2 octobre 2008

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TUNISNEWS

8 ème année,N° 3054 du 02.10.2008

 archives : www.tunisnews.net  


Come4News: Lettre ouverte à Monsieur Zine Abedine Ben Ali, Président de la République tunisienne Union syndicale Solidaires: Communiqué de soutien à Mouhieddine Cherbib Lutte Ouvrière: Tunisie : le pouvoir élargit la répression
AFP: Des chantiers à la Dubaï fleurissent à Tunis en plein boom de l’immobilier
Reuters: Tunisia keeps main interest rate unchanged -cbank Nadia Omrane : « Et s’il n’en restait qu’un, Georges Adda serait celui-là »… La gauche orpheline Sami BEN ABDALLAH: TUNISIE,Que devient le CPR ?  Que devient Moncef Marzouki ?

 

Lettre ouverte à Monsieur Zine Abedine Ben Ali, Président de la République tunisienne

par Dominique Dutilloy 

Grâce aux 12OOO utilisateurs de Facebook, qui ont, en masse, vivement protesté contre la censure qui frappait leur site, le pouvoir tunisien a, sur instructions directes du Président Zine Abedine Ben Ali, procédé à la réouverture de Facebook…

En rédigeant ma lettre ouverte à Son Excellence, Monsieur Zine Abedine Ben Ali, Président de la République Tunisienne, j’ai, pour objectif, de faire lever la censure qui frappe ‘come4news, ainsi que tous les sites tunisiens installés en France et en Tunisie…

Vos commentaires de protestation, vos votes sont les bienvenus, mais, dans la modération, la politesse, la tolérance : ils doivent être nombreux pour permettre à Fabien Bardoux d’agir auprès des autorités tunisiennes !

Je compte sur vous !

 

  Monsieur le Président de la République,

 

Le 17 mars 2008, je vous ai lancé un appel[1] pour vous demander de lever la censure qui frappait notre journal en ligne« come4news » et les sites tunisiens installés en France et en Tunisie !

Or, dans son article : « Censure Tunisienne: 12000 Facebookers font reculer Ben Ali »[2], paru le 8 septembre 2008, Monsieur Fabien Bardoux, Président Fondateur de notre journal en ligne « come4news », nous a appris que vous étiez intervenu personnellement en donnant pour instructions de rouvrir immédiatement le site « Facebook »

Certes, aux dires de Monsieur Fabien Bardoux,à qui nous accordons toute notre confiance, sachant qu’il s’est toujours élevé contre toutes formes de censures, ce sont 12000 utilisateurs de Facebook, qui vous ont contraint à rouvrir ce site !

Dans mon appel, Monsieur le Président de la République, je vous rappelais que, nous, utilisateurs de Facebook, que nous, journalistes, lectrices, lecteurs, commentatrices, commentateurs du journal en ligne « come4news », nous étions des adultes responsables, aptes à choisir nous-même ce que nous pouvions rédiger, lire, écouter, entendre et voir, et, que nous n’avions pas besoin d’un Gouvernement pour faire ces choix à notre place !

Votre Peuple : les Tunisiens, n’ont pas vocation à être infantilisés !

Notre Peuple : les Français, n’ont pas vocation à être infantilisés !

 

Je le répète, Monsieur le Président de la République, la censure est le signe d’une lâcheté, voire même d’une peur… Elle n’est pas la solution pour assurer l’ordre public, pour assurer la bonne gouvernance d’un Etat… Elle ne peut, cette censure-là, que se retourner contre ses auteurs, ce, parfois, de la manière la plus inattendue !

Il est dommage que 12000 citoyens et cyber-citoyens n’aient pas signé en masse pour vous contraindre à lever immédiatement cette censure qui frappe notre journal en ligne « come4news », ainsi que les sites tunisiens installés en France et en Tunisie…

Lutter comme vous le faites, vous, ainsi que votre Gouvernement, contre le terrorisme Islamiste, et en ce sens, nous vous soutenons dans votre lutte, n’est pas une excuse pour ordonner toute forme de censure… Loin de là !

