SOUTIEN DE LA F.T.C.R. AUX MIGRANTS TUNISIENS EN GRÈVE DE LA FAIM DEPUIS 3 JOURS A LAMPEDUSA
Près d’un quart des Tunisiens sous le seuil de pauvreté
La Tunisie compte 700 mille chômeurs et un taux de pauvreté de près de 25%
Selon les standards internationaux qui fixent le seuil de pauvreté à 2 dollars par jour, le taux de la pauvreté en Tunisie s’élève actuellement à 24,7%. Autrement dit, un taux nettement supérieur à ce qu’il était à la fin de l’année 2010, si toutefois les chiffres avancés réflétaient la (13-14%).
Cependant, cette augmentation considérable serait due en grande partie par des mouvements de protestation observés par les habitants des régions de l’ouest qui revendiquent l’amélioration des conditions de vie, la promotion des services sociaux et le renforcement des équipements collectifs, souligne la TAP. Et le ministre des Affaires sociales, Mohamed Ennaceur, pense que ces mouvements de protestation pourraient se poursuivre en l’absence d’un rôle modérateur de l’Etat et de l’établissement d’un consensus social.
Par ailleurs, la Tunisie compte environ 700.000 sans emploi, dont 69% sont âgés de moins de 30 ans, alors que le nombre des chômeurs parmi les diplômés du supérieur est estimé à 170 mille.
Source: “wmc” Le 28-05-2011
Pour le gouvernement tunisien, les promesses du G8 ne sont pas suffisantes
La Tunisie a obtenu du G8 de Deauville l’assurance d’être aidée dans le cadre du plan en faveur des printemps arabes. Un plan d’un montant annoncé de 40 milliards de dollars. Mais le gouvernement tunisien n’est pas totalement satisfait de ce qui a été promis car la situation sociale dans le pays est très dégradée.
La Tunisie demande 25 milliards de dollars d’aide financière sur cinq ans, dont cinq milliards immédiatement. A l’issue du G8 une aide globale de 40 milliards de dollars a été annoncée en faveur de la région. Un montant qui reste donc à partager avec l’Egypte.
La France a précisé que sa participation à l’aide financière à la Tunisie serait de 425 millions d’euros et que l’amélioration des conditions de vie des zones les plus déshérités serait une des priorités. Mais pour le gouvernement tunisien c’est encore trop peu au regard des dernières statistiques.
Un Tunisien sur quatre vit actuellement au-dessous du seuil de pauvreté, soit avec moins de deux dollars par jour. Près de 700 000 personnes sont au chômage et parmi elles 170 000 diplômées de l’enseignement supérieur. De fait selon les chiffres du ministère des affaires sociales, sept chômeurs sur dix ont moins de 30 ans.
Et le chômage qui touchait déjà 13% de la population active avant la crise politique de janvier pourrait atteindre 20% cette année.
Source : « RFI » Le 28-05-2011
Lien : http://www.rfi.fr/afrique/20110528-le-gouvernement-tunisien-promesses-g8-sont-pas-suffisantes
Le G8 n’est pas un téléthon mais….
Deauville aura permis de faire un premier point d’étape des engagements de demain. Le Groupe des huit qui achevait ce vendredi ses travaux de deux jours n’est pas un téléthon ni une conférence de pays donateurs. Et pourtant ce fut l’occasion pour nombre de pays arabes et africains de rappeler aux vieilles puissances industrialisées (Etats-Unis, Allemagne, Japon, France, Grande-Bretagne, Italie, Canada, Russie) et aux organisations multilatérales présentes, Union européenne, Fonds Monétaire International et Banque Mondiale, leurs besoins présents – et moins urgents – de financements pour assurer une transition et un raffermissement de la démocratie. Le président Alassane Ouattara qui est finalement parvenu à s’installer au pouvoir en Côte d’Ivoire, grâce aux forces internationales après avoir gagné des élections relativement transparentes, a demandé de 15 à 20 milliards d’euros pour les cinq prochaines années à la communauté internationale. Comme ses homologues du Niger, Mahamadou Issoufou et de Guinée Alpha Conde, et à côté ses pairs du Nepad (nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique), Alassane Ouattara qui a été investi le 21 mai dernier, était l’un des invités du G8 de Deauville qui a signé ce vendredi avec l’Afrique une déclaration « conjointe » sur un partenariat à long terme. Mais il n’a pas été le seul. Le premier ministre tunisien Beji Caied Essebsi, a présenté, en compagnie de son ministre des Finances Jalloud Sayed qui à côté des dirigeants égyptiens, était lui aussi l’invité du G8, a présenté les besoins de financement de son pays. Et les deux dirigeants tunisiens ont réaffirmé que leur pays avait besoin de 25 milliards de dollars de soutien financier sur les cinq prochaines années. Et cela dès 2011. Il est vrai que les Tunisiens ont un argument de poids : nous avons déclenché le printemps arabe. « C’est en Tunisie qu’il a pris son essor », a dit le Premier ministre tunisien. Quant à l’Egypte, le Caire a estimé ses besoins de financement immédiat jusqu’à juin 2012 à 10 ou 12 milliards de dollars. Tout la question est de savoir si toutes ces demandes pourront être comblées. Hier le G8 a parlé de 20 milliards d’euros pour la Tunisie et l’Egypte jusqu’à 2013 de la part des organisations financières internationales y compris 3,5 milliards de la Banque européenne d’investissement (BEI). A cela, a affirmé le président Nicolas Sarkozy, doivent s’ajouter 20 milliards d’euros d’aides bilatérales dont 10 milliards de la part des pays du Golfe. La France pour sa part devrait débloquer un milliard d’euros pour ces deux pays. Et le G8 n’est en aucun cas une conférence de pays donateurs. Certes ! Mais Deauville aura permis de faire un premier point d’étape des engagements de demain. Même si finalement pour le « printemps arabe » il était aussi important d’avoir un soutien politique des pays industrialisés qui pendant longtemps avaient préféré le maintien par la force de régimes au pouvoir à la démocratie. Une sorte de reconnaissance que la démocratie était aussi possible sur la rive sud de la Méditerranée.
