : il a aujourd’hui 50.000 soldats mais 220.000 policiers… Alors les militaires n’ont pas voulu intervenir dès le début pour limiter les dégâts. Mais par la suite, pendant 24 heures, on a eu une anarchie totale provoquée par l’absence des policiers, avec l’intervention de l’ancien responsable du ministère de l’Intérieur nommé par Ben Ali. Là-dessus les militaires sont intervenus, mais juste pour rétablir l’ordre. Pour l’avenir, leur intervention n’est possible que si la situation empire et surtout que si les manifestations se poursuivent de la même manière, ce qui est probable, et cela se fera bien entendu avec l’aval du ministère de l’Intérieur, qui est en pleine restructuration. Le gouvernement va faire des concessions dans l’avenir : si le mouvement se poursuit de la sorte, l’armée interviendra directement car la bourgeoisie ne tolérera jamais une telle situation. Elle fait déjà appel à tous ses ténors à la télé, qui se remet à désinformer aujourd’hui et joue un grand rôle dans la récupération par la bourgeoisie. Objectivement il y a des formations politiques soit-disant révolutionnaires qui, à la fois, poussent le mouvement vers une soi-disant radicalisation et, en même temps, sont invités sur les chaînes de télévision et assurent leur avenir personnel.
— On peut dire que l’institution militaire est partie prenante dans ce qui s’est passé, dans le soulèvement, même indirectement. Car cette institution a refusé de tirer sur les masses et a exercé une pression sur le dictateur pour qu’il fasse ses bagages et qu’il parte. Ça c’est clair. Maintenant, l’institution militaire est politisée et intervient directement dans le champ politique et social.
On sait que la population tunisienne est une des plus laïques du monde mais que la religion est un refuge face à la perte de sens du monde actuel. Comme dans tous les pays arabo-musulmans, les islamistes conquièrent peu à peu la rue, laissant le pouvoir aux États policiers ou militaires. Les islamistes tunisiens ont payé un lourd tribut durant le règne de Ben Ali, qui fondait sa légitimité auprès de l’occident sur cette répression féroce, mais ils ont été invisibles durant ce soulèvement, exactement comme le Front National en France lors des mouvements sociaux. Ont-ils participé à l’insurrection et comment la voient-ils ? Quels sont l’état de leur force aujourd’hui, leurs intentions et quelles sont leurs capacités de nuisance dans un avenir prévisible ?
— Nous pensons qu’ils sont très dangereux. Ils ont été absents du soulèvement, sauf le dernier jour où ils ont tenté une manœuvre de récupération, à travers l’instrumentalisation des martyrs, mais sans succès. Leur tactique aujourd’hui est de participer mais de manière invisible. Dans les faits, ils ont infiltré plusieurs quartiers populaires de Tunis. Le leader du parti Ennahdha intégriste va regagner Tunis et il pense restructurer le courant pour laisser la place aux nouvelles générations. Ils ont donc un agenda secret : ils ne se présentent pas immédiatement mais se préparent pour les prochaines élections. Ils sont là, ils sont prêts. Quand les autres seront essoufflés, ils vont monter à l’assaut. D’autant plus qu’on sent que Khadafi s’allie avec eux : c’est une magouille, évidemment, il n’est pas intégriste, mais il pratique la politique de la terre brûlée car il a très peur pour son pouvoir : le résultat de ce soulèvement tunisien est qu’il a une ampleur internationale et il est le premier à craindre que l’exemple chez nous soit suivi chez lui. Il y a déjà des petites manifestations en Libye et il a limogé quelques officiers de l’armée — soit-disant pour corruption… Alors il est terriblement gêné : la meilleure chose à faire pour lui est donc de créer l’anarchie, le chaos, et pour ça il faut qu’il soutienne les Frères musulmans. D’ailleurs Ghannouchi, le leader des intégristes tunisiens, a déclaré qu’il apprécie la position de Khadafi, qui était contre le mouvement depuis le départ. Nous pensons donc qu’il y a une alliance objective entre le gouvernement libyen et les intégristes, et que c’est un grand danger.
Ce qui soulage un peu, c’est que la nouvelle génération, disons les 15 – 25 ans, n’a pas vécu la montée de l’islamisme des années 80, donc elle est quand même un peu vaccinée contre l’intégrisme, même si rien n’est certain. On sent d’ailleurs que les gens, dans les comités de quartiers, ont déjà peur de l’arrivée de l’intégrisme, de l’arrivée de Ghannouchi. Et cette même génération n’a pas vécu non plus les ravages de la montée du gauchisme. C’est donc, en quelque sorte une génération vierge de ces idéologies-là, elle n’a pas été contaminée.
