17 septembre 2010

Home – Accueil

TUNISNEWS
10 Úme année,N° 3769 du 17.09.2010
 archives : www.tunisnews.net 

 


TUNISIE : IncohĂ©rence des politiques EuropĂ©ennes face aux violations des Droits de l’Homme

Kapitalis:Tunisie-Union européenne. Reprise des négociations sur le statut avancé

nouvel Obs:TRIBUNE “La Tache”, par Taoufik Ben Brik

Par Le Corbusier:Leila et soeurs (1,2)

lalibre.beLa Tunisie, entre force et fragilité

Bruxelles et Tunis, voisins plus proches ?

Les jeunes en Tunisie Pas de lignes rouges; pas de tabous

le Temps:25 mille membres de la société civile du gouvernorat de Sfax exhortent le Président Ben Ali à se porter candidat à la présidentielle 2014 

Tunisie Soir:Un jeune artiste tunisien rĂ©sidant en Belgique remporte 4 prix Ă  la biennale de la chanson …

Mohamed Chérif FERJANI: HOMMAGE A M. ARKOUN


COMMUNIQUE DE PRESSE

TUNISIE : IncohĂ©rence des politiques EuropĂ©ennes face aux violations des Droits de l’Homme


Bruxelles, Vendredi 17 septembre 2010 – Le REMDH a aujourd’hui rendu public un rapport qui confirme la violation systĂ©matique et rĂ©currente de la part des autoritĂ©s tunisiennes de la plupart de leurs engagements en matiĂšre de droits de l’Homme et de principes dĂ©mocratiques liĂ©s Ă  la coopĂ©ration avec l’UE. M. Kamel Jendoubi, prĂ©sident du REMDH, a dĂ©clarĂ© : «  nous n’avons pas le sentiment que l’UE a Ă©puisĂ© tous les moyens Ă  sa disposition pour assurer la promotion et la protection des droits de l’Homme en Tunisie. L’Union devrait faire preuve de fermetĂ© dans ses relations avec la Tunisie et exiger dans le cadre des nĂ©gociations actuelles un nouveau plan d’action qui inclue des rĂ©formes, dont, la garantie d’une libertĂ© de la presse et d’association effective pour les ONG, les syndicats et organisations professionnelles, ainsi que la libĂ©ration des prisonniers d’opinion ».    M. Jendoubi a exprimĂ© sa vive inquiĂ©tude sur un nouvel amendement au code pĂ©nal Tunisien (article 61.bis du 15 juin 2010) qui criminalise les relations entre les dĂ©fenseurs de droits de l’homme et les institutions europĂ©ennes et exhortĂ© l’UE Ă  demander son abrogation immĂ©diate. Plusieurs rencontres de haut niveau ont Ă©tĂ© menĂ©es cette semaine Ă  Bruxelles, avec notamment une rĂ©union entre des ONG internationales et le commissaire de l’UE pour l’élargissement et la PEV, Stefan FĂŒle. Outre les contacts avec l’ensemble de groupes du Parlement EuropĂ©en, le dialogue dĂ©veloppĂ© avec Mme Heidi Hautala, la PrĂ©sidente de la sous-commission de droits de l’homme, a Ă©tĂ© d’un grand intĂ©rĂȘt. La Tunisie viole continuellement ses engagements envers l’UE La Tunisie s’est engagĂ©e Ă  « renforcer la dĂ©mocratie et le pluralisme politique par le dĂ©veloppement de la participation Ă  la vie politique et l’adhĂ©sion Ă  l’ensemble des droits de l’Homme et des libertĂ©s fondamentales ». Aucun des engagements relatifs au respect des droits humains et des rĂ©formes dĂ©mocratiques n’ont Ă©tĂ© mis en Ɠuvre. Le rapport du REMDH dĂ©montre au contraire que les autoritĂ©s tunisiennes ont commis des violations systĂ©matiques et rĂ©currentes des droits et libertĂ©s qui font partie intĂ©grante de la coopĂ©ration entre l’Union et la Tunisie, et ont ignorĂ© les principes dĂ©mocratiques. Pour le REMDH, « l’UE doit adopter une politique cohĂ©rente et constante en matiĂšre de droits de l’homme et dĂ©mocratisation» Alors que la publication du prĂ©sent rapport intervient dans le contexte de nĂ©gociations entre la Tunisie et l’Union europĂ©enne (UE) sur un renforcement de leurs relations visant Ă  accorder un ‘statut avancé’ Ă  la Tunisie dans le cadre de la PEV,  le REMDH considĂšre qu’il y a un fossĂ© entre l’étendue des engagements de l’UE en matiĂšre de droits humains et leur mise en Ɠuvre effective. Le rapport souligne en effet que l’Union n’a pas agi de maniĂšre cohĂ©rente et logique envers la Tunisie au regard des engagements souscrits dans le cadre de la PEV et des textes de rĂ©fĂ©rence qui encadrent sa politique extĂ©rieure en matiĂšre de droits de l’Homme.  —- Pour plus d’informations  Le rapport en français est publiĂ© sur le site du REMDH. Cliquer sur le lien ci-dessous pour y accĂ©der. http://en.euromedrights.org/index.php/publications/emhrn_publications/68/4651.html Le sommaire exĂ©cutif du rapport est disponible en arabe, anglais, et français ci-dessous. http://en.euromedrights.org/index.php/publications/emhrn_publications/68/4651.html http://fr.euromedrights.org/index.php/publications/emhrn_publications/62/3957.html http://ar.euromedrights.org/index.php/publications/emhrn_publications/62/4559.html  —- Contacts – Sandrine Grenier, directrice du plaidoyer (français et anglais) : Tel: 0032 2 298 94 95, Mobile: +32 (0)4 86 06 95, sgr@euromedrights.net – Henriette Irminger Sonne, Media and Communications Officer (French, English and Danish): Mobile: +45 3082 8337, his@euromedrights.netMathieu Routier Project coordinator Euro Mediterranean Human Rights Network + 33(0)1 48 18 06 86 www.euromedrights.orgCHERBIB Mouhieddine 0615577914
 


Tunisie-Union européenne. Reprise des négociations sur le statut avancé


Vendredi, 17 Septembre 2010 10:44
 

La Tunisie et l’Union europĂ©enne (Ue) vont se rĂ©unir de nouveau, le 27 septembre, Ă  Bruxelles, en Belgique, pour nĂ©gocier un renforcement de leurs relations et l’attribution, par Bruxelles Ă  Tunis, d’un statut de partenaire avancĂ©. Ce partenariat rĂ©novĂ©, qui concerne tous les domaines est synonyme de nouvelles aides europĂ©ennes pour notre pays.

La Tunisie a Ă©tĂ© le premier pays du sud de la MĂ©diterranĂ©e Ă  avoir signĂ©, en 1995, un accord d’association avec l’Ue, Ă©tablissant une coopĂ©ration dans les domaines politique, Ă©conomique, social, culturel et scientifique, et visant la crĂ©ation, Ă  terme, d’une zone de libre-Ă©change entre les deux parties.
En 2004, les deux partenaires se sont entendus sur un plan d’action dans le cadre de la politique europĂ©enne de voisinage (Pev). 
La Tunisie et l’Ue sont aussi engagĂ©es dans le processus de crĂ©ation de l’Union pour la MĂ©diterranĂ©e, dont le secrĂ©tariat permanent vient d’ĂȘtre installĂ© Ă  Barcelone, en Espagne, oĂč devrait se tenir, en novembre prochain, le second sommet de cet ensemble rĂ©gional, le 1er s’étant rĂ©uni Ă  Paris en juillet 2008. I. B. (Source : « Kapitalis », le 17 Septembre 2010)

 

TRIBUNE “La Tache”, par Taoufik Ben Brik

 


