29 août 2007

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TUNISNEWS
8 ème année, N° 2654 du 29.08.2007

 archives : www.tunisnews.net

 

Mohammed Néjib Hosni: Un agent de la Sûreté écrase délibérément un jeune et un mineur avec son véhicule de fonction Reuters: Le président Gül approuve le gouvernement réformateur turc Le Temps » (Quotidien – Suisse):L’islamiste modéré Abdullah Gül président de la République turque Libération: Pour la première fois, un ancien islamiste accède à la présidence de la République. Le Soir :Abdullah Gül a prêté serment Le Monde : Abdullah Gül, nouvelle ère en Turquie Le Monde:Edito –  Sarkozy et la Turquie Le Temps » (Suisse):Edito –  Le pari d’une élection turque Le Soir » ):Edito –  Abdullah Gül, une chance pour l’Europe


 

 

Un agent de la sûreté tue un jeune (Traduction)

Un agent de la Sûreté écrase délibérément un jeune et un mineur avec son véhicule de fonction. Il tue le premier mais il est laissé en liberté.
 
Durant la nuit du 20 au 21 août 2007, le jeune Ouejdi Ben Ali Labidi, âgé de 19 ans roulait à mobylette dont les feux étaient allumés, avec son cousin Hamza Issaoui, un lycéen de 15 ans. Ils revenaient du mariage d’un voisin demeurant dans le district de Khalij, dans la commune de Felta, délégation de Kalaat Snan, dans le gouvernorat du Kef. A leur arrivée à proximité des demeures de leurs voisins de quartier près de Oued Mellègue, une voiture de la Sûreté appartenant aux agents de la brigade de la garde des frontières de Falta les a alors rattrapés et les a écrasés violemment et délibérément. Les deux étaient alors sur la mobylette, la voiture leur est passée dessus, projetant Ouejdi au sol, inerte, la tête fracassée et les os du torse et du fémur cassés. Quant à Hamza, il était blessé. Tout ceci s’est passé à cinq kilomètres de la frontière algérienne et en plein centre d’une zone peuplée de Tunisiens. Cela s’est déroulé également sous les yeux du frère du défunt le jeune Zyed, âgé de 15 ans, et de son cousin Ramzi, âgé de 25 ans, qui rentraient eux aussi du mariage à bord d’une autre mobylette. Ils furent épouvantés face à l’horreur à laquelle ils venaient d’assister. Ramzi, de peur de subir le même sort, s’est enfui et Zyed est resté à se lamenter sur son frère inerte sous la voiture. L’un des agents s’est approché de lui et lui l’a roué de coups de poings et de gifles jusqu’à ce qu’il se calme et cesse de se lamenter. Ouejdi a été laissé sur les lieux où il avait été écrasé environ une demi-heure, puis il a été transporté avec Hamza, le blessé, par la voiture même qui les avait heurtés. Zyed, qui venait d’être maltraité, fut emmené avec eux jusqu’au poste de la Garde Nationale. Au bout d’un moment, Ouejdi fut emmené par un camion de Tunis Communication à l’hôpital de Kalaat Snan, où il a plongé dans un coma de troisième degré. Les agents de la Sûreté ont informé les médecins de l’hôpital qu’ils l’avaient trouvé sur la voie publique, et qu’ils ignoraient la cause de ses blessures et de son coma. Il a été transféré à l’hôpital régional de Kalaat Snan du Kef où il rendit le dernier souffle dans les premières heures de la matinée le 21août 2007. Quant aux deux mineurs tous les deux âgés de quinze ans, Hamza et Zyed, ils ont été conduits à la Garde Nationale de Kalaat Snan et gardés à vue jusqu’au lendemain. Ils ont été libérés peu après midi. Le jour suivant, le chef du poste de la garde du trafic de Tajerouine envoya un télégramme au Procureur de la République près du Tribunal de Première Instance du Kef dont voici la teneur : « En vertu des directives émanant du Parquet général du Kef et relatives à l’enquête sur l’accident corporel de la circulation survenu sur un chemin agricole à savoir la collision entre une voiture administrative relevant du ministère de l’Intérieur et une petite mobylette ». (D’habitude, on appelle ces accidents des accidents meurtriers et non des accidents corporels), il ressort que l’accident a occasionné des dommages corporels, à savoir que le conducteur de la mobylette a été commotionné, qu’il a eu des fractures au torse et des blessures profondes à la cuisse et qu’à la suite il a été transporté à l’hôpital de Kalaat Snan où il a reçu des secours puis a été transféré à l’hôpital du Kef où il est décédé » Il attribue les causes de l’accident à une collision entre la voiture et l’arrière de la mobylette, cette dernière roulant avec des feux arrière éteints ! ! Il conclut qu’il avait mené l’enquête sur un accident de la route habituel et que le chauffeur assassin n’avait pas été arrêté. Les proches du défunt ont chargé un avocat de déposer plainte pour le meurtre auprès du procureur de la République près le Tribunal de Première Instance du Kef le matin du même jour. Le substitut du Procureur refusa de délivrer le reçu de dépôt de cette plainte qui établissait qu’il y avait eu meurtre délibéré escamoté par son télégramme d’information d’un accident de la route corporel ! ! ! et informa l’avocat qu’il produisait sur le champ une décision d’ouvrir une enquête pour meurtre délibéré avec préméditation enquête confiée au deuxième bureau d’instruction. L’avocat le supplia de considérer sa plainte comme un élément d’éclaircissement et d’information supplémentaire pour le dossier de l’enquête en ce qu’elle contenait des éléments probants, mais il ne le fit pas en dépit de la gravité de l’accident visé par la plainte. Dans l’intervalle, l’avocat prit contact avec le bureau d’instruction comme le représentant des victimes. Il lui fut communiqué le dossier d’instruction n° 1/21247 et il le trouva constitué du télégramme faisant état de l’accident corporel de la circulation et de la décision du juge d’instruction, déléguant au chef de la brigade des enquêtes et vérifications de la Garde Nationale de Tajerouine de prendre la responsabilité de l’enquête (…) l’accusé du meurtre, son collègue de travail, issu de la même terre que lui, sans procéder à son arrestation, ni même à son interpellation. La population de la région de Felta et de Khalij se plaignent de ce type de dépassements perpétrés par les agents de la Sûreté. Il n’y a pas longtemps ils ont écrasé un citoyen de cette région dans des circonstances semblables, lui occasionnant une fracture du fémur. L’avocat des victimes avait même été détenu une heure et demi et menacé de prendre une balle par ces agents au fait de sa personne et de sa fonction. Mercredi 15 août il a été détenu par les agents de cette même brigade de la Sûreté, deux agents lui ont dit qu’ils connaissaient son identité et sa profession, mais qu’il devait présenter les papiers du véhicule et son permis de conduire attestant qu’il était avocat et tout document attestant de sa nationalité tunisienne. Il est resté détenu une heure et demie, attendant qu’on lui rapporte les documents car il n’avait pas sur lui d’attestation de nationalité ou d’attestation professionnelle.
Maître Mohammed Néjib Hosni, avocat (traduction d’extraits, ni revue ni corrigée par l’auteur de la version originale, LT)


