TUNISNEWS
7 ème année, N° 2384 du 01.12.2006
AISPP: Libération du prisonnier politique Ahmed BouaziziLe Progrés : Un imam lyonnais (tunisien, NDLR) en voie d'expulsion AFP: Deux immigrés tentent la traversée Tunisie/Italie en scooter des mersKalima: Mise au point Neue Zürcher Zeitung: Affäre um eine gestohlene Luxusjacht in TunesienAFP: Forum de l'Avenir: règlement du conflit au PO de pair avec les réformes Le Monde: Rire et mourir à Bagdad
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libération du prisonnier politique Ahmed Bouazizi
, en ce matin du 1er décembre. Ce prisonnier a été condamné dans une affaire du mouvement En Nahdha. Il était incarcéré à la prison de Borj Er Roumi depuis seize ans en exécution d’une condamnation à 84 ans d’emprisonnement. Il souffre de nombreuses pathologies. Il y a quelques semaines, il avait été admis à l’hôpital Salah Aziz, spécialisé en cancérologie, à la suite de la découverte d’une tumeur maligne du colon et d’une métastase au foie. Il est dans l’attente d’une intervention chirurgicale, prévue pour lundi prochain, au cours de laquelle il sera procédé à l’ablation de la tumeur. L’AISPP rappelle ses précédents communiqués demandant que les prisonniers politiques aient droit à un suivi médical dès le début et non pas après que surgissent de telles complications ou aggravation de leur état. Elle souhaite à Ahmed Bouazizi une prompte guérison et félicite sa famille pour sa libération. Le président de l’Association Maître Mohammed Nouri (traduction ni revue ni corrigée par les auteurs de la version en arabe, LT)
Un imam lyonnais (tunisien, NDLR) en voie d’expulsion
Billel Chouhir est considéré comme un leader influent du courant salafiste de l’agglomération lyonnaise
Billel Chouhir, 40 ans, domicilié à Bron, de nationalité tunisienne, a été interpellé hier matin par la police aux frontières (PAF) et immédiatement transféré au centre de rétention du Canet, près de Marseille, en vue d’une expulsion à destination de son pays d’origine.
L’homme, marié et père de six enfants, fait l’objet d’un arrêté de reconduite à la frontière, pris en raison d’une situation irrégulière sur le territoire national, sa carte de séjour étant expirée. Derrière le motif officiel, les autorités ont visiblement décidé d’éloigner un homme à la réputation religieuse radicale.
Billel Chouhir faisait office d’imam dans l’agglomération lyonnaise depuis plusieurs années. Il prononçait des prêches considérés comme « intégristes » à Bron, dans le 8e arrondissement ainsi que dans « plusieurs foyers de travailleurs » indique une source policière lyonnaise.
Selon les services spécialisés, l’imam Chouhir, qui tenait un restaurant kebab dans le 8e arrondissement, serait « un des principaux leaders de la cause salafiste de la région lyonnaise » : «une conception rigoriste de l’islam qui a tendance à se développer dans les périphéries urbaines, où l’on constate des conversions religieuses rapides chez des jeunes en rupture, l’imam Chouhir était un peu le chef de file des salafistes. »
R.S.
(Source : « Le Progrés » (Lyon-France), le 1er décembre 2006)
Lien : http://www.leprogres.fr/infosdujour/rhone/775704.html
Deux immigrés tentent la traversée Tunisie/Italie en scooter des mers
AFP, le 30 novembre 2006 à 12h46
ROME, 30 nov 2006 (AFP) – Deux immigrés clandestins qui tentaient la traversée entre la Tunisie et l’Italie en scooter des mers ont été secourus jeudi par les garde-côtes alors qu’ils étaient en panne d’essence au large de l’île italienne de Pantelleria, a indiqué à l’AFP la capitainerie du port.
Les deux hommes, un Tunisien et un Marocain, vêtus de combinaisons de plongée, ont raconté être partis mercredi soir du port tunisien de Kelibia, distante de quelque 50 kilomètres de
Pantelleria, île italienne située à environ 60 km au sud-ouest de la Sicile.