Le tribunal correctionnel de Paris a relaxĂ© jeudi le journaliste et opposant tunisien, qui Ă©tait poursuivi par une jeune femme l’accusant depuis 2004 de l’avoir frappĂ©e et violentĂ©e lors d’un sĂ©jour Ă  Paris.   On frĂ©quentait le mĂȘme cafĂ© des arts. L’Olivier bleu. Depuis des annĂ©es. Elle Ă©tait matinale. Elle prenait seule son cafĂ©. Toujours . Elle fumait des Cartier. Elle Ă©tait dorĂ©e comme le blĂ© de juillet, fraĂźche comme une mandarine. Elle sentait le bon savon de Florence… Elle ne craint pas de porter des robes. Elle se sait fatale. Deux femmes en une. Une femme comme j’aime. Et un prĂ©nom qui chante : Arwa, p’tite gazelle. Greta Garbo, le talent en moins. Ce n’est que trois annĂ©es, peut-ĂȘtre quatre plus tard, qu’elle m’a abordĂ© .Elle Ă©tait accompagnĂ©e d’une femme aussi splendide. C’Ă©tait dans un salon de thĂ©. Esskifa. A Enasr, mon quartier. C’Ă©tait le 10 aoĂ»t 2003, le soir. Elle est venue me demander : ” Est-ce que je peux dire aux gens que je sors avec vous ? C’est possible ? “. Elle voulait se prĂ©munir des ‘avances'” d’Imed Trabelsi, le terrible neveu de Leila Ben Avi. Je lui ai dit : “bien sĂ»r que vous pouvez. ” Chevalier servant. Depuis ….On se salue. On se serre les mains. Sans changer nos habitudes. Chacun son coin. Elle, Ă  gauche. Moi, Ă  droite. Ce n’est qu’au mois de dĂ©cembre 2003, qu’on a pris un cafĂ© ensemble.
Nos premiers jours, elle les a consacrĂ©s Ă  m’Ă©pater. Elle connaĂźt tout de moi. Elle a lu tous mes livres. Mes articles. MĂȘme ceux publiĂ©s au Burkina Fasso. Elle a suivi toutes les Ă©missions T.V ou radiophoniques qui m’ont Ă©tĂ© consacrĂ©es. A CNN ou El Jazira, elle n’a rien loupĂ©. Elle peut corriger n’importe qui sur n’importe quoi des petites choses de ma vie. En prime, tout est datĂ© .Mon biographe inconnu .C’est sa mĂšre, institutrice, qui lui a inculquĂ© tout. “Une fan “, assure- t-elle. Elle a brossĂ©, bien sĂ»r, son propre portrait. Elle vit Ă  Sousse, sur la cĂŽte-est, avec sa mĂšre. Son pĂšre est dĂ©cĂ©dĂ©. Elle a une maĂźtrise de droit public. La classe. Elle loue une villa Ă  El Manar, un quartier huppĂ© de Tunis. Elle est miss- Tunisie96. – Je te dĂ©fie de m’aimer.
Se dĂ©filer ? Pas question ! Il faut oser miser sur sa bonne Ă©toile. L’impossible Ă©chappĂ©e…Mais qui a dit : “tout ce qui luit n’est pas sorcier/ Tout ce qui coule n’a pas de reflets/ Tout ce qu’on respire ne fait pas des vents/ Tout ce qu’on voit n’est pas prĂ©sent / Mirage restitue mon taudis/ L’imposture habite ici !”.Tout s’est avĂ©rĂ© faux. Elle est de BĂ©ja, Vaga, une ville du nord-ouest cĂ©rĂ©alier. Sa mĂšre est femme au foyer. Son pĂšre vit. Un bac-3. Elle est miss du festival de la betterave Ă  sucre. Elle s’appelle Kawthar, fleuve du paradis promis par Allah. Mais on s’en fout ! Arwa ou Kawthar kif- kif. Je reste un fervent croyant. Fou d’elle. Et ces vers de Gibran Khalil Gibran le rappellent assez : “Une seule fois je restai muet/ Ce fut quand un homme me demanda : Qui es tu ” Les jours d’aprĂšs, elle voulait plus d’intimitĂ©. A Tunis, impossible. Je vis l’abstinence. ObligĂ©. Les costumes noirs guettent. A Paris ou Londres, c’est faisable. Le 8 mars 2004, on dĂ©barque au Holiday Inn, Ă  Paris. Elle a Ă©tĂ© reçu comme ShĂ©hĂ©razade la divine. Tous mes amis des deux rives sont lĂ . Mon frĂšre Jalel, ma soeur Najet, ma niĂšce Souhar Ă©taient prĂ©sents. Mes pays ont rappliquĂ© du fin fond de la France profonde. Ghania Mouffok, mon amie de toujours, a fait le dĂ©placement de son AlgĂ©rie lointaine. Jean-Claude Guillebaud l’a reçue au Seuil. Philippe Val Ă  Charlie Hebdo. Philippe Thureau Dangin au Courrier International. Arnaud Vivant aux Inrockuptibles. Florence Aubenas Ă  LibĂ©. Et des cadeaux. Et des dĂźners. Et des sorties. Elle avait mĂȘme un coiffeur personnel. Mais elle, elle ne voulait rien de tout cela. Elle n’avait en tĂȘte qu’un dessein. Comment faire croire aux autres que je la maltraitais. Et jouer la victime. Le troisiĂšme ou le quatriĂšme jour, elle avait commencĂ© Ă  s’absenter et Ă  revenir tard Ă  l’hĂŽtel, la nuit. Elle disait qu’elle avait peur. Je rode dans les parages. Je crois qu’elle avait hĂ©sitĂ© avant de passer Ă  l’acte. Avait- elle des scrupules ? Elle doit ĂȘtre Ă  la merci des Services SpĂ©ciaux, les SS, pour qu’elle accepte de collaborer.
 La nuit du 16 mars 2004, elle Ă©tait allĂ©e dĂ©poser une plainte pour viol, sĂ©questration et violence. Elle disait que je l’avais battue Ă  dix-neuf heures. Comment ? A vingt heures, elle avait rĂ©cupĂ©rĂ© des exemplaires de mon livre, The Plagieur, de chez mon attachĂ© de presse. En somme, ses commanditaires n’avaient besoin que de ces allĂ©gations, pour les Ă©taler le lendemain Ă  la Une des journaux de caniveau :”Ben Brik viole une femme Ă  Paris”, titrent Echourrouq et El Hadath de Tunisie. Qui les a informĂ©s vite ? Un envoyĂ© spĂ©cial ? Ou bien les papiers Ă©taient dĂ©jĂ  sous presse avant mĂȘme que la plainte ne soit dĂ©posĂ©e ? Maintes fois j’ai dĂ©jouĂ© leurs intrigues. Des Lolitas. Des danseuses du ventre. Des Walkyries. J’ai dit non. Dans une autre vie, peut-ĂȘtre. Je suis moine sous Ben Avi. J’aurais pu ĂȘtre vigilant. Je n’avais pas les moyens de rĂ©sister. J’Ă©tais malade. J’avais la maladie de cushing. Elle m’a causĂ© beaucoup de dĂ©gĂąts. Je dormais peu ou pas.
Je m’interroge : les Renseignements GĂ©nĂ©raux français n’ont eu vent de rien, eux qui nous renseignent sur ce qui se passe Ă  Kandahar ou Ă  Arab Salim ? J’en doute. Pourquoi, ils n’ont pas retenu le viol et la sĂ©questration ? Parce que c’est gros, grossier ? La violence suffit. C’est plus crĂ©dible. Presque rien, mais pas rien .De toutes petites choses, mais des choses. Braquer une banque ça aurait Ă©tĂ© moins compromettant que de molester une dame. En fait, ils n’ont besoin que de peu pour m’inculper, intenter un procĂšs et me condamner. (Une question et c’est tout bon: qui paye ses aller-retour Tunis-Paris-Tunis, ses sĂ©jours Ă  Paris, ses avocats ? Le lion ou le vent ?). Ils ne peuvent pas grand-chose contre moi, Ă  Tunis. Des escarmouches. Que ça vient d’ailleurs, de Paris, citĂ© oĂč le pouvoir judiciaire domine les deux autres, c’est une aubaine. Une condamnation Ă©quivaut Ă  un coup de berger. Quand Paris me sera hostile, je serai une proie exquise au pays. En 2004, Ă  peine l’affaire a dĂ©marrĂ©, que Ben Avi se meut Ă  l’aise. Il m’a collĂ© un procĂšs pipĂ© et condamnĂ© Ă  3 mois de prison avec sursis. Un avant goĂ»t de ce qui adviendra.
Avec cette tache, ils ont eu les mains libres, cĂŽtĂ© Ben Briks, pendant les Ă©lections de 2004. Ils ont mis deux de mes frĂšres en prison. Sans que personne ne bronche. Je ne suis plus frĂ©quentable. Intouchable. Toutes mes protections ont volĂ© en Ă©clats : Reporters Sans FrontiĂšres, Human Rights Watch, mon bouclier mĂ©diatique, mes soutiens politiques… Ils disent que je caricature les bons en sales, affreux et mĂ©chants. Que je suis ce bruiteur qui trompette de scandaleuses vĂ©ritĂ©s au beau milieu de la citĂ©. Celui qui parle de ce que l’on doit ni faire, ni dire. Celui qui a vendu la mĂšche. Rien ne doit filtrer. Voulaient-ils ainsi me payer mon rire qui moque amis, ennemis et soi-mĂȘme ? Le propre est mal propre. Au violeur. La Vindicte. Je croyais que la tĂ©mĂ©ritĂ© et le talent suffisent amplement Ă  exorciser la hargne, la bĂȘtise, la couardise, la convoitise
  
Je ne suis ni le premier ni le dernier Ă  qui le locataire du palais de Carthage a fomentĂ© des coups fourrĂ©s. Avant et aprĂšs moi, il ya eu la journaliste Sihem Bensedrine, l’ex premier ministre de Bourguiba, Mohamed M’zali, le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme, KhemaĂŻes Ksila, l’ex n° 2 du mouvement Ennahdha Abdelfattah Mourou, la journaliste Oum ZaĂŻd, l’avocat Raouf El Ayadi, l’avocat Abderahman Hila

