TUNIS – Tunisie: les islamistes d’Ennahda en route pour une large avance
TUNIS – Le parti islamiste Ennahda a annoncé lundi qu’il disposait d’une large avance aux premières élections libres de la Tunisie, alors que les résultats définitifs du vote pour une assemblée constituante devaient être annoncés officiellement mardi.
L’assemblée sera chargée de rédiger une nouvelle Constitution et de désigner un nouvel exécutif jusqu’aux prochaines élections générales.
Ennahda a obtenu la moitié des 18 sièges réservés à la diaspora tunisienne dans la future assemblée constituante, a annoncé la commission électorale Isie, tout en précisant qu’il s’agissait de résultats provisoires.
Sur les 18 sièges sur 217 réservés aux Tunisiens de l’étranger, Ennahda en obtient 9, le Congrès pour la République (CPR, gauche nationaliste) 4, Ettakatol (gauche) 3, le Pôle démocratique moderniste (gauche) 1 et la Liste pour la liberté et le développement (centre) 1.
Fort de son avance, Ennahda a lancé un message pour « rassurer » les partenaires économiques du pays.
« Nous voulons rassurer nos partenaires économiques et commerciaux, ainsi que tous les investisseurs: nous espérons très rapidement revenir à la stabilité et à des conditions favorables à l’investissement », a déclaré à la presse Abdelhamid Jlassi, directeur du bureau exécutif du parti islamiste.
« Les priorités de la Tunisie sont claires: c’est la stabilité et les conditions pour vivre dans la dignité, ainsi que l’instauration d’institutions démocratiques », a-t-il souligné.
« Nous essayerons d’aboutir à une alliance politique stable au sein de l’assemblée constituante », a-t-il répété, en évaluant le score de son parti « à plus de 25, 30% ». « Nous avons eu le plus grand nombre de suffrages » a-t-il affirmé.
Auparavant, un autre responsable avait indiqué sous couvert de l’anonymat que le parti allait « obtenir entre 60 et 65 sièges dans l’assemblée constituante ».
Ennahda a également tenu à affirmer lundi soir son engagement à respecter les droits acquis des Tunisiennes et des minorités religieuses en Tunisie.
« Nous respecterons les droits de la femme sur la base du code de statut personnel et de légalité entre les Tunisiens quels que soient leur religion, leur sexe ou leur appartenance sociale », a déclaré à l’AFP Nourreddine Bhiri, membre de la direction du parti islamiste.
« C’est clair qu’Ennahda devance tout le monde dans la grande majorité des circonscriptions », a reconnu Adel Chaouch, membre du bureau politique d’Ettajdid (gauche).
Le mouvement Ettakatol (gauche) de Mustapha Ben Jaafar et le Congrès pour la République (CPR, gauche nationaliste) de Moncef Marzouki se disputent la deuxième place au scrutin, selon les estimations données par ces partis à l’AFP.
« Nous aurons autour de 15% des suffrages, ce qui se traduirait par un minimum de 30 sièges selon des statistiques à l’échelle nationale », a déclaré à l’AFP Khalil Zaouia, numéro 2 d’Ettakatol.
« On espère être les seconds », a déclaré Moncef Marzouki, dirigeant du CPR crédité de 15 à 16% des suffrages, selon des estimations concordantes.
« Ce qui compte, c’est que nous avons désormais une véritable cartographie politique. Le peuple tunisien a assigné à chacun son poids », a déclaré à l’AFP l’ancien opposant en exil.
« Ennahda est certes majoritaire, mais nous sommes deux entités démocratiques Ettakatol et CPR, très faibles au départ mais qui (…) se retrouvent avec une stature nationale pour construire la vie politique, instaurer une modernité rationnelle dans un pays arabo-musulman », a dit à l’AFP M. Zaouia.
Le Parti démocrate progressiste (PDP, centre-gauche) qui était donné par les sondages en seconde position, a pris acte de sa défaite.
