: L’oppression a laissé de profondes cicatrices dans les médias du pays
AFP: Sikorski encourage les Polonais à aller en Tunisie et en Egypte
Moncef ZID: L’islamisme politique est –il un danger en Tunisie ?
Le Nouvel Observateur: Election tunisienne : la campagne a lieu aussi à Paris – Interview du président du FDTL, Mustafa Ben Jaafar,
L’humanité: Une journée avec Abdel, le Tunisien qui tourne en rond
Ouest France: Le petit marchand tunisien qui a semé le printemps arabe
Maville: Les lycéens tunisiens restent combatifs
Tunisie Soir : Jean Ziegler: ” L’audit de la dette tunisienne et la restitution des fonds plutôt que le recours aux emprunts extérieurs”
Nawaat: _Z_ publie son premier livre
AFP: Syrie: le frère du président, Maher, visage de la répression
AFP: La Turquie se veut “source d’inspiration” pour les Arabes, mais craint pour son influence
16 juin 2011
L’oppression a laissé de profondes cicatrices dans les médias du pays
SOURCE: Le groupe d’observation de la Tunisie de l’IFEX (TMG de l’IFEX) – Tunis, le 16 juin 2010 – Si les Tunisiens doivent jouer un rôle informé dans la phase de transition et au-delà, il leur faut des médias libres et indépendants et une société civile forte, démocratique et ouverte pour faire rendre des comptes au pouvoir, indique le rapport préliminaire du Groupe d’observation de la Tunisie organisé par l’Échange international de la liberté d’expression (TMG de l’IFEX), une coalition de 21 groupes membres de l’IFEX. Intitulé “L’oppression a laissé de profondes cicatrices dans les médias tunisiens : Évaluation des exigences critiques pour la Liberté d’expression dans la transition démocratique en Tunisie”, le rapport sera présenté ce jeudi 16 juin aux médias nationaux et internationaux et aux groupes locaux de la société civile à l’occasion d’une conférence de presse à Tunis. Ce rapport offre un éventail d’opinions rassemblées à partir d’un large échantillon de plus de 60 professionnels des médias, défenseurs de la société civile et des autorités interviewés en Tunisie lors de la mission du TMG de l’IFEX qui s’est déroulée du 9 au 16 avril. Le TMG de l’IFEX mène campagne depuis 2004 afin de sensibiliser l’opinion aux violations de la libre expression en Tunisie et pour soutenir les journalistes indépendants, les écrivains et les militants de la société civile dans leur lutte pour mettre fin à la censure dans ce pays. La dernière mission en date, la huitième mission formelle, était conçue pour répondre aux besoins immédiats des intervenants, anciens et nouveaux, dans leurs efforts pour soutenir la liberté d’expression dans la Tunisie de l’après-Ben Ali. Le rapport préliminaire publié en anglais, en arabe et en français sera accessible à http://ifex.org/tunisia/tmg/ (version française:http://ifex.org/tunisia/2011/06/14/scarsofoppressionrundeeptmgdelifex_draft_fr.pdf ) “Contrastant fortement avec le déroulement des missions antérieures, la délégation de cette mission du TMG de l’IFEX a pu rencontrer des groupes de la société civile, des défenseurs des droits de la personne, des journalistes, des blogueurs et des représentants de tout le spectre politique et s’entretenir librement avec eux”, a déclaré Virginie Jouan, qui représentait l’Association mondiale des journaux et des éditeurs de médias d’information (WAN-IFRA), l’organisation qui présidait la mission. Le rapport documente les préoccupations clés et les défis immédiats concernant la censure et la liberté d’expression en Tunisie. Reconnaissant les progrès déjà réalisés depuis le 14 janvier, le rapport aborde les questions fondamentales soulevées par les principaux intervenants à propos du soutien au vent de changement qui s’est levé et de la poursuite de la participation populaire la plus vaste possible pour assurer le succès de la transition démocratique. “Les révolutions sont comme des organismes vivants, elles évoluent jour après jour, et la participation est vitale si elles veulent réussir”, dit Rohan Jayasekera du groupe Index on Censorship, président du TMG de l’IFEX. “La démocratie a besoin de l’engagement le plus large possible et de l’éventail d’opinions le plus diversifié; tandis que les citoyens journalistes et les activistes sur le web ont encore une tâche à accomplir comme garants de la révolution tunisienne, le gouvernement de la Tunisie par intérim et une bonne partie des médias grand public ont encore à faire leurs preuves aux yeux du peuple.” Le rapport formule une liste détaillée de recommandations, dans lesquelles il indique dans ses grandes lignes le travail que doivent accomplir le gouvernement de transition, les groupes de la société civile, les médias et les organismes consultatifs afin de garantir la liberté d’expression dans le pays. Parmi les préoccupations les plus immédiates on peut citer : 1. Corriger l’influence persistante de l’ancien régime qui exerce un effet négatif sur le processus de transition dans de nombreux secteurs de la société, en particulier dans les médias. 2. Garantir le pluralisme des voix et des débats informés qui ont lieu pour que le peuple tunisien puisse continuer à participer réellement et façonne son propre avenir. 3. Soutenir les efforts continus des journalistes tunisiens pour renforcer les compétences et les normes professionnelles, compte tenu surtout des prochaines élections. Le rapport ne constitue qu’un point de départ de la campagne en vue de mettre fin à la censure. D’autres activités du TMG de l’IFEX sont prévues pendant toute l’année dans le cadre du soutien constant de la coalition aux médias tunisiens et de sa surveillance continue de la liberté d’expression. Pour en savoir plus sur le TMG de l’IFEX, aller à : http://ifex.org/tunisia/tmg/ ou trouver le TMG de l’IFEX à : http://www.facebook.com/IFEXTMG et sur Twitter @TunisiaMonitor A Tunis, SVP contactez Virginie Jouan, WAN-IFRA, à vjouan (@) wan.asso.fr ou tél: +33 6 60 24 43 62 Lire le rapport préliminaire : ScarsofOppressionRunDeepTMGdelIFEX_draft_FR.pdf (1190 KB)
16 June 2011
Scars of oppression run deep in the country’s media
SOURCE: IFEX Tunisia Monitoring Group (IFEX-TMG) – Tunis, 16 June 2010 – If Tunisians are to play an informed part in the transition phase and beyond, they need a free and independent media and a strong, democratic and open civil society to hold power to account, according to the new draft report from the International Freedom of Expression Exchange Tunisia Monitoring Group (IFEX-TMG), a coalition of 21 IFEX members. “The Scars of Oppression Run Deep: Assessing the Critical Requirements for Freedom of Expression in Tunisia’s Democratic Transition” is being presented on Thursday, 16 June to national and international media and local civil society groups at a press conference held in Tunis. It provides a sample of opinions gathered from a broad cross-section of over 60 media professionals, civil society advocates and authorities interviewed in Tunisia during the course of the IFEX-TMG mission that took place from 9 to 16 April. The IFEX-TMG has been working since 2004 to campaign to raise awareness of free expression violations in Tunisia and to support independent journalists, writers, and civil society activists in their struggle to end censorship in the country. The latest mission, the eighth formal mission, was designed to respond to the immediate needs of stakeholders, old and new, in their efforts to sustain freedom of expression in a post-Ben Ali