En effet, Internet, qui est un merveilleux outil de communication, qui aide à la connaissance, à la découverte d’autres cultures, d’autres horizons, d’autres pays, ne peut et ne doit pas être censuré… Cependant, et vous avez raison sur ce point, il convient de fermer les sites qui appellent au meurtre de masse, au racisme, à l’antisémitisme, au terrorisme, aux extrémismes religieux ! Mais, il ne convient pas de fermer les sites, qui, en toute démocratie, sans violence, sans appels aux meurtres ou à la sédition, ne font que leur travail démocratique d’opposants !

 

Ne mettez pas en péril l’exercice même du journalisme !N’entraînez pas bon nombre de vos compatriotes dans la clandestinité en les muselant ! N’enfoncez la Tunisie dans une Dictature de la pensée !

Aussi, Monsieur le Président de la République, vous avez eu le courage de lever immédiatement la censure qui frappait« Facebook »Par cette lettre ouverte, je vous demande respectueusement de lever immédiatement cette honteuse censure qui frappe notre journal en ligne « come4news » et les sites tunisiens installés en France, ainsi qu’en Tunisie !

Vous remerciant pour toute l’attention que vous porterez à ma Lettre Ouverte, je vous prie de croire, Monsieur le Président de la République, à l’expression de ma très haute considération.

 

Dominique Dutilloy,

Journaliste

——

[1]http://www.come4news.com/index.php?option=com_content&task=view&id=13792

[2]http://www.come4news.com/index.php?option=com_content&task=view&id=20616

 

(Source:  ‘Come4News’ le 14 septembre 2008)

Lien: http://www.come4news.com/lettre-ouverte-a-monsieur-zine-abedine-ben-ali,-president-de-la-republique-tunisienne-4402


 

Annick Coupé Union syndicale Solidaires + 33 1 58 39 30 14 + 33 6 70 51 39 57

Communiqué de soutien à Mouhieddine Cherbib,

Président de la Fédération des Tunisiens Citoyens des deux Rives (FTCR)

 L’Union syndicale Solidaires dénonce avec force la mise en examen par le pouvoir tunisien de Mouhieddine Cherbib, Président de la FTCR, au motif fallacieux de « financement d’une bande de malfaiteurs ». En réalité, l’objectif du pouvoir tunisien est de criminaliser toute démarche de solidarité avec les luttes sociales en Tunisie. Il veut briser toute l’action de solidarité qui s’organise, en Tunisie comme en France, avec le mouvement de luttes du bassin minier. Ce mouvement, soutenu par la population entière de Gafsa, revendique depuis des mois, le droit au travail, au développement de la région, et à des conditions de vie décentes. Mouhieddine Cherbib, avec la FTCR, a largement contribué au développement de cette solidarité, notamment vis-à-vis de la répression, extrêmement violente mené par le pouvoir tunisien contre la population du bassin minier de Gafsa. C’est pour cela que le pouvoir tunisien veut le faire taire en l’inculpant ! L’Union syndicale Solidaires réaffirme son entière solidarité avec Mouhieddine Cherbib, avec la FTCR , avec la population du bassin minier de Gafsa. L’Union syndicale Solidaires exige l’abandon de toutes les poursuites judiciaires contre Mouhiedine Cherbib, contre toutes les personnes arrêtées ou poursuivies pour leur participation à la lutte du bassin minier de Gafsa. L’Union syndicale Solidaires appelle le gouvernement Tunisien à répondre aux revendications de la population du bassin minier de Gafsa et à cesser sa politique de répression envers les mouvements revendicatifs. Pour l’Union syndicale Solidaires Annick Coupé Déléguée générale

 


 