Ils étaient à une vingtaine de kilomètres de la petite île lorsqu’ils sont tombés en panne d’essence et ont commencé à dériver. Ils ont alors composé sur leur téléphone portable le numéro des
secours italiens.
Une vedette des garde-côtes de la capitainerie du port de Pantelleria a récupéré les deux candidats à l’immigration en bonne santé. Ils ont été dirigés vers le centre d’accueil de Trapani en Sicile.
Selon les garde-côtes, c’est la première fois que des clandestins utilisent un scooter des mers pour effectuer la traversée entre l’Afrique du Nord et l’Italie.
Mise au point
Rédaction
Monsieur Chawki Tabib a remis à la rédactrice en chef de Kalima, Naziha Rjiba, un texte où il réagissait à l’information brève publiée dans notre 46e édition sous le titre La nouvelle vague fait échouer le boycott de Ben Ali, par Omar Mestiri.
Bien que maître Tabib n’ait pas respecté les formes de ce qu’il a appelé son « droit de réponse » tel que défini par le Code de la presse sur plusieurs points, et que sa tribune s’apparente davantage à une polémique, la rédaction a décidé de la publier en apportant les précisions suivantes :
En avocat averti et ancien journaliste lui-même, maître Tabib n’est pas sensé ignorer que le droit de réponse s’exerce selon des normes bien définies.
La réponse est sensée s’adresser à la rédaction du journal et comprendre « des salutations et réquisitions d’usage » (art 28) et ne doit pas « être contraire à l’honneur et à la considération du journaliste » (art 31) ; or elle a été publiée sur d’autres supports sans être adressée spécifiquement à Kalima et ce, avant même qu’il ne la remette à la rédactrice en chef. Par ailleurs monsieur Tabib a écrit 4 pages pour répondre à 3 lignes. Alors que la réponse doit être « limitée à la longueur de l’article qui l’aura provoqué» (art 28).
Monsieur Tabib invoque le « droit de réponse », un droit qui concerne « des actes inexactement rapportés par le périodique » (art 27) ; or à aucun moment monsieur Tabib ne nie la véracité de l’information publiée par Kalima selon laquelle il avait voté contre le boycott de la cérémonie officielle d’ouverture de l’année judiciaire par le Conseil de l’ordre. Au contraire il confirme, dans sa lettre, qu’il a bien voté contre le boycott de la cérémonie présidée par Ben Ali.
Ce qu’il conteste en fait, c’est le droit de Kalima de la publier et de « l’informateur de Kalima » de la fournir. Selon les termes de sa réponse, monsieur Tabib considère que les décisions du Conseil de l’ordre des avocats ne relèvent pas de la chose publique, et les publier constitue un fait diffamatoire.
Ce que nous contestons. Lorsque les journaux aux ordres se sont saisis des délibérations du COA pour mener campagne contre le barreau, personne n’a élevé la voix pour protester contre cette « ingérence ». Ce que dénie monsieur Tabib, c’est la liberté d’interprétation du journaliste, nous lui rappelons à ce propos ce principe de base du journalisme « les faits sont sacrés, le commentaire est libre ».
Quant à nous, nous partons du principe que le corps des avocats est à la pointe du combat démocratique, et ses avancées comme ses reculs ont un impact direct sur ce combat. Les débats du Conseil ne sont pas confidentiels, et chaque avocat inscrit au barreau a le droit d’accéder à ses procès verbaux. Que la presse informe sur les décisions prises par le COA, elle ne fait qu’accomplir son devoir, quitte à déplaire.
Monsieur Tabib a fait, des années durant, partie des avocats appartenant au camp des démocrates et son mandat à la tête de l’ATJA s’est illustré par un indéniable engagement pour l’indépendance du barreau. Le fait qu’il fasse des choix qui confortent la ligne des partisans du pouvoir et s’oppose à ceux qui souhaitaient par cet acte symbolique passer un message au Président de la république qui s’est appliqué durant toute l’année passée à marginaliser le barreau et à chercher à le mettre au pas, allant jusqu’à tolérer le recours aux violences physiques contre les avocats, et à chercher atteindre à l’honneur de leurs représentants élus et de leur Bâtonnier, ce choix ne peut que surprendre et choquer ; c’est un choix qui concerne le grand public et pas seulement le corps des avocats.
