21 janvier 2009

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TUNISNEWS

8 ème année, N° 3165 du 21.01.2009

 archives : www.tunisnews.net  


Luiza Toscane: La police n’oublie personne. Jamais – L’effroyable histoire de Moncef Gasmi
AFP: Attentat de Djerba : le sort de Ganczarski dépend de quelques mots au téléphone
Le Temps: Drame de l’émigration clandestine – 35 jeunes désespérés à bord d’une embarcation faite pour 11 personnes
African Manager: Tunisie : Un redressement fiscal de 15 MDT pour Tunisiana
Stéphane Hessel au « Quotidien d’Oran » : «Pas de sortie de crise sans une discussion avec le Hamas»

Le Monde: Israël-Palestine : sentir la douleur de l’autre camp, par Juan Goytisolo
Parution:  Sadri Khiari – La Contre-révolution coloniale en France, De de Gaulle à Sarkozy


Liste actualisée des signataires de l’initiative du Droit de Retour : http://www.manfiyoun.net/fr/listfr.html Celles et Ceux qui veulent signer cet appel sont invités à envoyer leur: Nom, Pays de résidence et Année de sortie de la Tunisie sur le mél de l’initiative : manfiyoun@gmail.com

 La police n’oublie personne. Jamais.  – L’effroyable histoire de Moncef Gasmi

Il s’agit peut-être de l’une des plus longues périodes de clandestinité qu’aura connue la Tunisie de Ben Ali : Moncef Gasmi, un opposant se sachant recherché, s’est caché pendant plus de dix sept ans… en Tunisie. Originaire de Sidi Brahim dans la délégation de Ghardimaou (Nord Ouest de la Tunisie), il était marié et père d’une fillette. Pendant cette longue planque est né son fils. Sa femme, Monjia, a dû affronter les interrogatoires de la police. A l’occasion de l’Aïd El Adha, soit quelques semaines après la libération des derniers prisonniers du mouvement En Nahdha en novembre 2008, Moncef Gasmi a passé la fête en famille, chez lui. Dans la nuit du 7 décembre 2008, il a été arrêté et détenu plusieurs jours au district de la garde nationale de Jendouba, puis il a été écroué en vertu de trois affaires datant de 1992 et pour lesquelles il avait été condamné par contumace. Ayant fait opposition dans deux d’entre elles (il a été accusé de participation à l‘incendie du lycée de Ghardimaou et de participation au complot de la Nahdha), sa peine a été ramenée à six ans d’emprisonnement par le tribunal de Première Instance du Kef, qu’il effectue à la prison du Kef. Il a interjeté appel. Dans l‘affaire de l’incendie du lycée, un non-lieu a été prononcé. Une autre affaire, correctionnelle (et en principe prescrite ?), où il avait été condamné à 6 mois d’emprisonnement sera examinée le 3 février prochain. Monjia, son épouse, lui rend visite le mardi et regrette que son mari ne soit pas à la prison de Bulla Regia, dans le gouvernorat de Jendouba, plus proche du domicile de la famille. Lors de la dernière visite qu’elle lui a rendue, Moncef Gasmi lui a décrit ses conditions d’emprisonnement : pas de lit, il doit dormir à même le sol. La température est proche de 0 ° au Kef. Il partage la cellule surpeuplée avec des co détenus de droit commun, qui fument et l’enfument. L’humidité le ronge. C’est tout ce que Monjia a retenu du quart d’heure de parloir qui lui a été octroyé, sous la surveillance de deux gardiens aux aguets. Luiza Toscane