 

Le président Gül approuve le gouvernement réformateur turc

Reuters, le 29 août 2007 à 17h48

Par Paul de Bendern

 

ANKARA (Reuters) – Accomplissant la première tâche de son nouveau mandat, Abdullah Gül, premier président turc issu de la mouvance islamiste, a approuvé mercredi le nouveau gouvernement de son allié et « frère », le Premier ministre Tayyip Recep Erdogan.

 

Ali Babacan, ministre du Budget au sein du précédent gouvernement, remplace Gül aux Affaires étrangères. Il reste, en revanche, chargé des négociations sur la candidature d’Ankara au sein de l’Union européenne.

 

Kemal Unakitan a été reconduit dans ses fonctions de ministre des Finances. L’ancien banquier Nazim Ekren a été nommé vice-Premier ministre, chargé de la Coordination des questions économiques, un poste clé pour les réformes demandées par l’UE.

 

Les autorités turques souhaitent faire avancer au plus vite les réformes répondant aux exigences des Vingt-Sept, un dossier que le nouveau chef de l’Etat a largement traité en tant que chef de la diplomatie sortant.

 

Le Parti de la justice et du développement (AKP, issu de la mouvance islamiste) a largement remporté les élections législatives de juillet mais n’avait pu jusque-là former un gouvernement du fait de l’opposition de l’ancien président Ahmet Necdet Sezer.

 

Les Turcs suivent avec attention la réaction des militaires aux actions de Gül, depuis que les chefs d’état-major ont boudé la prestation de serment du nouveau président, une première en Turquie.

 

Le président est, selon la Constitution, commandant en chef des forces armées, qui se considèrent comme le dernier rempart de la laïcité héritée de Mustafa Kemal Atatürk, « père de la Nation » turque.

 

L’armée a évincé quatre gouvernements en l’espace de 60 ans, le dernier en 1997, qu’elle jugeait trop islamiste. Abdullah Gül faisait partie de ce gouvernement.

 

Les Turcs espèrent voir s’apaiser les divisions politiques entre l’AKP et les élites laïques, qui comprennent les généraux, les magistrats et l’opposition politique.

 

Dans son discours inaugural, Gül s’est engagé à protéger la laïcité et les principes mis en place par Atatürk, une promesse que la presse a qualifié de geste de conciliation.

 

Les observateurs s’attendent à voir Gül jouer un rôle international important, notamment dans les négociations de son pays auprès de l’UE.

 

Critiquée pour avoir, dans la pratique, gelé les réformes demandées par l’UE, la Turquie a invoqué la période électorale. Lors de son discours inaugural mardi, Gül avait appelé à accélérer les réformes.