Tunisia. The draft report published in English, Arabic and French will be available at http://ifex.org/tunisia/tmg/ “In stark contrast to previous missions, the IFEX-TMG delegation was able to meet and talk openly with civil society groups, human rights activists, journalists, bloggers and representatives from across the political spectrum,” said Virginie Jouan, representing the World Association of Newspapers and News Publishers (WAN-IFRA), the mission’s lead organisation. The report documents the key concerns and immediate challenges regarding censorship and freedom of expression in Tunisia. Recognising the advances that have already been made since 14 January, it also addresses the fundamental issues raised by key stakeholders with regards to maintaining the momentum of change and ensuring the widest participation for the democratic transition to succeed. “Revolutions are living things, evolving day by day, and if they are to thrive participation is the key,” said Rohan Jayasekera of Index on Censorship, Chair of the IFEX-TMG. “Democracy needs the widest possible engagement and the broadest range of opinion, and while citizen journalists and web activists still have a job to do as guarantors of the Tunisian revolution, Tunisia’s interim government and much of the mainstream media still have to prove themselves to the people.” In a detailed set of recommendations, the report outlines the work required by the transitional government, civil society groups, the media and consultative bodies in order to guarantee freedom of expression in the country. The most immediate concerns include: • To redress the lingering effects of the former regime that are having a negative effect on the transition process across many areas of society, and in particular the media. • To ensure plural voices are heard and informed debates undertaken so that the people of Tunisia can continue to effectively engage and shape their own futures. • To support Tunisian journalists in their ongoing efforts to strengthen professional skills and standards, particularly in view of the forthcoming elections. The report is only a starting point for the campaign to end censorship. Further IFEX-TMG activities are planned throughout the year as part of the coalition’s ongoing support to the Tunisian media and its continued monitoring of freedom of expression. For more on IFEX-TMG, visit http://ifex.org/tunisia/tmg/ or find IFEX-TMG at http://www.facebook.com/IFEXTMG and on Twitter @TunisiaMonitor In Tunis, please contact Virginie Jouan, WAN-IFRA, at vjouan (@) wan.asso.fr or tel: +33 6 60 24 43 62 Download the English draft here: ScarsofOppressionRundeepIFEXTMG_draft_ENG.pdf (891 KB) For more information: IFEX Tunisia Monitoring Group Rohan Jayasekera, Chair c/o Index on Censorship London United Kingdom rj (@) indexoncensorship.org Phone: +44 20 7324 2522 http://ifex.org/tunisia/tmg/
5 MOIS APRES LA REVOLUTION,
L’AMBASSADE DE TUNISIE A PARIS ET LE MINISTERE TUNISIENDES AFFAIRES ETRANGERS N’ONT PAS CHANGE AVEC LES MIGRANTS : MEPRIS ETREPRESSION
Arrivée en Tunisie d’un navire transportant 19 militaires libyens
Sikorski encourage les Polonais à aller en Tunisie et en Egypte
Le HCR appelle à un appui aux réfugiés et à la révolution tunisienne
L’islamisme politique est –il un danger en Tunisie ?
Récits de la torture ordinaire dans les geôles tunisiennes (1/4)
Récits de la torture ordinaire dans les geôles tunisiennes (2/4)
Récit de la torture ordinaire dans les geôles tunisiennes (3/4)
Election tunisienne : la campagne a lieu aussi à Paris.
Interview du président du FDTL, Mustafa Ben Jaafar, en déplacement en France pour quelques jours. Par Céline Lussato
Quel est le but de votre visite à Paris ?
– Je viens rencontrer les Tunisiens, dialoguer avec eux et faire connaître d’avantage le parti. Je viens discuter avec eux des sujets d’intérêts pour les Tunisiens de Tunisie et de France. Je viens faire davantage connaître un parti qui a été l’objet d’une répression sans limite du temps de Ben Ali. Nous essayons de mettre les bouchées doubles. Les Tunisiens, vous savez ne connaissent pas du tout la vie politique et leurs partis.
Les sondages signalent que la moitié environ des Tunisiens ne sait pas pour qui ils voteront au prochain scrutin. Cela vient de cette ignorance ?
– C’est un résultat logique vue l’accaparation des médias par le clan Ben Ali. Et cela nous pousse à mettre les bouchées doubles pour nous faire connaître auprès de l’opinion publique. Il est certain que le report de la date des élections est quelque chose d’intéressant pour nous. Je ne me fais cela dit pas de souci. Car si nous manquons de popularité, nous avons une crédibilité marquée dont nous voulons nous servir pour pousser à voter pour nous.
L’immeuble du 36 rue Botzaris a été évacué ce matin. Qu’en pensez-vous ?
– Je déplore cet acte. D’autant plus qu’un accord quant à la cogestion de cet immeuble par les immigrés n’a pas été respecté. La décision par les autorités tunisiennes de leur faire quitter les lieux est une surprise pour nous et un choc. Je vais voir avec mes camarades de la section pour peut-être m’y déplacer.
La situation est encore très dure en ce moment en Tunisie. On entend parler de grèves, de tensions entre tribus… Le report des élections est-il une bonne chose pour le peuple tunisien ?
– Le report de l’élection est une garantie pour que ces élections soient de vraies élections. Jamais nous n’aurions accepté des élections bâclées. Et cela aurait entraîné des conséquences gravissimes. Il faut réussir ce rendez-vous historiques des élections. Et il faut assurer plus de sécurité et de stabilité. La sécurité s’améliore progressivement et sur le plan de la stabilité il est vrai que nous assistons à des revendications sauvages, parfois justifiées, mais il faudrait raison garder et organiser cette contestation pour qu’elle ne nuise pas à la situation économique.
Vous et le FDLT avancez des solutions aux demandes sociales dans le pays ?
– Nous nous y attelons depuis le départ de Ben Ali. Nous travaillons à notre transformation d’un parti d’opposition en un parti de propositions mais la situation revendique des solutions urgentes qui sont entre les mains du gouvernement en place. Il fait absolument investir le plus possible dans les régions déshéritées et créer des emplois pour les jeunes diplômés et pour cela il faut des mesures urgentes que nous appelons de nos vœux. Or le gouvernement ne répond pas aussi vite qu’il faudrait à cette urgence. C’est une période de transition qui reste délicate.
Interview de Mustapha Ben Jaafar, fondateur du parti tunisien Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL) par Céline Lussato – Le Nouvel Observateur
Source : « Le Nouvel Observateur » Le 16-06-2011
Mustapha Ben Jaâfar nous parle de la Tunisie
Une journée avec Abdel, le Tunisien qui tourne en rond
Tunisie : pays révolutionnaire cherche touristes désespérément
Le tourisme tourne au ralenti en dépit de la campagne insolite lancée début mai par l’Office national du tourisme tunisien (ONTT) pour rassurer les touristes. Les revenus liés à cette industrie connaîtront en 2011 un recul de 50% par rapport à 2010. A moins que le thème de la révolution, qui a inspiré les créateurs de la nouvelle campagne de promotion de la Tunisie, ne fasse mouche. C’est le cas sur Internet où elle est devenu un outil pour critiquer la situation socio-politique en Tunisie.
