Violations continuelles impunies ?
Communiqué : Tunis le 13 Septembre 2008
Appel des femmes de France Pour que la voix de Zakia Dhifaoui et de toutes les autres femmes Ne soit plus jamais étouffée[1]
Tunisie : taux de croissance établi à 6,3% en 2007
«Tunisiens avant d’être Arabes » (repris par Tunisnews du 12 Septembre 2008).
« Choquant »
« J’ai lu avec beaucoup d’intérêt mais aussi d’étonnement le courrier de monsieur Fedi Ayech sur l’identité et la culture tunisienne. Les propos de l’auteur sont très choquants venant de la part d’un Tunisien qui plus est un universitaire. Choquants non tant par leur contenu très contestable d’ailleurs mais parce qu’il émane d’un Tunisien. Que des modèles occidentaux de tolérance (sic) comme Houelbecque, Bernard Lewis, Oriana Fallacci (aujourd’hui décédée), Salman Rushdie, pour ne citer que quelques unes des plumes haineuses, déversent ou déversaient leur venin envers le monde arabo-musulman, cela ne me choque plus. Mais qu’un Tunisien joue à ce petit jeu dans un journal tunisien respectable, cela me choque et m’attriste plus que tout et ce pour diverses raisons. Cela me rappelle une arabo-américaine Wafa Sultan qui est devenue experte dans l’auto- flagellation au grand bonheur de think tanks et médias très suspects qui n’ont pas manqué de récupérer ses propos. Mettre sur le même pied d’égalité des envahisseurs qui méprisaient la population locale avec les conquérants arabes qui ont diffusé le message de l’islam et qui ont propagé la langue du Coran est un grand mensonge. L’auteur oublie que ces conquérants qu’il a qualifiés d’envahisseurs ont créé plusieurs civilisations en Tunisie (à Kairouan, Mahdia Tunis, etc.), en Afrique du Nord (Maroc et Andalousie) ou ailleurs (en Irak, etc.) où le plus souvent ils ont répandu un esprit de justice et d’égalité parmi les populations locales. Et ce contrairement, par exemple, aux derniers envahisseurs (sous le protectorat français) qui ont institué, parmi tant d’autres mesures, le tiers colonial, faveur salariale au profit des français résidents en Tunisie ou des Tunisiens naturalisés français. Inutile de remonter jusqu’aux romains pour relater les exactions qui ont été commises sur cette terre tunisienne par ces envahisseurs. Si la culture arabe a perduré en Tunisie, c’est parce que ces conquérants ont été les seuls à propager un message de justice et à s’être mélangés dés leur arrivée à la population locale. La motivation de leur venue n’était pas liée à un quelconque intérêt économique ou d’asservissement des indigènes. Ils sont venus pour propager leur religion dont la langue véhiculaire est l’arabe. Si le président Bourguiba (que l’auteur qualifie à juste titre de grand personnage) a insisté à l’aube de l’indépendance sur la « tunisienneté » du pays, ce n’était point en contradiction avec le caractère arabe de la Tunisie. Bourguiba a fait inscrire dans la constitution de 1959 que l’islam était la religion du pays et que l’arabe est sa langue officielle. S’il avait prononcé son célèbre « Balach ourouba » (Pas d’Arabité) devant le premier président algérien Ahmed Ben Bella, c’était pour contrer les projets unionistes mal ficelés des pro-Nasser. D’ailleurs, Bourguiba était très impliqué dans les affaires arabes, à commencer par le dossier palestinien, comme en témoigne son discours d’Ariha (Jéricho) en mars 1965. Par ailleurs, l’auteur fait fausse route en imputant nos problèmes quotidiens à cette culture arabe. Les Arabes ne constituent pas un peuple homogène. Il y’a des disparités certaines entre les pays arabes du Golfe, ceux du Moyen Orient et ceux du Maghreb. Il est facile d’imputer tous les maux de la société tunisienne aux chaînes satellitaires. Certaines de ces chaînes présentent des débats démocratiques où la contradiction est aussi présente que sur CNN ou France 2. L’auteur regrette l’époque où les jeunes tunisiens regardaient plus Rai Uno ou France 2. Sans remettre en question la valeur de ces grandes chaînes européennes, je constate que certaines chaînes arabes répondent aux standards internationaux les plus exigeants en matière de contenu (informations, débats, documentaires, etc.). Souvent, ces chaînes contestées emploient des compétences occidentales de grande valeur. Je n’ai jamais vu ces chaînes encourager la corruption, le chaos ou l’hypocrisie, pour reprendre quelques maux cités par l’auteur. Et puis, beaucoup de ces maux sont présents dans les sociétés occidentales tant admirées par