 

REUTERS

 


L’islamiste modéré Abdullah Gül président de la République turque

 
TURQUIE. Malgré le boycott du principal parti d’opposition et les craintes des défenseurs de la laïcité, le chef de la diplomatie a été élu par le parlement. Delphine Nerbollier, Istanbul
L’assemblée devant laquelle Abdullah Gül s’est présenté mardi en fin d’après midi n’était pas pleine. Dans les rangs de l’hémicycle, renouvelé en juillet dernier, manquaient les 98 députés du principal parti d’opposition, le Parti républicain du peuple (CHP). Après avoir fait annuler en avril l’élection présidentielle puis boycotté le processus électoral du mois d’août, les représentants du parti créé par le fondateur de la République, Atatürk, ont en toute logique refusé d’assister à la prestation de serment de celui qu’ils considèrent comme un danger pour la laïcité. Assemblée incomplète Abdullah Gül, numéro deux du Parti de la justice et du développement (AKP), chef de la diplomatie turque pendant quatre ans, a pourtant été élu sans appel à la tête de l’Etat, avec 339 voix, celles de son parti qui en compte 341 à l’assemblée. C’est donc devant une assemblée incomplète que le nouveau chef de l’Etat s’est adressé à la nation après avoir prêté serment sur la Constitution. Dans un discours solennel, le nouveau président a tenté de rassurer ceux qui justement le boycottaient. «La République de Turquie est un Etat de droit social, laïc et démocratique. Je serai déterminé à défendre et à fortifier tous ces principes sans discrimination, a-t-il déclaré. La laïcité joue un rôle de paix sociale. […] La meilleure manière d’éliminer les heurts et les disputes dans une société est de s’engager sur le principe de laïcité.» Abdullah Gül a également lancé des signes en direction de la communauté internationale et notamment européenne, qui attend de nouvelles réformes de la part de la Turquie. Le nouvel élu a souligné l’importance des «libertés d’expression, de culte et de conscience». Le Parti républicain du peuple, furieux de s’être fait confisquer les rênes du pouvoir en 2002, et de perdre la présidence de la République, l’un de ses bastions, n’est pas le seul à avoir accueilli avec une très grande sévérité l’élection pourtant démocratique d’Abdullah Gül. Si une courte cérémonie militaire a accueilli le nouveau chef de l’Etat à l’assemblée, les généraux ont brillé par leur absence lors de la prestation de serment. La veille, ils s’étaient même fait remarquer par un nouveau communiqué publié sur Internet, dans lequel ils dénoncent l’apparition «de projets sournois qui visent à défaire les avancées modernes et à détruire la structure laïque et démocratique de la République». Mais cette fois, contrairement au mémorandum du 27 avril, ce communiqué n’aura eu aucune incidence sur l’élection, d’autant qu’il est intervenu trois jours avant la fête de la Victoire, célébrée chaque 30 août. L’an dernier, à cette même occasion, le général Buyukanit y avait vilipendé les mêmes «forces réactionnaires». Reste que cette armée, affaiblie par le processus démocratique, est toujours présente et rappelle au nouveau président qu’elle le surveillera de près. Cérémonie à huis clos Même accueil glacial du côté du président sortant, Ahmet Necet Sezer, fervent opposant à l’AKP. Celui qui avait été accueilli par plus de 150 invités, il y a sept ans, a accordé un quart d’heure à son successeur pour la passation de pouvoir et cela, à huis clos et sans l’épouse voilée d’Abdullah Gül, non invitée. Ahmet Necet Sezer aura tenu jusqu’au bout une ligne radicale face à celui qu’il saluait du bout des lèvres ces derniers mois. Malgré l’intransigeance de la vieille garde laïque, l’élection d’Abdullah Gül a toutefois été largement saluée, par les députés présents dans l’Assemblée nationale mais aussi dans sa ville natale, Kayseri, qui pour l’occasion avait distribué 50000 drapeaux turcs à ses administrés. Et si le CHP a déserté les rangs de l’assemblée, Abdullah Gül aura obtenu le soutien tacite des autres partis d’opposition qui ont rejeté les appels au boycott. Les nationalistes du MHP et les députés kurdes du DTP ont répété ne pas croire à une mise en danger de la laïcité. A leurs yeux, la question du voile d’Hayruinisa Gül n’est pas un problème ni le passé islamiste de son époux. La Commission européenne a elle aussi salué la victoire d’Abdullah Gül, qualifiée de «performance considérable pour le peuple turc». Le Conseil de l’Europe, de son côté, a salué l’élection d’un «réformateur moderne». (Source : « Le Temps » (Quotidien – Suisse), le 29 août 2007)

Le pari difficile d’Abdullah Gül à la tête de la Turquie Pour la première fois, un ancien islamiste accède à la présidence de la République.