Bon, tout cela n’empêche que les intégristes veulent reprendre les choses en main, même si c’est pas pour demain. Il faut donc rester très vigilant. D’autant plus que les gauchistes sont en train de faire des alliances avec ces gens-là, et ça c’est le plus dangereux. Par exemple, lors la réunion de tous les partis qui a eu lieu récemment, il y avait aussi des représentants des intégristes : on a donc dans la même salle des trotskystes, des staliniens, des islamistes, etc. C’est vraiment incompréhensibles pour nous, des gens qui s’allient de la sorte… C’est comme chez vous : vous vous avez les islamo-gauchistes, nous on a aussi ces alliances, mais avec toutes les nuances, les degrés différents d’un groupe à un autre. De toutes les façons, d’ici dix ans ils ne représenteront pas un danger. C’est une menace évidente et lourde, mais pas immédiate.
Les gouvernements français successifs ont toujours été d’un soutien sans faille pour le régime monstrueux de Ben Ali et sa mise à sac du pays. Lors des événements le quai d’Orsay a été d’une complicité à peu près totale avec le dictateur et aujourd’hui il est d’une nullité consternante…
— La France a été dépassée par les Américains. Alors même qu’Alliot-Marie préparait ses caisses de tonfas à destination de Tunis, les États-Unis préparaient l’éviction de Ben Ali avec l’aide de l’armée tunisienne… Les bombes lacrymogènes sont finalement restées à l’aéroport, mais on voit quand même que la diplomatie américaine est plus fine… Il n’y avait pas d’accord entre les deux puissances, alors ce sont les Américains qui ont décidé seuls de sacrifier ce pauvre Ben Ali…
La révolution tunisienne, laïque, spontanée, fraternelle et déterminée est un espoir éclatant mais fragile pour tout le Maghreb et le monde arabe. Certains espèrent en un effondrement général comme celui qui a sapé l’empire soviétique, il y a vingt ans. Les dictatures environnantes ne risquent-ils pas de tout tenter pour étouffer dans l’œuf ce mouvement d’émancipation ? Comment la Tunisie pourrait-elle se dégager de tous les chantages internationaux, que le FMI en premier lieu excelle à pratiquer ?
— Quand on discute avec certains gauchistes, ici, on leur dit qu’il faut toujours analyser le mouvement dans son contexte régional, national, international et aussi géopolitique. On sait très bien que même si on était dans une situation révolutionnaire, comme ils le croient, le capitalisme mondial empêcherait tout changement radical. Donc il faut voir les choses avec leurs limites et travailler sur le long terme, en renforçant les acquis qui sont les nôtres aujourd’hui, etc. Les événements en Égypte témoignent de l’influence de l’insurrection ici, qui a des échos comme en Algérie où c’est plus limité ou même en Albanie, notre petite sœur cadette… Et pourquoi pas de là à l’Italie, on ne peut pas savoir…
— De toute façon, il faut travailler sur le fond, en maintenant nos positions. Il y a encore beaucoup de choses à faire.
Source : « Juralibertaire » Le 30-01-2011
Lien :http://juralibertaire.over-blog.com/article-le-mouvement-tunisien-est-politique-et-social-66100132.html
Un jeune témoigne
Voilà comment Borhane Bessaies a pris ma place
Aymen Houimli, « un jeune enseignant d’éducation civique qui se retrouve au chômage à cause de Borhane Bessaiess », d’après lui. Recruté en tant qu’enseignant contractuel au collège Omar Al Mokhtar à Sidi H’cine Essijoumi durant les deux saisons scolaires (2009-2010, 2010-2011), « j’ai perdu mon poste faute du fameux Borhane Bessaies », témoigne-t-il.
« Rattaché dans l’une des administrations tunisiennes, il a fini par regagner le secteur de l’enseignement, mais malheureusement au détriment de mon poste de travail », ajoute Aymen qui se retrouve du jour au lendemain sans emploi.
