24 août 2006

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TUNISNEWS
7 ème année, N° 2285 du 24.08.2006

 archives : www.tunisnews.net


Seattle Post-Intelligencer: Injustice lingers in Tunisia for women

Crise de la LTDH – Dossier – Interviews et publiées par le quotidien « Le Temps » au courant de ce mois d’août 2006

Le Temps : L’assassinat de Salah Ben Youssef : Un mystère enterré avec lui ?

 
 

Cliquez ici pour accéder au reportage exceptionnel de l’AISPP sur la catastrophe humanitaire des prisonniers politiques Tunisiens 


 

Injustice lingers in Tunisia for women

By BOUAZZA BEN BOUAZZA ASSOCIATED PRESS WRITER
TUNIS, Tunisia — In a country praised as a standard-bearer of women’s rights in the Muslim world, Basma Hammami says the women in her family have been victims of lingering injustice. Her maternal grandfather, a wealthy landowner, left his entire estate to his only son at the expense of six daughters. He did not want the land going to heirs who would not carry on the family name, the 33-year-old Hammami said. As Tunisia celebrates the 50th anniversary this month of a revolutionary law that gave women some of the same rights as men, many women’s rights advocates warn that the 1956 text needs urgent updating, especially on inheritance law. “Enormous things have been achieved, but it would be unrealistic to consider the work completed,” said Sana Ben Achour, a law professor at the University of Tunis and president of the Tunisian Association of Women Democrats, which organized a seminar to mark the anniversary. By abolishing polygamy, giving women the right to divorce their husbands and prohibiting brides to marry before age 17, the Code of Personal Status is widely credited with making Tunisian women among the most liberated in the Muslim world. The law was among the first measures adopted by Tunisia’s first president, Habib Bourguiba, following independence from France in 1956, and it set Tunisia on a progressive path. In 1965, Tunisia became the first largely Muslim country to liberalize its policies on abortion, according to the U.N., and by 1973, Tunisian women were granted the right to abort in the first three months of pregnancy. By contrast, abortion was not authorized in France until 1975. Today, 99 percent of girls in the North African nation attend school, up from 33 percent in 1956, and women are strongly represented in national and local politics, the judiciary, academia, law, medicine, the media and big business. Although Tunisia is often criticized for clamping down on human rights such a free press and political dissent, it won some of the highest marks in an October survey of women’s rights in the Arab world by the Washington-based Freedom House, an advocacy group for spreading democracy. It has also inspired activists and lawmakers in countries such as Egypt and Morocco to call for similar empowerment of women. In 2004, Morocco passed a new family code that, like Tunisia’s, significantly expands women’s rights. However, women’s groups say Tunisia must still revamp its inheritance law, which favors male heirs by stipulating they receive twice as much as females, in accordance with Islamic Shariah law, unless a will specifies exactly how a parent’s estate is to be divided among children. The 1956 code “is not written in stone, and the legislature is still trying to make it evolve through small steps,” said Tunisian jurist Ridha Khamekham. One such stop-gap measure was the passing several years ago of a law allowing married couples to hold property jointly, giving women more control over a family’s assets – and potentially who would inherit them. Traditionally, husbands have tended to enjoy a monopoly of ownership over common goods like a couple’s house and savings. The government, which has not responded specifically to calls this month for inheritance reform, argues that any radical, quick changes could bring instability and reform should take place over time. But for some families, small steps are not enough. Khadija Cherif, president of the Tunisian Association for Women’s Rights, said her group is working on some 60 cases of couples trying to bypass the inheritance law by writing their own wills. Hammami’s parents, for example, have drafted a will that ensures they will share their wealth equally among their five children when they die. For Hammami, the stakes are high. She is jobless despite a university degree, and she wonders if inheritance money from her grandfather might have given her a brighter future, perhaps by giving her the chance to further her education even more. She said it was “a great injustice, because my mother and her sisters were deprived even of the small parts that would rightfully come to them according to Shariah.”
 
(Source: SEATTLE POST-INTELLIGENCER Wednesday, August 23, 2006 · Last updated 12:33 a.m. PT) http://seattlepi.nwsource.com/national/1105AP_Tunisia_Womens_Rights.html  


LA CRISE DE LA LTDH – Dossier

TUNISNEWS a rassemblé pour ses lecteurs les 5 interviews réalisées par M. Néjib Sassi et publiées par le quotidien « Le Temps » au courant de ce mois d’août 2006 avec des personnalités liées à ce dossier.     LA CRISE DE LA LTDH – Dossier

Crise au sein de la Ligue Tunisienne de Défense des Droits de l’Homme Me Abderrahmane Kraïem ex-vice-président de la Ligue et président de la commission des libertés

“Un dialogue réel doit être engagé entre toutes les parties concernées”

 

