l’Association des Tunisiens en France:Communiqué
Jamil SAYAH: Manifeste pour une République nouvelle
Ahmed BEN AMOR: Sidi Bou
Hédi KHAZNAGI: Révolution tunisienne: la contagion est-elle évidente?
RABAM: A vos gardes citoyens, Il faut rester éveillé !
Reuters:Tunisian Islamists show strength at chief’s return
ANSA: Tunisia: torna leader islamico accolto con Allah è grande
AP Interview: Islamist leader returns to Tunisia
AFP: Tunisie: développer les régions, défi crucial du nouveau gouvernement AFP: Révoltes dans le monde arabe: le Maroc ne fera pas exception (cousin du roi) AFP:Les troubles dans le monde arabe depuis la révolution tunisienne AFP: Tunisie: la sous-préfecture de Kasserine pillée et saccagée
Le Bureau National de l’Association des Tunisiens en France a appris avec inquiétude les violences qui ont eu lieu ces deux derniers jours à Tunis. Le 28 janvier 2011, soir, lors de l’évacuation de la place de la Casbah, (lieu du Palais du Gouvernement) un groupe d’individus suspects s’est infiltré dans le rassemblement des citoyens qui occupent la place depuis une semaine et reclament la dissolution du gouvernement d’union nationale. Ces individus ont agressé les manifestants et se sont livrés à des provocations avant que la police n’intervienne avec une violence disproportionnée pour faire évacuer tout le monde sans faire de distinction entre les citoyens manifestants et les provocateurs et jetant de façon intensive des bombes lacrymogènes. Des dizaines de blessés ont été enregistrés aux hôpitaux de la Capitale. Samedi 29 janvier après-midi, lors d’une manifestation des femmes tunisiennes à laquelle ont appelé l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD), l’AFTURD, la LTDH et la Commission femmes de l’UGTT et qui était soutenue par des partis démocratiques pour défendre les droits des femmes, une autre fois des groupes d’individus suspects et certains fanatiques intégristes ont agressé les manifestantes En plus des insultes et les agressions, des slogans rétrogrades, appelant les manifestantes « à revenir dans leurs cuisines » et portant atteinte à leurs intégrité morale, ont été scandés Le Bureau National de l’Association des Tunisiens en France : – Dénonce fermement la violence qui a marqué l’intervention des forces de l’Ordre à la place de la Casbah.et exige qu’une enquête soit ouverte pour désigner les responsables et les provocateurs. – Désapprouve la démarche des Autorités de ne pas laisser le temps aux associations de défense des Droite de l’Homme qui se sont proposées volontiers pour intervenir afin d’assurer l’évacuation dans le calme. – Appelle à l’extrême vigilance face à la multiplication des interventions d’individus suspects qui s’infiltrent dans les manifestations pour les faire dévier de leur caractère pacifique. – Dénonce les dérives de plus en plus fréquentes de ces groupes et demande au Gouvernement de mettre fin à leurs agissements et d’assurer aux citoyens la liberté de manifesation et d’expression. – Exprime son attachement aux acquis des femmes tunisiennes et son soutien à leur lutte pour l’égalité des droits Femmes/hommes en Tunisie. – Dénonce tous les propos à caractères sexystes et intégristes avancés par un groupe d’intégristes lors de la manifestation pour la défense des droits des Femmes en Tunisie – Appelle tous les militants et les militantes et les intellectuels progressistes pour combattre les actions et les idées rétrogrades. Le Bureau National de L’ATF Paris, le 30 janvier 2011
Jamil SAYAH
Professeur de droit public
Avec courage et dignité le peuple Tunisien en 23 jours a renversé un horrible régime dictatorial qui lui a volé 23 ans de son existence. En agissant de la sorte ce peuple éduqué et civilisé a démontré au monde entier que sa révolte a une connotation hautement politique. Justice, liberté et dignité sont désormais sa devise. Mais pour que cette révolte populaire se transforme en une véritable révolution, il faut commencer à bâtir l’avenir. Dans ce contexte la tentation est toujours grande d’aller vers la radicalité et pousser le plus loin possible l’envie de tout reconstruire. Or dans l’histoire, aucune révolution (ni la révolution française, ni la révolution d’octobre) n’a fait table rase de l’existant. Le vide n’aucune vertu. Et le temps est l’ennemi des bâtisseurs. Il faut agir et agir vite pour ne pas décevoir une nation qui s’est soulevée. Ainsi, le pouvoir devient une fonction de l’organisation de la société et la politique n’est plus qu’une manière de donner sens à l’aspiration du peuple. Pour nous, cela pourrait se traduire par une démarche réformatrice qui consiste à saisir les conditions et les implications de ce moment décisif de création où le pouvoir collectif rompt avec les pratiques anciennes pour encourir le « risque » d’une nouvelle configuration d’idéaux nouveaux.
D’abord, cela passe par le renforcement de la participation des citoyens à l’élaboration des lois et institutions qui définissent leur avenir. La réalisation d’un tel objectif passe obligatoirement par l’instauration d’un idéal démocratique qui découle nécessairement de la liberté d’opinion et de l’élection libre. Son objet est d’émanciper le peuple et faire de lui le seul détenteur de la souveraineté. La chose publique devient alors une affaire de débat ouvert et l’Etat l’incarnation de l’intérêt général. La loi exprimerait la volonté du corps social dont elle devient le principe de conservation. Ainsi, elle serait par excellence «l’acte de souveraineté », la déclaration solennelle de la volonté générale, une volonté inaliénable, indivisible, infaillible et absolue du souverain qui n’est autre que le peuple unanime à tenir pour sienne la volonté exprimée par la majorité des suffrages. « La volonté nationale, disait, Sièyès, n’a besoin que de sa réalité pour être toujours légale ». C’est cette réalité que les nouvelles réformes se doivent d’affirmer.
Ensuite, cela passe aussi par la réhabilitation du politique qui, dans le contexte tunisien, doit se traduire nécessairement par le désenclavement de l’Etat. En effet, avant qu’elle soit l’affaire de l’Etat la politique est une pratique grâce à laquelle la société s’organise, structure ses forces, développe son action collective et publique. L’Etat ne fait que proposer un cadre approprié à la réalisation de cette pratique sociale, il garantit son unité et son efficacité. Cette appropriation du politique par la société est la condition de la décolonisation de l’espace public, économique et administratif, envahi actuellement en Tunisie, par des réseaux d’intérêts claniques et mafieux. Elle est aussi la condition de l’achèvement de la sécurité. La restructuration de l’espace public, la réorganisation des différentes formes de pouvoir, la redéfinition des nouvelles compétences et fonctions sont le premier pas de la réforme politique. La domination de l’Etat par un seul parti qui, jusque là, était source de négation d’une pratique politique citoyenne en Tunisie, doit céder la place à un pluralisme réel et effectif fondé sur des normes constitutionnelles claires. Cela implique non seulement des élections, mais des élections libres au cours desquelles toutes les tendances de l’opinion pourront affronter le suffrage des électeurs. C’est admettre du même coup les droits de l’opposition, c’est-à-dire introduire des mécanismes juridiques destinés à assurer l’ouverture du pouvoir. Dès lors, toutes les tendances peuvent avoir accès au débat et toutes doivent y être traitées avec des égards identiques. De ce postulat découle toute la raison d’être du Parlement qui incarnera ainsi les vœux du peuple dans sa diversité politique.
Cela passe enfin, par la garantie des droits fondamentaux qui est une manière d‘affirmer définitivement l’attachement de l’Etat à la démocratie. Il n’est pas douteux que, dans le contexte tunisien, point de démocratie sans séparation des pouvoirs. L’importance politico-juridique d’un tel principe est d’autant plus grande que la Tunisie sous la dictature de Ben Ali n’a jamais eu une différentiation claire entre les différentes catégories des fonctions étatiques. L’exercice du pouvoir a toujours été marqué par une prépondérance de l’exécutif, et au sein même de l’exécutif le Président écrasait tout le reste. Cette personnification de la pratique politique a empêché le pays de se prémunir contre tyrannie. L’effacement du législatif et l’écrasement du pouvoir juridictionnel ont transformé, d’une part, le Parlement en une chambre d’enregistrement sans relief ni réel pouvoir, et d’autre part, les juges en « instrument » au service de la dictature. Or, on le sait depuis la Déclaration française de 1798 que «toute société dans laquelle la séparation des pouvoirs n’est pas déterminée n’a point de constitution » (article 16). Autrement dit, la confusion des pouvoirs prive leur détenteur de toute légitimité politique et juridique. Car, une telle pratique est source d’abus et d’atteinte aux droits fondamentaux. Aussi, pour rétablir l’Etat de droit, il faut s’engager à donner à cette théorie un sens différent de celui que le régime de Ben Ali par sa pratique a donné. Il faut alors réhabiliter la fonction législative en s’engageant à renoncer définitivement à la culture du « parti unique » et en affirmant l’attachement de l’Etat au pluralisme puisque c’est par cette voie que le peuple, dans les démocraties, a pu faire admettre le principe de sa participation au pouvoir et qu’il a pu poser des règles restreignant la liberté d’action des gouvernants afin d’imposer à son profit de droits inaliénables, naturels et sacrés. Quant à la fonction juridictionnelle, il faut faire tout pour que la justice, instrument indispensable de l’Etat de droit, sorte définitivement de cette situation de soumission dans laquelle elle se trouve aujourd’hui en Tunisie. Cela suppose en effet la mise en place de règles constitutionnelles dont le respect garantira son indépendance et son autonomie.
Toutefois, les implications de l’Etat de droit ne peuvent se limiter aux structures formelles de la séparation des pouvoirs, elles touchent au contenu concret de la pratique politique. Dans tous les pays libéraux, le socle de l’Etat de droit est constitué par un ensemble de droits fondamentaux, qui sont inscrits dans des textes de valeur juridique supérieure (textes constitutionnels et textes internationaux). Ainsi, ces droits bénéficient d’une consécration juridique explicite, en étant placés aux étages élevés de l’ordre juridique. Par ce jeu de ce double processus de constitutionnalisation et d’internationalisation, on est en présence d’un bloc de droits fondamentaux, dotés d’une double reconnaissance, constitutionnelle et internationale, ainsi qu’une double protection, nationale et supranationale. De ce fait, il y a bien différence entre l’Etat de droit et la conception traditionnelle de la démocratie. « L’Etat de droit permet de condenser et de fixer cette vision : doté d’une forte puissance évocatrice, il recouvre l’image d’un Etat qui se soumet à la loi, organise la société dans un cadre juridique, protège les droits de l’homme et valorise la société civile ». La démocratie n’est plus synonyme de pouvoir sans partage des élus : elle suppose encore le respect du pluralisme, la participation plus directe des citoyens aux choix collectifs et la garantie des droits et des libertés par un juge constitutionnel indépendant. C’est cette vision d’une démocratie de «substance » fondée sur le droit, et une démocratie politique impliquant le respect du pluralisme et de l’alternance au pouvoir que nous devons défendre afin de reconstruire notre République.
Jamil SAYAH
SIDI BOU ?
Révolution tunisienne: la contagion est-elle évidente?
A vos gardes citoyens, Il faut rester éveillé !
MEETING DE SOUTIEN A LA LUTTE DU PEUPLE TUNISIEN
: Mardi 1er février 20 Heures
Maison de quartier de Villejean,
rue de Bourgogne métro Kennedy
Rennes
Conférence suivi d’un débat animée par Driss Elkerchi de l’Association des travailleurs maghrébins en France avec la participation de Mouhieddine CHERBIB ancien président de laFédération des tunisiens pour une citoyenneté des 2 rives et membre fondateur du Comite pour le Respect des Libertés des droits de l’homme en Tunisie et des franco tunisiens de Rennes.
Cette soirée s’achèvera par un concert de musique avec Mohamed BHAR, chanteur tunisien engagé
Cette conférence débat est appelée par le Collectif de soutien à la lutte du peuple tunisien qui s’est constitué à Rennes. Son objectif est de faire connaître le processus révolutionnaire qui se déroule aujourd’hui et d’en organiser le soutien. Le peuple tunisien est toujours en lutte: l’ex-président Ben Ali a été chassé, mais après 23 ans de dictature, tous les leviers de commande (politique, économie, justice, information, police, armée) sont à la main de ses partisans. Violences et exactions n’ont déjà fait que trop de victimes: elles doivent cesser. La lutte continue: nous la soutenons et exigeons .du gouvernement français et de l’Union Européenne qu’ils cessent leur complaisance à l’égard des dictatures. Nous demandons que Ben Ali et ses complices ne bénéficient d’aucune protection et que le gel de leurs avoirs en France soit effectif.
Cette première victoire du peuple tunisien vers la démocratie crée un espoir pour tous les peuples opprimés en Afrique et dans le monde. Ce collectif est soutenu par EE-LV, la Fase, la GU le NPA, PS, PCF, PG, ARAC 35, CNT, ATMF, le MRAP, le Mouvement de la Paix, Association France Palestine, le Conseil des Migrants, et y participent des franco tunisiens.
Ont été également sollicités ATTAC, FSU, LDH, UDB, MRV , SOLIDAIRES, CGT, CFDT
Driss 0622504800
obtenir de l’aide, ecrivez a:militants-help@atmf.org
URGENT… URGENT…
Un Tunisien et un Egyptien au
CENTRE DE RÉTENTION ADMINISTRATIF DE PALAISEAU
1 – Un Ressortissant Tunisien de 51 ans Khaled LISSILA est détenu au CRA de Palaiseau depuis le 06 janvier2011
Nous venons d’appeler le Consul Général de Tunisie à Paris, nous lui avons demander d’arrêter IMMEDIATEMENT la collaboration des services consulaires avec les autorités françaises et de ne plus délivrer de Laisser Passer pour d’éventuelles reconduites à la frontière.
La FTCR a publié un communiqué le 24 janvier 2011, pour demander l’arrêtt immédiat de toute collaboration des autorités consulaires tunisiennes avec les autorités françaises.(voir ci-dessous).
2 – Un Rressortissant Égyptien HAFEDH Abdallah de 47 ans détenu au CRA de Palaiseau, le Consulat d’Egypte à Paris lui a délivré un Laisser Passer pour quitter le territoire dans vol Paris le Caire, prévu pour demain matin.
la F.T.C.R., demande au nouveau pouvoir exécutif tunisien issu de la révolution les mesures d’urgence suivantes à prendre sans délais : 1. L’arrêt immédiatement de la collaboration des tous les consulats, à la reconduite à la frontière des migrants sans papiers retenus dans les centres de rétention. 2. Vider les consulats des responsables RCDistes et les neutraliser. 3. Restituer les propriétés de l’État tunisien comme l’immeuble situé au 36 rue Botzaris à Paris 19ème pour en faire la maison des associations autonomes et démocratiques de l’immigration tunisienne en France. 4. Libérer les migrants emprisonnés en Tunisie (Tunisiens, Subsaharien et Maghrébins arrêtés ou transférés en Tunisie ). 5. Abolition des lois anti-immigrés ainsi que la criminalisation des infractions au séjour.
pour la FTCR Tarek BEN HIBA président
URGENT Centre de Rétention de Palaiseau
Rached Ghannouchi, le radical devenu symbole d’un islam asphyxié
TUNIS (afp) Chef historique du mouvement islamiste tunisien, Rached Ghannouchi, longtemps considéré comme un radical proche des Frères musulmans égyptiens, se pose désormais en « modéré ». Il se veut le symbole d’un islam étouffé par un régime de fer qui se cherche une place dans une Tunisie démocratique. « Je ne suis pas un Khomeiny », « nous avons un parti islamiste et démocratique, très proche de l’AKP turc », répète le fondateur d’Ennahda (Renaissance) à la presse depuis la chute du président Zine El Abidine Ben Ali, qui a fui la Tunisie le 14 janvier. Silhouette fragile, visage allongé cerclé d’une barbe poivre et sel soignée, cet homme de 69 ans a l’air d’un inoffensif homme de lettres. Difficile d’imaginer qu’il fit trembler le pouvoir tunisien au point que le père de l’indépendance, Habib Bourguiba, voulait le voir « pendu au bout d’une corde » et que son successeur l’a contraint à un exil de plus de 20 ans. Profil bas Privé d’un rôle actif dans la révolution populaire qui a secoué la Tunisie, le vieux leader fait profil bas, s’appliquant à gommer toute trace de radicalité de son discours. « Il ne rentre pas en triomphant, mais comme simple citoyen », assure un de ses proches au sein d’Ennahda, Houcine Jaziri. Pour lever toute ambiguïté, il a d’ores et déjà fait savoir qu’il ne briguerait pas la présidence, ne serait pas candidat aux législatives. Né à El Hamma, une petite ville du littoral du sud-est, le 22 juin 1941 dans une famille modeste, Rached Ghannouchi s’oriente vers des études religieuses. Après avoir obtenu un diplôme de théologie à Tunis en 1962, il devient instituteur à Gafsa, ville du bassin minier du centre-ouest, où il découvre « la misère de l’intérieur ». Prêches enflammés « Assoiffé de connaissances » et « fasciné » par le nationalisme arabe selon son entourage, il poursuit ses études au Caire puis à Damas où il décroche une licence en philosophie. Après un bref passage en France, il rentre en Tunisie à la fin des années 60 et découvre avec effroi une société lancée sur la voie de la laïcité, où les femmes ont obtenu l’interdiction de la polygamie et de la répudiation. Il s’illustre dans les années 70 par des prêches enflammés, prônant la destruction des « légions d’Israël » et réclamant l’application stricte de la charia (loi coranique) pour mettre de l’ordre dans une société qu’il juge dépravée. Inquiétude du pouvoir Avec quelques compagnons de route, il fonde début 1981 le Mouvement de la tendance islamique, qui deviendra Ennahda, dont il est désigné l’émir. Et il commence à inquiéter le pouvoir. Accusé de fomenter des troubles, il est condamné une première fois à onze ans de prison fin 1981 puis aux travaux forcés à perpétuité début 1987. C’est paradoxalement l’arrivée de Ben Ali au pouvoir, en novembre 1987, qui lui sauve la mise: il est gracié en 1988 et en retour, fait allégeance au nouveau président. « Il rejette la violence et reconnaît le statut de la femme. Mais cela ne suffit pas. Aux législatives de 1989, on a remporté plus de 17% des voix et on a commencé à être matraqués », raconte Ali Laraidh, un des responsables du mouvement à Tunis arrêté en 1990 et qui a passé 14 ans en prison. Fin 1989, Rached Ghannouchi quitte la Tunisie pour l’Algérie, puis gagne Londres en 1991. L’année suivante, un tribunal militaire de Tunis le condamne avec d’autres responsables religieux à la prison à vie pour « complot » contre le président. Son retour à Tunis dimanche est pour le noyau dur du mouvement « le symbole d’une liberté retrouvée ». Mais, pour les féministes et les laïcs, il signifie la nécessité d’une « vigilance » accrue contre « la tentation de l’obscurantisme ».