l’auteur. Le fait de regarder Rai Uno ou France 2 n’a pas mis fin à la corruption, à la violence verbale ou aux abus en Italie ou en France ! Les vraies raisons des maux de la société tunisienne sont à rechercher ailleurs : démission de la famille, laxisme dans l’application des lois (sur la route, dans les stades, dans les affaires de construction anarchique, etc.), dans le rôle à jouer par le système éducatif qui n’éduque plus, dans nos médias tunisiens (et non satellitaires arabes ou occidentaux), etc. Monsieur Ayech se dit citoyen du monde. Quand on l’est, et avant d’accepter l’« Autre », il faudrait commencer par s’accepter. Et on ne peut revendiquer cette qualité si on déverse sa haine envers une partie du monde (en l’occurrence le monde arabe dans ce cas). Ce monde n’est pas parfait et souffre de beaucoup de maux. Néanmoins, la situation n’est pas fatale. Il suffit de faire un check up des vraies raisons. C’est déjà la moitié du chemin ! On peut être à la fois tunisien, arabe, méditerranéen, africain et citoyen du monde sans chercher des boucs émissaires ici et là ». Naoufel Ben Rayana Enseignant universitaire« Amalgame entre religion et nationalisme »
« Je tiens cher Monsieur à confirmer vos idées, en fait je me demande comment la Tunisie peut être arabe, je pense que nous faisons un amalgame entre religion et nationalisme alors que d’autres nations islamiques tel que le Pakistan, l’Iran, l’Indonésie et la Malaisie ne se prétendent jamais arabes mais au contraire ils tiennent à leur propre culture et identité nationale. Je crois que l’idée de culture arabe en Tunisie, est une illusion qu’on a reçue depuis notre enfance alimentée par des médias tunisiens influencés par les grands courants politiques de l’époque et actuellement par les chaînes TV arabes. Mais il suffit de partir dans un vrai pays arabe pour comprendre qu’on n’est que Tunisiens et qu’on est fiers de l’être. En effet je vis depuis quelques mois dans un pays arabe et je travaille avec des collègues de plusieurs pays arabes, je suis le seul à me sentir dépaysé. Je me retrouve dans une culture qui m’est très étrange, une culture de fermeture, de haine, d’hypocrisie, de sexisme, d’ignorance, et de malhonnêteté cachée derrière une hystérie religieuse. Alors que j’appartiens à une culture d’ouverture, d’amour, de connaissance, de respect, d’égalité entre homme et femme et avec une religion de tolérance et de modération ». Adnen Hidoussi « Merci » « Mille milliards de merci pour ce que vous avez écrit! » Dr Sobhy Houissa (Source : « Le Temps » (Quotidien – Tunis), le 14 septembre 2008)Arrestation de plusieurs présumés terroristes en Mauritanie Menace terroriste : réelle ou amplifiée ?
Du postmodernisme au kobzisme et le désespoir mobilisateur
www.samibenabdallah.com Les philosophes ont bien écrit des dizaines de livres, depuis les années 80, l’occident vit une nouvelle ère, celle du le postmodernisme . «Le postmodernisme connaît son apogée dans les années 1980 jusqu’à la fin du millénaire avec l’avènement de l’ordinateur et d’Internet. La révolution technologique a énormément bouleversé la société. Ce courant est une réaction contre l’idée que l’humanité est en progrès constant vers le meilleur. On remet tout le progrès accompli en cause. On critique les idéaux de la modernité utopique. Le capitalisme et le socialisme n’ont pas su amener la paix et l’égalité. Les grandes luttes humanistes de la modernité telles que l’écologisme, le féminisme et le pacifisme sont des luttes interminables ».(1) Le postmodernisme se caractérise par la montée de l’individualisme, l’égoïsme citoyen, la culture hédoniste, la société exhibitionniste et voyeuriste (parmi tant d’autres exemples, les sites comme facebook où on publie son journal intime publiquement, chose impensable il y a des années), le lien prime sur le lien (on n’achète plus un ordinateur pour faire du traitement de texte, mais pour communiquer grâce à Internet). C’est l’ère du vide, les religions sont mortes et les idéologies ont montré leurs limites. L’idée de progresser pour une société idéale ne séduit plus. L’occident a tout essayé, rien ne marche. On ne rêve plus de bonheur, on accepte une société non pas «idéale » mais «vivable ». Sur le plan politique, c’est l’ère du « ninisme » (ni Droite ni gauche, on gouverne au Centre, disait Giscard D’estaing, puis Mitterrand- « On a tout essayé ! »- lors de son second mandat ou Balladur au début des années 90). Chacun se cherche une