« Il paraît qu’en Tunisie la tension est à son comble », peut-on lire sur une affiche montrant un homme qui fait paisiblement la sieste au soleil. C’est l’une des affiches publicitaires de l’Office national du tourisme tunisien (ONTT) qui sont visibles dans les bouches du métro parisien et sur les bus londoniens. Elles surfent sur la “révolution de Jasmin” pour relancer une industrie touristique à laquelle elle a donné un coup d’arrêt. L’audacieuse campagne pour attirer les touristes étrangers a été lancée début mai. Elle repose sur le décalage entre l’idée que les étrangers se font de la situation actuelle dans le pays et l’image d’un pays apaisé que souhaite promouvoir les autorités tunisiennes. Objectif : « vaincre la peur de la destination tunisienne », explique Anis Rezgui de la direction publicité de l’ONTT. L’établissement, sous tutelle du ministère du Tourisme, a investi près de trois millions d’euros dans cette opération, soit une hausse de 70% par rapport à son budget de l’année précédente. La campagne a été conçue par l’agence tunisienne Memac Ogilvy Label.
Des affiches parodiées
Depuis le début de la révolution, il y a cinq mois, l’économie du pays est en berne et l’activité touristique en chute libre. Le nombre de touristes baissera de moitié cette année, passant à 3,5 millions contre 7 millions en 2010, avant la chute de l’ancien président Zine Abidine Ben Ali le 14 janvier dernier, a indiqué ce mercredi le ministre du Tourisme, Mehdi Houas.Il affirme également que les revenus liés à cette activité seront divisés par deux. Le secteur représente 6,5% du Produit intérieur brut (PIB). La révolution tunisienne a fait fuir les touristes, notamment les personnes âgées et les familles qui ont peur pour leur vie, indique le ministre. Mehdi Houas n’a pas exclu l’idée d’une campagne propre à chaque pays étranger. Son pays serait prêt à « tripler le budget pour cela ».
Mais ce déchaînement de moyens et de créativité a-t-il séduit sa cible ? « Il est trop tôt pour connaître son impact sur le tourisme tunisien », répond Anis Rezgui. Pour ce qui est des internautes, il n’y a pas de doute possible : certains n’ont pas hésité à reprendre le concept pour en faire des parodies et dénoncer la situation politique qui prévaut dans le pays. Ainsi sur une affiche détournée, il est écrit : « Il paraît qu’en Tunisie, il n’ y a pas l’ombre d’un nuage » et on y voit un homme, mouchoir sur la bouche entouré par un important nuage de gaz lacrymogène. Sur un autre, on peut lire : « Il paraît qu’en Tunisie, les hôtels sont complets » et l’image montre un homme couché par terre, sanglant, entouré d’un militaire et d’autres personnes tentant de lui fournir des soins. Toutes les parodies reprennent le logo de l’ONTT et le slogan choc de cette campagne : « A vous de voir ».
Source: “Afrik.com” Le 16-06-2011
Le petit marchand tunisien qui a semé le printemps arabe
Mohamed Bouazizi s’est immolé le 17 décembre dans une petite ville de Tunisie, déclenchant une émotion sans précédent dans le pays. C’est le point de départ de la révolution. Voici la véritable histoire du marchand ambulant de Sidi Bouzid. Pour ses amis et sa famille, tout est parti d’une gifle qu’il aurait reçue d’une policière. Être frappé par une femme : la pire des offenses selon le code d’honneur des Hammami, les habitants de la région.
TUNISIE. Sidi Bouzid. De notre envoyé spécial.
L’homme vend des cigarettes à l’unité et de minuscules verres de thé noir en face du Gouvernorat. Il s’appelle Mourdi, c’est l’un des petits marchands des rues qui, sous Ben Ali, passaient leur temps à fuir la police dans la ville de Sidi Bouzid.
« Le jour où Mohamed Bouazizi s’est immolé, on n’avait pas arrêté de se faire chasser par les municipaux ». Il montre l’endroit où il a installé sa carriole, contre un mur, à l’ombre d’un pin d’Alep. « Je venais de me faire virer quand Mohamed est arrivé. La place était libre. »
Il est 11 h, ce vendredi 17 décembre. Depuis tôt le matin, le jeune homme, âgé de 27 ans, joue au chat et à la souris avec les forces de l’ordre. Les vendeurs à la sauvette sont interdits sur les trottoirs. Aux récalcitrants, la police confisque le matériel. Dresse des amendes, souvent l’équivalent de plusieurs journées de travail. Mohamed Bouazizi est la bête noire des uniformes. Il s’est souvent fait attraper, a pris des PV. Le marchand de légumes est toujours revenu.
Ce matin-là, le ton monte. Sur ce qui s’est passé précisément, il existe deux versions. Celle qui a d’abord couru, abondée par des parents de Mohamed. La femme policière lui a demandé de s’en aller. Elle s’est emparée des poids de sa balance. Furieux, le jeune homme lui a dit :« Comment je vais faire pour peser? Avec tes seins, peut-être ? ». Elle lui a alors asséné une paire de gifles. L’offense mortelle, la pire des humiliations. Se faire frapper par une femme en public.
Celui qui perd ainsi sa « karama » (dignité) ne peut plus être considéré comme un « rajel » (homme), dit-on chez les Hammami, les habitants de la région. Mohamed Bouazizi se rend dans une échoppe voisine et achète une bouteille de diluant. Il revient sur le terre-plein, s’asperge du produit et craque une allumette. Il sera transporté dans un état grave à l’hôpital où il mourra le 4 janvier.
Et la version numéro 2. Celle retenue par la justice qui, au procès de la policière, n’a plus trouvé aucun témoin pour confirmer les gifles. Une version propre à apaiser les esprits, à réconcilier tout un chacun. Pas forcément la plus plausible.
Le soir même, la police tire
Sitôt connue, en tout cas, la nouvelle du suicide par le feu du petit marchand se répand à une vitesse incroyable. Le soir même, des manifestations éclatent dans six villes, dont Sidi Bouzid. La police tire. Un mort à Menzel Bouzaïène, le premier. La révolution est en marche, avec le slogan qui va faire le tour du monde : « Dégage ! » C’est le début du printemps arabe.
À une dizaine de kilomètres de Bouzid, nous rencontrons Mohamed Bouazizi, 33 ans, son homonyme et cousin. Pour lui, aucun doute, Mohamed s’est suicidé à cause de l’offense, si grave qu’on ne peut y survivre « ou bien en tuant la femme ». D’un geste du bras, il montre l’étendue de rocailles : « Notre famille est ici depuis des générations. Tout cela, c’est à l’ouled (tribu) Bouazizi, jusqu’aux montagnes ».
