12 mars 2011

TUNISNEWS
10 ème année,  N°3945 du 12.03.2011
archives : www.tunisnews.net 


Mouvement Ettajdid: Communiqué sur la nomination des délégués AFP: Tunisie: refus de légaliser cinq partis, dont trois partis religieux AP: Tunisie: trois partis islamistes se voient refuser leur légalisation AFP: Tunisie: détention de trois proches collaborateurs de Ben Ali AP: Entretien téléphonique entre Hillary Clinton et le Premier ministre tunisien Farid Khiari: Lettre ouverte à monsieur le ministre de l’enseignement supérieur Ahmed Manaï: Jean Daniel, « l’ami de toujours »?  est en Tunisie!!!


REVUE DE PRESSE  


 
Mouvement Ettajdid  

Communiqué sur la nomination des délégués


Tunis le 11 mars 2011   Après la première vague de nominations de délégués dans différentes régions du pays, le Mouvement Ettajdid exprime sa profonde inquiétude devant la tendance manifeste  de maintenir dans leurs fonctions la majorité des anciens délégués en les confirmant dans leurs postes actuels ou en les déplaçant vers d’autres délégations.   Tout en attirant l’attention sur le fait que la majorité des anciens délégués étaient étroitement liés à l’ancien régime et qu’ils ont participé de manière effective aux opérations de falsification des élections, et compte tenu de l’extrême sensibilité du rôle des délégués en tant que représentants directs du pouvoir central auprès des citoyens, le Mouvement Ettajdid :   1-    exprime son refus catégorique de la démarche adoptée pour les nouvelles nominations dans le contexte délicat de la préparation des élections de l’Assemblé constituante ;   2-    demande la révision de ces nominations qui sont de nature à mener vers l’impasse, et d’adopter des critères objectifs et transparents pour recruter de nouveaux délégués sans lien avec le système d’hégémonie et de corruption et avec le RCD dissous.   Pour le Mouvement Ettajdid Le Premier Secrétaire   Ahmed Brahim  


Invitation


 

L’Association Tunisienne des Femmes Démocrates, l’Association des Femmes Tunisiennes pour la Recherche sur le Développement, le Collectif 95 Maghreb-Egalité et la Commission Femme de la Ligue Tunisienne de Défense des Droits de l’Homme ont le plaisir de vous inviter à la conférence nationale pour l’égalité et la citoyenneté qu’elles coorganisent le dimanche 13 mars 2011 à partir de 9h30 à l’Hôtel Golden Tulipe El Mechtel à Tunis.

Programme

 

Dimanche 13 mars 2011

Matin

Séance 1

  • 9h30 : Mot des associations et prise de parole de la salle                
  • 11h15 : Pause-café

Séance 2

  • 11h30 : Conférence de Hafidha Chekir «Quelles réformes politiques pour la transition démocratique ? »
  • 12h00 : Conférence de Asma Nouira « Etat et religion : quelles perspectives ? »
  • 12h30 : Débat
  • 13h30 : Pause-déjeuner

Après-midi

Séance 3

  • 15h00 :Présentation du manifeste des femmes par Yosra Fraouis
  • 15h30 : Débat et adoption du manifeste
  • 17h00 : Pause-café

