20 septembre 2009

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TUNISNEWS

9 ème année, N° 3407 du 20.09.2009

 archives : www.tunisnews.net  


Liberté et Equité: Nouvelles des libertés en Tunisie AISPP: Les expulsés tunisiens – L’exemple du prisonnier Mohammed Saïdani Human Rights Watch: Tunisie : Le militant des droits humains Abdallah Zouari arrêté et menacé par la police APO: Tunisie / Le Parti Socialiste français demande la libération des prisonniers du bassin minier de Gafsa Tageblatt: Six allemands, dont une petite fille de 4 ans, détenus au Pakistan Carpe Diem: Tunisie : des élections pas comme les autres Taoufik Ben Brik: La mine de Jebel Jerissa : Macondo


Liberté pour le Docteur Sadok Chourou Liberté pour tous les prisonniers politiques Liberté et Equité Organisation de droits de l’homme indépendante 33 rue Mokhtar Atya, 1001, Tunis Tel/fax : 71 340 860 Adresse électronique : liberte.equite@gmail.com Tunis, le 18 septembre 2009

Nouvelles des libertés en Tunisie

1) Condamnation à 16 jours d’emprisonnement pour contravention aux dispositions du contrôle administratif Le Tribunal de Première Instance de Bizerte, présidée par le juge Habib Bennani, a prononcé en appel vendredi 18 septembre 2009 une condamnation à l’emprisonnement contre le jeune Zyed Ben Hammadi Ben Abdnnabi Ferchichi pour non respect des dispositions du contrôle administratif. Ex prisonnier il avait effectué une peine de trois ans pour des accusations en relation avec la loi antiterroriste non constitutionnelle et avait été soumis dès sa sortie à une peine complémentaire de deux ans de contrôle administratif. 2) Poursuite du blocus du local de l’Organisation Liberté et Equité Des agents de la police politique continuent d’encercler le local de l’organisation, défiant ostensiblement toutes les lois, constitutions, conventions et engagements ratifiés par la Tunisie, et relatives à la protection des défenseurs des droits de l’homme et au respect de leur activité. Pour le bureau exécutif de l’Organisation Le Président Maître Mohammed Nouri (traduction ni revue ni corrigée par les auteurs de la version en arabe, LT)

 

 

Liberté pour tous les prisonniers politiques Liberté pour le Docteur Sadok Chourou Association Internationale de Soutien aux Prisonniers Politiques

43 rue Eldjazira, Tunis

E-mail : aispptunisie@yahoo.fr

Tunis, le 19 septembre 2009

Les expulsés tunisiens L’exemple du prisonnier Mohammed Saïdani

Le prisonniers Mohammed Saïdani, incarcéré actuellement à la prison de Mornaguia, a fait une grève de la faim de 8 jours, qu’il a dû effectuer au cachot (siloun) pour protester contre le refus de l’administration de la prison de lui fournir un lit, à lui comme aux autres prisonniers, ce qui l’oblige à dormir à même le sol. Mohammed Saïdani a été ramené le 4 septembre 2009 de la prison de Nadhor à Bizerte, sans être autorisé à rapporter ses effets personnels, au prétexte qu’il s’agissait d’un transfert provisoire conformément aux souhaits du ministère de l’Intérieur de réexaminer son dossier sécuritaire et de relancer les investigations. Il y a trois mois, le ministère de l’Intérieur avait fait une enquête similaire à son sujet alors qu‘il était déjà à la prison de Mornaguia. Le prisonnier Mohammed Saïdani a arrêté sa grève après que l’administration de la prison de Mornaguia ait répondu à sa demande et lui ait fourni un lit, mais il n’a pas été ramené à Nadhor. Les autorités italiennes ont livré Mohammed Saïdani, originaire de Teskraia à Bizerte Sude et l’ont livré aux services sécuritaires tunisiens en 2001. Il a été condamné à 38 ans d’emprisonnement […]

La commission de suivi des prisons

(traductions d’extraits ni revue ni corrigée par les auteurs de la version en arabe, LT)  


Human Rights Watch

Tunisie : Le militant des droits humains Abdallah Zouari arrêté et menacé par la police

 
 

Les autorités tunisiennes déclarent avoir levé les restrictions concernant les déplacements d’Abdallah Zouari. Non seulement la police le suit toujours, mais elle fait tout pour entraver ses activités de défense des droits humains.

Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch

Finalement libéré après 18 ans de prison et d’assignation à résidence, Abdallah Zouari est toujours sous haute surveillance

September 18, 2009
(New York, le 18 septembre 2009) – Le gouvernement tunisien devrait cesser immédiatement de harceler le journaliste et militant des droits humains Abdallah Zouari, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. M. Zouari, qui a été emprisonné pendant onze ans, puis forcé à passer sept autres années dans un village éloigné, a été arrêté de nouveau le 15 septembre 2009, menacé, puis placé en garde à vue toute la journée. Cette arrestation fait suite à une série d’événements qui se sont récemment produits et qui indiquent qu’il fait toujours l’objet de surveillance, bien que son assignation à résidence ait pris officiellement fin, il y a un mois. « Les autorités tunisiennes déclarent avoir levé les restrictions concernant les déplacements d’Abdallah Zouari. Non seulement la police le suit toujours, mais elle fait tout pour entraver ses activités de défense des droits humains », a observé Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. Le 15 septembre vers 13 h, des policiers en civil ont arrêté Abdallah Zouari devant un bureau de poste de Hassi Djerbi, un village situé au sud de la Tunisie, où il était assigné à résidence. Il s’était rendu à la poste pour envoyer une plainte au ministre de l’Intérieur concernant la surveillance sans relâche de la part les agents de sécurité de l’Etat dont il faisait l’objet. Abdallah Zouari fut ensuite conduit par la police au poste de Zarzis, puis soumis à un interrogatoire sur ses activités de militant, notamment sur ses relations avec les organisations des droits humains et son travail de journaliste au cours des sept dernières années, a-t-il raconté à Human Rights Watch. Les policiers lui ont ensuite demandé de signer une déclaration sous serment selon laquelle il renoncerait à écrire des articles qui « jettent le discrédit sur la Tunisie et menacent la sécurité su pays », ce qu’il a refusé. Ils l’ont ensuite menacé de diffuser un film qui le montrerait en pleine activité sexuelle s’il n’arrêtait pas ses activités journalistiques et de défense des droits humains. Les policiers l’ont également insulté à maintes reprises et menacé de sévices avant de le libérer vers 22 h sans qu’aucun chef d’accusation ne soit retenu contre lui. Cette arrestation fait suite à une déclaration qu’Abdallah Zouari a publiée le 13 septembre dans laquelle il racontait ce jour-là comment il fut poursuivi en début de matinée, de Zarzis à Hassi Djerbi, sur un trajet d’environ neuf kilomètres, par un véhicule de police qui lui barra ensuite la route menant à son domicile. Abdallah Zouari raconta que le chef de police Fathi Ibrahim lui a demandé de le suivre au poste pour interrogatoire, ce qu’il a refusé, puisqu’il ne lui avait pas présenté de convocation comme l’exige la loi tunisienne. M. Zouari fait sans cesse l’objet de harcèlement et d’intimidation de la part de la police depuis sa sortie de prison en 2002 après être avoir purgé une peine de onze ans. La sentence initiale prévoyait aussi une période supplémentaire de « contrôle administratif » d’une durée de cinq ans, une disposition que les autorités ont mise en application en l’assignant à résidence dans un village reculé, loin de son domicile situé près de la capitale. En juin 2007, lorsque la mesure de contrôle devait prendre fin, les autorités ont verbalement prolongé de 26 mois son isolement forcé dans ce village sans en justifier le fondement juridique. Malgré l’expiration de cette période depuis le 5 août, la police tunisienne n’a pas arrêté de surveiller Abdallah Zouari de très près. Des agents en civil continuent de le suivre jusqu’au stationnement devant sa résidence et lorsqu’il sort de chez lui. Les militants des droits humains ont longtemps été la cible de la répression gouvernementale en Tunisie. Non seulement ils sont souvent détenus sans chef d’accusation, mais également soumis à des restrictions arbitraires concernant leurs déplacements. Constamment surveillés et privés de leur liberté de se réunir et de faire leur travail, ils sont même parfois la cible d’agressions physiques. Abdallah Zouari a été arrêté la première fois en 1991 dans le cadre d’une grande vague de répression menée par les autorités après l’interdiction du parti islamiste Al-Nahdha. À l’époque, il était journaliste à Al-Fajr, l’organe de presse du parti. Il a été reconnu coupable d’« appartenance à une organisation illégale » et de « tentative de renversement du pouvoir » et condamné à onze ans de prison. Le procès de masse dans lequel il a été condamné ne répondait pas aux normes internationales garantissant un procès équitable et impartial, comme Human Rights Watch et d’autres organisations l’ont d’ailleurs signalé dans le passé. Les infractions portaient entre autres sur l’extorsion d’aveux sous la torture, l’inexistence de droit d’appel, la haute surveillance et les restrictions imposées aux observateurs du procès. Depuis sa libération en 2002, M. Zouari a toujours été une « source » d’information sur le sort des prisonniers politiques et la situation des droits humains dans la région du sud où les autorités l’ont isolé. Abdallah Zouari n’est pas le premier militant des droits humains à avoir reçu de la part des autorités des menaces de faire circuler des images qui les montreraient en plein acte sexuel. En 1993, de fausses photos pornographiques montrant la journaliste et activiste Sihem Ben Sedrine en poste à Tunis ont été diffusées dans le but manifeste de salir sa réputation et de nuire à son travail sur les droits humains. « Si le président Zine el-Abidine Ben Ali souhaite que le scrutin présidentiel du 25 octobre  soit perçu comme étant plus libre et juste que les précédentes élections présidentielles, il devrait veiller à ce que la police  mette un terme aux incessants harcèlements de personnes comme M. Zouari qui osent critiquer ouvertement les pratiques du gouvernement », a conclu Mme Whitson.  