La vie est aride sur ce plateau planté de cactus et de figuiers de barbarie. À son mariage, le père du futur déclencheur de la révolution, s’est installé en ville. Mohamed est né dans le quartier populaire de Nour El Gharbi. Il a un frère et une soeur, puis quatre demi-frères et soeurs car sa mère, devenue veuve, s’est remariée. « Il n’était pas très bon à l’école. ça ne l’intéressait pas », raconte Farach Marzougui, qui se souvient du jour où, tout juste adolescents, ils ont fumé ensemble leur première cigarette.
À 14 ans, il quitte l’école, achète une carriole et s’en va faire le marchand ambulant de fruits et légumes. « Dans le quartier, on s’est mis à l’appeler “Basbous”, “chariot” en arabe », dit Fouad, un jeune voisin. Mohamed gagne son indépendance, s’installe dans une petite pièce collée contre la minuscule maison de plain-pied où s’entasse la famille. Il reste un garçon rieur, aimable. « Mais il pouvait aussi s’énerver en discutant du prix avec un client », raconte Abdelrahmane, qui travaille comme porteur sur les marchés.
Depuis sa mort, des rumeurs courent sur le compte de Bouazizi. On dit qu’il était amoureux d’une fille du quartier, qu’il économisait pour l’épouser. « Faux ! Mohamed ne fréquentait pas de fille. Il ne buvait pas d’alcool non plus », rectifie son copain Farach.
La famille Bouazizi a quitté Sidi Bouzid, petite ville poussiéreuse et déshéritée. Les chômeurs y sont toujours légion. Rien n’a changé, à ceci près qu’on y respire maintenant l’air de la liberté. « Et que je n’ai plus d’ennuis avec la police », sourit, goguenard, Mourdi, le vendeur de cigarettes et de thé noir.
Source: “Ouest France” Le 16-06-2011
Qui veut récupérer les archives parisiennes de Ben Ali?
Depuis le début du mois de juin 2011, comme le rapportait le site Tunisie Numérique, une cinquantaine de réfugiés tunisiens occupent un immeuble à Paris, au 36 de la rue Botzaris (19e arrondissement), grâce notamment à plusieurs associations tunisiennes qui, par voies légales, leur ont permis de s’y installer.
Cette adresse symbolique du régime démantelé de Ben Ali, sur laquelle la France n’a aucune emprise —le lieu bénéficie de l’extraterritorialité—, était jusqu’à lors un local associatif considéré comme un «centre culturel» et propriété de l’Etat tunisien, mais servait de base pour les membres du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), le parti de l’ex-président.
D’après un article publié sur le site Owni, sous prétexte de déloger ces squatteurs accusés entre autre de dégâts matériels, ce jeudi 15 juin 2011 plusieurs CRS ont encerclé le bâtiment. Mais outre l’expulsion des réfugiés tunisiens, les forces de l’ordre avaient probablement une autre raison d’investir le bâtiment.
Le site Mediapart avait en effet déjà rapporté que ce quartier général de l’ère Ben Ali contenait de nombreux documents répartis dans deux pièces: des bilans comptables, des coupures de presse sur les partis d’opposition, plusieurs fiches d’identification et listes des «petites mains» du RCD. Il va sans dire que ces documents constituent des pièces cruciales dans les poursuites tunisiennes —mais aussi françaises— menées contre la famille Ben Ali.
Selon le président de la toute jeune association Collectif des Tunisiens de France, contacté par Owni, l’avocate Soumaya Taboubi, chargée de récupérer ces archives a expliqué avoir été «témoin d’allées et venues suspectes» vers la seconde entrée, située à l’arrière du bâtiment.
Soucieuse de préserver ces preuves et «avec le consentement de l’ambassade», elle a évacué un tiers des documents, empilés sur la banquette arrière d’un monospace, en direction d’un box sécurisé de la banlieue parisienne.
L’avocat s’explique sur cette initiative à la limite de la légalité:
«Nous devons désormais passer à l’ambassade pour formaliser tout ça. Nous allons annoncer la création d’un Comité de préservation des archives de la Tunisie à Paris, qui rassemblera une dizaine de personnes, dont trois avocats et des intellectuels emprisonnés au temps du régime, comme Mondher Sfar.
Notre objectif est d’étudier dans le détail ces documents, pour que la justice française et la justice tunisienne fassent toute la lumière sur ce qui s’est passé à Botzaris. Nous devons faire un important travail de reconstitution.»
Source : « Slate Afrique » Le 16-06-2011
Lien :http://www.slateafrique.com/2697/paris-des-documents-confidentiels-recuperes-au-qg-du-rcd-tunisien
Les lycéens tunisiens restent combatifs
Invités en mars par le lycée Saint-Joseph de Lamballe et le conseil général, ils avaienttémoigné de leur révolution. Depuis, ils ont obtenu le départ de leur directrice.
Leurs paroles étaient tranchantes, résolues. «Ne l’appelez plus la révolution du jasmin. Elle n’est ni fleurie ni douce, c’est la révolution des pauvres. » Mi-mars, 31 adolescents, élèves au lycée pilote de Gabès, en Tunisie, avaient séjourné au lycée Saint-Joseph de Lamballe. Une semaine en Côtes-d’Armor au cours de laquelle ils avaient témoigné de la révolution à peine consommée dans leur pays.
Témoignages à chaud
Nesrime, Rabeb, Amir et leurs copains… Un mois plus tôt, ils manifestaient encore auprès de leurs aînés pour renverser la dictature. « Les gens disaient dans la rue : tuez-nous, nous n’avons rien à perdre», avaient raconté ces jeunes en pleurs, lors de rencontres à Lamballe et Saint-Brieuc. Les élèves et les enseignants qui les accompagnaient étaient encore sous le choc des événements, certains directement touchés par le décès d’un proche. Leur récit avait secoué les tripes de leurs interlocuteurs bretons.
Trois mois plus tard, les enseignants de Saint-Joseph sont toujours en contact étroit avec leurs homologues tunisiens, malgré la période des baccalauréats, qui accapare les communautés éducatives des deux côtés de la Méditerranée. « Nous avons appris que les lycéens avaient obtenu le départ de la directrice du lycée, qui avait appartenu au RCD, le parti de Ben Ali », explique cependant Annie Burel, enseignante à Saint-Joseph.
Aller plus loin
Si, en mars, les correspondants tunisiens séjournaient pour la première fois en France, dans l’autre sens, des élèves costarmoricains se sont déjà rendus deux fois par le passé à Gabès. Un troisième voyage est prévu normalement en octobre. Mais les élections d’une assemblée constituante tunisienne, initialement prévues en juillet, sont repoussées au 23 octobre. « L’organisation de notre séjour va dépendre de la situation sur place, évidemment », prévient l’enseignante. Quoi qu’il en soit, de part et d’autre, on tient à entretenir cet échange culturel. Les Lamballais aimeraient même aller plus loin en logeant, la prochaine fois, non plus à l’hôtel mais dans des familles tunisiennes.
