20 mars 2010

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TUNISNEWS
9 ème année,N° 3588 du 20.03.2010
 archives : www.tunisnews.net 


AISPP: Détérioration de l’état de santé du prisonnier Ghaith Ghazouani C.I.L.A.E.: Le franco-tunisien Ahmed ELEUCH sera jugé en appel le mardi 23 mars 2010 pour l’affaire de Sfax Assabilonline: Zouhaïer Makhlouf, notre correspondant en Tunisie, fait l’objet d’un accident qui pose bien des questions AFP: Tunisie: le président Ben Ali dénonce « des accusations gratuites » à l’approche des municipales PANA: 150 millions de dollars de la BAD à la Tunisie pour un projet énergétique La Voix des Tunisiens: Dernier mandat de Ben Ali : Chant du cygne ou chant funeste ? Le Monde: L’assassinat d’un nationaliste tunisien en 1952 revient devant la justice française Luiza Toscane: La Bosnie se débarrasse de ses indésirables El Watan: Nadia Marzouki. Politologue, université de Yale « Les Américains simplifient le débat sur l’islam en France »


 

Association Internationale de Soutien aux Prisonniers Politiques 43 rue Eldjazia, Tunis Aispp.free@gmail.com 19 mars 2010

Détérioration de l’état de santé du prisonnier Ghaith Ghazouani

Monsieur Ahmed Ghazouani lance un cri d’alarme et un appel au secours à toutes les consciences libres à la suite de la détérioration de l’état de santé de son fils Ghaith Ghazouani qui a quitté la prison le 13 décembre 2009 pour être soumis à cinq années de peine complémentaire, le contrôle administratif, et pour faire des examens médicaux en raison des maladies graves contractées en prison, notamment : chute des cheveux, asthme, allergie, caries dentaires, baisse de l’acuité visuelle, douleurs lombaires. Quelques jours après sa libération, des analyses médicales ont mis en évidence des problèmes pulmonaires. L’état de santé de Ghaith Ghazouani s’est aggravé notoirement. Il s’est mis à cracher du sang, est devenu pâle. Il a renouvelé les examens le 1er mars 2010 à l’hôpital Abderrahman Mami, et il s’est avéré qu’il était atteint de tuberculose. Il devait revoir le médecin le 8 mars 2010 pour poursuivre les analyses et les examens. Mais le 3 mars 2010, cinq agents de la police politique sont venus à sons domicile, exigeant qu’il les suive pour une affaire le concernant qui ne demanderait que quelques minutes.. !! En réalité, il a été déféré à l’instruction pour une accusation de « non révélation d’infractions terroristes », accusations qui ont valu d’être ramenés en prison à nombre de jeunes soumis au contrôle administratif et qui avaient déjà été condamnés dans des affaires en rapport avec la loi antiterroriste. Le jeune Ghaith Ghazouani est né le 10 juin 1983 à Tunis. Il a été  arrêté une première fois le 23 mai 2005, pour des accusations en relation avec la dite « loi antiterroriste ». il a été condamné à quatre ans et demi d’emprisonnement et cinq années de contrôle administratif. Le premier juge d’instruction, monsieur Omar Ben Mansour, avait refusé de le soumettre à un examen médical prouvant les séquelles de torture dont Ghaith Ghazouani avait affirmé avoir fait l’objet dans les locaux du ministère de l’Intérieur. Ghaith Ghazouani a été soumis à de multiples reprises à des provocations du chef du poste de l’Ariana-ville qui avait menacé plus d’une fois de le renvoyer en prison.. ! il ne lui aura fallu pour s’exécuter que …. dix semaines … […] Pour la commission de suivi des prisonniers libérés Le vice Président de l’Association Maître Abdelwahab Maatar (traduction d’extraits, ni revue ni corrigée par les auteurs de la version en arabe,LT)


Communiqué du Comité International pour la Libération d’Ahmed ELEUCH (C.I.L.A.E.)
 Le franco-tunisien Ahmed ELEUCH sera jugé en appel le mardi 23 mars 2010 pour l’affaire de Sfax


Le C.I.L.A.E (Comité International pour la Libération d’Ahmed ELEUCH) informe l’opinion publique française, tunisienne et internationale, que le docteur Ahmed ELEUCH comparaîtra le mardi 23 mars 2010 devant la Cour d’Appel de Sfax.                                                                           

