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Afef Bennaceur & Luiza Toscane: Jeune de solidarité avec Fahem Boukaddous
AFP: 7 Tunisiens condamnés pour terrorisme
Omar Mestiri & Sihem Bensedrine : Mouldi Zouabi: un reporter libre qui dérange
Slim Bagga: Les frasques du palais
Tunivisions: Sakher El Materi et Hamdi Meddeb rachètent 50% des parts d’Orascom
Kapitalis: France-Tunisie. 3.222 sans papiers rapatriés en 2009
Realités: Tahar Belkhodja parle de Wassila, de Mzali et du… bilan de Bourguiba
Aispp.free@gmail.com
43 rue Eldjazira, Tunis
Tunis, le 22 novembre 2010
Le procès des accusés d’avoir réactivé le mouvement En Nahdha est reporté
La sixième chambre correctionnelle du Tribunal de Première Instance de Tunis, présidée par le Juge Faouzi Jebali, a examiné le 22 novembre l’affaire n°19635 dans laquelle sont déférés en état d’arrestation Ali Lahrabi, Ali Ferhat, ainsi qu’Ali Ben Aoun et Saïfeddine Mahjoub, en liberté, et, en fuite : Mohammed Hachemi Ben Taleb, Aymen Ben Messaoud, Mohammed Hédi Ben Abdallah, accusés de réunion non autorisée, de participation à la reconstitution d’une association non reconnue et de mise à disposition d’un local de réunion non autorisée, de collecte de fonds sans autorisation […] Le tribunal a décidé de reporter l’examen de l’affaire et qu’à l’issue des délibérations soit fixée une nouvelle date d’audience et examinées les demandes de libération présentées par les avocats.Pour l’Association
Le Président
Maître Samir Dilou
(traduction d’extraits ni revue ni corrigée par les auteurs de la version en arabe, LT)
JEUNE DE SOLIDARITE AVEC FAHEM BOUKADDOUS
Chaque lundi, son épouse, Afef Bennaceur, lui rend visite en prison.
Chaque lundi jusqu’à sa libération, nous observerons une journée de jeûne de solidarité.
Afef Bennaceur, (00 216) 23 696 300
Luiza Toscane, (00 33) 06 77 80 68 80
7 Tunisiens condamnés pour terrorisme
Sept Tunisiens ont été condamnés à des peines allant de 5 à 7 ans de prison ferme pour « adhésion à un groupe terroriste » et tentative de rejoindre un réseau en Algérie, a indiqué leur avocat.
Agés entre 22 et 32 ans et originaires de la région de Sousse, à 120 km de Tunis, les prévenus ont été jugés samedi par le tribunal de première instance de Tunis en vertu de la loi antiterroriste, a ajouté Me Samir Ben Amor.
Me Ben Amor, par ailleurs secrétaire général de l’Association de défense des prisonniers politiques (AISPP), a affirmé que les prévenus avaient nié devant le tribunal les charges retenues contre eux.
Il leur était reproché d’appartenir à un « groupe terroriste » et d’avoir tenté de rejoindre les rangs d’un réseau terroriste en Algérie, a précisé l’avocat.
Le plus jeune, Naserddine Chahlaoui, a été condamné à sept ans de réclusion également pour incitation à commettre des crimes terroristes et pour préparer un local pour des réunions illégales.
Des centaines de jeunes sont poursuivis ou jugés en Tunisie en application de la loi antiterroriste, très critiquée par les défenseurs de droit de l’homme depuis son entrée en vigueur il y a sept ans.
Lors d’une mission en janvier à Tunis, le rapporteur spécial de l’ONU pour la protection des droits de l’homme dans la lutte antiterroriste Martin Scheinin a relevé des incohérences dans la loi antiterroriste qui font que « dans la majorité des cas, de simples intentions sont punies ».
Mouldi Zouabi: un reporter libre qui dérange
La saga judiciaire dont est victime le grand reporter radio, Mouldi Zouabi n’est pas près de se terminer. Le mercredi 24 novembre, il comparait encore une fois devant le tribunal de première instance de Jendouba pour répondre d’accusations montées de toutes pièces pour lesquelles il risque 5 ans de prison. Voici pourquoi ce journaliste dérange en haut lieu.
Rien ne prédestinait Mouldi Zouabi à devenir reporter ; ni ses études en littérature arabe, ni l’école d’animateurs sociaux qu’il dirigea quelques années. C’est par le plus pur des hasards qu’il s’est trouvé projeté dans ce métier à haut risque après qu’un organe d’un parti d’opposition (El Mawkif) lui confia une enquête sur des inondations qui firent plusieurs morts dans un village du Nord-ouest de la Tunisie, avec de graves accusations de négligence pointant les autorités locales. Les reportages qu’il en tira avaient impressionné plus d’un. Il se fait alors commander une série de reportages sociaux par une chaine de TV d’opposition émettant d’Europe (Al Hiwar Ettounsi); là encore, il excelle, comme s’il avait fait ce métier depuis toujours. La répression stimule les talents
Mais le lendemain, ses locaux à Tunis sont assiégés par plusieurs dizaines de policiers en civil. Trois jours plus tard un procureur débarque, saisit le matériel, appose des scellés et engage des poursuites contre ses dirigeants pour «utilisation de fréquences sans autorisation».