Tunisian Islamists show strength at chief’s return
* Turnout is strongest showing by Islamists in two decades * Islamist leader calls for democracy * Three days since government announced, protests dry up * U.N. chief calls for « timely and credible » elections By Lin Noueihed and Tom Perry TUNIS, Jan 30 (Reuters) – Thousands of Tunisians turned out on Sunday to welcome home an Islamist leader whose return from 22 years of exile indicated that his party would emerge as a major force in Tunisia after the ousting of its president. The reception for Sheikh Rachid Ghannouchi, leader of the Ennahda party, at Tunis airport was the biggest showing by the Islamists in two decades, during which thousands of them were jailed or exiled by president Zine al-Abidine Ben Ali. Ghannouchi was exiled in 1989 by Ben Ali, who was toppled on Jan. 14 by popular protests that have sent tremors through an Arab world where similarly autocratic leaders have long sought to suppress Islamist groups. Protesters in Egypt demanding an end to President Hosni Mubarak’s 30-year rule have been inspired by the example of Tunisia. Egypt’s main opposition group is also Islamist, but played no part in organising the protests there. Ennahda is expected to contest future legislative but not presidential elections, dates for which have yet to be set. The Islamists were Tunisia’s strongest opposition force at the time Ben Ali cracked down on them in 1989 but are thought not to have played a leading role in the popular revolt. But at Tunis airport on Sunday, they were out in force. Up to 10,000 young men and veiled women packed the arrival hall and car park. Some climbed trees and electricity pylons to catch a glimpse of the 69-year-old Ghannouchi, who says he has no ambition to run for state office. « Oh great people who called for this blessed revolution, continue your revolution, preserve it and translate it into democracy, justice and equality, » Ghannouchi told the crowd, to chants of « Allahu Akbar ». Ennahda supporters embraced each other in joy. A group of men performed prayers on a grass verge, a scene unthinkable in Tunisia just a few weeks ago. Ennahda likens its ideology to that of Turkey’s ruling AK Party, saying it is committed to democracy. Experts on political Islam say its ideas are some of the most moderate among Islamist groups. SECULAR ORDER IMPOSED Tunisia has imposed a secular order since independence from France in 1956. Habib Bourguiba, the independence leader and long-time president, considered Islam a threat to the state. Ben Ali eased restrictions on the Islamists when he seized power in 1987, before cracking down on them two years later. The protests which dislodged Ben Ali and electrified the Arab world have largely dried up in the last few days following the announcement on Thursday of a new interim government purged of most of the remnants of Ben Ali’s regime. The security forces have tried to restore order to the capital, where confrontations between shopkeepers and protesters have indicated dwindling support for demonstrators on the part of Tunisians who want life to return to normal. U.N. Secretary General Ban Ki-moon, speaking at the African Union summit in Addis Ababa, said the United Nations would be « pleased to help the people of Tunisia freely choose their leaders through timely and credible elections ». Ghannouchi told the crowd the path to democracy was « still long ». « Unite and consolidate, democracy cannot happen without national consensus and development can only happen with justice and democracy, » he said. Ennahda activists wearing white baseball caps tried to marshal the crowds. Asked how they had managed to organise so quickly, one activist said: « Our activities were stopped, but you can’t disperse an ideology. » Some Ennahda activists were among the political prisoners released under an amnesty granted by the interim government. A handful of secularists turned up at the airport to demonstrate against the party, holding up a placard reading: « No Islamism, no theocracy, no Sharia and no stupidity! » Ennahda and its supporters say they do not seek an Islamic state and want only the right to participate in politics. « We want a democratic state, » said Mohammed Habasi, an Ennahda supporter who said he had been jailed four times since 1991 for « belonging to a banned group ». « We suffered the most from a lack of democracy, » he said. Abdel Bassat al-Riyaahi, another Ennahda activist who returned from exile, said: « We were banned for 21 years … but we came back with our heads held high. « Thank God for the great Tunisian people. »
ANSA, le 30 janvier 2011 à 19h03 GMT
Tunisia: torna leader islamico accolto con Allah è grande
TUNISI (ansa) Lo hanno accolto a migliaia, come un eroe, al grido di « Allahu Akbar! » (Dio è il più grande). Rachid Ghannouchi il fondatore del partito islamico tunisino Ennahda (Rinascita), fuorilegge e perseguitato durante il regime di Ben Ali, è tornato oggi in patria dopo 22 anni di esilio. E con lui per la prima volta nella nuova Tunisia è tornato anche visibile il popolo musulmano, che pure ha partecipato alla rivoluzione, ma mantenendo un basso profilo, a conferma dell’ unicità di un movimento guidato non da leader riconoscibili o ideologie, ma da una coscienza comune affamata di libertà. Un valore questo cui si è subito associato Ghannouchi, invitando i suoi seguaci a « continuare la rivoluzione, preservarla e tradurla in democrazia, giustizia, eguaglianza », ha detto appena giunto da Londra all’aeroporto di Tunisi in tarda mattinata. Il leader islamico, che nel 1989 fuggì alla persecuzione di Ben Ali, rifugiandosi nella capitale britannica, ha poi fugato tutti i dubbi sulle sue aspirazioni con il rientro in patria: « Torno in Tunisia, ma non ho intenzione di presentarmi alle elezioni, nè legislative nè presidenziali », ha affermato. « E non ci sarà alcun candidato di Ennahda. Dopo vent’anni di assenza il mio partito non è pronto a giocare un ruolo sulla scena politica. La priorità è ricostruirlo ». Ma poi non ha escluso una qualche partecipazione al processo di transizione. Hanno però impressionato molti le scene di giubilo all’arrivo di Ghannouchi, il cordone di gente che lo proteggeva dalla folla urlante, le migliaia di islamici che non si erano ancora visti tutti insieme nemmeno nelle grandi manifestazioni di piazza della ‘rivolta del gelsomino’. E l’annuncio del suo arrivo non ha lasciato indifferente chi teme che, con la ritrovata libertà, la Tunisia rischi anche una radicalizzazione religiosa. Tanto che all’aeroporto ad accogliere Ghannouchi c’era anche un piccolo gruppo di difensori della laicità, che innalzavano cartelli contro l’integralismo islamico. Un possibiltà remota, secondo il pensatore islamico-moderato Mohammed Talbi: « In Tunisia il partito islamico rappresenta una minoranza, non ha la forza per imporsi al momento, anche perchè è indubbio che il movimento alla base della rivolta è senza religione, è un movimento laico », ha detto all’agenzia stampa italiana ANSA. La strada verso le elezioni è comunque tutta da costruire, così come l’esperienza del pluralismo in Tunisia non ha ancora connotati chiari. E allora il ruolo di Ennahda, partito che ha visto negli anni migliaia dei suoi sostenitori imprigionati e torturati, è ancora tutto da verificare, dopo la promessa del governo post-Ben Ali di legalizzare tutti i partiti. Ma intanto, con il ritorno di Ghannouchi, ha acquisito visibilità. « È vero che il movimento islamico è stato molto discreto nelle sue rivendicazioni durante la rivolta, ma oggi con il rientro di Ghannouchi si è mostrato in maniera più visibile. Un ritorno simbolico con il quale ha acquisito una visibilità fino ad ora inedita », dice Saida Bgarach, rappresentante dell’Associazione delle donne democratiche, che ieri sono scese in piazza a centinaia a Tunisi anche per « mandare un messaggio chiaro agli islamici: non siamo risposte a rinunciare ai nostri diritti acquisiti ».
AP Interview: Islamist leader returns to Tunisia
By BOUAZZA BEN BOUAZZA and JEFFREY SCHAEFFER, Associated Press TUNIS, Tunisia (AP) _ The leader of a long-outlawed Tunisian Islamist party has returned home after two decades in exile, telling The Associated Press in his first interview on arrival that his views are moderate and that his Westward-looking country has nothing to fear. Rachid Ghanouchi and about 70 other exiled members of Ennahdha, or Renaissance, flew home from Britain two weeks after autocratic President Zine El Abidine Ben Ali was forced from power by violent protests. At the airport on Sunday, thousands of people welcomed him, cheering, shouting « God is great! » and drowning out his attempt to address the crowd with a megaphone. Ghanouchi rejected any comparison to more radical figures, including the hardline father of the Iranian Revolution. « Some Western media portray me like (Ayatollah Ruhollah) Khomeini, but that’s not me, » Rachid Ghanouchi told the AP. During 23 years in power, Tunisia’s ousted president cracked down on opponents, including proponents of political Islam, jailing them and sending many into exile. As Tunisians protests over corruption and repression, Ben Ali fled to Saudi Arabia on Jan. 14. With Ben Ali gone, Ennahdha has moved quickly to carve out a place in the political scene, taking part in demonstrations and meeting with the prime minister. Some Tunisians fear that a revival of Islam could hurt their hard-won gains and quality of life, or inspire an extremist movement like the al-Qaida-linked network that has waged an insurgency in neighboring Algeria. But, while Ennahdha was branded an Islamic terrorist group by Ben Ali, it is considered moderate by scholars. Experts say Ben Ali used a fear of Islamists to seduce Western allies keen for a bulwark against terrorism in a volatile region, and win their blessing despite widespread repression. Though the ban on Ghanouchi’s party hasn’t officially been lifted, the new interim government has been more tolerant of it. Ghanouchi said he wants his party to help Tunisia carry out democratic reforms, though he is not interested in standing in elections expected in upcoming months. « I am not going to run for president of Tunisia, nor as a minister nor as a parliamentarian, » he said in an interview at his brother’s home, where family members celebrated with a festive meal of couscous. Another long-exiled opponent _ Moncef Marzouki, a secular leftist and human rights activist _ was there to welcome him. Ghanouchi, 69, left the country as Ben Ali came to power in 1987. In 1991, he was convicted in absentia to life in prison, as were most of the party’s leaders. Ben Ali banned the party, accusing it of conspiring to kill him and establish a Muslim fundamentalist state. Ennahdha denied those accusations. The new activism by Islamists _ who want a role for Islam in their country’s politics _ is feeding jitters that extremism may be on the rise in Tunisia, long a nation proud of its modern identity: Women enjoy widespread freedoms, Muslim headscarves are banned in public buildings and abortions, a deep taboo in most Muslim societies, are legal. Ghanouchi said he seeks to reinforce women’s rights set out by Tunisia’s Westward-looking modern-day founder, Habib Bourguiba. In 1956, Tunisia abolished polygamy and gave women the right to divorce their husbands. Ghanouchi said his party still supports that historic turning point, along with freedom of religion. « So why are (certain) women afraid of me? » Ghanouchi said. In a reference to Muslim headscarves, he also asked: « Why don’t ‘liberated’ women defend the right of other women to wear what they want? » Asked about his view on abortion, he dodged the question, saying the issue was complicated. Ghanouchi compared his politics to those of Turkish Prime Minister Recep Tayyip Erdogan. Despite Erdogan’s Islamist roots, he has been widely viewed as a pragmatist largely loyal to the legacy of Turkey’s founding father Mustafa Kemal Ataturk, who sought to create a secular, modern state. « Why do people want to compare me to (Osama) Bin Laden or Khomeini, when I am closer to Erdogan? » Ghanouchi said. The unrest that toppled Ben Ali in Tunisia has spread to Egypt, where protesters are calling for the departure of President Hosni Mubarak. In Tunisia, meanwhile, the interim government has been trying to stabilize the country after weeks of unrest fueled by widespread corruption and repression _ that led to Ben Ali’s flight. Tunisia has issued an international arrest warrant for Ben Ali, accusing him of taking money out of the country illegally. Swiss prosecutors said Sunday they have launched a money laundering investigation into accounts belonging to Ben Ali and his family. The Federal Prosecutors Office said the accounts blocked two weeks ago contain tens of millions of Swiss francs. Prosecutors in Paris are also probing the family’s assets in France.
Tunisie: développer les régions, défi crucial du nouveau gouvernement
TUNIS, 31 Jan 2011 (AFP) – Les nouveaux dirigeants tunisiens sont désormais confrontés à un défi crucial laissé en héritage par l’ancien régime Ben Ali et son système de prédation: réduire les inégalités régionales sur fond de chômage endémique. Il y a d’autant plus urgence que la révolution tunisienne était au départ une révolte qui a pris corps et de l’ampleur à partir de revendications sociales dans les milieux provinciaux laissés pour compte sous le régime déchu. « Une croissance durable est indispensable pour la réussite de cette transition, mais cela va prendre du temps, voilà le problème du gouvernement de transition qui est seulement capable de gérer le quotidien », estime l’économiste Abdeljelil Bédoui. « La Tunisie a souffert depuis l’indépendance en 1956 d’un +racisme économique+, engendrant la révolte des ruraux et des exclus des régions à dominante rurale », affirme de son côté l’analyste Khémaies Krimi. A l’appui, il explique qu’en 2004 le gouvernement avait lancé une politique d’aménagement de territoire qui faisait la part très belle au littoral en matière d’investissements, tandis que pour le reste du pays ce n’était que de « l’assistance sociale ». Le Premier ministre Mohammed Ghannouchi a donné un début de réponse vendredi en annonçant sa « feuille de route »: « transition démocratique et relance économique », façon de dire que l’une ne peut pas fonctionner sans l’autre dans un pays aux inégalités criantes. L’immolation par le feu le 17 décembre de Mohamed Bouazizi, un jeune diplômé chômeur devenu marchand de légumes ambulant à Sidi Bouzid, une ville déshéritée de l’intérieur, a précipité la chute du régime de Ben Ali mais aussi montré de façon dramatique la « désespérance économique » d’une jeunesse sans travail dans les provinces et l’urgence à agir. Selon l’économiste Mahmoud Ben Romdhane, le taux de chômage des diplômés a grimpé à plus de 33% à l’échelle nationale, ce qui représente 200.000 personnes, et doit avoisiner les 60% à Sidi Bouzid. « Le problème va s’aggraver parce que les futurs diplômés de 2015 sont déjà dans les universités ». « Chaque années 80.000 diplômés arrivent sur le marché du travail, alors que l’économie dans sa structure actuelle ne peut pas offrir plus de 40.000 emplois », a-t-il dit. Loin de l’image de carte postale sur le « miracle économique tunisien » vendu par le clan déchu, le Fonds monétaire international a estimé jeudi que la crise socio-politique pourrait le contraindre à ramener de 5% à 3-4% sa prévision actuelle de croissance en 2011. Il affirmait déjà en septembre dans son « bilan de santé annuel » que le chômage était « à nouveau en progression en Tunisie et demeure relativement élevé, notamment chez les jeunes diplômés ». Pour les régions délaissées depuis des décennies, « il faut adopter un nouveau schéma national pour les équiper et les doter d’infrastructures », dit encore Mahmoud Ben Romdhane, insistant sur la nécessité « dans l’immédiat » de lancer un grand programme de chantiers publics, qui reste à financer. Le gouvernement de transition a annoncé le 25 janvier le versement d’une aide exceptionnelle de 260 millions d’euros pour les régions les plus pauvres et accordé une allocation mensuelle de 78 euros aux chômeurs diplômés de longue durée. L’une des clés de cette indispensable relance pourrait se trouver à Bruxelles, où est attendu dans les jours prochains le chef de la diplomatie tunisienne Ahmed Abderraouf Ounaïs. L’Union européenne avait entamé en mai 2010, avec le régime du président Ben Ali, des négociations en vue d’accorder à la Tunisie un statut avancé, ouvrant la voie à un traitement douanier préférentiel pour les échanges et à une libéralisation en matière de visas. Elles n’ont pas fait de progrès sensibles depuis lors.
Révoltes dans le monde arabe: le Maroc ne fera pas exception (cousin du roi)
Les troubles dans le monde arabe depuis la révolution tunisienne
Le Caire (afp) Le mouvement de contestation qui a entraîné la chute du président tunisien Zine El Abidine Ben Ali le 14 janvier a provoqué une onde de choc dans plusieurs pays arabes. Petit tour d’horizon: – EGYPTE: Le 25 janvier, début de manifestations sans précédent contre le régime du président Hosni Moubarak, au pouvoir depuis 1981. Ce mouvement de contestation avait été précédé de cinq cas d’immolations par le feu dont un mortel. La révolte, qui en de nombreux endroits a tourné à l’émeute et dégénéré en de violents affrontements entre police et manifestants, a fait au moins 125 morts au total et des milliers de blessés. La journée du 28 a été, avec 62 morts, la plus sanglante. Le couvre-feu a été instauré au Caire, à Alexandrie et à Suez. M. Moubarak a promis des réformes et annoncé la nomination d’un nouveau premier ministre et la création du poste de vice-président, octroyé au chef des Renseignements. Mais des dizaines de milliers d’Egyptiens ont continué à descendre dans les rues ce week-end, affrontant parfois violemment les forces de l’ordre. – YEMEN: Les manifestations anti-régime se multiplient depuis la mi-janvier. Le 27, des milliers de personnes ont défilé à Sanaa pour réclamer le départ du président Ali Abdallah Saleh, au pouvoir depuis 1978. Le 29, heurts entre opposants et partisans du régime. Le gouvernement a annoncé une augmentation des salaires. Au moins trois tentatives d’immolation par le feu et un décès en quelques jours. – JORDANIE: La contestation a débuté dès le 14 janvier, lorsque des milliers de personnes ont manifesté à travers le pays contre la politique économique. Plusieurs autres manifestations ont eu lieu à Amman, malgré l’annonce de nouvelles mesures sociales. Le 28, plusieurs milliers de personnes sont descendues dans la rue, à l’appel des Frères musulmans, réclamant un changement de gouvernement et des réformes. Depuis plusieurs jours, le roi Abdallah II multiplie les initiatives pour tenter d’apaiser la grogne populaire. – ALGERIE: Début janvier, cinq jours d’émeutes contre la vie chère ont fait cinq morts et plus de 800 blessés. Le mouvement de protestation a pris fin après l’annonce d’une baisse des prix des produits de base. Une marche « pour la démocratie » a été empêchée le 22 par la police, une autre pour demander le « départ du système » est prévue le 12 février à l’appel de la toute nouvelle Coordination nationale pour le changement et la démocratie. Trois décès par immolation par le feu et dix tentatives ont été dénombrées depuis le 14 janvier. – SOUDAN: Les tensions politiques et les difficultés économiques ont provoqué des manifestations ces dernières semaines, et au moins un homme est mort après s’être immolé par le feu. Début janvier, des heurts avaient déjà opposé la police à des étudiants protestant contre la hausse des prix. Le 30, journée de protestation antigouvernementale à travers le pays. Heurts entre forces de l’ordre et jeunes manifestants à Khartoum. -OMAN: Quelque 200 personnes ont manifesté le 17 janvier à Mascate pour protester contre la cherté de la vie et la corruption. – MAURITANIE: Dès le 13 janvier, une marche et un meeting ont réuni plusieurs milliers de personnes à Nouakchott, à l’appel de l’opposition, et des lycéens ont manifesté contre la hausse des prix. Un homme d’affaire s’est immolé par le feu, le 17. Face à la flambée des prix, les autorités ont annoncé le 20 janvier une baisse de 30% des prix de produits de première nécessité. – MAROC: Trois personnes ont tenté de s’immoler par le feu le 21 janvier, une autre le 25. Les autorités ont lancé des appels d’offre pour l’achat d’importantes quantités de céréales, afin d’éviter des pénuries.
Tunisie: la sous-préfecture de Kasserine pillée et saccagée
TUNIS – La sous-préfecture de Kasserine, ville frondeuse du centre-ouest de la Tunisie, a été pillée et saccagée lundi par plusieurs centaines de personnes, selon des sources syndicales contactées par l’AFP et l’agence officielle TAP. Selon ces mêmes sources, les forces de l’ordre ne sont pas intervenues dans cette localité, qui a connu des affrontements violents entre la police et des manifestants lors des émeutes qui ont conduit à la chute du régime Ben Ali. « Plusieurs centaines de personnes se sont attaquées à la sous-préfecture et la maison du sous-préfet ce matin (lundi). Ils ont tout pillé et saccagé », a déclaré à l’AFP Choukri Hayouni, un syndicaliste joint à Kasserine. « Ils ont tout pris, des meubles, des ordinateurs, des montants de fenêtres, de la vaisselle. J’en ai même vu avec des petites cuillers », a affirmé un autre syndicaliste, Sadok Mahmoudi. Ils ont en outre affirmé que les pillards étaient « encadrés par des gens du RCD », l’ancien parti au pouvoir du prédisent déchu Ben Ali. Cette information n’avait pu être confirmée par d’autres sources. Selon l’agence officielle TAP, « le gouvernorat de Kasserine a été ces dernières heures le théâtre de troubles ». « Des malfaiteurs ont attaqué des institutions et terrorisé les habitants », affirme la TAP, précisant qu’avaient été notamment visés les bâtiments de la sous-préfecture, la maison des jeunes et un lycée professionnel. Les deux syndicalistes de la puissante centrale UGTT (Union générale des travailleurs tunisiens) ont affirmé que l’armée, qui était présente, n’était pas intervenue pour mettre fin aux troubles. (©AFP / 31 janvier 2011 17h38)
A Tunis, les islamistes d’Ennahda croient en leur renaissance
Des milliers de personnes ont accueilli hier le chef du mouvement interdit, Rached Ghannouchi, de retour de vingt-deux ans d’exil.se propaga la Revolución tunecina
El contagio en Argelia es cuestión de días
¿Se puede hablar realmente de contagio de la revolución tunecina en el resto del mundo árabe? El impulso dado por las movilizaciones que acabaron con el régimen dictatorial de Zine Ben Ali en Túnez, ha despertado ansias y reivindicaciones entre los pueblos árabes, del Atlántico hasta el Golfo. Para tener una explicación profunda de primera mano y vislumbrar el alcance de lo que está pasando en la ribera sur del Mediterráneo, hemos entrevistado a Djamaledin Benchenouf, director del periódico digital Le Quotidien d’Algérie.