Séance 4

  • 17h30 : Conférence de presse

Tunisie: refus de légaliser cinq partis, dont trois partis religieux


AFP / 12 mars 2011 17h43 TUNIS – Le ministère tunisien de l’Intérieur a annoncé samedi avoir refusé de légaliser cinq formations politiques, dont trois partis religieux. Dans un communiqué, le ministère a indiqué en revanche avoir donné son vert à trois nouveaux partis, portant à 34 le nombre des groupes politiques légaux en Tunisie, dont 26 partis ont obtenu l’autorisation depuis la chute et la fuite en Arabie saoudite du président Zine El Abidine Ben Ali, le 14 janvier. Le Hizb At-Tahrir, le parti As-Salam (de la Paix) et le Parti sunnite tunisien ainsi que le Parti libre, populaire et démocratique et le Parti démocratique libéral tunisien ont essuyé un refus pour avoir contrevenu aux dispositions de la loi sur les partis de 1988, selon le communiqué. Le Hizb At-Tahrir (Parti de la libération), le parti As-Salam et le Parti sunnite sont des groupes religieux alors que la loi sur les partis interdit les formations politiques fondées sur des considérations religieuses, ethniques, régionales ou de sexe, a indiqué à l’AFP un responsable du ministère de l’Intérieur. Le Hizb At-Tahrir, qui avait demandé sa légalisation lundi, veut instaurer en Tunisie un régime basé sur la charia par les moyens politiques mais, s’il le faut, par « la rébellion ou la désobéissance civile », avait déclaré jeudi son porte-parole, Ridha Belhaj. Ce parti est la branche tunisienne d’une nébuleuse du même nom fondée en 1953 au Moyen-Orient par une tendance extrémiste au sein de la mouvance des Frères musulmans égyptiens et interdite dans les pays arabes. Les deux autres formations n’ont pas été légalisées car elles n’ont pas rempli, dans leurs demandes, certains critères prévus par la loi sur les partis, a ajouté le responsable de l’Intérieur qui a requis l’anonymat. Il s’agit des premiers partis à se voir refuser l’autorisation dans la Tunisie post-Ben Ali, marquée par une profusion de formations politiques, en majorité de création récente, dans la perspective de l’élection le 24 juillet d’une Assemblée nationale constituante. Un autre groupe islamiste tunisien, Ennahda, a été légalisé le 1er mars, 30 ans après sa fondation en 1981 par Rached Ghannouchi avec des intellectuels inspirés par les Frères musulmans égyptiens. Depuis la chute de Ben Ali, « plus de 70 nouveaux partis ont déposé des demandes de légalisation » et « à ce jour 26 d’entre eux ont obtenu une réponse favorable », a indiqué le responsable de l’Intérieur qui a requis l’anomyat. Selon la presse locale, d’autres groupes sont en gestation, dont au moins un parti conduit par l’ancien ministre des Affaires étrangères, Kamel Morjane, un ex-responsable du parti de Ben Ali, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD). Mercredi, un tribunal de Tunis a dissous le RCD à la demande des nouvelles autorités qui, peu à peu, démontent l’ancien système qui a mis la Tunisie en coupe réglée 23 ans durant.  


Tunisie: trois partis islamistes se voient refuser leur légalisation


AP 12/03/11 21:20 TUNIS (AP) — Le gouvernement tunisien a refusé samedi de légaliser cinq partis, dont trois islamistes, jugeant que ces formations ne sont pas fondées sur des principes démocratiques. Les trois partis islamistes sont le « Hizb Et-Tahrir » (parti de la libération), « As-Salam » (La paix) et le parti sunnite tunisien. Les deux autres formations sont le « Parti libre populaire démocratique » et le « Parti démocratique libéral tunisien ». Les demandes ont été rejetées pour « infraction aux dispositions de la loi organique relative à l’organisation des partis politiques », explique le ministère de l’Intérieur dans un communiqué diffusé par l’agence officielle TAP. Selon la Constitution tunisienne, un parti politique ne peut asseoir ses principes ou son programme sur des considérations religieuses, linguistiques, raciales, sexuelles ou régionales. Il doit en outre s’engager à bannir toute forme de violence, de fanatisme et de discrimination. Le « Hizb Et-Tahrir » prône l’instauration d’un régime fondé sur la charia (la loi islamique), a déclaré son porte-parole Ridha Belhaj lors d’une conférence de presse. Tout en se défendant de prôner la violence ou le terrorisme, il n’a pas écarté le recours à « la rébellion et à la désobéissance civile pour l’instauration d’un Etat islamique ». « L’islam représente la solution » pour la Tunisie d’aujourd’hui, a-t-il plaidé, en laissant entendre qu’il était hostile à l’égalité entre l’homme et la femme. C’est la première fois depuis l’avènement du gouvernement de transition que des demandes de légalisation de partis politiques sont refusées. D’autres partis à connotation islamiste, comme le mouvement « Ennahdha » (La Renaissance), ont pour leur part obtenu leur reconnaissance légale. Si cinq partis ont vu leur demande rejetée samedi, trois autres ont été légalisés: le Parti de la justice et de la liberté, le Parti de l’avenir pour le développement et la démocratie et le Mouvement des patriotes démocrates. Cela porte à 34 le nombre de formations légales en Tunisie, contre neuf sous le régime de l’ancien président Zine El Abidine Ben Ali. Le parti de ce dernier, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) a été dissout mercredi par décision de justice. AP  


