15 février 2006

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TUNISNEWS
6 ème année, N° 2095 du 15.02.2006

 archives : www.tunisnews.net


ACAT: Affaire Abdelghaffar Guiza – Lettre adressée par au ministre tunisien de la justice et des droits de l’homme Le Figaro : Transport Aérien : la liste noire européenne sera prête à la mi-mars Reuters: Londres extradera en Espagne un Tunisien présumé lié à Al Qaïda AFP: La justice britannique autorise l’extradition en Espagne d’un Tunisien Bluewin: Après le décès de deux Vaudoises lors d’un trekking en Tunisie Le Tribunal fédéral confirme un non-lieu Reuters: Le Maroc sur ses gardes avec l’arrivée des oiseaux migrateurs Philippe Bolopion : L’ONU dénonce l’usage de la torture à Guantanamo Le Monde : La Chine dément toute arrestation d’internautes dissidents L’Intelligent: Tunisie: Vivre avec le sida L’Intelligent: Aux armes, Tunisiens ! New book by Houcine Mhamdi: Assoiffe Arab morals and financial of a team…model Tunisia Mezri Haddad: La démocratie otage de la théocratie Mohamed Talbi: Intox et liberté Le Monde : Mahmoud Darwich : « Arabes et musulmans ont le sentiment d’être poussés hors de l’Histoire » L’Intelligent: Robert Fisk – L’islam n’est pas violent… à moins que nous le souhaitions

 

 Mélodies Contre l’Oubli Seconde édition

Concert de Soutien aux « Internautes de Zarzis »

 Vendredi 17 Février 2006 : 20h00 ouverture des portes : 19h00 Bourse du Travail de Saint-Denis M° Saint-Denis-Porte de Paris (Ligne 13) Participation aux frais 5€


LETTRE ADRESSE PAR L’ACAT AU MINISTRE TUNISIEN DE L AJUSTICE ET DES DROITS DE L’HOMME

 

 A Monsieur  Bechir Takkari Ministre de la Justice Ministère de  la Justice 31 Boulevard Bab Benat 1006 Tunis – La Kasbah Tunisie Fax : 00 216 71 568 106                       Monsieur le Ministre,     Abdelghaffar Guiza, originaire de Zarzis, a été arrêté par les autorités tunisiennes début 2003,  détenu arbitrairement et torturé pendant son interrogatoire. Privé de procès équitable, il a été inculpé pour « utilisation d’Internet a des fins d’activités terroristes » et condamné, sans preuve, le 6 juillet 2004, à 13 ans de prison.   L’état de santé de Abdelghaffar Guiza s’est considérablement aggravé au point que sa famille craint pour sa vie. La tuberculose dont il souffre a considérablement empiré en raison des mauvaises conditions de détention auxquelles il est soumis et de la privation de ses médicaments. Aujourd’hui ni son transfert à l’hôpital pour quelques jours ni les soins prodigués sur place ne peuvent améliorer son état.   L’ACAT vous demande son transfert immédiat dans une unité médicale appropriée afin qu’il puisse bénéficier des soins médicaux dont il a besoin et considère que l’Etat tunisien, en ignorant cet appel, prend la responsabilité des conséquences que ce refus peut avoir sur la santé et sur la vie de ce détenu.     Nous vous remercions de nous lire et nous vous prions d’agréer, Monsieur le Ministre, l’__expression de notre plus haute considération.   Nicole Pignon-Péguy Pôle Actions   CC : Copie à l’ambassade de Tunisie, 25 rue Barbet de Jouy, 75 007 Paris, Fax : 01 45 56 02 64   L’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT) France est affiliée à la Fédération Internationale de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture, ayant statut consultatif auprès des Nations unies et du Conseil de  l’Europe.  


Transport Aérien :

la liste noire européenne sera prête à la mi-mars

Aude Sérès  

TRANSPORTs Karthago Airlines, qui a interrompu un vol dimanche, figurait sur la liste noire établie par «Le Figaro» en août 2005. Mais elle ne devrait pas figurer sur celle que prépare l’Europe.

L’EUROPE des voyageurs avance. Après-demain, les Etats membres de l’Union communiqueront chacun la liste des compagnies interdites sur leur territoire. Un règlement adopté en décembre leur donnait jusqu’au 16 février. Les responsables des compagnies incriminées seront ensuite entendus et la liste définitive qui sera arrêtée à la mi-mars sera publiée sur Internet, indique-t-on à Bruxelles.

Cette liste ne sera pas l’addition des listes nationales. La Commission européenne va l’enrichir. Surtout, la liste européenne fera l’objet de débats et sera établie à la majorité. Elle sera révisable à tout moment sur demande d’un Etat membre.

Une compagnie «normale et sérieuse »

En France, la Direction générale de l’aviation civile publie sur son site Internet la liste des compagnies interdites en France. Il y en a trois : la compagnie nord-coréenne Air Koryo, la libérienne International Air Services et la thaïlandaise Phuket Airlines. Mais Karthago Airlines n’y figure pas alors que, dimanche, le Boeing 737 du vol KAJ 71 000 qui devait relier Djerba-Paris est retourné précipitamment en Tunisie : les masques à oxygène s’étaient détachés, ce qui avait entraîné une grande frayeur parmi les passagers. A l’été 2005, un incident avait déjà émaillé un de ses vols. Un appareil de Fly Air affrété par Karthago avait décollé d’Orly avec plus d’une heure de retard. Ensuite, il avait dû faire demi-tour en raison d’une alerte moteur. Les passagers avaient ensuite refusé de remonter dans l’appareil. Cet incident venait après un été lourd en catastrophes aériennes. Dans ses éditions du 30 août, Le Figaro avait inscrit Karthago sur sa liste des compagnies à éviter.

La DGAC souligne que cette jeune compagnie charter tunisienne – elle a fait voler son premier avion en mars 2002 – est une compagnie «normale et sérieuse». Ses appareils ont été contrôlés six fois en France et, au total, vingt-cinq fois en Europe l’an dernier. Dominique Perben a pourtant demandé à la DGAC de prendre contact avec l’autorité tunisienne de l’Aviation civile afin d’obtenir des informations sur les circonstances de l’incident de dimanche.

De son côté, Karthago souligne que la procédure de Quick return flight (QRF) a été engagée au nom du «principe de précaution». L’appareil est pour l’instant immobilisé.

 (Source : « Le Figaro » du 14 février 2006)


Londres extradera en Espagne un Tunisien présumé lié à Al Qaïda

 

Reuters, le 15.02.2006 à 11h59

    LONDRES, 15 février (Reuters) – La Cour d’appel de Londres a ordonné mercredi l’extradition vers l’Espagne d’un islamiste d’origine tunisienne présumé lié à des membres d’Al Qaïda impliqués dans les préparatifs des attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis.

                      Le suspect, Hédi ben Youssef Boudhiba, alias « Fassi », 45 ans, avait été arrêté en août 2004 alors qu’il s’apprêtait à prendre à Liverpool un avion à destination de Barcelone.

                      Il est soupçonné par le juge antiterroriste espagnol Baltasar Garzon d’avoir fourni de l’argent et des faux papiers à des membres d’Al Qaïda.

                      Le magistrat a établi un lien entre lui et un membre de la « cellule de Hambourg » impliquée dans les attentats du 11 septembre ainsi qu’avec un autre groupe d’Al Qaïda qui a cherché à commettre à Londres en 2003 un attentat à la ricine, un produit toxique mortel.

                      Le tribunal de Londres avait en première instance, en juin 2005, ordonné l’extradition de Boudhiba, mais celui-ci avait fait appel en arguant d’une santé mentale défaillante. En appel, les juges lui ont bien donné acte d’un « niveau d’intelligence médiocre » pouvant justifier qu’il ne soit pas jugé mais ils ont estimé « ni injuste, ni accablant » de l’extrader vers l’Espagne. /MD 

 


La justice britannique autorise l’extradition en Espagne d’un Tunisien

   

AFP, le 15.02.2006 à 10h53

                      LONDRES, 15 fév 2006 (AFP) –  La justice britannique a autorisé  mercredi l’extradition vers l’Espagne d’Hedi Ben Youssef Boudhiba,  un Tunisien détenu à Londres et soupçonné de participer au  financement d’Al-Qaïda.

                      Les juges de la High Court ont rejeté les raisons médicales  invoquées par les avocats du suspect en estimant que la défense  pourrait faire valoir ces arguments en Espagne.

                      Selon ses avocats, M. Boudhiba est attardé mentalement.

                      « L’Espagne est un pays civilisé. Nous avons des preuves qu’en  cas d’extradition, une évaluation convenable sera faite afin  d’établir si (l’accusé) est en état d’être jugé », ont établi les  juges londoniens.

                      Hedi Ben Youssef Boudhiba, 45 ans, est sous le coup d’une  inculpation du juge Baltasar Garzon, qui le soupçonne d’appartenir à  une cellule espagnole soutenant financièrement l’organisation  terroriste internationale ainsi qu’un autre groupe terroriste. Il  est passible d’une peine de 15 ans de prison.

                      Il a été arrêté à Liverpool en août 2004 sur mandat d’arrêt  international, alors qu’il tentait d’embarquer sur un vol pour  Barcelone (Espagne). Il est depuis détenu à la prison de haute  sécurité de Belmarsh, au sud de Londres.

                      Lors d’une audience en octobre 2004, la représentante de l’Etat  espagnol avait affirmé que l’accusé, connu sous le pseudonyme de  « Fatty », avait voyagé en Europe pour cette cellule afin de  transférer des fonds d’Espagne vers l’Allemagne, pour le compte du  réseau européen d’Al-Qaïda.

                      Il aurait été en contact, à Hambourg (Allemagne) et en Turquie,  avec des terroristes ayant un lien avec les attentats du 11  septembre 2001 aux Etats-Unis.

 


                                           

Après le décès de deux Vaudoises lors d’un trekking en Tunisie  

Le Tribunal fédéral confirme un non-lieu

 

ATS, le 15.02.2006 à 10h15

Lausanne (ats) La plainte pénale déposée contre un pasteur de  Morges (VD) après le décès de deux Vaudoises en Tunisie se heurte à  un non-lieu définitif. Le Tribunal fédéral (TF) a confirmé la  décision du juge d’instruction du canton de Vaud de classer  l’affaire.

 

Agées de 48 et 62 ans, les deux victimes avaient participé en  octobre 1999 à un trekking alliant marche et méditation dans le  Grand Erg tunisien, organisé par le pasteur. Les deux décès étaient  survenus le premier jour de l’excursion alors que le groupe  cheminait par une chaleur torride.

 

A quelques heures d’intervalle

 

Les participants s’étaient d’abord aperçus qu’une femme de 48  ans manquait à l’appel. Son corps avait été retrouvé après une  heure de recherche. Au même moment, une seconde participante, âgée  de 62 ans, s’est également sentie mal.

 

Elle devait décéder quelques heures plus tard, avant que les  secours aient pu atteindre le groupe. Les autopsies avaient conclu  à des malaises dus à la chaleur.