Au lieu de sa fin escomptée, l’épreuve allait marquer le véritable départ de l’épopée de radio kalima. Ses émissions quotidiennes se poursuivirent et le nombre de ses auditeurs fut boosté par l’ampleur de l’écho médiatique. La brutalité de l’assaut policier allait obliger l’équipe à se redéployer et à se réorganiser en réseau. Privés de locaux, les journalistes allaient défier le harcèlement policier permanent en se plongeant au cœur de la réalité sociale. Les réunions seront hebdomadaires via Internet. Les enregistrements seront uploadés et édités en Europe. C’est dans ce contexte que Mouldi va donner le meilleur de lui même.
Son audace, sa capacité à mener des investigations sur des sujets tabous, à faire parler les gens dans les zones les plus reculées et à donner la parole aux oubliés de la République le distingue. Ce n’est pas seulement les auditeurs qui apprécient la qualité de son travail, les autorités ont l’œil sur lui. Ils commencent par lui assigner une équipe de policiers qui le suit régulièrement; il parvient parfois à déjouer leur filature et pousse ses investigations dans les bleds perdus sur la corruption de l’administration locale qui «oublie» de distribuer l’aide publique aux pauvres, persuadée que l’œil des médias ne viendra jamais les perturber dans les trafics en tous genres qu’ils pratiquent. Dès que ces reportages sont diffusés, les autorités accourent pour «corriger» ces abus en faisant promettre aux bénéficiaires de ne plus s’adresser à Mouldi Zouabi!
Les héros de Mouldi
Ils s’appellent Kamel, le paysan de Fernana, jeté en prison après avoir fui vers l’Algérie avec toute sa famille parce que la police a mis son unique vache à la fourrière; ou Abdelhaq, l’infirmier de Béja qui se voit expulsé de sa maison, dont un potentat lorgnait le terrain, par des moyens dignes d’un western : plus de 150 policiers font irruption dans la maison, vidée de ses occupants menottes aux mains, y compris une handicapée sur chaise roulante et les meubles et bagages jetés dans la rue en quelques minutes. Il s’acharne et plante une tente devant ce que fut sa maison où il vivra des semaines durant avec sa famille.
Elle s’appelle aussi Aziza, la championne de Tunisie de marathon, marginalisée et oubliée des autorités qui s’investit corps et âme pour le marathon de la vie, femme chef de famille tenue d’assurer le quotidien de ses enfants en parcourant à bicyclette les marchés environnants pour vendre les légumes de son potager.
Ou encore Alaya, l’ingénieur interné dans un hôpital psychiatrique pour avoir tenté de se porter candidat aux élections présidentielles; Mouldi réussit à enregistrer un entretien avec lui de l’intérieur de l’hôpital où il raconte comment la police l’a kidnappé et placé à l’hôpital.
Ils sont autant d’anti-héros de Ben Ali qui ne vivent pas de l’assistanat, retors à tout embrigadement, sachant qu’ils ne doivent rien à ce régime dont ils combattent les abus sur leurs propres vies.
Des reportages qualifiés de trahison
La surveillance policière se resserre encore, les policiers le poursuivent jusqu’à l’intérieur d’un cabinet médical où sa femme se soigne, dans les cafés où il s’attable ainsi que devant les domiciles de ses proches à qui il rend visite ; c’est une véritable mise en quarantaine qui se met en place visant à en faire un paria social.
Sa connexion Internet continue d’être coupée malgré un recours en justice qu’il a introduit depuis février 2010; Les cybercafés qu’il fréquentait aux alentours de son domicile ont été tous fermés; Maintenant il est obligé de parcourir les villes environnantes pour envoyer à la radio son travail.
Lorsqu’il se déplace à Béjà, une autre ville du Nord-ouest, pour couvrir des événements, il est arrêté longuement à l’entrée de la ville pour « vérification d’identité » avant qu’on ne le laisse partir, escorté par ses « anges gardiens ». Il tente de déposer une plainte pour entraves à la libre circulation au parquet de Béjà, les agents de police lui font barrage et l’empêchent d’accéder au palais de justice. Toutes les personnes à qui il s’adresse sont elles-mêmes interrogées sur le contenu des échanges qu’il a eu avec elles.
Pour Mouldi, la menace se fait de plus en plus pressante. Il est arrêté au commissariat de Montplaisir à Tunis et détenu durant plus de huit heures, alors qu’il s’apprêtait à faire une interview au célèbre homme d’affaires Bouebdelli, lui même spolié de ses biens.
La mise en scène se prépare et le décor est planté; un jour, alors qu’il sortait d’un café Internet à Jendouba, arrivé à hauteur du poste de police du district, il est interpellé par un homme ; l’individu sort d’une voiture au vitres teintés, lui demande s’il s’appelle bien Mouldi Zouabi et dès que ce dernier aquiese, il se jette sur lui en le frappant, le rouant de coups et brisant ses lunettes de vue; le barbouze a proféré des menaces contre lui en l’insultant vulgairement, le traitant de « traitre à la partie » qui « salit l’image du pays » et qui « va payer cher sa trahison ».
Une bataille perdue contre Mouldi
Mouldi Zouabi dépose le jour même une plainte au parquet de Jendouba après avoir été examiné par un médecin qui lui a délivré un certificat médical attestant des blessures provoquées par l’agression. Quatre mois plus tard, il apprend que la plainte qu’il avait déposée a été classée pour « insuffisance de preuves » et que son agresseur le poursuit pour les faits dont lui même avait été victime!