On ne peut pas se prévaloir d’une image de démocrate et chercher à rassurer les partisans d’un pouvoir qui cherche à étouffer toute manifestation d’autonomie, sans que cela ne provoque des interrogations et soulève des critiques. Faire une erreur de discernement, ne fait cependant pas de vous un ennemi de la démocratie ; tous ceux qui connaissent maître Tabib, aimeraient le voir corriger le tir et revenir de ses errements, car cela rejaillit indubitablement sur le combat pour les libertés et trouble les démocrates. C’était le sens de cette brève.
Ses attaques sur la personne de Omar Mestiri sont déplacées et ne le grandissent pas. O. Mestiri n’a pas cherché à porter atteinte à la personne de monsieur Tabib, il n’a fait que commenter l’un de des actes et des choix qui relèvent du champ public, selon une appréciation qui l’engage.
(Source : « Kalima », le 29 novembre 2006)
Lien : http://www.kalimatunisie.com/article.php?id=389
Le plus grand quotidien en Suisse s’intéresse au « Clan Trabelsi »
Die Irrfahrt der «Princess V58»
Affäre um eine gestohlene Luxusjacht in Tunesien
stf
Ein Mitglied des Familienclans des tunesischen Präsidenten hat den Diebstahl der Jacht eines französischen Bankdirektors in Auftrag gegeben. Jetzt sitzt der Mann in Untersuchungshaft, und es droht ihm möglicherweise eine Überstellung nach Frankreich.
stf. In Tunesien hat sich ein Angehöriger des Familienclans von Präsident Ben Ali in eine Affäre um eine gestohlene Luxusjacht verstrickt. Die Jacht, die dem Generaldirektor der Bank Lazard Frères gehört und Anfang Mai im Hafen der korsischen Stadt Bonifacio gestohlen worden war, wurde gegen Ende jenes Monats im Hafen von Sidi Bou Said, unweit von Tunis, auf Verlangen von Interpol konfisziert. Das Schiff, dessen Wert auf mehr als eine Million Euro geschätzt wird, befand sich zu diesem Zeitpunkt in den Händen von Imed Trabelsi. Bei diesem jungen Mann von eher zweifelhaftem Ruf handelt es sich um einen Neffen von Leila Trabelsi, der Gattin des tunesischen Präsidenten. Noch am selben Tag, so berichten übereinstimmend verschiedene Medien, sei der prominente neue Eigner der gestohlenen Jacht in Untersuchungshaft gesetzt worden.
Familienclan mit protzigem Lebensstil
Die Affäre wurde von tunesischen Medien sogleich aufgriffen. Die Aktivitäten des Familienclans der Trabelsi sind in Tunesien ein Dauerbrenner, und die Empörung über den zur Schau gestellten Reichtum und den Lebensstil der Mitglieder dieses Familienclans ist gross. Doch erst nachdem die französische Tageszeitung «Figaro» im Oktober und kurz darauf auch die marokkanische Wochenzeitung «Le Journal Hebdomadaire» über den Diebstahl geschrieben hatten, liessen sich auch die tunesischen Behörden zu dem Fall vernehmen.
Am 20. Oktober, berichtet die tunesische staatliche Nachrichtenagentur TAP, habe sich ein Ministerrat unter Leitung des Präsidenten Ben Ali der «jüngsten Probleme im Zusammenhang mit den Zollbehörden» angenommen. Laut «Figaro» soll Cédric S., einer der Skipper, der im Rahmen dieser Affäre einvernommen worden war, gestanden haben, von Imed Trabelsi und dessen Cousin Moaz 44 000 Euro für die Entwendung und die Überführung der «Princess V58» sowie weiterer gestohlener Jachten erhalten zu haben. Er behauptete auch, Trabelsi selber habe den Auftrag erteilt, das teure Schiff zu stehlen. Weiter gab er detaillierte Informationen über die Art und Weise bekannt, wie die gestohlene Jacht an den tunesischen Zollbehörden vorbeigeschmuggelt worden war.