Tunisie: détention de trois proches collaborateurs de Ben Ali


AFP / 12 mars 2011 21h33 TUNIS – Trois proches collaborateurs du président tunisien déchu Zine El Abidine Ben Ali, dont un ancien ministre de l’Intérieur et ancien président du Sénat, ont été placés en détention sur une base militaire près de Tunis, a-t-on appris samedi de source judiciaire. L’ex-ministre Abdallah Kallal et deux anciens conseillers présidentiels, Abdel Aziz Ben Dhia et Abdel Wahab Abdallah, se trouvaient déjà en résidence surveillée depuis le 23 janvier. « Ils sont poursuivis pour différentes affaires de corruption », a ajouté la source, citant notamment « dilapidation de deniers publics » et « abus de pouvoir ». Ils sont accusés aussi d' »implication dans la torture, de corruption politique et financière, et d’avoir porté préjudice à l’administration pour réaliser des intérêts personnels », a indiqué en soirée la télévision d’Etat. Les trois hommes ont été emmenés jeudi par la brigade criminelle au bureau du procureur général, a ajouté la source judiciaire à l’AFP. « Au bout de vingt minutes au parquet où ils n’ont pas été interrogés, les trois hommes ont été arrêtés et conduits vers la base militaire de l’Aouina, près de Tunis où ils ont été placés en détention », a-t-on poursuivi. « Samedi, ils ont été interrogés par le juge d’instruction, Mondher Ben Jaafar, qui a émis à leur encontre des mandats de dépôt », a indiqué la même source. A leur sortie du bureau du juge, les trois hommes, entourés de policiers et de militaires, ont été conduits dans un fourgon de police, selon des images diffusées par la télévision d’Etat, qui a ensuite montré leurs visages filmés à travers les barreaux du fourgon. M. Kallal avait démissionné de ses fonctions de président du Sénat deux jours après avoir été placé en résidence surveillée. Abdel Aziz Ben Dhia, conseiller de Ben Ali, était l’un des architectes de sa politique, alors que Abdel Wahab Abdallah, autre éminence grise de Ben Ali, ministre-conseiller à la présidence, avait la haute main sur l’information. Plusieurs autres collaborateurs de Ben Ali ou membres de sa famille et de celle de son épouse, Leïla Trabelsi, sont également détenus sur la base de l’Aouina, de source judiciaire. L’ancien ministre de l’Intérieur Rafik Belhaj Kacem, limogé le 12 janvier à l’avant-veille de la chute de Ben Ali et arrêté le 3 février, a été accusé d’homicide volontaire.


Entretien téléphonique entre Hillary Clinton et le Premier ministre tunisien


AP 12/03/11 17:46 TUNIS (AP) — A quelques jours de sa visite à Tunis, la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton a eu samedi un entretien téléphonique avec le Premier ministre tunisien Béji Caïd Essebsi « qui a porté sur les relations tuniso-américaines et sur les perspectives de les approfondir davantage dans les divers domaines », a rapporté la TAP. Selon l’agence officielle tunisienne, au cours de cet entretien qui a eu lieu à l’initiative de la secrétaire d’Etat, Mme Clinton a « réaffirmé l’engagement des Etats-Unis d’Amérique à soutenir la Tunisie en cette importante phase transitoire ». A l’issue de la réunion du G-8 diplomatie lundi et mardi à Paris, la patronne de la diplomatie américaine effectuera au milieu de la semaine prochaine une visite officielle en Tunisie au cours de laquelle elle rencontrera certains responsables au sein du gouvernement provisoire ainsi que des représentants de la société civile. Elle devrait se rendre ensuite en Egypte. Devant le Congrès jeudi, Mme Clinton avait dit se rendre en Egypte et en Tunisie pour y encourager les réformes démocratiques réclamées par les manifestants qui ont fait tomber les régimes autocratiques de Zine El Abidine Ben Ali et Hosni Moubarak. Elle avait précisé qu’elle devrait également rencontrer dans les deux capitales des membres de l’opposition libyenne. Cette visite a été au centre d’une entrevue samedi matin entre M. Caïd Essebsi et l’ambassadeur des Etats-Unis à Tunis Gordon Gray. Elle a été précédée par plusieurs visites de responsables et de parlementaires américains, dont le sous-secrétaire d’Etat pour les affaires du Proche-Orient Jeffrey Feltman, première personnalité politique occidentale à se rendre en Tunisie depuis la chute du régime Ben Ali. AP


Lettre ouverte

à monsieur le ministre de l’enseignement supérieur


 

Monsieur le Ministre,

En ces circonstances exceptionnelles que vit notre patrie, je voudrais par la présente partager avec vous les espoirs et les préoccupations du corps de l’enseignement supérieur, en tant qu’enseignant-chercheur.

Le peuple tunisien a tranché : il a chassé dans le sang un dictateur-ignorant qui a régné durant vingt trois années, vingt trois longues années durant lesquelles nous avons tous vécu sous une véritable chape de plomb et de terreur. Les résultats de cette dictature abjecte ont été terribles : destruction des libertés publiques, interdiction de rassemblement, interdiction de manifester, interdiction de penser, interdiction de s’exprimer librement, interdiction d’exercer le moindre droit pourtant garanti par la constitution de notre pays, bien que devenue un véritable jouet entre les mains de ce dictateur sans foi ni loi. Pourtant, ce peuple magnifique qu’est le peuple tunisien a décidé d’y mettre fin : face à une répression sinistre et féroce de tous les corps de la nation, ce peuple a sonné le départ du dictateur-voleur le chassant même du territoire national, comme pour l’en purifier, et les cieux ont exaucé ce vœu chèrement payé par le rouge sang, sang des purs et des innocents, celui de nos martyrs. A côté de l’indépendance de 1956 trônera désormais sans aucun doute la libération de 2011, avec ses martyrs et ses héros.