            Nous rappelons qu’Ahmed ELEUCH avait été condamné en première instance à Sfax, le mardi 19 janvier 2010, à une peine de deux ans de prison avec sursis au motif qu’il aurait « financé un groupe qui prône la haine religieuse ». Or quelques jours plus tard, le lundi 25 janvier 2010, il avait été acquitté, cette fois par la Chambre d’Appel  de Tunis, de sa condamnation à quatre ans d’emprisonnement ferme pour « participation à un groupe clandestin portant atteinte aux biens et aux personnes », ceci pour les mêmes faits qui lui avaient valu d’être condamné à Sfax ! Cette innocence enfin reconnue avait mis un terme à de longs mois de souffrance pour le psychiatre franco-tunisien, qui était resté emprisonné sept semaines durant l’été 2009 et avait ensuite été contraint à de multiples allers-retours de Paris à Tunis pour un procès en appel sans cesse reporté.

            Nous, collègues, confrères et sympathisants du docteur ELEUCH, comprendrions difficilement que ce dernier continue à être poursuivi à Sfax, après avoir été innocenté à Tunis, dans la mesure où il s’agit de facto d’une seule et même affaire, puisque d’une part le « groupe » incriminé dans les deux chefs d’inculpation est le même – l’ex parti En-Nahda –  et que, d’autre part, les deux concernent des faits identiques, à savoir la participation présumée de monsieur ELEUCH à une réunion politique à Tripoli en 1993. Nous rappelons au demeurant la vacuité de ce dossier, le seul élément matériel retenu contre l’accusé restant à ce jour le témoignage d’un participant à cette même réunion, qui affirme que ce dernier y était présent.

            Dans ce contexte, nous demandons à nos membres et sympathisants, en France et à l’étranger, de maintenir leur mobilisation en vue d’une réhabilitation complète de notre ami, collègue et confrère, afin qu’il puisse recouvrer sans ambiguïtés ses droits et sa dignité. Nous voulons croire que les autorités judiciaires tunisiennes auront à cœur, au nom du respect des droits fondamentaux des citoyens tunisiens et de l’Amitié franco-tunisienne, de fournir à Ahmed ELEUCH un nouveau procès équitable et de prendre une décision cohérente avec le non lieu qu’elles lui ont récemment accordé.

            Paris, le 20 mars 2010

            Docteur Patrick CHALTIEL,

            Président du Comité International pour la Libération d’Ahmed ELEUCH (C.I.L.A.E.)   

            Site internet : http://www.liberez-ahmed-eleuch.net

            Contact : liberez.ahmed.eleuch@gmail.com


 Zouhaïer Makhlouf, notre correspondant en Tunisie

fait l’objet d’un accident qui pose bien des questions


Assabilonline, Tunisie Vendredi 19 mars 2010, Zouhaïer Makhlouf, correspondant d’Assabilonline en Tunisie, militant des droits de l’homme et de l’information, a eu un accident étrange alors qu’il conduisait sa voiture avenue Mohammed V au centre de Tunis. Il a senti que les freins de sa voiture ne répondaient pas, qu’il ne pouvait s’arrêter. Il a dû faire remorquer sa voiture par une autre jusqu’au plus proche garage et il s’est avéré que la pompe à vide avait été bidouillée de manière à ce que le conducteur ne puisse arrêter son véhicule. L’avarie de la pompe avait détruit complètement le moteur. […] Ce n’est pas la première fois qu’un militant des droits de l’homme a un tel accident, cela est déjà arrivé à Maîtres Mohammed Nouri et Abderraouf Ayadi dernièrement […] Source : Assabilonline, Tunisie, 19 mars 2010 (traduction d’extraits ni revue ni corrigée par les auteurs de la version en arabe, LT)

Tunisie: le président Ben Ali dénonce « des accusations gratuites » à l’approche des municipales