nouvelle cause pour «croire » en quelque chose (en son équipe de foot préférée par exemple) ou se tourne vers le religieux pour remplir ce vide. La société a pensé qu’en réalisant la démocratie et les libertés, il y aurait du bonheur. Beaucoup ont été déçu. Par conséquent, la société se « communautarise », se décompose et se recompose autour de causes ponctuelles, s’invente de nouvelles causes capables de mobiliser des petites communautés (d’où l’apparition de groupes tels les gays, les laïcs, les témoins de Jéhovah…etc) car il n y a plus de cause mobilisatrice pour la majorité. Ils se sont battus pour la démocratie, la liberté, la Gauche et la Droite, la majorité a été déçu. Le Kobzisme En Tunisie, nous appelons le postmodernisme : « le Kobzisme ». La société tunisienne vit la même fragmentation de la société occidentale. Il y a une crise d’idéaux et une crise morale. Plus personne n’est capable de donner l’exemple. Tout comme la société occidentale, il n y a plus de repères et de cohésion. «L’individualisme est dominant, car on vit pour soi. Il faut vivre avec le maximum de plaisir. Il faut vivre au jour le jour. Le cynisme est capital. Il faut toujours être relatif. Il faut vivre rapidement, sans perdre de temps. Il faut retrouver une certaine spiritualité (2)». Les Tunisiens et les Tunisiennes n’ont rien inventé. Les symptômes décrits existent aussi en occident. Ce qui est problématique dans notre société, c’est que nous avons fait un raccourci vers le postmodernisme sans vivre l’étape du modernisme car nous n’avons pas connu la Démocratie et la liberté. Nous avons connu des idéologies diverses, le Bourguibisme, le Youssefisme, le nationalisme arabe, le communisme, l’islamisme, le droit de l’hommisme….Toutes ont échoué ou ont montré des limites. Nous avons connu deux régimes et nous vivons deux cycles politiques qui se ressemblent : une première étape où le pouvoir a voulu changer les choses : sous Bourguiba de 1956 jusqu’à 1962, sous Ben Ali de 1987 jusqu’à 1990.Ensuite un blocage de l’ouverture politique suite à deux tentatives de renverser le régime : en 1962 par des militaires et des youssefistes, au début des années 90 par un noyau dur des islamistes et le groupe sécuritaire 2. Ensuite une phase de répression qui n’a épargné aucun courant politique : après 1962, Bourguiba avait interdit tous les partis politiques y compris le parti communiste tunisien qui était à l’opposé ideologiquement parlant des youssefistes. Après 1990, la gauche a été réprimée à son tour. Pourtant elle était à l’opposée idéologiquement des islamistes. Nous avons eu aussi les mêmes condamnations : sous Bourguiba, des étudiants de l’extrême gauche ont été condamnés à plus de 10 ans de prison voir même 14 ans. Idem pour les islamistes après 1990. Dans ce cycle politique qui se répète, il y a eu une période où la société a vécu sous une chape de plomb : jusqu’à 1981 sous Bourguiba, de 1990 jusqu’au début des années 2000 avec l’actuel régime. Ensuite une étape de relative ouverture médiatique (à partir de 1981 sous Bourguiba et à partir de 2000 sous M. Ben Ali) marquée par les mêmes symptômes : des troubles sociaux à cause de difficultés économiques, une grande demande de libertés et d’ouverture politique: (les émeutes du pain sous Bourguiba, et les émeutes de Redyef actuellement qui sont peut être des signes prémonitoires). Nous connaissons enfin, les mêmes maux politiques : « un discours politique, qui paraît aux yeux du commun des mortels surréaliste, quand il évoque l’Etat du Droit et des institutions, la primauté de la loi et des libertés (le discours politique officiel aujourd’hui ressemble étrangement à celui tenu par le Roi Hassan II qui évoquait l’Etat du droit et des institutions, soulignant qu’il n y avait aucun prisonnier d’opinion au Maroc et qu’il s’agissait uniquement de prisonniers de droit commun). Et sous Bourguiba, le discours politique paraissait aussi surréaliste. Enfin, les limites de ses deux stratégies politiques sont visibles à propos de la question et la transition démocratique et la succession (La présidence à vie, les amendements de la Constitution) . Pareil constat explique en grande partie la «démobilisation » qui rongent la majorité des Tunisiens (aussi bien pour le pouvoir dont le discours n’est plus mobilisateur que pour l’opposition). Le Tunisien ne croit plus en rien car il n’a plus confiance en rien. Les discours sur la démocratie, la liberté, le militantisme, les lois suscitent