En vingt ans, Ben Avi a instaurĂ© un rĂ©gime de renseignement. Il combat sans rĂšgles, sans honneur, sans respecter la parole donnĂ©e. Il gouverne par l’auto surveillance, l’auto dĂ©nonciation, la veulerie, les coups bas, le faux- semblant. Le rĂ©gime s’est spĂ©cialisĂ© dans le montage d’albums photo et cassettes pornographiques qui font et dĂ©font les rĂ©putations. Dans Notre ami Ben Ali (L’envers du “miracle tunisien”), Nicolas Beau et Jean-Pierre Turquoi rĂ©vĂšlent : “Pour se dĂ©barrasser du chef du bureau de l’AFP Ă  Tunis, Nabil Jumbert, un professionnel consciencieux qui avait refusĂ© de publier “une mise au point” du rĂ©gime -elle ne respectait pas les formes lĂ©gales-, les autoritĂ©s ne vont pas hĂ©siter Ă  lui tendre un piĂšge. Dans un parking, en plein jour, une jeune fille s’affale devant lui et hurle de douleur. Comme il se prĂ©cipite pour lui venir en aide, la Tunisienne se met Ă  hurler au viol. Une plainte est dĂ©posĂ©e au commissariat de police. Il faudra une intervention de l’ambassade de France pour “exfiltrer” le malheureux journaliste. C’Ă©tait en janvier 1995, annĂ©e de reprise en main, aprĂšs les Ă©lections prĂ©sidentielles”».
Est-ce un hasard, si l’avocat mandatĂ© a ajournĂ© le procĂšs au mois de dĂ©cembre 2008, annĂ©e Ă©lectorale ? Ben Avi compte briguer un cinquiĂšme mandat en 2009. Sans tapage. Carthage sans partage. Vous auriez pensĂ© qu’un pareil jour frĂ©mirait de se lever…Puis ? Un point d’interrogation qui est en soi, dĂ©jĂ , toute une aventure ? S’en contenter ? Jamais ! Ni Cette fois ni les suivantes. Une façon de dire ils m’auront peut-ĂȘtre, mais je ne les aurai pas aidĂ©s. Une façon de ne pas se rendre. Surtout Ă  l’Ă©vidence. Sans un sou et malmenĂ©, mais tenace et toujours debout, je plaide : je suis l’Ă©garĂ© d’un peuple qui m’a livrĂ©… Taoufik Ben Brik (Source : «nouvel Obs.com» ( France), le 17 Septembre 2010)

Leila et soeurs (1,2)


Par Le Corbusier  
Le ministre du Transport Abderrahim Zouari avait signĂ© Ă  Paris les premiers contrats relatifs Ă  l’acquisition de 20 rames pour le fameux RĂ©seau Ferroviaire Rapide (RFR), avec l’entreprise chinoise China South Railways (CSR) et annoncĂ© par la mĂȘme occasion le dĂ©marrage imminent des travaux, qui signifie normalement le commencement des travaux de gĂ©nie civil. Non seulement le dĂ©marrage des travaux, annoncĂ© depuis le mois d’aoĂ»t, n’a pas eu lieu jusqu’à ce jour, mais ce que le ministre a omis d’annoncer est le montant de l’enveloppe qu’il s’est partagĂ© avec son associĂ© Belgacem Khachnaoui. A. Zouari a exigé  2 millions de dollar Ă  lui seul (de la commission globale fixĂ©e Ă  5 millions de dollar) et a eu gain de cause.
Mais qui est ce khachnaoui? Celui qui vient de propulser son propre frĂšre au poste de secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral du ComitĂ© de coordination de Kasserine, n’est autre que l’amant de Jalila Trabelsi la sƓur aĂźnĂ©e de Leila.
MariĂ©e officiellement Ă  Haj Mahjoub, un ancien taxiste, Jalila habite Ă  Carthage depuis que l’ex-ministre des domaines de l’Etat Ridha Grira lui a offert une somptueuse villa, dĂ©laissĂ©e par ses propriĂ©taires Ă©trangers, pour la « bagatelle » de 
 8000 dinars. Son neveu n’est autre que Said Boujbel (mariĂ© Ă  sa fille aĂźnĂ©e) qui possĂšde ou gĂšre plusieurs hĂŽtels et la plupart des restaurants et cafĂ©s du centre-ville, surtout Ă  l’Avenue de Paris et la rue de Marseille. Sa deuxiĂšme fille est mariĂ© au fils de l’homme d’affaire M’Zabi.
VĂ©tĂ©ran de la contrebande, Haj Mahjoub rivalise avec les gros calibres du secteur. Il est vrai qu’il a commencĂ© son business dĂšs 1993 en « jouant » avec des conteneurs venant de Turquie et d’Arabie Saoudite. Le tarif qu’il appliqua durant plus d’une dĂ©cennie Ă©tait de 500 D par la valise, quelque soit son contenu. Quant Ă  l’amant de sa femme, il a mis la main sur l’ensemble du secteur du transport. Khachnaoui a rĂ©ussi mĂȘme Ă  convaincre son associĂ© Zouari de transfĂ©rer les bureaux du ministĂšre du Transport de l’ancien immeuble spacieux sis Ă  Monplaisir Ă  l’immeuble de Jalila, beaucoup plus exigu, Ă  proximitĂ© de l’aĂ©roport Tunis Carthage. Depuis, les fonctionnaires souffrent d’un vĂ©ritable calvaire.
Tout rĂ©cemment, les tourtereaux Belgacem et Jalila se sont arrogĂ©s le rĂ©seau de salons VIP installĂ©s dans les aĂ©roports du pays, pourtant propriĂ©tĂ© de l’Etat. PS : on ignore encore la somme touchĂ©e par le tandem Zouari-Khachnaoui Ă  la suite de la signature des contrats avec les bureaux d’études tuniso-français Systra-studi pour la mission de maĂźtrise d’ouvrage du RĂ©seau Ferroviaire Rapide (RFR).  
 

Leila et soeurs (2)

 
Samira Trabelsi, la sƓur cadette de Leila, occupe une place particuliĂšre dans le cƓur de « la prĂ©sidente » comme elle aime ĂȘtre appelĂ©e. MariĂ©e Ă  Montasar Mehrzi, un ex-moniteur de sport et fils d’un officier condamnĂ© Ă  mort Ă  la suite du putsch dĂ©jouĂ© par Bourguiba en 1962, elle Ă©tait standardiste chez Yassine H’mila au Duty free de La Soukra. Leila a confiĂ© Ă  Samira une mission sensible consistant Ă  voyager dans plusieurs pays, notamment le Maroc et la Mauritanie, Ă  la recherche de plantes rares et sortilĂšges (sihr ۳ۭ۱) afin d’ensorceler Ben Ali. Samira s’est lancĂ©e dans les affaires par l’acquisition d’une ferme dans la rĂ©gion de GabĂšs, plantĂ©e de cerises et tomates Ă  l’aide d’experts israĂ©liens. Elle a montĂ© Ă©galement une usine de transformation de tomates. Mais le pauvre associĂ© s’est retrouvĂ© complĂštement dĂ©pouillĂ©, en laissant 1,3 million de dinar dans les caisses. De mĂȘme elle a constituĂ© une sociĂ©tĂ© de gestion des tickets de restaurants en partenariat avec un dentiste connu, qu’elle vient de rompre en le menaçant de reprĂ©sailles s’il songe Ă  la dĂ©noncer. Par ailleurs, Samira a rĂ©ussi Ă  s’approprier les cafĂ©s les plus frĂ©quentĂ©s de La Marsa et Sidi Bousaid, dont le cafĂ© AL-Alia, Sidi Chabaane etc
 Elle joue Ă©galement l’intermĂ©diaire avec les diffĂ©rents dĂ©partements ministĂ©riels afin de dĂ©bloquer des dossiers et rĂ©soudre des problĂšmes moyennant des commissions exorbitantes exigĂ©es aux citoyens en difficultĂ©. Le comble c’est que Samira pousse Ben Ali, Ă  travers Leila, Ă  nommer son amant Mondher Zenaidi au poste de premier ministre. PS : Comment Salhi a sautĂ©? C’est Ă  minuit que la dĂ©cision du limogeage de Kamel Salhi, maire de La Marsa est tombĂ©e comme un couperet. AccompagnĂ© de Leila, Ben Ali vient de rentrer d’une longue tournĂ©e dans les quartiers de la jolie station balnĂ©aire qui jouxte son palais de Sidi Bouaid. Il a visitĂ© B’har Lazrag, Ettabik, Marsa ville, Marsa plage etc
 et son Ă©pouse Ă©tait assise Ă  ses cĂŽtĂ©s pour lui montrer la gabegie causĂ©e par le Maire de la ville. Pourtant, Salhi Ă©tait tĂȘte de liste du RCD lors des derniĂšres Ă©lections lĂ©gislatives et la confiance du palais lui a Ă©tĂ© renouvelĂ©e quand on devait choisir un maire pour La Marsa, Ă  l’occasion des derniĂšres municipales. Seulement, Salhi est aussi l’ami de Ben Dhia et de Sakhr Materi. C’est lĂ  une raison suffisante pour s’attirer les foudres de Abdelwahab Abdallah qui n’a pas tardĂ© Ă  lui monter un coup bien ficelĂ© en convaincant Ben Ali via Leila que La Marsa « est devenue trop laide Ă  cause des constructions anarchiques ». Finalement, Ben Ali a acceptĂ© d’accompagner son Ă©pouse Ă  une randonnĂ©e qui a permis d’atteindre le but escomptĂ©. Maintenant, Salhi se repose dans sa somptueuse villa des Jardins de Carthage, alors que le chef de cabinet du ministre du commerce s’est installĂ© dans son fauteuil.  