 

Plainte pour homicide

 

Le mari de la première des deux victimes avait déposé plainte  pénale contre le pasteur morgien pour homicide par négligence. Mais  le 10 août 2005, la Chambre d’accusation avait confirmé le non-lieu  du juge d’instruction.

 

Elle avait jugé que le droit pénal tunisien devait être  applicable, dès lors qu’il est plus favorable à l’accusé. Comme la  prescription était acquise selon le droit tunisien, le non-lieu  s’imposait, une décision confirmée en dernière instance par le TF,  qui met un émolument de 2000 francs à la charge du plaignant.

 

(arrêt 6S.449/2005 du 24 janvier 2006)

 

(Source : www.bluewin.ch, le 15 février 2006)


 

Hassan AL BANNA

 

A l’occasion du 57ème anniversaire de l’assassinat de l’Imam Hassan AL BANNA La Voix des Sans Voix vous invites à une conférenceintitulée: Hassan AL BANNA: Sa vie, sa pensée et sa spiritualité

Avec Dr Hani RAMADAN Le Samedi 18 / 02 / 2006 à 12h15 Au 10/12 rue delteral 93 330 LE PRE ST GERVAIS (2min – Paris) METRO HOCHE LIGNE 5 BUS PC3 ARRET MARSEILLAISE CHEMINETS

 


La BTE privatisable

 

La Banque de Tunisie et des Émirats (BTE), dont le capital est détenu à parts égales par les États tunisien et émirati, va être privatisée. Les gouvernements des deux pays se sont en effet rendus à l’évidence : la situation financière de cette banque de développement ne lui permet pas de se transformer en une banque commerciale, comme la loi l’y oblige désormais, et de respecter les « normes prudentielles » en vigueur. Un appel d’offres devrait être lancé prochainement pour désigner le cabinet de conseil qui assistera le gouvernement tunisien dans cette opération. 

 

(Source : JA/L’Intelligent N°2353 du 12 au 18 février 2006 )


 

Grippe aviaire en Tunisie ?

Il y a des rumeurs partout. Des élevages de poulets aurait été brulés à Sidi Bouzid, Une fillette serait morte à Sfax.

 

Pourquoi pas après tout, des cas ont bien été signalés à 500Km d’ici dans le Sud de l’Italie.

 

Mais je suis rassuré, d’après nos médias tout va bien dans le meilleur des mondes.

Posted by Hannibal at 9:25 PM sur le blog tunisien “kartago News”

 

URL: http://kartago.blogspot.com/2006/02/grippe-aviaire-en-tunisie.html

 

(Source: le blog tunisien “Kartago news” d’après une alerte électronique de M. tahar Lassoued)


 

Le Maroc sur ses gardes avec l’arrivée des oiseaux migrateurs

 Reuters, le 14.02.2006 à 21h25

RABAT, 14 février (Reuters) – Le Maroc a renforcé sa vigilance et son contrôle des oiseaux morts en redoutant l’arrivée de la grippe aviaire sur son territoire alors les migrations des régions sub-sahariennes vers le Nord ont débuté  cette semaine.

 

Le journal L’Economiste a pour sa part rapporté mardi que des dizaines d’oiseaux sauvages ont été retrouvés morts sur les rives de lacs proches des montagnes du Moyen-Atlas. Les autorités procèdent à des analyses pour en déterminer les causes, précise le journal.

 

Après la découverte de la présence du H5N1 an Nigeria la semaine dernière, les spécialistes de la santé marocains craignent que le virus n’arrive dans le royaume par les oiseaux migrateurs qui quittent les régions chaudes où ils ont hiverné pour regagner l’Europe via le Maghreb.

 

« Désormais, le Maroc se trouve dans un situation critique. Les oiseaux ont déjà commencé leur migration », a expliqué Mohamed El Haouadfi, spécialiste de la grippe aviaire à l’Institut vétérinaire et agronome Hassan II à Rabat.

 

Le 10 février, les responsables de la santé et de l’agriculture des pays du Maghreb s’étaient réunis à Tunis pour coordonner un plan visant à éviter le risque d’arrivée du virus, notamment en renforçant les contrôles sanitaires aux frontières méridionales et aux aéroports.

 

Le Maroc a par ailleurs constitué d’importants stocks de médicaments anti-viraux. Les contrôles des volatiles, en élevage comme sauvages, a aussi été renforcé dans huit zones jugées sensibles, des lacs ou des côtes marécageuses pour la plupart.

 

En Algérie, le groupe pharmaceutique public Saidal s’apprête à signer un accord mercredi avec le groupe indien Hetero pour produire du Tamiflu, seul traitement répertorié pour soigner la grippe aviaire chez l’homme.

 

La fabrication, sous licence, du Tamiflu devrait démarrer dans cinq semaines. L’objectif est de produire six millions de doses de Tamiflu cette année.

 

REUTERS


 

 

L’ONU dénonce l’usage de la torture à Guantanamo

 

NEW YORK (NATIONS UNIES)

 

Philippe Bolopion

 

Cinq experts de la commission des droits de l’homme de l’ONU accusent les Etats-Unis, dans un rapport à paraître dont Le Monde a obtenu une copie, d’actes « équivalant à de la torture », de « détention arbitraire », ainsi que de « traitements inhumains » et « dégradants » sur la base militaire de Guantanamo Bay, à Cuba, où sont détenus, depuis plus de quatre ans, près de 520 prisonniers accusés de liens avec le terrorisme. « Le gouvernement américain devrait fermer le centre de détention de Guantanamo Bay sans délai », affirment les experts onusiens.

 

La version initiale du rapport, qui pourrait être modifiée à la marge avant d’être officialisée dans les prochains jours, établit que « l’usage excessif de la violence dans bien des cas durant le transport […] et l’alimentation de force des détenus en grève de la faim doivent être évalués comme équivalant à de la torture ». Les auteurs s’appuient sur les témoignages d’avocats de détenus selon lesquels plusieurs grévistes de la faim subissent l’introduction par voie nasale d’épais tubes destinés à injecter de la nourriture dans leur estomac, parfois jusqu’à ce qu’ils « vomissent du sang ».

 

Faute de pouvoir vérifier par eux-mêmes, les auteurs affirment qu’il faut « juger exacts » les témoignages solidement établis dénonçant ces techniques d’alimentation forcée, qui sont, selon eux, « équivalentes, sans équivoque, à de la torture ». Certains médecins et des infirmières « se sont rendus complices du traitement abusif de détenus » en violation des règles d’éthique, affirme le document de trente-huit pages, qui relate « des soins conditionnés à la coopération avec les enquêteurs », des traitements « non consensuels » ou « inadéquats » et des injections de force.

 

Les rapporteurs s’insurgent aussi contre des techniques d’interrogatoire toujours autorisées par le Pentagone : soumettre un détenu à des températures extrêmes, des musiques intenses, le priver de lumière, l’isoler, manipuler ses cycles de sommeil… « Si elles sont utilisées simultanément, elles équivalent à des traitements dégradants », affirment les experts. « Si dans des cas individuels, qui se sont présentés lors d’entretiens, la victime expérimente une douleur ou une souffrance intenses, ces actes sont semblables à de la torture », poursuivent-ils, affirmant que « les conditions générales de détention(…) équivalent à des traitements inhumains ».

350 ACTES D’AUTOMUTILATION

Les juristes onusiens estiment que « même dans des situations d’urgence ou de conflits armés » les lois relatives aux droits de l’homme s’appliquent. Selon eux, le droit des conflits armés ne s’applique pas à « la guerre contre la terreur » revendiquée par l’administration américaine pour justifier la situation d’exception qui règne à Guantanamo Bay. Les recours juridiques offerts aux prisonniers « manquent des bases légales adéquates », jugent par ailleurs les auteurs, selon lesquels « l’exécutif américain opère en tant que juge, procureur et avocat de la défense ». Dans ces conditions, « la détention de toutes les personnes à Guantanamo équivaut à une détention arbitraire », affirme le document.

 

Le rapport met aussi en garde Washington contre « l’absence de toute enquête impartiale sur les allégations de torture », les techniques d’interrogation « fondées sur des discriminations religieuses » et « la détérioration de la santé mentale des détenus » causée par les conditions de détention et le maintien à l’isolement pendant des périodes pouvant aller jusqu’à dix-huit mois. Cela s’est traduit, en 2003, par « 350 actes de blessures auto-infligées, des tentatives de suicide de masse et individuelles et des grèves de la faim prolongées ».

 

Dans la partie intitulée « Recommandations », le rapport demande au gouvernement américain de « juger rapidement » les détenus, conformément au droit applicable, ou « de les relâcher sans délai ». Les rapporteurs suggèrent aussi de faire « juger les terroristes supposés par un tribunal international compétent ». Jusqu’à la fermeture de la prison de Guantanamo Bay, conseillent-ils, « le gouvernement américain devrait s’abstenir de toute pratique équivalant à de la torture » et devrait « révoquer immédiatement toutes les techniques d’interrogation spéciales autorisées par le département de la défense ».

 

Chronologie

 

Octobre 2001

George Bush signe le Patriot Act qui introduit notamment des statuts d’exception pour les personnes soupçonnées de terrorisme et permet de soustraire les détenus aux droits prévus par les conventions de Genève.

 

Janvier 2002

Ouverture du camp X-Ray, prison aménagée sur la base de Guantanamo à Cuba. Début des transferts de prisonniers capturés en Afghanistan par l’armée américaine et soupçonnés de liens avec Al-Qaida.

 

Novembre 2002

Premiers témoignages de quatre détenus libérés de X-Ray.

 

Juin 2004

La Cour suprême des Etats-Unis reconnaît la possibilité aux prisonniers de Guantanamo de contester leur détention devant les tribunaux américains.

 

(Source: « Le Monde » du 15 février 2006)


 

La Chine dément toute arrestation d’internautes dissidents

 

 

La Chine indique appliquer à l’Internet des règles conformes aux normes internationales, permettant « librement » un accès à l’information. »Personne n’a été arrêté en Chine juste pour avoir dit quelque chose sur l’Internet », soutient mercredi l’un des responsables du Bureau d’information du Conseil d’Etat (gouvernement), Liu Zhengrong, cité par les médias officiels.

 

  Les milieux dissidents chinois et les défenseurs des droits de l’homme affirment que la liberté d’_expression sur l’Internet en Chine est bafouée, conduisant à l’arrestation et l’emprisonnement d’opposants. Selon Reporters sans frontières, 49 cyberdissidents et 32 journalistes sont actuellement emprisonnés dans le pays pour avoir publié des articles ou des commentaires critiquant les autorités. Les grands portails étrangers sont également sous le feu des critiques des défenseurs des libertés, accusés de pactiser avec un régime non démocratique dans le but d’engranger des bénéfices commerciaux dans un marché potentiellement énorme.

 

Ainsi Yahoo! a été fustigé pour avoir livré à la police chinoise des informations ayant conduit à l’arrestation de journalistes et de dissidents. Google a lancé récemment un moteur de recherche chinois censuré. Le gouvernement chinois rejette les accusations de censure. « Il est injuste de critiquer la Chine lorsqu’elle supprime des contenus illégaux alors qu’ils font la même chose [aux Etats-Unis] », a déclaré M. Liu.