Les initiatives se multiplient, ces derniers jours pour essayer de trouver une solution à la crise que traverse la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme (LTDH) qui, suite à un recours en justice n’arrive pas à tenir son 6ème congrès ni à fonctionner normalement.   Après les interviews du Dr Saadeddine Zmerli ex-président de la Ligue (Le Temps du 5 août 2006) de Dr Hamouda Ben Slama ex-secrétaire général (le Temps du 10 août) de Me Taoufik Bouderbala ex-président (le Temps du 16 août 2006) de Dr Ali Menjour ex-président de la section de Radès de la Ligue, aujourd’hui notre invité est Me Abderrahmane Kraïem ex-vice président de la ligue et actuel président de la commission des libertés.   Me Kraïem est aussi l’initiateur de l’appel des 108 lancé le 21 juin 2006 qui a appelé au dialogue pour sortir de la crise. Interview.     Le Temps : Quelles sont, d’après-vous, les causes de cette crise ?   Me Abderrahmane Kraïem : Il s’agit en réalité de deux crises qu’a connues la Ligue. Une première qui a surgi quelques jours après la tenue du 5ème congrès, le 29 octobre 2000. Une action judiciaire a été intentée afin d’annuler les résultats de ce congrès. Les militants de la Ligue étaient unanimes à défendre la tenue légale de ce congrès. Nous avons défendu au tribunal, comme ailleurs la légalité du Comité directeur élu démocratiquement. Cette première crise a, sans doute, laissé des séquelles. Mais elle a aussi consolidé le soutien des adhérents de la Ligue à leurs structures. Elle a consolidé aussi un attachement, sans égal, à la mission de la Ligue. La deuxième s’est déclenchée suite à la décision du comité directeur de restructurer des sections en fusionnant quelques-unes. Ce qui a entraîné la réduction du nombre des sections de 41 à 24. Ce qui a été à l’origine d’une très grande divergence au sein de la ligue.     • Le comité directeur dit que la restructuration a été recommandée par le 5ème congrès et approuvée par le conseil national. Et le comité directeur, en créant des sections et en fusionnant d’autres n’a, selon lui, fait qu’appliquer les décisions du Conseil national ? L’appel des 108 s’oriente vers l’avenir vers la conciliation de la Ligue avec son environnement et son entourage. C’est pour cette raison que je m’abstiens de me  fixer sur les détails juridiques sur l’analyse du contenu des résolutions du 5ème congrès, sur la nature consultative du Conseil national, sur l’obligation d’un amendement des textes pour pouvoir envisager la réforme structurelle. Je dirai simplement que l’article 4 du règlement intérieur est rédigé dans un esprit orienté vers la création et l’expansion et non vers la suppression des sections ou leur fusion. Je dirais aussi que malgré la situation de crise déclenchée par la décision de fusion nos amis membres du Comité directeur légalistes et militants au sein de la Ligue, depuis des décennies, trouveront de par leur expérience, leur respect de la légalité la solution la plus adéquate pour rétablir l’équité, réclamée par tous les militants signataires de l’appel et les autres et ce, en se référant aux statuts de la Ligue, à sa charte et à son règlement intérieur et au crédit démocratique de notre association. Une résolution équitable, qui mettra fin à la crise, sera un acte courageux et de responsabilité qui ne peut être qu’apprécié à sa juste valeur.     • L’accord conclu avec l’Union Européenne afin de financer les loyers des locaux des sections et la formation spécialisée des militants. Quels que soient les arguments avancés. Cette fusion est contraire aux statuts, au règlement intérieur et à la mission humanitaire et patriotique de la Ligue. Le comité directeur peut créer des sections, mais il ne peut pas en fusionner.     • Parlons de la réaction des sections fusionnées Certaines sections ont choisi le recours en justice , seule la section de Bab Bhar a fait recours devant les instances de la Ligue. Bien que le recours en justice est un recours constitutionnel, je suis tout simplement contre tout recours judiciaire, quand il s’agit de différends entre adhérents et associations. Le recours à la justice s’il est un droit fondamental des citoyens pour les litiges les opposants entre eux ou avec l’administration, il est autrement lorsqu’il s’agit de conflits d’orientation où de conflits se référant aux statuts ou au règlement intérieur d’une association. Dans ce dernier cas, les instances de l’association sont les seules habilitées à régler le conflit. L’esprit démocratique et l’action associative érigent de nouveaux règlements du conflit afin de rendre les décisions des instances structurelles plus crédibles et de ce fait volontairement exécutées et acceptées.     • Qu’elle est la solution, d’après-vous, pour sortir de la crise ? La condition fondamentale pour sortir de la crise est de commencer par la cerner. C’est pour cette raison que l’appel des adhérents lancé le 21 juin dernier s’est adressé aux militants afin de briser le mur du silence et de débattre des causes de la crise. Ce même appel s’adresse au comité directeur afin de consolider les pratiques démocratiques, réviser au besoin les décisions et écouter la voix des adhérents. Aux fondateurs de la Ligue et à ses anciens, l’appel leur demande d’assumer avec responsabilité leur ralliement au choix national et militant. Aux pouvoirs publics, l’appel demande de faciliter la tâche de la Ligue pour accomplir et assurer le succès de son 6ème congrès.     • Mais qu’elles en sont les mesures pratiques et concrètes pour arriver à une solution ? Je considère qu’il est primordial d’éliminer la source de la crise. A savoir agir en parallèle pour le retrait de toutes les affaires en justice et la non exécution de tous les jugements déjà rendus et appelle le comité directeur à se référer, dans le cadre d’une nouvelle orientation de préparation du 6ème congrès aux statuts de la Ligue, à son règlement intérieur et à sa charte.     • Autrement dit vous appelez le comité directeur à remettre en question la fusion de certaines sections ? Je pense que toutes les solutions de nature à faciliter un arrangement accepté et cautionné par tous et qui n’est pas en contradiction avec les constantes de la Ligue sont les bienvenues. Et s’il s’avère que le retour à la situation initiale des 41 sections est de nature à résoudre la crise, je pense que l’intérêt de la Ligue prévaut sur tout autre projet quelque soit sa nature. Il n’en reste pas moins que la fusion des sections serait légale si elle est acceptée par les adhérents concernés. En un mot les solutions ne manquent pas si la volonté existe et je pense que du fait de l’orientation militante du Comité directeur et de tous ceux qui voient dans la Ligue un acquis national, la solution est possible et j’espère que la tenue du 6ème congrès soit imminente.     • Mais pratiquement quelle est la solution envisageable ? Il ne peut pas y avoir de scénarios prédéfinis. Il n’en reste pas moins que certains principes doivent prévaloir. A savoir : la reconnaissance par tous de la légalité du comité directeur seule structure habilitée à assurer la réalisation légale du 6ème congrès : le retrait de toutes les affaires en cours, devant la justice qui doit aller de pair avec l’analyse du Comité directeur de l’impact de sa décision de fusion des sections. Le Comité directeur doit maintenir la fusion dans les sections qui l’ont accepté sans réserve. A l’égard des cas litigieux un dialogue réel doit être engagé avec ces sections. Et afin d’arriver au compromis, la discussion doit être facilitée par l’assistance d’un comité de sages restreint composé uniquement par les anciens présidents de la Ligue, et au besoin assistée par des anciens membres du Comité directeur étant donné que seuls les anciens dirigeants de la Ligue sont habilités à gérer les particularités de celle-ci.     • Mais en cas d’échec de ces démarches ? Tout en étant optimiste, pour dire qu’une solution consensuelle peut voir le jour, il n’en reste pas moins qu’en cas d’échec, le règlement du conflit se fera sur la base de l’application des statuts et du règlement intérieur tel que amendés par le 3e et le 4ème congrès ainsi que sur la base de la pratique associative suivie pour la réalisation des congrès. Ce qui importe c’est que cette crise ne doit pas rester un obstacle indéfiniment. Elle doit être gérée selon les valeurs auxquelles nous croyons, dans le cadre de l’indépendance de la Ligue et en dehors de toute ingérence et dans un but de respect de son autonomie, son militantisme et son refus de toute exclusion, afin que la Ligue puisse retrouver son rayonnement et rester, à jamais, l’acquis national le groupement de tous les défenseurs des droits de l’Homme dévoués pour la lutte contre les dépassements et la consolidation de l’Etat de droit.   Interview réalisée par Néjib SASSI   (Source : « Le Temps » (Tunisie), le 21 août 2006)  