C’est ce qui l’a poussé d’ailleurs à se présenter devant le ministère de l’Education réclamant justice auprès du nouveau ministre. Si on offrait des cadeaux à Borhane Bessaies parce qu’il a été le porte parole de l’ex pouvoir, il ne faut pas que ça soit au détriment des jeunes diplômés qui ont du mal à décrocher un emploi fixe. « Il faut que justice soit rendue, c’est ce que je demande».
Source : « Le Temps » le 30-01-2011
Les années de l’abus – Quand Samira Trabelsi, épouse Maherzi, s’approprie Sodexo
Les victimes? Témime et d’autres personnes
Sodexo est une société de services multinationale connue à travers plusieurs pays d’Europe en sa qualité de prestataire en chèques de repas. Elle contrôle plus de 70% du marché en Tunisie par le biais de SodexhoPass ( NDLR : la lettre h a été insérée entre les lettres x et o ) à partir du moment où elle est représentée par une société gérée par Samira Trabelsi épouse Maherzi, sœur de la sinistre Leïla Trabelsi épouse Ben Ali. Sa première action a été de faire en sorte d’écarter toute autre société tunisienne prestataire des mêmes services, nous en citons les trois principales :
Service Max, Joker et Bonus lesquelles ont été sérieusement pénalisées à travers les interventions aussi bien écrites ( voir fac similé ci-contre ) que verbales de la dame sus-mentionnée, menaces à peine voilées à l’appui. Les invitant à davantage de collaboration à travers un accroissement de leurs commandes mensuelles.
Ni appel d’offres ni consultations
Une véritable chasse gardée synonyme de monopole pour mettre sous sa coupe les plus grosses entreprises du pays à l’instar de Tunis Air, Téléperformance et nous en passons. Premier résultat : la mise hors service de la société O.K sans oublier d’autres sur le point de mettre la clé sous la porte et pousser au chômage un nombre important de soutiens de familles. Ecoutons plutôt Témime Lahzami propriétaire de Bonus :
« D’habitude, ce genre de services se fait par le biais d’appels d’offres ou encore de consultations nous a confié notre interlocuteur. Facteur qui nous permettait d’avoir notre part du marché. Tout a changé avec la venue de la société SodexhoPass chapeautée par Samara Service qui détient 70% des services, laquelle Samara Service est gérée par une certaine Samira Trabelsi dont elle est une actionnaire en puissance. Plus de place donc aux autres prestataires de services dans les chèques restaurant, rien que des miettes. J’irai jusqu’à dire qu’elle nous a poussés à vivoter. Ce n’est pas tout dans la mesure où une grande partie des recettes quittent le pays en devises pour aller où ? allez savoir. Maintenant et avec la révolution du jasmin, la loi va être la même pour tous, c’est pourquoi je tiens, par le biais de votre journal, à me recueillir à la mémoire de ceux qui sont tombés dans plusieurs villes de notre Tunisie dans la mesure où ils ont largement contribué à la mise en place d’une véritable démocratie ».
Le même jour, juste après cette entrevue avec Témime Lahzami, l’auteur de cet article trouvait dans toutes les boîtes aux lettres de l’immeuble qu’il occupait une note émanant de cette même Sodexo rédigée dans les deux langues arabe et française invitant ses clients à revenir vers eux en ces temps difficiles. Il faut vraiment être c. pour le faire oubliant que les mentalités ont changé.
Source : « Le Temps » le 30-01-2011
Lien :http://www.letemps.com.tn/article.php?ID_art=52510&titre=Les-victimes?-Témime-et-d’autres-personnes
Printemps Arabe ? Yes we Caire !
sixième jour de révolte en Égypte, qui ne faiblit pas, des avions de chasse survolent le Caire]
Frivole, la trouille a changé de camp
Le drame des “régimes arabes” est-il en train de trouver un début d’épilogue avec le réveil des peuples libérés de leur trouille ? Les tunisiens ont donné le tempo en déclenchant joyeusement la révolution du Jasmin et depuis une brise insurrectionnelle court au Maghreb aussi sûrement qu’un feu dans l’Esterel en plein été. Bis repetita placent, les égyptiens ont pris le relais seulement deux semaines après en partant à l’assaut de la dictature de Moubarak. Connaîtra-t-il le même sort qu’un Ben Ali réfugié dans la dictature wahhabite d’Arabie Saoudite et sous le coup d’un mandat d’arrêt international délivré par les nervis qui le servaient hier ?