Attentat de Djerba : le sort de Ganczarski dépend de quelques mots au téléphone

AFP Mercredi 21 janvier, 17h28 Michel MOUTOT Le sort de Christian Ganczarski, Allemand converti à l’islam jugé à Paris pour complicité dans l’attentat contre la synagogue de Djerba en 2002, va dépendre de l’interprétation, complexe et controversée, de quelques mots en anglais et arabe dans une écoute téléphonique. Quatre heures avant de se faire sauter au volant de son camion piégé, le kamikaze tunisien Nizar Nawar appelle en Allemagne son ami Ganczarski, « admirateur des talibans », rencontré lors de séjours en Afghanistan, dans les maisons d’hôtes où ils ont croisé des chefs d’Al Qaïda. Selon l’ex-juge d’instruction antiterroriste Jean-Louis Bruguière et l’accusation, les 112 secondes de leur conversation, enregistrée par les services de renseignements allemands qui se méfiaient du converti et l’avait placé sur écoutes, ont constitué un feu vert pour passer à l’action et tuer 21 personnes. Mais pour la défense, qui s’appuie sur les traductions de leur échange qui ont été examinées mercredi par la cour d’assises spéciale de Paris, il ne s’est agi que d’un bref échange entre amis, émaillé de formules religieuses et de politesse qui sont des phrases passe-partout et rien d’autre. Pour les sept juges professionnels, comprendre le sens de ce bref dialogue, d’une mauvaise qualité sonore, allusif, prononcé en mauvais anglais émaillé de formules religieuses en arabe, par des interlocuteurs qui parlent en même temps et ne finissent pas leurs phrases n’est pas chose facile. D’autant que trois traductions différentes en ont été faites, d’abord en allemand par la police allemande puis en français, qui diffèrent les unes des autres. Le coeur du dialogue, et donc du procès en complicité d’assassinats, est la demande, par le jeune kamikaze, à Christian Ganczarski de « ne pas l’oublier dans la prière ». Cela signifie-t-il que l’Allemand est au courant du projet d’attentat et donne le signal ou est-ce une formule innocente entre coreligionnaires ? Pour tenter d’y voir plus clair, le président Yves Jacob a appelé à la barre des témoins Fati Franck Mates, professeur d’arabe à l’université de Hambourg et traducteur de l’une des versions. Mais il s’est bien gardé de se prononcer. « Il y a des phrases qui, en arabe, indiquent que cela peut être un adieu… Mais on ne peut l’assurer » a-t-il dit, par l’intermédiaire d’un interprète. « Tout ce que je peux dire, c’est que, celui qui appelle a un projet, et que l’autre lui souhaite bonne chance. C’est tout ». Si ce « projet » n’est à aucun moment précisé, assure l’accusation, c’est que les deux hommes se sont mis d’accord sur l’attentat lors de leur dernière rencontre et ne parlent que par allusion, Ganczarski se sachant surveillé. Alors que pour la défense, lorsque Nizar Nawar demande une « prière », cela n’a rien à voir avec une « bénédiction » et l’interlocuteur du kamikaze ne peut en rien se douter de ce qu’il s’apprête à commettre. A la question d’un enquêteur allemand qui lui avait demandé si la conversation comportait un ordre, une instruction quelconque de faire quelque chose, M. Mates avait répondu : « Non, il n’y a pas d’indication verbale, directe ou indirecte ».
 

Drame de l’émigration clandestine

35 jeunes désespérés à bord d’une embarcation faite pour 11 personnes

– Ils quittent la banlieue Nord vers les côtes italiennes : l’embarcation est détruite, 5 jeunes regagnent la côte à la nage ; 4 sont repêchés vivants ; 26 disparus Encore une fois, le rêve de l’Eldorado italien fait des victimes. Avant-hier, à deux heures du matin, trente-cinq jeunes gens issus de divers quartiers de la Banlieue Nord de Tunis (le Kram, la Marsa, Bhar Lazreg et Aïn Zaghouan, essentiellement) se sont aventurés en mer à bord d’un bateau de fortune pourtant prévu pour transporter une dizaine de personnes. Des sources parlent même de deux femmes parmi le groupe. Ils sont partis au beau milieu de la nuit quelque part de la plage de Gammarth et ont mis le cap sur la Sicile avec l’espoir de rompre avec le chômage et le désespoir. Les premiers rescapés en ont vécu le cauchemar et donné l’alerte suite à leur retour à la nage moins de deux heures plus tard. Cinq rescapés ont été récupérés sur la plage de la Marsa et quatre autres ont été repêchés en pleine mer, à quelques kilomètres des côtes, par les unités de la protection civile et de l’armée, mobilisées pour la recherche d’éventuels rescapés perdus en mer. Des sources à l’hôpital universitaire Mongi Slim ont affirmé avoir reçu à l’aube les cinq rescapés ayant atteint la côte à la nage pour des soins urgents avant de les remettre aux autorités pour les besoins de l’enquête. Les services de la médecine légale à l’Hôpital Charles Nicole n’ont, quant à eux, reçu aucun corps des suites de cette catastrophe jusqu’à hier à 19 heures. La barque naufragée a été, semble-t-il, retrouvée et ramenée quelque part sur la côte. Mobilisation générale Aussitôt l’alerte donnée par les rescapés qui ont annoncé que leur embarcation avait été endommagée en pleine mer, les unités de la protection civile et de l’armée de mer ont été mobilisées à la recherche des rescapés ou des disparus de cette nouvelle catastrophe. Des investigations ont été déclenchées avec l’aide d’équipes sous-marines composées de plongeurs spécialisés dans les recherches en profondeur pour retrouver les corps d’éventuels naufragés en catastrophe. Un hélicoptère a été également mobilisé pour aider au repérage des lieux. Les recherches se sont poursuivies durant toute la journée d’hier sous le regard de centaines de citoyens venus aux nouvelles. Plusieurs personnes présentes sur les lieux étaient inquiètes quant au sort de leurs parents faisant partie de cette expédition de fortune. Les inquiétudes des parents L’inquiétude se lisait sur les visages de plusieurs citoyens présents sur place telle cette jeune fille en pleurs dont le fiancé a pris la mer sur l’embarcation clandestine et qui avait peur de le perdre à jamais. Elle a affirmé entre deux sanglots qu’elle avait essayé de le dissuader en vain : « Il a été pris par le désespoir. Il vivait depuis plus de trois ans en chômage malgré ses multiples tentatives de trouver un emploi stable ou de monter une petite affaire. Il n’a pas cessé de répéter durant les derniers mois que « l’étranger » serait son dernier recours. J’ai essayé de l’en dissuader mais c’était en vain. Il affirmait qu’il était mort de toutes les manières  lorsqu’il n’arrivait pas à subvenir à ses propres besoins » Une mère poussait également des cris de détresse. Son fils cadet faisait partie de cette expédition et c’est son fils aîné qui l’a informé de la catastrophe : « je ne sais pas qui croire ! On parle de neuf rescapés et on affirme n’avoir repêché aucun corps ! Dieu soit avec mon fils et ses amis ! Espérons qu’ils sont parvenus à regagner la côte ! » Quant au frère de l’émigré clandestin, un pêcheur professionnel, il affirme : « mon frère et mon cousin font partie de cette expédition de trente-cinq personnes. Ils sont partis au milieu de la nuit exploitant les conditions climatiques apparemment favorables. Mais l’embarcation ne pouvait supporter une telle charge ! » Cette catastrophe pose de nouveau des questions sur cette catégorie de jeunes rongés par le désespoir au point de s’aventurer vers une mort certaine. Mourad SELLAMI (Source: « Le Temps » (Quotidien – Tunis), le 21 Janvier 2009)
 