Source : « Le Nouvel Observateur » Le 28-05-2011
Lien : http://lesajusteurs.blogs.nouvelobs.com/archive/2011/05/28/le-g8-n-est-pas-un-telethon-mais.html
L’avenir de la Tunisie vu par Saïd Aydi, ministre de l’Emploi…
Répondant à la question sur la situation de l’emploi en Tunisie, Saïd Aydi cite des chiffres qui font froid dans le dos : “Quand j’ai pris mon ministère en janvier, il y avait 520.000 demandeurs d’emplois dont 140.000 diplômés de l’enseignement supérieur. Du fait de la révolution et l’impact des évènements de Libye, ce chiffre est passé à 600.000 chômeurs, dont 175.000 diplômés de l’enseignement supérieur“. Le taux de chômage qui était de 13,2% est passé désormais à 17% en incluant les personnes rentrées de Libye. “Dans certaines régions, ce taux est de 40%, notamment pour les diplômes du supérieur“, précise-t-il. Jugeant cette situation “inacceptable“, M. Aydi indique que “mon objectif est de développer l’employabilité et adapter les filières de formation initiale par rapport aux besoins du marché de l’emploi à moyen et long terme…“. Concernant ce taux de croissance, le ministre de l’Emploi reste optimiste à court terme, tout en rappelant que la Tunisie “mise sur la reprise de l’économe et s’y prépare“, car cette année le pays “devrait connaître entre 0% et 1% de croissance, mais on estime pouvoir revenir à un taux de croissance en 12 mois glissant de 5 à 6% à partir du quatrième trimestre“. Pour ce faire, le gouvernement compte utiliser “cette période au mieux en matière de formation en ciblant notamment les personnes au chômage mais pas forcement employables… Nous prévoyons de lancer des projets pilotes par exemple dans l’économie du savoir pour stimuler les créations d’emploi et accompagner la reprise. C’est notamment le cas dans les TIC donc, dans la logistique, l’agro alimentaire et aussi bien sûr le tourisme“. Et pour y arriver, le M. Aydi affirme que “la Tunisie a eu un premier niveau de soutien de nos partenaires (la France via l’AFD, l’Europe, les Etats-Unis, la Banque mondiale, la Banque africaine de développement), soit environ 2 milliards de prêts, mais ce n’est pas suffisant“. Alors “le gouvernement de transition a bâti un plan de soutien économique et social sur 5 ans présenté au G8 à Deauville. L’objectif est d’obtenir des financements et des dons pour un total chiffré à 25 milliards de dollars“… Toujours dans entretien, le ministre de l’Emploi a énuméré les différents axes de réformes entrepris par le gouvernement de transition, à savoir l’amélioration de la gouvernance, le développement du capital humain, la modernisation du système financier, la mise en place d’un cadre législatif ouvert aux investisseurs étrangers et tunisiens et un plan ambitieux d’accélération des investissements dans les infrastructures. Par ordre des priorités, c’est la modernisation du secteur de la finance et des banques qui arrive en tête. “L’objectif est que la finance soutienne l’économie et l’investissement… Dans ce cadre, “on prépare la mise sur pied d’une caisse des dépôts et un fonds générationnel –lequel combinera des investisseurs publics et privés y compris étrangers pour soutenir des secteurs à forte employabilité comme les TIC, le tourisme, la R&D…“. A la question de savoir si “la Tunisie redeviendra une terre d’accueil pour les investissements étrangers“, M. Aydi répond que la Tunisie “l’a été, et elle le sera toujours“. Et d’ajouter: «Contrairement à ce que l’on pense, il n’y a pas eu de rupture de discussions avec les investisseurs européens ou américains. Aucun n’a décidé de se retirer de Tunisie, même si certains ont suspendu leurs projets. Mais on continue à passer des dossiers à la Commission supérieure de l’investissement dans le domaine des TIC, des composites, de l’agroalimentaire, de l’énergie, l’automobile ou l’aéronautique, notamment avec Aerolia avec qui je travaille par ailleurs sur la formation“. Il estime que “le code investissement est réellement attractif. Il faut mettre en place une bonne gouvernance du pays et réformer l’administration pour que la Tunisie devienne pleinement un Etat de droit. Les textes existent il faut les dépoussiérer un peu et les appliquer de manière efficience. Ce qui est nouveau, c’est que la Tunisie sera un pays d’accueil aussi pour les investisseurs tunisiens qui étaient confrontés à un système mafieux“.
Source: “wmc” Le 28-05-2011
Tunisie : Slim Amamou, confessions sur une démission
Par Thameur Mekki
Sur «Facebook» et «Twitter», certains affirment que Slim Amamou a parlé d’un «gouvernement de l’ombre» suite à sa démission. Ils en ont même fait la raison principale de son abandon de sa fonction de secrétaire d’Etat à la jeunesse. Slim réagit : «Je n’ai jamais parlé d’un «gouvernement de l’ombre». Jamais! Sur Webdo, ils ont dit que c’est Olfa Riahi (animatrice à Express Fm) qui a raconté cette histoire. Personnellement, je n’ai pas donné de telles déclarations». Et il martèle : «D’ailleurs, le podcast du présumé passage où je l’ai déclaré est disponible sur Express Fm. Et vous pouvez vérifier que je ne l’ai jamais dit».