Du coup, l’odeur du jasmin a de nouveau envahi, précocement il est vrai, nos narines et nos cœurs, rappelant que ce peuple, vieux de près de trois mille ans, est un peuple qui garde précieusement son courage et sa volonté pour les véritables épreuves, affichant dans ses derniers retranchements son attachement viscéral à la liberté. Les horizons redeviennent de nouveau fréquentables et possibles, et les rêves peuvent rejoindre désormais la réalité, des rêves modestes de libertés et de droits, car l’esprit du devoir n’a jamais quitté ce peuple si modeste et si fier en même temps, ni notre profession.

Aussi bien, nos revendications légitimes ont repris forme, bien qu’elles ne nous aient jamais quitté depuis ce moment fort de notre combat pour nos droits que fut notre grande grève légitime de 2005. Cette dictature de sinistre mémoire a essayé de nous briser durant cette épreuve : nous nous en sommes sortis au contraire mille fois plus unis et plus forts.

De quoi rêvions-nous alors monsieur le Ministre ? Nous rêvions d’un projet pour notre université, un projet où le débat serait sa condition sine qua non, un projet pour préparer notre pays face aux impératifs de l’histoire : mettre notre université au niveau international afin d’essayer de rejoindre le concert des nations développées. C’est pour cette raison que je vous propose de réunir dès que possible les Etats générauxde l’Université afin d’instaurer ce débat devenu nécessaire, même si le gouvernement auquel vous participez est provisoire ; mais tirant toutefois sa légitimité de la révolution, votre action à la tête de ce ministère jettera ainsi les conditions et les fondements d’un nouveau départ, d’un nouveau dialogue sur la base d’un nouveau projet. Impliquer pleinement les enseignants-chercheurs dans ces Etats généraux par le débat et les forums -les premiers concernés pour la réussite de toute réforme- est une condition essentielle et unique pour le succès de ce projet.

D’abord améliorer les conditions de travail et de vie de l’université tunisienne : en tête de ce projet, la généralisation des pratiques démocratiques au sein de nos instances, à l’instar de ce qui a commencé à prendre forme au niveau national.

• De la base au sommet, certaines actions peuvent être prises :tout responsable d’institution dépendant de notre ministère devra être élu, ce qui assoit et renforce l’esprit de responsabilité et du choix démocratique, autant qu’académique, plus aucune nomination ne devra pouvoir être possible, la loi garantissant cette nouvelle pratique.

• Généralisation de l’élection du Conseil scientifique qui devra accéder au statut décisoire et non plus consultatif comme c’est le cas actuellement. Instaurer l’élection démocratique du président de l’université, comme cela se pratique dans les nations démocratiques, et la nôtre est désormais en cours de le devenir.

Instaurer l’élection d’un chancelier des universités à partir des présidents d’université par la création d’une chancellerie des universités, véritable interlocuteur chargé du développement et de l’exigence académiques stricto sensu et du bon déroulement de la vie dans les universités. Ceci pourrait être l’occasion pour les citoyens aisés de faire des donations aux chancelleries qu’elles auront à gérer au profit des facultés ou des écoles (prix pour les travaux et bourses d’excellence) sous le strict contrôle annuel de la Cour des Comptes.

Elever le nombre des membres des jurys de recrutement à sept membres afin de mettre fin à tous les comportements indignes qui ont eu lieu ces dernières années, de favoriser le recrutement sur le seul plan académique et pédagogique et non plus sur des critères clientélistes et de complaisance qui sont une offense aux efforts et à la dignité du candidat. Instaurerde facto l’élection des membres des jurys nationaux de recrutement en y incluant, comme cela se pratique ailleurs, un tiers de ses membres issus du syndicat de l’enseignement supérieur et mandatés par lui-même, afin de veiller sur les chances professionnelles de chaque candidat et de cesser de briser les carrières des candidats.

• Faire appel exclusivement lorsque le besoin d’enseignant se fait sentir, et à chaque fois que cela est possible, à des personnels titulaires de doctorat pour hisser toujours plus haut le niveau des étudiants et favoriser leur intégration dans la vie professionnelle, en optant pour le recrutement dans une vision claire et à long terme et par l’usage des contrats lorsque ce premier choix ne peut être offert.