 
 

Tunisie : Un redressement fiscal de 15 MDT pour Tunisiana

Dans une interview à l’hebdomadaire « Assabah al Ousboui », le Directeur général de Tunisiana , Yves Gauthier évoque le litige de l’opérateur avec l’autorité de tutelle et la plainte déposée à son encontre par l’administration fiscale affirmant que Tunisiana n’a aucun problème avec cette dernière et qu’elle s’acquitte de la totalité de ses obligations. Il n’en a pas moins fait état d’un différend avec l’administration des impôts concernant l’interprétation de textes juridiques, estimant que le téléchargement électronique n’est pas assujetti à l’impôt et que par conséquent que le pack entier est vendu au distributeur lequel s’acquitte de frais aléatoires fixés à 300 millimes par la loi des finances, tout en gardant la latitude de vendre à son gré le pack . Cependant, a-t-il ajouté, la Direction des impôts a exigé de  prélever 300 millimes sur chaque dinar, ce qui est inacceptable, a-t-il affirmé. Le DG de Tunisiana a rappelé qu’une plainte judiciaire a été déposée contre l’opérateur lequel, a-t-il dit,  n’a pas failli à ses obligations faisant valoir que, dans tous les cas de figure, l’impôt exigé ne doit pas dépasser les 6% stipulés par la loi des finances pour 2007.C’est sur cette base, a-t-il indiqué, que s’est fondé le jugement de la juridiction saisi, précisant qu’il ignore si la Direction des impôts va interjeter appel de la décision. Au sujet du montant du redressement fiscal, il a précisé qu’il s’élève à 14 millions de dinars compte non tenu des pénalités, ce qui porte la somme due à un total  de 15 MD. (Source: « African Manager » (Portail économique – Tunis), le 19 Janvier 2009) Lien : http://www.africanmanager.com/articles/120700.html  

Émission – tv

 
Après le débat animé par Michel Field sur LCI, Mezri Haddad participera demain 21 janvier, à un autre débat contradictoire, toujours à propos des événements à Gaza, sur la chaine de télévision « FRANCE O » (Groupe France Télévisions). Il y aura à ses côtés Didier Billion, directeur adjoint de l’IRIS; et contre lui Yves Thréard, directeur adjoint de la rédaction au Figaro, ainsi que Théo Klein, ancien président du CRIF.

Horaire de l’émission 22h30.

 Rediffusion le jeudi 22 janvier dans la matinée, probablement à 12h30.