SURVEILLANCE DES ÉTATS-UNIS

De son côté, le département d’Etat américain a annoncé mardi la création d’un groupe de travail chargé de surveiller le respect par certains régimes répressifs, notamment la Chine, des libertés sur l’Internet. Ce groupe de travail sera dirigé par la sous-secrétaire d’Etat aux affaires économiques, commerciales et agricoles, Josette Shiner, et la sous-secrétaire d’Etat à la démocratie et aux affaires mondiales, Paula Dobriansky. »Nous sommes gravement préoccupés par le degré de protection de la vie privée et des données sur l’Internet globalement, et en particulier par certains cas qui se sont récemment produits en Chine », a déclaré Mme Shiner au cours d’une conférence de presse.

 

Le groupe de travail concentrera notamment ses efforts sur « l’utilisation de technologies pour restreindre l’accès à certains contenus politiques et l’impact de ce genre de censure sur des entreprises américaines », indique le communiqué. Il surveillera aussi « l’utilisation de technologies pour traquer et réprimer des dissidents » et les efforts de certains gouvernements pour « modifier les structures de fonctionnement de l’Internet afin de restreindre le flux des informations ».

 

Malgré les critiques, l’administration américaine ne souhaite pas que les moteurs de recherche occidentaux quittent les pays répressifs, a souligné Mme Shiner. De plus, la responsable américaine a souligné que la Chine n’est pas le seul pays où l’accès à l’Internet est contrôlé,  refusant cependant d’énumérer les pays considérés comme problématiques. Elle a néanmoins cité au cours de la discussion, l’Iran et une partie de l’Afrique.

 

Avec AFP

 

(Source : LEMONDE.FR | 15.02.06 | 08h56  •  Mis à jour le 15.02.06 | 09h20)

 


Tunisie

Vivre avec le sida

 

par RIDHA KÉFI, CORRESPONDANT À TUNIS

 

Si la prévalence du VIH est faible et les soins sont pris en charge par l’État, la prévention tarde à s’organiser. Témoignages.

 

Farida T. a 39 ans. En 2002, sommari fait des infections opportunistes en série. Après analyses, les médecins lui annoncent la mauvaise nouvelle. Farida et sa fille, alors âgée de 6 ans, ne tardent pas à découvrir qu’elles sont atteintes elles aussi par le virus VIH (virus d’immunodéficience humaine, cause du sida). « Mon mari a été contaminé, en 1986, à la suite d’une transfusion sanguine subie en Italie après un accident de la circulation », raconte-t-elle. Mère Courage, la jeune femme ne se contente pas de s’occuper de sa famille. Elle consacre aussi beaucoup de son temps à l’Association tunisienne de lutte contre les MST (maladies sexuellement transmissibles) et le sida. Elle est également membre de plusieurs réseaux régionaux et internationaux spécialisés dans la lutte contre l’épidémie. Son mari lui facilite beaucoup la tache. Ancien boucher au chômage – sa maladie lui interdisant de travailler -, c’est lui qui s’occupe de tout à la maison.

 

Mais de quoi vivent-ils ? Réponse : « Nos ressources sont limitées. Heureusement que la trithérapie et autres frais médicaux [analyses, radios…] sont entièrement pris en charge par l’État. Les cartes de handicapés “1er degré” délivrées par les autorités nous donnent droit à une aide de 130 dinars [80 euros] par trimestre et par personne, ainsi qu’à la gratuité dans les transports publics en ville. »

 

Farida et les siens bénéficient du soutien matériel d’un membre de la famille, homme d’affaires aisé, qui paie leur loyer et leur verse une mensualité fixe. « En cela, j’ai de la chance. D’autres malades n’ont ni source de revenu ni toit où s’abriter. Pour avoir de quoi manger, certains vendent leurs médicaments à des malades étrangers de passage. »

 

Hamadi B., 31 ans, artisan au chômage, a été contaminé en 1985, lui aussi à la suite d’une transfusion. Il était hémophile et avait 10 ans. Sa maladie, il l’a découverte lorsque l’hôpital l’a convoqué et lui a fait subir les tests. C’était en 1995. « Mon état s’est détérioré très rapidement, raconte Hamadi. En 1998, j’ai atteint un seuil critique. J’avais continuellement des diarrhées et des vertiges. Je ne pouvais plus marcher. Mon poids est tombé à 45 kg. Le pire, c’est que je ne comprenais rien à ma maladie. J’ai mis du temps pour savoir comment réagir. »

 

Le jeune homme a trouvé du réconfort auprès de sa famille et de certains amis d’enfance dans sa ville de Bizerte, au nord du pays. Son état s’est amélioré grâce à la trithérapie qu’il suit depuis six ans, et il a repris goût à la vie. Ses objectifs, dans l’immédiat : se marier avec une jeune femme malade elle aussi du sida et trouver du travail. « Des responsables du gouvernement et des députés ont promis de nous en trouver. Nous attendons toujours », raconte Hamadi. Il vit avec sa mère grâce à sa prime de handicapé et à la pension de retraite de son père décédé. Mais, en dépit des difficultés, il se considère comme un privilégié, car il a un endroit où dormir et de quoi manger. « D’autres malades n’ont pas cette chance. Certains commettent des bêtises en espérant être mis en prison. Ainsi sont-ils sûrs de trouver abri et nourriture », explique le jeune artisan.

 

Zahira F., 35 ans, agent commercial, a découvert son infection en 1995. Elle venait de convoler en justes noces et c’est son époux, qui ignorait être atteint lui-même, qui l’a contaminée. Ce dernier décédé, Zahira a mis du temps pour sortir la tête de l’eau, grâce notamment au soutien de ses parents. Le traitement par antirétroviraux, généralisé depuis 2000, a fait le reste. Ayant retrouvé santé et moral, elle a repris son travail. Ses collègues, informés de son état, ont évolué d’un sentiment de méfiance à une franche amitié. Pour montrer leur compassion, certains n’hésitent pas à boire dans le même verre qu’elle.

 

« Ma présence à leurs côtés les a incités à s’informer sur le VIH et ses modes de transmission. Le virus ne leur fait plus peur et ils ont appris à vivre avec », confie Zahira, qui partage désormais son temps entre son bureau et une association d’aide aux malades vivant avec le VIH. Elle s’apprête aussi à épouser un chef d’entreprise, également séropositif. Après des années de souffrance et de culpabilité, la jeune femme réapprend à croquer la vie à pleines dents.

 

« Vis-à-vis des porteurs du virus, les Tunisiens ont beaucoup évolué, mais pas assez pour vaincre toutes leurs appréhensions », explique cependant Zahira. Elle rapporte l’histoire de ce dentiste qui a refusé de la soigner après avoir appris qu’elle était séropositive. « J’aurais pu lui cacher la vérité et il m’aurait soignée sans rechigner », dit-elle avec une douloureuse ironie.

 

En Tunisie, les premiers cas de sida ont été découverts en 1985. Depuis, 1 299 cas d’infection ont été enregistrés : 863 personnes ont développé la maladie et 436 en sont mortes. En l’absence d’un dépistage anonyme et gratuit, ces chiffres sont probablement inférieurs à la réalité.

 

Pour avoir une estimation plus réaliste, les experts les multiplient par trois. Il y aurait donc, selon eux, entre 2 500 et 3 000 cas. La population à risque est située dans la tranche d’âge 25-40 ans. Quant aux modes de transmission, ils sont, par ordre décroissant, les relations sexuelles (41 %, dont 36 % hétérosexuelles et 5 % homosexuelles), l’utilisation de drogues injectables (29 %), la transfusion sanguine (9 %), la transmission de la mère à l’enfant (5 %). 16 % des cas sont dus à des facteurs inconnus.

 

« En Tunisie, comme dans les autres pays maghrébins et arabes, le taux de prévalence du sida est inférieur à 0,1 %. Or, selon les projections de la Banque mondiale, ce taux dépassera 0,4 % (seuil exponentiel) en 2015. Nous avons donc neuf années pour agir. Si nous continuons à entourer ce problème d’un voile de silence, comme nous le faisons actuellement, ce cap pourrait même être largement dépassé », souligne le Dr Khadija Moalla, coordinatrice du programme régional arabe « Initiative spéciale HIV/sida » du Pnud, qui a animé à Tunis, du 4 au 8 février, un atelier de formation en leadership et de mise en réseau des organisations de lutte contre le VIH/sida pour la région arabe.

 

« En Tunisie, la situation épidémiologique est sous contrôle, déclare Anouar Moalla, membre de l’ATL-MST/sida et coordinateur du réseau d’Afrique du Nord des organisations de la société civile pour le sida [Nanaso]. La prévalence est faible. La sécurité transfusionnelle est effective depuis décembre 1997. La trithérapie est généralisée et gratuite depuis décembre 2000. La qualité et l’espérance de vie des malades se sont beaucoup améliorées. La Caisse de compensation maintient le prix des préservatifs à un niveau bas et les ONG actives dans le domaine sont subventionnées par l’État. »

 

Mais la médaille a son revers : « Les médias ne parlent de l’épidémie qu’une fois l’an, le 1er décembre, à l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre le sida, explique le militant associatif. Or la menace est réelle. Et pour cause : les gens se marient de plus en plus tardivement, alors qu’ils commencent leurs relations sexuelles de plus en plus tôt. Les pouvoirs publics voudraient avoir des données précises sur l’état épidémiologique dans le pays, grâce notamment à la déclaration obligatoire par le médecin ou le laboratoire d’analyses, mais cela freine le dépistage volontaire et, par conséquent, fausse ces données. Si nous insistons pour que le dépistage soit volontaire, gratuit et anonyme, c’est afin d’inciter de plus en plus de gens à faire des tests en étant assurés de la confidentialité de l’information. »

 

Le Pr Mohamed Ridha Kammoun, président de l’ATL-MST/sida, insiste, pour sa part, sur un autre point noir : la faible pénétration du préservatif dans la population. « Nous avons pu éradiquer le trachome au début des années 1960 grâce notamment à la vente des pommades antibiotiques dans les épiceries. Le préservatif, qui est censé nous protéger contre une épidémie encore plus redoutable, nous n’arrivons pas encore à le sortir des pharmacies, où il demeure inaccessible pour beaucoup. »

 

(Source : JA/L’Intelligent N°2353 du 12 au 18 février 2006 )

 


 

Aux armes, Tunisiens !

par RIDHA KÉFI, CORRESPONDANT À TUNIS

 

Cet ouvrage richement illustré restitue les exploits des soldats tunisiens qui, de la campagne de Crimée à la guerre d’Indochine, ont combattu aux côtés des Français pendant un siècle et demi.

 

Entre 1837 et 1957, quelque 100 000 soldats tunisiens se sont illustrés sur les champs de bataille du monde entier aux côtés des Ottomans, des Britanniques et des Français. Combattant dans des régions aux hivers rigoureux, dans des conditions souvent inhumaines, ils ont fait preuve d’autant de courage et d’abnégation que leurs camarades de tranchées français, marocains, sénégalais ou algériens. Mais leur bravoure a rarement été citée par les historiens. Ils ont en effet longtemps été désignés, réflexe colonial oblige, sous l’appellation générale « Algériens », ne reprenant officiellement leur identité de « Tunisiens » qu’à partir de 1939. Autre raison de l’oubli de ces soldats par les historiens : ils étaient moins pittoresques que les Marocains ou les Sénégalais et correspondaient moins aux stéréotypes coloniaux. Ils n’étaient pas assez « exotiques », ou peut-être étaient-ils, ce qui revient au même, « trop européanisés ».