« Les tendances sont très claires. Le PDP est mal positionné. C’est la décision du peuple tunisien. Je m’incline devant ce choix. Je félicite ceux qui ont obtenu l’approbation du peuple tunisien », a déclaré lundi à l’AFP sa secrétaire générale Maya Jribi, se rangeant dans le « camp de l’opposition ».
« Nous serons toujours là pour défendre une Tunisie moderne, prospère et modérée », a poursuivi la chef du parti qui avait axé sa campagne sur son opposition au parti islamiste.
La Commission électorale (Isie) devait normalement annoncer mardi les résultats définitifs du scrutin historique de la veille.
« Nous sommes patients, nous avons attendus cinquante ans, nous pouvons attendre encore 24h. C’est tout à fait logique », résumait en souriant Houcine, interrogé lundi matin sur l’avenue Bourguiba à Tunis.
Neuf mois après le départ de l’ex-président Zine El Abidine Ben Ali sous la pression populaire, plus de 7 millions d’électeurs tunisiens étaient appelés dimanche à élire une Assemblée constituante.
Une chose est certaine, la très forte mobilisation des électeurs tunisiens pour cette élection historique, organisée neuf mois après la révolution qui a déclenché le « printemps arabe ».
Le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-Moon a félicité lundi la Tunisie « pour la façon pacifique et ordonnée » dont s’est déroulé le scrutin.
La chef de la diplomatie de l’UE, Catherine Ashton, a salué les premières élections libres de Tunisie qui marquent, selon elle, « le commencement d’une nouvelle ère ».
La veille, le président américain Barack Obama et plusieurs capitales européennes avaient salué la mobilisation des électeurs et le bon déroulement du vote.
(Source: 20minutes.fr le 24/10/2011 à 13h26 — Mis à jour le 24/10/2011 à 22h07)
Elections en Tunisie: Ennahda prêt à une coalition avec deux partis laïcs
Reuters Mis à jour le 24.10.11 à 22h09
Les islamistes du mouvement Ennahda, qui devraient être proclamés vainqueurs des élections tunisiennes de dimanche, sont prêts à former une alliance avec deux formations laïques, a annoncé lundi soir un haut responsable du parti.
«Nous sommes prêts à former une alliance avec le Congrès pour la république de Moncef Marzouki et l’Ettakatol de Moustapha Ben Jaafar puisque leurs opinions ne sont pas éloignées des nôtres et que ces deux partis ont obtenu un grand nombre de suffrages», a dit à Reuters Ali Larayd, membre du comité exécutif d’Ennahda (Renaissance).
Les Tunisiens ont élu dimanche une assemblée constituante dont les 217 membres devront rédiger la nouvelle constitution du pays et former un nouveau gouvernement provisoire avant des élections législatives et présidentielle prévues l’année prochaine.
Aucun résultat officiel n’avait été publié lundi dans la soirée à l’exception du vote des Tunisiens de l’étranger, qui votaient avant dimanche.
le parti islamiste revendique la victoire
Les feux sont au vert pour Ennahda. Les estimations des résultats des premières élections libres en Tunisie depuis la chute de Ben Ali donnent la victoire au parti islamiste. Ennahda assure avoir remporté 40% des suffrages tandis qu’un cadre du parti, sous couvert d’anonymat, calcule qu’il pourrait obtenir «entre 60 et 65 sièges» dans la future assemblée constituante forte de 217 membres. .
Derrière Ennahda, le mouvement Ettakatol (gauche) de Mustapha Ben Jaafar et le Congrès pour la République (CPR, gauche nationaliste) de Moncef Marzouki se disputent la deuxième place. «Nous aurons autour de 15% des suffrages, ce qui se traduirait par un minimum de 30 sièges selon des statistiques à l’échelle nationale, estime Khalil Zaouia, n°2 d’Ettakatol. «On espère être les seconds», renchérit Moncef Marzouki, dirigeant du CPR crédité de 15 à 16% des suffrages, selon des estimations concordantes.