¿Cuáles son las causas profundas de esta revuelta en el mundo árabe? Son múltuiples y complejas. En pocas palabras: desde que se inició la descolonización, una serie de oportunistas políticos se emboscaron en los movimientos de liberación y desviaron el curso natural de la historia. En realidad los pueblos árabes nunca se han descolonizado; un colono ha remplazado a otro. El nuevo ocupante salido del propio pueblo ha utilizado a menudo los mismos métodos de dominación y represión, incluso más brutales y mortíferos que antes, como ocurrió en Argelia.
En algunos casos, peor… Creo que el factor agravante de estos sistemas despóticos se encuentra en las riquezas naturales de estos países, como el petróleo. Sin ellas, estos regímenes mediocres no habrían resistido. Adueñarse de las mismas les ha permitido corromper amplios sectores de la sociedad.
Pero no es el caso de Túnez… Ahí el esquema es diferente porque el régimen de Ben Ali heredó un país próspero y construido sobre cimientos racionales. Ben Ali se acaparó del poder, pero no destruyó la economía. Al contrario que en Argelia, donde el régimen de Bumedien para asentarse destruyó el conjunto de la economía, la agricultura, la artesanía y el turismo.
¿Qué es lo peor que ha ocurrido en estos países ? Lo más grave ha sido la devastación de los valores cívicos. Lo que explica dos fenómenos, aparentemente separados, pero íntimamente vinculados : los flujos migratorios hacia los países del Norte y la islamización de la sociedad. Por una parte, las poblaciones intentan huir de las sociedades en las que impera la ley de la jungla, pero por otro aspiran a una regeneración moral y cívica y creen encontrarlo en la vuelta a las fuentes del Islam.
Algunos países ya han sido contagiados. ¿Y los demás? Creo que estamos presenciando un verdadero aluvión. Gracias a las nuevas técnicas de la comunicación y la información, hoy las sociedades se enteran de la actualidad en tiempo real. Todos los pueblos, no sólo los árabes y musulmanes, que viven grosso modo en las misma situación de opresión, se sienten afectados. Estoy seguro de que a corto plazo vamos a presenciar las hogueras de la ira en Argelia, Jordania y Yemen, y más tarde también en Libia y en Siria, donde los sistemas de poder están encadenados de manera más compleja ya que amplias capas de la sociedad, verdaderos clanes étnicos, participan en el control de la población.
¿Era inevitable tanta corrupción? Por supuesto que no. No hemos tenido suerte. Lo que ocurre es que los que verdaderamente hicieron la revolución murieron en la lucha por la independencia o inmediatamente después; y los que sobrevivieron, o fueron corrompidos por el poder o liquidados. Eso ha ocurrido en todos los procesos de la descolonización.
¿En Argelia también? Sí. Si Ferhat Abbás, Benjeda y otros no hubieran sido apartados por Bumedien y Ben Bella, hoy Argelia sería un estado moderno y prospero. Pero desgraciadamente los que tomaron el poder se vieron en la necesidad de comprar la colaboración de todos aquellos que les causaban problemas, y de este modo el Estado se convirtió en un régimen cleptócrata y mediócrata.
El cambio que muchos piden ahora, ¿será progresivo o radical? Bueno, todo el mundo quiere un cambio radical y total, pero no hay que hacerse ilusiones. Hay muchos intereses en juego que decidirán el curso de los acontecimientos. Yo creo que va a haber cambios de « personas » pero no de sistemas. Durante un tiempo dejará de haber abusos excesivos, pero sólo un tiempo, después pueden volver. Aunqué quizás los pueblos se muestren más vigilantes y menos manipulables. ¡Ojalá!
¿Es necesario un choque violento para echar a los dictadores? Dependerá de los americanos y de Europa. Todos los déspotas saben que su suerte depende de estas potencias. Si se les impone no abusar de la fuerza, no lo harán, porque en el momento de huir no quieren ser mal recibidos allí donde tienen sus fortunas colosales. Reaccionarán a las protestas populares en función de lo que les dejen hacer las potencias occidentales, pero también sus propios Ejércitos donde comienza a soplar un fuerte viento, como en Argelia. ¿Acaso piensa usted que la revuelta popular no habría sido reprimida si los americanos no hubierean enviado un mensaje claro al Ejército tunecino ?
Esa erupción popular en Túnez, Egipto, Jordania, Yemen, ¿tendrá repercusiones en Argelia? Seguro. Es cuestión de días o de horas. Aunque en Argelia, dada la ausencia de élites capaces de canalizar las manifestaciones, puede ser un arma de doble filo. Una muchedumbre sin líderes y sin consignas, puede volverse contra la gente que terminará prefiriendo la opresión del régimen a la inseguridad global. Además, en estos momentos el régimen argelino intenta canalizar las protestas para hacer creer que la población no quiere echar al régimen sino sólo obtener simples mejoras, como suprimir el Estado de emergencia. En Argelia todo es posible, inclusive un vuelco del Ejército contra el clan de Buteflika y de los servicios secretos. Incluso podría producirse un golpe de estado en las actuales circunstancias.
¿Qué actitud tiene el pueblo argelino hacia sus dirigentes? Los odia. Incluso más de lo que odiaba el pueblo tunecino a Ben Ali. No hay que olvidar que el régimen argelino utilizó la crisis islamista para perpetrar masacres y robar decenas de miles de millones de dólares. El núcleo duro del poder compuesto de algunos generales, de la familia de Buteflika y de unos pocos barones financieros, han conseguido amasar fortunas colosales. Mientras que la inmensa mayoría de la población vive en situación de miseria, gracias a la economía sumergida y la compraventa callejera, lo que cuesta mucho dinero y compromete gravemente el porvenir del país. Sepa que el verdadero índice del paro es del 40 por ciento y no del 17 por ciento como pretenden las autoridades.
¿No teme que haya un baño de sangre? Eso dependerá de Occidente. Si se envía un mensaje alto y claro a Buteflika y a los servicios secretos, la transición puede realizarse relativamente bien. Si no, habrá una carnicería como en las manifestaciones de octubre de 1988 que se saldaron con más de 400 muertos, o quizás peor.
Los militares argelinos ¿pueden escuchar a pueblo como ha ocurrido en Túnez? Sí. Sabemos que hay un gran malestar en el seno de la oficialidad, y en este momento todo es posible. El general Tawfik Medien, jefe de los servicios secretos, tiene mas de 70 años y está muy enfermo, lo mismo que su amigo Buteflika, también envejecido y más enfermo si cabe.
¿Se podría formar un gobierno de transición en Argelia, al estilo tunecino? Será muy difícil, por falta de consenso. El régimen ha actuado de manera que las únicas fuerzas organizadas en el país comen en su mesa. Los partidos y los sindicatos han sido corrompidos, infiltrados y laminados. Será mucho más difícil que en Túnez. Además el régimen agita el espantajo de que las únicas fuerzas que se van a beneficiar de la revuelta serán los islamistas.
¿Hay alternativa democrática al régimen actual? Sí. Es posible una democracia completa si hay un verdadero consenso entre las corrientes demócratas y los islamistas moderados para asegurar una transición tranquila aunque laboriosa, hacia un Estado de derecho.
Pedro Canales. Corresponsal en El Magreb
Quelles leçons peut-on tirer de la crise tunisienne ?
Deux semaines après le départ précipité du présidentBen Ali et l’ivresse de la liberté de la victoire qu’a procurée la « Révolution du Jasmin », le temps de la réflexion est sans doute venue. Quelles réponses à apporter aux interrogations légitimes que l’on est en droit de se poser à propos de cet événement sans précédent dans le monde arabe. Etait-il prévisible ? La perspective de l’instauration d’une démocratie en Tunisie est-elle une menace pour les régimes autoritaires arabes ? La diplomatie française s’est-elle fourvoyée et a-t-elle manqué de clairvoyance ?
Tout d’abord, on rappellera que la surprise a été totale et ceci pour tout le monde : pour l’opinion comme pour les autorités en France et ailleurs, pour les commentateurs comme pour les diplomates, et… pour les Tunisiens eux-mêmes. Quelques jours encore avant la fuite de Ben Ali, les manifestations qui se développaient en Tunisie, reléguées dans les pages intérieures des quotidiens, étaient encore qualifiées de « troubles sociaux » sans que soit évoqué le risque de déstabilisation du régime. Ce n’est que le jeudi 13 janvier qu’apparaît l’idée que le régime est ébranlé : Ben Ali partira le lendemain.
A posteriori, cette révolution semble avoir été le produit d’un mélange détonnant dont les ingrédients sont maintenant mieux identifiées : malaise politique, affectant sans doute même le RCD de l’intérieur ; caractère de plus en plus répressif du régime développant un sentiment de peur ; absence totale de liberté d’expression, notamment dans la presse ; racket organisé de façon quasi ostentatoire par le clan familial ; difficultés de la vie quotidienne liées à la crise économique ; chômage important, en particulier parmi les jeunes diplômés ; influence des nouveaux moyens d’information, outils à la fois d’information mais aussi de mobilisation en temps réel de l’opinion ; existence d’une armée peu politisée et qui refuse de tirer sur la foule.
Ces ingrédients existent dans d’autres pays arabes, à des degrés divers et sans doute avec des pondérations différentes. Cependant, de la Mauritanie au Qatar, les vingt deux pays arabes ne se ressemblent pas, tant au point de vue politique, économique que social. Les uns développent une politique de réformes, d’autres restent dans un immobilisme total ; les uns ont des moyens financiers considérables, d’autre voient plus du tiers de leur population vivant en dessous du seuil de pauvreté ; chez certains, l’ordre règne, d’autres sont des Etats faillis ou chaotiques. Mais il est sûr que la Révolution du Jasmin, vécue en temps réel par 350 millions d’Arabes, ne sera pas sans conséquences. Déjà, comme on l’a vu, le même geste de désespoir que celui de Mohamed Bouazizi a été répété ; des manifestations, parfois violentes, ont éclaté dans plusieurs pays. Certains gouvernements, conscients du danger, ont pris des mesures d’urgence, parfois plus symboliques que réelles.
Le plus sérieusement touché, qui était le plus vulnérable, est l’Egypte : autant les événements en Tunisie ont été une surprise, autant ceux qui affectent ce pays étaient prévisibles : les nuages s’amoncelaient depuis plusieurs années, comme l’avaient noté de nombreux observateurs. Une situation explosive se focalisait de plus en plus contre la personne du président Moubarak au pouvoir depuis près de trente ans. Il est encore trop tôt pour savoir comment cette crise va se dénouer. Il est probable que l’armée, qui, par delà la personne du président Moubarak, a le pouvoir depuis près de soixante ans, est déterminée à le garder. Cependant, il est douteux qu’un « effet domino » se déclenche, balayant comme des châteaux de cartes tous les régimes autoritaires du monde arabe. En raison même de leur diversité et comme l’expérience du passé l’a montré, la démocratie ne s’exporte pas : elle est le fruit d’une construction lente, progressive, difficile par les « forces vives » de chaque pays. Mais il est sûr que ces manifestations vont se poursuivre encore dans de nombreux pays et que ces événements vont accroître la pression qui s’exerce sur les gouvernements pour qu’ils ouvrent le jeu politique.
S’agissant de la Tunisie, où le gouvernement remanié semble être maintenant accepté, elle dispose à l’évidence de nombreux atouts : une économie saine, une ouverture au monde et à la modernité, un statut personnel éclairé. Mais rien n’est encore acquis. Si elle devient une vitrine de la démocratie, son exemple contribuera à augmenter, dans de nombreux pays, les pressions existant en faveur des réformes politiques et économiques. Mais si la démocratie devait échouer, alors la Tunisie au même titre que l’Irak, deviendrait un repoussoir, un contre-exemple.
Notre diplomatie a-t-elle été aveugle ? A-t-elle réagi trop tard, en décalage avec les événements ? Au niveau de l’information, celle dont disposaient les autorités françaises était du même ordre que celle que les diplomates américains envoyaient à Washington : le même diagnostic lucide était partagé. Certes un développement économique et social était indéniable et d’ailleurs reconnu, mais le caractère policier, les atteintes au droit de l’homme et le racket du clan familial étaient bien évidemment relevées. Le contact était maintenu à Tunis, mais aussi à Paris, avec les représentants de la société civile, y compris les opposants. Mais comme l’a reconnu le président Sarkozy, le degré d’exaspération de l’opinion publique face au régime policier et dictatorial a été sous estimé et la rapidité de l’enchaînement des événements mal perçu.
On peut également rappeler que la politique menée à l’égard de la Tunisie a été d’une grande continuité depuis plus de vingt ans, qu’il s’agisse des présidences Mitterrand, Chirac ou Sarkozy. Un choix politique avait été fait, à tort ou à raison. Dans ce choix la tragédie algérienne – le coup d’Etat de 1992 suspendant les élections démocratiques suivies d’un guerre civile meurtrière – a eu un impact déterminant : la conviction était que le régime Ben Ali était un rempart contre la montée de la violence islamiste. Cette politique ne s’est sans doute pas suffisamment infléchie lorsque les dérives policières et mafieuses se sont amplifiées. Cependant, cet aveuglement était la chose la mieux partagée, si l’on en croit le florilège des propos complaisants à l’égard du président Ben Ali, exprimés encore récemment par de nombreuses personnalités et non des moindres, toute sensibilité politique confondue.
Des leçons doivent être tirées et l’ont sans doute déjà été. Le problème est naturellement moins de gloser sur le passé que de savoir que faire aujourd’hui et à l’avenir. Certes la situation en Tunisie reste encore évolutive. Mais il est clair que notre politique envers la Tunisie doit être orientée vers un appui chaleureux à cette jeune démocratie naissante qui essaie de s’organiser. Il ne s’agit pas de s’ingérer ou d’imposer un modèle, mais de contribuer, bilatéralement ou à travers l’Europe, à créer un contexte international, politique, économique et financier favorable, de façon à accompagner la mise en place d’institutions stables et démocratiques. Cependant la réflexion doit dépasser le cas particulier de la Tunisie. Le monde change, le monde musulman change, le monde arabe change et les évolutions s’accélèrent pour le meilleur mais également parfois pour le pire, comme le montre la situation au Moyen-Orient. A l’évidence les opinions ne sont plus prêtes à accepter la privation des libertés fondamentales et des situations considérées auparavant comme acceptables, pour de multiples raisons : l’ouverture, la mondialisation, l’irruption d’une jeunesse diplômé en désarroi, l’impact des nouvelles technologies sur l’information mais également sur la mobilisation des opinions. Les ressentiments à l’égard de l’Occident prennent un tour préoccupant. Il reste que, comme l’avait déjà relevé le Programme des Nations unies pour le développement il y a près de dix ans, il existe encore une exception arabe en termes de démocratie. M. Amr Moussa, secrétaire général de la Ligue arabe, soulignait le 19 janvier, à l’occasion du sommet économique et social de cette organisation, que « les citoyens arabes sont dans un état sans précédent de colère et de frustrations ». Il reste à souhaiter que les gouvernements passent de la lucidité à l’action.
Source: ”Le Monde.fr” Le 31-01-2011
« La Tunisie oscille entre rupture radicale et démocratie autoritaire »
Comment se construit la transition démocratique en Tunisie ? Vincent Geisser, chercheur à l’Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman, analyse le rôle que jouent les différents acteurs tunisiens – opposants politiques, anciens du régime de Ben Ali, parti « islamiste », armée, police – ainsi que les puissances étrangères. Il décrit les scénarios possibles de la consolidation démocratique dans les prochaines semaines. Entretien.
Basta ! : Où en est la révolution tunisienne ? Quelles sont les stratégies des forces en présence pour construire la « transition démocratique » ?
Vincent Geisser [1] : Les « démocrates » tunisiens qui ont soutenu et accompagné la révolution sont profondément divisés sur le devenir du mouvement protestataire. Il y a ceux qui pensent qu’il faut renforcer la démocratie naissante en mettant fin définitivement au processus contestataire. Ils sont partisans d’une certaine normalisation sécuritaire, basée sur un compromis historique entre les « colombes » de l’ancien régime, les opposants indépendants et les représentants du syndicat unique UGTT (Union générale tunisienne du travail). Ils souhaitent consolider la transition démocratique, notamment en transigeant avec l’armée et les parties les plus « saines » de l’appareil sécuritaire, ainsi qu’avec certains anciens caciques du régime réputés pour leur « ouverture ». C’est la position défendue par Néjib Chebbi (Parti démocrate progressiste), ancien opposant à Ben Ali et actuellement ministre du gouvernement de transition.
D’autres veulent éradiquer toute trace de l’ancien régime et de l’État-parti, et rejettent tout compromis. C’est le cas des partisans de Moncef Marzouki (Congrès pour la République) et des membres du Parti des ouvriers communistes tunisiens (POCT). Et bien sûr des leaders du mouvement des « diplômés chômeurs » de l’intérieur du pays. Ces derniers souhaitent pousser jusqu’au bout la « révolution démocratique », afin de donner naissance à un nouveau régime politique, économique et social. Ces deux camps n’ont pas une réelle différence de culture politique, ils sont animés par des idéaux démocratiques. Ce qui les sépare fondamentalement, c’est la stratégie de rupture et surtout l’« agenda démocratique ».
Que reste-il de l’ancien régime ?
Il y a une certaine désillusion aujourd’hui des acteurs protestataires, tout à fait compréhensible – je pense notamment aux jeunes « diplômés chômeurs ». Mais il n’existe pas de risque objectif de retour à l’ancien régime ou de restauration du système mafieux. Une rupture a bien eu lieu. Le dictateur est parti. C’est un élément primordial lorsque l’on sait que tout en Tunisie tournait autour de lui, avec une personnalisation extrême du pouvoir. Les clans mafieux et affairistes – les familles Ben Ali, Trabelsi et autres – ont fui. Les segments les plus obscurs de l’appareil sécuritaire ont été largement démantelés.
Si l’on peut légitimement comprendre la déception des « démocrates radicaux », comme Marzouki, Hammami, Nasraoui, et des diplômés chômeurs qui ont le sentiment que la révolution leur est volée, l’ancien régime est bien déchu. Nous sommes dans une phase de transition. Mais cette transition peut aboutir à un régime bâtard qui verrait un candidat indépendant accéder au pouvoir présidentiel, avec des éléments nouveaux mais aussi avec des éléments de l’ancien régime. Ce qui conduirait à conforter une sorte de « démocratie autoritaire » ou d’« autoritarisme démocratique ».
Quel rôle l’armée tunisienne a-t-elle joué dans la révolution et quel rôle peut-elle jouer à l’avenir ?