La Tunisie, entre force et fragilité


V.B. Mis en ligne le 17/09/2010
CoincĂ© entre les deux gĂ©ants que sont l’AlgĂ©rie et la Libye, la RĂ©publique tunisienne est sans Ă©quivoque le plus petit Etat du Maghreb mais sans doute le plus grand pourfendeur des libertĂ©s publiques de la rĂ©gion, avec sa voisine libyenne. Ce rĂ©gime autoritaire est entiĂšrement sous la coupe d’un homme, le prĂ©sident Zine el-Abidine Ben Ali, 74 ans, réélu en octobre de l’annĂ©e derniĂšre pour un cinquiĂšme mandat consĂ©cutif (de cinq ans). Tout y est contrĂŽlĂ© par le parti prĂ©sidentiel, le Rassemblement constitutionnel dĂ©mocratique (RCD), ex-parti unique durant vingt-cinq ans. “C’est un parti unique devenu hĂ©gĂ©monique, qui a rĂ©ussi a phagocyter l’ensemble de la sociĂ©tĂ©. Il revendique deux millions d’adhĂ©rents, sur dix millions d’habitants”, relĂšve Kamel Jendoubi, le prĂ©sident du RĂ©seau euro-mĂ©diterranĂ©en des droits de l’homme (REMDH). “Tout l’espace public est sous contrĂŽle du parti. Les quelque 10 000 associations sont peu ou prou sous la supervision d’un fonctionnaire de l’Etat. Le rĂ©gime contrĂŽle tout, jusqu’aux comitĂ©s de quartiers. Aucune marge de libertĂ© n’est laissĂ©e Ă  la population. La logique est : l’Etat prend en charge tous vos besoins, vous n’avez donc pas Ă  le faire vous-mĂȘme.” Le rĂ©gime est dans une telle logique de contrĂŽle total qu’il anticipe tout. “Y compris la rĂ©pression”, poursuit le responsable du REMDH. “MĂȘme la libertĂ© de se rĂ©unir est bafouĂ©e. Il arrive que la police empĂȘche les gens de sortir de chez eux afin qu’ils ne puissent se rendre Ă  une simple rĂ©union. MĂȘme chose quand vous ĂȘtes invitĂ© quelque part, il arrive que les autoritĂ©s vous empĂȘchent d’accĂ©der au lieu.” MalgrĂ© toutes ces entraves, malgrĂ© la toute puissance apparente du rĂ©gime, la Tunisie n’est pas dĂ©nuĂ©e de fragilitĂ©s. “Alors qu’il apparaĂźt fort sur la longueur, un rĂ©gime peut rĂ©vĂ©ler des failles Ă  certains moments”, note M. Jendoubi. Et l’on ne serait plus loin d’un de ces moments, Ă  l’heure oĂč se pose la question de la succession du prĂ©sident Ben Ali, qui Ă  74 ans et est affectĂ© par la maladie. Le prĂ©sident de REMDH pointe aussi une sĂ©rie d’indicateurs de faiblesse du pouvoir ou de la prise de conscience populaire. “Depuis des annĂ©es, la situation Ă©conomique se dĂ©grade, les conflits sociaux, les grĂšves agitent le pays. Le syndicalisme est vivace en Tunisie, et mĂȘme si le pouvoir a la mainmise sur les structures syndicales, Ă  la base ça bouge beaucoup”, note M. Jendoubi, qui Ă©voque encore le contexte rĂ©gional “qui peut changer” et les aspirations de la jeunesse. Et puis, Ă  l’heure oĂč la crise Ă©conomique a affectĂ© des secteurs clĂ©s comme le tourisme et l’hĂŽtellerie, le rĂ©gime a plus que jamais besoin du soutien financier de l’Union europĂ©enne, analyse encore le responsable. “Mais il faut faire en sorte que ce soutien soit assorti de contreparties. En somme, l’équation actuelle est donc plutĂŽt favorable. Des ouvertures existent.” (Source : «lalibre.be» ( Belgique), le 17 Septembre 2010)
 

TUNISIE | DROITS DE L’HOMME

Bruxelles et Tunis, voisins plus proches ?

 


Vincent Braun Mis en ligne le 17/09/2010
NĂ©gociations en vue pour un partenariat avancĂ© entre l’Union et la Tunisie. Mais un rapport pointe la situation difficile des droits de l’homme dans le pays. La Tunisie a beau ĂȘtre un paradis touristique, elle est un enfer pour les droits de l’homme. Sur le planisphĂšre de la libertĂ© de la presse d’Amnesty International, laRĂ©publique Tunisienne fait partie de la vingtaine d’Etats dans le monde qui prĂ©sentent la pire situation en la matiĂšre. Les cas de harcĂšlement, de menace, d’arrestation, d’emprisonnement, de pressions en tous genres Ă  l’égard de journalistes, d’opposants politiques et de reprĂ©sentants des droits de l’homme se sont multipliĂ©s ces derniers mois.
Une dĂ©lĂ©gation tunisienne de dĂ©fenseurs, ou devrait-on dire de promoteurs, des droits de l’homme s’est rendue Ă  Bruxelles cette semaine pour sensibiliser les parlementaires europĂ©ens Ă  la dĂ©gradation de la situation et pousser ceux-ci Ă  faire pression sur la Commission et le Conseil. “L’Union europĂ©enne pourrait faire davantage pour inciter la Tunisie Ă  respecter ses engagements relatifs Ă  la promotion et Ă  la protection des droits de l’homme”, estime Kamel Jendoubi, le prĂ©sident du RĂ©seau euro-mĂ©diterranĂ©en des droits de l’homme (REMDH), qui publie ce vendredi un rapport sur l’Union europĂ©enne et la situation des droits de l’homme en Tunisie.
Le moment n’est pas choisi par hasard puisque la Tunisie et l’UE vont, dĂšs le 27 septembre prochain, nĂ©gocier un renforcement de leurs relations, visant Ă  accorder Ă  ce “pays tiers” un statut de partenaire avancĂ©. Ce nouveau partenariat, qui concerne tous les domaines est synonyme de nouveaux subsides europĂ©ens pour le pays africain. La Tunisie a Ă©tĂ© le premier pays du sud de la MĂ©diterranĂ©e Ă  avoir signĂ©, en 1995, un accord d’association avec l’Union europĂ©enne, qui Ă©tablit une coopĂ©ration dans les domaines politique, Ă©conomique, social, culturel et scientifique, visant la crĂ©ation, Ă  terme, d’une zone de libre-Ă©change entre les deux parties. En 2004, les deux partenaires s’entendaient sur un plan d’action dans le cadre de la politique europĂ©enne de voisinage. ConformĂ©ment aux objectifs imposĂ©s par cet accord bilatĂ©ral, la Tunisie s’est engagĂ©e Ă  nouveau, lors du Sommet de l’Union pour la MĂ©diterranĂ©e en 2008,”Ă  renforcer la dĂ©mocratie et le pluralisme politique par le dĂ©veloppement de la participation Ă  la vie politique et l’adhĂ©sion Ă  l’ensemble des droits de l’homme et des libertĂ©s fondamentales”. Une simple dĂ©claration d’intention, jure le REMDH, un groupement créé en 1997 et basĂ© Ă  Amsterdam, qui rassemble une soixantaine de membres reprĂ©sentant des organisations de dĂ©fense des droits de l’homme situĂ©es dans trente pays de la rĂ©gion euromĂ©diterranĂ©enne. Aujourd’hui, le REMDH doute de la volontĂ© des autoritĂ©s tunisiennes Ă  mener de vĂ©ritables rĂ©formes allant dans ce sens et dĂ©nonce l’opacitĂ© du processus de nĂ©gociation actuel. “Il n’y a aucun engagement Ă©crit, aucune communication sur le sujet. Alors, comment expliquer qu’un pays se dĂ©clare volontaire pour mener des rĂ©formes mais qu’il ne dise pas ce qu’il veut faire”, s’interroge M. Jendoubi. “Notre grosse crainte est que ces nĂ©gociations soient finalement conclues sans vĂ©ritable engagement des autoritĂ©s tunisiennes sur les rĂ©formes dĂ©mocratiques, bref que celles-ci se limitent Ă  des dĂ©clarations d’intention dans lesquelles elles excellent depuis quinze ans”.
Les rĂ©formes vont mĂȘme plutĂŽt dans le sens opposĂ©. Le 15 juin dernier, le Parlement tunisien a votĂ© un amendement Ă  l’article 61 bis du Code pĂ©nal, qui incrimine “des personnes qui Ă©tablissent, de maniĂšre directe ou indirecte, des contacts avec des agents d’un Etat Ă©tranger, d’une institution ou d’une organisation Ă©trangĂšre dans le but de les inciter Ă  porter atteinte aux intĂ©rĂȘts vitaux de la Tunisie et Ă  sa sĂ©curitĂ© Ă©conomique”. Des intĂ©rĂȘts vitaux dans lesquels le ministre de la Justice et de Droits de l’homme a par la suite vu “le fait de saboter les efforts de la Tunisie visant Ă  obtenir le statut de partenaire avancĂ© avec l’Union europĂ©enne”.
Ce nouvel amendement inquiĂšte au premier chef les organisations de dĂ©fense des droits de l’homme puisqu’il est Ă  mĂȘme de permettre la poursuite et l’emprisonnement de leurs collaborateurs coopĂ©rant avec des organisations Ă©trangĂšres et multilatĂ©rales, parmi lesquelles l’Union europĂ©enne (UE) et les Nations unies. Dont la dĂ©lĂ©gation en visite Ă  Bruxelles…
“Jusqu’ici, l’Etat avait tout mis en place pour contrĂŽler les choses de l’intĂ©rieur. DĂ©sormais, il peut Ă©galement contrĂŽler ceux qui tenteraient de critiquer le rĂ©gime depuis l’extĂ©rieur des frontiĂšres”, rĂ©sume M. Jendoubi. (Source : «lalibre.be» ( Belgique), le 17 Septembre 2010)