Der Diebstahl der «Princess V58» sowie weiterer Luxusschiffe war durch die Hafenpolizei von Toulon aufgedeckt worden. Nach den vorliegenden Informationen stand dahinter eine gut organisierte, international tätige Bande, die sich auf Luxusjachten spezialisiert hatte und der es offenbar gelungen war, an der Côte d'Azur sowie auf Sardinien und Korsika mehrere Dutzend derartiger Schiffe zu entwenden.
Laut Medienberichten wurde die «Princess V58» inzwischen wieder ihrem rechtmässigen Besitzer zurückgegeben. Die Untersuchung gegen Imed Trabelsi und seine Komplizen ist hingegen immer noch hängig. Sollten sich die schweren Vorwürfe erhärten, könnten die französischen Justizbehörden ein Auslieferungsbegehren an Tunesien stellen. In diesem Fall könnte Trabelsi dasselbe Schicksal ereilen wie einst Moncef Ben Ali, den Bruder des heutigen tunesischen Präsidenten, der sich 1992 wegen Drogenhandels vor einem französischen Gericht verantworten musste und später verurteilt wurde.
Innenpolitischer Schaden
Der innenpolitische Schaden dieser Affäre ist im Moment noch kaum abzuschätzen. Es ist längst ein offenes Geheimnis, dass unzählige Containerladungen in Tunesien eingeführt werden, ohne dass auch nur ein Dinar Zollgebühren bezahlt wird. Dass Angehörige der Familie Trabelsi vor nicht allzu langer Zeit ein eigenes «Zollberatungsbüro» eröffnet haben, um die Formalitäten für ihre Kundschaft zu erleichtern, wirkt weitherum als Provokation. Die Affäre um die gestohlene Luxusjacht gibt nun all den Spekulationen neue Nahrung, wonach der Trabelsi-Clan sein beachtliches Vermögen unter anderem durch illegalen Import von Konsum- und Luxusgütern geäufnet hat.
In den stark kontrollierten tunesischen Medien sind die Kommentare über diese Affäre eher zurückhaltend. Umso stärker entlädt sich der Volkszorn in Internetforen. «Tunesien hat jetzt schon einen ziemlich angeschlagenen Ruf, und dieser Trabelsi tut alles, um ihn noch zu verschlechtern», schreibt einer - und gehört mit dieser Wortwahl zu den höflichsten. Er fügt an: «Mein Gott, was können wir gegen all das tun?»
(Source : Neue Zürcher Zeitung (Suisse); 20.11.2006; Seite 13; Nummer 270)
Forum de l’Avenir: règlement du conflit au PO de pair avec les réformes
AFP, le 1er décembre 2006 à 6h41
Par David MILLIKIN
SHOUNEH (Jordanie), 1 déc 2006 (AFP) – Un forum destiné à promouvoir les réformes dans le monde arabe, à l’initiative des Etats-Unis, a appelé vendredi en Jordanie au règlement du conflit israélo-arabe comme moyen d’encourager le processus de réformes dans la région.
La secrétaire d’Etat Condoleezza Rice a participé au 3e Forum de l’avenir, aux côtés de ses homologues russe Sergueï Lavrov et britannique Margaret Beckett. D’autres ministres du G8 ainsi que de pays européens, arabes et musulmans sont présents à Shouneh, sur la rive jordanienne de la mer Morte.
Cinquante-six pays et organisations ont été conviés. Il s’agit du 3e forum depuis le lancement en 2004 par le président George W.
Bush d’une initiative visant à encourager les réformes politiques, économiques et sociales dans un Moyen-Orient élargi et en Afrique du Nord, initiative qui marque le pas.
Dans un communiqué final, les participants ont marqué leur soutien aux « réformes dans la région qui doivent aller de pair avec le règlement du conflit arabo-israélien, sur la base des termes de
référence internationales du processus de paix ».
Ils ont en outre « accueilli favorablement le récent accord de cessez-le-feu entre l’Autorité palestinienne et Israël, et appelé les deux parties à démontrer davantage leur engagement dans la paix ».