Il comparait le 14 juillet devant le tribunal cantonal de Jendouba pour répondre de l’accusation de «violences aggravées et injures publiques ». Au terme d’un feuilleton judiciaire qui aura duré tout l’été 2010, le tribunal cantonal se déclare incompétent, le 6 octobre, approuvant une demande de requalification des faits déposée par la partie civile.
Les 22 avocats de la défense se retirent de l’audience, dénonçant « une mascarade judiciaire », suite au refus de la cour de considérer les éléments à décharge, de procéder à la confrontation avec les témoins anonymes du plaignant, d’ouvrir une enquête sur les faits avérés d’agression subie par Mouldi Zouabi de la part de ce même plaignant et d’entendre enfin les témoins à décharge.
Zouabi a comparu le 10 novembre devant le Tribunal de première instance de Jendouba, cette fois pour « coups et blessures et diffamation » Personne ne se fait d’illusion sur l’issue de ce procès ; il sera condamné, comme le furent les autres journalistes qui ont subi ces montages politico-judiciaires, comme Taoufik Ben Brik, Zouhair Makhlouf et aujourd’hui Fahem Boukaddous qui purge une peine de 4 ans de prison.
Mais Mouldi a déjà gagné la partie ; les autorités ont décidé de lancer une radio spéciale pour le Nord ouest, SA région, pour contrer ses reportages très écoutés ; une bataille perdue d’avance car le langage de la vérité va droit au coeur, ce que la propagande n’atteindra jamais.
Omar Mestiri & Sihem Bensedrine_____________
*Un an plus tard, ils feront pression sur Eutelsat, le propriétaire de Hotbird pour cesser le signal, ce dernier s’exécutera prétextant l’absence de licence. (Source: Le site de « Radio Kalima » le 21 novembre 2010)
Lien: http://www.kalima-tunisie.info/fr/News-sid-Mouldi-Zouabi-un-reporter-libre-qui-derange-330.html
LES FRASQUES DU PALAIS
par Slim BAGGA
TUNISIE: DES REVENDICATIONS SANS AUCUN ECHO
Devant la dégradation de l’enseignement en Tunisie, les professeurs des lycées et collèges ont tenu à se mobiliser dès la rentrée scolaire. Dans ce sens, une grève a été observée le 27 octobre. Mais ce que toute la presse n’a pas mentionné, c’est que parmi les revendications du corps enseignant, il y a leur refus de voir dans les programmes de 6ème année secondaire, en matière de géographie une carte mentionnant Israël, et aucune référence à la Palestine.
Aussi, en matière de français, est prévu dans le programme l’étude d’un texte (chanson) de Enrico Macias. Les professeurs contestent ouvertement d’enseigner un artiste hostile à la cause arabe.
Le ministre de l’Education, Hatem Ben Salem, ne cache pas son embarras et a même confié à des professeurs qu’il n’est pas responsable de ces choix de programmes et que ceux-ci sont décidés à Carthage…
CONGRES DE L’OFA EN TUNISIE: LA DEROUTE
Du 28 au 30 octobre, s’est tenu à Tunis le troisième Congrès de l’Organisation de la Femme arabe (OFA), présidée par Leila De Pompagaddour Ben Ali. Selon les observateurs, malgré le lobbying diplomatique, ce Congrès s’est distingué par son boycott par la plus grande majorité des épouses des chefs d’Etats arabes.
A peine 5 épouses de chefs d’Etat, dont Madame Moubarak et Madame Abbes. Les plus influentes se sont contentées de dépêcher des représentantes ou se sont carrément abstenues de répondre à l’invitation tunisienne.
Les cas les plus notoires d’abstention sont la Marocaine Lella Selma, l’épouse du Cheikh émirati Mohamed El Maktoum et surtout Cheikha Mozha, l’épouse de l’émir du Qatar.
Concernant cette dernière, Zinochette avait spécialement dépêché au Qatar la très zélée Saïda Agrebi, pour insister sur sa participation. En vain…
Et après cela, des sites fantôches tels Maghreb Intelligence, créé sur mesure par des proches de l’ATCE pour faire vrai et sérieux, ont le culot de nous parler de réussite…
QUAND BEN ALI ARNAQUAIT UN MATERI POUR CONSTRUIRE SA VILLA A HAMMAMET
Tout le monde en est à présent édifié: les arnaques, les spoliations, les réflexes vindicatifs sont congénitaux à ce régime abject.
Dès 1989, Zinochet a eu le caprice de construire une villa à Hammamet dont nous disposons des photos. Pour occuper le plus d’espace digne de son rang d’arriviste complexé, il demanda à son actuel conseiller, Abdelaziz Ben Dhia, qui était alors à la tête du Conseil constitutionnel de convaincre son voisin à Hammamet de vendre son terrain. Problème: ce voisin n’était autre que Cherif Materi, fils de Mahmoud Materi, donc cousin du puttschiste félon Moncef Materi, père de Sakhr. Ouf…on y arrive. Cherif Materi, qui ignorait encore l’identité de l’acquéreur, refusa en lançant à la figure de Ben Dhia: « Pourquoi vendrais-je? Celui qui compte construire serait-il préférable à moi-même, à ma propre famille? » Rapportés à Ben Ali, ces propos valurent à leur auteur, à sa femme d’origine algérienne et à sa secrétaire d’être jetés en prison.
Quelques mois plus tard, lorsque ces auteurs de crime de lèse-majesté, ces empêcheurs de construire en rond, quittèrent la prison, la vengeance de Ben Ali ne s’arrêta pourtant pas.