Le boulet attaché au pied de Slim 404
Alors quelles sont les vrais raisons de son départ du gouvernement? L’ex-secrétaire d’Etat geek explique : «Je me suis retrouvé dans une situation où le gouvernement était comme un boulet attaché à mon pied. Il me freinait bien plus qu’il ne me permettait de progresser. De mon côté, je n’ai pas de plus à donner à ce gouvernement. Quant aux élections, le dossier est entre les mains de l’Instance Supérieure». Et notre interlocuteur revient sur l’un des sujets qui dérange le plus sa conscience: «La montée de la violence et les bavures policières m’ont beaucoup affecté et énervé. Je sais que ce n’est pas la faute aux membres du gouvernement. Mais c’est tout de même consternant de se retrouver au gouvernement sans pouvoir rien faire alors que mes amis se font agresser dans les rues». Sa décision a également été motivée par d’autres «détails» (selon ses termes).
Proposition non grata ?
Slim Amamou, jeune pro du web connu pour son adhésion à la culture open source, nous confie : «La dernière question à avoir provoqué ma colère est l’indifférence totale qu’a rencontré ma proposition au sujet du Code Electoral. J’y ai proposé des modifications». Et il poursuit avec ironie : «D’ailleurs je ne pense pas que l’Instance s’y opposerait sauf si ses membres ont de mauvaises intensions» (rires). Sa proposition s’articule autour de la publication du nombre des votes. Il explique : «Ma proposition était que chaque publication soit communiquée dans un format de données open data et pas en PDF par exemple. C’est pour qu’on ait la possibilité de refaire les comptes. Certaines modifications faites par des membres du gouvernement ont été approuvées mais pas la mienne. N’empêche que l’Instance peut toujours recommander ceci». Et il n’omet pas que le retour de la censure est l’une des raisons qui l’ont poussé à démissionner. «La censure des sites internet a également versé de l’huile sur le feu» déclare-t-il.
Slim et le «Prestige de l’Etat»
Mais Slim Amamou assure : «J’ai de bons rapports avec tous les membres du gouvernement. Les membres du gouvernement bossent dur. Ma démission n’émane pas d’une réflexion à leur encontre». Mais il semble que la communication entre lui et le Premier Ministère est brouillée. «Le Premier Ministre, ses secrétaires d’Etat, son cabinet, je ne les connais pas bien. Je n’ai jamais discuté avec Béji Caïd Essebsi» dixit Slim Amamou en alternant : «Il y a aussi une divergence entre mon optique et celle du Premier Ministre. Ce sont deux générations. Lui, il accorde beaucoup d’importance à la confidentialité. Quant à moi, je préfère agir dans la totale transparence. Je n’adhère pas à sa perception de certaines questions comme sa notion du «prestige de l’Etat» ni à l’importance capitale qu’il accorde à la hiérarchie».
Pour Slim, «il est temps de passer à autre chose». Beji Caied Essebsi et ses compères auraient-ils exercé quelque pression sur notre blogueur militant ? Il révèle : «Non. Mais ma présence au sein même du gouvernement ne me permettait pas de m’exprimer librement». Et Slim Amamou conclut avec détermination : «Maintenant que les élections arrivent, je vais enfin pouvoir et devoir m’exprimer. En toute liberté».
Source : « Tekiano » Le 28-05-2011
Lien : http://www.tekiano.com/ness/20-n-c/3817-tunisie-slim-amamou-confessions-sur-une-demission.html
Tunisie : L’Ambassade US importe le «Muslim Rap»
Les propos de certains rappeurs tunisiens versent dans le religieux avec certaines glissades intégristes. Au moment où leurs répliques défrayent la chronique, l’Ambassade des Etats-Unis d’Amérique organise une tournée de Remarkable Current, collectif de musique hip hop adepte du «Muslim Rap».
Entre influences vacillant du rock au jazz, de l’opéra aux musiques traditionnelles du monde, le groupe de rap américain Remarkable Current cultive un rap teinté de diverses couleurs musicales. Ils seront en concert ce soir, samedi 28 mai, à partir de 18h au Mad’Art de Carthage. Le groupe de rap tunisien, Empire, assurera la première partie de ce spectacle. Ce collectif artistique, se présentant comme «les ambassadeurs du hip hop du 21ème siècle», est en Tunisie pour une tournée.
Remarkable Current sera sur la scène du Centre Culturel Mohamed Maarouf à Sousse, mardi 31 mai, à partir de 18h.Ensuite, les membres de ce collectif se rendront à Sfax pour faire le show à partir de 18h au Centre Culturel Mohamed Jammoussi. Vendredi 03 juin, Remarkable Current seront de retour à Tunis pour un dernier concert qui se tiendra au Centre Culturel Menzah 6. Le rappeur tunisien Niz-Art, un des pionniers du rap tunisien au sein de son groupe T-Men, partagera la scène avec Remarkable Current tout au long de la tournée. Idem pour un autre pilier de la scène hip hop locale Karoura (membre du groupe Arab Clan) et Dj Danjer, excepté le concert du 28 mai au Mad’art de Carthage. Il s’agit d’une tournée organisée par l’Ambassade des Etats-Unis d’Amérique en Tunisie.
Les membres de Remarkable Current qui seront parmi nous sont Dj Anas Canon, fondateur de ce collectif artistique ainsi que Kumasi, Eric Rico et Azeem. Quatre ateliers se tiendront à Tunis, à Sfax et à Sousse en marge de cette tournée. Ainsi, les membres de Remarkable Current auront l’occasion de rencontrer des rappeurs tunisiens. Les ateliers seront aussi une opportunité pour débattre du rôle que le rap a joué avant et durant la Révolution Tunisienne. Des étudiants de l’Institut Supérieur de la Musique et de l’Institut Supérieur des Beaux Arts vont également participer à ces rencontres. C’est ce que nous ont affirmé des sources de l’Ambassade des Etats-Unis d’Amérique à Tunis.