 
Par Marc SEMO Affable et chaleureux, Abdullah Gül est en outre doté d’un certain humour et il s’exprime dans un anglais parfait. Rien d’étonnant donc si l’ancien des ministre des Affaires étrangères Abdullah Gül, finalement élu hier président de la République par le Parlement, séduit les diplomates occidentaux, d’autant qu’il affiche volontiers ses convictions proeuropéennes. Mais le camp laïc et les militaires (lire ci-contre) restent toujours aussi méfiants vis-à-vis de celui qu’ils surnomment «l’islamiste au visage souriant».                  Pour la première fois, un politicien issu du mouvement islamiste avec une femme portant le foulard va s’installer à Cankaya, le palais présidentiel, qui fut celui de Mustapha Kemal, fondateur d’une République laïque et jacobine sur les décombres de l’Empire ottoman après la Première Guerre mondiale. Habile politicien, Abdullah Gül sait qu’il doit rassurer cette moitié de la Turquie qui, lors des législatives du 22 juillet, n’a pas voté pour l’AKP (le parti de la justice et du développement) sorti grand vainqueur des urnes avec 46,5 % des voix. Craintes.  «Le renforcement et la défense des valeurs républicaines édictées dans la Constitution seront mes priorités»,déclarait-il, il y a une dizaine de jours, en annonçant sa décision de se présenter à nouveau à la présidence de la République – sa candidature au printemps avait déchaîné de grandes manifestations du camp laïc. Le chef de l’Etat a des compétences limitées mais dispose d’importants pouvoirs en matière de nomination dans la haute fonction publique. D’où la crainte d’infiltrations massives des islamistes dans les rouages clefs de l’Etat. Le CHP, le parti de la gauche kémaliste, a été le grand perdant des élections (20 % des voix). Mais les militaires comme les responsables de ce parti ont annoncé qu’ils boycotteraient les cérémonies où apparaîtrait la femme du président en foulard, même si 72,5 % des Turcs, selon les sondages, considèrent «normal» le port du voile par la première dame. « Les débuts d’Abdullah Gül ne seront pas faciles et chacun de ses pas sera scruté à la loupe par les institutions et les franges de la société sensibles à la défense de la laïcité», écrivait hier matin un éditorial du journal populaire Vatan. Abdullah Gül aura en effet besoin de toute sa rondeur et de son habileté diplomatique pour faire oublier un passé d’islamiste convaincu. Cet homme très pieux, né il y a cinquante-six ans à Kayseri, fief conservateur et islamiste en Anatolie centrale, a étudié l’économie à Istanbul puis à Londres avant de partir à Djeddah en Arabie Saoudite où, entre 1983 et 1991, il travaille comme cadre de la Banque de développement islamique. De retour en Turquie, il commence à faire de la politique dans le Refah, le «parti de la prospérité» de Necmettin Erbakan, le leader historique de l’islamisme politique turc. Quand ce dernier devient en 1996 Premier ministre, Gül qui est déjà un des poids lourds du parti, est nommé ministre d’Etat et porte-parole du gouvernement. Un an plus tard, le Refah est chassé du pouvoir sous la pression de l’armée puis interdit. Trois ans plus tard, Abdullah Gül et Recep Tayyip Erdogan, alors maire islamiste du Grand Istanbul, décident de former un nouveau parti en tirant les leçons de cet échec et de l’impossibilité de défier ouvertement l’Etat et l’armée. L’AKP se pose ainsi comme conservateur sur le plan des mœurs mais libéral en économie et surtout proeuropéen. L’Union européenne et les réformes qu’elle impose sont un bouclier contre l’armée. Dès lors, les classes moyennes choisissent aussi l’AKP, d’où le nouveau succès de ce parti aux élections de juillet après cinq ans de gouvernement. Figures libérales.  Abdullah Gül, que le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan appelle «son frère», est bien conscient des enjeux qui s’ouvrent pour l’AKP comme des peurs qu’il suscite. Les ex-islamistes occupent désormais les trois premières fonctions politiques du pays (présidence de la République, présidence de la chambre et Premier ministre). Il s’agit maintenant de rassurer. Le nouveau gouvernement d’Erdogan, dont la liste est présentée aujourd’hui, doit intégrer bon nombre des figures les plus libérales du parti. A la fin du mois, le Parlement commencera à plancher sur une grande réforme libérale de la Constitution pour sortir du système mis en place après le coup d’Etat de 1980. «Elle mettra l’accent sur le peuple plus que sur l’Etat», assure l’AKP. Plusieurs juristes de gauche ou libéraux ont accepté pour cette raison d’être élus sur les listes de l’AKP. Le grand quotidien Milliyet évoque déjà «une étape historique qui pourrait nous rapprocher un peu plus d’une pleine maturité démocratique». (Source : « Libération » (Quotidien – France), le 29 août 2007)