C’est pour donner voix à ces « héros » demeurés trop longtemps dans l’ombre, de part et d’autre de la Méditerranée, restituer leur histoire, peu ou mal connue, qu’Éric Deroo, chercheur associé au CNRS, et Pascal Le Pautremat, enseignant d’histoire et de géopolitique à l’université de Nantes, ont réalisé cet ouvrage fort bien documenté et agrémenté de 220 photos et illustrations d’époque.

 

L’armée tunisienne, réformée par Ahmed Bey (1837-1855), était organisée comme un véritable corps d’élite. C’est ce qui lui a valu d’être sollicitée, dès le milieu du XIXe siècle, pour opérer aux côtés de ses homologues européennes. Ainsi, entre 1853 et 1856, 10 500 soldats tunisiens ont pris part à la guerre de Crimée aux côtés des Français et des Britanniques, alliés de la Sublime Porte, contre les Russes. 2 500 d’entre eux ont péri durant l’expédition.

 

Cette armée, qui a atteint 245 700 hommes en 1846, ne comptait plus, il est vrai, au moment de la signature du Protectorat français, en 1881, que 1 725 soldats, l’essentiel des troupes ayant été dissous faute de moyens financiers. Ces soldats de métier, qui avaient reçu une formation militaire moderne, n’ont eu aucune difficulté à intégrer l’Armée d’Afrique que la France allait engager, au cours de la première moitié du XXe siècle, sur divers fronts en Afrique, en Europe et en Asie.

 

C’est en se replongeant dans l’histoire de cette mythique Armée d’Afrique que les auteurs ont pu reconstituer le parcours des conscrits et engagés tunisiens qui, dès la fin du XIXe siècle, ont accepté de combattre sous la bannière de la France, en dépit du reproche qui leur était fait de servir la puissance occupante.

 

Ne pouvant relater l’histoire de toutes les unités dans lesquelles ces soldats ont servi, Deroo et Le Pautremat ont axé leur travail sur le 4e Régiment de tirailleurs tunisiens (RTT), formé en décembre 1884. Constitué essentiellement de soldats tunisiens et de cadres français – ces derniers représentaient entre 20 % et 30 % des effectifs -, il comptait, en 1899, six bataillons de 600 hommes chacun. En octobre 1900, le premier bataillon de marche a été envoyé au Tonkin en réserve du corps expéditionnaire de Chine, avant d’être rapatrié un an plus tard. En 1907-1908, les 2e et 4e bataillons ont été engagés à leur tour dans des opérations au Maroc oriental, le 3e bataillon en Chaouïa (1908), bientôt rejoint par le 4e bataillon. D’octobre 1911 à septembre 1912, six des douze bataillons que comptait alors le 4e RTT ont été engagés au Maroc dans des combats contre des tribus hostiles au protectorat français dans les régions de Chaouïa et de Fez. Dans un message adressé au bey de Tunis, le 22 avril 1911, Eugène Regnault, ministre de France au Maroc, souligne « la valeur, la discipline et le dévouement […] au-dessus de tout éloge » dont faisaient alors preuve les tirailleurs tunisiens.

 

Quelques années plus tard, au début de la Première Guerre mondiale, la France peut mobiliser en Tunisie 62 461 musulmans, contre 9 000 Français de Tunisie, en plus de 24 442 « travailleurs coloniaux », soit au total 86 903 hommes. Engagés pour la première fois le 23 août 1914 à Hanzinelle, en Belgique, ces soldats n’ont pas tardé à découvrir les horreurs de la guerre des tranchées. De Ribemont à Amiens, en passant par le Chemin des Dames, La Pompelle, Artois, le bois de Sabot, Auberive, Verdun, Soissons, la butte du Mesnil, la Dormoise, le plateau de Grateuil et le massif de Marvaux, les faits d’armes des Tunisiens leur ont valu, outre la Croix de guerre, la Médaille militaire et la Légion d’honneur, six citations à l’ordre de l’Armée ainsi qu’une participation au défilé de la victoire le 14 juillet 1919.

 

La valeur du 4e RTT et la tenue de ses éléments au combat en ont fait, indiquent les auteurs, « l’un des régiments les plus décorés de toute l’armée française ». Selon le ministère français de la Guerre, 16 509 de ses membres ont succombé au champ d’honneur (sur un total de morts maghrébins estimé entre 28 000 et 36 000).

 

Après l’Armistice, les bataillons tunisiens n’ont pas manqué d’être déployés dans d’autres théâtres d’opérations, au Maroc, dans le Sud tunisien, en Orient, à Constantinople, dans les Dardanelles, en Syrie, où ils ont aidé à mater la révolte du Djebel druze en 1925-1926.

 

Le loyalisme des tirailleurs tunisiens, leur discipline et leur ardeur au combat ont trouvé, lors de la Seconde Guerre mondiale (1939-1945), une nouvelle occasion pour se manifester. Équipés de matériel de fortune et dépourvus d’une véritable intendance, ces vaillants soldats se sont néanmoins admirablement battus aux côtés des Français, Américains et Britanniques. Et d’abord, dans leur pays, où ils ont aidé à arrêter l’avance de la redoutable Afrikakorps allemande.

 

Pendant la campagne d’Italie, le 4e RTT, débarqué à Naples entre le 26 et le 29 décembre 1943, a combattu intensément dans la région de Monte Cassino, réussi à franchir la ligne Gustav et à s’emparer du Belvédère. Durant ces combats, qui ont duré du 25 janvier au 23 février 1944, le bilan de la 4e RTT fut lourd : 207 morts, 75 disparus, 1 090 blessés. La moitié des effectifs du régiment et les trois quarts de ses cadres ont été tués ou blessés. Cela ne l’a pas empêché de participer à toutes les autres campagnes décisives contre les forces allemandes. On a ainsi vu les Tunisiens à Hyères, dans l’île de Porquerolles, dans la presqu’île de Giens, devant Toulon et Marseille, puis dans les Vosges jusqu’en Allemagne, en passant par l’Alsace. Entre 1939 et 1945, sur les 26 000 Tunisiens qui ont pris part aux combats, 1 700 ont été tués et 450 ont disparu.

 

Aussitôt la guerre finie, la France a fait de nouveau appel aux « troupes indigènes » pour rétablir sa souveraineté en Indochine. Le 4e RTT a donc dû être reconstitué dès le 1er février 1949. Les tirailleurs du 2e et 3e bataillon, appelé « bataillon du Belvédère », ont été engagés au Cambodge, puis au Sud-Vietnam. L’expédition a duré de 1949 à 1955. Au retour des tirailleurs dans leur pays, celui-ci était sur le point d’accéder à l’indépendance, qui fut proclamée le 20 mars 1956. Aguerris et expérimentés, ces derniers n’eurent aucune difficulté à intégrer la naissante armée nationale, aux côtés, notamment, des effectifs de la garde beylicale et des anciens fellaghas.

 

Dans son journal de guerre, Ahmed Farhati, soldat du 4e RTT, a noté à la date du 25 août 1944 : « Paris est libre. Nous les Tunisiens, Marocains, Algériens et Sénégalais pouvons être fiers de nous : nous nous sommes battus pour la France comme si elle était notre Patrie. J’espère que lorsque je rentrerai, enfin si je rentre en Tunisie, nous pourrons être considérés par les Français comme des frères et non comme des colonisés. »

 

Il n’en sera rien, et la France ne tiendra pas ses promesses en matière d’accès au travail et à la citoyenneté. Pis, au lendemain des indépendances, elle gèlera les pensions des anciens combattants « indigènes » aux taux où elles étaient à la date de l’indépendance de leur pays, alors que celles de leurs camarades français étaient indexées sur le coût de la vie français. Ajoutée aux anciennes inégalités en matière de soldes et d’avancement – les soldats « indigènes » ne pouvaient aller au-delà du grade de lieutenant, sauf à être naturalisés, et ils l’étaient exceptionnellement -, cette injustice a certes été reconnue par la suite et les pensions réévaluées, mais elle a laissé une profonde blessure chez ces « héros » auxquels est rendu aujourd’hui un hommage bien tardif.

 

(Source : JA/L’Intelligent N°2353 du 12 au 18 février 2006 )

 

New book by houcine mhamdi

Assoiffe Arab morals and financial of a team…model Tunisia

 

February 2006

 

Letter of cry emanating from a liberal beaten, terrorized and controlled of end in end to have put a book which supports has to be to it individual to know well logics, mentalities, morals, and lies of a rotted junta which is with the capacity since decades in Tunisia (I chose a moderate country? that to say others?)

.

 The book is written containing documentations published officially by the mode, all its men and who touch all the policies and our allies especially Jewish and American… Addressees to..

          President George W bush

           – President of the Swiss confederation

           – Ministers of Etrangeres, of the USA, Switzerland and Of israel – —

          -Men of morals, responsibility and conviction.

           – Men of freedom, democracy who fight for a better world and who devote their times, fathers and mental faculties has peace, has moderation and with progress.

           – Businessmen which want to finance a work only conceived to fight the fanaticism and all kinds of industries of terrorism.

           – Any person living in Israel and Palestine which knew the death of a close relation, child, brother, father, mother.. which saw the cast blood of the thousands of times

          .

           Deliver political TitreAssoiffe Arab morals and financial of a team… model of Tunisia

           

           Author Houcine mhamdi.

          .

           Lawyer the formation.prives ones since August 2003 of the free job and contact

           

          Assumes the following responsibilities have the interior of the party to the capacity and with the ministry for the interior of 1987 August 2003 has.

           Secretary general assistant of the coordinating committee of Ben arous

           Chief of unit to the permanent secretariat charges of the mobilization and of the structures the central direction of the party to the capacity has.

           Secretary general of the coordinating committee of Ben arous.

           chief of department has the central direction of the party to the capacity charges of the relationships to associations and the organisations.

          .Period has which al party with the capacity did not know any problem with the emanating reduction of the party (1) and one presence with in lawyers democratically (2)and thus in all the organizations and associations.

          This success cost me dear ainsi for the secretary-general of the RCD.

           Delegue.for two years.

           After this success on the level of the management of the files of the humans right especially, I was cold with the ministry for the interior? civil company with the ministry for the interior?

           I left in August 2003 to announce my color openly and to prepare for the elections of October 2004 and those de2009.

           Contained book Like the Tunisian political economist Aziz Krichen writes it:  » Any authority not coming from him, in the executive, at the Parliament, in the political community, justice, the press, the administration, the trade unions… All the wheels were purged, so that the President of the Republic Zine El Abidine Ben Ali is literally surrounded today by nothing of men and institutions. The massive decantation of the residues of sediments of the political marshes seriously polluted the environment of the Tunisian company vis-a-vis to the implication of many components justifying the drifts and the violations of any kind by the exclusion of the vectors of honesty, the integrity, confidence and the transparency. The current is so erosive that it cut down its his to complicate more still any action of later cleansing

          .