Sur l’Irak, le Forum a exprimé « sa vive inquiétude » concernant la situation dans ce pays et son « ferme soutien au gouvernement irakien dans ses efforts pour restaurer la sécurité » et la réconciliation nationale.
Les participants ont également « condamné la série d’assassinats politiques au Liban » et exprimé leur « soutien total au gouvernement libanais dans ses efforts pour juger les responsables de ces crimes haineux ».
Le communiqué final a souligné « l’importance d’encourager les réformes de l’intérieur, et reconnu que, si les gouvernements sont
responsables du développement de leurs programmes de réformes, cet effort doit être complété et soutenu politiquement et économiquement par la communauté internationale ».
M. Lavrov et son homologue jordanien Abdel Ilah Khatib, qui co-président la conférence, ont estimé qu’un règlement du conflit israélo-palestinien était un élément clé pour la stabilité.
M. Khatib a en outre appelé à déployer des efforts « pour préserver l’unité de l’Irak » et soutenir le gouvernement libanais de Fouad Siniora.
Mme Beckett a estimé quant à elle qu’il ne « serait pas prudent » de fixer une date pour un retrait des forces étrangères d’Irak
En 2005, le Forum avait lancé à Bahreïn une Fondation et un Fonds. La Fondation, doté d’un capital initial de 67 millions USD, dont 20 M des Etats-Unis, doit fournir des aides à des ONG, mais plusieurs pays voient avec suspicion les activités de ces organisations militant pour la défense des droits de l’Homme et la lutte contre la corruption.
Selon un secrétaire d’Etat adjoint américain, Barry Lowenkron, le Fonds pour l’Avenir a été doté de 90 millions de dollars, dont 45 M USD promis par Washington, pour encourager la croissance économique.
Reportage
Rire et mourir à Bagdad
BAGDAD ENVOYÉ SPÉCIAL
« Attention ! Rumsfeld (l’ex-secrétaire à la défense de l’administration Bush) vient d’annoncer le départ des troupes américaines d’Irak, à partir du 1-1… » Le visage se tord, le comédien reprend. « Euh, pardon… Les Américains partent bien, mais 1 par 1. On a fait le calcul, ils seront tous chez eux d’ici… un peu moins de six cents ans… »
Peut-on encore faire de l’humour en Irak ? Al-Sharqiya (L’Orient), l’une des multiples chaînes de télévision par satellite créées depuis l’invasion anglo-américaine d’avril 2003, s’y emploie chaque soir avec un certain succès. « Caricatures », son show de quarante-cinq minutes de « vraies-fausses informations » quotidiennes, s’efforce de tourner en dérision les nouvelles du jour. En trois ans d’existence, l’émission est devenue l’une des plus populaires du paysage audiovisuel irakien.
Corruption, voracité des partis, gouvernement « fantôme », ministres plus souvent à l’étranger que dans leurs bureaux de la « zone verte » ultrafortifiée à Bagdad, multiplication des polices, brutalités, ignorances et bourdes américaines sont les sujets favoris de l’émission. « On ne touche pas à la religion, on ne nomme jamais les politiciens sur lesquels on tire et l’on n’identifie pas les milices ou les groupes de guérilla auxquels on s’en prend », confiait récemment à un confrère irakien Walid Hassan Djahaz, la vedette du show. Cette prudence de loup ne l’aura pas sauvé.
Lundi 20 novembre, ce comédien chiite de 47 ans, père de cinq enfants, a été assassiné par une bande de miliciens armés qui l’attendaient près de chez lui à Bagdad. Quatre balles dans la poitrine. Les trois compères qui jouaient avec lui sont partis le lendemain vers la Syrie. « Pour se reposer », explique un journaliste de la chaîne. Il n’est pas certain que « Caricatures » puisse reprendre.
Ainsi va la vie, chaotique et meurtrière, depuis près de quatre ans en Irak. Le plus souvent terrés chez eux à cause de l’insécurité croissante, du couvre-feu quotidien à 20 heures et du chômage endémique, les Irakiens se sont mués en véritables téléphages. Théoriquement, sous la dictature, ils n’avaient accès qu’à quatre chaînes publiques, mais les plus prospères prenaient le risque de dissimuler des paraboles pour regarder illégalement les chaînes satellitaires, et payaient la police quand elle s’en rendait compte. Les toits de Bagdad et des autres villes se sont couverts de paraboles.