AFP 20/03/10 15:37 GMT Le président tunisien Zine El Abidine Ben Ali a dénoncé samedi « des accusations gratuites » et « sans fondements » de « professionnels de la suspicion » en prévision du scrutin municipal de mai. « A ceux qui ont déjà entrepris de lancer des accusations gratuites contre cette opération électorale avant même qu’elle n’ait commencé, et qui se sont mis à prétendre dès à présent l’existence d’une falsification imaginaire dont ils se servent comme d’un paravent, nous disons simplement que les urnes seront l’unique arbitre entre les listes candidates, quelles qu’en soient les couleurs et les appartenances », a-t-il déclaré dans un discours au Palais de Carthage à l’occasion du 54e anniversaire de l’indépendance. M. Ben Ali a estimé que « ces professionnels de la suspicion et des accusations sans fondements, en semblables circonstances, qui redoutent toujours la confrontation honnête et courageuse lors des compétitions électorales, ayant si peu confiance en eux-mêmes et en leurs programmes et sachant que le peuple ne cesse de se détourner d’eux ». Les dirigeants du Parti démocratique progressiste (PDP, opposition légale en Tunisie) avaient dénoncé « un climat politique verrouillé qui n’est pas propice à la participation aux élections municipales », accusant le gouvernement tunisien « d’ignorer l’exigence des réformes impératives ». Ils avaient affirmé que « la détérioration de la vie politique et la violation des droits et des libertés les plus fondamentaux (…) ne peuvent pas réunir les conditions sérieuses pour une concurrence loyale pour les élections municipales prochaines ». Le PDP avait réclamé la formation d’un comité national neutre pour superviser les municipales, l’examen du système de vote, la libération des médias et l’ouverture des espaces publics aux partis politiques et aux composantes de la société civique indépendante.


150 millions de dollars de la BAD à la Tunisie pour un projet énergétique


Publié le 20 mars 2010 à 12h50 (PANA)- La Banque africaine de développement a octroyé un prêt de 150 millions de dollars américains pour le développement d’un champ pétrolier en Tunisie, annonce un communiqué de la BAD transmis samedi à la PANA. Ce prêt non-souverain d’une durée de cinq ans est destiné à soutenir un plan d’investissement de l’entreprise tunisienne des activités pétrolières (ETAP), « principalement le développement du champ pétrolier et gazier Hasdrubal (sud) », exploité à parts égales par l’ETAP et British Gas-Tunisie, indique le communiqué. Des quantités importantes de gaz provenant de ce champ estimées à quelque 100 millions de mètres cubes/jour seront commercialisées sur le marché local, le pétrole et le condensât devant être exportés. Selon le communiqué, ce projet devrait permettre au gouvernement tunisien « d’engranger des revenus supplémentaires importants à travers dividendes et taxes et d’améliorer la balance des paiements du pays ».


Edito

Dernier mandat de Ben Ali : Chant du cygne ou chant funeste ?


A l’image d’une composition musicale que la pratique par un orchestre depuis deux décennies a conduit à la maîtrise de l’ensemble de ses partitions, l’élection présidentielle en Tunisie d’octobre dernier s’est une fois encore, jouée en accord à des séquences bien déterminées. En effet, orchestré par Zine Ben Ali, le concerto présente toujours la même harmonie : omniprésence dans les médias, déploiement massif de portraits, participation de candidats fantoches, absence de débats et plébiscite. En conclusion de cette symphonie si bien rodée, la fête du 7 novembre qui résonne systématiquement comme une véritable apothéose. Aussi harmonieuse soit-elle, cette symphonie est bien la dernière jouée par Zine Ben Ali. La Constitution dans son état actuel, l’âge et la maladie du Président, imposent cela. Aussi, le durcissement du régime policier est le signe de son affaiblissement comme l’attestent les menaces proliférées directement par Ben Ali, fait remarquable, la veille du scrutin lors d’une allocation télévisée contre « quiconque faisant campagne contre la Tunisie ». Deux jours auparavant la journaliste du Monde, Florence Beaugé, fut refoulée du sol Tunisien à cause de « ses allégations mensongères » à l’encontre du pays du Jasmin. S’en est alors suivie une véritable campagne de lynchage médiatique durant des semaines entières au cours desquelles la journaliste du Monde s’est vue traitée de « psychotique et hystérique » et son vénérable journal accusé « d’appel au meurtre ».  Le sort réservé au critique journaliste Tunisien Taoufik Ben Brick fut encore plus malheureux car son arrestation à précédé son emprisonnement quelques jours après la mascarade électorale.  D’autres exemples pourront illustrer ce durcissement qui est une marque explicite d’un régime craignant que les critiques mettant en cause sa légitimité, agissent comme un stimulant à une contestation générale. Un régime inquiet par le potentiel vivier de forte protestation sociale que constituent les milliers de jeunes chômeurs, diplômés ou non, et qui ressentent un profond sentiment d’injustice au regard des frasques du clan des Trabelsi, gangrenant le tissu économique du pays. Ce mécontentement croissant est d’ailleurs notable dans le réseau social Facebook, qui depuis la fin de son interdiction grâce aux pressions internationales, connaît une considérable activité, envers laquelle la police d’internet chargée de traquer les dissidents, s’est vite trouvée dépassée.   La Tunisie de Zine Ben Ali, l’homme qui a érigé l’Etat policier, celui qui a favorisé l’enrichissement vorace de son épouse Leila et sa famille sur les deniers du peuple qu’il dit représenter dignement, a changé depuis son coup d’Etat sur Habib Bourguiba. Certes, certaines réformes de modernisation de la Tunisie ont été poursuivies mais l’accaparation de biens publics, le développement d’une logique quasi-mafieuse, reflètent une des différences avec Bourguiba que la considération et l’affection pour son peuple lui imposaient de respecter le labeur de toute une Nation. Le dernier mandat de Ben Ali doit être celui de l’ouverture politique, de la recherche d’une nouvelle crédibilité des institutions Tunisiennes et de mise à la diète du clan de son épouse, afin d’éviter pour la suite de son règne, un horizon crépusculaire pour le pays. Ce sera le choix du chant du cygne pour Ben Ali ou du chant funeste pour la Tunisie.  
SYLLA (Source: « La Voix des Tunisiens »  N°5 Mars – Avril 2010 )