L’armée a eu ces dernières semaines un rôle fondamental, en refusant d’appuyer le plan de répression de Ben Ali. Elle a clairement rejeté la politique jusqu’au-boutiste de son chef suprême, et a joué plutôt un rôle protecteur des acteurs protestataires. La raison ? L’armée n’est pas liée avec les intérêts mafieux et claniques du pouvoir. Contrairement à l’Égypte, la Syrie ou même l’Algérie, l’armée en Tunisie n’a pas d’intérêt direct dans l’industrie ou dans la gestion de la rente pétrolière. C’est une armée d’environ 35.000 hommes, composée de salariés, de fonctionnaires, de techniciens et d’ingénieurs.
Il ne faudrait pas pour autant en brosser un portrait romantique. L’armée tunisienne a joué un rôle répressif en 1978 pour canaliser les mouvements sociaux, et en 1981 et en 1984 pour réprimer les « révoltes du pain ». Cette fois, elle a refusé ce rôle parce que les sources de légitimité du régime étaient épuisées. Ben Ali était discrédité, la corruption était généralisée. Face à cette impasse, l’armée a bien compris que la seule solution était de remplacer le dictateur.
Cette réaction – que certains qualifieraient de « républicaine » – est avant tout dictée par une analyse pragmatique : les généraux et les officiers supérieurs étant convaincus qu’une répression ne pouvait conduire qu’au chaos et à leur propre disparition. Vu la « fluidité politique » actuelle, l’armée tunisienne peut jouer un rôle de plus en plus important dans le processus constitutionnel et dans la « pacification » sociale, en oscillant entre registre sécuritaire et registre de médiation avec les forces vives du pays.
« L’appareil sécuritaire » tunisien est-il encore présent et opérationnel ?
La France compte 60 millions d’habitants, la Tunisie 9 millions. Pourtant les deux pays ont quasiment le même nombre de policiers : 135.000. C’est énorme ! La Tunisie est l’un des pays qui comptent le plus de policiers par habitant. L’appareil sécuritaire, à travers le ministère de l’Intérieur, s’est pleinement engagé dans la répression. Une partie de la police a tiré sur la foule à balles réelles. C’est l’appareil sécuritaire de Ben Ali qui est responsable des près de 70 morts officiellement déplorés et des milliers de blessés. Mais tout l’appareil policier n’est pas corrompu : la partie « pourrie », mafieuse, de l’appareil sécuritaire a été en grande partie démantelée.
Il n’y a plus à craindre des secteurs du ministère de l’Intérieur directement aux clans Ben Ali et Trabelsi. Ils sont actuellement en fuite. Je ne crois pas en un retour des « vieux démons », même si la future démocratie tunisienne peut connaître des tendances sécuritaires comparables à celles que nous observons actuellement en France avec Nicolas Sarkozy. C’est en ce sens qu’il y a un risque de voir émerger en Tunisie dans les prochains mois une « démocratie autoritaire ».
Quel rôle peuvent jouer les « islamistes » dans le processus démocratique ?
Les « islamistes » tunisiens sont depuis longtemps intégrés aux « forums démocratiques ». Ce sont des « intégristes intégrés » au débat démocratique, en exil. Ils participaient à Paris, à Londres, à Marseille à de nombreuses réunions de l’opposition, aux cotés de la gauche, communiste, socialiste, voire anti-islamiste. De nombreux leaders de la gauche tunisienne « laïque » ont fréquemment rencontré les leaders « islamistes ». À beaucoup d’égards, les « intégristes » sont déjà intégrés au jeu politique tunisien.
Pour le parti Ennahdha (Renaissance) de Rached Ghannouchi, le modèle n’est pas l’islamisme radical ou l’islamisme salafiste de type saoudien, mais plutôt le parti AKP qui dirige actuellement la Turquie. Ce qui veut dire accepter le jeu parlementaire et prôner un libéralisme économique teinté de social, et surtout un certain pragmatisme avec les autres démocrates. Il y a un immense mythe sur les « islamistes » de Tunisie. Le parti Ennahdha est plutôt un parti conservateur libéral, qui n’est pas du tout dans une démarche de création d’État islamique ou de théocratie musulmane. Les « islamistes classiques » tunisiens ont le regard tourné vers Ankara, ils n’ont rien de « fascistes verts ».
Comment réagissent aujourd’hui les pays occidentaux et les pays arabes voisins ?
Les États-Unis ont joué un rôle de premier ordre dans le départ de Ben Ali. Le soutien du président Barack Obama au mouvement social, même s’il a été timide, a été beaucoup plus net que celui de la France. Au-delà de ce soutien symbolique, il semblerait que l’administration Obama ait donné son appui à l’armée tunisienne et aux « colombes » du régime (Mohamed Ghannouchi, le Premier ministre et Kamel Morjane, le ministre des Affaires étrangères) pour sacrifier Ben Ali. Il est clair que les États-Unis ont appuyé le scénario de transition.
En ce qui concerne les pays arabes, on peut vraiment craindre que certains régimes mettent tout en œuvre pour faire capoter le processus démocratique tunisien. L’Arabie saoudite, la Lybie, l’Algérie n’ont aucun intérêt à ce qu’une démocratie puisse naître dans le monde arabe. Une « coalition informelle » des dictateurs arabes pourrait se constituer pour saboter et enrayer le processus démocratique tunisien.
L’appui des États-Unis, de l’Union européenne et de la France aux démocrates tunisiens est primordial. Soit on joue la carte de la démocratie dans le monde arabe, soit, au contraire, on joue un rôle ambigu et on favorise le jeu pervers des wahhabites saoudiens, de la dictature mégalomane de Kadhafi et du régime des généraux algériens. Dans ce cas, il ne faudra pas se plaindre de la progression de l’idéologie salafiste jihadiste !
Comment la France a-t-elle pu faire de telles erreurs d’analyse sur la situation tunisienne ?
La position officielle de la France n’était pas fondée sur une erreur d’analyse, mais sur une logique politique de soutien total et aveugle au régime de Ben Ali. Interpréter les déclarations de Michèle Alliot-Marie comme une faute politique est erroné. Ce n’est pas une faute politique, c’est une faute de politique. La France a toujours soutenu les régimes autoritaires. Elle considère que l’on ne fait de diplomatie que dans les relations d’État à État et que les sociétés civiles importent peu.
Les États-Unis ont à la fois soutenu Ben Ali et développé des relations concrètes avec les syndicats et l’ensemble des dissidents du régime. Au contraire, la France a toujours interdit à sa diplomatie d’avoir le moindre contact avec tout ce qui pouvait nuire à la qualité de ses relations avec Ben Ali. Cet aveuglement constitue la logique de la politique française à l’égard du monde arabe : « On soutient les dictateurs contre les risques de déstabilisation ! » Il semble que la France a compris un certain nombre de ses erreurs. On peut espérer qu’elle réoriente sa politique à l’égard de la Tunisie en appuyant ouvertement le processus démocratique.
Quels sont les possibles scénarios dans les semaines et mois à venir ?
La Tunisie a le choix entre deux options. Soit une consolidation démocratique autoritaire qui conduirait le pays jusqu’à des élections, avec une coalition large autour d’un opposant indépendant tel que Nejib Chebbi (PDP), avec certains éléments de l’ancien régime et des éléments de la gauche syndicale. Dans cette hypothèse, les élections seront certes « démocratiques » (du moins en apparence), mais le scénario sera au préalable « programmé » : le candidat du pouvoir disposera notamment de moyens supérieurs à ceux de ses adversaires. Ce scénario de « démocratie contrôlée » a pour but de préserver les intérêts occidentaux et de poursuivre l’insertion de la Tunisie dans « l’économie-monde », dans la voie tracée par la Banque mondiale et le FMI. Un scénario où le candidat serait une sorte de « Ouattara tunisien ».
Autre hypothèse : la pression de la rue se poursuit, voire s’accentue et pousse le gouvernement à démissionner ou à aller beaucoup plus loin, avec la dissolution du parti de Ben Ali (RCD), l’instauration d’un véritable processus constitutionnel avec l’élection d’une assemblée constituante. Démocratie totale ou semi-démocratie ? Rupture radicale avec l’ancien régime ou consolidation autoritaro-démocratique ? C’est en ces termes que je poserais l’avenir politique de la Tunisie. Un avenir, qui, dans tous les cas, se fera sans Ben Ali.
Source: “batsmag” Le 31-01-2011
Tunisie : la Suisse exemplaire dans la traque anti-Ben Ali
En France, la ministre de l’Economie a bien annoncé dès le 16 janvier une surveillance des comptes. Mais de gel point.
C’EST un comble. Alors que la France n’a toujours pas gelé les avoirs du clan Ben Ali, un paradis fiscal apparaît exemplaire: la Suisse. Cinq jours après la chute du président tunisien, le 19 janvier, la Confédération helvétique a en effet été la première à bloquer les fonds de l’ex-président tunisien, suite à une plainte de l’Association des Tunisiens de Suisse. Elle a également publié une liste noire des proches de Ben Ali.
En France, la ministre de l’Economie a bien annoncé dès le 16 janvier une surveillance des comptes. Mais de gel point. Les ONG Sherpa, Transparency International (TI) et la Commission arabe des droits humains ont alors déposé plainte, notamment pour détournement de fonds publics et blanchiment.Du coup, le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire le 24 janvier. Mais de gel toujours pas. « Le gouvernement aurait dû demander tout de suite au procureur de la République d’engager une action judiciaire, cela aurait été plus rapide », estime Daniel Lebègue, président de Transparency International France, inquiet de voir des comptes se vider « en deux temps trois mouvements « .
A partir d’articles de presse et d’enquêtes réalisées par des Tunisiens, les ONG évaluent la fortune de Ben Ali et de son premier cercle à 5 milliards de dollars et même à 10 milliards en élargissant le cercle. Appartements parisiens, écurie de chevaux de courses, sociétés d’import-export, avoirs en Suisse et en France, mais aussi à Malte, au Qatar, au Canada, forêts et terres en Argentine…: Sherpa et TI ont communiqué au parquet une note de six pages recensant les biens de la famille. Reste à déterminer le patrimoine lié à la corruption.
La procédure aboutira-t-elle? « Quand il s’agit de restituer l’argent détourné par des kleptocrates, la France est à la traîne, constate Maud Perdriel-Vaissière, déléguée générale de Sherpa. En revanche, la Suisse, qui héberge beaucoup d’avoirs, est le pays qui restitue le plus d’argent. Sur les 4,4 milliards de dollars rendus ces dernières années, 1,8 milliard de dollars viennent de la Suisse. » La France se contente d’un yacht de Saddam Hussein rendu à l’Irak. Mais dans le cas de la Tunisie, Maud Perdriel-Vaissière est optimiste: « il ne devrait pas y avoir de blocage politique français. » Car tout le monde semble coopératif: la Tunisie, l’Union européenne, et le pouvoir français.
Source: “Chalenges.fr” Le 31-01-2011
Tunisie: d’où vient le mouvement Ennahda?
Le leader du mouvement islamiste, Rached Ghannouchi, est rentré ce dimanche en Tunisie, Retour sur la formation de son parti, Ennahda, ses années d’exil et son poids actuel dans l’opinion tunisienne.
De tous les mouvements islamistes maghrébins,l’islam politique tunisien est celui qui a fait la place la plus large au débat théorique et politique. Il est né au tout début des années 1970 à une époque où la gauche occupait l’essentiel de l’espace politico-culturel.
Après des études au Caire, à Damas et à Paris,Rached Ghannouchi, qui s’est converti aux thèses des Frères Musulmans lors de son séjour en Egypte, rentre au pays en 1969. Professeur de philosophie dans un lycée, il dirige parallèlement la revue Al-Ma’arifa et prend la parole dans les mosquées. Ses prêches sont de plus en plus suivis par les jeunes. De son côté, Abdel Fattah Mourou, étudiant en théologie et en droit à l’université de Tunis, anime de petits cercles de réflexion.
Les deux hommes fondent d’abord une « Association pour la sauvegarde du Coran », inspirée du mouvement des Frères musulmans, puis un parti politique, le Mouvement de la tendance islamique (MTI) qui prendra en 1989 le nom d’Ennadah. Celui-ci acquiert rapidement une large audience. « Notre opposition était aussi radicale que celle des marxistes, comme eux nous parlions de justice sociale, mais en plus notre discours était identitaire. Nous avions la clé du succès », commentait quelques années plus tard Habib Mokni, un militant d’Ennadah exilé en Europe.
Le MTI développe une importante activité sociale. Il crée des comités de quartier, des associations de bienfaisance…. Très tôt aussi il opte pour une approche légaliste en revendiquant son insertion dans le débat politique. Le président Habib Bourguiba lui oppose une fin de non recevoir. En 1987, il exige même la condamnation à mort de Ghannouchi. Son exécution, dans l’atmosphère de fin de règne que connaît alors la Tunisie, mettrait le feu aux poudres. C’est alors que le Premier ministre Zine el-Abidine invente le « coup d’état médical » et destitue le vieux président.
Il n’y a pas de place en Tunisie pour un parti religieux
Les islamistes applaudissent, comme tout les autres. D’autant que nouveau chef de l’Etat multiplie les gages donnés à l’islam officiel: il se rend à la Mecque, la télévision diffuse les appels à la prière… En même temps un dialogue s’amorce. Pour les élections législatives d’avril 1989 les islamistes sont autorisés à se présenter sur des listes « indépendantes ». Ces listes « violettes » – c’était la couleur qui leur avait été attribuées- sont officiellement créditées de 13% des voix- elles auraient en réalité rassemblé à peu près 30% des suffrages. Peu après, s’ouvre une seconde phase, celle de la répression.
Le pouvoir a pris peur. « Il n’y a pas de place en Tunisie pour un parti religieux » clame, en novembre 1989 le président Ben Ali. La guerre du Golfe va radicaliser un peu plus les positions. Les islamistes tentent de l’utiliser pour occuper la rue. Au moment où, en Irak, Saddam Hussein perd la guerre, Ben Ali passe à l’offensive. A parti du printemps 1991 les rafles se multiplient. Des centaines de suspects sont emprisonnés. La plupart des dirigeants du mouvement choisissent alors l’exil, dont Ghannouchi qui s’installe à Londres. Condamné par contumace à la prison à vie le 30 août 1992, il y obtient l’asile politique l’année suivante.
Survivre en exil
Le mouvement Ennahda disparaît alors de la scène politique tunisienne, tout en s’efforçant de survivre en exil. Au cours des années qui suivent, se pose une question récurrente au sein de l’opposition de gauche et du secteur associatif: faut-il associer les islamistes à la lutte commune contre le régime despotique de Ben Ali? Les plus laïcs s’y refusent. D’autres considèrent au contraire qu’ils ne peuvent être exclus.
Le débat est relancé en 1990 lorsque Moncef Marzouki, le porte parole du Conseil national pour les libertés en Tunisie (CNLT) et l’une des principales figures de la dissidence en exil, se rend à Londres pour y rencontrerRached Ghannouchi. Puis, en 2005, plusieurs partis d’opposition, dont Ennahda, ainsi que des personnalités indépendantes se regroupent dans le « collectif du 18 octobre pour les droits et les libertés ». Ils décident de militer ensemble pour l’avènement de la démocratie en Tunisie et s’accordent aussi sur quelques grands principes communs, y compris le respect de « acquis de la Tunisie » dans le domaine des droits des femmes.
Les démocrates tunisiens, toutes tendances confondues, sont aujourd’hui d’accord pour que le mouvement Ennahda puisse participer comme tous les autres partis, à la vie politique du pays. Ce dernier, soucieux de rassurer à l’intérieur comme à l’extérieur, a toutefois annoncé qu’il ne présenterait pas de candidat à la prochaine élection présidentielle.
Reste à savoir quelle est son audience dans la Tunisie d’aujourd’hui. La ré-islamisation de la société, réelle depuis quelques années, s’est surtout fait via le discours salafiste diffusé par les chaînes satellitaires du Golfe.
Source : « L’express » Le 31-01-2011
Lien :http://www.lexpress.fr/actualite/monde/afrique/tunisie-d-ou-vient-le-mouvement-ennahda_956647.html
Tunisie : de retour d’exil, l’islamiste Ghannouchi ne sera pas candidat
Après vingt ans d’exil, l’opposant islamiste tunisien Rached Ghannouchi a fait son retour en Tunisie ce dimanche midi. Accueilli à l’aéroport de Tunis par des milliers de partisans qui chantaient l’hymne national, le fondateur du parti islamiste tunisien Ennahda a lancé à la foule ”Allah Akbar” Puis il a été emporté par une vague de militants, alors que quelques défenseurs de la laïcité s’étaient rassemblés pour exprimer leurs inquiétudes face au retour de «l’obscurantisme». Un peu plus tard ce dimanche, Rached Ghannouchi, âgé de 69 ans, a déclaré qu’il ne serait pas candidat à la première élection présidentielle de la Tunisie de l’après Ben Ali, l’ex-président qui avait laminé son movement Lors de l’élection présidentielle, «il n’y aura aucun (candidat) membre d’Ennahda», a-t-il assuré à l’AFP, restant cependant vague quant à une participation d’Ennahda aux législatives, qui doivent théoriquement être organisées, comme la présidentielle, dans un délai d’environ six mois. «Après 20 ans d’absence, mon parti n’est pas prêt à jouer un rôle sur la scène politique, la priorité est de reconstruire Ennahda», a-t-il expliqué. Message d’ouverture au gouvernement de transition Rached Ghannouchi a également adressé un message d’ouverture au gouvernement de transition, n’excluant pas d’y participer. «Si nous sentons que le gouvernement satisfait les attentes de ceux qui ont pris part à cette révolution, alors pourquoi pas?», a-t-il commenté. Dans les jours à venir, le gouvernement de transition doit justement répondre à une demande de légalisation d’Ennahda. Ce parti, inspiré par les Frères musulmans égyptiens, avait été réprimé après les élections de 1989, où la liste qu’il soutenait avait recueilli au moins 17 % des suffrages. Dans les années 90, quelque 30 000 de ses membres ou sympathisants supposés avaient été arrêtés, et des centaines d’autres avaient été contraints à l’exil. «La charia n’a pas sa place en Tunisie» Alors qu’il s’était réfugié à Londres, Rached Ghannouchi avait été condamné par contumace en 1992 à la prison à perpétuité avec d’autres responsables religieux, pour un complot contre le président. Aujourd’hui, il dit aujourd’hui représenter un islam modéré proche de l’AKP turc. Dimanche matin, depuis Londres, il s’est voulu rassurant : «la charia (la loi islamique) n’a pas sa place en Tunisie», a-t-il déclaré, ajoutant que «la peur est uniquement basée sur l’ignorance», qu’il impute à la politique de diabolisation de son mouvement par Ben Ali.
Source : « Le Parisien » Le 31-01-2011
France/Tunisie : la nouvelle donne
La Tunisie s’inscrit désormais dans un processus de démocratisation, dont la forme et la force revêtent un caractère révolutionnaire. Par un acte de souveraineté, son peuple a décidé de reprendre son destin en main et de rompre le contrat social qui le liait au régime Benaliste. L’évènement marque le début d’une nouvelle page de l’histoire du pays. Il ouvre aussi des perspectives nouvelles pour les peuples de la région. L’autoritarisme qui caractérise les régimes arabes est affecté par la puissance de l’onde de choc de cette révolution populaire, qui renforce un peu plus la défiance des citoyens à l’encontre de leurs gouvernants.
La nouvelle donne tunisienne bouscule les grilles d’analyse et autres paradigmes sur lesquels était fondée la perception française du monde arabe en général et du Maghreb en particulier. La France n’a pas su – voulu ? – saisir cette accélération de l’Histoire. Elle n’est pas la seule, loin s’en faut. Reste que l’autisme et l’attentisme de l’Elysée conjugués aux maladresses de Michèle Alliot-Marie ont suscité un malaise profond. Une alternative au système Ben Ali semblait comme inconcevable pour la diplomatie française. Le silence de l’ancienne puissance coloniale relevait plus du soutien tacite à l’ancien régime que d’une neutralité bienveillante pour le peuple tunisien, ce « peuple frère » – selon l’expression de Nicolas Sarkozy – qui semblait condamné à l’horizon indépassable du « Benalisme ».