Les jeunes en Tunisie Pas de lignes rouges; pas de tabous

 


  Evolution de l’ordre de 7 % du nombre des bacheliers, augmentation de 32 % au niveau des diplĂŽmĂ©s du supĂ©rieur, 15 mille diplĂŽmĂ©s seront formĂ©s en langues Ă©trangĂšres en 2010-2011, plus de 600 mille Ă©tudiants et Ă©lĂšves ont bĂ©nĂ©ficiĂ© des soins, 23 mille bĂ©nĂ©ficiaires des Stages d’Initiation Ă  la Vie Professionnelle

Des indicateurs en nette Ă©volution d’une annĂ©e Ă  l’autre, c’est ce qu’a dĂ©voilĂ© le rapport annuel relatif Ă  la situation des jeunes en Tunisie, prĂ©sentĂ© hier, pas M. Samir LĂąabidi lors d’une confĂ©rence de presse donnĂ©e au siĂšge de l’Agence Tunisienne de Communication ExtĂ©rieure. RĂ©alisĂ© dans un contexte riche en Ă©vĂ©nements et en rendez-vous, Ă  l’instar de l’annĂ©e internationale de la jeunesse, la crĂ©ation du parlement des jeunes, la rĂ©alisation de la stratĂ©gie nationale de la jeunesse et le lancement de la 4Ăšme consultation sur la jeunesse et qui touche 10 mille jeunes, le rapport a Ă©tĂ© dans sa globalitĂ© positif. Il n’a en fait, mis en exergue que les chiffres reflĂ©tant l’amĂ©lioration des indicateurs dans huit domaines qui touchent de prĂšs cette frange de la sociĂ©tĂ©, tels que l’éducation, la santĂ©, les nouvelles technologies de l’information et de la communication, le sport, la participation dans la vie active, les activitĂ©s culturelles
. « Il s’agit de l’esprit de tout rapport annuel », explique M. Samir LĂąabidi. « Il doit englober les chiffres et les statistiques enregistrĂ©s au bout d’un an », enchaĂźne-t-il.  
Et les problĂšmes
Mais, c’est l’arbre qui cache la forĂȘt. Nul ne peut nier que nos jeunes souffrent de plusieurs problĂšmes dont le chĂŽmage, la quĂȘte continue d’un poste d’emploi fixe, les risques des maladies sexuellement transmissibles, la drogue, l’immigration clandestine, le recul de l’ñge du mariage
Ce sont en effet, des dĂ©fis majeurs Ă  relever par l’Etat pour assurer de meilleures conditions de vie Ă  cette tranche d’ñge qui reprĂ©sente d’ailleurs, le pilier de notre sociĂ©tĂ©. « Nous sommes conscients de tous ces problĂšmes », signale M. LĂąabidi tout en insistant sur le fait que « ces problĂšmes ne sont pas des sujets tabous ». « Il n’y a pas de lignes rouges, ni de sujets tabous », insiste le ministre. Il est clair alors que les jeunes occuperont les instances officielles, d’oĂč l’établissement de toute une stratĂ©gie nationale qui s’intĂ©resse Ă  cette frange sociale ainsi que le lancement de la 4Ăšme consultation sur les jeunes. RĂ©alisĂ©e tous les cinq ans, cette consultation a pour objectif de cerner de prĂšs les orientations, les tendances, les nouveaux comportements des jeunes et surtout leurs aspirations. Elle sert normalement, de base de donnĂ©es et/ou de plate-forme d’informations pour amĂ©liorer leur sort et surtout arrĂȘter les mĂ©canismes susceptibles de remĂ©dier les lacunes enregistrĂ©es dans le domaine. Toutefois, nous continuons Ă  enregistrer les mĂȘmes problĂšmes. Malheureusement, les recommandations formulĂ©es Ă  l’issue des prĂ©cĂ©dentes consultations n’ont pas Ă©tĂ© utilisĂ©es de façon fructueuse. Il importe ainsi que mieux exploiter celles qui seront Ă©mises Ă  l’issue de la 4Ăšme consultation et qui a touchĂ© d’ailleurs, 10 mille jeunes.
Débat
Toujours dans le mĂȘme contexte, M. LĂąabidi a rappelĂ© que « le chĂŽmage est la principale  prĂ©occupation des jeunes au niveau mondial oĂč le taux des chĂŽmeurs est de 24 % ». Parlant de la participation active dans la vie publique, le ministre a prĂ©cisĂ© que les jeunes tunisiens occupent des positions importantes au niveau rĂ©gional, oĂč le taux de 17 % de nos jeunes ont leur mot Ă  dire Ă  ce niveau contre 21 % en Europe. RĂ©pondant Ă  notre question relative Ă  l’introduction des nouveaux concepts dont le leadership et le renforcement des capacitĂ©s des jeunes en la matiĂšre, M. LĂąabidi a dĂ©clarĂ© que tout un centre international de la jeunesse sera Ă©difiĂ© Ă  Borj CĂ©dria. « Le centre assurera des formations dans diffĂ©rents domaines tels que le leadership », prĂ©cise le ministre. La protection des jeunes contre les maladies sexuellement transmissibles et leur prise en charge de façon gĂ©nĂ©rale ont figurĂ© parmi les sujets Ă©voquĂ©s lors du dĂ©bat. A cet effet, le ministre a dĂ©clarĂ© que tout un congrĂšs mondial se tiendra pour la premiĂšre fois en Tunisie en mars prochain. « C’est le premier congrĂšs de la jeunesse et la santĂ© qui aura lieu avec le soutien de l’OMS », toujours d’aprĂšs la mĂȘme source.  
Sana FARHAT (Source: « le Temps » (Quotidien – Tunis), le 17 Septembre 2010)‏

25 mille membres de la société civile du gouvernorat

de Sfax exhortent le Président Ben Ali à se porter candidat à la présidentielle 2014

    


 
Nous avons reçu une liste comprenant 25 mille signatures de membres de la sociĂ©tĂ© civile du gouvernorat de Sfax exhortant le PrĂ©sident Zine El Abidine Ben Ali Ă  se porter candidat Ă  la prĂ©sidentielle 2014 sous le titre  « L’Appel de la fidĂ©litĂ© Ă  l’homme de la fidĂ©litĂ© ». Cette liste fait partie d’un cahier de 400 pages oĂč trĂŽne le portrait du PrĂ©sident Zine El Abidine Ben Ali Ă  la page Une. Eu Ă©gard  Ă  la longueur de la liste, il nous  est impossible de la reproduire dans son intĂ©gralitĂ©. Nous nous contentons  de reproduire  la premiĂšre et la derniĂšre page  de cette liste.
Voici le texte de l’appel :
L’appel de la fidĂ©litĂ© Ă  l’homme de la fidĂ©litĂ© pour la Tunisie 2014 et l’aprĂšs 2014
Son Excellence, Monsieur le Président Zine El Abidine Ben Ali,
Parce que nous aimons la Tunisie et que nous  nous sacrifions afin qu’elle  demeure libre, glorieuse et florissante,  savourant Ă  jamais les fruits  du Changement et ses acquis  considĂ©rables.
Parce que vous avez rĂ©alisĂ© ce qui n’a jamais Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© durant les diffĂ©rentes Ă©tapes de l’histoire  de la Tunisie. Parce que votre projet civilisationnel grandiose se poursuit et que les  dĂ©fis  n’ont pas de fin.
Partant  de la fidélité  à votre  personne et en reconnaissance de vos projets grandioses
Et afin  de garantir  la sĂ©curitĂ©, la stabilitĂ©, la dignitĂ© de la Tunisie et l’avenir de ses gĂ©nĂ©rations.
Nous exhortons votre Excellence Ă  rĂ©pondre  Ă  l’appel du devoir et Ă  accepter  de continuer Ă  diriger le pays  pour  le prochain  mandat prĂ©sidentiel 2014/2019. (Source: « le Temps » (Quotidien – Tunis), le 17 Septembre 2010)‏

Un jeune artiste tunisien rĂ©sidant en Belgique remporte 4 prix Ă  la biennale de la chanson …

 


 
TUNIS, 17 sept 2010 (TAP) – Karim Gharbi, jeune artiste tunisien rĂ©sidant en Belgique, vient de remporter un franc succĂšs au concours de la biennale de la chanson française tenu, rĂ©cemment, au centre de WoluwĂ©-St-Pierre en Belgique, en recevant quatre prix. Ce festival organisĂ© depuis 1994 en Belgique vise Ă  promouvoir les jeunes artistes en Europe.
Karim Gharbi, Tunisien de la 3Ăšme gĂ©nĂ©ration rĂ©sidant en Belgique, est le premier laurĂ©at qui remporte quatre prix sur cinq consacrĂ©s aux finalistes. En effet, Karim Gharbi a dĂ©crochĂ© le premier prix de la biennale, d’une valeur de 6000 euros, attribuĂ© par la commission europĂ©enne, outre trois prix offrant la possibilitĂ© d’enregistrer des chansons en studio en Belgique et de bĂ©nĂ©ficier d’une tournĂ©e Ă  Toulouse et Bijou.
Chanteur bondissant, mĂ©lancolique et ironique, Karim Gharbi prĂ©sente avec ses musiciens des chansons originales en divagations poĂ©tiques: du jazz Ă  la musique populaire aux accents d’un Orient parfois rock’n’roll.
Il a obtenu en 2009 le premier prix au festival ”le Mans citĂ©”.
Karim Gharbi se produira Ă  partir du 18 septembre 2010 au théùtre de l’entrepĂŽt Ă  Paris.
 