La femme de Cherif Materi a perdu sa mère en Algérie, et Ben Ali ordonna qu’on l’empêche de quitter le territoire tunisien pour rejoindre sa famille endeuillée. Il a fallu l’intervention de l’ancien Premier ministre et cerveau du coup d’Etat Hédi Baccouche pour que Mme Cherif Materi obtienne enfin l’aval du Président tunisien au coeur aussi grand que sa bêtise et son incurie, c’est à dire… sans limites!
Et le plus insolite dans cette affaire est que quelques années plus tard, lorsqu’après les péripéties du fils de l’entrepreneur Hachicha, la belle Nesrine Ben Ali, fille de sa mère Zinochette, allait être casée avec Sakhr Materi, la famille de ce dernier a demandé au même Cherif d’aller formellement la demander en mariage, étant lui-même l’ainé de la famille.
Ce à quoi Cherif Materi avait alors répondu: « Vous êtes fou, vous m’imaginez entrer dans ce qui était chez moi, pour demander sa fille à mon spoliateur…! »
Comme quoi Si Leila De Pompagaddour s’est sentie des ailes pour jeter son dévolu sur toute la Tunisie, c’est que bien avant elle, le ver était déjà dans le fruit. Son cher mari lui a montré le chemin; elle a affiné les méthodes….
Slim BAGGA
Sakher El Materi et Hamdi Meddeb rachètent 50% des parts d’Orascom
25% de Tunisiana sera détenu par les deux hommes d’affaire tunisiens
Mohamed Sakhr el Materi et Hamdi El Meddeb, les deux hommes d’affaire tunisiens, viennent d’acquérir 50% des parts d’Orascom. Ils détiendraient ainsi 25% du capital de Tunisiana puisqu’Orascom détient 50% des parts.
Selon Tustex, ce rachat a été conclu à un prix avoisinant les 1,2 milliards de dollars. Ce montantcorrespond au prix proposé à la base par Orascom.
Rappelons que l’opérateur privé détient les plus grandes parts de marché en Tunisie avec 53,3%, (soit 5,8 millions d’abonnés) contre 41,4% détenus par Tunisie Telecom (soit 4,5 millions d’abonnés)et 5,3% détenues par Orange Tunisie ; soit 576.000 abonnés (chiffre communiqué dans le cadre des conférence sur les TMT (Technology Media & Telecom).
Cette transaction devrait être finalisée début 2010 et Tunisiana devrait organiser une conférence de presse afin de confirmer cette information au courant de la semaine.
(Source: “Tunivisions” Le 22-11-2010)
Lien: http://www.tunivisions.net/sakher-el-materi-et-hamdi-meddeb-rachetent-50-des-parts-d-orascom,10763.html
France-Tunisie. 3.222 sans papiers rapatriés en 2009
Ces statistiques ont été publiées par le Comité inter-mouvements auprès des évacués (Cimade) dans son rapport 2009 sur les centres de rétentions administratives et les reconduites à la frontières en France.
Ce rapport intitulé ‘‘Chroniques de rétention’’ et édité chez Actes Sud, à Marseille, est basé sur les données recueillis quotidiennement par les intervenants de l’Ong française dans les centres de rétention et enrichies par leur expérience de terrain.
Le tiers des reconduits sont Maghrébins
Sur les 35.557 retenus dénombrés en 2009, toutes nationalités confondues, 10.488 (soit 36.16%) sont originaires de trois pays du Maghreb: 3.721 d’Algérie, 3.545 du Maroc et 3.222 Tunisiens. Ce qui met la Tunisie en tête des pays maghrébins en nombre de retenus par nombre d’habitants.
Le rapport indique que les mécanismes de reconduction à la frontière se sont intensifiés et ont conduit à l’aggravation des atteintes aux droits fondamentaux des migrants. Quant aux conditions de rétention et aux conditions générales d’exercice des droits des étrangers, elles se sont encore une fois détériorées.
Le rapport décrit la rétention de «véritable mesure punitive envers les migrants en situation irrégulière» et parle d’interpellations abusives, de violences et tensions à l’intérieur des centres, de banalisation de l’enfermement des enfants, conséquence de la «politique du chiffre».
(Source : « Kapitalis » Le 22-11-2010)
Lien : http://www.kapitalis.com/proximite/53-societe/1787-france-tunisie-3222-sans-papiers-rapatries-en-2009.html
Tahar Belkhodja parle de Wassila, de Mzali et du… bilan de Bourguiba
Tahar Belkhodja qui a été ministre de l’Intérieur de 1973 à 1977 et ministre de l’Information de 1980 à 1983 revient dans cette cinquième et dernière partie sur les évènements qui ont marqué les dernières années du règne du père de la Nation. Il nous dit aussi ce qu’il retient de cet homme d’exception qu’était Habib Bourguiba… Succulent.
Quels sont les dessous de la révolte du pain de janvier 1984 ?
Au mois de mars 1983 Mansour Moalla va aux Etats-Unis. Il rencontre De la Rosière, le Directeur Général du Fonds Monétaire International, lequel était son camarade de promotion à l’Ecole des Finances de Paris. Je rappelle pour l’histoire que Mansour Moalla est le seul Tunisien à avoir été reçu dans cette Ecole et ce sur le quota des étudiants français. Ils avaient convenu de mettre à contribution le FMI pendant une dizaine d’années pour résoudre le problème de la Caisse générale de compensation dont le déficit commençait à prendre des dimensions inquiétantes. Mansour était très content d’avoir pu réussir cela avec le FMI. Il rend compte au Premier ministre, Mohamed Mzali, de cet accord. Ce dernier lui répondit cavalièrement qu’il ne permettrait pas aux organismes internationaux de s’ingérer dans nos affaires.