Le Raïs aux manettes du Caire depuis trente ans ans été contraint d’annoncer le 28 janvier tard dans la soirée la formation d’un gouvernement qualifié ”d’une nouvelle ère”. Aveu de faiblesse d’un pouvoir en pleine panique face la fureur qui a explosé dans toutes les villes du pays. Et ça n’est pas la confiance qui manque aux Égyptiens… Les scènes d’insurrection comme la prise et l’incendie à Louxor vendredi 28 du siège du Parti National Démocrate (PND) fait blanchir l’épiderme de la dictature : la peur des égyptiens s’est délitée en quelques jours pour se réfugier dans le camp d’en face. La petite comptine ”c’est moi ou le chaos” ne fait plus dormir personne à l’heure du couvre feu.
Dans les premiers jours c’est la jeunesse ”éclairée” des villes qui s’est mis en tête de mettre Moubarak à la Lanterne, dansant la Carmagnole sous les balles. Puis la masse du peuple, des quartiers et des campagnes s’est déversée dans les rues comme les eaux du Nil en crue et a mélodieusement embrayé le mouvement. Et en choeur les revendications alimentaires et sociales se mélèrent aux mots d’ordres politiques dans un canon montant crescendo. L’amplification progressive du mouvement et son basculement très rapide dans une insurrection pétaradante et généralisée où les couches sociales se sont mêlées pour marcher sur une même Bastille a suivi le chemin tracé en Tunisie. Toutes les classes sociales réclament dans un même cri du pain, la liberté… et la tête du tyran. Il avait l’habitude des jacqueries de paysan, Moubarak, des révoltes de miséreux en haillon des villes, des grèves ouvrières… tout ça était assez fréquent, mais toujours catégoriels ou confinés géographiquement. Moubarak a tout de même trente ans de métier. Mais là, comme son infortuné collègue de Carthage, son professionnalisme est quelque peu dépassé par la situation : c’est sa tête qu’ils veulent, et il la veulent tous ensemble ! (voir cette gallerie de photos, the Egypts Protests).
Alors la nomination hier de deux nouvelles têtes, Omar Souleïmane (le boss des services secrets, formé par les soviétiques) en vice-président et Ahmad Chafic en premier ministre, tous deux galonnés de l’armée, a peu de chance de calmer ceux qui veulent la sienne. La petite centaine de morts et les milliers de blessés, les années d’étouffoir et la misère ont libéré moult énergies qui ne vont pas retomber juste parce que la façade du régime a été ripolinée dans l’après-midi. La peinture s’écaille déjà et la rue se fout bien du ”couvre feu”, c’est elle qui met le feu. Fluctuat nec mergitur, la dictature fait front, recroquevillé sur elle-même, mais jusqu’à quand ?
L’armée égyptienne est beaucoup plus imposante et politique que l’armée tunisienne (1 million d’égyptiens), même si elle est en ”déclin” et a ”perdu de son prestige” depuis la fin de la fin de la menace israélienne (selon un câble diplomatique révélé par Wikileaks et cité par le Monde), mais elle n’est pas un bloc monolithique et les nombreuses scènes de fraternisation du peuple avec l’armée indiquent que la soldatesque risque de ne pas avoir la gâchette aussi facile que la police si on lui demande. Selon le même câble, elle ne permettrait pas une autre transition que légale, mais cette opinion a été formulée par un militaire de haut rang dans un contexte bien moins troublé.
Les frères musulmans se tiennent en retrait, respectant pour l’instant le deal plus ou moins tacite qui le lie au pouvoir (on vous laisse pénétrer en profondeur la société mais ne vous occupez pas trop de politique, en gros), mais semblent tentés de le rompre.
Mohamed El Baradei, prix Nobel de la Paix et ancien président de l’AIEA, qui vit habituellemnt à Genève et est rentré en
Égypte vendredi, se verrait bien président modéré de transition vers la démocratie mais a du mal a faire prise avec le mouvement. Au cas où, il s’est porté disponible pour la candidature. En attendant, l’opposition égyptienne l’a chargé de ”négocier” avec le pouvoir, mais quoi ? Et le pouvoir estimera-t-il cela opportun ?
Un peu mou Barak, qui n’ose le ”Yes we Caire!”