Tunisie / Le Parti Socialiste français demande

la libération des prisonniers du bassin minier de Gafsa

 

PARIS, France, 16 septembre 2009/ African Press Organization (APO)/ — Communiqué de Pouria Amirshahi, Secrétaire national aux droits de l’homme du Parti Socialiste français Pouria AMIRSHAHI a reçu au siège du Parti socialiste M. Abderrahmane HEDILI, porte-parole du Comité national de soutien aux habitants du bassin minier et membre du comité directeur de la Ligue Tunisienne des droits de l’Homme. La rencontre a principalement porté sur la situation inacceptable des 18 personnes détenues depuis la brutale répression par le pouvoir du mouvement social de Gafsa (voir le communiqué du 5 février 2009). Les témoignages sur les conditions de détention (isolement des prisonniers, privations, brimades et mauvais traitement) sont de plus en plus inquiétants. Le Parti socialiste exprime sa solidarité avec les prisonniers, dont le seul crime est d’avoir demandé du travail, et avec leurs familles. Il demande aujourd’hui solennellement aux autorités tunisiennes et au Président Ben Ali de mettre un terme à leur détention. Le gouvernement français doit agir dans ce sens et intervenir auprès du pouvoir tunisien pour que les détenus soient libérés. À la veille d’élections présidentielles et législatives en Tunisie, la France et l’Union européenne doivent rappeler aux autorités tunisiennes que l’Etat de droit et la liberté figurent en tête des conditions d’une coopération saine et durable entre les deux rives de la Méditerranée. SOURCE Parti Socialiste français (PS)


 

 

Tunisie : des élections pas comme les autres

Par Carpe Diem à 12:20:00 PM Depuis que les élections présidentielles et législatives existent en Tunisie, pourquoi a-t-on toujours eu droit à des plébiscites, avec au final des scores ridiculement hauts à la soviétique, et des partages déséquilibrés entre les différents mouvements politiques? Il y a d’abord l’hyper-présidentialisation des élections, et des évènements politiques d’une manière générale dans le pays, plaçant le président au dessus de tout, surtout en période électorale. Les partis ont disparu, leurs programmes aussi. On demeure dans une logique de vénération de l’homme, au lieu d’assister à une vraie compétition entre différents programmes de réforme politique. Résultat : le vote et le plébiscite qui en découle ne servent qu’à renforcer le culte de la personnalité présidentielle. Cette personnalisation exagérée du pouvoir efface le reste de la classe politique nationale, et la rend bête et muette. Ce qui explique le vide intellectuel et institutionnel dans lequel le pays continue de sombrer. Et ce qui fait qu’on n’arrive même pas à feindre le jeu démocratique en instaurant le débat et en affichant des scores un peu plus crédibles… Et puis il y a l’absence d’un contrôle indépendant de la régularité des élections pour limiter le sur-pouvoir présidentiel et celui de son parti-état. La loi tunisienne ne prévoit pas de tels mécanismes pour surveiller et dénoncer les violations et les abus qui peuvent manipuler ou influencer le déroulement et le résultat d’un scrutin. Le conseil constitutionnel est un organe consultatif dépourvu de pouvoir de sanction. Quant à l’observatoire des élections, dont les membres sont désignés par le président lui même, il n’est là que pour servir la campagne du président sortant : quand on sait que 9 membres de cet observatoire sur les 14 qui ont « surveillé » les élections de 2004 ont été reconduits dans leur mission pour les élections de 2009, on ne peut franchement pas s’attendre à des miracles pour les prochaines échéances… A quelques jours du début des compagnes présidentielle et législative, la routine électorale est donc on ne peut plus pesante. Nos médias continuent à verser dans l’auto-glorification et à reproduire les mêmes mythes fondateurs du Changement : pluralisme et démocratisation graduelle, croissance économique, émancipation de la femme, modération religieuse et modèle social équilibré. Mais ce qui différencie cette échéance électorale des précédentes, c’est que ce discours officiel entendu et ré-entendu n’a jamais été aussi éloigné de la réalité du pays. L’économie est en crise, le chômage ne cesse d’augmenter malgré toutes les mesures de sauvetage de l’emploi, la corruption est endémique et contribue au renforcement des inégalités entre classes sociales, la femme tunisienne se cherche encore, et la religion est devenue le refuge de tous les soucis. Quant à la démocratisation, elle se fait au rythme des autorisations et des quotas attribués par le président à ses opposants… Face à un tel gouffre entre les paroles et les faits, c’est l’équilibre social du pays qui se trouve menacé. Les évènements du bassin minier (2008) ont démontré l’extrême fragilité de cet équilibre. Les évènements de Soliman (2007) aussi. Si l’étau de l’oppression continue de se resserrer, l’ordre contrôlé peut faire subitement place au désordre et aux conflits violents. La Tunisie a besoin d’avancer, aujourd’hui plus qu’à tout autre moment… (Source: Le bblog « Carpe Diem » le 19 septembre 2009) Lien:http://carpediem-selim.blogspot.com/2009/09/tunisie-des-elections-pas-comme-les.html
 