«Mon objectif est développer une culture musulmane américaine, quelque-chose de spécialement Américain et musulman. Toute grande société ayant été exposé à l’Islam a trouvé une manière d’adapter cette religion à sa propre culture. Notre art nous pousse à se définir que se soit en tant que musulmans ou Américains et nous amène à créer une identité unique à la fois musulmane et occidentale ou américaine» écrit Anas Canon, fondateur et producteur exécutif de Remarkable Current surle site officiel du collectif.
Après Chen Lo & The Liberation Family en 2010, l’Ambassade des Etats-Unis d’Amérique continue à promouvoir la culture hip hop en Tunisie. Dans le cas présent, il s’agit d’un groupe dont les créations sont fortement attachées à la pensée islamique, un collectif qui se définit même comme adepte du «Muslim Rap».
Source : « Tekiano » Le 28-05-2011
La révolution tunisienne et l’émergence d’un rap réactionnaire
Par Fayçal Abroug*
Un rappeur qui mérite amplement son surnom a tenu, lors d’un meeting, des propos pouvant obtenir facilement droit de cité dans un discours fasciste et néonazi, devant un parterre surexcité – du moins en partie au regard des images diffusées, à titre d’information, par quelques chaines de télévision – et prêt à en découdre par les armes avec un cinéaste tunisien désigné nommément sous les cris hystériques d’Allahou Akbar, et prêt probablement à lapider les mécréants de tout bord: cinéastes, hommes et femmes de théâtre, actrices, écrivains, poètes, chanteurs, peintres, et la liste est loin d’être exhaustive. Je parle délibérément de propos et non de chanson et encore moins de musique. De fait, il lance un appel au meurtre, à la liquidation à la kalachnikov du cinéaste dont il ne partage pas les opinions si on peut parler en l’occurrence d’opinion. Ce rappeur dont le rap est, semble-t-il, monnayé politiquement par certains, n’est malheureusement pas un cas isolé; d’autres aussi, selon ceux qui connaissent ce milieu, sont adeptes de l’idéologie de la mort, quoique d’une manière timorée.
La justification est pire que la faute En attestent les propos tenus par un autre rappeur, propulsé au rang d’héros national voire international, sur un plateau de télévision, dimanche 22 mai, sur une chaine qui s’est intronisée vox populi et qui nous rappelle inlassablement, avec une modestie au-dessus de tout soupçon, à travers un slogan publicitaire annonçant la rediffusion d’anciennes émissions, ne pas avoir attendu le 14 Janvier! Propos destinés à justifier ceux de son confrère et que je traduis textuellement: «Je ne crois pas que Psycho M veut vraiment tuer Nouri Bouzid. Cest du sens figuré». Et il ajoute qu’il n’est pas d’accord avec le cinéaste parce qu’«il emmène les jeunes vers la mentalité occidentale et que ce qu’il fait ne respecte pas l’islam». Selon un proverbe arabe, la justification est pire que la faute car dire qu’il faut prendre au sens figuré les propos de son ami, c’est conférer à ces propos une valeur symbolique et dire donc, consciemment ou inconsciemment, que la mise à mort du cinéaste est une mise à mort symbolique, autrement dit c’est une mise à mort de tout ce qu’il incarne, à tort ou à raison, comme choix culturels et esthétiques, en un mot comme projet de société. Quant à l’argumentaire éculé autour du respect du contexte arabo-musulman que des inquisiteurs, toutes écoles confondues, brandissent à tout bout de champ pour censurer toute création artistique qu’il s’agisse de littérature, de théâtre, de cinéma ou d’arts plastiques, pour peu qu’elle ne corresponde pas à leur vision du monde, un monde obsolète; il mérite qu’on s’y arrête ne serait-ce que pour ne pas se cantonner dans le champ étroit du rap et dévoyer ainsi la réflexion dans une polémique terre à terre et stérile. Un argumentaire fallacieux car il participe d’une vision figée et réductrice du référent culturel arabo-musulman parce que généralisante et anhistorique. Une vision idyllique qui transforme un passé révolu en un tout indivisible, une entité d’une homogénéité sans faille et d’une pureté immaculée sur le plan linguistique, culturel et religieux, occultant ainsi les différences, les divergences, voire les conflits entre les diverses doctrines religieuses, les écoles d’exégèse, les courants de pensée, sans parler des influences culturelles subies au contact des us et coutumes des contrées conquises. Faire valoir cet argumentaire c’est réduire donc une civilisation arabo-musulmane plurielle à sa seule expression métaphysique et théologique, elle-même, faut-il le répéter, plurielle; c’est surtout nier la diversité et la richesse d’un patrimoine culturel qui a su traverser l’histoire de l’humanité dans une interaction créatrice avec les autres langues et les autres cultures; un patrimoine partie prenante de la civilisation universelle à laquelle des Arabes et des musulmans d’une autre trempe ont contribué sans complexes et sans les obstacles moraux factices dressés, de nos jours, par des esprits chagrins qui pleurent un passé révolu idéalisé en dehors de toute lecture historique objective qui permette d’appréhender le présent et d’envisager l’avenir.