Fut une époque pas si lointaine où l’Égypte était le coeur battant du monde Arabe. Le peuple en n’a pas trop vu la couleur, mais sous la Dynastie des Alaouites (1805-1953) elle connut un développement (très inégal) et une modernisation qui lui permirent d’être le plus avancé des pays Arabes. La proclamation de la République en 1953 suite au coup d’État des ”officiers libres” emmenés par Nasser et surtout la politique d’indépendance nationale (expulsion des britanniques, nationalisation des secteurs clefs de l’économie, du Canal de Suez…) par le leader des ”non alignés” et le promoteur du panarabisme positionna l’Egypte en leader du monde Arabe. Il n’y a plus aujourd’hui de tête de pont du ”monde arabe” (le panarabisme n’existe plus, la Ligue Arabe n’est unie que dans sa détestation d’Israël…). Mais l’Égypte, par sa situation géostratégique, sa population (81 millions d’habitants) et surtout par son alliance avec les États-Unis (1,5 milliards de dollars d’aides annuelles en cash, matos et conseil militaire) et le traité de paix signé avec Israël (1979) qui fit suite aux accords de camp David (1978) en fait un noeud gordien de la ”stabilité” dans la région (en jargon diplomatique occidental, ”stabilité” veux dire ici maintient des intérêts occidentaux et israéliens).
S’il était facile aux États-Unis de déployer leur rhétorique sur la liberté universelle à propos de la Tunisie, qui a une faible influence géopolitique et appartient surtout à la sphère d’influence française, les Obama’ boys ont quelque soucis de grammaire démocratique avec les hiéroglyphes. Ce que les éditos de la presse américaine n’ont pas manqué de souligner en notant assez largement que les États-Unis, au delà de leurs intérêts à court et moyen termes, devaient choisir leur camp devant l’histoire, rien que ça. Le Washington Post a appellé aujourd’hui dansun bel éditorial Barack Obama à user de ”toute son influence” pour aider les égyptiens à arriver à leurs fins.
Israël est sur les dents, l’Égypte étant le seul pays de la région en paix avec lui, sans oublier que c’est l’Égypte qui tient la frontière sud de la bande Gaza et participe ainsi à son blocus. Un effondrement du système Moubarak pourrait rebattre les cartes en profondeur, et pas forcément en sa faveur. Du point de vue israélien, l’incertitude est d’autant plus grande qu’à sa frontière nord, le Liban est pris en otage par le Hezbollah et les Iraniens qui font tout pour y précipiter le chaos politique. Au moins ces révolutions ont remis les pendules à l’heure. Le problème du Moyen-Orient n’est pas seulement le conflit israëlo-palestinien, c’est aussi les dictatures arabes.
Voilà notre occident et ses intérêts tout puissants bien fébriles à l’idée d’admettre que si Ben Ali a pris la poudre d’escampette, Hosni aussi doit la prendre. Heureusement, cette fois-ci, notre ministre des Affaires étrangères n’a pas eu à proposer ses services, ils étaient déjà rendus. Notre police est aux petits soins pour le gourdin égyptien, comme l’informe le site de notre ambassade au Caire (signalée par un lecteur de rue89).
La chute de Carthage, c’est la chute du Mur de Berlin
Le Washington Post a raison. Il faut arrêter de tergiverser et choisir son camp. Les gens dans la rue, en Egypte, au Yemen, en Syrie, en Jordanie, en Algérie, en Tunisie ont raison. La colère du peuple est juste, l’insurrection est également juste et la violence des insurgés contre les forces de la dictature est profondément juste. Oui, la violence révolutionnaire est juste, car sortis du fourreau pour décapiter leur tyran, tous les peuples sont dans leur droit.
Ils l’étaient il y a vingt ans quand il firent s’effondrer les régimes policiers de l’Est suite à la chute du mur de Berlin, ils le sont aujourd’hui dans le monde Arabe. Ne modérons pas notre enthousiasme. Un maillon de la chaîne des dictatures qui court du Maroc aux frontières de l’Inde s’est brisé il y a quinze jours, un second est peut-être en passe de l’être, hourra ! Toute violence est juste contre ces systèmes ultra-corrompus, s’appuyant sur des forces de police qui n’hésitent pas à tirer à balles réelles sur le peuple et à user de la torture, un système carcéral inhumain, une opposition décapitée, une économie confisquée par le pouvoir et sous le contrôle de ses prébendiers qui sèment la misère. C’est mesquin d’appeler à ”l’apaisement” et à ”la responsabilité des parties” comme toutes les chancelleries occidentales le font (et en notre nom), ça ne veut rien dire sinon déclarer aux bourreaux qu’ils peuvent faire leur travail mais en trouvant des formes acceptables pour l’opinion occidentale.