 

Six allemands, dont une petite fille de 4 ans, détenus au Pakistan

 
19/09/2009 18:05:00 Six allemands, dont une petite fille de 4 ans, sont détenus depuis mai dans des prisons paskitanaises, après avoir été arrêtés à la frontière avec l’Iran, soupçonnés d’avoir tenté de rejoindre un groupe de djihadistes, annonce l’hebdomadaire allemand Der Spiegel.  Un porte-parole du ministère allemand des Affaires étrangères s’est contenté d’indiquer que des « efforts au niveau consulaire » étaient en cours concernant ces six Allemands détenus. Parmi les personnes arrêtées figure notamment le beau-frère de Mounir Chouka, porte-parole d’origine marocaine, mais qui a grandi à Bonn (ouest de l’Allemagne), du « Mouvement islamique d’Ouzbékistan », considéré comme proche d’Al Qaïda. Un Allemand converti et sa femme originaire d’Erythrée avaient emmené leur fille de 4 ans avec eux. Ils ont été emprisonnés comme les autres membres du groupe, malgré de nombreuses tentatives du ministère allemand des Affaires étrangères pour obtenir la libération de la femme et de la petite fille, poursuit le magazine. Lors de leur interpellation, le groupe avait affirmé être d’origine turque et avoir perdu ses papiers, ce qui a retardé leur identification. Ce n’est qu’en août (BIEN août), avec le transfert de l’enquête aux services de renseignements pakistanais que leur nationalité a été révélée, et que les autorités allemandes ont été prévenues. Selon Der Spiegel, deux membres du groupe auraient reconnu auprès de fonctionnaires de l’ambassade allemande venus leur rendre visite en prison, avoir voulu « rejoindre le Djihad » et des témoignages sur de mauvais traitements de la part des forces de l’ordre auraient également été recueillis. Toujours selon l’hebdomadaire, les autorités pakistanaises auraient accepté d’expulser prochainement les Allemands dans un avion à destination de Francfort. Un septième membre du groupe, un Tunisien qui résidait en Allemagne, mais dont le permis de séjour a expiré, ne devrait, en revanche, pas être de ce voyage. (Source: « Tageblatt » (Quotidien – Luxembourg) le 19 septembre 2009)

La mine de Jebel Jerissa : Macondo

 
 