Le Parti démocrate progressiste (PDP) a lui aussi reconnu sa défaite lundi après-midi. «Les tendances sont très claires. Le PDP est mal positionné. C’est la décision du peuple tunisien et je m’incline devant ce choix», déclare Maya Jribi, la secrétaire générale du PDP. Le parti tunisien du centre-gauche qui avait axé toute sa campagne sur son opposition avec Ennahda, se rangerait donc dans le camp de l’opposition face à la future majorité du parti islamiste.
Les résultats définitifs doivent être annoncés mardi par la commission électorale indépendante Isie. L’assemblée constituante élue sera chargée de rédiger la nouvelle constitution tunisienne et devra désigner un nouveau président de la République. Ce dernier devra alors former un exécutif jusqu’aux prochaines élections générales. Il y a un mois, onze des principaux partis tunisiens ont signé une «déclaration de transition» prévoyant que la mandat de l’Assemblée ne dépasse pas un an.
Source: « Le Parisien » Le 24-10-2011
Lien: http://www.leparisien.fr/crise-tunisie/tunisie-le-parti-islamiste-revendique-la-victoire-24-10-2011-1683568.php
Les Tunisois entre inquiétude et bonheur face à la percée d’Ennahda
Les Tunisiens sont toujours dans le flou. Les résultats définitifs des élections de dimanche n’ont pas encore été officiellement annoncés, et ne devraient pas l’être avant mardi. Cependant, les tendances donnent toutes le parti Ennahda en tête, avec une avance plus ou moins large sur les autres partis.
Le parti islamiste était, avant le scrutin, crédité d’une trentaine de pourcents des voix. Ce lundi, ce chiffre oscillerait davantage entre 40% et 60% des suffrages, selon les sources, soit la majorité absolue.
«Je ne m’inquiète pas pour les libertés des femmes»
Comme avant l’élection, l’avis des Tunisois diverge toujours autant à propos du parti de Rached Ghannouchi. Rafika, 30 ans, est «heureuse» que le parti pour lequel elle a voté soit en tête. «C’est un espoir. Ils sont, plus que les autres, capables de laisser les libertés s’exprimer, après ce qu’ils ont vécu sous Ben Ali», explique-t-elle.
Zied, 25 ans, est lui aussi ravi de ce résultat. «Leur programme économique va nous permettre d’avancer. Et je ne m’inquiète pas pour les libertés des femmes. Dans l’un de ses livres, Rached Ghannouchi a expliqué qu’il y était favorable.»
«Nous avons peur que tout change en Tunisie, et que les femmes perdent leurs droits»
Car la question des libertés, c’est ce qui inquiète le plus les Tunisois anti-Ennahda, principalement des femmes libérales. Amel, Monia et Oum Rafat, la petite cinquantaine, sont toutes trois institutrices. Si Oum Rafat porte le hijab, les deux autres se promènent avenue Bourguiba la tête nue. Pourtant, elles sont d’accord: Ennahda en tête du scrutin, c’est très inquiétant.
«Nous sommes pratiquantes, mais nous avons peur d’Ennahda. Ils sont agressifs et leur programme est flou sur les libertés. Nous avons peur que tout change en Tunisie, et que les femmes perdent tous les droits qu’elles possèdent aujourd’hui.»
Contrepoids
Beaucoup espèrent surtout que les autres partis pourront faire contrepoids en cas de politique liberticide des islamistes.
Akil, qui voit passer beaucoup de cadres et de femmes inquiets de ce résultat dans sa pharmacie, s’interroge. «Leur crainte est-elle justifiée? Je ne pense pas. Tout va dépendre des résultats définitifs. Ils ne feront pas tout ce qu’ils voudront, les autres partis seront là pour équilibrer les choses.»
Wassila, la cinquantaine, qui a «peur des extrémistes», est d’accord: «Ca me rassure de penser qu’ils ne seront pas seuls à décider.» Sauf si Ennahda rafle la majorité absolue à l’Assemblée.
Source: « 20 minutes.fr » Le 24-10-2011
http://www.20minutes.fr/monde/811664-Elections-tunisie-tunisois-entre-inquietude-bonheur-face-percee-ennahda
le Printemps arabe gagné par l’islamisme ?