Abdullah Gül a prêté serment

 
NERBOLLIER,DELPHINE La Turquie a depuis ce marci un président venu de la mouvance islamiste. Mais l’ancien chef de la diplomatie turque a juré de respecter les principes laïcs. Il a même vanté les mérites de la laïcité. Istanbul De notre correspondante L’assemblée devant laquelle Abdullah Gül s’est présenté hier en fin d’après-midi n’était pas pleine. Dans les rangs de l’hémicycle, renouvelé en juillet dernier, manquaient les 98 députés du principal parti d’opposition, le Parti républicain du peuple (CHP). Après avoir fait annuler en avril l’élection présidentielle puis boycotté le processus électoral du mois d’août, les représentants du parti créé par Mustafa Kemal, le fondateur de la République, ont en toute logique refusé d’assister à la prestation de serment de celui qu’ils considèrent comme un danger pour la laïcité. Abdullah Gül, numéro deux du Parti de la justice et du développement (AKP), chef de la diplomatie turque pendant quatre ans, a pourtant été élu sans appel hier à la tête de l’Etat. Avec 339 voix – celles de son parti qui en compte 341 à l’assemblée –, il est devenu le 11ème président de la République. C’est donc devant une assemblée incomplète que le nouveau chef de l’Etat s’est adressé à la nation après avoir prêté serment sur la constitution. Dans un discours très solennel, le nouveau chef de l’Etat a tenté de rassurer ceux qui justement le boycottaient. « La République de Turquie est un Etat de droit social, laïc et démocratique. Je serai déterminé à défendre et à fortifier tous ces principes sans discrimination, a-t-il déclaré. La laïcité joue un rôle de paix social ( ) La meilleure manière d’éliminer les heurts et les disputes dans une société est de s’engager sur le principe de laïcité ». Le nouveau chef de l’Etat a également lancé des signes en direction de la communauté internationale et notamment de l’Union européenne, qui attend de nouvelles réformes de la part de la Turquie. Abdullah Gül a souligné l’importance des « libertés d’expression, de culte et de conscience ». Le principal parti d’opposition, furieux de s’être fait confisquer les rennes du pouvoir depuis l’arrivée de l’AKP, en 2002, et de perdre la présidence de la République, l’un de ses principaux bastions, n’est pas le seul à avoir accueilli avec une très grande sévérité l’élection pourtant démocratique d’Abdullah Gül. Si une courte cérémonie militaire a accueilli le nouveau chef de l’Etat à l’assemblée et au mausolée d’Atatürk, les généraux ont brillé par leur absence lors de la prestation de serment. La veille, ils s’étaient même fait remarquer par un nouveau communiqué de presse publié sur internet, dans lequel ils dénonçaient l’apparition « sous différentes formes de projets sournois qui visent à défaire les avancées modernes et à détruire la structure laïque et démocratique de la République ». Mais cette fois, contrairement au mémorandum du 27 avril, ce communiqué n’aura eu aucune incidence sur l’élection, d’autant qu’il est intervenu trois jours avant la fête de la victoire, célébrée chaque 30 août. L’an dernier, à cette même occasion, le général Buyukanit avait vilipendé les « forces réactionnaires et séparatistes ». Reste que cette armée, affaiblie par le processus démocratique, a voulu rappeler au nouveau président qu’il sera surveillé de très près. Même accueil glacial du côté du président sortant, Ahmet Necet Sezer, fervent opposant de l’AKP. Celui qui avait été accueilli par plus de 150 invités, il y a sept ans, à son arrivée au palais présidentiel de Cankaya, a accordé un quart d’heure à son successeur pour la passation de pouvoir, et cela à huis clos et sans l’épouse voilée d’Abdullah Gül, non invitée. Ahmet Neced Sezer aura tenu jusqu’au bout une ligne radicale face à celui qu’il saluait du bout des lèvres ces derniers mois. Malgré l’intransigeance de la vieille garde laïque, l’élection d’Abdullah Gül a été largement saluée à travers le pays, à commencer par les députés présents dans l’assemblée nationale qui ont applaudi, debout, le nouveau chef de l’Etat. Fait notable : si le CHP a déserté les rangs de l’assemblée, Abdullah Gül aura réussi à obtenir le soutien tacite des autres partis d’opposition qui ont rejeté les appels au boycott. Les nationalistes du MHP et les députés kurdes du DTP ont en effet répété à plusieurs reprises ne pas croire à une mise en danger de la laïcité. A leurs yeux, la question du voile d’Hayruinisa Gül n’est pas un problème, ni d’ailleurs le passé islamiste de son époux. Quant à la liesse populaire, elle était réellement perceptible à Kayseri, la ville natale d’Abdullah Gül, où la fête battait son plein hier en fin de journée. Pour l’occasion, la municipalité avait distribué 50.000 drapeaux turcs à ses administrés et organisé une série de feux d’artifices. La communauté internationale a, de son côté, réservé un accueil chaleureux au nouveau chef de l’Etat turc, à commencer par l’Union européenne. Le président de la Commission, José Manuel Barroso, a qualifié son élection de « réalisation considérable du peuple turc », tandis que le président du conseil européen présentait celui qui a bataillé pour décrocher en décembre 2004 l’ouverture des négociations d’adhésion avec l’Union européenne, comme un « réformateur moderne ». (Source : « Le Soir » (Quotidien – Bruxelles), le 29 août 2007)


Analyse

Abdullah Gül, nouvelle ère en Turquie

par Sophie Shihab

 

Il est difficile de surestimer l’importance de l’accession à la tête de l’Etat turc, en toute conformité avec les règles démocratiques et conformément à la constitution du pays, d’un pro-européen éprouvé, issu du mouvement islamiste. Clôturant quatre mois de crise politique ouverte, l’élection au Parlement, mardi 28 août, d’Abdullah Gül à la présidence de la République « laïque et démocratique » de Turquie marque un tournant historique, ouvrant de grandes chances pour la Turquie et toute la région, soulignaient des commentateurs locaux.