Le vent a tourné dans le ”monde arabe”, et bien qu’il souffle ! On ne peut que leur souhaiter de vivre dans des systèmes démocratiques aussi imparfaits que le notre. Et qui sait, leur réveil nous rappellera peut-être qu’ici la flemmardise démocratique a permis un Sarkozy avec ses Woerth et Bettencourt, son Epad, son bouclier Fouquet’s, ses nominations de complaisance, sa chasse aux Roms, ses lois liberticides, ses lois sociales iniques, la privatisation rampante de la sécu, le terrorisme des marchés sur la dettes et les systèmes sociaux etc…
Source : « Mediapart » Le 30-01-2011
Lien : http://www.letemps.com.tn/
Ghannouchi: A Tunisian Islamist’s life of persecution
The symbolic leader of Tunisian Islamism, Rached Ghannouchi, is a former radical preacher turned moderate who has been persecuted for his ideas by Tunisia’s leaders since the early 1980s.
After the ousting of his arch-enemy Zine El Abidine Ben Ali he returned to Tunisia on Sunday eyeing a political role for his Ennahda movement in a country that is breaking free of the tight controls imposed by the former regime.
His supporters say he wants to return to Tunisia as “a simple citizen” and Ghannouchi himself has emphasised he does not want to run for president and plans to hand over the leadership of Ennahda to a younger generation.
Whatever his own ultimate plans, observers say it is clear that political Islam is likely to play a bigger role in a democratic Tunisia — a prospect that has raised concern among feminists who say they fear for women’s rights.
In contrast to his radical past, Ghannouchi says his movement is now a moderate force more like Turkey’s ruling Justice and Development (AKP) party.
His leadership of the movement is however in question, analysts say, because of some resentment among the hundreds of Islamists who stayed behind in Tunisia and spent long periods in prison under Ben Ali often on flimsy charges.
Born into a modest family in the town of El Hamma near the Mediterranean coastline in southeast Tunisia on June 22, 1941, Ghannouchi was just a teenager when Tunisia gained independence from France in 1956.
After graduating in theology in Tunis in 1962, he became a teacher in Gafsa, a mining town in central Tunisia where he was first exposed to the poverty of inland areas of the north African state — a formative experience.
Fascinated by the Arab nationalist movement at the time, he continued his studies in Cairo and Damascus, where he obtained a degree in philosophy.
He returned to Tunisia at the end of the 1960s and was taken aback by the strength of the secular movement and the advances in women’s rights.
In the 1970s he became known for inflammatory rhetoric in which he advocated the destruction of “the legions of Israel” and called for the strict application of Sharia Islamic law to restore order in society.
In 1981, he founded a movement that became known as Ennahda that was based on the principles of the Muslim Brotherhood in Egypt.
His life of persecution by a regime intent on stamping out Islamism began.
He was accused of fomenting unrest and was sentenced to 11 years in prison at the end of 1981 and then to forced labour for life in 1987 under the regime of Tunisia’s father of independence, Habib Bourguiba.
The coming to power of Ben Ali in a bloodless coup in November 1987 initially offered a respite for Ghannouchi.
He was pardoned in 1988 and voiced support for the new president.
“He rejected violence and recognised women’s rights,” said Ali Laraidh, a key member of Ennahda who was arrested in 1990 and served 14 years in prison.
“In parliamentary elections in 1989, we won more than 17 percent of the vote and then they started persecuting us,” Laraidh said.
At the end of 1989, Ghannouchi fled to Algeria and moved to London in 1991.
The following year, a military tribunal in Tunis sentenced him along with other religious leaders to life in prison for plotting against the president.
Source: “Middle east online” le 30-01-2011
The Tunisia effect
When the Tunisian uprising was broadcast across the region, it started a domino effect that is now being felt in Egypt.
The Tunisia effect: the unrest is broadcast around the region and the knock-on effect rocks the Arab world. Also, the story of the lobbyist and the journalist – the recorded calls that shook Indian media.
Our News Divide this week is a follow up to our analysis of events in Tunisia. Coverage of the uprising there was lapped up by Arab audiences and in Yemen, Algeria and Egypt demonstrators took to the streets. State-controlled media tried desperately to spin the coverage of the unrest, but no amount of spinning could hide the reality of events in Egypt.