 

Stéphane Hessel au « Quotidien d’Oran » : «Pas de sortie de crise sans une discussion avec le Hamas»

 
Interview Réalisée Par L’un De Nos Correspondants A Paris, S. Raouf «Citoyen sans frontières», Stéphane Hessel n’en finit pas avec les engagements (1). A bientôt 92 ans, il continue à donner de la voix chaque fois que la justice est agressée et le droit mis à rude épreuve. Résistant au nazisme, déporté dans les camps nazis, ce diplomate de carrière – il a été numéro deux à l’ambassade de France à Alger à la fin des années soixante – milite pour un monde pacifié, juste et solidaire. Artisan, aux côtés d’autres, de la Déclaration universelle des droits de l’homme, il a été de tous les combats qui ont jalonné l’histoire contemporaine. Adversaire du nazisme, anticolonialiste, tiers-mondiste exigeant, défenseur des sans-papiers, humaniste en «croisade» permanente contre la misère, l’injustice et la faim. Fidèle à une ligne de conduite vieille de plusieurs années, il oeuvre en faveur du droit des Palestiniens à avoir leur Etat. Et dénonce, sans jamais faillir, la politique d’Israël. Le Quotidien d’Oran est allé à sa rencontre à son domicile parisien. Stéphane Hessel était accompagné, pour la circonstance, de son épouse, Christiane Hessel, née Chabry. Depuis 1987, date de leur mariage, les Hessel dédient des heures de leur quotidienneté aux causes justes. Le Quotidien d’Oran: Dans une interview à un média suisse au lendemain du déclenchement de l’offensive terrestre de Tsahal contre la bande de Gaza, vous dénonciez un «crime de guerre» et un «crime contre l’humanité». Ces qualificatifs s’appliquent-ils à la situation qui prévaut, depuis fin décembre, dans ce territoire palestinien ? Stéphane hessel: Oui je le crois, absolument. N’est-ce pas la définition qui a été donnée lors de la mise en place du Tribunal pénal international, chargé précisément de juger les gens coupables de ce genre de crimes. Un «crime de guerre» consiste, dans une confrontation armée, à bafouer les conventions du droit humanitaire. Dans ce genre de situation, l’humanité exige que l’on fasse la distinction entre des militaires qui s’affrontent et des civils que l’on se doit de protéger. Elle exige qu’on fasse un véritable effort pour en prémunir les civils et éviter les bavures. Ce n’est pas le cas de l’opération de l’armée israélienne à Gaza où, au contraire, on multiplie les bombardements de mosquées et d’écoles. Cibler non pas quelques individus mais l’ensemble du peuple, le peuple palestinien en l’occurrence, c’est bien un crime contre l’humanité. Q.O.: Mme Hessel, partagez-vous les propos de monsieur l’Ambassadeur ? S.H.: Totalement et sans ambiguïté. Nous qui allons de temps en temps à Gaza, nous mettons des visages sur ces drames. Ce sont des visages de civils qui, souvent, font un travail humanitaire auprès des enfants et des femmes. Nous supportons très mal ce qui s’y passe. Q.O.: Dans les réactions qui rythment cette actualité tragique, chacun va de son commentaire. Un tel en attribue la responsabilité à Hamas, accusé de rompre la trêve. Tel autre cible l’Etat hébreu. Qui en est responsable ? S.H.: On peut avoir sur cette question des avis différents. Peu importe de savoir qui de Hamas ou d’Israël est à l’origine de la violence. L’important, c’est de savoir pourquoi les événements à l’origine de cette situation ont amené Israël à commettre un nombre incroyable d’actes contraires à toute humanité. Celui qui a commencé, c’est le gouvernement israélien, en empêchant tout contact entre la bande de Gaza et le monde extérieur, qui a privé ses habitants de toute possibilité de vie normale. Il est évident que cela devait provoquer une réaction militante de la part de ceux qui, du côté palestinien, veulent la libération de leurs territoires. Qu’ils le veuillent avec une composante islamiste forte ou avec un désir de compréhension plus grande à l’égard des préoccupations d’Israël, cela importe peu. La situation infligée à Gaza ne pouvait ne pas provoquer des réactions violentes. Que le Hamas ait accepté pendant six mois d’interrompre le lancement de roquettes prouve qu’il était disposé à négocier. Mais fallait-il que le gouvernement israélien fasse quelques pas en faveur d’une libération des territoires occupés