Un problème de crédibilité
Le président de la République a précisé lors de la conférence de presses organisée le 24 janvier que les autorités françaises n’avaient « pas pris la juste mesure » de la « désespérance » du peuple tunisien. Le problème serait donc d’ordre cognitif et analytique. Ce type d’argument n’est pas convaincant. En témoignent les récentes déclarations de Yves Aubin de la Messuzière, l’ancien ambassadeur de France en Tunisie (2002-2005), qui montrent que l’exécutif français était bel et bien informé du caractère corrompu et mafieux du régime. En réalité, c’est moins la capacité d’analyse du Quai d’Orsay qui est en cause que les options stratégiques de la diplomatie française. Ces choix teintés d’un cynisme certain sont à l’origine d’une politique jusqu’auboutiste de soutien au régime. Toujours pour justifier ses errements diplomatiques, Nicolas Sarkozy a considéré que « le Président de la France doit tenir compte du poids de l’Histoire dans ces pays. La puissance coloniale est toujours illégitime à prononcer un jugement sur un pays. Je revendique une certaine réserve lorsqu’il s’agit de commenter les événements dans des pays qui ont été la France et qui ne le sont plus. Je refuse que la France soit assimilée à un pays qui a gardé des réflexes coloniaux ». Ce second argument ne tient pas non plus, à moins d’admettre l’incohérence et la contradiction comme lignes de conduite. En effet, la grille de lecture proposée par le président de la République ne se vérifie nullement dans le cas de la Côte d’Ivoire : chef d’Etat de l’ancienne puissance coloniale, Nicolas Sarkozy n’a pas hésité à manifester sa préférence pour l’un des candidats à l’élection présidentielle, avant d’exprimer – avec véhémence – sa volonté de voir Laurent Gbagbo quitter le pouvoir. Un acte patent d’ingérence et en contradiction avec l’argumentation développée pour justifier son silence dans le cas de la Tunisie.
La concurrence franco-américaine
En soi, le nouveau régime qui va émerger de la « révolution » tunisienne sera accompagné d’une reconstruction des rapports entre les deux Etats. Au sein de ces relations bilatérales, la politique tunisienne de la France qui reposait par trop sur des slogans – comme le fameux « miracle tunisien » – et sur un argument fallacieux : le régime de Ben Ali est l’unique rempart à l’islamisme. La déconstruction de ce type de discours est le prix à payer pour reconstruire le lien privilégié avec ce « peuple frère ». D’autant que la voix de la France est plus que jamais concurrencée par celle des Etats-Unis. Outre le rôle qu’auraient joué les Etats-Unis dans le départ de Ben Ali, le président Obama a profité du discours annuel sur l’état de l’Union pour saluer le peuple tunisien, dont « la volonté (…) s’est avérée plus forte que l’étreinte d’un dictateur ». Il est vrai qu’il trouve dans la révolution tunisienne un point d’appui à son discours d’ouverture au monde musulman. En ce sens, le précédent tunisien aura sans nul doute un écho lors de la prochaine campagne présidentielle américaine, au moment où Obama aura à défendre le bilan de sa politique étrangère. Dès le 24 janvier, le secrétaire d’État adjoint chargé des affaires du Proche-Orient, M. Jeffrey Feltman, est arrivé en Tunisie pour des entretiens avec des responsables du gouvernement de transition, des dirigeants politiques et des représentants de la société civile. Cette visite visait à « transmettre le soutien des États-Unis au peuple tunisien » ainsi qu’à faire le point de la transition pour déterminer la manière dont les États-Unis peuvent se rendre utiles. Ce dernier a dit que le gouvernement Obama pourrait ainsi apporter son aide à la transition démocratique, à travers notamment son expertise en matière d’ingénierie électorale en vue de la préparation des élections à venir.
Principal partenaire commercial de la Tunisie, la France tente de réagir pour préserver ses intérêts stratégiques et ses rapports privilégiés avec son ex-protectorat. Par quels moyens ? Le président Sarkozy s’est ainsi engagé à être en première ligne dans la défense de la candidature de la Tunisie en vue d’accéder au rang de partenaire avancé de l’Union européenne. La Tunisie et l’Union européenne (UE), déjà liées par un accord d’association, ont lancé en mai 2010 des négociations en vue d’un renforcement de leurs relations, dans la perspective d’un « statut avancé » qui serait accordé par l’UE. La reconnaissance d’un tel statut – dont le Maroc bénéficie actuellement – permettrait d’intensifier le dialogue politique et les relations commerciales entre Bruxelles et Tunis afin de favoriser l’emploi, la bonne gouvernance économique et la modernisation de la justice. La volonté de la France de reconstruire ces rapports bilatéraux sur des bases partiellement renouvelées est symbolisée par la nomination d’un nouvel ambassadeur de France en Tunisie : Boris Boillon, ancien conseiller du Président Nicolas Sarkozy et ambassadeur à Bagdad depuis mai 2009. Cet homme de confiance du chef de l’Etat aura pour mission de réorganiser l’ambassade de France, de conforter les rapports stratégiques et commerciaux entre les deux Etats et d’établir un lien privilégié avec la future équipe dirigeante. Celle-ci fera-t-elle payer l’attitude de la France durant la révolution populaire à l’origine de son accession au pouvoir ? Si toute « glaciation » des rapports avec la France ne serait pas dans l’intérêt de l’Etat tunisien, le peuple risque pour sa part de garder encore longtemps à l’esprit le silence tenu par l’ancienne puissance coloniale.
Enfin, la reconfiguration des rapports entre les deux bords de la Méditerranéen est de nature à relancer ou au contraire à freiner – un peu plus – l’Union pour la Méditerranéen. En ce sens, l’avenir de ce projet politique est désormais lié à la destinée de la Révolution tunisienne
Source : « Affaires strategiques » Le 31-01-2011
Quand la Révolution tunisienne se fait sentir aux Etats-Unis
Durant la semaine du 13 janvier, toutes les chaînes de télévision, les sites Internet ou les premières pages des journaux ne parlaient que de la Tunisie et de sa Révolution au parfum de Jasmin. Le « non » populaire tunisien a défié l’Histoire notamment par l’absence (apparente ?) d’autre idéologie motrice que la volonté inébranlable d’une vie meilleure et plus libre. De quoi donner quelques cheveux blancs à ce bon vieux Marx qui ne pouvait envisager une révolution sans le rôle dirigeant d’une idéologie politique particulière… et sans l’implication décisive d’un guide « illuminé ». Mais c’est justement du guide que le peuple en a eu marre. Et c’est cela qu’on retiendra de ce mouvement de liberté dont on a entendu les échos… jusqu’en Amérique.
Entre inquiétude et espoir A commencer, bien sûr, par la communauté tunisienne… et par l’inquiétude pour la famille, restée au pays. « J’ai suivi les événements avec beaucoup d’inquiétude et de peur pour mes proches, nous a dit Kaouther Ajroud, ancienne de la Faculté des Sciences de Tunis, travaillant actuellement à Chicago. Internet et les appels téléphoniques par Skype étaient mes principales sources d’information. Sur Facebook, les mises à jour des messages presque instantanées nous ont permis de suivre heure par heure les événements. Sachant qu’au même moment alors que nous sommes ici aux Etats-Unis, il y a des personnes innocentes, manifestant sans violence, qui sont en train de se faire tuer froidement me faisait mal au cœur. Lorsque les pillages et les incendies ont commencé, c`est devenu insupportable de savoir que nos proches n’étaient pas à l’abri. Selon Senda Ajroud, neurologue au centre hospitalo-universitaire de Northwestern University à Chicago, « la révolution a mis à nu l’hypocrisie du monde occidental qui pendant très longtemps a soutenu le dictateur. » Elle a aussi tenu à souligner la particularité de la Révolution tunisienne qui s’est faite « dans le calme, le civisme et le respect de l’autre », sans « guerre civile », ni « organisateur ». « C’est comme un réveil qui a sonné en même temps chez tout le monde, a-t-elle ajouté »
Quant à Aniss Driss, ingénieur en informatique, il s’est montré tout à fait optimiste pour la Tunisie de demain. Selon lui le peuple tunisien est mûr et à l’abri de l’intégrisme religieux. Il a insisté particulièrement sur l’ambition des jeunes «devenir égaux aux Européens, aux Japonais ou aux Américains » ce qui « leur donnera des ailes et du courage pour reconstruire une Tunisie Moderne où la liberté d’expression et la culture fleurissent. » Une Tunisie Nouvelle qui, pour Kaouther, passe par le développement des énergies renouvelables et par la constitution d’une société civile et d’un tissu associatif qui « veilleront à ce que le peuple ne soit ni lésé, ni berné, ni abruti comme c’était le cas avant. »
Quand les Américains veulent suivre l’exemple des Tunisiens Et puis, il y a les Américains… qui, chose plutôt rare, ont levé la tête de leur soucis quotidiens pour s’intéresser à ce qui se passe dans un tout petit pays dont on ne parle jamais. D’ailleurs, aux Etats-Unis, on regarde rarement ce qui se passe dans l’Etat voisin. Mais ce n’est pas le cas de Cecil Gonzales De La Font. Cet ingénieur de lointaine origine française ne rate pas une information provenant des pays parlant la langue de sa grand-mère maternelle. Selon lui, l’Amérique se mettrait très prochainement au parfum… du jasmin. A commencer par le Mexique, le pays dont est originaire son père, et qui « croule sous la corruption de ses dirigeants ». Mais ses prévisions n’ont pas épargné le pays de l’Oncle Sam et tout particulièrement l’Illinois dont le Gouverneur vient d’augmenter drastiquement les impôts sur le revenu en guise de cadeau de Noël.
Quant à MJC, retraité, il a comparé la Révolution tunisienne à la Révolution américaine : le seul exemple jusque là où le peuple, seul, a pu se débarrasser d’un pouvoir que l’on croyait indéboulonnable. Seulement, l’avenir pourrait ne pas être aussi rose qu’on le croit. Car, selon lui, le régime autoritaire a déraciné toute opposition viable… sauf les islamistes qui, plus organisés et mieux financés, ne tarderont pas à récupérer, à long terme, la révolution du peuple. D’autant plus que les exemples de corruption dans les régimes laïques des deux côtés de la Méditerranée ne manquent pas, ce qui risque de faire pencher la balance des élections du côté des partis religieux. Il a aussi ajouté qu’au lendemain de l’euphorie de la victoire de la révolution qui a des causes essentiellement économiques, les gens se réveilleront avec les mêmes problèmes de chômage et de manque de perspectives. « Je n’aimerai pas être à la place des gouvernements qui vont se succéder ces quelques années », a-t-il conclu.
Le jasmin fleurira-t-il en Tunisie ou en gardera-t-on seulement le parfum ?Vu la singularité de l’événement, une comparaison avec les événements du passé ne peut que donner des prévisions très approximatives. Ce qui est sûr, c’est que pour l’instant, le peuple tunisien a un atout fort entre ses mains qu’il ne doit pas laisser filer.
Source: “webdo” Le 31-01-2011
Tunisie : les derniers jours d’un régime à l’agonie
De la fuite de Ben Ali jusqu’à la débandade de la « famille », en passant par la reddition de la garde présidentielle… Récit exclusif des événements qui ont fait basculer la Tunisie.
L’ultime ruse
Jeudi 13 janvier, Zine el-Abidine Ben Ali, qui se trouve à Hammamet, à une soixantaine de kilomètres au sud de Tunis, dans le palais d’été du couple présidentiel, convoque, dans l’après-midi,ses plus proches collaborateurs. Ils sont peu nombreux : Abdelaziz Ben Dhia, ministre d’État, chef du cabinet présidentiel et porte-parole officiel, Abdelwaheb Abdallah, ministre conseiller, et le général Ali Seriati, chef de la redoutable garde présidentielle, unité d’élite entièrement dévouée à l’ex-président.
Ce petit conclave passe la situation en revue. L’idée d’une éventuelle éclipse tactique, juste le temps que la révolte populaire soit matée, a-t-elle été évoquée ? D’anciens proches du palais le pensent. La position d’Abdallah et de Ben Dhia est sans surprise. « Tout ce que vous estimez bon est bon, Sayid ar-Raïs (monsieur le président) », glisse le premier, promettant que les médias seraient à l’unisson du régime. « Nous allons nous préparer pour que le RCD vous prépare un accueil triomphal à votre retour à Tunis », assure le second.
La manœuvre est ficelée, sauf que, pendant ce temps, à Tunis, le Premier ministre,Mohamed Ghannouchi, reçoit successivement des représentants de la centrale syndicale, l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), et les trois dirigeants de l’opposition : Néjib Chebbi (Parti démocratique progressiste, PDP), Mustapha Ben Jaafar (Forum démocratique pour le travail et les libertés, FDTL) et Ahmed Brahim (Ettajdid). Tous sont prêts à soutenir un scénario de sortie de crise honorable, pourvu qu’il y ait des réformes. Ghannouchi faxe le compte rendu des entretiens à Ben Ali.
Une aubaine pour le dernier carré, convaincu qu’il faut donner l’apparence de céder aux revendications. Le mensonge et la ruse comme seule porte de sortie. Un mystérieux rédacteur propagandiste rédige le fameux discours du 13 janvier aux accents gaulliens (« Je vous ai compris ») et reprend, presque mot pour mot, les formules des leaders de l’opposition. À 20 heures, Ben Ali est à la télévision et pense s’être tiré d’affaire. Malgré le couvre-feu, des jeunes du clan familial et des groupes de miliciens à bord de voitures de location sillonnent Tunis pour manifester leur enthousiasme. Le peuple mordra-t-il à l’hameçon ? Réponse le lendemain, date de la grève générale à laquelle a appelé l’UGTT dans le Grand Tunis.
« Game over »
Vendredi 14 janvier. Journée décisive. Solidaire du mouvement decontestation dès le 17 décembre et l’immolation du jeune Mohamed Bouazizi, l’UGTT a maintenu son mot d’ordre. Un rassemblement a lieu vers 9 heures place M’hamed-Ali, où se trouve le siège historique du syndicat. Une heure plus tard, sans avoir reçu de consignes formelles, le cortège se dirige vers l’avenue Bourguiba toute proche, haut lieu de toutes les manifestations. La foule les rejoint. Vers 10 h 30, le centre-ville est noir de monde. Devant le ministère de l’Intérieur, la colère gronde.
« On ne nous la fera plus. Nous ne croyons plus aux promesses », lance Ali, un historien. « Ben Ali, dégage ! », « Game over ! » scandent les manifestants. On reconnaît à leurs toges les avocats, aux côtés de cadres en costume-cravate, d’ouvriers, de femmes, d’enfants venus avec leurs parents et de jeunes. Beaucoup de jeunes. Pacifiquement, ils forcent le cordon de sécurité devant le ministère de l’Intérieur, ne s’arrêtant qu’à la première marche de l’entrée principale. La police finit par charger et tire des grenades lacrymogènes.
Fuite précipitée
Revenu au palais de Carthage, Ben Ali est tenu informé minute par minute des événements. Vers 11 heures, l’étau se resserre. « Ben Ali a sorti Bourguiba, l’avenue Bourguiba a sorti Ben Ali », disent déjà les plus avertis. Le président se rend à l’évidence. La statue du dictateur vacille, mais il aura tout de même fallu un coup de pouce de l’armée républicaine pour qu’elle s’effondre. Des blindés sont déployés autour du palais présidentiel. Ben Ali comprend le message et multiplie les appels téléphoniques. La partie est finie.
Apparemment soutenue par la diplomatie américaine, l’armée s’impatiente et place des hommes à tous les points stratégiques de la capitale en vue de l’instauration de l’état d’urgence et la fermeture de l’espace aérien qui prennent effet à partir de 17 heures. Une heure plus tôt, le Palais envoie un ordre qui ne laisse plus de place au doute : il faut faire le plein de kérosène du Boeing 737 présidentiel garé sur le tarmac de l’aéroport de Tunis-Carthage, mitoyen de la base militaire d’El-Aouina. Vers 17 heures, trois limousines aux vitres teintées quittent le palais en direction de l’aéroport. Amertume, colère, précipitation ? Ben Ali ne salue pas Ben Dhia, encore dans son bureau.
À 17 h 45, le Boeing – et non un appareil de la compagnie Karthago, comme cela a été évoqué – décolle. L’équipage est composé d’un pilote, d’un copilote et d’une hôtesse. Ben Ali, son épouse Leïla – revenue de Dubaï quelques jours auparavant – et leur jeune fils, Mohamed, sont les seuls passagers. Selon nos sources, le futur président déchu passe les six heures de vol Tunis-Djeddah dans le cockpit avec un revolver à la main. Méfiant, il redoute qu’un ordre de rebrousser chemin ne vienne de Tunis.
Arrivé à Djeddah au petit matin, il est aussitôt pris en charge par les services de sécurité. Sur la passerelle, il lance à l’équipage : « Attendez-moi, je serai de retour. »
Seriati lâche ses chiens
L’ensemble de la nébuleuse sécuritaire de Ben Ali (garde et sécurité présidentielle, services de renseignements, police, dont les sinistres Ninjas) comptait autour de 150 000 hommes. Au sommet de cette pyramide, transformée en une sorte de milice privée, la garde présidentielle réunit environ 5 000 hommes. Triés sur le volet, sélectionnés sur concours au sein des services de sécurité et surentraînés, ces hommes disposent de gros moyens matériels et d’armes sophistiquées.
À la tête de cette force d’élite, le général Ali Seriati, sécurocrate du régime. Ancien patron de la sûreté nationale, c’est lui qui a conduit la répression des manifestations. C’est lui qui a lâché ses tireurs d’élite (les snipers). C’est lui qui a recruté à la hâte plusieurs centaines de miliciens, entraînés par ses officiers au maniement des armes et à l’accomplissement d’actes de sabotage, d’incendies et de pillages. Parmi les miliciens arrêtés, certains sont ouvriers ou chômeurs. Mais tous disposaient de badges de la garde présidentielle, selon une source policière. Seriati comptait-il prendre le pouvoir après la fuite de Ben Ali ? Peut-être. Mais l’armée ne l’a pas suivi, et lors des affrontements autour du palais de Carthage, le 15 janvier, un grand nombre de membres de la garde présidentielle sont « convaincus » par leurs frères d’armes de changer de camp. « Outre la pression militaire, ils ont été contactés personnellement », explique une source qui a suivi de très près les événements au sein de l’appareil sécuritaire. Arrêté alors qu’il tentait de fuir en Libye, Seriati fait l’objet, avec ses adjoints, d’une enquête judiciaire pour complot contre l’État, actes d’agression, incitation aux affrontements, au meurtre et au pillage.
Passation de pouvoirs
Le Premier ministre, Mohamed Ghannouchi, n’apprend la fuite de l’ancien chef de l’État qu’après le décollage de l’appareil présidentiel. Il faut alors parer au plus pressé devant le vide du pouvoir. Sur les écrans de la télévision nationale, il lit un texte écrit sur un bout de papier. En vertu de l’article 56 de la Constitution et après avoir constaté « l’empêchement provisoire du président de la République », il assure l’intérim. Il est entouré de Fouad Mebazaa, président de la Chambre des députés, et d’Abdallah Kallel, président de la Chambre des conseillers.
Ghannouchi dira plus tard à Jeune Afrique que cette passation de pouvoirs, improvisée, n’avait pas été discutée avec Ben Ali. Le lendemain, conformément cette fois à l’article 57 de la Constitution, Fouad Mebazaa est nommé président par intérim. Ben Ali n’est plus temporairement absent du pouvoir, il l’est définitivement. Vingt-trois années de règne sans partage prennent fin.