Tunisie : le pouvoir élargit la répression

En Tunisie, alors que la criminalisation de la contestation dans le bassin minier de Gafsa s’intensifie, avec son cortège de procès iniques et de condamnations arbitraires, le régime de Ben Ali s’en prend également aux ressortissants tunisiens qui, depuis l’étranger, manifestent leur solidarité avec la population du bassin minier. Ainsi Mouhieddine Cherbib, président de la Fédération des Tunisiens pour une citoyenneté des deux rives (FTCR), une association d’immigrés tunisiens en France, vient d’être déclaré « en fuite » et inculpé par le parquet de Gafsa pour « appartenance à une bande, participation à une entente établie dans le but de préparer ou de commettre un attentat contre des personnes ou des biens ». En Tunisie même, cinquante autres personnes, dirigeants du mouvement de lutte, syndicalistes, enseignants ou jeunes chômeurs, sont poursuivies pour les mêmes motifs. Tous risquent de 6 à 12 ans de prison et de fortes amendes. Depuis le 5 janvier 2008, date des premières révoltes, le bassin minier de Gafsa est le théâtre de manifestations populaires contre le chômage, la flambée des prix, les inégalités et la corruption du pouvoir local. Dès le début du conflit, la police a multiplié les arrestations et les brutalités contre les manifestants, le pouvoir cherchant à étouffer le mouvement avant qu’il s’étende à d’autres régions. En avril, des dirigeants syndicaux, dont Adnane Hajji, porte-parole des habitants de Redeyef, ville où tout a commencé, étaient passés à tabac et emprisonnés. En juin, le ton montait encore d’un cran avec la mort d’un jeune manifestant tué par balle et de nombreux blessés, dont l’un vient de mourir de ses blessures. L’armée s’est déployée pour couper la région du reste du pays et l’interdire aux journalistes. Parallèlement, tandis que la police arrête et inflige des tortures et des traitements dégradants, les tribunaux aux ordres infligent de lourdes peines aux manifestants à l’issue de simulacres de procès. Si Ess’ghaier Belkhiri, immigré tunisien résidant à Nantes, arrêté et incarcéré cet été dès son arrivée en Tunisie pour avoir manifesté publiquement son soutien à la population de Gafsa, a finalement été relâché après un mois de détention et de mauvais traitements, Zakia Dhifaoui, une enseignante, militante du Front démocratique des libertés publiques, poursuivie pour avoir participé à une manifestation des femmes de Redeyef pour réclamer la libération de leurs maris ou de leurs enfants emprisonnés, elle, a écopé en appel de quatre mois et demi de prison ferme, peine qui lui vaut en plus d’être radiée de la fonction publique. Quatre syndicalistes ont, en même temps qu’elle, été condamnés à des peines de trois mois ferme. La répression organisée par le régime Ben Ali ne connaît donc pas de répit ; elle frappe les opposants en Tunisie et hors de Tunisie. Mais force est de constater qu’après des mois de mobilisation, ce n’est pas cela qui arrête la lutte de la population pour le respect de ses droits. Roger MEYNIER
 
(Source: ‘Lutte Ouvrière’  n°2096 du 3 octobre 2008)