           In this context, me which were high responsible R.C.D.iste, and which decided to leave anonymity to raise the tone in order to expose the fictions and lies of the indecent practices of the leading class which always used of the lucrative commercials of the mercenaries of the pens and the officnes propagandists to prolong the duration of the disaster overpowering a whole country and a whole people under the official criminal theories of fight against the proliferation of international terrorism. An office plurality of disappointments lined up in my spirit to make of my person a rebel large gauge with Zine El Abdine Ben Ali and its gangster band. a witness of the interior of limps is increasingly more awkward than an amazed spectator.

           The author very badly included/understood the professional instructions and did not accept that honesty and the integrity are never factors of clerk’ss office to the mode of the police dictatorship.

           It divides, nevertheless, its suffering, its pain and its determination with its ultimate hope with the true democratic change and the respect of the humans right with many of its compatriots destroyed temporarily by the terrorism of state of the hooliganism of the Palate of Carthage.

          Because, with the fact, the history always let know with the dictators and the emperors that one could never overcome the will of the people to freedom and self-determination in the respect and dignity.

           The author deplores with the Tunisian mode the centralization of the capacities and the transformation of the institutions into apparatuses of unconditional constraint for the prolongation of the life of oligarchy.

           Lies, drifts and violations of any kind made the nostalgic ones with the pyramid capacity of the long arms of tender and subcontracting of the banditism of state where the respect of the law and the safeguarding of the public property always were missing for the slave system of people stressed by the terror of the hooliganism which was established with the Palate of Carthage in order to convey the muscular schizophrenia of acculturés.

           Mr. Houcine Mhamdi has just left anonymity by a popular publication of elite from a book diagnosis defying the standards the tradition dumbness the high R.C.D.istes persons in charge having left their stations to the capacity following professional constraints putting in danger the forecast for the future of the climbing go-getters at the wheels of the capacity: Chalaco.

           If it had enormous reserves on the absence of descalings on the level of the enclosure of the pyramid of the police authority which compresses freedoms and sequesters the political life in Tunisia, it keeps in its bottom the disappointment of the absence of descaling of teeth, spirit and heart on the level of the opposition and the defenders of the humans right in his country.

           Moreover, it does not manage there to be made there graft to exploit its exceptional knowledge and its new ideas.

           Houcine Mhamdi trails too much much on the Tunisian opposition and the defenders of the humans’ right of his country better than they do not know on them same.

           To discuss and collaborate with this ex-haut responsible for the ministry for the interior and the Pati-State, it would be necessary to make fall the masks from hypocrisy and the double language.

           It does not have anything has to hide but it knows what it is necessary. The first get of this book, published recently on the columns of Tunis news, vehicle a descriptive message of a scandalous sociopolitic situation which trails a whole country and a whole people towards the irreversible decline with the eyes of foreign accomplices and an emotional political opposition and affectionate which blocks the initiative of the rational blossoming of a true democratic change.

           The ambiguity of this transfer of confidence between a rather important fringe politicized citizens and the Tunisian opposition resides at the lack of sincerity of the militancy of the intervening parts.

           The fiction of the slogans and the incompatible synthetic coalitions of groups of opposition, vectors of opposition and of revolted with the hearth of national gangrene always underestimated the intelligence of the Tunisian people which gave up his participation in the political life, except with the lucrative mobilization needy and of the profiteurs.

                The Writer revealed, of his residence in Tunis, with much of undeniable courage and challenge, the taboo of the suffocating mechanisms remained misunderstood in the practices of a gangster state.

          The publication, of this book introduction to the responsibilities for the true sleeping partners of the financial and criminal scandals with mobilizing political vocation with the profit of the oligarchy of the police dictatorship makes feel guilty well defined heads with the capacity. But, with the fact, which is it? From which does it come? Who pushes it to act thus? What a are its means! ! ! ?

           Does it seek to extirpate an increased generosity of the supreme authority to buy its silence? Is it with the mounting of an innocence of an unspecified culpability by such an escape forwards?

           Does it adopt the principle of « If you speak, I will denounce you with my next publication »? …

           Its rich intrinsic potentialities of distinguished modern political ideas frighten at the same time with the capacity and the political opposition recognized and not recognized by its capacity of steady speaker and his high morals qualities.

           Moreover, it really suffered to restore its book of two persons in charge for parties from opposition recognized which, perhaps, already gave, before the publication for Tunis news, a copy of this manuscript to the police authority to clear itself of any later responsibility. One of them took the trouble to furnish its weekly newspaper by accounts with this book, of course as a figurehead.

           This information coincides, in time, with the installation of a greengrocer in the vicinity bordering on its residence and the opening on a Public call box opposite its door entry…. Funny of curiosity of indicators and militia! ! ! ?

           Houcine Mhamdi fears neither with its safety, nor with that of its family. Its passage to the head of the coordinating committee of the R.C.D in feverish industrial suburbs was useful to him of an important professional experiment in the gestation of the persons in charge for the pyramid of the police state.

           Ben Arous is the principal electrifying core of the blossoming of the Movement of the Islamist Tendency « Nahdha » in Tunisia.

           Ben Arous is the privileged cradle of the rural migration and the unemployment of the young people and the adults, the graduates and nonthe graduates

          . Ben Arous is the principal urban centre of coordination and attraction of the adventurers to the clandestine emigration.

           Ben Arous is the most place of racial segregation, of social and regional discrimination of the slave system of the individuals.

           Ben Arous is the principal hearth of narco-traffic to the eyes of police complicity and milician RCDiste. Of the relative of the current President of the Republic are never innocent there with this fatal trade.

           Ben Arous is the headquarters staff of the political plots. Ben Arous is the hinged plate of the international networks of unpunished money bleachings between two banks of the Mediterranean.

           Ben Arous is the gangster preliminary stage with the land transactions of illegal enrichment of the persons in charge for the police state.

           With the administrative territorial districts of Ben Arous are the family residence of Rached Ghannouchi, Tunisian Islamist Leader in exile, and the residence parental of President Zine El Abidine Ben Ali and lately of the salafists and others…

          . In Ben arous, all is known but nothing is said. Houcine Mhamdi put black on white and started to publish its new information in a manner far away from slandering and insults.

           It is a courageous report of a cluster of inaccuracies and irregularities of under the counter payments which were put as a public in spite of the censures and prohibitions at the freedom of ____expression and opinion in Tunisia.

           Why address this cry precisely has its men and not with Arabic or has the Tunisian opposition?

           1-these men are elected democratically and are liberal tendencies.

           2 it book east intends has them so that they can better include/understand the Arab modes places from there and deduce Thereafter the fundamental causes from the industry of terrorism.

           3-after the success of Hamas it is the good moment that the citizen and the voters of the State of Israel know Via a documentation published by an Arab mode what are in the heads and the mediae and thus to vote And define the future.

           From here the book is very interesting for the Jews of the world and not only of israel. With regard to Arabic and the known as Tunisian opposition 1 them Arab to see  the chains of televisions installed in Europe even, the newspapers has the image of el hayat, el quods,asharqalawsat…..all  the people works for the dictateurs.

          here the feathers crush the liberals and men of freedom. Known as Tunisian opposition A interior that outside does not want that one writes the least word on the Jews and American in a manner express?

           Then personally I know who do what or, how and by which biais? lucratif or different? On made and the impossible one is made so that the book is not printed.

           This has two mobiles.

           The first mobile the ideas which are in the book which is courageous, objective and containing official documents.

          The second mobile it is that I must remain in anonymity has the international scale on the one hand and not to have especially money.

           What is ashamed here it is that our opposition works by, with and in the same syndrome of the mode? To this end I ask of the assistance to make known the ideas and to put this book in front of each person and man of peace as long as it is possible. knowing although the ideas do not have nationality.

           Houcine_mhamdi@yahoo

 

15/02/2006

 

Tel number : 0021671313589 and 0021698593848


Des idées et des hommes

LA DEMOCRATIE OTAGE DE LA THEOCRATIE

 

Par Mezri Haddad (*)

 

Comme je l’ai toujours écrit, dans la presse nationale ou internationale, chaque fois qu’il y a des élections « démocratiques » dans certains pays islamiques qui jouent imprudemment avec le feu islamiste, c’est l’intégrisme qui triomphera. Ce n’est pas une vision de Cassandre mais une déduction rationnelle des événements qui se succèdent, se précipitent et qui, si ces pays n’y prennent pas garde, risquent de se faire broyer.

 

La marche progressive de l’islamisme vers le pouvoir ou, selon les circonstances, son irruption brutale, serait inéluctable, à moins que les pays arabes concernés et les pays européens tout aussi concernés qu’eux ne se mettent d’accord sur une stratégie commune pour éteindre ce feu dévastateur sur lequel les néoconservateurs américains soufflent après l’avoir rallumé.

 

L’Iran, la Turquie, l’Irak, l’Egypte, le Pakistan, le Maroc, la Jordanie, l’Arabie Saoudite, le Koweit et maintenant la Palestine, sont autant de signes qui confirment, dans toutes élections locales ou nationales, la montée en puissance des mouvements islamistes. Le phénomène n’est pas récent mais constant et graduel. Il a cependant reçu un coup d’accélération dû à la conjonction de deux facteurs a priori antagoniques : le messianisme islamiste et le messianisme démocratique déclenché par les néoconservateurs une année après les événements traumatiques du 11 septembre 2001. Mais le succès de l’islamisme ne se réduit pas aux effets secondaires -à moins que ce ne soit les effets volontairement recherchés- de la politique américaine. Il ne s’explique pas non plus par les méfaits de l’autoritarisme et de la corruption dans certains pays arabes, comme le suggèrent certains analystes occidentaux en recourant à la théorie passe partout du vote sanction. Comme si la corruption était une particularité arabe, ou que le vote sanction pouvait expliquer la chose et son contraire.

 

L’apothéose des islamistes palestiniens s’explique surtout par des causes philosophiques et historiques beaucoup plus profondes, au premier rang desquelles la nature même du système démocratique et l’essence même de l’idéologie islamiste. Autrement dit, la vulnérabilité consubstantielle à la démocratie et la puissance extrinsèque de l’islamisme. C’est la conjugaison de ces deux facteurs inhérents qui induit ce genre de situation paradoxale où la démocratie devient l’esclave bien docile de la théocratie.  

 

 

On a beau la sanctifier, la sacraliser, la démocratie ne reste pas moins le régime politique le plus fragile et le plus vulnérable, puisque le plus sensible à la démagogie et le plus perméable au virus de l’absolutisme. Comme l’étymologie grecque l’atteste, les relations entre démocratie et démagogie sont congénitales.  De Platon à Arendt, en passant par Rousseau et même Tocqueville, tous les grands philosophes ont mentionné cette aporie originelle. L’exemple le plus sinistrement célèbre est celui d’un Hitler démocratiquement élu en 1933 avec 88% des voix. Le succès du Hamas procède de la même logique et s’explique par la même faille ontologique. «Seule la démocratie peut accomplir le miracle de faire passer un âne pour un cheval par le biais du vote majoritaire», ironisait Socrate. Le moins qu’on puisse dire au sujet des élections palestiniennes, comme d’ailleurs des élections qui ont hissé Jean-Marie Le Pen au second tour des présidentielles, c’est que « la volonté générale est toujours droite, mais le jugement qui la guide n’est pas toujours éclairé » (Rousseau). D’où ce passage troublant du Contrat social : « S’il y avait un peuple de dieux, ils se gouvernerait démocratiquement. Un gouvernement si parfait ne convient pas à des hommes » !