Face à la déferlante réactionnaire et rétrograde Al Hallej, Ibn Rochd, Ibn Khaldoun, Ibn Hazm, Al Maârri, Abou Nawas, pour ne citer pêle-mêle que ceux-là, des références, entre autres notoires de notre patrimoine culturel, dont certains avaient été jugés hérétiques par les censeurs de leurs époques respectives, seraient-ils le produit d’un complot interplanétaire ourdi par l’Occident mécréant et débauché l’encontre de l’islam et des musulmans? Et puis, si on devait énumérer tout ce qui, dans la civilisation moderne et postmodernité, s’accommode très mal de la culture arabo-musulmane vécue comme un carcan immuable, la liste risque d’être un peu longue à commencer par le rap. Où irions-nous si on laissait les vannes ouvertes à cette déferlante réactionnaire et rétrograde qui cherche à tirer parti de la précarité de la situation post révolution pour inonder les plages paisibles d’une contrée à la civilisation millénaire? Allons-nous avoir, à l’instar de certains pays «frères», une brigade des mœurs qui choisit pour nous les chansons à écouter, les feuilletons, les films et les pièces de théâtre à voir ou les livres à lire? Des iconoclastes d’un autre âge ne se sont-ils pas spécialisés, outre la vindicte et le lynchage médiatique, dans les procès spectaculaires intentés, pour un oui pour un non, à des actrices, cherchant par des actions en justice à suspendre la diffusion d’un feuilleton télévisé (‘‘Al Jamaâ’’; ‘‘Al Massih’’; ‘‘Youssouf Assedik’’) ou à empêcher la réédition d’un livre (‘‘Les Mille et une nuits’’)? Peut-on dire en plagiant Jean Ferrat qu’en Tunisie on peut dormir à l’abri? Dans ce balbutiement démocratique que nous vivons des prémices sur lesquelles il est inutile de revenir, nous interpellent. Pour revenir à mon propos de départ, à savoir cette forme singulière de rap, je tiendrais, en tant que citoyen, pour complice toute radio, toute chaine de télévision qui diffuserait ce vomi de haine, cette culture de la négation de l’autre fût-elle servie sous le label du sacré.
* Inspecteur pédagogique et ancien président de la Fédération tunisienne des ciné-clubs.
Source : « Kapitalis » Le 28-05-2011
Le ministère de la Défense ne lâche pas Farhat Rajhi
La justice militaire poursuit l’instruction au sujet de l’affaire de Farhat Rajhi, indique une source autorisée du ministère de la Défense nationale, précisant que cette démarche vient consacrer le principe de la primauté de la loi et de l’égalité de tous devant la justice, en concordance avec les principes de la révolution tunisienne.
Se référant à la décision du Conseil supérieur de la magistrature, réuni le 21 mai 2011, rejetant la demande de levée de l’immunité du juge Farhat Rajhi, et au retour du dossier de l’affaire à la charge de la justice militaire, la même source explique que les déclarations de Rajhi, en date du 4 mai 2011 ont été faites alors qu’il n’était pas en exercice de sa profession de magistrat.
Elle ajoute, dans un communiqué, publié samedi 28 mai 2011, que sur la base du principe approuvé par le Conseil supérieur de la magistrature à propos du domaine d’application de l’article 22 des statuts de la magistrature, le concerné ne bénéficiait pas de l’immunité judiciaire, lors de ses déclarations, ce qui ouvre la voie à des poursuites judiciaires.
Le communiqué souligne que, sur cette base, la justice militaire appliquera la loi, dans l’indépendance totale en vue d’éclairer la justice en dévoilant toutes les circonstances et les vérités qui ont entouré les déclarations de Farhat Rajhi. La justice devra, ainsi, délimiter les responsabilités de toutes les parties citées par Rajhi, particulièrement avec les voix qui s’élèvent pour demander à connaître la vérité sur les allégations de la personne concernée.
Dans sa décision, le Conseil supérieur de la magistrature avait basé sa décision sur le fait que les déclarations de Farhat Rajhi étaient une simple analyse personnelle faite alors qu’il assumait une responsabilité politique et non lors de l’exercice de ses fonctions de juge.
Source: “Business News” Le 28-05-2011
Tunisie. Attention la censure est de retour!
Par Ridha Kéfi
La décision judiciaire fait suite à une plainte déposée il y a une semaine par trois avocats, qui affirment que ces sites présentent un danger pour les plus jeunes et sont contraires aux valeurs musulmanes.
Malaise dans le web tunisien Le juge, ainsi soumis au chantage à la moralité publique, aurait eu du mal, il est vrai, à rendre une décision différente, au risque de se voir accusé d’encourager la dépravation des mœurs. Les trois avocats, dont on imagine bien l’obédience politique, ont donc frappé un grand coup en faisant ordonner le blocage de tous les sites pornographiques, filtrés sous le régime Ben Ali, mais librement accessibles depuis janvier. Les partis politiques n’ont pas encore réagi à cette décision. On a entendu peu de réactions de la part des activistes, des intellectuels et des artistes. On imagine la gêne des uns et des autres. Car il est difficile, à propos d’un tel sujet que d’aucuns lient à la moralité publique, de tenir le bâton par le milieu. Une position mitigée risque, en effet, de mécontenter tout le monde. Le problème de cette interdiction, c’est qu’elle intervient à une phase post-révolutionnaire marquée par une faiblesse notoire du pouvoir provisoire, une grave crise de confiance et une atmosphère de suspicion généralisée. La plainte qui a provoqué la décision judiciaire étant facilement attribuable à une tendance politique, le mouvement islamiste en l’occurrence, dont beaucoup craignent l’accession au pouvoir dans le pays, on mesure la portée politique que risque de prendre une telle décision. Le fait qu’elle intervient après la censure par la même Ati, début mai, de plusieurs sites Internet d’extrême-gauche, qui plus est sur ordre d’un tribunal militaire, n’arrange guère les choses. Pis encore: la nouvelle interdiction alimente la crainte d’un retour de la censure systématique qui était en vigueur sous le régime de Ben Ali.