et la création d’un Etat palestinien. Aucun de ces pas n’a été accompli. C’est donc la responsabilité du gouvernement israélien d’avoir berné sa population, en lui faisant croire que sa sécurité dépendait d’une action violente contre le Hamas au lieu d’aller vers une négociation. C’est la responsabilité de ce gouvernement de n’avoir pas engagé un début de négociation sérieuse depuis la conférence d’Annapolis. Q.O.: Mme Hessel, comment qualifiez-vous la situation humanitaire dans ce territoire ? S.H.: Nous étions à Gaza pas plus tard qu’en octobre. Nous en sommes revenus catastrophés. La situation était déjà insupportable et les conditions de vie totalement épouvantables. Nous n’imaginons pas ce que ça peut-être aujourd’hui. Nous avons des contacts suivis via une association humanitaire, La Voix de l’enfant. Chaque jour, nous avons un correspondant au téléphone. Il a recueilli dans sa maison une quarantaine de personnes qui vivent entassées. Pas d’électricité, plus rien à manger. Les Gazaouis essayent de survivre. Les trêves quotidiennes, qui ne sont pas toujours respectées, leur permettent de sortir pour se procurer quelques vivres. La situation ne peut plus durer. Il faut d’urgence un accord de paix ou, à tout le moins, une trêve sérieuse dans la région. Q.O.: Le profil du Hamas suscite bien des commentaires aux yeux des gouvernements et des observateurs. On y voit, selon les cas, un mouvement terroriste, une organisation radicale ou un mouvement politique jouissant du soutien de la majorité des Palestiniens. S.H.: Que le Hamas soit un mouvement violent, qu’il tire sa source historique des Frères musulmans égyptiens, qu’il se sente proche de l’Iran, de la Syrie et du Hezbollah, c’est une réalité. Oui, il s’agit d’un mouvement violent. Mais dans la mesure où il est prêt à entamer des discussions, il faut le prendre au mot. Nous savons par les contacts pris, notamment par Jimmy Carter et Yves Aubin de la Messuzière (ancien directeur Afrique du Nord – Moyen-Orient au Quai d’Orsay), que le Mouvement est prêt à envisager une solution sur le moyen et long terme. Une sorte de trêve de quarante ans pendant laquelle il se satisferait de l’existence de l’Etat d’Israël à côté d’un Etat palestinien. Qu’il accepterait ce que la communauté internationale réclame depuis quarante ans à travers les résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité. Le Hamas ne constitue pas un obstacle à l’adoption de ces textes. Lui faire confiance, penser qu’il va se transformer d’un mouvement islamiste violent en un mouvement pacifiste serait évidemment naïf. Mais lorsqu’on se trouve en situation de conflit comme c’est le cas d’Israël avec les Palestiniens, il faut négocier avec ceux qui paraissent crédibles dans le pays avec lequel on est en désaccord. Or, aux yeux des Palestiniens, le Hamas parait actuellement crédible, alors que Mahmoud Abbas, le chef du Fatah et de l’Autorité palestinienne, ne l’est plus. Il a fait trop de concessions sans obtenir le moindre progrès dans les négociations. Dans une situation de violence, il n’y a pas de sortie de crise sans une discussion avec celui qui peut la susciter et qui peut la faire cesser. Q.O.: Les adversaires de Hamas avancent comme pièce à conviction son programme politique. Un programme qui ne reconnaît pas Israël et les accords de paix signés par l’OLP au nom du peuple palestinien. Hamas peut-il évoluer sur cette question ? S.H.: Nous l’espérons, nous ne savons rien. Nous ne pouvons pas prévoir comment le Hamas va évoluer. En revanche, ce que nous pouvons dire, c’est que c’est Israël qui a encouragé le Hamas comme un opposant dont il pensait qu’il diminuerait la force du Fatah et de l’OLP. Israël est responsable pour avoir encouragé le Hamas. Il faut maintenant travailler avec lui et l’encourager à adopter une attitude plus constructive. On peut le faire avec l’aide des pays arabes qui, à Beyrouth, avaient proposé encore une fois à Israël une paix sur la base des résolutions du Conseil de sécurité. Si cette direction est prise par Israël, il n’est pas douteux que le Hamas soit obligé d’en accepter les données générales. Le Hamas ne pourrait pas résister à une négociation où Israël retiendrait les propositions faites par les pays arabes, les