Le pain et le citoyen


Dotée d’une position géographique avantageuse et aidée par des circonstances particulières, la Tunisie n’a cessé de connaître divers envahisseurs. La multiplicité des conquêtes et des occupations en Tunisie ont conduit à façonner un peuple riche de sa diversité, d’un esprit consensuel, mais qui n’a jamais exercé la souveraineté qui lui revient. Ce caractère structurant de la personnalité du peuple Tunisien, s’est vu encore davantage souligné sous le régime le plus autoritaire que la Tunisie ait connu, celui de la dictature de Zine Ben Ali. Divers occupants pour une personnalité spécifique Telle une vague remplaçant la précédente, ceux qui contrôlaient tout ou une partie de la mer Méditerranée, sont devenus maître de la Tunisie à un moment donné de l’Histoire. Depuis la reine de Tyr Elissa, fondatrice légendaire de Carthage et de la civilisation punique au 9ème siècle avant JC, le visage de ce que l’on n’appelait pas encore Ifriqiya, s’est façonné peu à peu : les Romains, les Vandales, les Byzantins, les Arabes, les Ottomans et les Français se sont succédé et ont contribué à un brassage de populations, de cultures différentes, engendrant ainsi un peuple doté d’une personnalité spécifique. Le peuple de la Tunisie a presque toujours été contraint d’accepter de ne pas participer au choix de celui qu’il le dirige et de connaître les changements de pouvoir inhérents à la conquête du nouvel envahisseur amené par le rivage. C’est devenu au cours des siècles un trait de caractère intrinsèque. D’ailleurs, la Tunisie a-t-elle jamais connu une révolution  qui a conduit à un changement de pouvoir par la force ? Ce trait de caractère n’est pas pour autant synonyme de soumission systématique, comme en attestent les résistances berbères de Jugurtha et de la Kahena envers leur adversaires que furent respectivement les Romains et les Omeyyades, mais qui conduisirent à leur défaite suivie de leur exécution. Le mouvement de libération nationale du joug colonial Français est le reflet d’une part, de cette personnalité et d’autre part, de l’affirmation d’une identité Tunisienne qui a véritablement émergé à partir du 18ème siècle. Hormis quelques heurts, la résistance des Tunisiens envers le pouvoir Français, s’est manifestée par un mouvement politique, le Destour devenu le Néo-Destour, qui ne se voulait pas belliqueux et dont la stratégie était fondée sur le dialogue. La « politiques des étapes » mise en œuvre par le leader du Néo-Destour, Habib Bourguiba, était fondamentalement conforme à cette personnalité Tunisienne, car elle reposait sur une série d’objectifs à atteindre et devant conduire à la libération de la Tunisie de manière pacifique, en excluant toute forme de haine envers la France, malgré les injustices et la répression.  C’est le seul moment de l’Histoire de la Tunisie où les aspirations du peuple représentées par le « Jugurtha qui a réussi », ont entraîné un changement de pouvoir. Après l’indépendance de la Tunisie en 1956, l’acceptation de la Présidence d’Habib Bourguiba durant trente ans  est une nouvelle fois, la manifestation, de ce caractère du peuple. De plus et compte tenu de ce fait structurel, pourquoi changer de dirigeant quand celui qui incarne une figure paternelle auprès du peuple, bien nourrit et bien soigné, fait de l’émancipation des femmes et de l’Education massive, des objectifs prioritaires ? Seule une décision a poussé les Tunisiens à exprimer avec véhémence leur mécontentement : celle de l’augmentation du prix du pain. Les émeutes du pain de 1983, ont alors contraint Bourguiba à annuler cette décision et à limoger son Premier Ministre. Les Tunisiens ayant obtenu gain de cause, ils ont par la suite exprimé leur satisfaction envers le Président Bourguiba qui a su les écouter et qui demeura au pouvoir…   La baguette ou le bâton : un choix contraint Mais, le 7 Novembre 1987, Zine Ben