Le déficit de la Caisse de compensation était quand même à l’ordre du jour. On avait organisé un débat télévisé au mois de mai 1983 en direct avec Mansour Moalla, ministre de l’Economie, Taïeb Baccouche, Secrétaire général de la Centrale syndicale (UGTT), Habib Majoul, le numéro deux du Patronnat (UTICA) et des journalistes.
Pour le Ministre de l’Economie, ce débat était une occasion pour vulgariser ce problème épineux. Au cours de l’émission, le Premier ministre prend son téléphone et intervient directement dans le débat pour dire, par populisme, que le prix du pain n’augmentera pas. Cela avait jeté un froid et l’émission se termina en queue de poisson. Le lendemain Mzali m’interdit d’organiser de nouveaux débats en direct à la Télévision.
Quelques semaines après, le gouvernement devait préparer le budget de l’Etat pour 1984. Ayant décidé de ne pas toucher aux prix du pain et des céréales, il fallait trouver de quoi financer la Caisse de compensation. C’était à Mansour Moalla, Ministre de l’Economie et des Finances de le faire. En plus de cela, Mohamed Mzali s’était beaucoup engagé dans des projets mirobolants et extrêmement onéreux dans les régions. Mansour Moalla est allé voir le Président pour lui faire différer certains projets que Bourguiba avait personnellement à cœur.
Comme quoi par exemple ?
C’était particulièrement le projet de Bab Souika, l’électrification du tronçon de Monastir à Mahdia et l’autoroute qui devait relier Monastir au Palais présidentiel de Skanes. Bourguiba avait accepté la proposition de Moalla sans problèmes. Quelques jours après, au Conseil des Ministres, Mazli nous dit que Bourguiba l’avait appelé hier et qu’il était très peiné par ce que lui avait dit Mansour Moalla. Il nous dit sur un ton péremptoire et en frappant de son poing sur la table : “les projets du président sont sacrés ; c’est moi-même qui trouverais les financements nécessaires”.
J’ai répondu au Premier ministre que le Président avait déjà accepté la proposition du Ministre des Finances et qu’il ne fallait pas revenir en arrière. Mohamed Sayah, à l’époque Ministre de l’Equipement, intervient dans le débat et dit : “moi j’ai d’autres projets présidentiels”. Mansour Moalla lui rétorqua : “et moi je ne finance pas les projets pirates”. Mohamed Mzali a prétendu plus tard dans une émission de télévision qu’il avait intimé l’ordre à Mansour Moalla de se taire, comme si on était dans une cour d’école. Cela est complètement faux. Le cas échéant Moalla serait immédiatement sorti.
Suite à cet incident, Mansour Moallah et moi-même étions écartés du gouvernement, mais le problème du déficit de la caisse a, lui, perduré. Le gouvernement ne pouvait pas boucler son budget. Mzali est allé voir le Roi Fahd d’Arabie Saoudite. Il lui avoua les difficultés du pays et demanda son aide immédiate. Le Roi lui aurait répondu “bacita (c’est simple)”. Mzali est sorti tout content. Notre ambassadeur lui avait expliqué que “bacita” ne signifiait pas grand chose et que les Saoudiens ne pouvaient pas décider d’une aide financière à la va-vite. Mzali ne voulait rien entendre. Il harcelait notre Ambassadeur, M. Kacem Bousnina, pendant trois jours pour qu’il voie avec les services saoudiens concernés, la concrétisation de la “promesse royale». Evidement rien ne se fit et Mzali rentra bredouille. Acculé et n’ayant aucune solution en vue, Mzali tenta un coup de poker. Il doubla le prix du pain et décida d’importantes hausses des prix compensés. Il pensa que la “pillule” allait passer.
Avant d’annoncer, par le biais de la loi de Finance, l’augmentation du prix du pain, Mzali a tenu une réunion des gouverneurs où il a exigé la discipline et le militantisme. Il a tenu aussi une réunion du comité central pour le même but. Deux membres ont pris la parole pour discuter le bien fondé de cette décision. Mohamed Mzali les a faits taire.
Comment expliquez-vous ce coup de poker ?
C’est avant tout une affaire de gestion politique. Avec Nouira on n’aurait jamais fait cela. La décision de Mzali était tout le contraire d’une décision politique. C’était de la pure improvisation et d’une totale imprévision. On savait qu’il y avait eu des émeutes au Caire, à Casablanca et à Varsovie suite à des hausses draconiennes des prix des céréales et qu’on y a déploré beaucoup de morts.
Les émeutes du pain n’avaient pas commencé à Tunis, mais au fin fond du Sud à Souk El Ahad. Les évènements se sont succédé et sont montés vers la capitale par l’ouest pour éclater à Tunis le 4 janvier 1984. Pendant une semaine, alors que la violence grondait, Mzali n’avait rien fait pour apaiser les esprits. Je trouve aussi qu’il avait commis une faute politique grave en voulant impliquer le Président dans ces évènements et en prétendant qu’il ne faisait qu’appliquer ses instructions, alors qu’il n’a fait qu’essayer de manipuler Bourguiba en lui faisant croire que tout se passera bien et que le pays économisera, d’un coup, plus de 400 millions de dinars.
Comment expliquez-vous une telle cécité politique ?