Crise de la Ligue Tunisienne de Défense des Droits de l’Homme (LTDH)  Dr Ali Manjour, ex-président de la section de Radès:

“Le consensus pour s’en sortir”

 

 Les initiatives se multiplient pour essayer de trouver une solution à la crise qui secoue la Ligue Tunisienne de Défense des Droits de l’Homme (LTDH) qui, suite à un recours en justice, introduit par des présidents de sections, qui reprochent au comité directeur de la Ligue la fusion de certaines sections, n’a pu tenir son 6ème congrès ni poursuivre ses activités normalement.   Pour en savoir plus sur les dessous de cette crise et la possibilité d’en trouver une issue nous avions donné la parole au Dr Saadeddine Zmerli ex-président de la Ligue et président du comité des bons offices (le Temps du 5 août 2006) au Dr Hammouda Ben Slama ex-secrétaire général de la Ligue, qui n’a pas signé la pétition qui appelle au dialogue contrairement à ce que nous avions écrit précédemment, nous a-t-il précisé en soulignant qu’il soutient pleinement l’appel lancé par les signataires de cette pétition. (voir Le Temps du 10 août 2006) à Me Taoufik Bouderbala ex-président de la Ligue (voir Le Temps du 16 août 2006). Aujourd’hui notre invité est le Dr Ali Menjour fondateur en 1982 de la section de Radès de la Ligue, la première de la LTDH dans la banlieue sud de la capitale et ex-président de cette section de 1983 à 1993. Au cours de notre rencontre M. Menjour a évoqué l’authenticité de la ville de Radès “C’est une ville politisée elle a abrité des personnalités politiques et de grandes figures syndicales notamment feu Farhat Hached, avant et après l’indépendance” a-t-il souligné. Interview.     Le Temps : Quelles sont, d’après vous, les causes, qui sont à l’origine de la crise que traverse actuellement la Ligue ?     Dr Ali Menjour : Le problème actuel est dû à un blocage. Le comité directeur de la Ligue veut tenir le 6ème congrès. Mais des présidents de sections ont porté plainte contre la tenue de ce congrès. Ils reprochent au comité directeur la dissolution de certaines sections.     • Non le comité directeur dit qu’il a procédé à la fusion de certaines sections parce que le nombre de leurs adhérents a sensiblement baissé ? Je vais vous donner l’exemple de la section de Radès, vous allez comprendre qu’au fait ce n’est pas une fusion c’est une opération de pure exclusion. La section de Radès a été fusionnée avec celle de Hammam-Lif. L’argument principal du comité directeur est le manque d’adhérents. Mais je considère que faire croire aux uns et aux autres que dans les années 80 il y avait plus de 50 adhérents à la section de Radès et qu’actuellement, je ne connais pas le nombre exact, mais c’est sûr qu’il est au-dessous du quorum, ceci est une insulte à la ville de Radès qui est connue comme une ville très politisée.     • Justement quelles en sont les causes ? La réalité est que l’adhésion à la Ligue est loin d’être un simple abonnement aux chemins de fer. L’adhésion à la Ligue comme l’adhésion à toutes les associations n’est pas tenue par un délai fixe. Une fois  que le comité directeur décide le renouvellement des cartes d’adhésion les responsables des sections se chargent d’informer les adhérents. Ce qui s’est passé c’est que les responsables de certaines sections n’ont pas informé les adhérents. Je vous cite l’exemple de Radès. Des adhérents de cette section n’ont pas été informés du renouvellement des cartes. En voici quelques noms : Bourguiba Ben Rejeb, Mustapha Filali et Abderrazak Hdhili, qui sont des membres du comité directeur. Moi-même j’ai payé le prix de la carte d’adhésion mais je ne l’ai pas reçue.     • Quel est l’objectif visé ? C’est une question de sensibilités culturelles et politiques, c’est une manière, de la part de certains membres du comité directeur, d’exclure et d’affaiblir les sections qui ne partagent pas leurs idées. Actuellement une certaine gauche contrôle la Ligue et malheureusement elle est loin d’appliquer le consensus qui a permis à la Ligue de s’épanouir et de rayonner dans les années 80. Le consensus exige la présence de toutes les sensibilités au comité directeur y compris celle du parti au pouvoir. Ce consensus a évité à la Ligue une implosion au cours de l’été 1985 lors de la discussion sur la charte de la Ligue. Aujourd’hui le manque de consensus est la cause principale de la crise. Et la fusion des sections entre dans ce cadre d’exclusion des autres sensibilités.     • Quelle est à votre avis la solution pour sortir de la crise ? A mon avis il faut que tous ceux, quelles que soient leurs opinions, qui ont signé la pétition et ceux qui veulent rejoindre les gens de bonne foi pour discuter de l’avenir de la Ligue se manifestent. Il faut qu’il n’y ait aucune exclusion. Ils organisent ainsi une sorte de congrès, avant le congrès, pour débattre de la pierre angulaire de l’édifice qui est l’adhésion à la Ligue. S’il s’avère réellement que certaines sections n’ont pas le quorum la fusion serait ainsi acceptée. La 2ème chose, il faut  que la composition du comité directeur soit l’émanation d’un consensus. Pour cela il faut que les anciens de la Ligue oublient tous les calculs de sensibilités et évitent les accusations inutiles. Ce que je crains. Je crains que les anciens de la Ligue, qui se connaissent trop, se jettent des accusations. Mon plus ardent souhait est de voir le consensus des années 80 réapparaître et même si je ne me vois plus, pour des raisons purement professionnelles, actif parmi les anciens camarades de la Ligue, ceci me rejouit énormément de voir que ce monument est encore solide. Ce sera une fierté pour tout Tunisien.   Interview réalisée par Néjib SASSI   (Source : « Le Temps » (Tunisie), le 19 août 2006)

La Crise de la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme Me Taoufik Bouderbala ex-président de la Ligue :

“Pour un dialogue fructueux avec les pouvoirs publics”

 