 

Il y a quatre-vingt-cinq ans, Mustafa Kemal Atatürk créait, sur les ruines de l’empire ottoman, siège du califat, une nation turque que ses héritiers ont maintenue, en s’appuyant sur l’armée, dans un cadre de laïcité autoritaire et nationaliste. La Constitution adoptée après le radical coup d’Etat militaire de 1980 enracinait ce système, toujours parlementaire, mais avec une présidence de l’Etat dotée de forts pouvoirs, en plus de ses fonctions honorifiques. C’est ce fauteuil, qui était autrefois celui d’Atatürk, qu’occupe désormais, pour la première fois, un homme qui, dans sa jeunesse, aspirait au retour du califat.

 

Des représentants du courant religieux et conservateur du pays profond, longtemps réprimé, ont certes pu, à partir de 1950, détenir diverses fonctions de pouvoir, dont la présidence avec Turgut Özal à la fin des années 1980. Mais c’est la première fois qu’un parti représentant ce courant, l’AKP – Parti de la justice et du développement, issu d’une scission moderniste en 2001 du vieux parti islamiste turc -, domine sans conteste, non seulement le Parlement et le gouvernement, mais aussi la présidence, chargée de les contrôler.

 

Il reste aux vieilles élites kémalistes et à leurs partisans, qui ont manifesté par millions au printemps contre la première candidature d’Abdullah Gül, bloquée par les militaires qui le soupçonnent d’avoir un « agenda islamiste caché », à faire confiance à ces généraux qui jurent de rester les gardiens de la laïcité et de l’unité du pays. Mais face aux 47 % des voix obtenues par l’AKP aux élections législatives du 22 juillet, avancées pour dénouer la crise, et à sa majorité de 61 % au Parlement, l’armée ne peut plus que s’incliner, elle qui se veut l’âme de la nation, respectueuse de la démocratie. Quitte à limiter désormais ses interventions à ses déclarations épisodiques et à des boycottages de cérémonie officielle.

 

Un tel retrait de l’armée de la vie politique, sans précédent en Turquie, est facilité par le nouveau climat de tolérance qui semble gagner le pays, bouleversé, il y a peu encore, par des assassinats politiques, par les menaces d’intervention militaire contre les Kurdes d’Irak et autres passions nationalistes attisées par le « camp laïc », qui agitait aussi la perspective d’une « saoudisation » du pays si l’AKP accédait à la présidence.

 

Des ténors de ce camp appellent maintenant à tourner la page pour aider M. Gül à tenir sa promesse d’être le président neutre de tout le pays. Lors de l’inauguration du Parlement, les nouveaux élus kurdes nationalistes ont démonstrativement serré la main de leurs ennemis du parti d’extrême droite. Et le premier ministre Recep Tayyip Erdogan s’est excusé d’avoir suggéré à un éditorialiste – dont l’article disait qu’il ne reconnaîtra pas un président « moustachu qui se gratte le ventre », c’est-à-dire à l’image des Turcs du peuple… – de quitter le pays. Une description au demeurant déplacée pour l’économiste parfait anglophone qu’est M. Gül, que même les « laïcs » seraient heureux de voir les représenter à l’étranger… si ce n’était le foulard islamique porté par son épouse. Laquelle a démenti avoir demandé à un styliste viennois de lui proposer une coiffe « modernisée », un sujet dont les médias locaux se sont emparés, délaissant quelque peu – autre signe d’apaisement – les sujets qui divisent le pays.

 

COMPROMIS OU « GRAND COMBAT »

 

Il se confirme ainsi que ces divisions furent beaucoup plus le fait des rivalités de pouvoir entre anciennes et nouvelles élites, alors que la population démontre quotidiennement qu’elle a appris à vivre sa diversité, femmes voilées et découvertes se côtoyant souvent dans les mêmes institutions, les mêmes quartiers voire les mêmes familles. Comme toute nouvelle élite, les cadres de l’AKP ont certes encore des pesanteurs – en témoignent des incidents mis en épingle par les médias, tels le « risotto cuisiné au vin » qui indigna un ministre lors d’un dîner officiel, ou les abus de religiosité dans certaines écoles, que l’armée dénonce dans ses communiqués. La compétence manque souvent aussi chez ces cadres provinciaux, mais la direction de l’AKP y veille : M. Erdogan a ainsi fait élire sur ses listes des dizaines de professionnels libéraux venus d’autres horizons, améliorant ainsi sensiblement le niveau général du Parlement, qui en avait grand besoin.