Ali, alors Premier Ministre, a mis en œuvre un coup d’Etat par lequel il s’est emparé de la magistrature suprême, dans l’indifférence générale d’un peuple habitué à ce qu’on change ses dirigeants sans le consulter. Si les Tunisiens avaient commencé timidement à reprendre leur destin en main dans la Tunisie de Bourguiba où il était possible de débattre et de contester, ils comprirent vite qu’avec Ben Ali, il en était autrement. Cet ennemi intérieur a réussi l’exploit d’anesthésier le peuple qui, quelques années plus tôt s’était tout de même battu pour son indépendance face à un maître extérieur, en exploitant son apathie, héritage des siècles. Plus que cela, le génie (sic) de Ben Ali a consisté à imprimer le schéma de la servitude volontaire dans l’inconscient des Tunisiens, à travers un lavage de cerveau couplé à un jeu de la carotte et du bâton qui dure depuis plus de 22 ans. Gavés de carottes, nourris, logés, les Tunisiens semblent avoir abdiqué, renoncé à toute velléité libertaire en échange d’une mie de pain. De l’autre côté, le bâton suspendu au-dessus de leur tête, les a habitués à s’auto-censurer, faisant de la Tunisie sans doute le seul pays dont les habitants ont peur de prononcer le nom de leur Président, que ce soit pour en dire du bien ou du mal. Ils ont finalement consenti à la confiscation de leur société, de leur destin, faisant l’autruche face aux injustices qui se multiplient, le tout, en échange du gîte et du couvert. On peut alors se demander si cette léthargie n’est pas le symptôme d’une métastase. En est-il donc fini des aspirations citoyennes, des élans contestataires, de l’esprit critique ? La réponse se trouve dans la précédente affirmation ! Le Tunisien a fait taire sa conscience contre un bout de pain. L’on peut alors penser qu’il la retrouvera lorsqu’on lui arrachera la baguette de ses mains. L’expérience l’a d’ailleurs montré. Nous osons en déduire que seule une erreur de décision de nature économique de la part du gouvernement de Ben Ali pourrait causer avec certitude un soulèvement, dès lors que cette erreur aurait pour conséquence de priver les Tunisiens de leur gagne-pain. Mais n’en est-on pas proche ? Vu le fort taux de chômage, et à la lumière des dernières révoltes du bassin minier de Gafsa, il est possible de penser que oui. Mais il faudra une atteinte plus grave au confort du Tunisien pour que celui-ci décide de devenir citoyen, lorsque le préjudice économique sera supérieur au prix de sa conscience. La confiscation de la baguette n’est toutefois pas le seul levier de la citoyenneté. En effet, si les Tunisiens se mettaient à court-circuiter le gouvernement qui assure mal leurs besoins, à travers des initiatives de solidarité citoyennes via la société civile, cela éveillerait sans doute la conscience citoyenne face à l’inefficacité d’un Etat providence… providence des hommes de l’Etat. Encore faudrait-il que l’Etat permette l’entraide citoyenne sans la placer dans le carcan de ses administrations dont les chefs se servent au passage et dont le résultat serait évidemment porté au crédit de Ben Ali.

Yasmine Mellouli et Foued Semlali

(Source: « La Voix des Tunisiens »  N°5 Mars – Avril 2010 )

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Compte rendu

L’assassinat d’un nationaliste tunisien en 1952 revient devant la justice française


 La famille de Farhat Hached, un syndicaliste nationaliste tunisien assassiné en 1952, cherchait le moyen de porter l’affaire devant la justice française depuis cinquante-huit ans. Une déclaration recueillie par la chaîne de télévision qatarie Al-Jazira lui en a fourni pour la première fois l’occasion. Mardi 16 mars, une plainte a été déposée au tribunal de grande instance de Paris, au nom de la famille Hached, de la Ligue française des droits de l’homme et la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), pour « apologie de crime de guerre ».