Je pense que c’est le système lui-même qui a produit cette carence. Dans toutes les crises qu’a traversées la Tunisie ceux qui avaient le pouvoir pensaient toujours qu’ils tenaient le pays en mains. Le parti prétendait qu’il était un rempart contre tous les dangers. Mais l’imprévisible advint: la manifestation brutale et violente de la population. Malheureusement lors des émeutes du pain le nombre de morts fut plus élevé que celui du jeudi noir de 1978.
Quelle était la position de Bourguiba à ce moment-là ?
Quand Mzali s’est rendu compte qu’il n’était plus en mesure de boucler le budget de l’Etat, il a imaginé le scénario suivant : convaincre le Président que le gaspillage du pain a atteint les limites de l’intolérable et qu’il fallait y mettre fin. Bourguiba, à son habitude, faisait confiance à ses ministres et notamment au Premier d’entre eux. Il a soutenu la politique de Mzali, mais ce n’est pas lui qui avait suggéré le doublement du prix du pain. Quand il a vu que le pays était à feu et à sang, ce qu’on a tenté de lui cacher, il a repris les choses en main et déclara que les augmentations étaient nulles et non avenues et cela a immédiatement ramené le calme dans le pays.
Le Ministre de l’Intérieur Driss Guiga avait-il comploté contre Mzali comme l’a souvent répété ce dernier?
Mzali lui a reproché d’avoir incité les gens à aller au Palais de Carthage pour manifester leur soutien à Bourguiba et leur désapprobation de la politique de son gouvernement. Cela ne me semble pas du tout crédible car la spontanéité de l’émeute le 4 janvier et les manifestations de joie le 6 janvier ont surpris tout le monde. C’est probablement l’une des rares fois où une manifestation de soutien au régime réchappe au contrôle du parti.
A ce moment-là le sort de Mzali était scellé, Bourguiba avait même regretté que son Premier Ministre n’ait pas l’étoffe d’un homme d’Etat. C’est un jugement d’une gravité extrême venant du chef de l’Etat pour son plus proche collaborateur et futur successeur potentiel.
Pourquoi Bourguiba n’a-t-il pas immédiatement congédié Mzali après la révolte du pain ?
La politique de Bourguiba a été toujours, d’éteindre le feu et de ne jamais attiser les brasiers. Le feu étant éteint le 6 janvier, il n’avait plus à agir dans l’urgence. Il fallait coûte que coûte éviter une nouvelle crise au régime par le limogeage du Premier Ministre. Bourguiba a même soutenu Mzali en acceptant de sacrifier son Ministre de l’Intérieur Driss Guiga dont Mzali réclamait la tête. Je ne peux pas croire ce qu’a rapporté Mzali quand il avait dit que Bourguiba s’est adressé à Guiga dans un langage ordurier. Cela ne ressemble pas du tout au Président. D’autant plus que Bourguiba avait demandé à notre Ambassadeur à Paris feu Hédi Mabrouk de recevoir Driss Guiga.
Bourguiba a certes réitéré sa confiance à son Premier Ministre après la révolte du pain, mais avec l’espoir que la situation allait se redresser. Malheureusement la situation allait en empirant. Une crise économique a toujours des effets différés… Deux ans et demi plus tard, les quatre ministres ayant en charge les dossiers économiques sont allés voir le Président à Monastir spécialement en hélicoptère pour lui dire que le pays est en banqueroute. Il s’agit de Rachid Sfar, Ismaïl Khélil, Hamadi Skhiri, gouverneur de la Banque Centrale et Mansour Skhiri le Chef du Cabinet du Président. Le pays n’avait même pas un matelas de deux jours de devises. La Tunisie, selon leur propre expression, était sur un volcan. Bourguiba s’énerva et leur reprocha de ne pas l’avoir informé auparavant. Ils lui répondirent qu’ils ne pouvaient pas outrepasser le Premier Ministre, mais maintenant la situation est tellement grave qu’ils ne pouvaient plus cacher cela au Président. Bourguiba congédia immédiatement Mzali et le remplaça par Rachid Sfar.
Mohamed Mzali a toujours affirmé que son projet était d’assurer une ouverture, démocratique dans le pays, mais que les intrigues du Palais l’en ont empêché. Qu’en pensez-vous?
Je ne veux pas polémiquer avec Mzali d’autant plus qu’il nous a quitté. Tout ce que je peux vous dire est que pendant mon passage au ministère de l’Information de 1980 à 1983, et alors que l’ouverture ne pouvait commencer que par ce secteur, je me suis trouvé en face d’une volonté politique qui ne voulait pas changer les choses malgré toutes mes tentatives et ma témérité. Malheureusement Mzali n’avait pas échappé à la posture des Premiers Ministre/dauphins : ne rien faire afin d’hériter de la totalité du pouvoir.
Je précise, le Premier Ministre n’était pas antidémocratique mais ne voulait pas risquer le changement.
Mzali pouvait-il faire autrement ?
Selon moi Mzali n’était pas au diapason avec Bourguiba. Rien n’empêchait Mzali de faire fonctionner correctement les institutions de la République. Rien ne l’empêchait d’instaurer un véritable pluralisme médiatique. Bourguiba aurait marché. L’essentiel pour le Président est que le système ne soit pas ébranlé. A part cela tout était possible, mais le dauphin, qu’il soit Mzali ou quelqu’un d’autre, n’avait qu’un seul objectif : durer dans son poste de Premier Ministre afin d’hériter du pouvoir de Bourguiba.