 

Si la démocratie est un édifice bien fragile dans les pays les plus profondément démocratiques, les plus avancés économiquement et les plus sécularisés culturellement, que dire alors des pays aux économies sinistrées et dont les sociétés vivent encore sous l’emprise de la religion en attendant d’en subir le joug théocratique ? C’est de cette réalité sociale et culturelle que l’idéologie islamiste tire sa force, ce que nous avons appelé plus haut « la puissance extrinsèque de l’islamisme ». Autrement dit, c’est une puissance par procuration, ou plus exactement par usurpation. L’usurpation de l’islam, qui préfigure et prépare l’usurpation du pouvoir par la violence et/ou par les voies démocratiques. On répète souvent en France et ailleurs que l’islamisme se nourrit de la misère économique et de l’exclusion politique. Peut-être, mais sa source fondamentale et intarissable, reste cette culture holistique, hégémonique et archaïque, dont il n’est pas responsable même s’il en profite, et qui consiste à mélanger Allah à toutes les sauces en conférant au Coran des pouvoirs magiques et des vertus curatives illimitées. Il suffit aux musulmans de l’ouvrir pour trouver les remèdes à tous leurs maux. Il suffirait de revenir aux « Sources », de suivre l’enseignement du prophète pour que le monde de l’islam retrouve son âge d’or perdu.

 

C’est à partir de ce genre de mythes, majoritairement partagés par les musulmans, que les islamistes ont constitué leur idéologie messianiste. « Mouhammad est notre guide, le Coran est notre constitution », assènent les Frères musulmans depuis 1928. Dans une compétition démocratique, aucun discours politique, si humaniste, si progressiste et si émancipateur soit-il ne peut rivaliser avec ce genre de rhétorique éculée mais extrêmement mobilisatrice. C’est sur le fumier de l’ignorance que prospère l’islamisme. Pour celui-ci, la démocratie n’est point un système global de valeurs universelles et immuables. C’est un instrument, un moyen conjoncturel au service d’une fin conjecturée : l’instauration d’une théocratie moyenâgeuse. Dès lors, la question n’est pas de savoir si l’islamisme, cette « religion séculière » pour emprunter cette _expression à Raymond Aron, est soluble dans la démocratie, ni si l’islam est compatible avec la laïcité. La question est de savoir si dans le cas des sociétés profondément hétéronomiques et complètement envoûtées par les zélotes du fondamentalisme religieux la démocratie est un vaccin vivifiant ou un poison mortel. Lorsqu’on est mature pour l’islamisme, on ne peut pas être mûr pour la démocratie.         

 

La victoire écrasante du Hamas sur le Fatah n’est donc ni une surprise ni une exception. Dans l’état actuel du monde arabo-musulman, elle est dans l’ordre naturel des choses. Un précédent existe : les élections législatives algériennes de janvier 1992 qui ont consacré le triomphe du FIS face au FLN et aux autres partis de l’opposition laïque. A l’époque, les opinions -en Algérie comme en France- étaient partagées. Pour les uns, au nom de la sacro-sainte démocratie, il ne faut pas infirmer ce que la volonté générale a souverainement décidé. Pour les autres, il n’est pas question de se soumettre aux caprices des urnes ; pas de liberté aux ennemis de la liberté. On sait par quelle tragédie a été suivie cette situation kafkaïenne : annulation des élections, appel au sauveur suprême, Mohamed Boudiaf, pour l’assassiner ensuite, guerre civile qui a fait près de 200000 morts, des dizaines de milliers d’exilés…Et, nonobstant le remarquable volontarisme de Bouteflika, l’Algérie n’a pas fini de payer le prix de cette grande Fitna qui a gravement compromis son essor social et économique.

 

 Même si la tension est grande entre fractions rivales, ce scénario ne risque pas de se reproduire dans cet « Etat » palestinien virtuel, désormais dirigé par le Hamas. Précisément parce que les islamistes, autant que les démocraties occidentales, ont retenu la leçon algérienne. Pour les occidentaux et les Israéliens, mieux vaut déposer des bulletins dans les urnes que poser des bombes dans les rues de Tel Aviv…de New York, Londres, Paris ou Madrid. Lorsque les urnes parlent, les armes doivent pouvoir se taire. C’est à voir ! Moyennant quelques gestes symboliques forts -comme la reconnaissance d’Israël, le renoncement au terrorisme, l’acceptation de la feuille de route- les dirigeants du Hamas ne seront plus diabolisés mais encensés pour leur « pragmatisme » et leur « sagesse politique ».           

 

Pour le Hamas, que les Américains ont inscrit sur la liste des organisations terroristes et que les Européens reconnaissent comme tel, la realpolitik va bientôt se substituer à la rhétorique intégriste. En maniant non sans virtuosité le double langage, l’un en direction de l’« entité sioniste » et du « Grand Satan » américain -désormais partenaires respectables puisque incontournables-, l’autre pour la consommation boulimique de l’opinion publique palestinienne et de façon générale arabe, qui consiste à entretenir la fiction jadis nassérienne de débarrasser la Palestine des Juifs et d’y instaurer un Etat conforme aux injonctions coraniques. Et cette métabolisation de l’intégriste intégral en intégriste intégré ne sera pas expérimentale. Elle s’est déjà produite en Iran (fervent appuis du Hamas) et en Turquie où le parti islamiste AKP gouverne. Comme elle se déroule actuellement en Egypte, où les Frères musulmans jouent les démocrates en attendant de partir à l’assaut d’un pouvoir dont Nasser, Sadate et Moubarak les ont privé. En matière de pragmatisme ou de takiyya, les islamistes palestiniens ont de qui s’inspirer. Mais il vont devoir surpasser leurs frères en doctrines -qui les ont précédé au pouvoir, en Iran notamment- tant le moment est décisif et les enjeux capitaux pour l’ensemble des mouvements islamistes dans le monde. Ils doivent davantage séduire et prouver à l’Occident qu’il n’a rien à craindre de l’islamisme à condition de le laisser gouverner. Les intérêts de l’Occident seront préservés autant sinon plus qu’avec les régimes actuels. A nous la Charia, à vous le pétrole. Chacun sa divinité !

 

Cette tentation occidentale de laisser les intégristes gouverner chez eux pour qu’ils nous foutent la paix chez nous, est lourde de sens et de conséquences. Outre le racisme feutré qu’elle recèle, cette tentation ne traduit pas seulement le cynisme machiavélique de ces faux apôtres de la démocratie, mais aussi cette espèce d’essentialisme qui a si profondément marqué l’orientalisme et qu’Edward Saïd avait magistralement dénoncé. Qu’on lise bien ce que vient d’écrire Renaud Girard dans un grand quotidien français : « Il serait vain pour les Occidentaux de tenter de briser aujourd’hui cette vague de fond. Il importe désormais de laisser les sociétés du monde arabo-musulman tenter librement leurs expériences du gouvernement de Dieu, chez elles. Quant à nous, continuons sans complexe à exiger, chez nous, l’intégralité de la démocratie des hommes » (Le Figaro du 31 janvier 2006).   

 

Par amnésie ou refoulement, certains analystes oublient qu’entre le Hamas et le Fatah, entre islamistes et nationalistes, entre « résistants » et « collabos », la partie était vraiment inégale. Privés de leur chef charismatique, Yasser Arafat, n’ayant pratiquement rien obtenu, depuis les accords d’Oslo, de leurs partenaires israéliens qui ont tout tenté pour les discréditer et tout fait pour aider le Hamas, les responsables de Fatah ne pouvaient pas gagner ces élections. Outre le capital sympathie dont ils profitent à la suite du gros maillage social qu’ils ont pu tisser les islamistes palestiniens bénéficient de la « légitimité coranique » et de la « légitimité martyrologique ». Le crime a payé. Les nombreuses actions terroristes contre les civils israéliens n’ont pas été vaines. Et c’est la leçon que ne manqueront pas de retenir les activistes du Fatah !

 

En attendant, l’Internationale islamiste peut savourer sa énième victoire. « Ce succès est un cadeau de Dieu », a lâché Khalil Abou Leila, l’un des théoriciens de Hamas. Il aurait pu avoir l’honnêteté de dire « un cadeau de Dieu et de Georges Bush ». Comment favoriser l’émergence de régimes démocratiques dans le monde arabe sans le faire basculer dans l’univers cauchemardesque du totalitarisme islamiste ? Tel est le grand dilemme de l’administration américaine. A moins que l’accès des islamistes au pouvoir soit le véritable but stratégique que les néoconservateurs se sont fixé ! En termes plus clairs, que le projet néowilsonien de « Grand Moyen Orient » soit in fine un Commonwealth rassemblé sous la bannière de l’islamisme et uni par une commune allégeance à l’empire américain.

 

N’en déplaise aux « démagocrates » et aux «philo-intégristes», la métastase du fondamentaliste islamiste par fondamentalisme démocratique interposé, n’est  point une fatalité ni un horizon indépassable. Comme je l’ai écrit, il y a près d’une année, dans une tribune intitulée « Discours américain et méthode tunisienne » (Le Figaro du 28 mars 2004), une troisième voie existe : celle précisément de la Tunisie. Cette voie  magistrale et réaliste porte un nom : le réformisme patriotique. Elle exprime une méthode : le gradualisme démocratique. Elle désigne une figure emblématique : Zine El Abidine Ben Ali. En effet, nul autre dirigeant arabe n’a autant fait que le président Ben Ali pour  ancrer dans les mentalités et dans la réalité sociale, économique et politique, l’esprit démocratique. Contre vents et marées, nul autre que lui n’a autant agi pour que la liberté de chacun ne compromette pas la sécurité de tous, et que la démocratie profite aux démocrates, jamais aux théocrates.

 

 Mieux vaut tard que jamais, le monde arabe autant que le monde occidental devrait méditer l’expérience paradigmatique tunisienne. Comme l’a si justement et si courageusement écrit Alexandre Adler, dans un article au titre bien évocateur -Le réveil de la démocratie andalouse-, « C’est en effet la Tunisie qui, seule, présente aujourd’hui dans la région un modèle de société civile véritablement prédémocratique » (Le Figaro du 23 mars 2005). Si une partie du monde occidental semble avoir déjà fait son choix, il appartient encore au monde arabe de faire le sien. Celui-ci ne doit jamais se faire entre « islamisme modéré » et « islamisme extrémiste » -cette distinction relève de l’imposture-, mais entre intégrisme et laïcité, entre les réactionnaires et les progressistes…entre la « démocratie théocratique » et la « démocratie andalouse ».   