  La crise au sein de la Ligue Tunisienne de défense des droits de l’Homme (LTDH) perdure et le fonctionnement de ses structures est bloqué une action en justice introduite par des présidents de sections reprochant au comité directeur de la Ligue la fusion de certaines sections, a empêché la ligue de tenir son 6ème congrès prévu pour le mois de septembre dernier.     Depuis, plusieurs tentatives pour trouver une solution à la crise n’ont pas abouti notamment celle de la commission de bons offices. Dernièrement une pétition qui a recueilli plus de 100 signatures des militants à appeler à un dialogue constructif pour sortir de la crise. Pour en savoir plus nous avons donné la parole au Dr Saâdedine Zmerli président de la commission des bons offices et ex-président de la Ligue (le Temps du 5 août 2006) et au docteur Hamouda Ben Slama ex-secrétaire général de la Ligue et signataire de la pétition en question (le Temps du 10 août 2006). Aujourd’hui notre invité est Me Taoufik Bouderbala ex-président de la Ligue et membre de la commission des bons offices. Interview.   Le Temps : Quelles sont d’après vous les causes de cette crise ?     Me Taoufik Bouderbala : Je pense qu’il y a des causes internes liées à la gestion de la Ligue. Les différends comités directeurs qui se sont succédé à la tête de la Ligue depuis 1985 ont hérité d’un certain nombre de problèmes d’origine endogènes et exogènes et n’ont pas eu le temps d’initier un travail de reflexion pour trouver des réponses aux différentes mutations qu’a  connues le pays durant toute cette période. Mais des raisons externes ont aussi facilité et entretenu les différends. Je pense que ce n’est pas le moment de pointer les responsabilités car ce qui est urgent c’est d’initier un dialogue généralisé entre toutes les composantes de “la crise”. A savoir un dialogue des militants avec le comité directeur et un dialogue du comité directeur avec les pouvoirs publics. Il est à rappeler que toutes les crises qu’a connues la Ligue ont été résolues après un dialogue fructueux avec les pouvoirs publics.
• Qu’entendez-vous par militants ? Ce sont ceux qui ne partagent pas le point de vue du Comité directeur au sujet des décisions concernant la restructuration des sections et qui ont fait appel aux tribunaux et ceux qui ont préféré utiliser les structures et ont appelé à un dialogue approfondi avec le comité directeur. Ce sont les signataires de la dernière pétition.
• Et en ce qui concerne la commission des bons offices ? Quel rôle peut-elle jouer ? Vous savez qu’une commission de bons offices comprenant des anciens responsables du comité directeur (trois anciens présidents, un ancien membre du comité directeur, un ancien ministre, un ancien ambassadeur et un ancien doyen de faculté) s’est formé à  la demande du comité directeur et des sections qui ont maintenu leurs recours en justice. Après plusieurs réunions, la commission, qui n’est pas une commission d’arbitrage a fait parvenir des propositions. Mais elle n’a reçu jusqu’à présent de réponses que du comité directeur. Cette réponse était positive. N’ayant pas reçu de réponse des autres parties, la commission a fait savoir que ses propositions “demeurent valables tenant compte des positions en présence et de la nécessité de régler ce différend dans le cadre des structures de la ligue”. C’est pour cela que nous pensions que nous sommes encore concernés par la recherche d’une solution et que nous sommes encore disponibles à faciliter la recherche d’une solution.
• D’après vous quelle sorte de solution ? Je ne peux pas vous dire quelles seraient les solutions parce que l’essentiel c’est l’amorce du dialogue et c’est à l’issue de ce dialogue que les solutions vont apparaître et qu’il faudra en accepter les conséquences par toutes les parties. Mais il faut réunir les conditions de succès pour ce dialogue c’est-à-dire lever les obstacles qui existent encore. A savoir le recours à la justice et œuvrer à faciliter le fonctionnement des structures de la ligue ce ne sont pas des conditions préalables mais des conditions de réussite de la réconciliation.
• Et si aucune solution n’est trouvée ? Si aucune solution n’émerge du dialogue qui doit commencer sans tarder, il serait alors peut-être nécessaire de mettre sur pied une commission d’arbitrage acceptée par tous et dont les décisions seraient obligatoires pour permettre la tenue du 6ème congrès qui poursuivrait les discussions et adopterait les résolutions que tout le monde attend parce que “Les bonnes causes” ont besoin de mots simples mais justes.   Interview réalisée par Néjib SASSI   (Source : « Le Temps » (Tunisie), le 16 août 2006)

Crise au sein de la Ligue Tunisienne des droits de l’Homme – Dr. Hamouda Ben Slama , fondateur, ancien Secrétaire Général de la Ligue et ancien ministre, au « Temps »

« Pour que la ligue retrouve ses valeurs et traditions de tolérance et modération propres à sa ligne originelle»

 

