28 août 2001

C/o Gilles Perrault, 50480 Sainte-Marie-du Mont, France

Tél. : 33-(0)6 64 29 89 99 ; Fax : 33-(0)2 33 71 01 46 

Lettre ouverte à l’attention de 

M. Jacques Rogge

Président du Comité international olympique,

Château de Vidy

Case postale 356

1007 Lausanne

Suisse

Fax : (41.21) 621 62 16 

Paris, le 27 août 2001

Monsieur le président,

À quelques jours de l’ouverture des Jeux méditerranéens à Tunis, des informations de plus en plus abondantes et précises viennent illustrer le rôle important qu’a joué le général Habib Ammar dans la propagation et la systématisation des crimes de torture en Tunisie. Étant donné la gravité de ces accusations, nous avons le devoir de porter à votre connaissance ces faits entachant le passé d’un personnage qui a été nommé à la tête du Comité d’organisation des Jeux méditerranéens de Tunis 2001, et qui a reçu le haut patronage et la caution du Comité international olympique que vous présidez.

Après son retour en Tunisie en janvier 1984, le général Habib Ammar a été nommé commandant de la Garde nationale. C’est là qu’il a créé une brigade de « Recherches et d’investigations », consacrée à la répression des mouvements politiques, associatifs et citoyens. Cette unité spéciale s’est illustrée par une pratique de la torture particulièrement violente, inhumaine et humiliante. Cette brigade a exercé ses exactions dans la caserne même qui abritait les bureaux de son fondateur, le général Habib Ammar. Nous disposons aujourd’hui de nombreux témoignages à ce sujet, émanants tant de victimes que de fonctionnaires ayant assisté à ces atrocités qui se déroulaient dans une villa située à l’extrémité nord de la caserne d’El-Aouina.

Le 7 novembre 1987, le général Habib Ammar participa avec le général Ben Ali au coup d’État qui renversa le régime de Habib Bourguiba. Pour le récompenser, M. Ben Ali nomma alors Habib Ammar ministre de l’Intérieur. Dès les premiers jours de sa prise de fonctions, le général Habib Ammar a procédé à une large rafle qui a concerné plus de cent cinquante activistes appartenant à la mouvance religieuse. Aussitôt, la plupart de ces prévenus ont été soumis à des tortures et atrocités des plus cruelles qui ont entraîné morts d’hommes et de nombreux handicapés à vie. De nombreux documents et témoignages – que nous tenons, comme les précédents, à votre disposition – étayent aujourd’hui ces crimes.

Devant la gravité de ces allégations qui touchent un responsable d’un organisme ayant reçu votre caution, nous vous demandons de bien vouloir, au nom du CIO, vous prononcer au sujet de ces crimes de torture condamnés par la conscience humaine et par la communauté internationale.

Ces actes sont en outre en contradiction avec l’esprit sportif en général et avec les principes qui animent le mouvement olympique en particulier tels que définis dans sa Charte. Nous ne pouvons imaginer que, lors de votre séjour à Tunis, vous serriez la main d’un homme qui a tant torturé jusqu’à mort s’ensuive, et que l’image de cette poignée de mains fasse le tour du monde, associant votre image et celle du mouvement olympique à celle d’un tortionnaire.

En conséquence, nous souhaiterions, en tant que garant de l’application de cette Charte dans son esprit et dans sa lettre, que votre participation aux Jeux de Tunis 2001 ne laisse aucune ambiguïté quant à votre attachement aux valeurs qui animent votre mouvement porteur d’espoir pour l’humanité.

Veuillez agréer, Monsieur le président, l’expression de nos sentiments les plus respectueux et les plus vigilants