Ce que je dis est que les différents dauphins de Bourguiba de Ben Salah à Mzali en passant par Nouira et tous ceux qui ont assumé des responsabilités dans la gestion des affaires publiques dont moi-même… nous tous, nous n’avons pas eu le courage d’affronter les problèmes et de les gérer dans le sens d’une plus grande ouverture politique. Il ne s’agit pas d’opérer des changements radicaux et convulsifs, mais des réformes progressives et maîtrisées afin de faire évoluer le système et de le rendre en phase avec son temps. Cela, nous aurions pu le faire, mais nous ne l’avons pas fait.
Selon vous le Président Bourguiba avait-il conscience, durant les dernières années de son pouvoir, qu’il n’avait plus les moyens physiques et intellectuels de diriger le pays ou est-ce qu’il a sombré dans une sorte d’inconscience totale ?
Il est certain Qui est responsable de cela ?
C’est une responsabilité collective. La première responsabilité est celle de son épouse Wassila. Je le dis franchement et honnêtement malgré que j’étais très proche d’elle et très attaché à sa personne. Wassila était l’un des piliers du système Bourguiba, quoique l’on pense.
En quoi Wassila était-elle responsable de l’isolement de Bourguiba ?
C’est elle qui a permis son isolement en le quittant et en quittant le Palais. Pendant un quart de siècle ils faisaient la paire et elle était tout pour lui. En partant et en laissant le Palais à la nièce de Bourguiba, Saïda Sassi dont elle connaissait le niveau moral et les intentions malveillantes, elle savait que le système allait sombrer.
Mais est-ce qu’on a laissé le choix à Wassila ?
C’est vrai qu’on l’a poussée à partir. J’ai longuement discuté avec elle après son divorce. Je pense que Wassila avait précipité quand elle a déclaré en 1982 à “Jeune Afrique” qu’il ne faut pas qu’il y ait de succession automatique du Président et que pour que le Bourguibisme survive il faut qu’il y ait des élections générales après son départ. C’est à partir de ce moment-là que sa rupture avec Mzali, le dauphin automatique, était totalement consommée et que les uns et les autres commençaient à élaborer de nouvelles stratégies pour arriver au pouvoir. Le scénario diabolique était le suivant : faire le vide autour du Président.
C’était le scénario de Mohamed Mzali ?
C’est tout le système qui est à incriminer et bien évidemment, rien ne pouvait se faire sans l’assentiment direct ou indirect, du Premier Ministre. J’ajoute que ce qui est criminel, et là j’assume toute ma responsabilité et je mesure mes mots, était d’engager Bourguiba dans des situations morales incompatibles avec le statut du Président et l’image de la Tunisie.
Vouas voulez parler de quoi au juste?
On avait œuvré à attiser les instincts du Président, Wassila était le principal rempart qu’il fallait éliminer. Après une brouille avec le Président, Wassila aurait pu revenir au Palais et sauver les meubles, mais on a tout fait pour qu’elle ne revienne pas. Nous étions en 1986 et Wassila était dans une clinique. On avait monté le Président contre elle en déterrant cette déclaration faite à «Jeune Afrique» quatre ans plutôt. Bourguiba le lui avait reproché à son lit d’hôpital et cela avait rendu la conciliation quasi impossible.
Après Wassila on s’est pris à son fils Bourguiba Junior qui était conseiller auprès de son père pour l’éloigner définitivement de l’entourage du Président.
Comment cela s’est-il fait ?
Il semble que Bourguiba Junior aurait giflé Saïda Sassi.
Bourguiba Junior avait défendu Wassila…
Non. Il ne défendait pas Wassila, mais son père. Il estimait que l’idée du divorce était nuisible au Président. Bourguiba avait convoqué son fils en présence du Premier Ministre. L’audience était très pénible pour le père et le fils. A la fin Bourguiba Junior fut limogé. Mzali n’a pas branché alors qu’il aurait pu intervenir et être d’un bon conseil pour Bourguiba, mais il n’avait rien fait et a laissé les choses se faire.
Après le départ de l’épouse et du fils, on a continué aussi avec Mongi Kooli qui était le représentant personnel du Président. Le dernier grand rempart était son secrétaire particulier Allala Laouiti, le compagnon de Bourguiba depuis cinquante ans et qui avait consacré toute sa vie et son énergie pour le Président.
En écartant ces quatres personnages importants on avait fait le vide total autour de Bourguiba.
Ce n’était pas la stratégie de Mansour Skhiri, le ministre Chef de Cabinet de Bourguiba, de faire le vide autour du Président ?
Supposons que ce soit vrai, ce dont j’en doute très fort car Skhiri n’avait pas l’influence qu’on lui prête sur Bourguiba. Le Premier Ministre aurait dû réagir et faire face à cela. C’est cela qui a amené la déliquescence totale de l’Etat sur le triple plan politique, financier et moral. Il n’y avait plus d’Etat. Le naufrage était complet et le régime était moribond.
Cela il faut le dire, mais il est injuste de vouloir faire le bilan des trois décennies du régime de Bourguiba à l’aune de cette dernière et petite période extrêmement malheureuse et catastrophique pour le pays.
Que voulez-vous dire ?
Je ne veux pas être nihiliste en donnant l’impression que le bilan du régime est totalement négatif car cela ne correspond pas du tout à la vérité historique.