Un « mouvement de libération islamique ». Voici comment le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, a qualifié en février dernier l’essor du Printemps arabe, au moment où les manifestants tunisiens et égyptiens bravaient les tirs des forces de sécurité. Une phrase qui, à l’époque, avait fait beaucoup rire, tant les slogans des protestataires étaient éloignés des principes de la République islamique sur lesquels se fonde l’Iran pour gouverner d’une main de fer depuis trente-deux ans.
Or, neuf mois plus tard, on ne rit plus. Avec une participation historique de plus de 90 %, les premières élections libres en Tunisie semblent donner un net avantage aux islamistes du parti Ennahda. Faute d’information de la commission électorale indépendante (Isie), seule habilitée à délivrer des résultats officiels, les estimations – non sourcées ou très partielles – circulant sur Internet vont toutes dans le même sens : une grande avance du parti islamiste. À Tunis, les résultats de plusieurs bureaux consultés par l’AFP donnent Ennahda en tête des suffrages. En France, selon des indiscrétions recueillies par Le Point auprès des représentants de la commission électorale indépendante, les Tunisiens ont placé le parti islamiste en tête des élections, avec 30 à 35 % des voix.
Augmentation du voile
Ce plébiscite ne doit rien au hasard. « Ennahda est le seul parti unifié et structuré du scrutin. Il a bénéficié du morcellement des quelque 110 partis démocratiques et laïques, estime l’islamologue Mathieu Guidère*. Il a effectué un travail social de terrain considérable en misant sur le porte-à-porte, alors que les partis démocratiques sont restés dans une logique de négociations entre eux, et ont donc souffert d’un manque certain de visibilité. » Un des premiers effets visibles de la révolution du Jasmin a été l’augmentation sensible du nombre de femmes voilées à travers le pays. Or, d’après le chercheur, ce serait plus en raison de considérations politiques que religieuses.
« Étant donné la laïcité très militante et la répression féroce qui s’est abattue sur les islamistes sous l’ancien régime, les Tunisiens considèrent l’islamisme comme une sorte de libération », estime Mathieu Guidère. Pour Hasni Abidi*, directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen (Cermam), le parti Ennahda de Rached Ghannouchi (longtemps exilé à Londres), en tant qu’organe d’opposition historique sous Ben Ali et Bourguiba, demeure « la seule formation politique de la rupture ». « La majorité des autres partis en lice faisait déjà partie du décor de l’ancien régime », note le chercheur. Pionnier des révolutions arabes, la Tunisie ne risque-t-elle pas de revivre le scénario de la révolution iranienne de 1979, où l’opposant au Shah, l’ayatollah Khomeyni, réfugié en Irak puis en France, était revenu au pays en grand libérateur, grâce à son aura, mais aussi à ses alliances avec les forces laïques et démocrates, avant d’imposer un État islamique chiite.
La polygamie autorisée
Selon Mathieu Guidère, une situation à l’iranienne est « impossible en Tunisie, un État sunnite, qui n’admet donc pas le leadership des religieux sur le politique ». Reste le risque d’une interprétation de la charia à la saoudienne mais, selon lui, pas dans l’immédiat. « Le système électoral étant basé sur la proportionnelle, et les islamistes ne représentant que 20 à 30 % de la majorité, ceux-ci ne pourraient jamais passer de lois controversées. »
Mais il n’y a pas qu’en Tunisie que l’islamisme fait son nid. En Libye, à l’occasion de la proclamation de la libération du pays dimanche, le président du CNT Mustapha Abdel Jalil a répété que la législation du pays serait fondée sur la charia, ajoutant notamment que la loi sur le divorce et le mariage, qui ne tolérait pas la polygamie sous le régime de Kadhafi, serait annulée. Des propos qui ont amené la présidente du Front national Marine Le Pen à déclarer avoir eu « raison sur la Libye » en prévoyant sa transformation « en dictature islamiste ».