Des chantiers à la Dubaï fleurissent à Tunis en plein boom de l’immobilier

 
AFP, le 28 septembre 2008 à 06h51 Hamida Ben Salah Pétrodollars et rêves de croissance clés en main: les groupes émiratis font fleurir les chantiers en Tunisie, petit pays du Maghreb promis à un essor immobilier sans précédent, avec droit de propriété garanti aux étrangers. Les pelleteuses sont à l’oeuvre dans le Grand Tunis qui connaîtra une transformation radicale avec une série de projets urbains. Le plus monumental baptisé « Porte de la Méditerranée » a été lancé le 11 septembre pour abriter la plus haute tour d’Afrique, assure Farhan Faraïdouni, président exécutif de Sama Dubaï, la société promotrice, filiale de Dubaï Holding.    Cette cité fait partie d’une « nouvelle génération » de méga-projets destinés à capter les investissements et générer plus de croissance pour résorber le chômage devenu problématique en Tunisie, peu nantie en ressources naturelles.    La nouvelle ville jaillira sur mille hectares lotis sur les bords du Lac Sud de Tunis pour un coût annoncé de 25 milliards USD, le plus fort investissement immobilier jamais réalisé en Tunisie. Sama Dubaï a démarré le chantier avec un milliard de dollars sur fonds propres pour une première tranche de 16 bâtiments commercialisés dès octobre.    Les étrangers sont habilités à devenir propriétaires sans devoir passer par les autorisations administratives préalables, assure encore Farhan Faraïdouni. « Un résultat logique du boom de l’immobilier », soulignait la presse, qui se faisait l’écho d’une légalisation prochaine de la propriété aux étrangers.    Le projet Porte de la Méditerranée sera achevé d’ici 15 ans mais fait déjà rêver avec des kilomètres de façade maritime sur la baie de Tunis, panorama et soleil garantis, complexes de loisirs et commerces, habitations, bureaux, hôtels de luxe, golfs et spas agencés autour d’une marina et un port de plaisance.    Le site aura une capacité de 300 000 à 500 000 résidents et accueillerait jusqu’à 100 000 visiteurs par jour, selon les promoteurs, qui souhaitent en faire un « carrefour » d’affaires et d’opportunités off-shore pour investisseurs et touristes nantis.    Éblouis, les Tunisiens rêvent surtout d’embauche et d’un quotidien meilleur. « Quand le bâtiment va, tout va! », lance un analyste interrogé par l’AFP. Les promoteurs affirment miser sur la proximité du marché européen, une stabilité historique et un potentiel touristique. Les autorités, qui ont mis les bouchées doubles pour capter ces projets, tablent elles, sur 0,6% de croissance annuelle additionnelle sur les cinq ans à venir et 350 000 emplois.    Une aubaine: la Tunisie doit créer un million d’emplois d’ici 2018 pour résorber le chômage endémique (14,3%) et celui des diplômés de l’université (88 000 par an). « Le rêve est permis, si l’on écarte le risque de voir les nouvelles cités fonctionner en enclaves, ignorer le marché local ou provoquer la frustration », note le même analyste.    Avant la « Porte de la Méditerranée », emblème des projets à la Dubaï, « Tunis Sports City » était lancé en mai par le groupe Aboukhater: habitations de luxe et équipements de loisirs tournés vers le sport avec académies, stades et parcours de golf. Dans la même lignée, « Bled Al-Ward » (pays des roses) couvrira 50 000 hectares gagnés sur des marécages dans le nord Tunis, où le groupe Al-Maabar International a prévu une ville lacustre vouée au tourisme de santé.    Première destination mondiale de thalassothérapie après la France, la Tunisie connaît un essor du tourisme médical privé et soins esthétiques. Non loin, à Raoued, toujours en front de mer, la Gulf Finance House bâtira d’ici 2010 le « premier centre financier offshore d’Afrique du Nord », selon le promoteur. Ces pôles en chantiers émergeant dans le nord et le sud de Tunis seront reliés par un pont suspendu de 260 mètres sur la mer, pièce maîtresse d’un réseau rénové pour assurer des accès directs au vieux Tunis et à son aéroport. (AFP)

Tunisia keeps main interest rate unchanged -cbank

Fri 26 Sep 2008, 9:38 GMT   TUNIS, Sept 26 (Reuters) – Tunisia’s central bank said on Friday it had kept its main interest rate steady at 5.25 percent due to a slowing inflation rate. Tunisia’s consumer price inflation eased to 4.5 percent year-on-year in August, the lowest rate this year. ‘In light of (this), the board decided to keep unchanged the central bank’s key rate,’ the bank said in a statement. The Bank recommended ‘adequate measures to mop up liquidity in the market’ and the need ‘to keep a close watch on developments of the international financial situation’ The government expects inflation to rise to 5 percent in 2008 as a whole, from 3 percent last year. It sees gross domestic product growth slowing to 6.1 percent this year from 6.3 percent in 2007. (Reporting by Sonia Ounissi, editing by Mike Peacock)


« Et s’il n’en restait qu’un, Georges Adda serait celui-là »… La gauche orpheline