 

(*) Philosophe et penseur politique. Auteurs de plusieurs essais philosophiques et politiques, notamment Non Delenda Carthago. Carthage ne sera pas détruite, éd. Du Rocher, Paris, 2002. Dernier ouvrage paru (coauteur), La République brûle-t-elle ? Essai sur les violences urbaines françaises, éd. Michalon, Paris, 2006.

 

(Source : « Le Temps » (Tunisie) du 2 février 2006)

 

Intox et liberté

 

par PAR MOHAMED TALBI (*)

 

Depuis que le Concile de 680 a jeté l’anathème sur l’islam, l’image de Mohammed dans la conscience chrétienne reste inchangée. Elle nous est rappelée, de temps à autre, par de très sérieux théologiens. Elle est celle de l’Antéchrist, d’un luxurieux dépravé sexuel et d’un assassin. Le terme terroriste n’existait pas encore pour le désigner, mais il fut introduit dans l’actuel Catéchisme de l’Église catholique (§ 2297), avec une allusion à peine voilée à l’islam.

 

Donc, à ce débauché terroriste, l’Esprit malin apparut un jour sous la forme d’un vautour et le persuada de se faire prophète. Il inventa un Coran sensuel pour des Bédouins incultes. Il fit miroiter à leurs yeux un paradis plein de belles houris et de jeunes éphèbes, dont lui-même usait et abusait sans répit. Pour certains, ses fidèles le tuèrent en l’attachant à la queue d’une chamelle ivre. D’autres le font mourir de mort naturelle. Pressentant sa mort, il prédit qu’il ressuscitera le troisième jour. Les siens veillèrent son cadavre, mais, ne voyant pas le miracle venir, ils l’abandonnèrent. Des chiens, ou des cochons, vinrent le dévorer. On enterra ce qui en restait, et on décréta que chaque année, pour commémorer sa mort, on ferait un grand massacre de chiens.

 

La liberté d’_expression, et la créativité romancière et artistique, commencèrent ainsi très tôt. Les modernes peuvent trouver dans ces thèmes de quoi produire des chefs-d’œuvre littéraires, et de quoi nourrir tous les fantasmes esthétiquement créateurs. Messieurs les caricaturistes, à vos pinceaux ! Quant à vous, frères musulmans, ne soyez pas stupides. Je vous supplie, ne donnez pas dans le panneau. Laissez les caricaturistes caricaturer en paix, sans vous émouvoir outre mesure, comme nous l’avons fait tout le long de notre histoire. La culture occidentale de l’image caricaturale, enracinée dans le christianisme paulinien, qu’elle s’applique à Jésus ou à Mohammed – bénédiction et salut sur les deux ! -, n’est pas la nôtre. Restons dignes. Restons fidèles à nos traditions.

 

Ce qui importe n’est pas la caricature en elle-même. Placée dans son contexte, elle est banale. Ce qui importe, c’est ce qui se profile derrière, et cela ressort avec une nette évidence de l’émission Envoyé spécial (France 2, jeudi 2 février, 20 h 50). Tout tient en deux mots : l’islam terrorise et avilit les femmes. Images d’archives à l’appui, ce fut le procès en règle de l’islam qui tue les journalistes, les cinéastes et autres artistes. L’islam avilit les femmes, image de la smala de Mohammed en illustration.

 

On nous présenta donc une femme noire qui, pour échapper à l’avilissement de l’islam, se fit chrétienne. Elle nous fut présentée avec une théâtrale solennité, entourée d’une imposante garde du corps très sélecte, car, nous dit-on, elle est, à l’intérieur même du studio, en péril de mort. Elle marmonna, l’air plutôt penaud, sa leçon. Conclusion : horrible islam qui poursuit ses victimes féminines jusque dans le studio le mieux gardé.

 

Quel message veut-on faire passer ? Il s’agit, par le cynisme de l’intox, de complexer les musulmans, de les dégoûter de leur religion, et de rendre cette religion dégoûtante et répugnante pour l’immense public auquel s’adresse l’émission : sœurs musulmanes, avilies par Mohammed, devenez chrétiennes ! Vite, vite, n’attendez pas !

 

La liberté d’_expression est dans le Coran. Nous vénérons et nous respectons Moïse, Jésus et tous les prophètes, comme nous le commande le Coran (2 : 285), et nous n’avons jamais souillé aucun d’entre eux. Nicolas Sarkozy, invité à donner son opinion, affirme qu’il préfère les excès de la liberté à ceux de la censure. J’ai plus d’une raison d’être en plein accord avec lui.

 

Je voudrais décomplexer dans tous les sens les uns et les autres, désintoxiquer par la parole libératrice, pour que les relations humaines, entre individus et communautés, s’établissent sur des bases saines et égalitaires, sans mépris sous-jacent, à l’intérieur et à l’extérieur de toutes les frontières nationales et internationales. La paix, vraie, dans la justice et l’égalité, est à ce prix. Autrement, surtout en Europe, il faudrait se préparer à des expulsions massives, dont certains rêvent, sans aucun doute, sous le manteau, et font tout pour accélérer l’arrivée de ce jour béni, comme ce fut le cas en Espagne médiévale, et comme ça a failli être le cas en ex-Yougoslavie.

 

st notre vraie tradition, qui ne peut être ternie par des dévoyés, qui, comme tous les dévoyés, relèvent de la justice de droit commun, lorsqu’ils passent à la violence, quels qu’en soient les prétextes. Mais je pose cette question au ministre de l’Intérieur : doit-on admettre, au nom de la liberté d’_expression, que l’on dessine la caricature de Mohammed sur les tombes musulmanes, comme la croix gammée sur les tombes juives ?

 

(*) Historien et penseur musulman, Tunis, Tunisie

 

(Source : JA/L’Intelligent N°2353 du 12 au 18 février 2006 )

 

Mahmoud Darwich :

« Arabes et musulmans ont le sentiment d’être poussés hors de l’Histoire »

 

Propos recueillis par Sylvain Cypel

 

La poussée du Hamas en Palestine s’inscrit-elle dans un environnement général qui voit les islamistes progresser dans l’espace arabo-musulman ?

 

C’est une évidence : la Palestine ne peut être une île dans un océan de progression de l’islam politique. S’il y avait des élections libres dans le monde arabo-musulman, les islamistes l’emporteraient partout, c’est aussi simple que cela ! C’est un monde qui vit profondément dans le sentiment de l’injustice, dont il rend responsable l’Occident. Lequel répond par une forme d' »intégrisme » impérial qui renforce le sentiment d’injustice. Dans cet espace, on a affaire à des identités blessées.

 

Quelle est la nature de cette blessure ?

 

Arabes et musulmans, confrontés à un « despotisme universel » américain et à des despotes locaux, ne savent plus où ils se situent. De plus, la richesse s’étale sur tous les écrans, qu’ils comparent à leur misère. Ils ont le sentiment d’être poussés hors de l’Histoire. Résultat : ils se rétractent sur leurs constantes historiques — une attitude par définition passéiste. Ces blessures se gangrènent. Or les repères sont perdus. Nationalisme et tiers-mondisme, socialisme et communisme ont tous failli. Il ne reste pas même la prééminence du droit, puisque dans leur zone le droit international n’a pas cours. Israël s’y soustrait depuis si longtemps sans que rien ne se passe.

 

Ils pourraient choisir la démocratie…

 

Je n’ai pas de réponse évidente à ce déficit. Les gens ont peut-être besoin de solutions simples à leur désarroi, que la religion apporte. Or la démocratie n’est pas simple, elle induit le pluralisme, la complexité. Je crois que, malheureusement, aucun pays arabe n’échappera à l’expérience islamiste. Le monde arabe n’est plus celui des années 1950-1960. L’Amérique non plus. Là-bas aussi, de plus en plus de gens se tournent vers les réponses inadéquates de la religion. Le manichéisme de la pensée s’accompagne d’une islamophobie qui suscite des réactions très violentes dans le monde musulman.

 

A ce sujet, que pensez-vous de l’affaire des caricatures de Mahomet ?

 

C’est une folie qui m’emplit d’affliction. D’abord, la caricature de Mahomet avec une bombe à la place du turban est insultante. La liberté de la presse doit être défendue, mais pas le droit à l’insulte. On ne peut impunément offenser les croyances des autres. En France, la presse est libre. Mais vous avez des lois qui punissent l’_expression publique du racisme. Dans l’atmosphère internationale étouffante où nous vivons, il faut respecter le refus des musulmans de voir représenter l’image du Prophète. En même temps, le problème est que l’opinion arabe et musulmane ne fait aucune différence entre les peuples, leur diversité et les gouvernements. Elle considère tout « en bloc ». Arguer d’un dessin pour brûler des ambassades est une folie. De part et d’autre, des forces concourent à exacerber le choc des identités. Un jour, cela passera. C’est une période transitoire. En attendant, ces forces dominent.

 

On en a pour longtemps ?

 

Qui sait ? La moitié de l’humanité a cru au socialisme. Qui aurait imaginé que cet « avenir radieux » s’effondre en un jour après soixante-dix ans ? Le monde arabo-musulman aujourd’hui est en pleine expansion islamiste, et le prix qu’il aura à payer pour cette phase historique sera très cher. Partout, déception et colère dominent, les gens régressent. Les islamistes radicaux deviennent de plus en plus dominants. En même temps, je suis effaré de l’ignorance générale en Occident vis-à-vis de l’islam politique. Il y a toutes sortes d’islamistes. Les salafistes et le Hamas, pour prendre un exemple, sont très différents. Le Hamas est d’abord un mouvement nationaliste fondé sur une vision religieuse. Mais l’Occident, lui aussi, tend à ne voir l’islam politique qu’en « bloc ».

 

Maintenant, vous, le poète de la diversité et de la convivialité, vous vous retrouvez avec le Hamas au pouvoir…

 

D’abord, reconnaissons qu’un changement de régime a très démocratiquement eu lieu. Pour les moeurs politiques de la société palestinienne, c’est positif. Cela étant, Israël porte une responsabilité majeure. Il a installé un climat de délégitimation de l’Autorité palestinienne qui a pavé la voie au Hamas. Ajoutée à sa politique, qui rend le quotidien palestinien invivable, l’incurie de l’Autorité a contribué à créer une ambiance délétère. Cela a poussé beaucoup de gens à penser : « Pourquoi ne pas essayer une autre voie ? Ça ne pourra pas être pire. » Le vote Hamas a été plus protestataire qu’uniquement religieux. Maintenant, nous allons devoir vivre avec cette expérience. Mais je ne peux cacher mes inquiétudes. Des dirigeants du Hamas ont déclaré vouloir « remodeler la société sur une base islamique ». Quand on défend une Palestine plurielle et laïque, on ne peut que craindre pour les droits des femmes, pour les jeunes et les libertés individuelles. Sans oublier la composante chrétienne. J’espère que le Hamas composera et respectera la base qui l’a mené au pouvoir, dont, je le répète, les motivations étaient essentiellement protestataires.

 

Comment analysez-vous le regard des gouvernants israéliens sur le Hamas ?