 

 

Le 18 décembre 2009, lors d’une émission consacrée à l’assassinat de Faraht Hached, un proche d’Habib Bourguiba, fondateur de l’Union générale tunisienne du travail, Al-Jazira diffuse le témoignage d’Antoine Méléro, un ancien policier français membre de la Main rouge. Ce groupuscule, qui aurait été une émanation du service de documentation extérieure et de contre-espionnage (SDECE, aujourd’hui la DGSE), est soupçonné d’avoir organisé les meurtres de plusieurs responsables indépendantistes au Maghreb, pendant la colonisation, puis en Europe.

Le 5 décembre 1952, la voiture de Farhat Hached est mitraillée dans un faubourg de Tunis. Le leader tunisien est achevé par balles par les occupants d’un autre véhicule. Sur Al-Jazira, M. Méléro, qui s’exprime en français, raconte : « C’était un groupe, il y avait un commissaire de police dans cette affaire-là… » Puis il ajoute, à propos de l’opération : « Moi, je la trouve légitime, moi si c’était à refaire, je referais. » Une phrase qui motive la plainte. Car, si le crime est prescrit, l’apologie, elle, ne l’est pas.

Selon les avocats Patrick Baudoin, pour la FIDH, et Houcine Bardi, conseil de la famille, la convention de Genève s’applique puisque les faits se situent, sinon dans le cadre d’une guerre, du moins dans celui d’un « conflit armé ».

AUCUN REMORDS

Rencontré à Paris, M. Méléro ne nie pas avoir tenu les propos incriminés, mais il s’emporte. « Ils se réveillent cinquante ans après ? C’est n’importe quoi ! C’est prescrit, totalement prescrit. Et puis il n’y avait pas de guerre en Tunisie ni au Maroc d’ailleurs. » Lui-même ne se trouvait pas en Tunisie à cette époque, mais au Maroc. « J’ai dit « je », mais je pensais « on » », dit-il, sans exprimer de remords. Agé de 81 ans, M. Méléro se présente comme le « biographe de la Main rouge », à laquelle il a consacré un livre en 1997 (La Main rouge, Editions du Rocher). Entré dans la police en mars 1952, il a, affirme-t-il, rejoint l’organisation secrète en décembre de la même année : « Je participais, mais je ne mettais pas la main à la pâte, comme on dit. »

Suspecté d’avoir pris part à l’assassinat en 1955 de Jacques Lemaigre-Dubreuil, propriétaire du journal Maroc-Presse, M. Méléro a été arrêté après son retour en France, puis remis en liberté après plusieurs mois de détention préventive, avant de bénéficier d’un non-lieu en 1964. Révoqué en 1965 pour une caricature de De Gaulle publié dans son journal Pieds-noirs, il a été réintégré avec ses droits à la retraite en 1982 à la faveur de la loi d’amnistie. « Cette histoire est révélatrice de la résurgence des nostalgiques du colonialisme et de la banalisation du crime de guerre « , s’indigne Me Baudouin. Aucun membre de la Main rouge, qui prenait ses ordres de Paris et comptait quelques dizaines d’hommes répartis dans trois sections très cloisonnées, « renseignement », « protection » et « action », n’a jamais été condamné.

 
Isabelle Mandraud
(Source: « Le Monde » (Quotidien – France) le 20 mars 2010)

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La Bosnie se débarrasse de ses indésirables


Luiza Toscane

Adoptée le 27 juillet 1999 par le Parlement bosniaque, la loi sur la nationalité a été amendée le 22 avril 2003. Elle prévoyait le retrait possible de la nationalité pour les étrangers qui avaient demandé la nationalité bosniaque et l’avaient acquise entre le 6 avril 1992 et l’entrée en vigueur de la Constitution. Une nouvelle loi portant révision de la nationalité, adoptée par le Parlement le 16 novembre 2005 prévoit d’examiner les modalités d’obtention de la nationalité bosniaque pour tous ceux qui l’auraient acquise entre le 6 avril 1992 (date officielle du début de la guerre correspondant au bombardement de Sarajevo) et le 1er janvier 2006.