La Ligue Tunisienne de Défense des Droits de l’Homme traverse une crise grave. Elle n’a pas pu tenir son 6ème congrès. Une plainte a été déposée par des présidents de sections contre le Comité directeur de la ligue lui reprochant la fusion de certaines sections et appelant la justice à annuler la tenue du congrès. Depuis, la crise perdure.   Après l’initiative prise  par la commission  de bons offices composée d’anciens  présidents  de la Ligue et   de personnalités  indépendantes pour débloquer la crise en avançant des propositions qui ont été acceptées par le comité directeur   mais pas par les plaignants, voilà que des adhérents  de la Ligue ont fait il y a quelques  jours, circuler une pétition  pour renouer  le dialogue et trouver une solution à la crise  et permettre à la Ligue  un bon fonctionnement.   Pour en savoir  plus sur les   dessous de cette crise, nous   avions donné  la parole  (voir le Temps du 5 août 2006) à  Dr. Saâdeddine Zmerli, premier président  de la Ligue. Aujourd’hui notre invité est Dr. Hammouda Ben  Slama  l’un des fondateurs de la Ligue. Interview.  
LeTemps : Vous êtes l’un des fondateurs de La Ligue mais depuis quelques années vous vous en êtes éloigné. Quelles sont les raisons de ce regain d’attention ?   Dr. Hamouda Ben Slama   Après avoir été en toute première ligne dans les instances dirigeantes de la Ligue durant le 1er tiers de son existence, je me suis mis par la suite volontairement en retrait et j’évite depuis une bonne vingtaine d’années d’interférer en quoi que ce soit dans ses affaires, bien que d’autres crises antérieures et l’apparition d’une certaine dérive touchant à sa vocation originelle auraient pu légitimement m’autoriser à le faire .   Je ne l’ai pas fait parce que j’estime d’abord qu’il faut savoir passer la main à temps dans ce type d’entreprise associative à des générations plus jeunes et plus motivées, mais aussi parce que je n’aime pas y jouer les pères fondateurs.   Depuis, et malheureusement, d’autres personnes qui ne sont ni pères ni fondateurs s’y sont érigées en tuteurs à vie et y pratiquent un dirigisme dépassé et un paternalisme éculé… attitude en grande partie à l’origine des crises qui affectent la Ligue depuis des années.  
En disant cela je tiens à faire la part des choses et à rendre l’hommage qui leur convient aux pionniers du mouvement droits de l’homme dans notre pays, à ses promoteurs, ses fondateurs, à la plupart de ses anciens dirigeants ainsi qu’aux générations successives des adhérents et militants de la Ligue qui ont toujours su y être en phase avec ses objectifs et ses principes et ce, depuis 1975 (oui je dis bien 1975 parce qu’il nous a fallu oeuvrer dur pendant deux ans pour que son visa soit accordé à la Ligue en mai 1977).   Je tiens, et cela ne diminue en rien le mérite des autres, à citer tout de même quelques noms qui restent liés à cette belle aventure : Si Hassib Ben Ammar le véritable père de la Ligue, le regretté Zouhair Essafi qui devait en être le 1er président, Saadoun Zmerli qui en fut un bon président fondateur…    Parlons de la  crise de la Ligue  .Quelles les causes et qu’en pensez-vous de la dernière initiative prise pour amorcer le dialogue ?    La position de retrait et de réserve que la plupart des anciens de la Ligue que nous sommes ont adoptée ne signifie pas que nous ne savons pas ou que nous ne suivons pas ce qui s’y passe ; la grave crise interne actuelle et le blocage du fonctionnement normal des instances de la Ligue nous préoccupent au plus haut degré.   A cet égard j’ai été dernièrement agréablement surpris par la qualité et l’ampleur de la récente initiative de l’appel de plus de 150 adhérents et militants de la Ligue et publié dans certains journaux locaux le mois dernier. Certains parmi les initiateurs de cet appel nous ont contacté, expliqué leurs motivations et sollicité notre appui et soutien à leur initiative. Quelques uns d’entre nous parmi les anciens de la Ligue se concertent actuellement à cet effet pour arrêter une position commune et constructive appropriée en réponse à cette sollicitation et pour faire utilement face à la gravité de la situation.   Cette concertation a tenu compte des tentatives louables qu’entreprennent depuis des mois des personnalités nationales proches de la Ligue dans le sens de la décrispation .   Dans ce contexte modérateur des contacts amicaux informels ont été engagés par quelques uns parmi nous, et à titre personnel et individuel, avec notamment Saadoun Zmerli, Taoufik Bouderbala, Abdellatif Fourati, Ahmed Ounaïes… ).   C’est dire que l’atmosphère n’est ni à l’ostracisme ou à l’anathème, encore moins aux dénigrements et procès de mauvaise intention que nous intentent déjà quelques ‘professionnels’ qui ne peuvent se résoudre à ce que les solutions et les tentatives positives puissent s’engager sans leur aval !   Ceci dit je n’adhère personnellement pas tout à fait à l’approche développée par mon ami et aîné Si Saadoun Zmerli lorsqu’il parle dans sa récente interview au ‘Temps’ de ‘conditions indispensables à l’instauration d’un dialogue dans les instances de la LTDH’ tel que le retrait des plaintes introduites en justice : commencer à mettre des conditions préalables c’est déjà risquer de compromettre l’amorce d’un dialogue positif et d’un débat serein ; laissons plutôt la possibilité ouverte à un tel dialogue d’aboutir à un accord global satisfaisant et qui pourrait répondre favorablement dans l’un de ses points au contenu des conditions exprimées !   Pour en revenir à l’initiative de l’appel des 150, je me sens d’ores et déjà suffisamment concerné et interpellé par la qualité, la haute tenue et le ton responsable de cet appel pour exprimer ici mon soutien à cette initiative dont les motivations me semblent claires : privilégier le recours aux solutions institutionnelles au sein des instances légales de la Ligue en cas de conflits et de crises internes ; appeler à un meilleur respect des statuts et règlement intérieur de la Ligue en accord avec les principes, valeurs et traditions de tolérance et de modération propres à la ligne originelle et fondatrice de la Ligue ; éviter toute tentation de marginalisation et d’exclusion ; jouer la transparence et être vigilant à l’égard de toute dépendance de quelque nature que ce soit vis-à-vis de milieux étrangers officiels ; appeler au dialogue intra associatif ; réaffirmer le choix fondamental d’une Ligue patriotique et militante ; etc…   J’ai lu, retrouvé et apprécié tout cela dans cet appel ; comment pourrais-je ne pas y adhérer puisque j’y retrouve cet esprit fondateur originel, conciliateur, légaliste et positif de notre Ligue ?!   Ces militants et adhérents (ainsi d’ailleurs que beaucoup d’autres qui ne sont pas signataires) veulent sauver et préserver leur Ligue. Je dis bien leur Ligue car elle leur appartient aujourd’hui  plus qu’à nous; aidons les, s’ils nous le demandent, à le faire ; et dans tous les cas laissons les y travailler librement sans tutelle ni paternalisme; ils en ont les moyens et une légitime ambition …   Vous êtes l’un des fondateurs quelles sont selon vous la véritable vocation de la ligue et la nature de ses relations avec les autorités ?   Parler de ces relations c’est enfoncer des portes ouvertes : il faut bien sûr que les relations entre une telle association et les pouvoirs publics existent et qu’elles soient normales .   Sinon comment voulez-vous régler des questions et problèmes individuels et collectifs relatifs aux droits des citoyens et des groupes si les ponts sont coupés entre les deux parties ou si un minimum de confiance et de considération réciproques fait défaut . Le Dr. Zmerli a raison de conclure son interview citée plus haut en affirmant que ‘ le dialogue entre les autorités et la Ligue est indispensable pour dissiper les malentendus et tracer le chemin de l’avenir ‘ .   A cet effet la logique de confrontation, que certains maximalistes prônent comme si la Ligue est un parti politique d’opposition, est à reconsidérer. Il conviendrait à mon avis de réhabiliter la concertation et la modération – qui n’exclut pas la fermeté – dans le comportement des dirigeants de la Ligue à l’égard des pouvoirs publics . Ceci ne peut se faire que si la composition des instances dirigeantes de la Ligue ( comité directeur et sections ) arrive à refléter un réel équilibre des tendances et des sensibilités propre à assurer cette démarche tolérante et consensuelle.   Serais-je taxé de nostalgique si je rappelle que tel était notre Ligue durant les dix premières années de son existence ?!   Le mouvement politique qui avait initié au milieu des années 70 l’émergence de cette Ligue s’était bien gardé d’en faire un appendice de ses structures . Il ne faut pas oublier que nous étions en plein régime du parti unique et le parti politique qui MDS n’a eu son visa que 6 ans après le visa de la Ligue . Et pourtant les dirigeants de ce mouvement ont eu la sagesse de ne pas s’approprier et embrigader la Ligue qui a pu devenir un espace unique de dialogue et de la tolérance et réaliser les acquis qui font à ce jour la fierté de plusieurs générations de tunisiennes et de tunisiens .   Telle fut la vocation, sage, modérée et légaliste, voulue par ses promoteurs et fondateurs pour la LTDH.   Serait-ce utopique et illégitime d’espérer et d’appeler à un recentrage et un repositionnement de la Ligue pour qu’elle retrouve son profil originel fondateur ?!      Mais la crise ne date pas d’aujourd’hui ?    Notre silence quant à la LTDH n’équivaut pas toujours à une approbation.   Devant tant de désinformation et d’usurpation de légitimité, est arrivé le moment de rappeler qui est qui et qui a fait quoi : un travail de mémoire, de témoignages et d’information est à entreprendre au plus tôt pour que les ‘faiseurs d’histoires’ ne continuent pas impunément à s’approprier ce qui ne revient qu’à la véritable Histoire de cette Ligue, du moins au niveau de son émergence et de la première phase (la plus délicate) de son existence.   Nous pensons pouvoir le faire et devons le faire .    J’ai tenu à garder à mon propos la tenue et la retenue qui conviennent à la gravité de la situation et à l’esprit de responsabilité qui anime, et malgré les divergences et les différences d’appréciation, la plupart des parties concernées par cette crise de la LTDH . Si la décrispation s’opère se serait tant mieux. Sinon nous aurions au moins le mérite d’avoir tenté de le faire !    Par contre j’aimerais rappeler amicalement, mais fermement, à certains, qui ne me reconnaissent que la qualité d’ancien ministre pour me dénier de fait le droit de prendre des initiatives propres à sauver la Ligue ( comme si les autres personnalités qu’il encense par ailleurs n’ont pas eu comme moi l’honneur d’assumer de hautes charges similaires au sein de l’Etat ), qu’ils ne doivent pas oublier ce qu’ils nous doivent, nous les véritables promoteurs de cette entreprise, pour les avoir, en dépit et en dépassement de nos divergences politiques,   Efficacement aidé à intégrer la Ligue (et d’emblée dans ses instances dirigeantes)malgré beaucoup de difficultés et de réticences    Le mot pour conclure ?   je suis gêné de parler de ces questions, aussi importantes soient-elles, alors que le plus important est cette guerre américano-israélienne qui tue des droits autrement plus sacrés : l’enfance et l’innocence en Palestine et au Liban   Il me revient de dire à ce propos que le premier communiqué de la LTDH publié immédiatement après l’obtention de son visa en mai 1977 fut de condamner l’apartheid en Afrique du Sud suite à des massacres racistes perpétrés à cette époque.     Interview réalisée par : Néjib Sassi   (Source : « Le Temps » (Tunisie), le 10 août 2006)