 

Un progrès d’autant plus nécessaire que cette nouvelle assemblée sera appelée à proposer une nouvelle Constitution, comme le réclamaient en vain depuis des années tous les démocrates du pays. Une Constitution « civile » répondant aux critères européens à la place de la « Constitution militaire » comme est décrite l’actuelle. Ce qui promet encore de vifs affrontements avec l’armée et les tenants de l’orthodoxie kémaliste. Mais beaucoup de tenants de celle-ci, membres du Parti républicain du peuple (CHP), qui reste le premier parti d’opposition, semblent décidés à rompre avec sa direction figée dans un nationalisme anti-occidental, pour former enfin un parti réellement social-démocrate, indispensable à l’enracinement de la démocratie dans le pays.

 

La réussite de ce projet permettrait aux historiens, à l’avenir, de qualifier « l’époque ouverte le 28 août 2007 d’ère du compromis entre laïcs et religieux, où le voile islamique fut toléré mais jamais imposé, où la Turquie devint plus forte, plus riche et plus démocratique », a estimé l’éditorialiste Mehmet Ali Birand. Son échec, par contre, pourrait, selon lui, marquer le début du « grand combat » entre ces deux composantes de la Turquie, qui deviendrait si faible qu’elle ne pourrait plus résister aux pressions nationalistes kurdes et finirait comme un des « pays divisés » de la région. Un scénario-catastrophe aux yeux des Turcs, souvent obsédés par la menace de désintégration de leur pays. Mais le scénario du succès serait aussi bénéfique pour l’Europe et toute la région, si des partis islamistes, du pourtour méditerranéen par exemple, parvenaient, en évoluant à l’exemple de l’AKP, à forcer l’ouverture politique dans leurs pays respectifs.

 

(Source : « Le Monde » (Quotidien – France), le 30 août 2007)


Edito du Monde

Sarkozy et la Turquie

 
Volontariste, Nicolas Sarkozy est aussi réaliste. Il l’a montré, lundi 27 août, dans son discours devant les ambassadeurs français, à propos de la Turquie. Contrairement à ce qu’il avait laissé entendre pendant la campagne électorale, il ne s’oppose plus à la poursuite des négociations entre Ankara et l’Union européenne. Il tient compte ainsi de deux considérations. D’une part, la France était engagée par la décision, prise à l’unanimité des vingt-cinq membres de l’UE en octobre 2005, d’ouvrir des négociations en vue de l’adhésion de la Turquie. Revenir sur cet engagement signifiait mettre dans l’embarras ceux de nos partenaires qui ont accepté d’entamer le processus bien qu’étant favorables à un « partenariat privilégié » et s’opposer de front aux autres pays qui soutiennent une participation pleine et entière de la Turquie à l’Europe. D’autre part, un veto français à la poursuite des négociations serait arrivé au plus mauvais moment, quand la Turquie paraît justement en voie de résoudre par des moyens démocratiques la crise politique provoquée par l’élection à la tête de l’Etat d’un homme issu de la mouvance islamique. Sur le fond, cependant, le président de la République réaffirme la conviction du candidat Sarkozy. Il reste favorable à « une association aussi étroite que possible, sans aller jusqu’à l’adhésion ». Et il pose à la poursuite des discussions entre Ankara et l’UE des conditions qui renforcent sa position. La première est la réunion d’un comité de sages chargé de répondre à la question : « Quelle Europe en 2020-2030, et pour quelles missions ? » Le sujet des frontières de l’Europe, donc de la place de la Turquie, surgira nécessairement dans ce cénacle. M. Sarkozy pose une seconde condition, plus technique. Ne pourront, selon lui, être ouverts que les chapitres n’impliquant pas l’adhésion mais compatibles avec le partenariat renforcé. C’est exactement la position adoptée dès le lendemain de l’élection présidentielle. En juin, la France a refusé l’ouverture d’un chapitre sur la coopération monétaire qui, si la discussion avait été menée à son terme, sous-entendait l’adhésion de la Turquie à l’UE. M. Sarkozy ménage donc ses partenaires européens et le gouvernement turc des anciens islamistes, qui vient d’être réélu avec une confortable majorité, sans pour autant se renier. Il gagne du temps, convaincu que l’association la plus étroite possible sera « reconnue un jour par tous comme la formule la plus raisonnable ». La politique française rejoint ainsi l’attitude adoptée par la chancelière allemande, Angela Merkel, prise entre ses idées personnelles, qui rejoignent celles du président français, et les positions de ses alliés sociaux-démocrates de la grande coalition, plus favorables à l’adhésion. Elle a un inconvénient : elle nourrit, de chaque côté, les arrière-pensées. (Source : « Le Monde » (Quotidien – France), le 29 août 2007)