Source: “Maville.com” Le 16-06-2011
Dictateurs en procès
C’était il y a quelques mois seulement, le 9 octobre 2010. En marge du sommet arabe de Syrte, en Libye, le président tunisien Zine el-Abidine Ben Ali et son homologue égyptien Hosni Moubarak s’accordaient sur la libération de jeunes Tunisiens retenus au Caire, suite à des troubles liés à un match de foot. Les deux présidents soulignaient que «le sport devait continuer à renforcer les relations excellentes de fraternité entre les deux peuples frères», comme le rapportait le journal La Presse de Tunis. Ironie de l’histoire: du sport, les jeunes Tunisiens et Egyptiens en ont depuis pratiqué à haute dose, dans la rue, face à la police, jusqu’à faire tomber leur chef d’Etat respectif. C’est parfois avec ce type d’anecdote qu’on mesure les grandes avancées de l’histoire.
Dès lundi, l’ex-président Ben Ali sera jugé par contumace pour ses crimes, tandis que Hosni Moubarak et ses deux fils, cette fois en chair et en os, le seront dès le 3 août. Voir des ex-chefs d’Etat jugés par leurs propres institutions est une première dans le monde arabe. Quant à l’hôte du sommet de Syrte d’octobre 2010, Muammar Kadhafi, il se voit menacé par la Cour pénale internationale. Qui aurait pu imaginer tel scénario il y a quelques mois? Malgré cette incroyable tournure des événements, les acteurs des révolutions arabes ont peur. Ils doutent que ces procès puissent mener quelque part. Le signe sans doute, dans les deux pays, de la fragilité du changement en cours.
Les Tunisiens sont frustrés
Réfugiés en Arabie saoudite, l’ex-président Ben Ali et son épouse, Leïla, sont sous le coup d’un mandat d’arrêt international lancé par Tunis, mais sans effet jusqu’ici. C’est donc par contumace que le couple sera jugé dès lundi, avec sur le dos 93 chefs d’inculpation. Complot contre la sécurité d’Etat, homicide volontaire, torture, abus de pouvoir, malversations, blanchiment d’argent, trafic de drogue, recel de pièces archéologiques: la liste est longue. Certaines affaires relèvent des tribunaux civils, d’autres de la juridiction militaire. En l’absence des prévenus, aucun avocat étranger ne pourra venir aiguiser sa réputation pour la défense dans ce procès qui, s’il se fait dans les règles de l’art, écumera les avantages que s’est octroyés le clan Ben Ali, au gré de pratiques délictueuses, durant vingt-trois ans de pouvoir absolu.
Dans l’immédiat, les deux premiers dossiers ouverts devraient porter sur la découverte d’armes et de drogues dans le palais présidentiel de Carthage et sur 27 millions de dollars en liquide trouvés en février par la Commission tunisienne anticorruption dans l’un des nombreux palais que possédait le clan Ben Ali.
Aussitôt annoncé, ce procès sans Ben Ali a été critiqué en Tunisie, notamment dans les milieux de défense des droits de l’homme, qui estiment qu’on aurait mieux fait de traduire d’abord en justice les membres du régime déchu qui se trouvent encore en Tunisie. Le journaliste Taoufik Ben Brik qualifie le procès de «fumisterie», laissant entendre que l’on a justement tout fait «pour faire un non-procès». Ces craintes s’inscrivent dans un contexte d’immobilisme, alors que le Conseil supérieur de la magistrature, dirigé par le président de la République en personne sous Ben Ali, n’a toujours pas été réformé.
Incrédulité en Egypte
En Egypte, Hosni Moubarak et ses deux fils, Alaa et Gamal, doivent être jugés le 3 août par une Cour criminelle. Tous sont sous le coup d’une double enquête, l’une portant sur la répression des manifestants, qui aura fait près de 850 morts, l’autre sur l’enrichissement illicite, qui aurait notamment permis à la famille du raïs d’accumuler une fortune estimée entre 40 et 70 milliards de dollars. Placé en détention préventive depuis le 13 avril dans un hôpital de Charm el-Cheikh, l’ex-président, âgé de 83 ans, a évité l’inconfort d’une prison au gré de ses ennuis de santé, ponctués d’un récent malaise cardiaque.
Evitera-t-il aussi un procès? Comme en Tunisie, nombre d’Egyptiens doutent que l’ex-caste au pouvoir, même si elle n’a pas réussi à fuir le pays, paie un jour pour ses crimes. D’abord parce que l’appareil sécuritaire, dont les rouages sont toujours les mêmes, n’a aucun intérêt à ce que ce procès se déroule. Car c’est trente ans de pouvoir absolu, maintenu grâce à des violations répétées des droits de l’homme par l’appareil répressif du régime, qu’il s’agira inévitablement de juger. L’ex-ministre de l’Intérieur, Habib el-Adli, a été condamné à douze ans de prison pour corruption, mais son procès pour avoir fait tirer sur les manifestants a été ajourné au 26 juin.
Si les Egyptiens doutent, c’est aussi parce que leur ex-président, qui pourra toujours essayer de sortir sa carte «santé» d’ici à août, a déjà tenté une négociation à la mi-mai. Il s’est dit prêt à demander pardon au peuple et à verser quelques milliards en échange d’une amnistie. Relayée, et parfois appuyée par la presse égyptienne, la proposition a fait bondir les activistes de la révolution, qui ont menacé de descendre à nouveau dans la rue si le clan Moubarak échappe à la justice.
Le Conseil suprême des forces armées, qui assume la transition du pouvoir, a d’ailleurs dû formellement démentir l’existence d’un arrangement secret entre les militaires et l’ex-président pour retarder le procès. Il a également dû assurer qu’il «n’intervient pas dans les procédures judiciaires contre les personnalités de l’ancien régime», signe supplémentaire de l’extrême méfiance qui règne dans la population égyptienne.
«Ce procès d’un ancien président sera le premier du genre en Egypte, et c’est une source d’appréhension. Peut-il être juste? Ce sera assurément un test», a déclaré Ahmed Mekki, vice-président de la Cour d’appel du Caire, à l’annonce de la date du procès. Si celui-ci a bien lieu, il pourrait être télévisé, comme pour exorciser les affres du passé. Hosni Moubarak et ses fils risquent la peine de mort.
En attendant Kadhafi
«Plutôt mourir en Libye que de se rendre», clame à répétition Muammar Kadhafi, toujours plus acculé par les forces de l’OTAN. Si d’aventure le colonel libyen échappe à son destin de martyr pour se faire attraper vivant, un tribunal international pourrait le juger pour ses actes. Fait rare, il n’aura fallu que quelques semaines après le début du conflit en Libye pour que la Cour pénale internationale (CPI) émette, le 16 mai, trois mandats d’arrêt internationaux pour «crimes contre l’humanité» contre Muammar Kadhafi, son fils Seïf al-Islam
et le chef des renseignements libyens, Abdoullah al-Senoussi.
Le procureur de la CPI, Luis Moreno-Ocampo, dit avoir suffisamment d’éléments à charge pour envoyer le clan devant un tribunal international. Une perspective qui ne plaît toutefois guère au Conseil national de transition libyen, qui, dès l’annonce des mandats lancés, a dit qu’il préfère voir le colonel Kadhafi jugé au pays «pour ses crimes commis durant 40 ans». Pour l’heure, ce n’est qu’un scénario très hypothétique.