Sauve-qui-peut
De Dubaï, où elle s’est rendue au moins à deux reprises depuis décembre 2010, Leïla Trabelsi n’a cessé de harceler au téléphone son époux pour lui demander de ne pas quitter le pays. En revanche, une semaine auparavant, la première dame conseillait aux siens de se préparer à prendre la fuite (visas, billets d’avion…). Vendredi 14 janvier, dans la matinée, elle leur donnait l’ordre de quitter le pays. Paniqués, les membres de la « famille » se sont alors précipités à l’aéroport pour tenter de prendre un vol. Peu importe la destination.
Certains réussissent à prendre place à bord d’un vol de Tunisair en direction de Lyon. Informés, les services de sécurité de l’aéroport ont alors prié le capitaine Kilani de les débarquer. Courageux, le commandant de bord s’est exécuté. De source officielle, trente-trois membres du clan ont été interpellés entre le 14 et le 19 janvier.
Source : « Jeune Afrique » Le 31-01-2011
Tunisie : empire familial cherche repreneurs
Trabelsi, Materi, Mabrouk, Chiboub… Autant de puissants holdings tunisiens présents dans tous les secteurs d’activité et sur lesquels pèse la plus grande incertitude.
Dans le sillage de Zine el-Abidine Ben Ali, elles avaient fait main basse sur des pans entiers del’économie nationale. Désormais, les familles proches de l’ex-président, au premier rang desquelles les Trabelsi, vont devoir rendre des comptes. Symbole de la révolte du peuple contre le népotisme : la mise à sac de leurs luxueuses villas, de leurs voitures, mais aussi de leurs entreprises. Presque tous réfugiés à l’étranger ou incarcérés, ils ont assisté, impuissants, à la chute de leur empire. Et ce n’est qu’un début. « Il s’agit maintenant de faire toute la lumière sur les agissements des proches de Ben Ali », souligne l’économiste tunisien Moncef Cheikhrouhou. Une mission que le Premier ministre Mohamed Ghannouchi a confiée à Abdelfattah Amor, expert en droit international, qui présidera la commission d’enquête sur les affaires de malversation et de corruption.
Selon une étude de la Banque mondiale, les agissements des « familles » proches du pouvoir auraient coûté jusqu’à deux points de croissance au pays. C’est Belhassen Trabelsi, frère aîné de l’ex-première dame, Leïla Ben Ali, qui personnifie le mieux cette emprise clanique sur le pays puisqu’on le retrouve dans plusieurs secteurs d’activité : finance (Banque de Tunisie), aérien (Karthago Airlines), tourisme (Karthago Travel Service et Karthago Hôtels), automobile (distribution des marques Ford, Jaguar, Land Rover…), agriculture, immobilier (complexe de Sidi Bou Saïd…), nouvelles technologies (Global Telecom Networking), assurances (Upcar) et audiovisuel (Mosaïque FM et Cactus Productions).
Nationalisations temporaires
Quant à Sakhr el-Materi, gendre de l’ex-président, il était à la tête du groupe Princesse Holding (17 sociétés), qui a enregistré, en 2009, 200 millions d’euros de chiffre d’affaires. Ce quasi-autodidacte (il aurait tout de même un BTS) a démarré son ascension spectaculaire en achetant 17 % de la Banque du Sud au moment de sa privatisation. Une intuition – délit d’initié disent les spécialistes – qui lui a rapporté plusieurs millions d’euros lors de la revente de ses parts au holding formé par Attijariwafa Bank et Banco Santander.
Autre acteur du système, Marwan Mabrouk, dont la prospérité, il faut le préciser, est antérieure à l’arrivée au pouvoir de Ben Ali, mais qui a donné un nouvel élan à ses affaires grâce au soutien du pouvoir. Il a notamment développé ses activités dans les domaines des télécoms avec 51 % d’Orange Tunisie, de la distribution avec l’enseigne Géant, et de la banque avec la Biat.
Alors que la Tunisie tente avant tout de réussir sa transition démocratique, « rassurer les investisseurs va aussi devenir une priorité », s’inquiète un patron de fonds d’investissement. De fait, le 19 janvier, l’agence Moody’s a dégradé la note du pays et celle de la Banque centrale de Tunisie (BCT) en raison de l’instabilité politique de même que Standard & Poor’s. Une grande incertitude plane sur le devenir des holdings Trabelsi, Materi, Mabrouk ou encore Chiboub. Lors du premier Conseil des ministres, le nouveau gouvernement a annoncé le 20 janvier que l’État allait récupérer des actifs, sans préciser lesquels. « Contraints par la famille de l’ex-président de céder leurs entreprises, les anciens propriétaires spoliés peuvent espérer récupérer leurs biens », explique l’avocat Ali Khaldi.
Quant aux groupes montés de toutes pièces par le clan, « rien n’est décidé, mais on pourrait se diriger après enquête vers une nationalisation temporaire », avance Moncef Cheikhrouhou. D’autant qu’il faut également tout faire pour préserver des milliers d’emplois, alors que 140 000 personnes arrivent chaque année sur le marché du travail. En proie à une crise de confiance, la banque Zitouna, majoritairement détenue par Sakhr el-Materi, a quant à elle déjà été placée sous le contrôle d’un administrateur, son propre directeur général, nommé par la BCT.
Les licences et les activités d’importants partenaires étrangers pourraient-elles être remises en question ? « Non, se risque Mondher Khanfir, patron de la Chambre de commerce tuniso-américaine, le pays ne peut pas se le permettre. » La crainte des milieux d’affaires tunisiens est que, face au spectre de l’islamisme, les investisseurs et les touristes occidentaux ne se détournent du pays. « Après la baisse enregistrée avant sa fermeture, le 17 janvier, la Bourse va à terme attirer de nouveaux investisseurs. La Tunisie est plus que jamais attractive », se rassurent quelques opérateurs économiques contactés. Sans doute font-ils allusion aux participations détenues par la famille Ben Ali, qui pourraient être remises sur le marché. Autant d’opportunités pour tourner la page du népotisme économique.
Source : « Jeune Afrique » Le 31-01-2011
« Un processus irreversible a moyen terme » dans le monde Arabe
Karim Bitar (Iris) indique à Nouvelobs.com qu’il « croit en l’effet dominos car il y a plusieurs tendances lourdes » dans le monde arabe. Mais il doute d’un « Happy-ending » à la tunisienne.
Larévolution tunisienne a galvanisé la jeunesse arabe de l’Atlantique jusqu’au golfe. La situation égyptienne a un certain nombre de point communs avec la situation tunisienne : un pouvoir sclérosé, un président au pouvoir depuis trente ans, un appareil militaro-sécuritaire très répressif et des conditions économiques difficiles, notamment un taux de chômage des jeunes très important. D’autant que l’Egypte connaît une pauvreté encore plus marquée que laTunisie avec 40% des Egyptiens vivants avec moins de deux dollars par jour selon des chiffres de la banque mondiale. A tout cela s’ajoute un très mauvais aménagement du territoire et le sentiment que la croissance et les richesses sont captées par un tout petit groupe de personnes liées à la famille ou aux associés du président. L’alignement de l’Egypte sur la politique extérieure des USA a également joué un rôle car les Egyptiens ont eu le sentiment que ce pouvoir n’était plus représentatif de leur volonté. Ce n’est pas le facteur principal mais il est clairement en arrière plan. Enfin, il y a eu une cristallisation des rancunes contre Hosni Moubarak qui se sont exacerbées lorsqu’il a été question de prévoir sa succession et d’installer son fils.
Les risques de « contagion » dans le monde arabe sont-ils plus importants aujourd’hui qu’après la chute de Ben Ali en Tunisie ?
– Oui, les risques existent mais « contagion » est le mauvais terme. La jeunesse arabe est très contente et attend ces espoirs de « contagion ». Cependant, je ne vois pas de « Happy-ending » à la tunisienne dans d’autres pays. Mais je crois en l’effet dominos car il y a plusieurs tendances lourdes, trois principalement, qui jouent en faveur de l’aspiration à la démocratie et aux libertés dans le monde arabe. Premièrement, la transition démographique : le taux de fécondité a rapidement décru en quelques années. En Egypte, on est notamment passé de 6,3 à 2,8 enfants par femme. On a d’ailleurs assisté à ce même phénomène dans tout le monde arabe. Cela s’accompagne d’une hausse du taux d’alphabétisation. Ces deux facteurs ont, partout dans le monde, déclenché de grands bouleversements politiques. Pourtant ces pays semblaient anesthésiés depuis vingt ou trente ans, comme si les changements avaient été retardés notamment par la guerre civile algérienne qui a été un vrai traumatisme. De plus, le 11 septembre 2001 et l’instauration d’une guerre globale contre le terrorisme ont servi aux autocrates qui ont pu serrer en se présentant comme le dernier rempart contre l’islamisme.
Le troisième facteur est la guerre d’Irak. Ses conséquences humaines et géostratégiques ont quelque peu dégouté les jeunes de la démocratie : on avait promis un effet domino venant d’Irak mais celui-ci est venu non pas d’une intervention militaire mais d’une révolution spontanée.
Quel est le véritable risque islamiste en Egypte ?
– Les islamistes sont beaucoup plus présents en Egypte qu’en Tunisie, notamment avec les Frères musulmans. C’est un mouvement qui a établi un maillage de la société et qui ne peut pas être balayé d’un revers de la main. Mais il existe un autre mouvement puissant en Egypte qui refuse cette alternative. En effet, il faut rappeler que l’Egypte a connu très tôt des mouvements féministes dont les premiers sont apparus dès 1929. Les Frères musulmans ne sont pas la seule force en présence et ils n’ont pas été à l’avant-garde de cette révolution.
Pourquoi n’y aura-t-il pas de « Happy-ending » à la tunisienne ?
– Il sera beaucoup plus difficile d’aller au bout de la révolte en Egypte ou ailleurs qu’en Tunisie, notamment en raison des intérêts économiques et géostratégiques des USA dans le pays et la région. L’Egypte est l’un des piliers de la politique américaine au Proche-Orient depuis trente ans. Les USA n’auraient pas pu faire les deux guerres en Irak sans le soutien logistique de l’Egypte. Il faut également rappeler l’importance du canal de Suez par où transite 7,5% du commerce mondial. De plus, les Etats-Unis ne peuvent pas se permettre une déstabilisation de ce pays à cause de sa proximité avec Israël et de la présence des frères musulmans. Les USA préféreraient voir un autre homme fort succéder à Moubarak afin de maintenir la stabilité du pays et de protéger leurs intérêts. Ils ne lâcheront pas Moubarak, sauf si un nouvel homme fort s’impose, comme Omar Souleyman ou le général Hussein Tantaoui par exemple. Il faut d’ailleurs rappeler que l’armée est au pouvoir directement ou indirectement en Egypte depuis plus de cinquante ans.
Mais toutes ces tendances fortes me font penser que c’est un processus irréversible à moyen terme. Ces régimes sont condamnés mais ils peuvent encore gagner du temps.
Les pays arabes doivent créer 120 millions d’emplois d’ici 2020 : cela signifie qu’il faut qu’ils investissent dans de nouveaux secteurs comme le high-tech et privilégient le développement humain. Mais ces régimes ne semblent pas capables d’effectuer cette transition qui nécessite une grande révision des politiques économiques. Enfin, internet et les réseaux sociaux ont joué un grand rôle dans ce phénomène de soulèvements notamment avec le développement d’une solidarité inter-arabe que l’on pensait disparue.
Source : « Le nouvel Observateur » Le 31-01-2011
La Libye craint le retour des islamistes en Tunisie
Les responsables libyens ont fait savoir à leurs homologues tunisiens qu’ils n’accepteraient, en aucun cas, qu’un quelconque rôle politique soit accordé au parti islamiste Ennahda.
Selon nos confrères de ‘‘Maghreb Intelligence’’, les Libyens, qui ont bouclé en urgence leurs frontières avec la Tunisie au lendemain de la fuite de Ben Ali, le 14 janvier, appréhendent sérieusement le retour en Tunisie de Rached Ghannouchi, le leader historique du mouvement islamiste Ennahdha. Ce dernier, qui a débarqué dimanche à l’aéroport de Tunis-Carthage, après 22 ans d’exil à Londres, a été accueilli par plusieurs milliers de ses partisans. Il a affirmé qu’Ennahda participerait aux élections législatives mais qu’il ne devrait pas présenter de candidat à la présidentielle. Il a aussi affirmé qu’il ne désirait concourir à aucun mandat électif. «Il existe une autre génération, une génération plus jeune, qui a les qualifications nécessaires pour briguer ces postes», a-t-il expliqué. Son désir le plus fort étant, selon ses termes, de humer l’air de la Tunisie enfin libre et d’accomplir ses prières à la mosquée Zitouna, à Tunis.
Une cellule de crise à Tripoli «Notre priorité n’est pas de gouverner le pays. Notre priorité est de contribuer à l’avènement de cette démocratie pour laquelle tant de vies, d’une génération à l’autre, ont été sacrifiées. Pour y parvenir, il faut privilégier le consensus», a déclaré Ghannouchi dans une interview avec‘‘L’Express’’. Ces propos rassurants suffiront-elles à rassurer le leader libyen Mouammar Kadhafi, qui redoute la montée du mouvement islamiste dans son pays? Rien n’est moins sûr. Pour preuve: les Libyens ont formulé explicitement à leurs homologues tunisiens que la Jamahiriya ne «pouvait tolérer la présence d’islamistes dans le gouvernement tunisien». Tripoli aurait même mis en place une cellule de crise chargée de suivre l’évolution de la situation en Tunisie. Cette cellule, qui est aussi chargée de trouver une solution aux nombreux membres des hommes de Ben Ali réfugiés en Libye, serait composée du ministre des Affaires étrangères Moussa Koussa, du patron des services de sécurité Abou Zeid Dordah et du ministre de l’Economie Mohamed Lahouej.
Echange de bons et déloyaux services ‘‘Maghreb Confidentiel’’ (n°957, 27 janvier 2011) rappelle, pour sa part, les liens d’amitié entre Rached Ghannouchi le fils du Guide Saif El Islam Khadafi. Le premier, qui aurait bénéficié de l’aide financière du second, a joué un rôle clé dans les négociations avec les islamistes libyens réfugiés dans la capitale britannique», écrit la lettre confidentielle. Elle ajoute: «C’est en partie grâce aux bons offices du patron d’Ennahdha que la Fondation Kadhafi – pilotée par le fils du Guide – a pu conclure, l’été 2008, la reddition du Groupe islamique combattant libyen (Gicl), à la suite d’un accord avec l’islamiste libyen résidant à Londres Noman Ben Othman. L’année suivante, le Gicl avait renié son affiliation à l’organisation Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi)».
Le ferme rejet libyen Les services que le leader islamiste tunisien a rendus à la Libye ne semblent pas avoir atténué les craintes que son mouvement inspire aux autorités de ce pays. Selon‘‘Maghreb Intelligence’’, les dirigeants libyens «ont fait savoir à leurs amis au sein du Rcd – parti de Ben Ali – ainsi qu’à certains dirigeants de l’opposition notamment à Nejib Chebbi, qu’ils pourraient geler tous les accords bilatéraux signés avec la Tunisie ainsi que tous les investissements et mettre fin aux aides et aux dons.» Les irréductibles adversaires des «nahdhaouis» (militants d’Ennahdha) en Tunisie ne sont donc plus les quelques dizaines de milliers de laïcs – dont quelques dizaines ont tenu à accueillir Rached Ghannouchi à l’aéroport de Tunis-Carthage avec des slogans anti-islamistes –. Le leader d’Ennahdha et les siens devraient désormais faire face aux manœuvres de leurs adversaires dans toute la région.
Source : « Kapitalis » Le 31-01-2011
Lien :http://kapitalis.com/fokus/62-national/2500-la-libye-craint-le-retour-des-islamistes-en-tunisie.html
Tunisie : l’islamisme d’Ennahda, quand le politique s’impose sur le religieux
De la deuxième Intifada palestinienne aux réactions contre les caricatures danoises du Prophète Muhammad, les photos et les radio-trottoirs de la presse ont distillé l’idée que les coups de sang de la « rue arabe » seraient essentiellement fondés sur le religieux. L’hémoglobine de la colère tunisienne – et de l’ensemble des « rues arabes » qui lui ont emboîté le pas depuis – relève pourtant d’une alchimie autre: ni les acteurs de la révolution du jasmin, ni les slogans qui les portaient n’étaient islamistes ; l’encadrement de la rue, quand il existait, était plutôt syndical ; les mots d’ordre étaient plus sociaux et politiques que religieux ou identitaires. Pain et démocratie, l’Etat islamique n’était pas à l’ordre du jour de la colère tunisienne. « Pour comprendre la révolution du jasmin, ne cherchez pas l’islamiste, remarquait à ce propos un intellectuel de sensibilité islamique encore en exil. Ni une quelconque force politique organisée car tous étaient d’accord pour considérer que tenter la récupération du mouvement et le forcer dans une orientation politique spécifique, c’était potentiellement le faire avorter. C’est vraiment le peuple qui a fait l’événement et, pour le comprendre, il faut d’abord se mettre à l’écoute des rappeurs et bloggeurs. » Les graffitis sur les murs de Tunis ne s’y sont d’ailleurs pas trompés, saluant un peu partout Facebook et remerciant la musique rap pour avoir rythmé, si ce n’est structuré, « l’héritage de la révolution du 14 janvier », profondément irrigué par une culture jeune mondialisée, en situation de défiance radicale par rapport à l’ensemble du champ politique, opposition comprise. Absent dans l’organisation du soulèvement, mais bien implanté individuellement dans les différents corps intermédiaires et préparant son comeback en phase de restructuration, l’islam politique va peser lourdement dans l’équation politique de l’après-Ben Ali. Force dominante de l’islam politique tunisien, le mouvement Ennahda (la Renaissance) est, dans le vaste mouvement de restructuration des forces politiques d’opposition, le point nodal de toutes les interrogations et de toutes les craintes. Mouvement très particulier, tiraillé entre une aile tunisienne laminée par la répression et une élite à l’étranger, passablement déconnectée de la réalité du pays et largement repositionné sur les enjeux de l’islam en Occident, Ennahda est bien spécifique dans le paysage de l’islam politique où il entend se situer « quelque part entre le PJD marocain et l’AKP turc », comme le relève un de ses cadres – c’est-à-dire dans l’affirmation du primat de la logique politique sur l’action prédicative et religieuse. A ce titre, Ennahda, dans les mois à venir, est bien l’une des pièces centrales du pari « post-autoritaire » tunisien : l’émergence d’une société politique stabilisée ayant réussi le double pari du pluralisme et de l’intégration des islamistes. Obstacle ou occasion à saisir ? Un retour sur l’Histoire incite à l’optimisme.