January 25 was marked as the Day of Anger and the protests snowballed. The Egyptian government clamped down on the internet, but with global media tracking events in the Arab world carefully, footage of the protests was beamed around the world. In our News Divide, we look at the spread of the Tunisian unrest and how the media is being used by the demonstrators.
In our Newsbytes: The Palestine Papers spark heated reactions – the network’s bureau in Ramallah is mobbed. He is loud, leftist and has left. US TV host Keith Olbermann departs from MSNBC. Italian Prime Minister Silvio Berlusconi’s on air rant and mixed signals from the Pope about the use of social media.
2010 will be remembered as a watershed year for Indian journalism. The country’s news media – which routinely breaks stories on political corruption and government scams – found itself in the dock, when a story now known as ‘Radiagate’ hit the headlines.
At the centre of the story was corporate PR agent and political lobbyist, Nira Radia. Employed by some of India’s most powerful business houses, Radia’s list of contacts included some of India’s most influential journalists. But neither Radia nor the journalists she spoke to so often knew their conversations were being recorded by the Indian government as part of an investigation into Radia’s activities. And they had no inkling these recordings would be made public. But the call logs did get published, exposing the cosy and very questionable links between politics, business and mainstream media in India.
Having a slow internet connection is frustrating. What is even more frustrating is having a slow internet operator – someone who does not quite grasp the intricacies of the web. Standing over your aunt/dad/grandfather while they try to type in a URL address can be a pretty painstaking process. Our Web Video of the Week captures it pretty well. We hope you enjoy the show!
Source: “Aljazeera.net” le 30-01-2011
A Wind of Change down Arab Street?
I wish I could be more enthusiastic about the events in Egypt and Tunisia – but, as I say in my News of the World column (£) today, the citizens of the Arab world all too often have a choice between a Bad Guy and a Worse Guy. Egypt looks like its choice is between the status quo, the Muslim Brotherhood or a military coup. This is not a 1989-style revolution, there is no Arabic equivalent of Scorpions singing Wind of Change. Successful revolutions normally have a well-organised alternative government, with a clear route towards democracy. Where is the Egyptian Lech Walesa, or the Tunisian Vaclav Havel?
Many, especially on the left, believe that popular revolutions have their own momentum – and that the action of ‘the people’ over an oppressor will by necessity lead to progress. So the act of overthrow is, in itself, something to be celebrated. I’ve never been persuaded by that. Those of us on the right, from Burke onwards, tend to ask what happens next. How, I’ve always wondered, can Bastille Day be celebrated? The 1789 French Revolution led to mass murder, areign of terror and the eventual restoration of the monarchy. The 1917 Russian Revolution led to one form of despotism being supplanted by another (as was clearwithin four years). Ditto the 1979 Iranian revolution. The 1989 European revolutions were unusual in their success – but fuelled false optimism in the Francis Fukuyama-style argument that history was on a one-way march towards freedom and liberal democracy (the ‘end of history’ as he famously called it). But, as Fukuyama himself said in a Spectator cover story in 2009, history has since started springing nasty surprises. The Ukrainian revolution, for instance, did not have a happy ending.
Twitter means we can see pictures of heartening scenes: Egyptians linking hands to protect the museum, etc. The Spectator was the only British publication to report on another hugely encouraging Egyptian event: when Muslims formed a human chain to protect Coptic Christian churches from attack (read the piece here – you won’t find it anywhere else). So we can see all the good, far more clearly than we used to be able to. We can hear, in Egypt, Muslim voices who reject the Muslim Brotherhood – saying that Muslims and Christians are the right and left eye of Egypt. So it gives us a means of looking at the Egyptian story in all its dimensions.
But just because we in the West can see both sides more clearly, it doesn’t alter the chances of success. In Egypt, the army look like they are settling in. If there is regime change, I doubt that whoever takes over will be pro-Western (the crowds will likely remember that the tear gas used on them was dispensed in canisters saying “Made in USA”). The grim fact remains that Iran is racing towards the bomb, and if they succeed then the Sunni world – in Saudi Arabia and Cairo – will likely follow suit. I’d love to see some wind of change blowing through Arab street, but I still fear that we’re heading for a multi-polar nuclear standoff in the only part of the world which is mad enough to use nuclear weapons. I do hope I’m wrong.
Source: « Spectator » Le 30-01-2011