Nombreux amalgames
« Même si ce discours est maladroit et contre-productif, il s’agit de déclarations de circonstance, face à une foule exaltée, pour améliorer son image et rassurer les nombreux islamistes qui ont combattu durant la révolution », explique Hasni Abidi. Et le chercheur de rappeler que le discours de Mustapha Abdel Jalil ne fait pas loi, ce dernier étant de toute façon « amené à disparaître ». Selon la feuille de route annoncée par le CNT, l’élection d’une assemblée constituante devrait avoir lieu d’ici huit mois maximum, suivie d’un scrutin général un an après au plus tard. « L’islam sera l’une des sources de la nouvelle Constitution, qui sera soumise à un référendum populaire », rappelle le directeur du Cermam.
Pour sa part Mathieu Guidère regrette « de nombreux amalgames faits sur la question ». Selon l’islamologue, « il ne s’agit, dans le cas de la Libye, que d’une régularisation de la situation : la Constitution du pays repose sur la charia depuis 1993, et c’est Kadhafi qui, dans sa lutte contre les islamistes, s’était opposé à la légalisation de la polygamie ».
Source: « Le Point.fr » Le 24-10-2011
Paris salue le « bon déroulement » des élections en Tunisie
La France salue « le bon déroulement des premières élections libres » dimanche en Tunisie, a déclaré lundi le ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé.
« La France salue le bon déroulement des premières élections libres en Tunisie où la révolution a ouvert la voie du +printemps arabe+. La Tunisie confirme ainsi son rôle pionnier », a estimé le ministre dans un communiqué.
« Ces élections historiques ont été marquées par la ferveur démocratique des électeurs qui ont fait la démonstration de leur mobilisation et de leur attachement à la responsabilité citoyenne », a ajouté M. Juppé.
« Partenaire de toujours de la Tunisie, la France est plus que jamais à ses côtés en ces journées de légitime fierté nationale », a-t-il souligné.
Neuf mois après le départ de l’ex-président tunisien Zine El Abidine Ben Ali sous la pression populaire, plus de 7 millions d’électeurs tunisiens étaient appelés dimanche à élire une Assemblée constituante qui sera chargée de rédiger une nouvelle Constitution et de désigner un nouvel exécutif avant des élections générales.
Source: « Le Parisien » Le 24-10-2011
Lien: http://www.leparisien.fr/flash-actualite-politique/juppe-paris-salue-le-bon-deroulement-des-elections-en-tunisie-24-10-2011-1683533.php
Fayda, celle qui a déclenché la révolution, n’est pas allée voter
Elle est l’étincelle qui a mis le feu aux poudres! Fayda Hamdi est la policière qui, le 17 décembre, aurait giflé Mohamed Bouazizi, vendeur ambulant à la sauvette sans patente. Le geste a entraîné la cascade d’événements que l’on sait : l’immolation par le feu du jeune homme, la révolte de la rue tunisienne, la chute de Ben Ali… et le début de la révolution arabe, qui a déjà éliminé trois dictateurs et en menace d’autres.
Tout cela dépasse un peu cette femme célibataire de 47 ans, au visage mince et fragile sous le voile qui l’encadre étroitement.
« C’est le hasard, je n’y suis pour rien, c’est Dieu qui a décidé tout ça », dit-elle d’une voix claire. La fameuse gifle? Elle ne l’a « jamais donnée! » « Dans notre religion, une femme ne frappe pas un homme, c’est impossible! » sourit-elle. Son procès devant le tribunal de première instance de Sidi Bouzid, le 19 avril, s’est d’ailleurs conclu par un non-lieu qui l’innocente, après trois mois et vingt jours passés dans une prison de Gafsa.