Edito du « Temps » Le pari d’une élection turque

 
Frédéric Koller L’image n’est pas banale. Depuis hier soir, l’armée turque, qui se pose en garante de la laïcité depuis la révolution kémaliste de 1923, est – en temps de paix – dirigée par un président issu de la mouvance islamiste. Abdullah Gül a été élu après trois tours de scrutin par un parlement dominé par l’AKP, parti musulman auquel il appartient aujourd’hui. Bruit de bottes dans les casernes? Après tout l’armée a réalisé quatre coups d’Etat en soixante ans pour moins que ça. Bonne nouvelle: ces temps sont révolus. Dans un communiqué qui sonne comme un aveu d’impuissance, le chef de l’état-major s’est contenté d’une simple mise en garde contre toute «érosion du système laïc». Après avoir provoqué une crise politique en avril pour empêcher la nomination de Gül, l’armée et les partis laïcs sont sonnés. La large victoire aux législatives du mois dernier (47% des voix) a apporté une légitimité démocratique incontestable à Gül et à l’AKP du premier ministre Tayyip Erdogan. L’ex-ministre turc des Affaires étrangères n’a pas uniquement séduit les Turcs (60% d’opinions favorables selon les sondages), il est également bien vu dans les officines de Bruxelles pour son engagement depuis 2005 pour l’adhésion de son pays à l’Union européenne. Même Nicolas Sarkozy, qui avait fait de l’exclusion de la Turquie du jeu européen l’un de ses thèmes favoris de campagne, vient de revoir sa position. L’AKP a réussi son pari. Il est en passe de devenir ce grand parti de centre droit, respectueux des institutions, pendant musulman des partis démocrates-chrétiens européens. La Turquie peut ainsi espérer devenir un modèle pour l’ensemble du monde musulman. Au Maroc, qui s’apprête à voter, un ancien parti islamiste se réclame déjà de l’héritage de l’AKP. C’est le scénario – optimiste – auquel n’osait plus croire l’Occident replié dans des schémas culturels associant l’islam à la terreur. La réalité est évidemment plus complexe. Et le succès de Gül dépasse largement les clivages entre laïcs et religieux, porté qu’il est par une excellente conjoncture économique. Reste qu’on ne peut pas écarter l’hypothèse de voir un jour l’AKP se replier sur des valeurs islamistes – comme le soupçonnent les laïcs – pour cimenter son électorat en période de crise. C’est là le pari de l’expérience turque. (Source : « Le Temps » (Quotidien – Suisse), le 29 août 2007)

Edito du « Le Soir » Abdullah Gül, une chance pour l’Europe

 
KUCZKIEWICZ,JUREK Abdullah Gül sera sans aucun doute élu ce mardi à la présidence de la Turquie. Cette désignation est souvent présentée comme un risque d’une islamisation de la république laïque d’Atatürk. Elle constitue, en fait, une chance énorme. Pour la Turquie et pour l’Europe. Au préalable, coupons court à l’ânonnement de stéréotypes. Comme celui d’« islamisme (modéré) », un terme toujours connoté de suspicion, qu’on appose à la dénomination de l’AKP, le parti de Recep Tayip Erdogan et d’Abdullah Gül. L’islam étant la religion prédominante des Turcs, sur quelle base peut-on continuer à mettre en question la légitimité de pareil parti, surtout dans une Europe où le courant (démocrate-)chrétien a toujours constitué un pan considérable de l’éventail politique ? Plus qu’aux étiquettes, c’est aux actes qu’il faut juger les intéressés : au pouvoir, l’AKP s’est avéré un parti conservateur et libéral, mais qui a fait parcourir à la Turquie un train inédit de réformes, en particulier sur la voie du rapprochement vers l’Union européenne. On ne peut en dire autant des « laïcistes » turcs, paradoxaux héritiers d’un système autoritaire défendu par l’armée, et qui se sont retrouvés parmi les plus critiques pourfendeurs de cette marche européenne. M. Gül promet, et c’est dans l’intérêt de la Turquie, qu’il présidera son pays dans le respect de la volonté majoritaire de la population ET des principes d’équité à l’égard des autres composantes de cette société. S’il tient promesse – et rien ne permet de croire qu’il ambitionne autre chose – il fera passer la Turquie d’un modèle de laïcité autoritaire et pas vraiment moderne, à un modèle où les croyances ne sont pas niées, mais reconnues dans un espace public policé. Le modèle européen Ce chemin ne sera certainement pas facile à parcourir. Mais si la Turquie y arrive, elle validera de façon ultime la force du modèle européen contemporain : preuve sera faite que celui-ci fonctionne, quelles que soient la religion ou les racines culturelles dominantes. En fait, ceux qui pointent le danger de « l’islamisme modéré » sont peut-être ceux qui craignent que pareille preuve nous soit administrée. L’Europe, en somme, a grand besoin de la réussite de M. Gül. (Source : « Le Soir » (Quotidien – Bruxelles), le 27 août 2007)

 


 

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