Par ,Taoufik Ben Brik journaliste et opposant tunisien. Un gros ciel de braise écrase les briques sales de Jerissa, ville minière située à 200 kilomètres au nord-ouest de Tunis. Il fait nuit. Jamel Ould El Hou dérive, pété, vomi, sac en papier, rues pas éclairées, camions 22 tonnes arrêtés, bars aux carreaux cassés. Il se cogne les poings, l’un contre l’autre de toutes ses forces. Il gueule, chien perdu, chien méchant, contre lui-même. La mine de fer à ciel ouvert de Jebel Jerissa, raconte la légende, aurait fourni la matière première nécessaire à la construction de la tour Eiffel et des rails du métro de Paris. On dit aussi que les Français l’auraient achetée en 1888, sept ans après la colonisation, aux Jebaris, pour un kilo de halva et une livre de figues sèches. En plein pays berbère, du côté de la Table de Jugurtha, ils avaient implanté cette drôle de ville typiquement française, avec son église, son cimetière, ses tuiles rouges, ses bars, ses cercles de jeu, ses trois terrains de tennis et son boulodrome, qui vaudra à la Tunisie de devenir championne du monde de pétanque en 1973. Le FCD (Football Club Djerissa) a même accédé à la division nationale en 1969-1970. Prospère jusqu’aux années 1970, cette ville minière attirait, aux côtés des Tunisiens de toutes les régions, une main-d’oeuvre de toutes origines, Maltais, Italiens, Espagnols, Algériens, Marocains, Sénégalais, et de toutes les confessions, musulmans, juifs, chrétiens. Les quartiers s’appellent encore Italie, Sicilia, P’tit Paris. Dans ce melting-pot se côtoyaient des syndicalistes, des nationalistes, des anarchistes, des communistes et des trotskistes… Il y avait plus de trois mille travailleurs à Jerissa. Maintenant ils ne sont que trois cents. Il y a longtemps que la mine n’embauche plus et qu’elle ne remplace plus les retraités. « Mineur à Jerissa, c’est moins qu’un marin, c’est un sous-marin. C’est du Kleenex jetable. C’est du citron : on presse, on jette », dit Jamel Ouled El Hou. À Jerissa, deux catégories : les sans-boulot et les futurs sans-boulot. Leur monde est un sablier. Ils sont des grains de sable déjà tombés au fond, ou bien ils vont tomber au fond. Sans emploi, sans salaire, sans famille… Jerissa n’a plus besoin de vous. Abattus, les exclus ? Apathiques, les déchus ? Moroses, les fauchés ? Et indifférents. Et coupables. Et ringards. Et trop vieux. Et trop jeunes. Tous de trop. Mine morte, centrale vidée, hommes virés, épuisés de bouffer à la table qui recule. Bar vide, mineurs sans emploi. Tu ne gagneras plus ton pain à la sueur de ton front. Métlaoui, Redeyef, ça pète dans le bassin minier de Gafsa, et tant que ça pète, il y a de l’espoir. Mais après, plus loin, là où ça ne pète plus, là où la rage ne va même plus ? Un dimanche, à Jerissa. Un dimanche en plein ramadan. Dîner en famille avec ceux qui font avec, ou plutôt qui font sans. Encore une fois, histoire de bien vérifier que tout est vu, que tout est vain, qu’il n’y a aucune solution, que tout est à jamais impossible, qu’apathie, renoncement, reniement, vieillissement ont définitivement triomphé et que demain est une farce. Après, il faudra rentrer chacun dans la désolation des identiques petites maisons à se flinguer un après-midi d’un vendredi de prière. Au bout le tunnel… Parce qu’on a beau se la raconter, ça finit par nous miner l’énergie du désespoir, Jerissa, toujours un naufrage d’avance. Il y a la détresse qui se voit, qui se gueule, qui se flingue, qui se cogne, qui fout la merde. Et il y a le désarroi qui ne se voit pas, le ghetto intérieur. Quand on retourne la violence contre soi, contre les siens. Comment on s’en sort ? Détruit à l’intérieur, détruit à l’extérieur, qu’est-ce qu’on fait avec les débris, qui, quoi pour les recoller ? Jerissa est entièrement décati et ses gens le savent mieux que vous, mais ils se la racontent, la grandeur perdue, comme si le fer n’était pas encore épuisé. La vérité, c’est que Jerissa est un vieil épervier qui se prend pour un Phénix. Un vieux joueur fauché qui fait encore semblant de croire qu’il va se refaire dès que le casino va rouvrir, alors que le casino est depuis longtemps déserté. Alors que tout le monde est parti, Jerissa, en haillons, attend son carrosse. La roue de la loterie ne tourne plus. Jerissa veut jouer encore, encore tenter sa chance en se racontant des nuits qui seraient le plus beau jour de la vie pour mourir. (Source : « L’Humanité » (Quotidien – France), le 17 septembre 2009) Lien : http://www.humanite.fr/2009-09-17_Idees-Tribune-libre-Histoire_La-mine-de-Jebel-Jerissa-Macondo
 

 

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