Mais, dans l’Irak d’aujourd’hui, l’humour est une pratique plus périlleuse encore que sous l’ancien régime. « Sous Saddam, dit Jassem Charaf, comédien réputé, on ne pouvait pas mentionner le nom de Dieu, du raïs, de ses proches ou de ses ministres. Mais on était à peu près tolérés. » Aujourd’hui, un écart de langage vous envoie plus sûrement à la morgue que sur la paille d’un cachot.
Il y a quelques semaines, Saad Bazzaz, le propriétaire de la chaîne Al-Sharqiya, homme d’affaires sunnite et ancien baasiste repenti aujourd’hui réfugié à Londres, a interdit la diffusion d’une satire assez drôle autour du procès de Saddam Hussein. « Sachant que trois avocats de l’ancien tyran ont été assassinés, que trois de nos journalistes ont également été tués cette année, cela montre que plus personne, aujourd’hui, n’est à l’abri de représailles », confie l’un de ses proches à Bagdad.
Ecrit par Taleb Al-Soudani, un chiite laïque de 40 ans qui a créé le concept d’une autre émission hebdomadaire très regardée intitulée « Dépêche-toi, il est mort ! », le sujet était destiné à ce nouveau show très caustique qui a démarré sur Al-Sharqiya début octobre. Le procès du siècle a laissé place à un autre sujet sur les risques très sérieux de partition ethnico-confessionnelle qui menacent le pays. Saaed Khalifa, star du comique local qui utilise toutes sortes de grimages (il se déguise en femme, en boxeur, en plongeur, etc.), annonce ainsi d’une voix docte la tenue à Bagdad d’une grande conférence de « la ligue des Républiques libres d’Irak ». « Les gouvernements de Waziriya et de Kasra (deux quartiers adjacents, l’un sunnite, l’autre chiite, de Bagdad) ont entamé des négociations de paix », dit très sérieusement le comédien. « Par contre, il y a toujours des problèmes entre les républiques de Karrada-in et Karrada-out » – un seul et même quartier central de Bagdad d’où les résidents sunnites s’enfuient beaucoup en ces temps de nettoyage ethnique à la mitrailleuse.
« Autre question ultrasensible sur la table de la conférence de la ligue, l’insupportable embargo qui se poursuit contre la république de Bab el-Sharji », quartier bagdadi très couru pour ses boutiques d’électronique grand public à bas prix.
Déjà célèbre sous Saddam, Saaed Khalifa, petit homme rondouillard et costaud, rêve tout haut de se métamorphoser en chat de gouttière. « Mais pourquoi donc ? », demande un compère. « T’as déjà vu quelqu’un demander à un chat s’il est kurde ou arabe, chiite ou sunnite, toi ? » Dans un autre numéro de « Dépêche-toi il est mort ! », Khalifa, vêtu comme un prince, annonce : « Nous sommes en 2017, je suis le dernier Irakien vivant. A moi, toutes les femmes, les belles voitures et la richesse. A moi les manettes de l’électricité nationale : désormais, je décide seul de l’heure à laquelle on coupe ! »
Les Bagdadis, qui ne reçoivent en moyenne que trois à cinq heures d’électricité par jour selon les quartiers – et surtout selon l’appartenance sociale ou confessionnelle majoritaire de leurs habitants -, apprécient cet humour noir. L’auteur, qui a inventé le concept de l’émission et a vendu tous ses droits à la chaîne pour 2 500 euros, affirme n’avoir « plus d’espoir pour l’Irak ». Il pense que les ministres qui se suivent sont incompétents et occupés à se remplir les poches. Il pense aussi que l’expérience démocratique promise par les Américains est mort-née. Comme tous les humoristes, Taleb Al-Soudani est un vrai désespéré.
Patrice Claude
(Source : « Le Monde » du 30 novembre 2006)