« Et s’il n’en restait qu’un, je serais celui-là… ». Cette promesse hugolienne, Georges Adda la portait comme son propre engagement, irrédentiste, infatigable, jusqu’au bout : il était « une force qui va ». Deux souvenirs illustrent à mes yeux ce positionnement fort, singulier, devant les combats nécessaires auxquels d’autres, plus par la faiblesse de leurs convictions que par la force de leur âge, se dérobent. Ainsi, déjà dans ses quatre-vingts ans, il marqua sa réprobation de la mise en résidence surveillée, quasiment à l’isolement, du premier président de la République tunisienne, Habib Bourguiba. Il eut, dans une lettre personnelle adressée aux autorités actuelles, les mots pour dire que cette offense et cette injustice faites au père de la nation étaient irrecevables. Face à un scandale autrement plus monumental, il porta, solitaire, sa pétition jusqu’à l’ambassade de Chine à Tunis pour protester contre le massacre de Tien An Men. Il était homme de convictions et d’action. On ne saurait énumérer ici la somme de ses innombrables engagements : militant communiste contre l’occupation française, jusque dans ses geôles désertiques, aux heures où le soleil des espérances ne se levait qu’à l’Est, engagé dans toutes les luttes démocratiques en un statut de base ou comme président de comités de défense, par exemple pour une amnistie générale de tous les prisonniers politiques, il était du côté du droit. Le droit des travailleurs d’abord, dont il ne cessa, la plume à la main et le drapeau de l’UGTT en oriflamme, de hisser le légitime combat ; le droit des Palestiniens surtout, se désolidarisant absolument de toute justification à l’existence de l’État d’Israël, sachant l’insoutenable injustice de la Naqba – même si la force des choses conduit aujourd’hui à ne pouvoir faire autrement que d’accepter au prix de quelques négociations un état de fait, le fait des armes et d’un droit international à plusieurs vitesses. Mais jamais du fond de ce qu’il croyait vraiment, il ne soutint la moindre revendication d’un droit à un État juif dont il renvoyait ironiquement la constitution en Bavière ou en Saxe, si d’aventure quelqu’un réclamait réparation de l’holocauste nazi. Cela n’en faisait pas pour autant un négationniste, un renégat de sa propre généalogie, de sa propre culture ; simplement il disait « le peuple juif n’existe pas » tant, en internationaliste et en patriote à la fois, il savait de quels liens et patrimoines de militance fraternelle ainsi que de quel socle de droits égaux se tissent les appartenances. Par-dessus tout, il était un intellectuel, travailleur sans repos, il arpentait les rencontres-débats, avait toujours une intervention originale, combative. C’était un laïc, sans doute agnostique, me disant au crépuscule de sa vie et contre toutes les consolations d’un au-delà, qu’il préférait « regarder lucidement où il allait ». Il résista du plus qu’il pouvait, car c’était un résistant. Mais la nature à ses lois… Avec lui, s’estompe un pan de notre histoire. Beaucoup de monde l’accompagna à sa dernière demeure en un caveau laïc. On eût pu attendre un hommage national pour celui qui hissa si digne et si libre sa tunisianité. Qu’importe ces mesquineries puisque de son éternité, il demeure comme le phare d’une gauche politique et syndicale sur terre orpheline. Nadia Omrane (Source: ‘Alternatives Citoyennes’ le 2 octobre 2008)

A CONTRE COURANT

TUNISIE,Que devient le CPR ?

Que devient Moncef Marzouki ?

 
 
Par Sami BEN ABDALLAH www.samibenabdallah.com   Des retraits,  des désertions et des démissions marquent le parti de Moncef Marzouki.. Créé au départ avec plus d’une trentaine de «membres fondateurs », le Congrès pour la République (CPR-non reconnu par le pouvoir) se retrouve aujourd’hui avec cinq membres au plus. Le CPR illustre cette tendance de la «notabilisation » que nous avons en Tunisie. Il y a des journaux avec des Directeurs, des Rédacteurs en Chef, mais sans journalistes. Au CPR, il y a un président, des vice-présidents, des secrétaires généraux, mais personne ne connaît de militants. Mais plus que cette tendance à la notabilisation, la crise du  CPR aujourd’hui,  illustre un échec d’un discours politique. Moncef Marzouki a aujourd’hui 63 ans. Incontestablement la pression qu’il vit est terrible mais l’autocritique parait  inévitable sauf s’il continue à son habitude sa fuite en avant.
 