(Source : «Tunisie Soir», le 17 Septembre 2010)


HOMMAGE A M. ARKOUN

QUE SON ESPRIT CRITIQUE CONTINUE A INSPIRER LES ETUDES PORTANT SUR LES FAITS ISLAMIQUE(1)


 
Mohamed ChĂ©rif FERJANI*                                                La rencontre avec les nouvelles sciences humaines et la dĂ©couverte des approches historiques, sociologiques, linguistiques, psychanalytiques, anthropologiques, etc., n’ont pas laissĂ© indiffĂ©rente la pensĂ©e musulmane. Depuis quelque deux siĂšcles, les penseurs musulmans, ou de culture islamique, sont tiraillĂ©s entre deux attitudes : – l’hostilitĂ© Ă  l’égard de ces sciences, de “l’Occident matĂ©rialiste” qui “veut tout soumettre Ă  son hĂ©gĂ©monie” ; – et la volontĂ© d’intĂ©grer les donnĂ©es et les mĂ©thodes de ces disciplines sans lesquelles la culture des sociĂ©tĂ©s musulmanes restera dans une posture qui tourne le dos Ă  l’histoire. En cette annĂ©e 2010, quatre grands penseurs du monde musulmans qui ont plaidĂ© pour un maximum d’ouverture sur les apports des sciences humaines et sociales nous ont quittĂ©s : l’Egyptien Nasr Hamid Abou Zayd, le Marocain Mohammad ‘Âbid Al-JĂąbirĂź,  le Koweitien Ahmad al-Baghdadi et le Franco-algĂ©rien M. ARKOUN. J’ai eu la chance de connaĂźtre et de collaborer directement avec deux d’entre eux : Nasr HĂąmid Abou Zayd qui Ă©tait un trĂšs cher ami avec lequel j’ai participĂ© Ă  plusieurs rencontres internationales et animĂ© des dĂ©bats publics en Egypte, en France, au Maroc et en Syrie, et Mohamed Arkoun que j’ai connu d’abord comme professeur Ă  l’UniversitĂ© de Lyon lorsque je venais d’y rentrer comme Ă©tudiant en 1970, puis comme collĂšgues et ami avec qui j’ai participĂ© Ă  plusieurs manifestations scientifiques en France, en Tunisie et au Maroc, et dont les travaux ont largement participĂ© Ă  ma formation dans le domaine des Ă©tudes concernant les faits islamiques. Je retiens de ces cours et de ces nombreux Ă©crits son appel incessant Ă  la prise en compte “des interrogations et des curiositĂ©s sans cesse renouvelĂ©es des sciences de l’homme et de la sociĂ©tĂ©.”1  Il a toujours cherchĂ© Ă  intĂ©grer les apports les plus novateurs de ces sciences, non seulement Ă  l’étude de la culture profane des sociĂ©tĂ©s musulmanes, mais aussi, et surtout, aux travaux consacrĂ©s Ă  la religion dont il disait qu’elle Ă©tait “totalement abandonnĂ©e Ă  ses manipulateurs, aux gestionnaires du sacrĂ© et Ă  ses innombrables consommateurs.”2 La dĂ©marche de Mohammed ARKOUN prenait Ă  contre-pied aussi bien l’esprit apologĂ©tique qui a toujours dominĂ© le discours que la plupart des musulmans ont sur leur culture, et en particulier sur la religion, que ce qu’il appelle l’islamologie classique dont il conteste l’approche “descriptiviste” sacrifiant “l’analyse critique des discours” au “souci de transposer en langues europĂ©ennes les idĂ©es et les systĂšmes dĂ©veloppĂ©s par les auteurs musulmans”3 . Il reproche aux uns et aux autres leur parti pris privilĂ©giant “l’implacable solidaritĂ© entre l’État, l’écriture, la culture savante et la religion officielle”4 aux dĂ©pens de la prise en compte des faits religieux dans leur complexitĂ© et leur diversitĂ©.
Il va sans dire qu’une telle dĂ©marche n’était pas pour lui attirer la sympathie de tout le monde. Si du cĂŽtĂ© des orientalistes et des “maĂźtres” de “l’islamologie classique” les rĂ©serves et les critiques sont restĂ©es dans les limites de la controverse scientifique, avec des procĂšs d’intention plus ou moins voilĂ©s, il n’en est pas de mĂȘme du cĂŽtĂ© de la plupart de ces contradicteurs musulmans. En effet, l’entreprise de M. ARKOUN et son intention affichĂ©e d’entreprendre une Ɠuvre de “dĂ©constructions”, de “dĂ©mythologisation”, et de “dĂ©mystification” de tout ce qui a Ă©tĂ© sacralisĂ© depuis des siĂšcles afin de qu’il soit imposĂ© comme le cadre infranchissable et exclusif du savoir, de la pensĂ©e et de la conduite des musulmans, ne sont pas du goĂ»t de tout le monde. Accepter une telle dĂ©marche implique des ruptures traumatisantes pour des consciences encore engourdies par une longue nuit de dĂ©cadence qui n’en finit pas de finir. En effet, les rĂ©formes et les rĂ©volutions entreprises depuis bientĂŽt deux siĂšcles n’ont pas rĂ©ussi Ă  dissiper dĂ©finitivement les tĂ©nĂšbres de cette nuit. Chaque fois que les musulmans  croient en ĂȘtre sortis, de nouveaux dĂ©veloppements viennent les y replonger. Le spectacle qu’offrent aujourd’hui les sociĂ©tĂ©s musulmanes aprĂšs les lueurs Ă©phĂ©mĂšres des indĂ©pendances, des constructions nationales, montrent l’importance des obstacles qui continuent Ă  entraver les efforts du monde musulman pour sortir de son “ancien rĂ©gime”.
L’entreprise de M. ARKOUN, dans ce contexte, prend les dimensions d’une subversion insupportable. Elle l’exposait aux foudres des “gardiens des orthodoxies”, des anciens et des nouveaux “barbus” et/ou “enturbannĂ©s”. L’interdiction de la plupart de ces livres traduits en arabe par les autoritĂ©s d’Al-Azhar montre Ă  quel point sa dĂ©marche gĂȘne “l’ordre Ă©tabli” dans le carcan duquel on cherche – par tous les moyens – Ă  maintenir la pensĂ©e et les sociĂ©tĂ©s musulmanes. Ces autoritĂ©s semblent vouloir rivaliser avec les courants islamistes les plus intĂ©gristes … sur le terrain de l’inquisition ! Ceux-ci l’ont dĂ©jĂ  condamnĂ© et l’un de leurs tĂ©nors, M. Ghazali, est allĂ© jusqu’à lui interdire de prendre la parole dans son propre pays, l’AlgĂ©rie, exigeant de lui qu’il prononce d’abord, devant “sa majestĂ©â€, la profession de foi qui lui permettrait, peut-ĂȘtre !, de rĂ©intĂ©grer la “communautĂ©â€! Mais les “manipulateurs du sacrĂ©â€, que sont les “gardiens des orthodoxies” et les islamistes, ne sont pas les seuls, dans le monde musulman, Ă  s’inquiĂ©ter des effets d’une dĂ©marche comme celle de M. ARKOUN. Les “politiques” et les “idĂ©ologues” populistes qui cherchent dans le sacrĂ© un moyen de combler leur “dĂ©ficit de lĂ©gitimitĂ©â€, sont eux aussi trĂšs mĂ©fiants Ă  l’égard d’une dĂ©marche dont l’un des objectifs dĂ©clarĂ© est prĂ©cisĂ©ment la dĂ©sacralisation de l’idĂ©ologie et du politique.
L’objet de cet hommage est de montrer l’apport de M. ARKOUN dans le domaine de l’étude des faits religieux. En privilĂ©giant cet aspect de son Ɠuvre, je ne m’éloigne pas du champ central de son entreprise qu’il justifie en ces termes : “dans la mesure oĂč les religions ont jouĂ© un rĂŽle prĂ©pondĂ©rant dans le dĂ©veloppement et le contrĂŽle Ă©pistĂ©mologique des cultures, il est inĂ©vitable qu’elles soient particuliĂšrement visĂ©es par l’enquĂȘte dĂ©-constructive”4bis qui est au cƓur de sa recherche.
Pour aborder cette question, je partirai de l’analyse des catĂ©gories et des concepts Ă  l’aide desquels M. ARKOUN aborde les faits islamiques et, par delĂ , les faits religieux d’une façon gĂ©nĂ©rale. Mais, pour tenir compte d’un reproche que M. ARKOUN adresse aux Ă©tudes concernant les rĂ©alitĂ©s et la pensĂ©e musulmanes, cette approche ne sera pas “descriptiviste”. Il s’agira d’une analyse critique de ces catĂ©gories et de l’usage que M. ARKOUN en fait. Mon souci est d’éviter que l’hommage, que ce penseur mĂ©rite amplement, ne tourne Ă  une sorte de vĂ©nĂ©ration aux antipodes de l’esprit qui a toujours inspirĂ© sa dĂ©marche. Ce genre d’hommage, me semble-t-il, serait une insulte Ă  la mĂ©moire d’un esprit qui se voulait fondateur et qui s’est toujours efforcĂ© de “quitter les voies familiĂšres, trop longtemps suivies, pour dire autre chose  et non plus la mĂȘme chose autrement”5
M. ARKOUN dĂ©plorait les confusions engendrĂ©es par l’utilisation du “terme islam et de ses dĂ©rivĂ©s (islamique, musulman)” “dans des expressions aussi diverses que monde, État, pays islamique (ou musulman) ; pensĂ©e, thĂ©ologie, philosophie, droit, art musulman, etc.”6 Dans le mĂȘme sens, il s’élĂšve contre “les arbitraires, les confusions, les amalgames qu’entraĂźne la dĂ©signation par un mĂȘme vocable, l’islam, de rĂ©alitĂ©s massives et extrĂȘmement diffĂ©renciĂ©es”7. Il attirait l’attention sur “l’inadĂ©quation de ce terme (islam) pour dĂ©signer des transformations historiques, des pratiques politiques, Ă©conomiques, culturelles non seulement sĂ©culiĂšres, mais empruntĂ©es Ă  l’Occident capitaliste et libĂ©ral”.8
Pour lui, “ce laxisme, gĂ©nĂ©rateur de confusions, est le signe d’un retard affligeant de la discipline pratiquĂ©e sous le nom d’islamologie”.9 Ce qui Ă©tait  plus grave Ă  ses yeux, c’est que cette confusion n’est pas seulement le fait de “l’islamologie”, mais aussi et avant tout des musulmans eux-mĂȘmes. Depuis des siĂšcles, sous l’effet de l’ignorance et de l’instrumentalisation de la religion pour en faire un moyen de lĂ©gitimation de toute prise de position sur n’importe quel problĂšme, de toute pratique dans quelque domaine que ce soit, on a assistĂ© Ă  une extension du champ du sacrĂ© au point qu’on en est venu Ă  accoler le qualificatif islamique (ou musulman) Ă  des objets matĂ©riels autant qu’à la pensĂ©e, l’art, les techniques, la connaissance, la morale, la loi, l’organisation politique, la maniĂšre d’agir, de penser et de se comporter, individuellement et collectivement, dans toute situation, dans la vie privĂ©e comme dans la vie publique. Pour imposer n’importe quoi, pour faire admettre n’importe quel point de vue sur n’importe quelle question, on n’a qu’à l’affubler du qualificatif “islamique”. On est dans cette dĂ©rive jusqu’à parler, aujourd’hui, d’habits, de foulards, de « managment », de mĂ©decine, etc., islamiques ! On peut se demander jusqu’oĂč le ridicule sera poussĂ© ; mais y’a-t-il une limite aux rĂȘves totalitaires de ceux pour qui la religion n’est qu’un moyen, parmi d’autres, pour rendre le monde conforme Ă  leur “projet” ?
Cette extension du champ du sacrĂ© a engendrĂ© inĂ©vitablement des querelles : chacun revendique l’exclusivitĂ© du “label islamique” et jette l’anathĂšme sur ceux qui veulent le lui disputer. L’observateur non averti ne sait plus “à quel saint se vouer” pour savoir oĂč est l’islam dans tout cela ; comment et au nom de quoi attribuer ou refuser le qualificatif islamique aux diffĂ©rentes rĂ©alitĂ©s, attitudes, façon de penser et de faire qu’on dĂ©signe comme telles ?