Pluralisme interne et autonomisation idéologique
Tout d’abord, contrairement à d’autres, le mouvement islamiste tunisien, incarné par Rachid Ghanouchi, n’a jamais été un mouvement avec une tête unique ou une idéologie uniforme et fixe. Le mouvement s’est bien construit sur une matrice intellectuelle commune, à savoir la littérature de base des penseurs rattachés à la mouvance des Frères musulmans égyptiens, mais ce socle de base, dès le cours des années 1980, a été étoffé de références spécifiques. Ensuite, la tendance islamiste tunisienne ne s’est jamais enfermée dans le dogme de la littérature des Frères musulmans, ni dans l’exaltation du chef charismatique et de ses thèses. En effet, à côté de Ghanouchi, d’autres leaders de sa génération ont exercé une forte influence sur le mouvement. On peut noter des cadres comme Aly al-Arîd, Hamadi al-Jibâlî, al-Sâdiq Shurû, Abdelfatah Murû, lesquels ont doté le mouvement d’une assise idéologique spécifique préparant son autonomisation par rapport à la matrice intellectuelle des Frères musulmans sur laquelle il s’était adossé à ses débuts, et ainsi affirmer sa spécificité articulée autour du primat du politique sur le religieux. Un des anciens compagnons de route de ce qui était encore le Mouvement de la Tendance Islamique se rappelle que le mouvement a très tôt, dès les années 1980, supprimé le concept de Hâkimiyya (gestion des affaires de l’Etat et de la société fondée sur le principe que l’adoration revient à Allah seul, NDLR), pierre de touche des fondements religieux du système politique et des manuels d’édification militante dans la ligne de Sayyed Qutb. Le groupe des «i slamistes progressistes » de Hamid Enneifer et Salaheddine al-Jurshi joua également un rôle important dans l’évolution du mouvement. Tout le but de ce courant a été de tenter de faire percoler les idéaux de liberté politique et de justice sociale dans la doctrine de l’islam politique militant notamment en établissant un véritable débat interne. Les partisans de ce courant étaient en effet régulièrement en dispute avec Ghanouchi sur de multiples points liés notamment aux principes de l’Etat de droit moderne. Ils parvirnent néanmoins, se souvient Salah Eddine al-Jurshi, à faire passer Ghanouchi d’une vision théologique du droit, fondée sur la sharia, à une vision en termes de droit positif. Car, pour ce mouvement revendiquant un positionnement islamique de gauche et une pensée religieuse plus ouverte, la primauté est non à la mobilisation sur les grands slogans de l’islam politique, mais au travail social. Si leur impact reste, au niveau international, relativement limité, les islamistes progressistes sont parvenus en revanche à développer, au sein d’Ennahda, un certain sens de la Realpolitik, qui a favorisé notamment la volonté de séparer le militantisme politique de l’activité religieuse. Les islamistes progressistes ont d’ailleurs désormais disparu au sein de Ennahda, notamment parce qu’ils ont aussi fait les frais de la crise de la gauche au début des années 1990, engendrant des repositionnements importants de certains d’entre eux, comme Salaheddine al-Jurshi qui s’est dirigé depuis vers des thèses plutôt libérales. Rachid Ghanouchi est d’ailleurs un penseur atypique dans la mouvance islamiste, fruit d’une accumulation d’expériences et de références dont ne peut se targuer aucun autre dirigeant islamiste contemporain. Socialisé politiquement dans le nationalisme arabe, influencé par Nasser, il passe par différents partis ce qui lui donne une culture politique plurielle que son adoption du crédo islamiste n’a pas amené à renier. Par ailleurs, il quitte tôt la Tunisie. Dans le cadre de ses études, il découvre l’Egypte, puis la Syrie. Il s’établit en France où il fréquente différents milieux. Il se rapproche de l’islam avec le mouvement de prédication populaire de la Jamaat al-Tabligh wa al-Daawa. Puis il découvre pour les écrits de Ali Shariati, le plus « tiers-mondiste » des islamistes, qui se traduit par sa fascination pour le soulèvement iranien comme moment historique de l’affirmation des déshérités, lesquels avaient, pour l’anecdote, provoqué certaines conversions de membres de Ennahda au chiisme. Ennahda s’est donc construit sur un relatif pluralisme interne : porosité relative à certains thèmes de la gauche, mise à distance du tronc idéologique de l’islam politique des Frères musulmans égyptiens, débat interne véritable.
Sous le jet de pavés contre la gauche, des parfums de rose… un islamisme ouvert à la question sociale
La seconde spécificité du mouvement islamiste tunisien est sa réceptivité relative à la question sociale. Ce qui est loin d’aller de soi. En effet, la majorité des mouvements islamistes peinent à s’abstraire d’une politique identitaire qui les a éloignée des questions sociales et syndicales. Les Frères musulmans égyptiens n’ont présenté des candidats aux syndicats ouvriers pour la première fois qu’en 1996, et avec une perspective corporatiste plus que militante. Les Frères musulmans jordaniens ont, après un début d’activité dans les années 1980, passé la question sociale à la trappe en préférant se focaliser sur les grandes questions de la géopolitique islamiste, à savoir la Palestine et l’ingérence américaine dans la région. Par ailleurs, les Frères ne sont pas les représentants patentés des classes déshéritées. Ils ont des intérêts de classe opposés : l’AKP turc est l’émanation d’une petite bourgeoisie d’affaires provinciale, la Jamaa Islamiyya libanaise fait la part belle aux entrepreneurs, les Frères musulmans égyptiens ont une vision sur l’économie structurée par un véritable lobby d’affaires lié à la présence d’un capital islamiste qui s’est constitué par l’exil dans les pays du Golfe. Le PJD et le mouvement al-Adl wa al-Ihsan, au Maroc, marqués tous deux par une forte implantation syndicale, font exception et tiennent un discours et des positions politiques plus ancrées à gauche. Surtout, la question sociale restait solidement plantée dans le pré carré idéologique de son pire adversaire politique : la gauche communiste et laïque. Bref, au-delà de la référence incantatoire aux déshérités, l’islam politique n’a pas tant d’affinité idéologique avec la question sociale que cela, d’autant plus qu’il tend, théologiquement, à dépolitiser le soucis de justice sociale en le réduisant à un souci moral (le devoir de solidarité des riches et la lutte contre la corruption). Sur ce plan, l’islamisme politique tunisien ne s’est guère distingué de sesalter ego militants en Afrique du Nord et au Machreck. Mouvement fortement implanté dans les cercles estudiantins, l’islam militant tunisien a cherché par la force à s’imposer sur les campus que les organisations de gauche se sont escrimé à conserver de manière non moins musclée. Il s’est opposé à la grève générale de 1978, réclamant le passage devant les tribunaux des organisateurs selon l’un des leaders actuels de l’UGTT, l’Union générale du Travail en Tunisie. Mais animosité avec la gauche ne signifie pas nécessairement rejet des causes de la gauche pour l’ensemble de la mouvance: à l’occasion de la grève générale, et alors que les militants islamistes encore dispersés n’avaient aucun ancrage dans le monde ouvrier, Ghanouchi considéra, dans un entretien qu’il nous accorda en 2009, que le jeudi noir fut, pour lui, un des événements les plus formateurs politiquement. Il réalisa à cette occasion que, lorsque la rue tunisienne se mobilise, c’est pour la défense de ses intérêts vitaux, non pour la sharia islamique. Une centralité dont on peut douter qu’elle soit nécessairement partagée par ses cadres : Larbi Guesmi, membre du parti et réfugié politique en Suisse, définit ainsi en termes bien plus classique les buts de son parti, à savoir la promotion « des valeurs conformes à l’identité du peuple tunisien à majorité arabo-musulmane » (cité dans Le Temps, jeudi 20 janvier 2011). L’intérêt de Ghanouchi pour la question sociale, c’est aussi au mouvement de la «gauche islamique» qu’il la doit. Ce mouvement, présent aux marges du mouvement islamiste tunisien dès la fin des années 1970, a été influencé par des penseurs comme le philosophe égyptien Hassan Hanafi, mais aussi par des courants chiites, comme Ali Shariati que nous mentionnions, ainsi que par les Mujahidî Khalq (Moudjahidines du peuple). Ce mouvement, connu aussi sous le nom des « islamistes progressistes », diffusa ses idées pendant près d’une décennie à travers la Revue prospective de la pensée islamique, plus connue sous le nom de la « Revue 15/21» et qui fut un des vecteurs d’ouverture de l’islamisme à des penseurs venus d’autres horizons idéologiques. Dans les rangs islamistes, la domination de cadres issus des classes moyenne et un souci unanimiste fondé sur le mythe fédérateur de la oumma (ou de la nation pour les plus politiques d’entre eux) avaient engendré, parmi les cadres islamistes, un certain mépris pour la question ouvrière, voir plus généralement la question sociale. Une partie des dirigeants d’Ennahda, au contraire a relativement tôt fait en partie sienne la symbolique ouvrière. Le mouvement a été ainsi le premier parti islamiste à célébrer le 1er mai, « fête des ouvriers » en arabe (‘eid al-‘umâl). La question sociale occupa rapidement une certain place dans les prêches délivrés par les cadres du mouvement, lequel s’attela à développer une littérature de base sur la question. Le retour de l’immigration a, en revanche, de fortes chances de rendre plus centrale la question sociale dans les revendications du groupe islamiste. En effet, non seulement beaucoup des cadres du « Nahda de l’émigration » sont souvent en interaction forte avec la gauche alors que les plus jeunes se sont souvent ralliés à la mouvance de Tariq Ramadan, bien positionnée à gauche dans son approche des enjeux afférents à la question sociale.
Par-delà le dogme, une capacité d’ouverture politique et de concessions idéologiques
En conséquence, aucun parti islamiste sunnite n’a pris la question de la justice sociale autant au sérieux que l’islam politique tunisien. Ce qui facilite le contact avec la gauche. Dans le cadre de l’alliance politique du 18 octobre 2005 (appel lancé par représentants d’associations de la société civile et de partis politiques pour le respect des droits politiques et humains, NDLR), rassemblement de partis d’opposition qui s’était entendu sur une plateforme politique de revendication démocratique regroupant trois tendances (islamistes, gauchistes, libéraux), les revendications sur les questions qui fâchent (statut personnel, condition de la femme, droit) ont offert un bon exemple. Elle a montré un islamisme certes en position d’opposition conservatrice, mais non intransigeant sur le dogme et capable de mettre des bémols à ses revendications initiales; « il ne fait pas de doute que les années de répression – mihna – ont fait mûrir politiquement les cadres du mouvement dans le pays, notamment en les poussant à clarifier clairement une vision séparant le religieux et le politique », observe un intellectuel tunisien, regrettant toutefois qu’on ne puisse se fonder sur une véritable production intellectuelle afin de fonder ces impressions sur des textes. La plateforme du 18 octobre est parlante sur plusieurs points : d’une part, elle montre que l’islamisme est capable d’entrer dans des processus de délibération, y compris avec son pire ennemi idéologique, le communisme. Elle montre ensuite que l’islamisme peut faire des concessions, ce qui se fit d’ailleurs au prix de fortes polarisations en interne, toute une aile d’Ennahda refusant précisément les accommodements qui fondèrent la position du mouvement dans la dynamique du 18 octobre. Enfin, last but not least (et point capital pour l’avenir de la Tunisie), elle montre aussi que la gauche tunisienne, si elle est bien dans des positions de défense de certains acquis propres à la Tunisie (laïcité, statut de la femme), n’est pas nécessairement dans une position éradicatrice face à l’islam politique d’Ennahda alors même qu’elle est, pour le moment, dans un rapport de force relativement favorable. Si les anciens communistes du Tajdid (Renouveau) campent sur une position de refus total de l’islam politique, d’autres comme le Parti Démocratique Progressiste, parti de gauche libérale, sont pour leur intégration, comme l’est aussi le Parti Ouvrier Communiste Tunisien. Selon un intellectuel de sensibilité islamiste, « le chemin a été difficile. Il y a 20 ans de cela, islamistes et gauchistes se promettaient mutuellement la mise à mort en cas de prise de pouvoir des uns ou des autres. Et lorsque Ben Ali a commencé à réprimer Ennahda, la gauche s’en est bien accommodée, avant de subir elle-même le même sort dans les années qui suivirent. Et dans les geôles, alors que tous devenus victimes, les premiers contacts sérieux ont pu s’établir. » Du côté des syndicats, la tendance dominante de l’UGTT a également renoncé, depuis la chute de Ben Ali, à qualifier Ennahda de « fascisme islamiste ». La méfiance reste certes de mise. Dans les rangs de la gauche, on dénonce le populisme de Ennahda et on se souvient de son refus au grand moment du syndicalisme tunisien: la grève général de 1978. Quant aux chefs de Ennahda, ils redoutent la persistance de forces «éradicatrices» dans le gouvernement comme dans les rangs de la gauche. Mais un pas important a été franchi avec l’initiative du 18 Octobre, qui a posé un engagement de principe pour une entente minimal nécessaire au vivre ensemble.
La rupture avec l’héritage des Frères musulmans – et le passage de la question sociale à la démocratie
L’intégration de la question sociale par l’islamisme a facilité l’ouverture de l’islamisme aux autres forces politiques. Difficilement. Mais si l’ouverture a eu lieu, c’est moins sous la contrainte des règles du jeu politique (comme en Egypte dans les années 1980 où les Frères, pour accéder au Parlement, ont du faire alliance avec des partis reconnus) que dans le cadre d’un partage minimum de valeurs lequel, une fois encore, n’a pas empêché les confrontations musclées des années 1980. En effet, d’une part, la question sociale, adoptée par les futurs leaders d’Ennahda dès la fin des années 1970, a permis un rapprochement avec la gauche syndicale. Mais au-delà, sous l’influence tant de Rachid Ghanouchi que de certains courants internes comme les islamistes progressistes, le rapport à la référence démocratique s’est apaisé. La dynamique a été progressive, mais elle a été rendue possible par deux facteurs. D’une part, l’autonomisation idéologique vis-à-vis de la doctrine traditionnelle des Frères musulmans. Dans les années 1980, à travers la production des différents courants mentionnéscomme la gauche islamique, mais aussi grâce à l’évolution intellectuelle de Ghanouchi, le mouvement prend ses distances par rapport à la littérature traditionnelle des Frères musulmans. Ghanouchi pose les jalons d’une pensée spécifique, dès 1981 à travers sa thèse de doctorat portant sur la question des libertés publiques Il réfléchit sur des thèmes portant bien sur la question des libertés: sur la femme, sur la question du statut des minorités non religieuses dans l’islam. L’aboutissement de la réflexion se cristallise en 1993 dans son livre Libertés publiques dans l’Etat islamique, publié par le Centre des Recherches de l’Unité arabe, basé à Beyrouth, une maison d’édition d’ailleurs plus nationaliste arabe qu’islamiste. D’autre part, la volonté d’ancrer leurs mots d’ordre dans le nouveau référentiel et de couper les ponts, non seulement avec une partie de l’héritage des Frères musulmans, mais aussi avec l’esprit de mouvement de prédication qui dominait encore le MTI. La décision de passer du mouvement religieux au parti politique a été prise au congrès de 1988. Le traditionnel slogan des Frères musulmans « L’islam, c’est la solution » a été remplacé par « La liberté, c’est la solution » et de manière non purement démagogique: par là, les leaders du futur Ennahda affirmaient avant tout le primat d’une vision politique et partisane sur leur précédente orientation de prédication.De l’intérieur, le mouvement est aussi vu comme une phase de réancrage national dans la tradition tunisienne. Le passage du prédicatif au politique s’accompagne d’un retour sur la tradition religieuse tunisienne malékite, voire sur un certain patriotisme national incarné par des poètes comme Abu al-Qâssim al-Shâbî. Ces dynamiques ont affecté le mouvement sur plusieurs plans : tout d’abord, la rupture claire avec la tentation du travail clandestin, puis la régulation interne du mouvement islamiste par des procédures – et un mode de fonctionnement – de type démocratique, enfin une volonté de faire primer le politique concret sur l’idéologique. Pour Aly Al-Arîdhî, « nous ne voulons pas d’Etat religieux mais un Etat démocratique fondé sur le seul principe de citoyenneté ». En clair, cela revient à « laisser la promotion des valeurs religieuses à la société civile », c’est-à-dire,a contrario, à séculariser les mécanismes institutionnels de la compétition politique: «si on entre dans la sphère publique, il faut la gérer avec les mécanisme de fonctionnement et les concepts qui lui sont propres». Une forme de sécularisation par « effet de champ » qui entraîne une seconde conséquence majeure : la mise à l’écart de la notion de shumuliyya, renvoyant à l’idée que l’islam est une réponse programmatique et totale, pierre de touche du message de Hassan al-Bannah, fondateur des Frères musulmans, est considéré désormais comme « ayant été dépassé ». D’un côté, cet aggiornamento parvient à rassurer une partie des compagnons de route. Pour cet ancien membre des islamistes progressistes, opposés à Ennahda, deux acquis au sein du parti peuvent être considérés comme définitifs : l’acceptation de la spécificité de la femme tunisienne et de la régulation de la compétition politique par les urnes. D’un autre côté, et par suite de ce mouvement d’émancipation de la matrice Frères musulmans initiale et d’avancées réelles sur le plan du rapport à la démocratie, Ennahda a adopté des positions très critiques à l’égard des Frères égyptiens. Rachid Ghanouchi a, par exemple, condamné leur programme de 2007, en affirmant qu’en refusant la présidence aux coptes et aux femmes et en voulant placer le processus législatif sous la supervision d’un conseil d’oulémas, les Frères ne se fondent pas sur une acceptation pleine et entière du principe de citoyenneté. A l’inverse, du côté des Frères, la perception de Ghanouchi est contrastée : fils spirituel du dirigeant soudanais Hassan al-Tourabi critiqué pour avoir tenté de développer une mouvance islamiste parallèle à celle des Frères musulmans égyptien pour les uns, islamiste d’orientation libérale pour les autres. Il est critiqué par certains comme Rafiq Habib, le penseur copte et compagnon de route très écouté au sein de l’aile conservatrice des Frères égyptiens, qui voit dans l’ouverture conceptuelle du chef d’Ennahda les prémices d’un mouvement paradoxal de sécularisation, précisément parce qu’il entérine de facto la séparation de la sphère religieuse et de la sphère politique.
L’improbable confiscation de la révolution par l’islamisme
L’avenir de Ennahda ne saurait être déduit de son expérience passée. Et le contexte de reconstruction politique post-autoritaire soulève plusieurs interrogations et autant de dilemmes. Comment va se passer la restructuration en Tunisie du « Nahda de l’exil » (Nahda al-Mahjar) et du « Nahda de l’intérieur » (Nahda al-dâkhil) ? Les prérogatives de ce dernier ont été considérablement renforcée lors du dernier congrès général du parti en 2007, dans un contexte d’affirmation d’une nouvelle génération politique qui préférerait, selon un proche de Ennahda, voir Rachid al-Ghanouchi ne pas trop occuper le devant de la scène politique et laisser la place aux nouveaux cadres politiques de l’intérieur. Comment va se coupler une base militante interne porteuse désormais d’une culture politique propre, faite d’expérience carcérale, de tractations diverses avec le pouvoir, de dialogues avec l’opposition, de grèves de la faim, et une direction politique et intellectuelle profondément marquée par l’expérience de l’islam en Occident ? Deux points structurels se dégagent pourtant de ce bref retour historique sur l’expérience islamiste tunisienne. Tout d’abord, le fait que Ennahda ne pourra pas faire cavalier seul dans la restructuration du pouvoir. Contrairement à d’autres pays, comme l’Egypte, où les Frères musulmans sont les seuls à tenir tête au régime, Ennahda s’inscrit dans une configuration d’oppositions où la gauche non seulement n’a pas été laminée mais où, depuis les années 1970, elle a tenu haut le pavé par le biais de l’activisme syndical. Le syndicalisme a été jusqu’à ce jour le principal contre-pouvoir au régime de parti unique tant sous Bourguiba que sous son successeur. En d’autres termes, l’islamisme sera obligé de composer, c’est-à-dire de transiger avec le dogme. Et la plateforme du 18 Octobre rappelle qu’il a d’ores et déjà prouvé qu’il en était capable. Ensuite, Ennahda revient au pays dans un moment politique arabe où les islamistes légalistes ont globalement fait leur aggiornamento: le souffle du grand soir ne les porte plus, le pragmatisme domine, la grammaire de l’Etat-nation et la référence à la démocratie se sont imposés. Or Ennahda, loin de s’inscrire en faux, est à la tête de ce mouvement, conscient dès le début que c’est sur des questions concrètes, à commencer par la question sociale, qu’ils seront jugés par le peuple. Ennahda a, dès sa naissance, tiré un trait sur le romantisme révolutionnaire, s’est montré peu intéressé par les grands slogans religieux et identitaires, a pris acte, dans les documents du manifeste du 18 Octobre, des acquis de la femme tunisienne et a compris que son futur se jouera sur le politique concret. Dans un contexte de champ religieux fortement déstructuré, privé de discours savant depuis la mise au pas de la Zeitouna par Bourguiba, avec des prêches du vendredi imposés (souvent lus, sourit un enseignant de sensibilité religieuse, par des officiers de police retraités), le tout sur fond de poussée sensible du salafisme via les chaînes satellite et les sites Internet, le mouvement Ennahda est ainsi, s’il maintient le cap idéologique pris ces dernières années, non seulement une pièce centrale de l’équation politique de sortie de l’autoritarisme, mais aussi un facteur potentiel de stabilisation d’un champ religieux en attente de bouleversements en profondeur avec la fin du régime de Ben Ali.