propositions d’Annapolis et les résolutions du Conseil de sécurité. Q.O.: Est-il possible de relancer le chaotique processus de paix alors que la bande de Gaza s’embrase ? S.H.: Une négociation est indispensable et le plus vite possible. Nous les citoyens du monde, nous qui militons pour la paix et l’harmonie entre les peuples, nous qui pensons qu’Israël a droit à l’existence mais n’a pas le droit de bafouer le droit international et les conventions humanitaires, nous en sommes profondément convaincus. Q.O.: Comment, dans les circonstances actuelles, une telle négociation pourrait-elle s’engager ? S.H.: Il faut que le gouvernement israélien issu des urnes de février 2009 soit soumis à une pression forte de la part de ses alliés et de tous ceux qui l’ont soutenu dans son existence tout au long des 60 dernières années. Cette pression doit tendre vers l’ouverture d’une négociation, dont les résultats ne peuvent qu’être favorables à la sécurité d’Israël. Israël a autant besoin d’un partenaire palestinien souverain que ce dernier a besoin d’un accord de paix avec Israël. La négociation est nécessaire, on l’a affirmé à Oslo, on l’a répété à Annapolis. Elle semble, il est vrai, d’autant plus ardue qu’il est difficile pour Israël de convaincre en ce moment sa population qu’elle peut vivre avec le retour de ses colons installés en Cisjordanie. Qu’elle peut vivre avec Jérusalem capitale des deux Etats… Q.O.: … l’exercice semble des plus difficiles. S.H.: La population israélienne est malheureusement très mal préparée à accepter cette solution. Il faut que la pression vienne du monde extérieur. C’est la raison pour laquelle nous avons la naïveté de penser que si Barack Obama se dévoile comme un président vraiment soucieux de la paix et de l’avenir positif d’Israël et de l’Etat palestinien, les choses pourraient évoluer. Les Etats-Unis ont le pouvoir d’exercer sur Israël la pression nécessaire pour que la négociation reprenne vraiment et aboutisse. Q.O.: S’exprimant en tant que Juif, Pierre Vidal-Naquet – pour ne citer que lui – avait dénoncé, à maintes reprises, cette attitude – toujours de mise – assimilant à de l’antisémitisme toute voix qui dénonce la politique répressive d’Israël. Avant de s’éteindre en 2006, il avait insisté sur la nécessité de distinguer entre judaïsme, sémitisme et sionisme belliqueux. S.H.: Pierre Vidal-Naquet avait tout à fait raison. Cette distinction est indispensable. Dénoncer le sionisme lorsqu’il se manifeste par la violence contre les Palestiniens n’est aucunement une atteinte au sémitisme, au judaïsme. Cette distinction est relativement facile à faire pour ceux qui, comme moi, ont connu l’antisémitisme violent de la Seconde Guerre mondiale. Ils ne peuvent, en aucun cas, le confondre avec une critique raisonnable et justifiée contre le gouvernement d’Israël. Ce n’est pas de l’antisémitisme que de plaider, dans l’intérêt même du peuple juif, pour un changement de politique. Nous voudrions que les Juifs aient un Etat, qu’ils puissent vivre en paix avec les Palestiniens. C’est un objectif qui va dans le sens de la sympathie et de l’estime que l’on peut avoir pour tout ce que les Juifs ont apporté au Monde. Je rappelle que parmi les grandes figures qui ont nourri la civilisation moderne, il y a des Juifs, qu’il s’agisse de Moïse, de Jésus Christ, de Spinoza, d’Einstein, de Freud ou de Karl Marx. Nous devons à des Juifs beaucoup d’avancées au profit de la civilisation internationale. Ca n’a rien a voir avec la critique qu’il faut pouvoir apporter avec rigueur contre ce que les gouvernements israéliens successifs ont fait d’inadmissibles, d’insupportables et de dérogatoires à la dignité du peuple juif. Cette politique des gouvernements israéliens est porteuse de danger, car elle est de nature à susciter une recrudescence de l’antisémitisme. Les gouvernants israéliens devraient se poser cette question. En agissant comme ils le font à Gaza, ils favorisent la résurgence latente et tout à fait injustifiée de l’antisémitisme. (1)     Stéphane Hessel : Citoyen sans frontières. Conversations avec Jean-Michel Helvig. Fayard. (Source : « Le Quotidien d’Oran » (Quotidien – Algérie), le 19 janvier 2009) Lien : http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5114176