• Il faudrait sans doute aller jusqu’au bout de la réforme entamée concernant le statut des enseignants, comme ce fut le cas ailleurs : faire exister un seul corps enseignant divisé en maîtres de conférences titulaires du doctorat et en professeurs titulaires de l’habilitation. Pour le passage de grade de professeur, le maître de conférences devra passer l’habilitation, ce qui représente un gain de temps considérable pour pouvoir disposer d’un corps enseignant suffisant pour l’encadrement des étudiants. Par la suppression de la fonction d’assistants et de maîtres assistants, l’université supprime le clientélisme qui régit les relations entre l’actuel corps B et le corps A et les pressions dont est souvent victime le corps B. Ainsi, le nouveau maître de conférences pourra former des groupes de recherches avec les jeunes étudiants diplômés de master et les amener, pour les meilleurs d’entre eux, au doctorat. De ce fait, la relève pour l’enseignement et la recherche sera-t-elle assurée dans la continuité et l’excellence.

Créer des instituts de recherche afin d’impulser l’excellence et l’exigence dans l’académisme ; est-il acceptable que la première université tunisienne soit classée à plus de 5300 places de la première sur une liste de 12000 universités mondiales sur un classement pourtant clément et s’en satisfaire ? Et nous ne parlons pas du classement selon les principes de Berlin ni encore moins de celui de l’Université de Shanghai (ARWU) qui n’en retient que les 500 premières dans le monde. L’augmentation du nombre de groupes et d’unités de recherches , même avec des petits budgets, permettra la motivation et l’émulation entre les chercheurs de chaque discipline et finira par hisser le niveau de la recherche et, forcément, celui des étudiants. Un bilan sans complaisance devra être fait tous les trois ans par un collège de chercheurs reconnus par leurs pairs pour leur compétence pour suivre les résultats de chaque groupe afin de renouveler ou supprimer, selon les résultats obtenus, les subventions, y compris les subventions mixtes, publique et privée. Il ne faudrait pas renouveler l’expression et les modalités de la gestion malheureuse du CERES qui, en termes de bilan sur le plan académique, malgré les grands moyens dont ce centre dispose, ne fait pas honneur à l’université tunisienne.

Ouvrir l’université sur son milieu social et économique pour attirer des investisseurs, permettant ainsi la création de bourses d’excellence en accord avec des entreprises publiques et privées, pour les meilleurs étudiants aussi bien pour des études en Tunisie qu’à l’étranger.

• Soumettre la direction de l’école doctorale et de la commission d’habilitation à diriger les recherches à l’élection démocratique et transparente pour en finir définitivement avec les nominations coupables et complaisantes.

• Instaurer un mandat unique de trois années pour le décanat pour fermer la porte à tout opportunisme mal venu dans l’enceinte universitaire, le généraliser à la présidence de l’université et à la présidence de la chancellerie si cette institution venait à voir le jour. La succession élective à la responsabilité universitaire ne peut qu’être positive à l’institution universitaire.

Suppression de toute autorisation de publication de quelque ministère que ce soit pour la publication des revues des facultés et instituer le doyen unique directeur formel de publication le temps de son décanat, pour mettre ainsi un terme une fois pour toutes au le contrôle policier indigne des esprits et des consciences et instituer la notion de liberté académique mais également celle de responsabilité.

Pour conclure, je vous dis monsieur le Ministre, que le corps des enseignants-chercheurs est prêt à assumer ses responsabilités dans cette révolution culturelle et institutionnelle dont notre ministère a si besoin, et à se lancer dans les chantiers ci-dessus évoqués. A vous maintenant de déclarer les Etats généraux de l’Université pour faire l’indispensable état des lieux, après la gestion désastreuse et incompétente des deux anciens derniers ministres de l’enseignement supérieur du dictateur-voleur, pour préparer notre université à faire face aux défis de demain qui attendent notre pays.

Je vous prie de bien vouloir agréer monsieur le Ministre l’assurance de ma considération.

 

 

Farid Khiari

Maître de conférence

Département d’histoire

Faculté des lettres et sciences humaines de Sousse


                                                           Jean Daniel, « l’ami de toujours »?  est en Tunisie!!!


Il  donnera une conférence aujourd’hui à 15h au Collège International de Tunis (rue El mar, Bab Manara) sur la transition démocratique en Tunisie.

Voici la lettre qu’il   « n’a pu aller au- de là de ses premiers paragraphes », selon son

Coordination pour la Défense des Libertés en Tunisie (CDLT) -Paris

Paris le 26 Janvier 1993

Ahmed Manaï:

Coordination pour la Défense des Libertés en Tunisie (CDLT) –

Paris

A l’Attention de Monsieur Jean Daniel et des cosignataires de la pétition « justice pour un pays ami ». Monsieur Jean Daniel Le Nouvel Observateur. Paris Cher Monsieur,