J’estime qu’il est de mon devoir de rapporter tous ces faits qui ont jalonné l’histoire de la Tunisie, car je dois cela aux générations futures. Il faut que ceux qui étaient acteurs de ces évènements parlent, l’histoire passera après, mais sans ces témoignages de première main, les historiens ne peuvent pas accomplir correctement leur tâche. Je ne prétend pas être LA REFERENCE, mais une référence parmi d’autres. Je demande à mes camarades et à tous ceux qui ont assumé des responsabilités durant ces trois décennies de ne pas m’en vouloir d’avoir révélé tous ces travers pour le grand public. Je ne pense pas qu’il soit judicieux d’emporter nos secrets avec nous dans la tombe.
Mais votre jugement sur ce que vous appelez vos camarades, ou du moins certains d’entre eux, a été assez dur…
Il faut qu’on arrive, en Tunisie, à distinguer entre juger des politiques et juger des hommes. Si j’ai jugé assez sévèrement certains choix politiques je tiens à préciser que tous ceux qui ont servi le pays sous Bourguiba et sans exception aucune étaient d’honnêtes hommes et ce, bien avant l’Indépendance. Ces gens-là étaient de vrais patriotes qui vouaient une profonde admiration pour Bourguiba et l’on aidé, pour les plus âgés d’entre eux, à libérer le pays du joug colonial et à construire l’Etat moderne indépendant. Tous ceux qu’on a cité comme les Mongi Slim, Taïeb Mhiri, Ahmed Ben Salah, Béhi Ladgham, Ahmed Mestiri, Hédi Nouira, Mohamed Mzali et ceux qu’on n’a pas cité ont tous contribué a servir du mieux qu’ils pouvaient leur pays mais dans la vie politique de la Tunisie il y a eu des problèmes et des faiblesses. J’aurais aimé que chacun fasse son mea-culpa.
L’aviez-vous fait vous même ?
J’estime l’avoir fait en toute honnêteté et sans arrogance. Il faut de l’humilité pour reconnaître ses erreurs et c’est de cela que le pays en a le plus besoin.
Que retenez-vous d’essentiel dans le pouvoir de Bourguiba ?
Tout le monde reconnaît, aussi bien à l’étranger qu’à l’intérieur du pays, qu’il y a eu identification entre Bourguiba, l’Etat et la Tunisie. Cela est énorme.
Quelle est la principale empreinte de Bourguiba ?
Bourguiba a été un perpétuel réformateur, aussi bien dans sa politique intérieure qu’extérieure. Il a toujours su affronter les problèmes tout en minimisant au maximum les dégâts. Le régime de Bourguiba a connu plusieurs crises. Il a été souvent ébranlé mais a pu tenir et a su sortir de ces crises grâce, toujours, à l’intervention de Bourguiba.
L’histoire de Bourguiba avec la Tunisie a duré plus de cinquante ans
En 1937, au deuxième congrès du Néo-Destour, Bourguiba avait dit aux congressistes : trois solutions s’offrent à nous ; soit affronter la France, mais le rapport de forces n’est pas en notre faveur, soit chercher à nous mettre sous la coupe d’un autre pays et on sera bouffé ou alors construire par étapes notre indépendance avec la France et sous son égide. Bourguiba avait dit cela en 1937 et il n’a jamais changé de cap. Bourguiba n’a jamais succombé aux sirènes du nationalisme maximaliste et sentimental comme cela a été le cas des Nasser, Ben Youssef et autres. Peu de leaders dans le monde ont eu cette lucidité et épargner, ainsi, à leurs peuples des atrocités et des souffrances inutiles.
J’affirme aussi que si on avait bien géré les intentions de Bourguiba, la Tunisie indépendante aurait mieux réussi. Nous avons tous, et je ne m’exclue pas, mal géré les situations de crise : 1970, 1981 et 1984. Nous n’avions pas la gradeur et la vision de Bourguiba.
Comment expliquez-vous qu’un homme aussi visionnaire que Bourguiba n’avait pas compris qu’il fallait libéraliser plus encore son système politique et mieux préparer sa succession ? En un mot pourquoi n’a-t-il pas été le Senghor de la Tunisie ?
Les situations de la Tunisie et du Sénégal ne sont pas comparables. Je ne pense pas que le problème de la Tunisie soit lié au fait que Bourguiba soit devenu président à vie. Je dirais même plus : heureusement que Bourguiba soit resté jusqu’à 1987 sinon le pays aurait peut-être sombré du fait de certaines politiques imprévoyantes comme celle du coopérativisme des années soixante, de l’affrontement avec le syndicat des années soixante-dix et de la gestion sentimentale de l’économie dans les années quatre-vingt. Bourguiba avait cette supériorité mentale et intellectuelle de savoir ce qu’il faut faire dans les moments les plus difficiles et de pouvoir par la suite convaincre ses camarades et le pays de la justesse de ses choix et cela sur une cinquantaine d’années et c’est pour cela qu’il a eu tout ce rayonnement en Tunisie et à l’étranger.
Si Tahar, nous avons passé ensemble plus d’une douzaine d’heures réparties sur sept séances et plus d’un mois. Qu’aimeriez-vous dire pour clore cette interview ?
Réalités, et je ne vous jette pas des fleurs, m’a fait revivre mon histoire personnelle et celle de mon pays. Vous n’avez éludé aucune question délicate et en cela vous rendez service à vos lecteurs et à l’ensemble des Tunisiens, car un pays qui n’a pas conscience de sa propre histoire est mal préparé pour affronter les défis de son futur.
Source: “Realités” Le 22-11-2010
Lien: http://www.realites.com.tn/
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