La crainte d’un retour de la censure La démission, au début de cette semaine, du secrétaire d’Etat à la Jeunesse du gouvernement provisoire, Slim Amamou, cyberactiviste et blogueur, a ajouté à la confusion, le co-fondateur du Parti pirate tunisien ayant déjà évoqué ses craintes face au retour de la censure sur le web. Quoi qu’il en soit, et par-delà la nature des sites interdits, c’est ce recours aux tribunaux pour ordonner des actes d’interdiction et de censure qui doit interpeller l’opinion publique. Cette instrumentalisation d’une justice qui a du mal à recouvrer son indépendance et, surtout, sa crédibilité nous rappelle les pratiques d’un passé pas très ancien: l’identité des censeurs a changé, mais le système reste le même et ses effets pourraient être à l’avenir dévastateurs, si l’on ne réagit pas à temps pour y mettre fin. Cela commence avec l’interdiction des sites pornos, mais rien n’indique que la vague de fond va s’arrêter là. Donc vigilance…
Source: “Kapitalis” Le 28-05-2011
Lien: http://www.kapitalis.com/kanal/36-internet/4136-tunisie-attention-la-censure-est-de-retour.html
Elections du 24 juillet –
Les raisons du report
• La plupart des membres de la Haute Instancepour la réalisation des objectifs de la révolution s’en sont déclarés convaincus • La réussite de la transition démocratique exige de faire prévaloir l’intérêt du pays «Conformément aux décrets-lois n°27 et 35 de l’année 2011, l’Instance supérieure indépendante pour les élections bénéficie de la légitimité, de l’indépendance et de la neutralité qui lui permettent d’exercer toutes ses prérogatives relatives à la fixation du calendrier des élections, notamment la date du scrutin», a souligné M. Kamel Jendoubi, président de l’Instance. Au cours d’une réunion des membres de l’Instance avec le conseil de la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, la réforme politique et la transition démocratique, il a indiqué qu’il a présenté le calendrier au Président de la République par intérim et au Premier ministre du gouvernement de transition, de même qu’il a informé la plupart des partis de la décision de reporter la date des élections, et ce, afin de consacrer le principe de la concertation et de préserver la concorde nationale. Il a, dans ce sens, expliqué que la décision de l’Instance de reporter la date de l’élection de l’Assemblée nationale constituante du 24 juillet au 16 octobre 2011 est fondée sur des considérations objectives et légales ayant trait essentiellement au fait que les conditions et les besoins financiers, techniques, humains et logistiques ne sont pas réunies, afin de permettre l’organisation d’élections transparentes, crédibles et pluralistes, conformément aux standards internationaux. M. Jendoubi a ajouté que l’Instance supérieure indépendante pour les élections a fixé un calendrier qui définit la durée nécessaire des différentes étapes de l’opération électorale. Il a, à cet effet, mis l’accent sur le souci de travailler dans le cadre de la concertation et du dialogue avec la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution et avec les autres parties politiques agissantes et, en premier lieu, les partis politiques, les organisations et le gouvernement de transition. Au cours des interventions, la plupart des membres de la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution se sont déclarés convaincus de la nécessité de reporter la date de l’élection de l’Assemblée nationale constituante, en vue de son déroulement selon les conditions et les normes mondiales, et dans le cadre de la transparence et de la démocratie. Ils ont appelé toutes les parties attachées à la date initiale des élections à faire prévaloir la raison et la réflexion en étudiant les raisons objectives présentées par l’Instance supérieure indépendante pour les élections et qui démontrent le volume des défis et des pressions auxquels elle fait face. Les intervenants ont estimé que la réussite de la transition démocratique exige de faire prévaloir l’intérêt du pays, faire preuve d’esprit de responsabilité et d’abnégation, accepter le principe du dialogue et privilégier la concorde nationale afin que les tensions et le manque de confiance ne soient pas les signes de la prochaine étape. Ils ont appelé à la cohésion autour de l’Instance supérieure indépendante pour les élections, afin qu’elle réussisse à assumer sa noble mission, pour garantir une transition saine, et ne pas faire douter de sa sincérité et de sa crédibilité. Impartialité et neutralité Pour la minorité qui s’attache à la date du 24 juillet pour les élections de la Constituante, le report de ces élections ne sert aucunement la stabilité du pays et la situation socioéconomique que connaît le pays ne tolère plus ce report, précisant que le gouvernement actuel est dénué de toute légitimité. De surcroît, la signature du décret-loi fixant la date des élections aurait dû ne pas précéder la décision de l’Instance, ont-ils ajouté. Ils ont, également, dénoncé l’Instance supérieure indépendante pour les élections pour avoir décidé unilatéralement du report des élections sans pour autant se concerter avec la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution. La légitimité de l’Instance, ont-ils précisé, n’empêche pas son jugement et son indépendance ne le dispense pas de recourir à la concertation. En réponse aux interventions de la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, M. Kamel Jendoubi a indiqué que la contrainte du temps a empêché l’Instance d’informer l’ensemble des partis politiques du report et de concerter avec eux de cette question. Il a, également, démenti l’intention de l’Instance d’exclure les partis politiques ou de marginaliser toute partie politique. M. Jendoubi a indiqué que l’Instance supérieure indépendante pour les élections était obligée d’évoquer la question du report au plus vite possible avant d’entamer l’opération d’enregistrement des électeurs, faisant remarquer que l’établissement d’un consensus national est la condition sine qua non pour assurer la réussite de ce rendez-vous historique. De leur côté, des membres de l’Instance supérieure indépendante pour les élections ont souligné la nécessité de disposer d’un arsenal structurel, technique, financier, humain et administratif pour garantir les meilleures conditions du déroulement des différentes étapes de l’opération électorale. Par ailleurs, ils ont réaffirmé l’engagement de l’Instance supérieure indépendante pour les élections à faire preuve d’impartialité et de neutralité vis-à-vis de l’ensemble des intervenants politiques et des candidats potentiels ainsi qu’à veiller à garantir leurs droits et à être à l’écoute de leurs avis et propositions concernant l’opération électorale. Par ailleurs, ils se sont dits confiants que les citoyens tunisiens sont assez conscients et matures pour comprendre les motifs ayant poussé l’Instance à prendre la décision du report.