Crise à la Ligue tunisienne de défense des Droits de l’Homme – Dr. Saâdeddine Zmerli, ex-président de la Ligue et ancien ministre de la Santé (1988-1989)

« Le dialogue est indispensable pour lever les malentendus »

 
  La Ligue Tunisienne de défense des Droits de l’Homme (LTDH) traverse, aujourd’hui, une crise grave. Elle n’a pas pu tenir son 6ème congrès prévu pour le mois de septembre dernier. Des présidents de sections ont introduit des recours en justice contre le Comité directeur de la Ligue lui reprochant la fusion de certaines sections et demandant au tribunal l’annulation de la tenue de son congrès.    Depuis, la crise perdure et la ligue ne fonctionne plus normalement. Une pétition circule en ce moment parmi les adhérents de la LTHD pour la reprise  du dialogue  entre les différentes parties concernées par la crise. Auparavant, une commission de bons offices composée d’anciens présidents  de la Ligue  et de personnalités indépendantes a été créée  pour trouver une issue à cette crise et préserver les intérêts de la Ligue. Nous avons, à cet effet, invité le président de  ce Comité, le docteur Saâdeddine Zmerli, pour en savoir plus. Interview.   •Le Temps : Quelles sont les causes de cette crise ?   -Dr. Saâdeddine Zmerli : la crise  a pris la forme, aujourd’hui,  d’un procès intenté à la Ligue par 22  de ses adhérents en prenant   pour prétexte   la fusion  de certaines sections. La fusion  de quelques sections avait été décidée par le  Comité directeur, agréée par le Conseil national et contestée par certains. En réalité, la crise  a commencé en 2000, après la tenue du 5ème congrès de la LTDH après la première  plainte instruite en justice contre  le Comité directeur élu par le congrès et depuis plus de 30 procès lui ont  été intentés.   Ces procès ont commencé  bien avant la fusion de certaines sections. Le recours à la justice pour régler des différends internes n’a jamais   eu lieu pendant les 22 années  de la vie de la Ligue.   C’est une manifestation nouvelle,  grave et  paradoxale dans la vie associative et  notamment  dans une association de défense des droits de l’Homme.   •Il y a des pétitions qui circulent  pour la reprise du dialogue entre les différentes parties concernées. Qu’en pensez-vous ?   -J’ai lu celle parue sur les colonnes d’Essabah du 4 juillet. Je n’ai pas compris ses motivations.  Elle prône le dialogue sans préciser les conditions de sa réussite. Elle ne fait aucune référence aux propositions de la première initiative du mois  de mars 2006, celle de la commission des bons offices.    Quelles sont ces propositions ?   La commission des bons offices  composée de moi-même, de MM. Taoufik Bouderbala, ancien président de la Ligue, Mohamed  Charfi, ancien  président de la Ligue, Mohamed Naceur, ancien ministre et d’Ahmed Ouneïs, ancien ambassadeur, a fait par écrit des propositions concrètes.  Je vous en  transmets le texte à toutes fins utiles car il n’a jamais fait l’objet d’une publication dans un quotidien.   Le comité directeur  a répondu favorablement à ces propositions, mais on attend  toujours la réponse   des plaignants. Voici un résumé de nos propositions : Le retrait des plaintes introduites en justice  et la levée des entraves  au fonctionnement de la Ligue et de ses actions.   •D’après vous, ces conditions sont nécessaires pour assainir la situation ?   -Ces deux conditions  sont indispensables à l’instauration  d’un dialogue  dans les instances de la LTDH, seules habilitées à trancher tous les différends  et à la tenue du 6ème congrès qui pourrait  seul modifier le règlement interne et  les statuts de l’association s’il en était besoin.   En contre-partie,  nous avons pris nos responsabilités en tant qu’anciens présidents de la Ligue d’assurer aux plaignants le pouvoir de s’exprimer librement devant le congrès, nous nous sommes engagés  également à assurer un débat démocratique dans le respect mutuel pour que les propos diffamatoires  dont ont été malheureusement l’objet  le président de la Ligue et certains membres du comité directeur soient à jamais bannis  de  notre enceinte, enfin pour que la ligue reste  un acquis de tous les citoyens.   •Parlez-nous de votre expérience en tant que président de la Ligue.   -Pendant les douze années où j’ai présidé la Ligue, j’ai mis toutes mon énergie, pour qu’il y règne  un climat de confiance mutuelle au sein des débats, parfois, vifs mais toujours dans la plus grande franchise, j’ai fait en sorte qu’elle puisse s’épanouir. Par ailleurs,  pour le bon fonctionnement  de la LTDH, nous avons reçu des subventions sans que notre patriotisme n’ait été mis en cause à l’instar  de plusieurs ONG tunisiennes qui bénéficient actuellement de financements multilatéraux. Enfin, j’ai tenu à maintenir  un contact  régulier avec les pouvoirs  publics.  Aujourd’hui, le dialogue entre les autorités et la Ligue est indispensable pour dissiper les malentendus et tracer le chemin de l’avenir.   Interview réalisée par : Néjib SASSI   (Source : « Le Temps » (Tunisie), le 5 août 2006)