la dérision et l’ironie plus qu’autres choses. Il y a cet échec que nous assumons tous à divers degrés, celui de la construction d’un Etat ou peut être même l’échec de l’idée de la tunisiannité ou du patriotisme capable de fédérer les Tunisiens en les liant les uns aux autres. Il n y a pas eu l’universalisme Républicain, du coup il y a ce retour vers une conception tribale de la société où ce qui lie les uns aux autres, c’est le lien tribal ( En témoigne la forte culture régionaliste en Tunisie et la haine qui sous-tend les rapports des uns aux autres, les Tunisiens du nord, ceux de la capitale, les Sahéliens, les Sfaxiens, ceux du Sud). Le champ politique n’échappe pas à cette fragmentation : du coté du pouvoir, chaque responsable décrète ses propres lois et organise son clan. L’intervention du Président de la République pour corriger quelques dysfonctionnement est censée être une exception, elle est devenue la règle. L’application des lois qui existent pourtant, est devenue une exception. Du coté des oppositions, ce ne sont plus l’idée de s’opposer au pouvoir ou le fait de défendre des valeurs ou des principes qui lient les opposants mais c’est la logique de clans : chaque opposant s’entoure de quelques courtisans et fonde son clan. Du coup, nous avons le clan d’Ennahdha, des anciens d’Ennahdha –les anti-Ennahdha- qui sont déçus de leur chef, un clan des droits de l’homme, un lobby de journalistes défenseurs de droits de l’homme qui fonctionnent selon une logique de clans, le clan de l’opposition reconnue qui fait partie de la majorité présidentielles, le clan des non reconnus, et ainsi de suite jusqu’à l’infini, car deux personnes suffisent pour fonder un clan…etc). La logique du clan est facile à deviner : Se soutenir entre membres du même clan et feu sur les autres. Pareil constat inspire du pessimisme car quand les gens ne croient plus en rien, quand des mots d’ordre tels que l’Etat de droit, la démocratie et la liberté, ne mobilisent plus personne, il n y a que le désespoir qui devient mobilisateur. Au niveau de la sociologie de la société tunisienne, les comportements extrémistes et excessifs ou les nouvelles maladies de la société (la montée du célibat, la prostitution dans les maisons closes au su et au vu de tout le monde, la présence de bandes organisées qui terrorisent des citoyens…etc) sont des symptômes visibles de ce désespoir. Au niveau politique, le désespoir peut mener à la radicalisation, à l’extrémisme (l’apparition de groupes jihadistes en Tunisie ou la radicalisation de jeunes qui éprouvent une sympathie pour ces derniers). Par ailleurs, le désespoir peut mener aussi à la démission totale et à la désertion. Du coup, on arrive à un cercle vicieux : « notre pays a besoin de l’énergie de tous ses enfants quels que soient leurs opinions politiques mais toutes ces énergies sont gaspillées ou bloquées car plus personne ne croit en rien ». Toutes les sociétés y compris en Occident, vivent ou ont connu les mêmes problèmes que nous connaissons en Tunisie. Toutes y ont apporté des solutions et nulles parts n’est écrit qu’il nous est interdit de s’inspirer de ces solutions. Mais partout est écrit qu’aucune société n’a résolu ses problèmes avec la police. Par le passé, le pouvoir a essayé cette solution et pour quel résultat ? Une image catastrophique dans le monde, une peur qui bloque et qui ronge des milliers de Tunisiens et de Tunisiennes, une presse médiocre (de l’aveu du président de la République), un discrédit qui frappe tout discours politique quel qu’il soit, des Tunisiens qui n’ont plus confiance dans leur pays, qui ne veulent plus investir leurs économies en Tunisie, qui choisissent d’autres nationalités (française, canadienne ou autres) pour se sentir en sécurité dans leur pays. En occident, les philosophes pensent que la fin du Postmodernisme comme courant est proche pour donner naissance « à une nouvelle ère où les communications sont de plus en plus rapides. Cette ère sera marquée par la surinformation, c’est-à-dire que l’information voyage avant même qu’on n’ait pu la traiter »(3). C’est dire les limites de cette politique du tout verrouillage que nous vivons en Tunisie, l’urgence d’une remise en question des logiques politiques qui ont régné jusque-là dans notre pays et la nécessité d’avoir une nouvelle approche des problèmes. A défaut, il n y aura que le désespoir comme mobilisateur et nul ne sait ou cela peut conduire… (1) (2) et (3) : http://agora.qc.ca/