Un début prometteur
 
Créé en juillet 2001,  le CPR a enregistré au départ un franc succès en affichant le nombre de  35 membres fondateurs. Le parti pouvait jouir de la grande légitimité  et notoriété de Moncef Marzouki. Certainement, le parti a participé à la radicalisation des autres partis politiques  avec un discours politique assez direct. Le parti affichait de grandes ambitions : la constitution d’un front  d’opposition, l’intégration des islamistes dans le jeu politique,  l’augmentation de  son nombre d’adhérents en  s’adressant au tunisien ordinaire. Dans l’esprit de ses fondateurs le parti devait remplissait un vide sur tout le segment politique qui varie du centre de la gauche jusqu’au centre droit. Moncef Marzouki  voulait se présentait comme une sorte de « de Gaulle tunisien », avec un discours qui met en avant les thématiques de « résistance, de rétablissement de l’autorité de l’état et  l’union derrière un homme ».
 
Des hésitations et des erreurs d’appréciation qui ont coûté cher
 
C’est au lendemain des pestilentielles de 2004 qu’une autocritique s’imposait. Mais il est clair  que le parti, tenté par la facilité, a choisi une fuite en avant.
 
D’abord au niveau du discours politique. La décennie 1990-2000, ne correspondait plus à la réalité des faits après 2004 car le régime a entamé des tentatives assez timides d’ouverture politique. Pour preuve, le discours politique du CPR paraît aujourd’hui surréaliste. car il ressemble de plus en plus à la langue de bois. Ensuite, l’essence même du discours politique montre de plus en plus ses limites. Un vocabulaire assez direct  truffé de charges émotionnelles peut correspondre à des objectifs à court terme mais jamais à long terme. A force de  répéter certaines expressions choc, elles perdent toute leur  charge émotionnelle et du coup, il faut augmenter la dose pour avoir le même effet.  C’est typiquement ce qui est arrivé à Moncef Marzouki qui a choisi une fuite « discourielle »  quitte à confondre  parfois critique politique et écart de langage.
 
Par ailleurs, cette tonalité du discours politique suscite de ma méfiance plus qu’autres choses. Ce ne sont pas les exemples qui en manquent. A commencer par l’extrême gauche internationale dont le discours ressemble à du verbiage creux et, la plupart de ses prometteurs se font recruter plus tard par  les services de sécurité.
 
Enfin, Moncef Marzouki a accusé trop d’hésitations. Au CNLT, nombreux sont ceux qui lui avaient reproché son silence face aux dérives qu’a connu cette ONG durant la fin de mandat  de Nejib Hosni. Moncef Marzouki avait déclaré que le CNLT réalisera ce vœu cher aux Tunisiens qu’est l’alternance (chaque personne aura les responsabilités du CNLT durant un seul mandat) mais on est loin aujourd’hui de ce raisonnement.
 
Hésitations avec le microcosme politique. Moncef Marzouki n’a jamais été assez clair et n’a pris de positions contre le microcosme que quand ce dernier l’a  rejeté. Hésitations avec Ennahdha. Hésitations au niveau du positionnement politique. Le CPR est quoi ? Un parti de Gauche ? Social-libéral ? de droite ? Islamiste ?
 
Hésitations dans ses alliances avec les autres leaders tout particulièrement Nejib Chebbi et Mohamed Harmel du temps où ce dernier était le secrétaire général d’Ettajdid.
 
Il y a aussi ce populisme que Moncef Marzouki sert à la foule  pour la divertir.  Nombreux ont été ceux qui l’ont applaudi quand il a rapporté le contenu  de son audience quand il fut reçu par M. Ben Ali. Cela ne se fait pas pourtant. Il devait observer une obligation de réserve. Ils étaient moins à l’applaudir quand il a dévoilé une partie de sa conversation avec Nejib Chebbi à la veille des présidentielles de 2004.
 