 

POLEMIQUE AUTOUR DE L’ASSASSINAT DE SALAH BEN YOUSSEF

 
  12 Août 1961 L’assassinat de Salah Ben Youssef : Un mystère enterré avec lui ?
 

Il y a quarante cinq ans, jour pour jour, le leader Salah Ben Youssef a été trouvé mort, balle dans la nuque, au matin du 12 août 1961, à l’hôtel « Royal » à Frankfurt, dans une chambre, qui a été occupée par des Tunisiens, ceux-là mêmes qu’il avait rencontrés quelques heures avant de trouver la mort.   L’assassin   était-il parmi eux ? Mystère  et boule de gomme. Car,  ceux qui  allaient le découvrir, gisant  dans son sang  ne s’étaient aperçus de rien au départ, si ce n’était sa femme, qui l’attendait depuis un moment dans un café non loin de cet hôtel, et qui était venue finalement pour s’enquérir des raisons  de son retard ; ce fut  de cette façon que celui qui était  monté dans la chambre pour l’appeler, avait découvert  le drame.   Quelques minutes auparavant, ceux qui étaient  avec lui dans la chambre avaient quitté l’hôtel  de la manière la plus  normale, afin de n’attirer l’attention  de personne parmi le personnel qui les avaient remarqués, sans se douter de rien.   Que faisait Ben Youssef en Allemagne ?   Il était là pour  des soins médicaux  et c’est ce qui  pouvait  expliquer  la présence de sa femme avec  lui. Cependant,    il avait quitté la Tunisie, suite à son différend  avec Bourguiba  qui avait atteint  son paroxysme,    lors du congrès  de  Sfax en 1955, où il avait décliné  l’invitation à y assister, qui lui fut adressée par le président du parti  du Néo Destour, Habib Bourguiba.   Celui-ci, ayant trouvé le champ libre  a incité les  congressistes à se désolidariser de  celui qu’il traita  d’ « élément perturbateur » qui appelait à l’émeute et qui appelait le peuple au soulèvement. Le point  de divergence  entre  ces deux leaders, qui avaient pourtant  la même formation  de juriste, qui combattaient pour un même but et qui  appartenaient à un même parti, tournait autour de la stratégie  de combat.   Alors que Bourguiba préconisait une politique qui consistait à procéder par étapes,  pour arriver  progressivement à ses fins, le leader  Ben Youssef était pour  la loi du tout  ou rien. Si bien qu’il s’était  opposé énergiquement  à ce que le gouvernement tunisien  accepte de négocier l’autonomie interne en tant  qu’étape   intermédiaire. Il considérait que c’était  un moyen pour la France de garder la main-mise sur le pays.   Même après  l’indépendance, Ben Youssef n’était   pas tout à fait convaincu que  la France avait  totalement donné main-levée à  la Tunisie pour qu’elle recouvre pleinement sa souveraineté. Par ailleurs, Salah BenYoussef était un défenseur acharné de  l’arabité  et de l’Islam. Alors que Bourguiba était un adepte de la laïcité.   C’était  un point de divergence de taille entre les deux leaders.   D’ailleurs, la plupart des meetings de Ben Youssef avaient été   tenus  dans les mosquées Ezzeïtouna ou Saheb Ettabaâ à Tunis, ou bien  dans celle  des Aghlabides  à Kairouan.   Le dernier en date fut  tenu en 1955 à la mosquée Ezzeïtouna, où  haranguant  une foule immense venue l’écouter, il expliquait  sa stratégie et dénonçait celle de Bourguiba qui, disait-il, « essayait  de trouver un compromis avec les Français  pour des raisons qui ne servent pas  la cause du pays ».   Quant à Bourguiba, il n’avait jamais prononcé de discours  à la mosquée Ezzeïtouna, lors de la période  de la lutte nationale et il avait quelque peu gelé l’Université Zeïtounienne, car il en voulait, en quelque sorte  à ceux parmi les Zeïtouniens, qui étaient conservateurs et n’étaient  pas d’accord avec  ses points de vue laïcisants.   Cela avait abouti, surtout   après que la Tunisie eût accédé à l’Indépendance, à des arrestations  de ceux qui soutenaient Salah Ben Youssef et qu’on avait appelés les Youssefistes. Ceux-ci ont été jugés par la  Haute Cour constituée ad hoc et qui  prit le nom de Cour populaire. Ben Youssef avait été, avec beaucoup d’autres, condamné à la peine  capitale, alors que certains autres étaient condamnés à de lourdes peines de prison.   Le pays était sous tension,  à cause de ce problème  du Youssefisme, alors qu’il venait à peine  de sortir d’une longue lutte contre le colonialisme.   Ben Youssef s’était  évadé,  bien avant   le procès,  pour aller en Libye  puis au Caire, où il demanda l’asile politique pour continuer à faire entendre sa voix.   A la période où il fut assassiné, le pays était en différend avec la France à cause de la base de Bizerte et une bataille eut lieu  le 22 juillet 1961, qui laissa beaucoup de morts et de blessés parmi les Tunisiens, qui toutefois se défendaient avec acharnement et témérité, ce qui avait permis  à Ben Youssef à lancer des critiques  acerbes contre la politique de Bourguiba.   Il fut assassiné mystérieusement quelques jours après. Plusieurs ont essayé d’élucider  cette énigme tels que Omar Khlifi dans son ouvrage « L’assassinat  de Salah Ben Youssef » en essayant de rassembler  des documents  et d’apporter certains  témoignages.   Cependant, d’autres versions viennent pour infirmer  certaines de ses affirmations tant en ce qui concerne les commanditaires  que les exécutants de ce meurtre.   Mais sur le fond, la plupart des témoignages s’accordent à dire que ce meurtre  est une  exécution détournée  du jugement  le condamnant à la peine capitale qui n’a  pu être  exécuté à Tunis. D’autres affirment  même que la France  y avait  contribué comme  dans l’affaire Ben Barka,   mais d’une façon moins flagrante.   D’autant plus que Ben Youssef était dans le collimateur depuis l’occupation allemande,  parce qu’il fut  soupçonné d’intelligence avec les Allemands, contre le  fait qu’il représentait la tendance rigide, parmi ceux qui militaient pour la libération de la Tunisie, tendance qui n’arrangeait  pas les Français, lesquels ne voulaient pas   lâcher prise  pour sauvegarder leurs intérêts.   Mais ce ne sont que des suppositions.   La vérité a, peut-être,  été enterrée avec ce leader, qui a milité avec courage et détermination  et qui a été pris de court dans ce traquenard, auquel il  ne s’était pas attendu, et   qui  ne méritait  d’avoir été aussi froidement abattu.   C’est   ce qui lui a valu la solennelle  reconnaissance de la Tunisie   grâce au Changement. Plus qu’une réhabilitation, c’est une vraie reconnaissance pour son militantisme.   Ahmed YOUNES    (Source : « Le Temps » du 12 août 2006)