Source: ”Tribune de Geneve”
Jean Ziegler: ” L’audit de la dette tunisienne et la restitution des fonds plutôt que le recours aux emprunts extérieurs” .
“L’audit de la dette odieuse contractée sous l’ancien régime et la restitution des fonds illicites transférés dans des banques à l’étranger, sont de meilleures solutions pour la baisse de la dette tunisienne et le financement du plan de développement décidé par le Gouvernement provisoire que d’avoir recours aux emprunts extérieurs”, a fait remarquer, jeudi, le membre du comité consultatif du conseil des droits de l’Homme des Nations Unies, Jean Ziegler.
Le responsable onusien, s’exprimait, jeudi, à Gammarth lors de la séance d’ouverture de la 14ème université d’été sur le thème “Quelle politique sociale pour un pays en transition démocratique? Cas de la Tunisie».
Il a ajouté que la Tunisie pourrait récupérer ses avoirs si la pression est assez forte sur les banques suisses et autres.
Par ailleurs, M.Ziegler a exprimé sa préoccupation de voir les pays maghrébins “se dépêcher “pour la signature d’accords de libre échange avec l’Union Européenne. Des accords qui, a-t-il dit «favorisent le néocolonialisme malgré leurs avantages”.
M. Ziegler a, en revanche, souligné l’importance qu’il y a d’œuvrer au renforcement de l’intégration économique maghrébine.
Pour sa part, M. Hatem Bacha, président de l’Association des responsables de formation et de gestion humaine dans les entreprises (ARFORGHE), a noté que la transition démocratique est tributaire du renforcement du climat de sécurité et de stabilité dans le pays.
«Les mouvements de protestation risquent de se prolonger en l’absence d’un rôle modérateur de l’Etat et de l’établissement d’un consensus social» a-t-il prévenu.
De son côté, M. Mahmoud Ben Romdhane, universitaire économiste, a proposé l’organisation d’un débat démocratique sur les grandes questions nationales, dont notamment, le budget de l’Etat.
Il a indiqué que le développement de la situation sociale dépend de la conjoncture économique dans le pays. Une conjoncture déjà difficile et qui s’est encore aggravée avec la guerre en Libye, selon l’universitaire.
«Aujourd’hui, c’est le peuple tunisien qui est l’auteur de son histoire et c’est lui qui va devoir voter pour son propre projet de société, le 23 octobre prochain», a-t-il, par ailleurs, estimé.
D’éminents experts, économistes et sociologues participent à cette rencontre de deux jours, organisée par et la Fondation Konrad-Adenauer-Stiftung
Source : « Tunisie Soir » Le 16-06-2011
Lien :http://www.tunisiesoir.com/index.php?option=com_content&view=article&id=41341:&catid=42:politique
Anne Applebaun en Tunisie, “les Etats-Unis ont peur des partis islamistes”
Les révolutions dans le monde arabo-musulman intriguent encore l’Occident, qui pour les comprendre, procède à des comparaisons avec les révolutions survenues à travers l’histoire. Une analogie qui ne leur permet guère de percer le mystère de ce printemps arabe qui a pris Orient et Occident de court. Anne Applebaun, journaliste et écrivaine américaine, a eu ce matin un débat à bâtons rompus, à l’initiative de Radio Kalima, avec des journalistes tunisiens sur les révolutions dans le monde arabe, notamment la révolution tunisienne. Spécialiste de l’Europe de l’Est, la lauréate du prix Pultizer en 2004 a essayé de faire un parallèle entre les révolutions survenues dans les pays de l’ex-bloc de l’Est, et les révolutions arabes. Tout en relevant des similitudes, elle en déduit des différences. Contrairement aux pays de l’Europe de l’Est qui savaient dans quelle direction ils voulaient aller, et qui cherchaient grosso modo à emboiter le pas à l’Europe de l’Ouest, en suivant son modèle politico-économique, dans le monde arabe, les choses lui semblent floues. “Les pays arabes ignorent leur direction”. Ceci parait d’autant plus sibyllin à ses yeux, que le monde arabo-musulman est pluriel, avec de profondes dissemblances politiques, cultuelles, confessionnelles…Il y a des différences énormes entre la Tunisie, l’Egypte, le Yémen, le Bahreïn, l’Iran, etc. La Tunisie sait très bien dans quelle direction elle veut s’acheminer, fait constater Gnet. Même s’il y a des débats autour de nombreuses questions, tout le monde semble d’accord sur les fondamentaux. Une unanimité se dégage, en effet, quant à la nécessité de mettre en place un régime démocratique, respectueux des libertés, avec une alternance au pouvoir…etc. Pas tant que ça, rétorque Lotfi Al-Haji d’al-Jazeera. “La Tunisie ne sait pas encore sa direction”. Il invoque les débats en cours notamment au sein de la haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution sur la normalisation avec Israël, les rapports entre l’Etat et la religion, les questions identitaires, etc. Mais, en Tunisie, y-a-t-il eu une révolution réelle dans le sens d’une rupture totale avec l’ancien système, où est-ce une révolution au sein du même système qui cherche à se reproduire, s’interroge en substance Ridha Kefi, Rédacteur en Chef de Kapitalis. Cette question est d’autant pertinente, renchérit un autre confrère, que l’on ne sait pas encore ce qui s’est passé réellement le 14 janvier. Quoiqu’il en soit, la révolution tunisienne a apporté beaucoup aux Tunisiens en termes de liberté, nonobstant la présence encore agissante des forces contrerévolutionnaires dont la stratégie subit flux et reflux, fait-on constater. Et la position de l’Occident de ces projets en gestation dans le monde arabo-musulman ? Les Etats-Unis sont-ils prêts à avoir de nouveaux rapports avec des pays arabes démocratiques, libres et souverains ? Et puis quid du revirement des Etats-Unis envers les partis islamistes ; Washington commence à dialoguer avec ces partis, après les avoir combattu en soutenant les régimes dictatoriaux qu’ils considéraient comme un rempart contre l’islamisme ?, se demande Gnet. Nourredine Boutar, directeur de Radio Mosaïque, rebondit sur la même question, évoquant la peur qu’avaient par le passé les Etats-Unis envers les partis islamistes. Pour Anne Applebaum, “les pays occidentaux, notamment les Etats-Unis, souhaitent que les pays arabes réussissent à organiser des élections libres et démocratiques et n’ont aucunement l’intention de les manipuler”. Quand à leur position des partis islamistes, elle semble encore basée sur la méfiance. Si les Etats-Unis dialoguent avec les partis islamistes, et une délégation d’Ennahdha a séjourné récemment aux Etats-Unis à l’invitation du département d’Etat, “cela ne signifie pas qu’ils les soutiennent, mais ils cherchent à mieux les connaître, car, leur peur vient du fait qu’ils ignorent tout sur eux”, souligne-t-elle. Après avoir répondu aux questions des journalistes, c’est au tour d’Anne Applebaum de leur demander leurs attentes des Etats-Unis. Les intervenants ont, en majorité, appelé à la fin de l’ingérence américaine dans les affaires de ces pays, avec la promotion de relations économiques équitables, qui finiront par se transformer un jour en relations d’égal à égal. Ce ne sera pas demain la veille certes, mais le processus doit-être enclenché dès maintenant ; c’est là une revendication primordiale de tout pays souverain. Sihem Ben Sédrine, présidente du CNLT, souhaite, elle, que “les Etats-Unis contribuent à la consolidation de la démocratie dans les pays arabes, en appuyant la société civile et qu’ils fassent preuve de neutralité”. Le débat est clos sur une note d’espoir d’Omar Mestiri, directeur de Radio Kalima, “ce qui nous arrive est positif”, se réjouit-il. Et comment il pouvait en être autrement, alors qu’un débat pareil ait lieu en toute liberté.