Une commission a été mise en place à cet effet, sous l’égide du ministère de la Sûreté. Cette commission est composée de neuf membres, deux Bosniaques, deux Croates et deux Serbes de Bosnie et trois personnes autres que des citoyens de Bosnie ou d’un pays voisin et elle est présidée par un fonctionnaire du ministère de la Sûreté. Elle a débuté son activité en 2006 et depuis est reconduite chaque année par le Parlement, voire par le Haut Représentant de la communauté internationale, qui dispose de prérogatives législatives en cas de vacance parlementaire.

C’est donc avec l’assentiment de l’Europe et des Etats Unis que le pouvoir de Bosnie Herzégovine a concocté une loi ad hoc lui permettant de se débarrasser de ressortissants venant de pays arabes ou musulmans et vivant depuis dix, vingt ou trente ans sur son sol.

Les accords de Dayton prévoyaient que tous les combattants étrangers devaient quitter la Bosnie dans les trente jours [1], une formulation qui ne permettait pas de se débarrasser de ces nouveaux indésirables.

En effet, au moment de la signature des accords, ces personnes n’étaient généralement plus étrangères mais déjà bosniaques. De plus, nombre d’entre elles n’étaient pas venues pour combattre, mais pour travailler dans des associations humanitaires pendant ou après la guerre.

La commission en question a commencé son travail et ôté la nationalité à des centaines de ressortissants bosniaques. La déchéance de la nationalité n’est pas assortie d’un droit d’appel ou de recours. Ces ex-Bosniaques, originaires de pays dans lesquels ils seraient en danger de mort ou d’être torturés, ont alors demandé l’asile, qui leur a été systématiquement refusé, ou le droit au séjour, qui leur a été refusé également.

Ils sont devenus en quelques mois des sans-papiers alors qu’ils avaient été reçus à bras ouverts pendant la guerre. Les combattants avaient été intégrés à l’armée bosniaque qui leur avait attribué, selon les cas, des décorations, les avantages sociaux dus aux vétérans, des pensions justifiées pour les invalides de guerre ; ils se retrouvent en situation irrégulière et pourtant pour l’écrasante majorité d’entre eux, car il s’agit d’hommes essentiellement, ils sont mariés avec des femmes bosniaques et ont des enfants bosniaques.

Face au danger, les intéressés ont multiplié les communiqués et les manifestations, essentiellement à Zenica et Sarajevo. Ils ont créé l’association Ensarije [2] et engagé des procédures devant la Cour suprême de Bosnie, puis devant la Cour Européenne des Droits de l’homme. Plusieurs associations de droits de l’Homme, notamment au niveau international (Amnesty International, Human Rights Watch, ACAT-France, Comité Helsinki pour les droits de l’homme-Bosnie) ont exprimé leur souhait de voir cette loi assortie d’un droit de recours et ont mis en garde contre la possibilité de renvois dangereux qu’elle ouvre.

En parallèle, des dizaines d’autres ex-Bosniaques ont pris la fuite, souvent avec leurs familles bosniaques, pour demander l’asile en Suisse, Grande Bretagne, Suède, France. En Suisse, six ex Bosniaques, d’origine tunisienne et marocaine, accompagnés de leurs épouses et enfants bosniaques, ont déposé leur demande d’asile entre 1999 et 2003…. Et sont toujours dans l’attente d’une réponse des autorités helvétiques !

Seule la Grande Bretagne a accepté à ce jour d’octroyer des statuts de réfugiés, notamment à des ex-Bosniaques redevenus Tunisiens, car tous les Tunisiens ayant fait un séjour en Bosnie sont immédiatement torturés et incarcérés à leur retour en Tunisie.

Ceux qui n’ont pas encore perdu la nationalité bosniaque se verraient généralement refuser l’asile au motif que la Bosnie fait partie des pays « surs ».Actuellement la Bosnie est entrée dans la phase d’expulsion de ces ex Bosniaques : un Algérien a été renvoyé en 2007 et un Bahreini en 2009. Un Syrien arrêté en 2008, Imad Al Hussein [3], est au centre de rétention de Lukavica depuis un an et quatre mois [4], rejoint depuis par un Tunisien, Ammar Al Hanchi [5], deux Irakiens, Fadhel Al Hamdani et Zeyad Algertani, et un Algérien, Omar Frendi [6].Considérés soudainement et systématiquement comme une menace, non précisée, pour la sécurité du pays, ces ex Bosniaques risquent la torture, voire la mort car les pays où ils seront renvoyés n’ont pas aboli la peine capitale. Leurs épouses ou leurs filles se mobilisent à leur tour et interpellent les autorités et l’opinion publique.