Coté politique, la conception de Moncef Marzouki est discutable. Traditionnellement, un homme politique est un homme doté d’un certain charisme et d’automatisme capable de drainer les foules derrière lui. Mais les temps ont changé et l’homme politique de nos jours est devenu un «libérateur et un catalyseur d’énergie », un homme capable «d’ouvrir le champ des possibles » et un «solutionneur de problèmes ». Avec Marzouki et son CPR, l’interrogation est légitime : quelle est la marge de manœuvre du CPR aujourd’hui ? Qui sont ses alliés ?  La politique ce n’est pas uniquement un discours, elle est aussi  une conception des choses qui tient compte du rapport de force dans la réalité car les faits sont têtus.Ce qui compte, c’est le concret.
 
Incontestablement, une des erreurs  de Moncef Marzouki, c’est qu’il  n’a jamais cru en un retour politique de Nejib Chebbi, son adversaire de toujours. Moncef Marzouki aurait pu créer plus de problèmes au régime et cannibaliser ses concurrents à commencer par Nejib Chebbi s’il avait été un des grévistes de la faim en octobre 2005. Les relations du CPR avec les autres partis politiques ont souffert des tensions qui marquent les relations personnelles de Moncef Marzouki avec ses partenaires. Ahmed Ibrahim secrétaire général d’Ettajdid n’est pas un vendu, Nejib Chebbi n’est pas un vendu, Mokthar Yahyaoui n’est pas un vendu…la liste est encore longue. Que  Moncef Marzouki n’apprrécie pas ces personnes ou que ces dernières ne s’apprécient pas, c’est une chose, cela ne les empêche pas de travailler ensemble. Oui car la politique c’est un rapport de force et une éthique et  il ne faut pas confondre sentiment et éthique. Nicolas Sarkozy et François Fillon  ne s’apprécient pas, cela ne les empêche pas de travailler ensemble comme président de la République et Premier ministre pour l’intérêt de la France. Car chacun a besoin de l’autre pour réussir.
 
L’homme  politique et  la culture du  résultat
 
Il y a une part d’exagération dans la présentation du parcours de Moncef Marzouki. Il a cette manie bourguibienne d’écrire l’histoire de la Tunisie en la confondant avec sa trajectoire personnelle. La dissidence en Tunisie n’a pas commencé avec Moncef Marzouki et le CPR n’est pas ce foyer des militants austères, sincères et patriotes. Moncef Marzouki n’est pas non plus un saint. Si l’Histoire de la Tunisie n’a pas commencé le 7 Novembre 1987, elle n’a pas commencé non plus avec le premier communiqué de la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme en 1991 dénonçant la répression et signé par Moncef Marzouki.  Certes, il a pris des risques, il a fait preuve d’un certain courage qui a manqué à d’autres leaders, mais ses risques demeurent nettement inférieurs à ceux dont le commun des mortels est exposé. Il y a une société civile tunisienne et française qui l’a soutenu, des journalistes et des politiques. Il y a qu’on le veuille ou pas un bouclier médiatique qui amortit les risques auxquels il s’expose car comme l’avait déclaré un homme politique français reçu à Tunis par des hauts responsables : « la France est très sensible au cas Moncef  Marzouki ».
 
On pourrait  partager ou désapprouver les idées politiques de Moncef Marzouki et son CPR. Mais comme disait Napoléon, «ce sont les succès qui font les grands Hommes ». Et un homme politique est jugé non pas en fonction du discours que le commun des mortels pourrait tenir ! Mais en fonction du résultat.
 
On pourrait aussi juger la réalité ! Mais à quoi bon ? Les faits sont têtus. La première mission d’un homme politique, c’est de la changer. Et il est clair qu’avec les retraits, les démissions et les désertions au CPR, il y a un «problème à la maison ».
 

 

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