C’est pour dĂ©passer cette confusion que M. ARKOUN a introduit la distinction entre “des niveaux de significations” qu’il dĂ©signe par les notions de “fait islamique” et de “fait coranique” comme “homologue(s) arabe(s) (transposable(s) et d’ailleurs transposĂ©s dans d’autres langues)”9bis de “fait juif” et “fait biblique”, “fait chrĂ©tien” et “fait Ă©vangĂ©lique”. De mĂȘme, il distingue les notions de “religion-forces”, “religion-formes” et “religion individuelle”. Quelle est la signification de ces distinctions ? Quelles correspondances peut-on Ă©tablir entre la premiĂšre distinction – “fait coranique” (biblique ou Ă©vangĂ©lique) et “fait islamique” (juif ou chrĂ©tien) – et la seconde : “religion-forces”, “religion-formes” et “religion individuelle” ? Dans quelle mesure ces catĂ©gories peuvent-elles aider Ă  l’approche d’autres faits religieux que les monothĂ©ismes sĂ©mitiques rĂ©fĂ©rant Ă  la Bible, aux Évangiles et au Coran ?10
Ce sont lĂ  les questions auxquelles se limitera cet hommage critique pour mesurer l’apport de M. ARKOUN Ă  la comprĂ©hension et Ă  l’étude scientifique des faits religieux.
Il semble, d’aprĂšs l’étude des Ă©crits de M. ARKOUN, que la distinction entre “fait coranique” et “fait islamique” – et son Ă©quivalent pour les deux autres monothĂ©ismes sĂ©mitiques – est antĂ©rieure Ă  la distinction “religion-forces”, “religion-formes” et “religion individuelle”. Elle est, par ailleurs, plus simple et plus facile Ă  saisir puisqu’elle oppose le fait-livre (Coran, Évangile, Bible) aux rĂ©alitĂ©s multiples et diverses (pratiques, institutions, doctrines, etc.) qui se sont constituĂ©es Ă  travers l’histoire par rĂ©fĂ©rence Ă  l’esprit, Ă  la lettre, ou aux deux Ă  la fois, des Livres en question. Nous avons d’un cĂŽtĂ© les “Livres”, les “Écritures Saintes”, Ă  l’état « brut » si l’on peut dire, non interprĂ©tĂ©s ; et, de l’autre, les interprĂ©tations, les lectures que leurs adeptes en font, les rĂ©alitĂ©s sociales, politiques, culturelles, etc., qui s’y rĂ©fĂšrent ou qui s’en rĂ©clament.
La deuxiĂšme distinction est plus complexe. D’une part c’est une distinction en trois termes, alors que la premiĂšre est binaire ; d’autre part, elle se pose en termes “universaux”. Il s’agit de religion en gĂ©nĂ©ral, et non de faits spĂ©cifiques aux trois monothĂ©ismes sĂ©mitiques. Par ailleurs, parce qu’elle est plus complexe, elle semble moins prĂ©cise que la premiĂšre.
Ainsi, pour la “religion-forces”, M. ARKOUN semblait confondre deux niveaux de signification : – le premier niveau l’a fait correspondre Ă  ce qu’il appelait – pour les monothĂ©ismes sĂ©mitiques – le “fait biblique”, â€œĂ©vangĂ©lique” et “coranique” en tant qu’ils sont porteurs d’une “visĂ©e dynamique incitant l’homme Ă  prendre conscience de  ses situations limites, en tant qu’ĂȘtre vivant, mortel, parlant, intelligent, politique, historique”11 ; en tant qu’ils sont porteurs d’une “Intention (…) essentiellement dynamisante “ qui “n’impose pas de solution dĂ©finitive aux problĂšmes pratiques de l’existence humaine”, qui “vise Ă  susciter un type de  REGARD de l’homme sur soi-mĂȘme, le monde, les signes (’ñyĂąt) qui constituent pour tous les hommes (…) un horizon mĂ©taphysique”. M. ARKOUN prĂ©cisait que “c’est Ă  ce niveau de signification que se perpĂ©tue l’action de la religion-forces ; mais pour y accĂ©der, il faut traverser les couches sĂ©dimentĂ©es de l’histoire exĂ©gĂ©tique, des usages mythologiques et idĂ©ologiques dans les milieux sociaux les plus divers”.12
– Le second renvoie Ă  un niveau existentiel, celui des “pulsions fondamentales comme la crainte, l’angoisse, l’insatisfaction, la rĂ©volte, l’agressivitĂ© … corrĂ©latives du dĂ©sir d’éternitĂ©, de perfection, d’harmonie, de connaissance, de puissance … (qui) sont maĂźtrisĂ©es, canalisĂ©es par les FORMES du langage religieux, du rituel, de l’iconographie, de la musique, des  institutions, de l’éthique, etc.”  M. ARKOUN ajoutait : “VoilĂ  pourquoi, dans toute tradition enracinĂ©e dans des Écritures Saintes (sic!), les formes tendent Ă  faire oublier les forces qui sont refoulĂ©es, dĂ©viĂ©es ou utilisĂ©es Ă  des fins contraires Ă  l’intention religieuse initiale (sic!)”13 .
Si la premiĂšre signification parait judicieuse et importante pour la comprĂ©hension des faits religieux, la seconde me semble Ă  la fois inutile et source de confusion entre deux niveaux : (a) la religion comme fait objectif interpellant la conscience des hommes, et proposant “des rĂ©ponses thĂ©oriques CRÉDIBLES Ă  des questions ultimes comme le signifiĂ© dernier, l’origine et la destinĂ©e de l’homme, l’autorité  et l’obĂ©issance, la justice  et l’amour, etc.” 14 pour reprendre ses propres termes ; (b) ce qui constitue une condition essentielle de l’humanitĂ© de l’ĂȘtre humain, Ă  savoir son besoin de sens dont la satisfaction ne passe pas forcĂ©ment par la religion, mĂȘme si ce besoin peut ĂȘtre Ă  l’origine du « pressentiment du sacrĂ© et du surnaturel », selon l’expression d’ A. Anwander, dans son livre Les religions de l’humanitĂ©.[2] A la rigueur, le second niveau, quand la quĂȘte de sens emprunte les voies de la religion, peut ĂȘtre rattachĂ© Ă  ce qu’il appelle la “religion individuelle” en ce sens oĂč il renvoie Ă  la maniĂšre dont les croyants vivent leur religiositĂ© tiraillĂ©s entre la “religion-forces”, qui stimule chez eux la quĂȘte du sens,  et la “religion-formes” au nom de laquelle on cherche Ă  leur imposer un sens.
En effet, la “religion individuelle”, telle que M. ARKOUN la dĂ©finit, semble renvoyer Ă  cette maniĂšre dont les individus vivent leur rapport au sacrĂ© selon la capacitĂ© et les possibilitĂ©s qu’ils ont – ou non – de se libĂ©rer de la tutelle des gardiens-bricoleurs du sacrĂ©, de sortir du carcan des traditions consacrĂ©e, pour faire Ă©voluer les “formes  nĂ©cessairement contingentes de la vie et de la pensĂ©e religieuses”, pour rĂ©actualiser la “religion-forces” Ă  laquelle ils adhĂšrent. Selon cette capacitĂ© et ces possibilitĂ©s, la religion individuelle peut n’ĂȘtre qu’une reproduction mimĂ©tique des formes instituĂ©es, comme elle peut ĂȘtre vĂ©cue, individuellement ou collectivement, sous une forme libĂ©rĂ©e de toute tutelle, de toute contrainte imposĂ©e de l’extĂ©rieur, Ă  la maniĂšre de ce qui peut se passer dans les sociĂ©tĂ©s les plus avancĂ©es sur la voie de la sĂ©cularisation.
Pour ce qui est de la “religion-formes”, M. ARKOUN la faisait correspondre Ă  ce qu’il appelait “le fait juif”, “le fait chrĂ©tien”, ou “le fait islamique” qui renvoient aux “formes historiques arbitrairement sacralisĂ©es et transcendantalisĂ©es”15 de la “religion-forces”. Ces “formes nĂ©cessairement contingentes de la vie et de la pensĂ©e religieuses” sont constituĂ©es, pour ce qui est de l’islam, par “l’exĂ©gĂšse traditionnelle et la pratique Ă©thico-juridico-politique (qui) ont trĂšs vite rĂ©duit le Coran et l’expĂ©rience religieuse du ProphĂšte Ă  un ensemble de dĂ©finitions, de normes dogmatiques, de conduites contraignantes”.16
AprĂšs avoir liĂ© ce phĂ©nomĂšne aux “traditions enracinĂ©es dans des Écritures Saintes”, M. ARKOUN  rĂ©ajustait son point de vue en prĂ©cisant que “cette  notion de passage des forces aux formes” est “manifeste dans toutes les religions”, pour dĂ©plorer le fait qu’elle n’ait “guĂšre retenu l’attention des penseurs musulmans contemporains”.17
De ce point de vue, les catĂ©gories avec lesquelles M. ARKOUN approchait les faits islamiques sont de nature Ă  avancer la rĂ©flexion sur les faits religieux, d’une façon gĂ©nĂ©rale, et ouvrent la voie vers le dĂ©passement de l’ethnocentrisme qui a longtemps dominĂ© – et domine encore – la recherche dans ce domaine.