À l’heure où l’Europe discute des conditions d’accueil des ex-détenus de Guantanamo, où la France accueille deux Algériens de Guantanamo, faut-il rappeler que ces derniers, Lakhdar Boumedienne et Saber Lahmar, arrivés en France respectivement les 15 mai et 1er décembre 2009 , avaient été livrés par… la Bosnie aux forces américaines, et que Lakhdar Boumediene avait été déchu de sa nationalité en vertu de la loi que nous venons de commenter.

En somme, pendant que l’Europe accueille deux Algériens ayant vécu en Bosnie, ses élus donnent un blanc-seing à leur représentant en Bosnie, Valentin Insko, pour avaliser la politique de renvoi de centaines de parias vers la torture et la mort, vers les Guantanamo de Syrie, de Tunisie, d’Irak ou d’Algérie.

[1] « Foreign combatants forces currently in Bosnia are to be withdrawn within 30 days », Annex1-4 : Military Aspects, Dayton Peace Agreement on Bosnia-Herzegovina, November 30, 1995.

[2]www.ensarije.com

[3] Arrivé en ex-Yougoslavie en 1983 pour étudier la médecine, Imad El Houssine, s’est enrôlé dans l’armée bosniaque en 1992, s’est marié à une Bosniaque en 1993 et a obtenu la nationalité bosniaque en 1994. Déchu de sa nationalité bosniaque, il est retenu au centre de rétention depuis octobre 2008, en attente d’un éventuel renvoi vers la Syrie malgré deux décisions de la Cour Européenne des Droits de l’Homme et de la Cour constitutionnelle bosniaque demandant de surseoir à toute mesure visant à son expulsion. Il est père d’enfants bosniaques.

[4] La rétention en Bosnie est illimitée.

[5] Le 10 décembre 2009, le renvoi d’Ammar Al Hanchi a été bloqué in extremis par une décision de la CEDH demandant surseoir au renvoi de ce dernier vers la Tunisie jusqu’au 15 janvier 2010, date à laquelle la cour devait statuer sur le fonds.

[6] Au terme d’une année passée au centre de rétention, Omar Frendi, dont le sort n’était toujours pas tranché, a décidé de rentrer en Algérie.

(Source: Divergences le 15 mars 2010)

Lien:http://divergences.be/spip.php?article1834&lang=fr


 

Nadia Marzouki. Politologue, université de Yale « Les Américains simplifient le débat sur l’islam en France »


Invitée aujourd’hui des Débats d’El Watan à 14h à l’hôtel Safir, elle présente une conférence sur les sciences sociales à l’épreuve de l’islam.   Comment abordez-vous l’islam dans vos travaux de recherche ? Mon doctorat a porté sur les débats universitaires publics et politiques sur l’islam, en France et aux Etats-Unis. Je suis actuellement en train de transformer ma thèse en livre qui sera publié en anglais. Je n’exclus pas de le faire en français, mais je trouve intéressant de convaincre un public anglophone. Car les Américains ont tendance à simplifier de manière excessive les débats sur l’islam tels qu’ils ont lieu en France. Il y a cette idée que les musulmans sont victimes de politiques répressives autoritaires. La critique du religieux en France est parfois un peu gênante.   Pourriez-vous envisager de faire du Maghreb votre prochain terrain de recherche ? Après avoir étudié la façon dont l’Occident gère la question des minorités religieuses, je vais m’intéresser à la problématique inverse : comment au Maghreb, donc dans un contexte musulman, on gère la question de la diversité religieuse.   Vous connaissez bien les Etats-Unis et la France : comment expliquez-vous que l’Algérie contemporaine intéresse davantage les chercheurs américains que français ? Même les Américains sont peu nombreux ! Je crois que l’Algérie souffre, aux Etats-Unis comme en France, de beaucoup de clichés… Peu de sujets sont explorés et cela contribue à les perpétuer. Du côté américain, il y a des modes, des terrains privilégiés par les financements et les partenariats – c’est le cas avec les universités marocaines. En France, le Maghreb est un terrain moins à la mode que le Mashreq et puis les jeunes sont persuadés que l’Algérie est un terrain compliqué, moins confortable que le Maroc. Par Mélanie Matarese
(Source: « El Watan » (Quotidien – Algerie) le 20 mars 2010)

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