Sous le regard affectueux de ses parents, Tahar, policier à la retraite, et Myriem, visage tatoué et chapelet à la main, elle revit dans la maison familiale cette journée où sa vie, et celle de millions d’autres, a basculé. Ce matin-là, Mohamed Bouazizi a installé son étal sur la station de taxis, devant le gouvernorat. « Je lui ai dit de partir. Il a commencé à crier. Il m’a bousculée. J’ai voulu confisquer sa balance et sa marchandise. Il a résisté, me blessant à la main. Il m’a insultée, dit de très gros mots. Il a essayé d’arracher les épaulettes de mon uniforme. Des renforts sont arrivés… »
Quand elle apprend le suicide du garçon, Fayda a « le terrible pressentiment que quelque chose de grave va se passer », bien que le commissaire de police lui dise de « laisser tomber ». « J’ai été arrêtée le 28 décembre, après la visite de Ben Ali à Mohamed à l’hôpital! Il avait reçu ses parents à Carthage. Ben Ali est intervenu personnellement. On a fait de moi un bouc émissaire. Je suis devenue le symbole de cette police détestée qui brime et moleste les citoyens. Tous les Tunisiens devaient me haïr. Alors que je ne suis même par un vrai policier. Je suis devenue agent de la municipalité parce que le fils d’un ami du gouverneur m’avait supplantée dans l’administration où j’étais secrétaire. »
Dans la prison, où elle n’est pas « maltraitée », elle n’ose pas dire à ses codétenues pourquoi elle est là. « J’ai dit que j’étais institutrice, que j’avais frappé un petit garçon. » Impossible de trouver un avocat, tous demandent des « sommes astronomiques ». Maître Basna al-Nasri, qui connaît la famille, la défendra gratuitement, convaincue par les incohérences du dossier. « Le 14 janvier, quand Ben Ali s’est enfui, j’ai commencé à croire que mes problèmes allaient pouvoir se régler. J’ai entrevu la fin de mes ennuis… »
Libérée, Fayda — qui se dit « heureuse d’avoir marqué l’histoire » — a rejoint, en septembre, son poste. Mais « rien n’est comme avant. Je ne sors pas de mon bureau, mes collègues non plus. Les policiers évitent d’intervenir. Du coup, il y a beaucoup de problèmes d’insécurité dans la ville ». Hier, elle n’est pas allée voter à ces élections qu’elle a, en somme, provoquées. « Je n’ai pas encore une vision claire des choses », confie-t-elle.
Source: « Le Parisen.fr » Le 24-10-2011
En Tunisie, «on ne va pas se réveiller lundi avec une République intégriste»
ReportageAlors que le pays vote dimanche, les laïcs sont partagés entre le respect de la liberté d’expression et la crainte d’une islamisation rampante de la société.
ParMARIA MALAGARDIS Envoyée spéciale à Tunis
Un cinéma saccagé en plein centre de Tunis après avoir présenté un documentaire sur la laïcité, une chaîne de télé privée attaquée suite à la diffusion de Persepolis, le film de Marjane Satrapi, la maison du patron de cette chaîne incendiée… Et, à chaque fois, les mêmes meneurs : des salafistes, des «barbus» qui semblent surgis de nulle part, dans un pays où les signes religieux ostentatoires ont longtemps été réprimés. Le 14 octobre, les revoilà qui défilent en exigeant le retour à la charia. Du jamais vu. Pour le camp laïc, ce n’est pas la peur. Juste une inquiétude, qui gâche un peu la fête de dimanche, où les Tunisiens votent pour la première fois depuis la chute de Ben Ali. Avec une seule certitude, comme le souligne Khadidja Cherif, une célèbre militante des droits de l’homme : «Les islamistes feront partie du paysage.» Quel sera le poids du parti islamiste Ennahda à l’issue du scrutin ? Que feront les islamistes au sein de la nouvelle Assemblée constituante ? Et que se passera-t-il s’ils remportent d’autres élections ?
Pour ceux qui, comme Khadidja Cherif, ont farouchement combattu Ben Ali, tout en assumant les acquis de la modernité qui servaient de vitrine trompeuse à la dictature, les vraies intentions de ce parti restent une inconnue. «Bien sûr, on ne va pas se réveiller lundi avec une république intégriste», tempère Khadidja. D’ailleurs, personne ne conteste aux islamistes, si durement opprimés par Ben Ali, la légitimité de se présenter aux élections. Mais certains dérapages observés pendant la campagne ont alerté ceux qui en Tunisie s’affichent depuis longtemps, laïcs ou même athées.