PS : Anne Applebaun est l’épouse du ministre polonais des Affaires étrangères, Radoslaw SIKORSKI qui a animé ce matin à Tunis une conférence autour du thème : “La nouvelle politique européenne de voisinage : la Pologne et la Tunisie dans la perspective de la présidence polonaise du Conseil de l’Union Européenne”. Source: ”Global Net”le 16-06-2011
_Z_ publie son premier livre
« _Z_, Un mystérieux monogramme, derrière lequel s’est exprimé un justicier exaspéré, un cyber-dissident, l’un des meilleurs talents de l’opposition tunisienne, luttant par le trait, l’image, le texte. »C’est ainsi que cérès éditions présente son nouvel auteur et caricaturiste, le célèbre blogueur _Z_ dont le premier livre « Révolution ! Des années mauves à la fuite de Carthage » paraît cette semaine.
_Z_ crée son blog « DEBATunisie » en 2007. Une année plus tard, il est censuré. En 2009, la blogueuse Fatma Arrabica est arrêtée parce qu’elle a commis le crime de reprendre un de ses dessins sur son blog. On l’accuse d’être _Z_ ou d’avoir des liens avec. Le message est clair : _Z_ dérange le pouvoir et on veut sa tête. Il panique et pense se dévoiler pour qu’on libère Fatma. Au bout d’une semaine de détention, la blogueuse est libérée. _Z_ n’a pas été démasqué et il continue à alimenter son blog de caricatures au gré de l’actualité mauve du pays…
« _Z_ a été pour tous ceux qui parvenaient à contourner la censure, une consolation, une bouffée d’oxygène dans une Tunisie irrespirable. Un des héros authentiques de la Révolution tunisienne » affirme son éditeur. Pourtant, il a toujours refusé d’endosser le rôle de héros du web tunisien. Resté très discret et anonyme même après le 14 janvier, _ Z_ n’a pas perdu son inspiration avec la fuite de Ben Ali et sa famille, mais désormais il s’attaque aux nouveaux venus de la scène politique, avec un grand talent. Son premier livre, Révolution ! Des années mauves à la fuite de Carthage, revient sur les trois années qui ont précédé la chute du pouvoir. De Ammar 404, aux Mégaprojets émiratis, en passant par le saint Sidi El Materi, la mafia Trabelsi, la mascarade électorale de 2009 et celle qui se préparait pour 2014, avant de s’achèver sur la chute de Zaba. Plus qu’une reconnaissance de son talent indéniable, ce livre reflète des années de militance virtuelle.
Révolution ! Des années mauves à la fuite de Carthage, sera présenté samedi 18 juin à 17h à la Librairie Art-Libris (Carthage Salammbô). Une exposition des caricatures originales de “Z” est également prévue pour cet évènement.
Le livre est disponible en librairie et sur www.ceresbookshop.com*
*Pour tout achat en ligne avant samedi 18 juin, l’ouvrage sera livré avec la dédicace de _Z_.
Source : « Nawaat.org » Le 16-06-2011
Une banque bradée pour 60 millions de dinars
Malgré toutes les fraudes et les malversations, c’estl’affaire de Cofib Capital qui émerge en premier dans l’affaire de la faillite et par la suite de cession de l’ex Banque du Sud. Ce qui donne l’impression qu’on est toujours sur ses gardes en ce qui concerne les grosses affaires, et que les plus importantes parmi celles –ci seront à leur tour ” classées “, comme beaucoup de dettes et de non payés qui ont renfloué les poches de certaines personnes, influentes et apparemment hors la loi. |
Partant de la question des garanties, on se demande s’il existe encore leurs enregistrements ? Car tellement ces garanties sont minimes, et peut être même fictives, que le paiement des dettes est devenu insignifiant. Une bonne partie de ces dettes (impayées) est accolée aux crédits impayés de la société de recouvrement filiale de l’ex BS. Une majeure partie est par la suite épongée dans l’objectif d’alléger leur poids et receler les dossiers cuisants. Passer l’éponge sur ou vendre les impayés de la BS à lasociété de recouvrement, ne fut pas une opération tout à fait légale. Surtout qu’il s’agissait d’opérations qui concernaient notamment les affaires que l’ancien management dela BS voulait reléguer aux oubliettes. C’est ce qui explique qu’après un contrôle fiscal, la Banque du Sud fut pénalisée d’une amande de 50 mille dinars pour les dépassements enregistrés dans la relation reliant la BS à sa filiale de recouvrement, et surtout pour la classification de dettes de façon illégale. Et c’est pratiquement sur cette lancée quon avait continué jusqu’à mettre la BS à genoux. Les dettes classées de la banque qui ont commencé à s‘accumuler à partir de 2003, jusqu’à atteindre un niveau horrible, lequel niveau annoncé à la veille du départ de Laaroussi Bayyoudh et de son administration de la tête de la banque. Il s’agit là du démantèlement d’un mécanisme qui a escamoté pendant de longues années le vrai état de ces dettes. La preuve : c’est la croissance des dettes tout au long des six premiers mois de 2003 d’un taux alarmant de 29,3%, soit 129 millions de dinars, pour atteindre au 30 juin 2003 les 569 millions de dinars, contre 440 millions de dinars au 31/12/2003. Une lecture rapide d’une liste des débiteurs fait ressortir un état financier désastreux pour une bonne partie d’entre eux, ” ils devraient être reclassés depuis des années” nous précise un cadre de l’ancienne BS.De plus, le recyclage des impayés a généré une régression dans le volume des crédits classés ainsi que l’enregistrement annuel dans les comptes d’exploitation d’agios réservés qui auraient dû être reportés.Sur une autre liste arrêtée au 31/12/2002, on voit bien que des engagements de 153 millions de dinars auraient dû être classés depuis l’an 2000. Pour les mêmes clients cités dans cette liste, l’ensemble des bénéfices décalés et enregistrés dans les archives de la BS sont d’une valeur de 7,8 millions de dinars, alors qu’ils oscillaient en réalité aux alentours de 70 millions de dinars. On raconte par ailleurs qu’annuellement, et juste avant la tenue de l’AGO (Assemblée Générale Annuelle), un budget ” provisoire ” est destiné àla BCT. Au même moment, le réseau électronique au sein des administrations de la BS est circonscrit afin de ne pas extraire les vrais ” budgets “, ce qui permettait aux manipulateurs d’empêcher tout accèsaux balances réelles et toute possibilité de comparaison entre les budgets réels et ceux fictifs, ou ceux relatifs aux années antérieures. Une pratique scemment commanditée par l’un des trois briscards évoqués dans notre article d’hier. Un cadre de la banque Faiçal Trabelsi aurait de son côté payé le tribut de son opposition à ces pratiques et aurait été carrément écarté des postes de