Il y a longtemps que j’ai cessé d’être le fidèle lecteur du Nouvel Observateur que je fus durant de nombreuses années et il serait fastidieux de vous en expliquer les multiples raisons. Je me permets néanmoins de vous en donner une, celle qui tient à votre indifférence et au silence de votre hebdomadaire face à l’injustice faite depuis plus de cinq ans, au plus illustre des Tunisiens contemporains, apôtre de l’amitié avec la France et pionnier incontesté de la francophonie et qu’à plusieurs occasions et tant qu’il était au faîte de sa gloire, vous n’avez pas dédaigné participer à son apologie. Mais j’ai gardé cependant le contact et c’est épisodiquement, quand surtout une de ses livraisons traite de la Tunisie, que je m’autorise à acquérir votre hebdomadaire. Le cas s’est présenté récemment quand vous avez publié dans le n° 1469, la lettre, dont les signataires, plus illustres les uns que les autres, venus d’horizons divers mais tous unis dans la revendication de leur vieille et profonde amitié pour la Tunisie, réclamaient à coups de statistiques sur la croissance, de chiffres sur les flux touristiques et autres indicateurs sur l’ouverture de la Tunisie au monde et à la modernité, « justice pour un pays ami ». Je dois avouer que quoique profondément touché, en tant que patriote tunisien, par la bienveillance manifestée à l’égard de mon pays par d’aussi illustres personnages, je ne vois guère, ailleurs que dans le comportement criminel de ce citoyen très spécial et de ceux qui le protègent en haut lieu, l’injure faite à mon pays. Et si dans certains comptes- rendus de ce procès, des journalistes auraient associé imprudemment le nom de la Tunisie aux frasques d’un trafiquant et de paraître ainsi aux yeux de certains, ternir son image, les lecteurs, qui ne sont pas tous et toujours dupes, auront rectifié par eux-mêmes et dispensé ces grands amis de la Tunisie de se dépenser en plaidoiries inutiles. Il y a par contre une injustice, d’autant plus flagrante que rien ne justifie, contre laquelle ces éminentes personnalités et vous- même, auraient pu intervenir utilement. C’est celle faite depuis cinq ans, aux tunisiens, à leurs droits les plus élémentaires de citoyens et d’hommes, à leurs aspirations à la liberté et à la démocratie, par un régime anachronique. Je m’en voudrais de vous faire l’offense, à vous tous qui êtes au centre de l’événement et en tout cas si proches des faits et de l’actualité, de vous croire ignorants des graves atteintes aux droits de l’homme en Tunisie, de la torture avilissante qui y est pratiquée à grande échelle, de l’iniquité de la justice, de la lente et sûre déliquescence de l’Etat de droit et de l’instauration insidieuse d’un Etat de non droit et d’un pouvoir personnel sans commune mesure avec ce que la Tunisie a connu au cours des heures les plus sombres de son histoire. Il est bien sûr loisible de justifier tout cela et même le silence complice, des grandes consciences qui l’entoure, par la menace sur les institutions et les acquis modernes de la Tunisie, que font peser des islamistes prêts à tout. De nombreuses forfaitures, du Goulag Soviétique, à la purification ethnique en passant par les apartheids en tout genre, ont eu à travers l’histoire des justifications semblables et leurs auteurs ont toujours pu compter sur la connivence des faiseurs d’opinion et parfois même sur le zèle d’avocats talentueux. Et si je ne m’attendais guère à ce que l’un des signataires de cette lettre, ni vous-même, dénonce ces pratiques dans un pays ami, j’aurai espéré néanmoins que Madame Mendès France, Monsieur Jean Lacouture et vous-même, par gratitude envers l’homme qui revendiquera votre amitié jusqu’au dernier souffle, sortiez de votre mutisme et protestiez du bout des lèvres, contre « l’estrapade » que subit Bourguiba depuis cinq ans. J’aurai espéré aussi que le militant des droits de l’homme que fut monsieur Serge Adda, surmonte sa rancune contre le vieux et en fasse autant, faute de pouvoir protester contre le sort fait à la LTDH dont il fut l’un des fondateurs et, que monsieur Frédéric Mitterrand enfin, par fidélité au culte des grands de ce monde que son grand talent de conteur a su transmettre à ses nombreux admirateurs, dont je suis, ait un clin d’œil pour ce grand tunisien enterré vivant. C’est ainsi cher monsieur, que je conçois l’amitié à un pays. Dans mon esprit, elle doit s’adresser avant tout aux femmes et aux hommes qui le peuplent et le font chaque jour et particulièrement à celles et à ceux qui y subissent l’injustice et font les frais de la folie de leurs semblables. A moins que vous ne soyez, vous-même et les illustres pétitionnaires, partisans de Socrate quand il dit que « ceux qui subissent les injustices sont moins à plaindre que ceux qui les leur infligent » auquel cas et, ne pouvant me hisser à ce niveau de conscience, je dois reconnaître que mes propos et ma démarche sont tout simplement superflus et je vous en demande par avance pardon. Veuillez agréer cher monsieur, l’expression de mon profond respect. Ahmed Manaï (CDLT) Réponse du secrétariat de J.Daniel Le Nouvel Observateur Le Directeur Paris le 1er févier 1993 M.Ahmed MANAI 25, rue des Rossays- E 5 91600 Savigny/ Orge Monsieur, M. Jean Daniel a pris connaissance de la lettre que vous avez bien voulu lui adresser. Mais il n’a pu aller au- de là des premiers paragraphes, qui révèlent une injurieuse ignorance des liens qui ont existé, et qui existent, entre le président Bourguiba et lui. Si vous l’aviez lu, et surtout si vous aviez lu son dernier livre, vous n’écririez pas que M. Jean Daniel a été indifférent au sort « du plus illustre tunisien contemporain ». Je vous prie d’agréer, Monsieur, l’expression de mes sentiments distingués. Signé : B. illisible Le secrétariat de Jean Daniel