Mot tabou. Auteurs des violences de ces derniers jours, les salafistes sont-ils manipulés ? Sont-ils le vrai visage d’Ennahda ? Personne ne le sait mais, face à ces débordements, la classe politique est restée silencieuse, comme pétrifiée. Bien plus, le mot «laïcité» est soudain devenu tabou. Des associations qui en avaient fait leur combat ont décidé de s’éclipser le temps de la campagne «pour ne pas jeter de l’huile sur le feu», et la plupart des partis ont banni le mot de leur programme, à l’exception notable du Pôle démocratique moderniste, qui regroupe des petites formations de gauche, et d’Afek Tounes, parti fondé par de jeunes cadres diplômés. «On ne peut plus évoquer la laïcité. Désormais, on préfère parler d’un Etat civique, séparé du religieux»,confirme Nejma. Piercing sous la lèvre, cette jolie étudiante a milité pour inciter les femmes à aller voter.
L’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD) n’a pas ménagé sa peine pour mobiliser ces électrices, devenues un enjeu crucial dans la compétition silencieuse que se livrent laïcs et islamistes. «Ce sont les femmes qui vont sauver la démocratie», affirme ainsi Moufida, la coordinatrice de l’ATFD, persuadée que les Tunisiennes ne renonceront jamais aux acquis, uniques dans le monde arabe, dont elles bénéficient, notamment grâce au code du statut personnel promulgué juste après l’indépendance. Distribuant des tracts devant un supermarché de banlieue, le petit groupe, où se trouvent Moufida et Nejma, veut y croire : «La plupart des femmes, même celles qui sont voilées, comprennent la menace que représentent les islamistes. Elles ne voteront pas pour eux !» Officiellement, Ennahda ne souhaite pas remettre en cause leur statut. Mais, dans le camp des féministes et des laïcs, le doute persiste. «Ils ont déjà réussi à placer la religion au cœur de la campagne électorale. Ils pratiquent un double langage», assure Nejma.
Un double langage ? L’expression fait bondir Hamadi Redissi. Attablé à la terrasse de l’hôtel Africa, sur l’avenue Bourguiba, ce professeur de droit ne mâche pas ses mots. «Il suffit de lire l’Aube, le journal d’Ennahda ! Tout est clair !»s’insurge-t-il, en exhibant des coupures de presse. «On nous serine qu’Ennahda ne soutient pas les violences des salafistes ? Pourtant, dans l’Aube, son leader s’en félicite ouvertement ! Et ce discours est relayé par les « nouveaux Munichois » : les partis et les intellectuels qui ont décidé d’abdiquer devant l’islamisme ! Au lieu de s’en prendre aux agresseurs, les salafistes, le ministère public préfère porter plainte contre la chaîne qui a diffusé Persepolis. Il y a des gens qui sont menacés et les partis se taisent. On nous dit que ce n’est pas le moment de parler de laïcité ? Mais ce n’est jamais le moment ! C’est toujours comme ça. On renonce peu à peu à ses libertés – Ben Ali ne s’y est pas pris autrement – et, à force de se répéter que ce n’est pas grave, un matin, on se réveille sous une dictature.»
«Trompeuse». L’islamisation progressive de la société : voilà ce que redoutent les laïcs les plus inquiets. Mais n’est-elle pas déjà là ? Il suffit de faire un tour sur un campus d’université. Depuis la chute de Ben Ali, les jeunes filles voilées se sont multipliées. «Je suis désormais la seule non-voilée d’une classe où il y a une trentaine de filles», confie Zayneb, 22 ans, en fac de sciences. Elle évoque aussi ces étudiants qui réclament l’arrêt des cours à l’heure de la prière. Juste devant, deux jeunes en tenue très cool distribuent des tracts pour Ennahda. «C’est une image trompeuse. Elles sont payées pour rassurer», croit savoir Zayneb.