Source: “SaphirNews” Le 31-01-2011 Lien:http://www.saphirnews.com/Tunisie-l-islamisme-d-Ennahda-quand-le-politique-s-impose-sur-le-religieux_a12194.html
Tunisie. Hamadi Touil, bras droit de Belhassen Trabelsi, arrêté au Canada
Selon des sources concordantes, Hamadi Touil, bras droit de Belhassen Trabelsi, aurait été arrêté à son arrivée, jeudi 27 janvier, à l’aéroport de Montréal au Canada.
Le gérant du groupe Alpha, distributeur des marques Ford, Jaguar, Land Rover et Hummer, la filiale du groupe Karthago de Belhassen Trabelsi, était en possession de 500.000 euros (près d’un milliard de dinars) sous forme de chèques de voyages. Touil avait fui la Tunisie pour la France le 15 janvier, à bord d’un avion Air France. Il a embarqué ensuite, jeudi 27 janvier, à l’aéroport Charles-De-Gaule pour rejoindre son patron, le beau-frère de l’ex-président Ben Ali, qui l’a précédé au Canada. Aux dernières nouvelles, ce dernier aurait été arrêté lui aussi et pourrait être livré bientôt aux autorités tunisiennes
Source : « Kapitalis » Le 31-01-2011
Mohamed Masmoudi, ancien ministre des affaires étrangères tunisien
Osons laisser la jeunesse tunisienne prendre son destin en main
Ces paroles extraites de l’hymne national tunisien écrit par Abou Qacem El Chabi, je les ai clamées avec fierté et émotion lors de la déclaration d’indépendance de mon pays, la Tunisie. Aujourd’hui, je suis encore plus fier de les clamer avec l’ensemble du peuple Tunisien. Et comme lui, j’éprouve un sentiment de douleur, de colère, mais aussi de respect devant ceux qui sont morts par le feu de la répression, ou pire encore, par le feu de leur propre désespoir. Mohamed Bouazizi s’est immolé car il n’est point de vie pour celui qui est privé de sa souveraineté. Les paroles d’ Abou Qacem El Chabi prennent encore une fois tout leur sens !
Je veux rendre hommage à tous ceux qui sont tombés pour dire « non, plus jamais ça ! ». Le Tunisien humilié, bafoué, muselé, exilé a laissé la place au Tunisien fier, déterminé, responsable et libre. Je veux également rendre hommage à notre armée et saluer son courage, sa retenue et sa solidarité envers le peuple Tunisien. Je veux saluer les hommes et les femmes anonymes, les militants des différentes associations de défense des droits de l’homme, les syndicalistes, les avocats, les journalistes et les partis reconnus ou non, qui se sont toujours battus pour que soit respectée la liberté d’expression de chacun quelle que soit son opinion politique.
Je fais confiance à notre jeunesse, qui a su faire preuve de maturité, pour rester vigilante et ne laisser personne lui voler sa Révolution. Le peuple tunisien écrit une nouvelle fois une page de son Histoire. Sa détermination sans faille l’impose comme l’acteur principal et incontournable du processus démocratique en marche en Tunisie. Le peuple Tunisien est debout. Soyons à son écoute, ne nous contentons pas de l’entendre ! C’est lui qui donnera la légitimité à ceux qui le dirigeront. Il a trop subi, aujourd’hui il a soif d’agir ! Donnons lui les moyens d’écrire son Histoire. Il a montré qu’il en a la capacité, les compétences, la retenue et la maturité nécessaires.
SOYONS UN MODÈLE !
L’instant est grave. Nous avons l’obligation et la responsabilité de remplir le vide laissé au sommet de l’Etat pour éviter le chaos, l’anarchie, les déstabilisations et les règlements de compte. Ce serait indigne de nous et de ce rendez-vous pris avec l’Histoire. Le monde regarde la Tunisie, soyons un modèle ! L’Etat doit asseoir son autorité pour établir le cadre institutionnel qui permettra au dialogue de s’installer, à la critique positive et responsable de se faire, à la démocratie de vivre. Mais pas à n’importe quel prix ! Refusons la mascarade et la manipulation, choisissons les personnes légitimes, crédibles et qui soient dignes de confiance. Nous avons les hommes et les femmes prêts à relever ce défi. Nous sommes un peuple de grande civilisation, éduqué, tolérant et solidaire. Notre jeunesse compte dans ses rangs l’excellence. Osons lui laisser prendre son destin en main ! C’est parce que j’ai vibré pour les même causes, c’est parce que j’avais leur âge quand j’ai contribué à rendre libre et indépendante notre Patrie, que je fais confiance aujourd’hui à notre jeunesse ! C’est fort de cette expérience, que je veux dire à ceux qui auront la charge d’assurer la transition, en vue d’organiser des élections libres, ouvertes à tous les partis politiques, de ne surtout pas insulter l’avenir !
Pour des raisons de santé, je me trouve dans l’obligation d’être, aujourd’hui, loin de mon pays. Par ce communiqué je veux simplement faire part de mon sentiment de fierté, d’enthousiasme et de confiance pour le peuple Tunisien, constant dans ses valeurs. Du haut de l’âge qui est le mien aujourd’hui, je veux alerter les autorités de l’Etat pour qu’elles demeurent sans cesse à l’écoute des exigences légitimes qui sont revendiquées. Mais je veux également condamner fermement toute forme de violence, toute exaction, toute tentative de complot et toute ingérence étrangère à l’encontre de la volonté du peuple tunisien ! Gloire à toi, Tunisie ! De la grandeur de ton peuple, demeure à jamais fière !
Source: ”Le Monde.fr” Le 31-01-2011
Quel futur pour la Tunisie ?
Le Rassemblent Constitutionnel Démocratique situé officiellement à gauche sur l’échiquier politique tunisien est héritier premier parti politique tunisien du défunt Bourguiba le Parti socialiste destourien. Il semble que ce parti d’union pourrait exploser en petites partis et pourrait propulser l’ancien Premier Ministre Mohamed Ghanouchi sur le devant de la scène. Ghannouchi est un personnage reconnu comme intègre par l’ensemble de la classe politique tunisienne comme internationale. Bien que possédant bien des qualités,ce farouche défenseur des Droits de la Femme et du capitalisme modéré semble avoir peu de chances de briguer les rênes du pouvoir pour plusieurs raisons. Il fut le premier ministre de Ben Ali pendant bien des années, mais surtout comme le précise Antoine Basbous il n’a pas la capacité de diriger un pays car peu habitué à être présent sur la scène médiatique. Il est réputé pour sa discrétion et sa modestie. Sa totale incompétence dans la gestion des révoltes de la faim comme de la crise politique actuelle prouve qu’il n’est certainement pas l’homme de la situation. Ses chances paraissent peu élevé. Mais, il dispose discrètement de l’appui de l’Union Européenne et des États-Unis d’Amérique.
Le Parti Ennadha de Rached Ghannouchi a annoncé qu’il présenterait un candidat pour les prochaines présidentielles. Ce parti fondamentaliste et extrémiste qui exige l’abrogation des avancées sociales tunisiennes et l’instauration d’un régime ultra-intégriste copié sur le modèle de l’Afghanistan des talibans. Il est notamment pour l’interdiction des autres confessions religieuses sur le territoire tunisien. Ses chances demeurent peu élevé, mais il pourrait jouer le rôle d’arbitre dans ces élections si sa candidature était validé par le Conseil Constitutionnel tunisien ou bien pourrait rentrer dans une possible coalition conservatrice. L’accroissement de la pauvreté dans certains villes tunisiennes notamment de l’ouest pourrait être le meilleur terreau politique de cette formation politique.
L’alternative Fouad Mebazaa ? Il semble impossible de voir le président par intérim se présenter à ces élections car il est âgé de 78 ans. Il dépasse largement l’age légal pour un président en fonction fixé à 75 ans. Mis à part une totale refonte constitutionnelle, il n’a aucunes chances de briguer la mandature suprême. Idéologiquement du centre, il ne devrait pas se présenter aux élections prochaines.
Moncef Marzouki , ce docteur de formation réfugié en France depuis plusieurs années et ne connaissant plus la réalité politique tunisienne possède l’avantage de se situer au delà des clivages politiques. Son parti le Congrès pour la République ne possède aucun programme politique, et pourrait donc devenir le nouveau président tunisien dans le cas ou aucuns partis n’arrivaient à proposer un véritable présidentiable. Un vote sanction du peuple tunisien aux différentes formations politiques tunisiennes pourraient le voir devenir le nouveau président de la République tunisienne.
Tunisie verte le parti écologiste tunisien d’Abdelkader Zitouni a récemment annoncé qu’il se présenterait aux élections présidentielles. Bien que très discret , les « verts tunisiens » sont très structuré et surtout possède un programme politique clair basé notamment sur la protection de l’environnement et la préservation de la laïcité. Le jeune et dynamique Hmam Walid serait le candidat idéal. Proche du peuple et apprécié des notaires tunisois , il semble en mesure de briguer le pouvoir. Des primaires anticipées devraient prochainement avoir lieu pour officiellement le désigner candidat.
Le parti social-libéral de Mondher Thabet ne s’est pas encore prononcé sur sa possible participation aux élections présidentielles de 2011. D’obédience libérale et situé à droite sur l’échiquier politique tunisien , il possède 8 députés au Parlement tunisien. S’affirmant proche de l’UMP, il pourrait gagner les présidentielles. Connu des tunisiens, il pourrait rallier les nostalgiques de Ben Ali et profiter du flou politique tunisien pour s’imposer comme la première formation politique de Tunisie. Ses chances sont réelles.
Le mouvement Ettajdid d’Ahmed Brahim ne s’est toujours pas prononcé sur les récents évènements politiques en Tunisie. Bien qu’ayant deux députés au Parlement tunisien, ce parti de centre-gauche ne possède par réellement de personnage capable de bien représenter ce parti. Il pourrait constituer une coalition de gauche afin de contrer le PSL de Mondher Thabet.
Le parti de l’unité populaire est un parti se réclamant du socialisme et proche de l’idéologie dites de nationalisme arabe. Avec ses 12 députés au Parlement, c’est officiellement un des principales opposants au RCD. Il ne devrait pas présenter de candidat aux élections et ses chances de victoire sont inexistantes. Il n’est pas vu comme un véritable opposant car il a toujours soutenu le principal parti en place. Mohamed Bouchiha , possible candidat du PUP ne devrait pas se présenter aux élections et pourrait rentrer dans une possible coalition de gauche.
Le mouvement des démocrates socialistes est un parti politique tunisien se disant d’obédience social-démocrate. Il possède 16 députés au Parlement tunisien. Ce parti dit de gauche a des idées proches du Parti Ennadha et avait conclu une union avec le parti fondamentaliste. Ces pseudo-gauchistes seraient finalement à tendance conservatrice. Il pourrait conclure une union politique avec le Ennadha. En effet , les autres partis de gauche les jugent trop proche de la droite ultra-intégriste , et refuse toutes alliances avec cette formation politique.
Quelque soit le résultat des prochaines échéances électorales tunisiennes, l’Union Européenne et l’ensemble des pays démocratiques devront activement aidé le peuple tunisien dans sa nouvelle marche démocratique. En effet , les fondamentalistes sont aux portes de la Tunisie et il faut préserver ce pays qui est un rempart contre l’ultra-intégrisme religieux. Il aurait peut-être fallut aller graduellement vers la démocratie pour mieux favoriser la liberté et conserver les acquis de l’ère Bourguiba.
Source : « Agoravox » Le 31-01-2011
Egypte, quel avenir pour Israël et le monde…
L’Egypte qui a emboîté le pas à la Tunisie est en contestation depuis une semaine et Hosni Moubarak ne semble pas vouloir prendre la fuite comme son homologue tunisien. Au contraire, l’armée remplace la police pour assurer la répression. Si il n’est pas sur que les Islamistes prennent le pouvoir en Tunisie, bien que l’arrivée triomphale du leader du mouvement islamiste Ennahda, Rached Ghannouchi, le 30 janvier à Tunis après vingt ans d’exil à Londres ne laisse rien présager de bon, sans l’ombre d’un doute ce sera le cas en Egypte. Pour Israël dont l’Egypte est un partenaire privilégié dans cette région, c’est assurément un grand sujet d’inquiétude, risquant de voir surgir un nouvel ennemi à l’Ouest. Pour le reste du Monde, c’est également un sujet d’inquiétude, le Canal de Suez étant le passage des hydrocarbures. Du fait d’une erreur stratégique des Américains en 1956, le canal est passé sous la coupe des Egyptiens. Le canal de Suez situé en Égypte, long de 190,25 km, d’une largeur de 300 m environ et profond de 22 m relie, via trois lacs naturels, la ville portuaire de Port-Saïd sur la mer Méditerranée et la ville de Suez sur le golfe de Suez partie septentrionale de la mer Rouge, permettant ainsi de relier les deux mers. Le 17 février 1867, le premier navire empruntait le canal, mais l’inauguration eut lieu le 17 novembre 1869 en présence de l’impératrice Eugénie. Suivaient Ferdinand de Lesseps, ainsi que les administrateurs du canal, à bord du Péluse, de la Compagnie des messageries maritimes. Les Égyptiens montrèrent une grande reconnaissance à la France qui permettait ainsi le développement de leur économie et avait fourni du travail à des centaines de milliers d’ouvriers dans la misère. La dette extérieure de l’Égypte forçât celle-ci à vendre ses parts au Royaume-Uni au prix très attractif de 4 000 000 £ lui assurant ainsi la route des Indes. En 1882, des troupes britanniques s’installaient sur les rives du canal pour le protéger. Les Anglais parvennaient ainsi à prendre le contrôle du canal sans avoir eu à financer sa construction.
Un point très important, le 29 octobre 1888, la convention de Constantinople confirmât la neutralité du canal, déclaré « libre et ouvert, en temps de guerre comme en temps de paix, à tout navire de commerce ou de guerre, sans distinction de pavillon ».
Le 26 juillet 1956, Nasser, président de la République d’Égypte, nationalisât le canal et transfèrât le patrimoine de la compagnie du canal à la Suez Canal Authority dans le but de financer la construction du barrage d’Assouan à la suite du refus des États-Unis de fournir des fonds. En représailles, les avoirs égyptiens sont gelés et l’aide alimentaire supprimée. Les principaux actionnaires du canal étaient alors britanniques et français. De plus Nasser dénonce la présence coloniale du Royaume-Uni au Moyen-Orient et soutient les nationalistes contre la France dans la guerre d’Algérie. Le 29 octobre 1956, le Royaume-Uni, la France et Israël se lancent dans une opération militaire, baptisée « opération Mousquetaire » afin de récupérer la souveraineté du canal. L’opération de Suez dure une semaine. Les Etats-Unis légitimisent l’annexion égyptienne et exigent l’arrêt immédiat de l’expédition franco-israélo-britannique. De nombreux actionnaires, français, britanniques et égyptiens, sont ruinés, l’Égypte refusant de les indemniser. Avec une Egypte islamistes, qui peut prétendre que les intégristes ne seront pas tentés de bloquer les approvisionnements pétroliers de l’Occident?
Source: “El dia de la republica” Le 31-01-2011
L’Egypte réalise ce que la Tunisie, l’Algérie et l’Albanie n’ont pas réussi : faire baisser Wall Street
L’Egypte. Ses pharaons, ses pyramides, son fleuve mythique, ses clubs de plongée, Cléopâtre et maintenant des émeutes pour mettre dehors Moubarak. Comme disait un émeutier la semaine passée : « Casse-toi Moubarak ». Visiblement c’est la saison en ce moment, les algériens ont réussi à casser la révolte, les tunisiens ont changé de Président (ou de dictateur devrais-je dire), l’Albanie est encore en train de se poser des questions, mais ils en ont marre également et maintenant, c’est l’Egypte qui prend la main..
La seule différence qu’il y a avec l’Egypte, c’est que soudainement on en parle dans les journaux financiers. Avant, le reste, on n’en avait pas grand-chose à faire. L’Etat de santé de Steve Jobs, le changement de management chez Google, les chiffres grandioses de GE et le Share-Buy.Back d’Intel étaient bien plus important que les révolutions en bordure de la Méditerranée. Reste à savoir pourquoi, soudainement l’embrasement de l’Egypte a tout changé…
Je ne crois pas que la bourse du Caire soit si importante que cela, ni que la plupart des traders de Wall Street soit plus capable de poser l’Egypte que la Tunisie sur une carte du monde. Est-ce que soudainement le marché aurait-il eu peur de la malédiction de Toutenkarton s’il se faisait déranger durant son sommeil éternel. En cas de réveil s’en prendrait-il au centre du capitalisme mondial ? Je suppose qu’au cas où cet évènement se produirait, il aurait probablement d’autres chats (égyptiens) à fouetter…
Mais peu importe, la crise Egyptienne aura été l’excuse que nous cherchions pour faire baisser le marché, prendre les profits et faire monter l’or et le pétrole…
Et ça a plutôt bien marché, alors que la plupart des intervenants cherchaient à comprendre les hiéroglyphes et à savoir quelle frontière commune avait le Honduras, l’Ukraine et l’Egypte, les marchés se sont enfoncés dans les eaux d’Hurghada comme un seul homme et sont partis explorer les fonds marins.
Rationnellement parlant, un des plus gros stress du moment provient de la crainte que si la crise venait à dégénérer, certains analystes sont « presque » convaincus qu’ils vont fermer le canal de Suez et que du coup, les approvisionnements en pétrole vont souffrir. DONC.. si un plus un égale toujours deux, il est fort probable que si les livraisons de pétrole s’assèchent, on s’autorise à penser, dans les milieux autorisés que le prix du brut lui-même, pourrait monter…
Si le prix du brut monte, je vous le donne en mille, la croissance économique pourrait en prendre plein les pare-chocs et comme elle ne va déjà pas très vite, il n’est pas difficile d’imaginer qu’elle pourrait s’arrêter… C’est donc ce qui s’est passé vendredi… petit a) le pétrole et parti au ciel, petit b) les bourses sont parties sous l’eau, puisque les économies mondiales vont être affectées par le pétrole qui passe de 84.5 à 89$ dans la même journée… et petit c) on avait notre excuse pour prendre les profits sur un marché que tout le monde jugeait un tout petit peu fatigué, même les plus BULLS d’entre nous…
Quant à la probabilité d’une clôture du canal de Suez, je ne suis pas spécialiste, ni analyste, Steve Jobs m’en garde, mais avec ma logique habituelle, je suppose que les Emirats et tout ce qui produit ET livre du pétrole dans la région sont sur le coup et s’il ne comprend pas qu’il doit partir, ils vont lui expliquer, à Moubarak… Peut-être pas avec des termes très diplomates, mais il paraît que dans la région, ils sont en train de préparer un camp de vacances pour ancien-Présidents déchus… ou déçus..
Je dois dire que quand je lis ce que je lis dans la presse du week-end aux USA, j’ai le sentiment qu’ils veulent presque nous faire croire qu’ils maîtrisent le sujet. Comme si ils s’intéressaient à ce qui se passe en dehors à l’Est des Hampton’s et à l’Ouest de Beverly Hills…
Source : « Tribune de Geneve » Le 31-01-2011