 

Point de vue

Israël-Palestine : sentir la douleur de l’autre camp, par Juan Goytisolo

 
LE MONDE | 21.01.09 | 13h58  •  Mis à jour le 21.01.09 | 13h58
 
Nous ne faisons du mal aux autres que lorsque nous sommes incapables de les imaginer », ai-je lu dans un livre dont je ne peux affirmer s’il est écrit par Tzvetan Todorov ou par Carlos Fuentes. Ces mots faisaient allusion à des gestes lointaines, telles la conquête espagnole de l’Amérique ou les guerres coloniales européennes du XIXe siècle, quand les cruautés infligées à des peuples « inférieurs » se drapaient d’une aura héroïque et altruiste : mission évangélisatrice, diffusion des lumières de la civilisation, lutte contre l’arriération et la barbarie.  
 
Aujourd’hui, les choses ont changé. Qu’il s’agisse de guerres d’agression ou de guerres prétendument défensives ou préventives, les images des dévastations et des ruines qu’elles provoquent atterrissent directement dans nos foyers. Installés confortablement chez nous, nous assistons aux horreurs des bombardements, à la mort en direct des femmes et des enfants, et au pilonnage ininterrompu des populations en proie à la terreur. La vision saisissante des destructions, des cadavres et le désespoir des proches des victimes défilent devant nos yeux sans que nous soyons capables d’imaginer les sentiments d’impuissance, de colère et de douleur des autres, sans que nous soyons capables de nous mettre dans la peau de ceux qui endurent le supplice. Le refus volontaire ou induit de reconnaître le mal que nous causons est souvent le contrecoup de l’angoisse et de l’horreur liées à notre propre passé, de nos peurs ancestrales et de la crainte de leur réitération dans l’avenir. Nous tuons parce que nous avons peur, pris que nous sommes dans un tourbillon d’anxiété, de méfiance et de pulsions agressives auxquelles il nous est difficile d’échapper. C’est pour cela que nous laissons la force de la raison s’effacer devant la raison de la force. Nous ne nous sentons pas coupables du mal que nous infligeons aux autres à cause de celui qui pourrait s’abattre un jour sur notre tête. J’écris cela à propos de Gaza. Un pareil étalage de puissance militaire pour stopper les tirs des roquettes artisanales sur Sderot et sur d’autres localités du sud d’Israël est-il vraiment nécessaire ? Le siège terrestre, maritime et aérien d’un million et demi de personnes affamées qui crient vengeance contribue-t-il à la résolution du problème de la sécurité d’Israël, ou l’aggrave-t-il, au contraire, selon toutes les prévisions ? Est-ce l’unique option posée sur la table depuis le coup de force perpétré par le Hamas contre l’Autorité palestinienne au crédit déjà bien entamé, comme ne cessent de le répéter sur tous les tons les porte-parole de l’armée et du gouvernement israéliens ? La réponse est que la communauté internationale, à l’exception de George Bush et de ses faucons, pense exactement le contraire. Bombarder et bombarder encore ne garantit nullement l’avenir d’Israël : cela l’enferme dans une logique de citadelle assiégée qui se retournera, à terme, contre lui. Semer la haine et la soif de vengeance ne peut que conforter les positions du Hamas et du Hezbollah et de leurs mentors iranien et syrien. N’est-il pas en effet contradictoire d’invoquer la légitime défense contre les « loups qui rôdent » (j’emploie la terminologie d’un analyste nord-américain) et, dans le même temps, de contribuer à la prolifération de ces mêmes « loups » par une politique d’asphyxie et de destruction de toutes les infrastructures de Gaza (écoles, mosquées, bâtiments administratifs, centres d’accueil des réfugiés palestiniens sous la protection internationale) ? Regarder le spectacle des destructions dans les journaux télévisés ne suffit plus pour se mettre dans la peau de celui auquel on inflige le mal : à ces centaines de milliers de jeunes de Gaza, indignés par l’impuissance pathétique d’Abbas et par la complicité des soi-disant pays frères tels que l’Egypte de Moubarak. N’importe quel observateur étranger vérifiera l’effet inverse produit par cet acharnement cruel qui transforme ce ghetto infâme en véritable brasier. J’avoue ma perplexité devant les propos absurdes, dignes de la terrible phrase, « les Palestiniens doivent souffrir davantage », prononcée par Ariel Sharon il y a huit ans en guise de programme d’action, d’un intellectuel comme Avraham Yehoshua, qui la fait sienne à sa manière, quand, toute honte bue, il affirme que « la capacité de souffrance des Palestiniens est plus grande (que la nôtre) ». Est-ce qu’il s’appuie sur un diagnostic scientifique, ou sur un « psychomètre » capable de mesurer sa propre douleur et celle de l’autre ? Ou bien est-ce le reflet de cette incapacité tragique d’imaginer la douleur des autres, qu’ils soient Juifs, Indiens d’Amérique, Noirs ou Palestiniens ? Une lecture opportune de Todorov nous sortirait peut-être de nos doutes. L’écrasement de Gaza ne répond à aucune stratégie réfléchie, il obéit à un calcul politique opportuniste dans la perspective des prochaines élections parlementaires, même au prix de la liquidation des derniers espoirs entretenus par tous ceux qui, d’Oslo à Annapolis, ont cru dans la possibilité d’une solution négociée. Même si, sur le terrain, c’est-à-dire dans les territoires occupés, elle est, d’année en année, démentie : extension imparable de la colonisation, humiliations quotidiennes des habitants de Jérusalem-Est et de la Cisjordanie, misère et asphyxie économique de la bande de Gaza, en particulier après la victoire électorale du Hamas, qualifié de mouvement terroriste par les Etats-Unis et par une Union européenne tragiquement désunie et incapable de jouer le moindre rôle de médiateur crédible qu’exigent les circonstances. Le jeu, qui consiste à diviser le prétendu Etat palestinien en deux entités distinctes et de morceler la Cisjordanie en bantoustans invivables, porte en premier lieu préjudice au gouvernement discrédité de Mahmoud Abbas. Mais comme le radicalisme des uns alimente celui des autres et sous prétexte de ne pas dialoguer avec les terroristes – passant sous silence le fait que le Hamas a été démocratiquement élu -, le seul « Etat démocratique » dans la région continue à violer quotidiennement les résolutions de l’ONU et à ignorer avec superbe la désapprobation quasi unanime de l’opinion publique internationale. Le manque d’imagination en ce qui concerne la douleur des Palestiniens – cette aptitude éthique et en fin de compte humaine à se mettre à leur place – enferme cet Etat dans une voie sans issue, consistant à frapper encore plus durement ses ennemis. Tant ceux qui refusent d’admettre la réalité par leur rhétorique funeste et leurs fanfaronnades insupportables, que ceux qui aspirent à une paix et un horizon partagés par le retour à ce qu’on appelle la « ligne verte » (la frontière d’Israël avant l‘occupation des territoires palestiniens en 1967), conformément à la résolution 242 du Conseil de sécurité des Nations unies. J’entends avec espoir et soulagement la voix des intellectuels dissidents d’Israël et des autres hommes et femmes décidés à marquer leurs distances par rapport à l’unanimisme assourdissant décrit par la presse après les succès éphémères remportés dans l’assaut dévastateur lancé contre Gaza. Ce sont les dissidents laïques des deux camps qui impulseront un retour vers la raison. Leur désir d’une paix encore chimérique se nourrit de l’espoir de parvenir un jour à un accord équitable et pragmatique, parce que, en tant qu’êtres humains, ils voient, ils imaginent, ils sentent le mal qu’ils infligent aux autres mais qu’ils ne veulent pas pour eux-mêmes. Traduit de l’espagnol par Abdelatif Ben Salem  
 