http://www.tunisitri.net/lette-appel/lettre15.htm/


Tunisie. Pour qui roulera Me Abdelfattah Mourou?


 

En créant sa propre formation politique, Abdelfattah Mourou, l’éternel n° 2 du parti islamiste d’Ennahdha, cherche-t-il à se libérer de l’ombre tutélaire du n°1 historique, le cheikh Rached Ghannouchi, ou à lui ramener les voix centristes?

L’information, rapportée jeudi par l’agence Afp, a certes été démentie par l’intéressé dans une interview, le soir même, à Al-Jazira, mais seulement à moitié, car M. Mourou a reconnu l’existence de discussions à ce sujet avec quelques autres dirigeants historiques du mouvement islamiste tunisien. Ce qui laisse penser que des contacts ont eu lieu, entre-temps, entre la direction d’Ennahdha et les sécessionnistes, qui ont dissipé les malentendus.

Ces malentendus portent, entre autres sujets, sur la responsabilité de l’attaque contre le siège du Rassemblement constitutionnel démocratique (Rcd) à Bab Souika, en 1991. Cette attaque, attribuée en son temps à des éléments d’Ennahdha, a fait un mort et un blessé grave (deux gardiens). En ne condamnant pas ouvertement cet acte, qui s’apparente à un attentat terroriste, le parti islamiste tunisien a gravement écorné son image auprès de l’opinion publique nationale et internationale. Or, Me Mourou, qui a condamné lui-même publiquement l’attaque, a toujours exigé qu’Ennahdha la condamne aussi à son tour et/ou en reconnaisse la responsabilité. Jusque là en vain.

L’appétit retrouvé des acteurs politiques

Quoi qu’il en soit, le fait que le projet de nouveau parti islamiste ait été discuté par des cadres du mouvement Ennahdha dénote l’existence de débats au sein même du mouvement qui pourraient aboutir à des défections ou des scissions. L’ouverture du champ politique aiguise les appétits et donne aux seconds couteaux qui croient à leur bonne étoile la possibilité de se propulser sur les devants de la scène. D’autant que, dans la nouvelle Tunisie actuellement en cours de construction, il y a des places à prendre et certains rendez-vous décisifs ne sauraient être ratés.

Le parti islamiste d’Ennahdha, longtemps interdit et réprimé par le régime de Ben Ali, a obtenu, le 1er mars 2011, le visa légal lui permettant d’exercer son activité politique. Quelques jours plus tard, l’agence Afp évoque des discussions entre Me Abdelfattah Mourou et trois autres cadres du mouvement islamiste, pour la création d’un mouvement islamiste plus modéré et plus centriste qu’Ennahdha, discussions du reste confirmées par l’intéressé. Tout cela n’est pas fortuit et entre dans le cadre des manœuvres de re-positionnement politique auxquelles s’adonnent tous les acteurs politiques. Et c’est, pour ainsi dire, de bonne guerre.   

Me Mourou, né le 1er juin 1948, a été, le 6 juin 1981, avec Rached Ghannouchi, Hassen Ghodbani, Salah Karker, Habib Mokni et autres Slaheddine Jourchi, l’un des fondateurs du Mouvement de la tendance islamique (Mti), qui a adopté son nom actuel d’Ennahdha en février 1989.

A l’instar des autres membres du mouvement, Mourou a été arrêté et a passé deux ans en prison. Après l’attaque du commissariat de police de Bab Souika, en 1991, attribué aux islamistes, il a été à nouveau détenu. A sa sortie de prison, il a adopté une position plus modérée, allant jusqu’à suspendre son appartenance à Ennahdha. Cela ne l’a pas racheté pour autant aux yeux du régime de Ben Ali. C’est ainsi qu’il a fait l’objet, en 1992, d’une campagne de diffamation de la part des services tunisiens qui cherchaient à le discréditer personnellement en faisant diffuser une vidéo – truquée – le présentant dans une posture peu avenante. Blessé dans son honneur et écœuré, Mourou a mis fin à toute activité politique et s’est entièrement consacré à son métier d’avocat.