Source: “La Presse” Le 28-05-2011
Questions/Réponses …avec Faouzi Hadhbaoui, activiste politique et membre de la Haute Instance de la Transition Démocratique
«Ennahdha» est-il capable de jouer le jeu démocratique ?
La gauche tunisienne évolue-t-elle ?
Le comportement de la Gauche, la nature des mouvements islamistes, le rendement du gouvernement provisoire et la date des élections de l’Assemblée Constituante sont les questions que nous avons évoquées avec Faouzi Hadhbaoui, activiste politique et membre de la Haute Instance de la Transition Démocratique, de la Réalisation des Objectifs de la Révolution et de la Réforme Politique. Notre invité ne mâche pas ses mots, il répond sans détours et soulève des questions brûlantes.
-LE TEMPS : Qu’en est-il du front démocratique ?
-Faouzi Hadhbaoui : Il connaît encore des difficultés dues essentiellement à l’attitude dela Gauche qui refuse toujours d’y adhérer.
-Par quoi vous expliquez ses réticences ?
-A mon sens, la Gauche tunisienne refuse d’évoluer, il est temps qu’elle revoie ses méthodes de travail. Sans cela, elle serait incapable de comprendre la situation. Notre Gauche verse dans le panarabisme et perd de vue ses tâches au sein de la société, son discours nationaliste lui fait perdre de vue ses tâches sociales. Malheureusement, elle vit encore à l’époque nassérienne et ne s’est pas encore adaptée à la nouvelle réalité déjà amorcée depuis les années soixante-dix suite à la débâcle de 67 et à la fin du règne de Nasser où des mouvements nationalistes se sont convertis à la gauche comme c’était le cas pour le FPLP(Front Populaire de Libération de La Palestine). Nos Marxistes sont plus nationalistes que les nationalistes eux-mêmes. Pire, certains d’entre eux sympathisent avec les intégristes, il est vraiment indignant que la gauche se rallie à l’extrême droite, aux forces obscurantistes, les ennemies de l’humanité et du progrès, c’est-à-dire de la Révolution. D’ailleurs, il n’y a plus de différence entre les Nationalistes et ces derniers qui viennent de forger une coalition sacrée dans un esprit purement électoral pour un partage éventuel du gâteau, ce qui veut dire que même l’alliance traditionnelle de la gauche avec les premiers n’est plus de mise.
-Pouvez-vous être plus explicite sur ce point ?
-Une partie de la Gauche garde le silence face aux crimes répétés perpétrés pas les intégristes contre la société civile. Les attaques barbares de ces derniers contre les maisons closes, les bars, les artistes comme Nouri Bouzid ou bien encore contre les militaires ces derniers jours ne l’ont pas inquiétée le moins du monde. Ce mutisme très inquiétant s’expliquant par des arrangements électoraux ne peut que nuire à la gauche, à son image de marque. On tient à ce que notre gauche soit à la hauteur de son histoire militante et qu’elle privilégie les positions de principe et non pas les intérêts partisans. Elle est invitée à rectifier sa lecture de la conjoncture, la nature ultra réactionnaire de « Ennahda » et consorts ne lui échappe pas, alors elle devrait en tirer les conséquences qui s’imposent et adopter l’attitude adéquate qui la replacerait aux devants de la scène et la remettrait à la place qu’elle a toujours occupée. Assez des occasions manquées, la Gauche doit assumer ses responsabilités, il n’y a plus de place aux arrangements.
-Mais «Ennahdha» prétend être prêt à jouer le jeu démocratique.
– Ce sont des propos creux destinés à se farder la devanture, la réalité est tout autre. La démocratie pour les « Nahdhaouis », c’est d’être au pouvoir, celui-ci, d’après eux, est l’affaire des seuls islamistes. Ils entendent nous gouverner par la loi divine, « la charia », et ne cachent pas leur hostilité à la société civile, la citoyenneté est, pour eux, une invention occidentale, c’est pourquoi ils ne cessent de revendiquer leur appartenance islamique. En témoigne leur position vis-à-vis du Pacte Républicain : au départ, ils y ont opposé un refus catégorique, puis, ils ont soumis leur acception à des conditions, les leurs bien sûr qu’ils ont voulu nous imposer, enfin, ils s’en sont complètement désengagés faisant table rase des revendications véhiculées par notre Révolution. Ils préparent un retour au despotisme mais à visage islamiste cette fois-ci : « Ennahdha » veut relayer le RCD, pour y parvenir, elle compte énormément sur l’argent politique. Ce mouvement qui était totalement absent lors de la Révolution et qui ne s’est manifesté qu’au retour de son guide vient aujourd’hui réclamer des droits sans avoir consenti le moindre sacrifice.
-Ce n’est pas exagéré de votre part de taxer d’anti démocrate un mouvement qui compte passer par les urnes ?