Juan Goytisolo, écrivain espagnol (Source: « Le Monde » (Quotidien – France) le 22 anvier 2009)  


 
 Sadri Khiari

La Contre-révolution coloniale en France

De de Gaulle à Sarkozy

 
 
En librairie le 22 janvier 2009
« Le racisme n’est pas un dysfonctionnement de la République, comme on a souvent tendance à le penser, mais son fonctionnement normal. La République est le Pouvoir blanc. » Comme le Capital a produit les classes, le patriarcat les genres, le colonialisme a produit les races. Si le mot fait peur, se chuchote à peine, la chose, elle, n’en finit pas d’exister et de tisser les rapports sociaux. C’est elle qui cimente les discriminations à l’embauche, à l’avancement, au logement, dans l’accès aux loisirs ou aux instances médiatiques et politiques, dans les pratiques policières et judiciaires, etc. « La preuve des races sociales, c’est qu’elles luttent ! » Face à cette offensive massive contre tous ceux qui sont définitivement de l’autre côté de la barrière raciale et que la France s’acharne à combattre en particulier pour ce qu’ils sont censés avoir de particulier, Sadri Khiari nous donne à voir les luttes de résistance de ceux dont on tolère à peine l’existence quand on ne la nie pas complètement : des luttes des OS immigrés aux grèves des loyers dans les foyers Sonacotra, des luttes des sans-papiers à la solidarité avec la Palestine, des mobilisations contre les crimes racistes et les violences policières jusqu’aux révoltes des quartiers populaires, ils sont nombreux à défier les promesses non tenues de liberté, d’égalité et de fraternité. Pouvoir blanc vs Puissance indigène Derrière les défaites, les « récupérations », les protestations sans lendemain, les émeutes vite réprimées ou les divisions, Sadri Khiari nous révèle l’existence d’une véritable puissance politique, longtemps restée inidentifiable, parfois inconsciente d’elle-même mais bien réelle —tant, dans une logique d’opposition à la domination blanche, elle pèse dans les rapports de forces. Sadri Khiari est docteur en sciences politiques. Membre de l’opposition démocratique tunisienne, il est aujourd’hui installé en France. Il est l’auteur de Tunisie, le délitement de la cité – Coercition, consentement, résistances (2003) et de Pour une politique de la racaille (2006). 12 euros – 255 pages ISBN 978-2-91-337283-2

 

 

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