Non loin de l’entrée du campus, Rafik, un économiste aux cheveux blancs, tente, lui, de sensibiliser les étudiants aux«menaces qui pèsent sur la révolution». Il a beau jeu de rappeler que les islamistes étaient absents aux premières heures de la révolte et qu’aucun slogan religieux n’a été entendu dans les cortèges. Il sait que l’enjeu est ailleurs :«Nous sommes en train de nous découvrir nous-mêmes, et de façon un peu schizophrène. Nous étions sous le règne du parti unique, nous sommes désormais plusieurs mondes. A la fois attachés à la modernité et à nos traditions. Avec des gens très pauvres, et d’autres qui vivent comme des Européens. Certains associent laïcité et occidentalisation. Or, beaucoup de Tunisiens ont un regard très critique sur l’Occident, auquel ils reprochent d’abandonner les Palestiniens face à Israël»,explique Rafik. Autour de lui, des étudiants hochent la tête en signe d’approbation. «Avant, tout était caché. Maintenant, tout est dévoilé. Chacun s’affiche avec ses convictions, ses croyances», remarque Hela, en thèse de physique quantique. «Moi, je suis athée et je veux pouvoir l’affirmer», confesse-t-elle, persuadée que les Tunisiens n’accepteront jamais de «remplacer la peur d’un homme par la peur d’un Dieu».
(Source: “Libération” (Quotidien – France) le 22 octobre 2011)
Plainte en Suisse contre Abdallah Kallel : La manipulation de l’opinion tunisienne
Ainsi a-t-on dit qu’Abdallah Kallel était sous le coup d’un mandat d’arrêt international
Faux. Il n’y a jamais eu de mandat d’arrêt international contre Abdallah Kallel. Abdallah Kallel n’a jamais fait l’objet d’aucune condamnation. Par conséquent, il ne peut donc faire l’objet d’aucune procédure ou mandat international.
On a dit que cette plainte a donné lieu à une condamndation ?
Faux. La plainte a été classée en 48 heures. Il n’y a jamais eu de procès, par conséquent ni de condamnation, ni de mandat. Tous les recours qui ont été introduis en civil pour réclamer des dommages et intérêts ont été rejetés.
On a dit que si Abdallah Kallel se rendait en Europe, il serait arrêté
C’est encore un mensonge. Il a voyagé librement en Europe y compris, notamment en France en 2010.
Mais une certaine presse affirme le contraire ?
Il est clair qu’il y a eu manipulation médiatique relayée par certains médias qui se sont employés pendant toute cette affaire à violer le principe élémentaire de la présomption d’innocence, alors que la plainte a été classée sans suite en 48 heures.
Mais que dit cette plainte sur Abdallah Kallel ?
Abdallah Kallel est visé par cette plainte en sa qualité de ministre de l’intérieur de l’époque. Il n’a aucun lien ni de près ni de loin avec M. Nait Liman, il ignorait son arrestation et ce qu’il aurait subi au ministère de l’Intérieur.
Nous rappelons que cette plainte repose jusque-là sur les seuls propos de Nait Liman :
Le 16 mai 2000, huit mois avant le dépôt de la plainte, un premier témoignage de M.Abdennacer Nait-Liman, inconnu du grand public, s’étalant sur 5 pages, ne cite pas Abdallah Kallel (Cliquez sur la photo pour lire ce témoignage).
Huit mois plus tard, lors du dépôt de la plainte du 14 février 2001, le nom de Abdallah Kallel est rajouté et des déclarations contradictoires suiivent (Cliquez sur la photo pour lire les déclarations contradictoires).
– A la vérité, certains se servent de cette plainte à des fins politiques : M. Abdel Wahab Hani se sert de cette plainte déposée et classée en 48 heures comme un fond de commerce politique afin de se laver de tous les soupçons réels qui pèsent sur ses positions politiques en faveur de Ben Ali et de son régime durant la révolution tunisienne.
Source: « Le Post.fr » Le 24-10-2011
http://www.lepost.fr/article/2011/10/24/2621512_tunisie-plainte-en-suisse-contre-abdallah-kallel-la-manipulation-de-l-opinion-tunisienne.html