-La démocratie ce n’est pas seulement les urnes, il ne faut pas oublier que celles-ci ont sorti Hitler, Le FIS et Hamas. Donc la conjoncture et les conditions objectives interviennent dans une très large mesure dans le choix des électeurs. Par ailleurs, la démocratie a ses règles qu’il faut accepter indistinctement, elle est un tout indissociable, elle ne consiste pas à en accepter quelques éléments et à en rejeter d’autres. Celui qui s’en prétend est dans l’obligation d’accepter les adversaires politiques, ceux qui sont dans l’autre camp, de respecter leur volonté et de ne pas voir en eux des ennemis. « Ennahdha » est loin de jouer le jeu démocratique, déjà elle est très sceptique à l’égard de la Haute Instance, elle considère que son rôle doit se limiter à l’opération électorale et qu’elle n’a pas à s’ingérer dans les dossiers politiques relatives à l’organisation des partis politiques et au contrôle de leur financement ni à légiférer les lois se rapportant à la liberté de la presse et à l’autonomie de la justice. Donc, elle se focalise uniquement sur les élections dans lesquelles elle voit une vraie aubaine, c’est tout ce qui l’intéresse.
-Vous ne voyez pas que «Ennahdha » a muri avec le temps et qu’il a changé sa conception des choses et donc ses méthodes ?
-Pas du tout, ce que disent les « Nahdaouis » n’est que du leurre. A leurs yeux, Ben Ali même serait légitime quand il s’agit de s’octroyer un avantage. Ce sont de purs opportunistes qui se servent de démocratie lorsque cela les arrangerait et s’y opposent nettement au cas où elle les incommoderait. Toute l’histoire des islamistes se résume à l’application de la loi divine quand l’opportunité se présente et au dénigrement des autres partis lorsqu’ils se trouvent en dehors de la sphère du pouvoir. Ghannouchi doit son existence à la démocratie occidentale et se permet de la dénoncer. La manifestation la plus gaillarde de cet opportunisme est les arrangements établis dans les coulisses avec ce même Occident dénigré. Je reste persuadé qu’aucune démocratie ne peut tolérer la présence d’un parti politique d’appartenance religieuse, cela fausse à coup sûr le jeu démocratique. Les visées de « Ennahdha » en ce qui concerne l’Assemblée Constituante sont claires, elle est fascinée par son aspect absolu, une fois au pouvoir, elle pourrait tout construire, elle aurait la possibilité de mettre en place un Etat islamiste, c’est pourquoi d’ailleurs elle refuse de signer le Pacte Républicain. Son engagement dans l’opération démocratique se limite aux élections de cette institution suprême.
-En ce qui concerne ces dernières, vous êtes pour le maintien ou pour le report de leur date ?
-Celle-ci n-est pas déterminante, les partis qui en sont obsédés perdent de vue les conditions et l’enjeu de ces élections. «S’agit-il là d’un calcul aigrefin de la politique?» comme dit Hobbes.
Ces politiques ne voient que le pouvoir et négligent l’intérêt du pays, ils veulent imposer leurs agendas. Ce qui prévaut c’est les conditions telles que l’autonomie de la justice et la liberté de la presse, car en cas de fraude, ce serait à ces parties d’intervenir pour astreindre les contrevenants au respect de la loi. L’autre élément à faire prévaloir c’est les conditions techniques et logistiques évidentes démontrées par la Haute Instance Indépendante des Elections.
-Comment évaluez-vous le rendement du gouvernement provisoire ?
-Ce dernier a l’obligation de se ranger du côté du peuple sans amalgame et sans passivité. Il est appelé à assurer une justice transitionnelle qui consiste essentiellement à des secours rapides et immédiats, à des secours d’urgence. On ne voit pas encore la trace des fonds perçus, le gouvernement provisoire doit rompre avec les slogans creux et les promesses indéfiniment reportées de l’époque sinistre. Si cette situation se prolongeait, les jeunes marginalisés seraient facilement récupérables pour les intégristes qui savent bien monnayer l’argent politique dont ils disposent à profusion. L’autre tâche qui incombe au gouvernement c’est la lutte implacable contre le terrorisme étranger à notre culture et à notre histoire militante. D’autre part, il est tenu à mettre en place une justice républicaine, il faut qu’il comprenne que ce n’est pas la liberté qui menace la sécurité, mais le despotisme et l’islamisme, en d’autres termes, il ne doit pas réprimer les manifestations pacifiques, libres et responsables. Pour ce qui est des échéances prochaines, il est impossible de réaliser des élections démocratiques sans que le gouvernement ne conjugue ses efforts avec toutes les composantes de l’échiquier politique comme la Haute Instance de la Transition Démocratique,la Haute Instance des Elections. Les autres garants de la réussite de ce processus sont la liberté de la presse, l’autonomie de la justice et la mise sur un même pied d’égalité de tous les partis politiques, faute de quoi il n’y aurait pas des élections libres et ce serait le jeu du diable.
-Qu’est-ce que vous pensez des prêts accordés à notre pays à Deauville ?
-Les prêts venant des grands sont toujours un cadeau empoisonné, on n’a qu’à consulter l’histoire pour s’en persuader.Le meilleur moyen de se relever et de permettre à notre économie de retrouver sa bonne santé c’est de miser sur les richesses nationales et la libération de nos forces productives, notre pari doit porter sur nos jeunes, ils ont donné la preuve qu’ils sont plein de force, d’imagination et de bonne volonté. Alors donnons-leur la chance et n’hypothéquons pas notre pays, c’est là où réside notre vraie issue.
-On vous laisse le mot de la fin.
-On est face à une période très délicate, donc il faut faire prévaloir la raison, pas n’importe quelle raison mais la raison progressiste. Œuvrons à réaliser les attentes du peuple et les objectifs de la Révolution, ce dernier aspire à un monde meilleur, aidons-le à résoudre ses difficultés sociales, économiques et politiques. Les révolutions sont le produit de problèmes réels et ne tombent jamais du ciel.
Source: “Le Temps” Le 28-05-2011