Ces catĂ©gories peuvent faire l’objet d’un bilan critique qui fut amorcĂ© de son vivant et en sa prĂ©sence, par d’autres comme par moi-mĂȘme. Cependant, par-delĂ  la nĂ©cessitĂ© d’un tel bilan, l’Ɠuvre de Mohamed Arkoun, comme celle d’autres grands maĂźtres des Ă©tudes islamologiques qui nous ont quittĂ© cette annĂ©e 2010 – Nasr Hamid Abou Zayd, Mohammad ‘Âbid Al-Jabirß  et le koweitien Ahmad al-Baghdadi -, mĂ©rite d’ĂȘtre saluĂ©e et poursuivie par celles et ceux qui sont habitĂ©s par les mĂȘmes soucis de faire naĂźtre les mondes de l’islam et les Ă©tudes islamiques aux exigences d’une culture scientifique ouverte sur l’évolution du monde et des idĂ©es. [1] Cet hommage reprend en l’actualisant  un travail rĂ©alisĂ© Ă  l’occasion du dĂ©part de Mohamed Arkoun Ă  la retraite au dĂ©but des annĂ©es 1990. * Professeur Ă  l’UniversitĂ© LumiĂšre-LYON II, auteur de travaux sur l’islam, le monde arabe et les effets de la sĂ©dentarisation de communautĂ©s musulmanes dans les sociĂ©tĂ©s sĂ©cularisĂ©es de l’Europe et de l’AmĂ©rique du Nord. Il a publiĂ©, entre autre Le politique et le religieux dans le champ islamique, Fayard, Paris, 2005 (dont une traduction en arabe est parue Ă  Casablanca en 2008 et une traduction en espagnol est parue Ă  Barcelone en 2009), Les voies de l’islam, approche laĂŻque des faits islamiques, Le Cerf- CRDP de Franche ComtĂ©, Besançon, 1996,  Islamisme, laĂŻcitĂ© et droits de l’Homme, L’Harmattan, Paris 1991.
1 M. ARKOUN : Ouverture sur l’islam, J. Grancher, Éditeur, 1989, p.8 2 M. ARKOUN : Pour une critique de la raison islamique, Maisonneuve-Larose, Paris 1984, p.244 3 Ibid., p.7 4 Ibid., p.44 4bis Ibid., p.244 5  p. 117.M. ARKOUN : l’Islam, hier-demain, Buchet/Chastel, Paris, 1978, 6 Ibid., p. 138. 7 M. ARKOUN : Islam, morale et politique, Desclee de Brouwer, Paris, 1985, p. 61. 8 Ibid. p. 62. 9 M. ARKOUN : L’islam, hier -demain, op. cit. p.138 9bis Ibid., p. 141 10 Contrairement Ă  un prĂ©jugĂ© dominant, ces religions ne sont pas les seules Ă  ĂȘtre monothĂ©istes et n’ont pas l’exclusivitĂ© d’ĂȘtre des religions de Livre, c’est pourquoi, je prĂ©fĂšre parler de monothĂ©ismes sĂ©mitiques rĂ©fĂ©rant Ă  des « Ă©critures saintes » plutĂŽt que des “religions DU Livre” ou de monothĂ©ismes sans prĂ©cision. 11 M. ARKOUN : L’islam, hier-demain, op. cit. p. 141 12 Ibid. 13 Ibid., p. 140 14 Ibid. [2]A. Anwander, Les religions de l’humanitĂ©, Paris, Payot 1955 15 Ibid., p. 146 16 Ibid. , pp. 140 et 146. 17 Ibid.,  p. 140.

 

Home – Accueil Ű§Ù„Ű±ŰŠÙŠŰłÙŠŰ©

 

Lire aussi ces articles

8 juillet 2011

  Home – Accueil ÙÙŠÙƒÙ„ÙŠÙˆÙ…ŰŒÙ†ŰłŰ§Ù‡Ù… ŰšŰŹÙ‡ŰŻÙ†Ű§ فيŰȘÙ‚ŰŻÙŠÙ…Ű„ŰčÙ„Ű§Ù… ŰŁÙŰ¶Ù„ ÙˆŰŁŰ±Ù‚Ù‰ ŰčÙ†ŰšÙ„ŰŻÙ†Ű§ŰŒŰȘÙˆÙ†Űł Un effort quotidien pour une information de qualitĂ©

En savoir plus +

Langue / لŰșŰ©

Sélectionnez la langue dans laquelle vous souhaitez lire les articles du site.

Ű­ŰŻŰŻ Ű§Ù„Ù„ŰșŰ© Ű§Ù„ŰȘي ŰȘŰ±ÙŠŰŻ Ù‚Ű±Ű§ŰĄŰ© Ű§Ù„Ù…Ù†ŰŽÙˆŰ±Ű§ŰȘ ŰšÙ‡Ű§ Űčلى موقŰč Ű§Ù„ÙˆÙŠŰš.