prises de décision. Le résultat de toutes ces pratiques, étaient des résultats annoncés ” positifs ” alors quela BS était en état d’incapacité et accumulait d’énormes pertes. Pire encore, l’administration de la BS avait décidé de distribuer 11% des bénéfices, soit le plus grand montant jamais enregistré dans l’histoire du secteur bancaire tunisien… ! Récapitulons. Depuis 2003, les bénéfices annuels des dettes de la BS, et malgré leur croissance en termes de volume, avaient régressé à cause du renoncement à l’enregistrement dans le ratio d’exploitation des bénéfices des crédits douteux. Et à partir de la même année, on enregistre une croissance du volume des réserves consacrées à la couverture des risques. On en arrive à 2006, lorsque la BS devient AttijariBank, qui annonce des pertes de l’ordre de 176,4 millions de dinars, des pertes cachées depuis des années. Les montants alloués pour la couverture des risques, légués par l’administration de Laaroussi Bayyoudhs’élèvent à 330,2 millions de dinars, dont 180,5 millions de dinars de pertes et 139,7 millions de dinars au titre de réserve pour la couverture des risques. Des pertes qui avaient demandé près de cinq ans pour êtres résorbées. Et c’est depuis 2003, qu’aucun des actionnaires de l’ancienne BS n’a reçu des dividendes. La BS analysée par BNP Paribas, “le fiasco” Ayant exprimé ses intentions à s’accaparer des parts que l’Etat tunisien allait céder, la banque française BNP Paribas entre en ligne et valorise ce qui était devenu du cadavre de la BS.On commence surtout par souligner un manque de provisionnement évalué à 120 millions de dinars. Et on lit ” à l’issue d’une diligence approfondie, qui a notamment permis de revoir une grande partie des dossiers de crédits, nos équipes ont évalué les besoins de provisionnement entre 410 et 460 millions de dinars, à comparer à des fonds propres de 154 millions de dinars à la fin de 2003 “.350 à 400 millions de dinars de ces besoins allaient aux titres ” d’ajustements sur le portefeuille d’engagements “, les moinsvalues latentes sur le portefeuille de SICAV ‘maison’, des ajustements sur le portefeuille de filiales et des participations (Sud Invest,Sicar, Batam), la comptabilisation des passifs sociaux (IAS 19), à savoir le provisionnement des indemnités de départ à la retraite, les assurances médicales des retraités, les primes de scolarité et tout autre formes de spoliation de fonds publics. La BNP affirme que ” ceci ne constitue pas une évaluation de la banque dans la mesure où certains éléments positifs, comme le fonds de commerce ne sont pas valorisés “, mais rétorque en disant qu’ ” il reste néanmoins que la valorisation de la banque ‘stand alone’ ressort malgré tout à des niveaux très fortement négatifs “. On va encore plus loin en soulignant qu’ “outrela question du provisionnement, certains engagements devraient être déclassés en encours douteux improductifs, augmentant donc le coût de portage d’un encours improductif, déjà important “. Les équipes de Paribas parlent aussi dans leur rapport confidentiel dont nous disposons d’une copie de ” la due diligence réalisée par la BNP a conduit à évaluer des insuffisances de provisions sur les engagements autour de 350-400 millions de dinars “. Le chiffrage indiqué résulte d’une revue dossier par dossier de 68% des engagements sur les entreprises (hors contentieux), 38% de l’encours sur les commerçants (hors contentieux), de 10% des engagements sur les particuliers et de 34% de l’encours contentieux. ” D’après les travaux effectués, les besoins complémentaires de provisionnement des engagements seraient relativement concentrés, notamment, sur 25groupes qui représenteraient environ 450 millions de dinars d’engagements (utilisations). Environ 220 millions de dinars de besoins de provisionnement complémentaire sur le total de 350-400 millions de dinars concerneraient les engagements, soit près de 60% du total du besoin de provisionnement des engagements “, conclut BNP Paribas, qui a déserté les lieux à la lumière de ces failles. Accord occulté Dans les coulisses de la Banque du Sud, on raconte qu’un accord avait été conclu entre Taoufik Baccar et Mongi Safra pour se débarrasserde ce dossier de la BS, en cédant les parts de la Tunisie dans le capital de sa propre banque à un investisseur étranger qui aura pour tâche de l’assainir, évitant ainsi tout questionnement sur certains crédits et beaucoup d’autres dossiers. On annonçait aux débuts l’intention de l’Etat de lancer un appel d’offres international pensant, dans la foulée, que la banque italienne Monte dei Piaschi, actionnaire majoritaire dans le capital de la BS allait mettre la main sur l’ensemble des actions. Mais après différents audits, la majorité A abandonné l’affaire. Certains cadres de la BS avaient proposé aux ” hauts fonctionnaires et conseillers ” de racheter les actions de la banque italienne à leur valeur nominale afin que la Tunisie puisse disposer d’une majorité dans le capital de la banque, assainir cette dernière et la céder enfin à partir d’une position de force. Mais ce qui se mijotait dans les rouages était plus maléfique que cette idée, à la limite, banale. Une autre partie entre cependant en ligne, il s’agitde Sakher El Materi qui comme par miracle rachète les parts de la banque italienne d’une valeur nominale de 5 dinars l’action. Il fait lui-même par la suite le déplacement à Casablanca au Maroc pour y rencontrer Khaled El Ouedreghni, PDGd’Attijari Wafa Bank et lui transmet, presque en tant que porte parole, que le gouvernement tunisien, età l’inverse de ce que leur a été dit la première fois, est prêt à leur céder la majorité du capital de la Banque du Sud, à condition que le groupe banquier marocain contribue à l’achat des actions de la banque italienne Monti Dei Paschi. L’affaire conclue, et Sakher El Materi sort gagnant avec dans ses cagnottes plus de 8 millions de dinars après la vente des actions achetés à raison de 5 dinars de la banque italienne, et par la suite revendus à 9 dinars l’action. En contre partie, l’Etat tunisien se contente de la maudite somme de 60 millions de dinars, alors que cette part aurait et devrait être beaucoup plus implorante.Dans sa note adressée à la date du 25-08-2005, signée par Taoufik Baccar, la Banque Centrale de Tunisie informe l’avocat de la banque italienne son accord pour le versement de 18 920 980,832 dinars au profit de son client italien. |
Source: “Le temps” Le 16-06-2011
Lien: http://www.letemps.com.tn/article-56762.html