 

Le problème essentiel de l’histoire du sionisme est qu’il a essayé d’éluder la réalité du terrain. Dès le départ, il savait que son slogan « Une terre sans peuple pour un peuple sans terre » était erroné. Il y avait un peuple sur cette terre. Alors il a fait comme s’il n’existait pas ou ne comptait pas. Et ça continue. Des décennies, les Israéliens ont nié l’existence d’un mouvement national palestinien. Ils disaient que l’OLP n’était qu’une « organisation terroriste ». Un jour, ils ont dû la reconnaître. Aujourd’hui, ils disent : « Pas question de négocier avec le Hamas. » Ils finiront par le faire, comme ils l’ont fait avec l’OLP.

 

Qu’est-ce qui pourrait les amener à négocier ?

 

La réalité ! Le soleil, dit-on, est plus puissant que les ailes des corbeaux qui couvrent l’horizon. Récuser le Hamas, c’est nier le résultat d’une élection libre. Cela ne sert à rien. A la fin, la réalité est toujours plus forte que le déni. Quand l’Intifada a éclaté, les Israéliens ont décrété qu’ils n’avaient « pas de partenaire ». Or seul Yasser Arafat pouvait faire admettre au peuple des concessions. Mais ils n’ont eu de cesse de le réduire à rien. Quand Mahmoud Abbas lui a succédé, eux et les Américains lui ont fait des mamours. Mais, politiquement, ils n’ont rien négocié. Ainsi, ils l’ont discrédité à son tour aux yeux de sa population. Ils croient toujours pouvoir mener une politique unilatérale. Résultat : ils ont le Hamas en face d’eux.

 

Dans un premier temps, cela servira de justification à leur unilatéralisme. Mais s’ils cherchent à garder leurs blocs de colonies et à nous accorder « généreusement » quelques bantoustans, cela veut dire qu’ils ne veulent pas la paix. Et cela ne marchera pas. Jusqu’à ce que la réalité s’impose à eux : la seule voie, c’est d’en finir complètement avec l’occupation.

 

Vous croyez que les Israéliens ne veulent pas la paix ?

 

Le problème est qu’ils ne veulent ni d’un Etat binational, ni d’une Palestine indépendante. Quand tous les Etats de la Ligue arabe, en 2002, ont proposé un retrait aux frontières de 1967 en contrepartie d’une reconnaissance générale d’Israël, ils ont fait comme si cette proposition n’existait pas. Aujourd’hui, sur le territoire de la Palestine mandataire, il y a deux réalités : l’une juive israélienne, l’autre arabe palestinienne. Aucune ne peut éradiquer l’autre. La seule solution est que les deux parties reconnaissent cette double réalité. Ensuite, que chacun écrive son histoire comme il l’entend ! L’histoire n’intéresse que les historiens ou les romanciers. Moi, c’est le présent qui m’intéresse. Or il se noie dans la tragédie.

 

La société israélienne n’a pas suffisamment pris la mesure de la concession historique que lui ont faite les Palestiniens, les spoliés. Ni pris conscience de l’importance, pour la victime, de voir son agresseur reconnaître sa part. Les Israéliens ont l’habitude de dire que les Palestiniens « ne ratent jamais l’occasion de rater une occasion ». La réalité est inverse. Après Oslo, ils avaient une occasion exceptionnelle. L’OLP et tout le monde arabe auraient mis fin au conflit s’ils avaient compris que les Palestiniens n’ont rien d’autre à « concéder » que leur reconnaissance, et qu’eux doivent, en contrepartie, se retirer des territoires conquis sans barguigner et admettre l’émergence d’un Etat palestinien. Maintenant, il sera bien moins facile à Israël d’aboutir avec le Hamas. Un riche qui se complaît de la misère de son voisin est un idiot, car il ne se sentira jamais en sécurité. La seule sécurité d’Israël, c’est que son voisin vive décemment et dans la dignité.

 

Vous avez accepté le jeu d’une interview politique. Pourtant, on vous sent réticent à aborder ces questions.

 

Parce que je vis dans la perplexité. Je ne refuse pas de parler de politique, mais je refuse toutes les certitudes dans un présent si agité. Je ne suis pas certain de ma propre vision. La complexité, je l’intègre à mon travail de poète. Tout poète ou même tout écrivain du tiers-monde qui dirait « la société ou la politique ne m’intéressent pas » serait un salaud. Je ne suis pas salaud à ce point. Pour un Palestinien, la politique est existentielle. Mais la poésie est plus rusée, elle permet de circuler entre plusieurs probabilités. Elle est fondée sur la métaphore, la cadence et le souci de voir derrière les apparences. Mais les poètes ne conduisent pas le monde. Et c’est heureux : le désordre qu’ils y introduisent pourrait être pire que celui des politiciens.

 

Qu’y a-t-il derrière les apparences ?

 

La vie, donc les rêves et les illusions. Qui peut vivre sans espoir que le monde ira vers le meilleur, vers le beau ? La poésie ne peut exister sans l’illusion du changement possible. Elle humanise une histoire et un langage commun à tous les humains. Elle transgresse les frontières. Au fond, son seul véritable ennemi, c’est la haine.

 

Dans votre récent ouvrage paru en français, Ne t’excuse pas, vous écrivez : « Je suis ce que je serai demain. » Un vers étonnant venant d’un poète qui récuse l’immuabilité.

 

Au contraire. Le présent nous étouffe et déchire les identités. C’est pourquoi je ne trouverai mon moi véritable que demain, lorsque je pourrai dire et écrire autre chose. L’identité n’est pas un héritage, mais une création. Elle nous crée, et nous la créons constamment. Et nous ne la connaîtrons que demain. Mon identité est plurielle, diverse. Aujourd’hui, je suis absent, demain je serai présent. J’essaie d’élever l’espoir comme on élève un enfant. Pour être ce que je veux, et non ce que l’on veut que je sois.

 

(*) Mahmoud Darwich, 63 ans, est né près de Saint-Jean-d’Acre. Il vit aujourd’hui entre Ramallah et Amman. Figure de la poésie palestinienne, il a notamment publié Au dernier soir sur cette terre, Une mémoire pour l’oubli, Murale et, au mois de janvier, Ne t’excuse pas, tous chez Actes Sud.

 

(Source : « Le Monde » du 12.02.06)


 

L’islam n’est pas violent… à moins que nous le souhaitions

 

Dans un article publié par le quotidien britannique The Independent, Robert Fisk livre une analyse aussi lucide que caustique des postures « laïques » des Européens.

 

Pour les musulmans, le prophète Mohammed est l’homme qui a reçu la parole divine directement de Dieu. Nous considérons, nous, nos prophètes comme des personnages vaguement historiques, en désaccord avec nos droits de l’homme high-tech, presque des caricatures d’eux-mêmes. Le fait est que les musulmans vivent leur religion. Pas nous. Ils ont gardé leur foi à travers d’innombrables vicissitudes historiques. C’est pourquoi nous disons : « l’Occident contre l’islam », et non pas « les chrétiens contre l’islam » – il n’y a plus beaucoup de chrétiens en Europe. Nous ne pouvons pas nous en sortir en battant le rappel de toutes les autres religions du monde tout en demandant pourquoi nous n’aurions pas le droit de nous moquer de Mohammed.

En outre, nous pouvons jouer de notre hypocrisie sur les sentiments religieux. Je me souviens d’un film américain tourné il y a une dizaine d’années intitulé La Dernière Tentation du Christ, où l’on voyait Jésus faire l’amour à une femme. À Paris, on avait incendié une salle de cinéma qui avait programmé le film, provoquant la mort d’un jeune homme. Je me souviens aussi d’une université américaine qui m’avait invité il y a trois ans. J’ai proposé une conférence intitulée : « 11 septembre 2001 : interrogez-vous sur le “qui”, mais pour l’amour de Dieu, pas sur le “pourquoi” .» Quand je suis arrivé, j’ai constaté que l’université avait supprimé l’_expression « pour l’amour de Dieu », parce que, m’a-t-on dit, « nous ne voulons pas heurter certaines sensibilités ». Nous avons donc, nous aussi, des « sensibilités ».

 

Autrement dit, tout en prétendant que les musulmans doivent être de bons laïcs quand il s’agit de la liberté d’_expression – ou de caricatures minables -, nous pouvons également être aux petits soins avec les fidèles de notre chère religion. Je me suis aussi bien amusé des grandes déclarations des dirigeants européens qui affirment qu’ils ne peuvent rien contre la liberté d’_expression ou contre les journaux. C’est parfaitement faux. Si ces caricatures avaient montré un grand rabbin coiffé d’un chapeau en forme de bombe, on aurait hurlé à « l’antisémitisme » – et à juste titre -, de même que nous entendons souvent les Israéliens se plaindre des dessins antisémites de la presse égyptienne.

 

En outre, dans certains pays européens, il est interdit par la loi de nier les actes de génocide. En France, par exemple, il est contraire à la loi de dire que les holocaustes juif ou arménien n’ont pas eu lieu. Il est donc, de fait, interdit de faire certaines déclarations dans certains pays européens. Je ne suis pas sûr que ces lois atteignent leurs objectifs : quelque disposition que vous preniez contre le négationnisme, les antisémites trouveront toujours un moyen de tourner la difficulté. Nous avons du mal à faire taire les négationnistes, et pourtant nous poussons des hauts cris quand des musulmans protestent contre des images provocantes et insultantes du Prophète.

 

Pour beaucoup de musulmans, la réaction « islamique » à cette affaire est embarrassante. Il y a de bonnes raisons de penser qu’ils aimeraient bien que l’on introduise certains éléments de réforme dans leur religion. Si ces caricatures avaient fait avancer la cause de ceux qui veulent que l’on en débatte, personne n’y aurait vu d’objection. Mais elles étaient manifestement une provocation. Elles étaient tellement scandaleuses qu’elles ne pouvaient pas ne pas provoquer une réaction.

 

Or le moment n’est pas le mieux choisi pour ressortir les vieilles sornettes de Samuel Huntington sur le « choc des civilisations ». L’Iran a de nouveau un gouvernement clérical. Il en est de même, tout compte fait, de l’Irak (qui n’était pas censé se retrouver avec un gouvernement clérical démocratiquement élu, mais c’est ce qui arrive quand on renverse les dictateurs). En Égypte, les Frères musulmans ont remporté 20 % des sièges aux récentes législatives. Nous avons aussi, désormais, le Hamas en charge de la « Palestine ». N’y aurait-il pas là un message ? À savoir que la politique américaine – le « changement de régime » au Moyen-Orient – n’atteint pas ses objectifs. Des millions d’électeurs ont préféré l’islam aux régimes corrompus que nous leur imposons. Rajouter les caricatures danoises sur ce brasier est plutôt dangereux.

 

De toute façon, la question n’est pas de savoir si l’on peut donner une image du Prophète. Le Coran n’interdit pas les images du Prophète, même si des millions de musulmans les proscrivent. Le problème est que ces caricatures ont donné de Mohammed une image de violence à la Ben Laden. Elles ont donné de l’islam l’image d’une religion violente. L’islam n’est pas une religion violente. À moins que nous le souhaitions ?

 

(Source : JA/L’Intelligent N°2353 du 12 au 18 février 2006 )


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