On nous écrit au « Temps »
Nous avons reçu des précisions suivantes de M. Omar Khlifi, concernant notre article intitulé : « L’assassinat de Salah Ben Youssef, un mystère enterré avec lui ? »

Non il n’y a pas de mystère sur l’assassinat de Salah Ben Youssef

 

« Je viens de lire avec intérêt l’article de Si Ahmed Younès intitulé « L’assassinat  de Salah Ben Youssef un mystère enterré avec lui ? » (Le Temps du 12 août 2006). Comment pouvez-vous affirmer que cet assassinat n’a pas été élucidé, alors que toutes les péripéties, dans leur grande ligne, furent éventées publiquement à la télévision, par Bourguiba en personne. Non Ben Youssef n’a pas emporté dans la tombe  son secret. Les faits sont connus avec tous les tenants et les aboutissants de ce malheureux drame qui n’est que l’épilogue d’une lutte stratégique-politique claire dont la visibilité n’échappe à personne. Les principaux protagonistes, c’est-à-dire  les exécutants, eux-mêmes, sont encore vivants et se vantent dans les rues de Sousse de leur forfaiture. Les épisodes de ce crime odieux sont connus, mais c’est les détails, ainsi que les nouvelles  et très importantes révélations, en exclusivité, qui font la richesse de mon livre rédigé après  cinq années de recherches.   Ce livre que vous citez n’est qu’un jalon pour tenter de former le puzzle de cet affrontement entre Bourguiba et Ben Youssef en levant le voile sur ce drame resté vivace dans la mémoire populaire comme l’un des événements les plus sombres de notre histoire récente. Mon livre est basé uniquement sur des documents officiels édifiants de première main avec toutes les références adéquates  puisées dans les archives  aussi bien tunisiennes qu’étrangères (France et Allemagne) pour appuyer mon récit et analyse des événements.   Aussi faut-il rectifier votre assertion que Ben Youssef fut accusé de collaboration avec  les forces de l’axe ? Cette contre-vérité  mérite un rectificatif. En effet, le docteur Slimane Ben Slimane, qui pourtant n’appréciait pas Ben Youssef, fit une mise au point , parue dans le quotidien « El-Amel » signalant que Bourguiba n’avait pas été le seul à prévoir  la victoires des Alliés, mais que Ben Youssef était du même avis que lui. Mieux, une note diplomatique française indique que, « d’après les informations parvenues  aux autorités françaises, il ne semble pas que Ben Youssef ait eu des relations avec les autorités allemandes ou italiennes. Aucune information judiciaire n’avait d’ailleurs été ouverte contre lui pour des faits de cette nature.Il n’a jamais  parlé  à la radio allemande contre la France ».   Vous avancez que d’autres versions viennent pour infirmer certaines de mes affirmations, en ajoutant que ce ne sont que des suppositions? L’histoire contemporaine  de notre pays ne s’écrit  pas avec des rumeurs ou des suppositions, mais  avec toute la rigueur  requise afin de contribuer, avec sérieux, à enrichir les péripéties de cette discorde survenue essentiellement à la suite d’une lutte pour le pouvoir entre deux leaders mégalomanes sous le couvert  de stratégies politiques différentes  sensées apporter la meilleure solution  pour atteindre l’indépendance de la Tunisie. C’est Bourguiba qui fut le plus perspicace politiquement avec des résultats concrets qui aboutirent  rapidement à l’indépendance du pays.   Après quarante-cinq ans, les archives sont, enfin, disponibles et consultables. Pour les chercheurs c’est une aubaine, c’est à eux de les disséquer et d’en faire une synthèse qui épouse étroitement le cours réel de l’histoire en construisant une étude crédible ».   Omar Khlifi   NDLR : « L’histoire n’est pas un simple récit des faits, mais un ensemble de recherches et de précisions » Ibn Khaldoun. En effet et concernant l’affaire du meurtre  du leader Salah Ben Youssef, nous avons procédé  à la consultation et la réunion de quelques documents dans le but d’éclairer le lecteur. Nous n’avons pas manqué de citer votre livre et de mettre en évidence l’intérêt  qu’il suscite. Toutefois, certains éléments restent à préciser dans cette affaire qui constitue à nos jours un mystère. Vous parlez du discours de Bourguiba sur ce problème. Eh bien justement, les éléments qu’il a cités se contredisent ou disons ne se recoupent pas tous avec les vôtres. Ce qui  nous importe au-delà de tout, c’est la recherche de la vérité.     (Source : « Le Temps » du 24 août 2006)


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