Le come-back de l’avocat tunisois

La longue traversée du désert de l’avocat tunisois a duré jusqu’à la chute du régime de Ben Ali, le 14 janvier dernier. Car, au lendemain du retour d’exil de Rached Ghannouchi, le 30 janvier, Me Mourou a laissé entendre qu’il allait exercer à nouveau une activité politique. Jeudi, il a passé un nouveau cap en faisant ébruiter des discussions pour la création, avec trois autres dirigeants islamistes, d’un nouveau parti islamiste, modéré et centriste, dont le nom n’a pas été précisé.

Mourou diviseur? Ses anciens camarades d’Ennahdha sont en droit de le craindre, d’autant qu’ils vont devoir partager leur électorat potentiel avec d’autres partis se réclamant de leur propre idéologie. Notamment le parti Ettahrir, qui a annoncé jeudi sa décision de passer à la légalité et de présenter des candidats à l’élection de l’Assemblée nationale constituante, le 24 juillet prochain. Pis : son porte-parole, Ridha Belhadj, a écarté toute possibilité de constituer des coalitions électorales avec d’autres partis, fussent-ils islamistes.

Tentation sécessionniste ou jeu de rôles

L’avocat tunisois, qui a senti le vent tourner, cherche-t-il à recentrer le mouvement islamiste et à le réorienter vers des positions plus consensuelles, de manière à brasser plus large et à cibler un électorat échaudé par les errements salafistes et qui a tendance mettre tous les «barbus» dans un même sac ? C’est possible.

Me Mourou a-t-il retrouvé ses anciennes ambitions politiques, un temps contrariées par le système despotique de l’ex-président? C’est probable.

Va-t-il plutôt aller à la pêche des électeurs centristes et à servir ainsi d’appoint électoral au parti Ennahdha? Cette explication, qui conçoit un jeu de rôle au sein de la famille islamiste, n’est pas non plus à écarter.   

Quoi qu’il en soit, la multiplication de partis se réclamant de l’islamisme va faire éclater davantage la scène politique tunisienne et rendre hypothétique la constitution d’alliances ou de coalitions clairement identifiables par les électeurs. Il faut attendre encore quelques semaines pour pouvoir y voir un peu plus clair dans l’échiquier politique tunisien qui est passé, en quelques semaines, de la rareté à l’abondance et de la simplicité – voire du simplisme, caractéristique des régimes dictatoriaux – à l’extrême sophistication où les électeurs risquent de se perdre un peu…

Source : « Kapitalis » Le 12-03-2011

Lien :http://kapitalis.com/fokus/62-national/3039-tunisie-pour-qui-roulera-me-abdelfattah-mourou-.html


                                            Cyber censure : la France entre dans le rouge, la Tunisie sort du noir


 

La soirée de Reporters Sans Frontières destinée à lutter contre la cyber censure a mis l’ONG qui lutte pour la liberté d’expression, et avec elle une bonne partie de la profession, dans une position très claire. La France, grâce à Hadopi et Loppsi, fait une entrée remarquée dans la liste rouge des pays sous surveillance, la Tunisie, elle, tire sa révérence de façon magistrale. Elle disparaît de la liste des pays ennemis de l’Internet, et Nawaat, le site symbole de la résistance au régime de Ben Ali, repart avec le prix décerné chaque année par RSF à l’occasion.

L’inversion des pôles

Cette theorie qui se discute à la terrasse des cafés à Tunis, veut que l’avenir qui se dessine voit s’installer des ‘démocraties éclairées’ au nord et des ‘démocraties 2.0’ dans le sud. Si RSF est un thermomètre, alors il nous en a signalé hier un signe avant coureur fort.

A l’heure où la France ou l’Italie se font peur à l’idée que quelques milliers de Tunisiens ou de Libyien ne débarquent sur leurs côtes, la Tunisie, elle,accueille bras ouverts près de cent milles réfugiés à sa frontière Est. Toutes proportions gardées, c’est comme si un demi millions de Belges, brusquement frappés par une guerre civile, se massaient à nos frontières, et que la France entière remplissait sa voiture de vivres et de couvertures pour se précipiter à la frontière et venir en aide.

Ce dernier épisode en date illustre l’apparition d’une conscience aigue de la solidarité comme mission citoyenne et d’une prise de conscience, portée par l’élan de la révolution, que chacun peut (et doit) contribuer à faire changer les choses. Il illustre également l’inversion des pôles, au point de voir les Tunisiens s’accaparer une slogan politico-publicitaire aujourd’hui piétiné par ses créateurs : ‘Ensemble, tout est possible’, y compris faire face avec dignité à une catastrophe humanitaire majeure.

La carte projetée durant la cérémonie de remise de prix qui a récompensé l’équipe de Nawaat faisait apparaitre le pays de Voltaire en rouge, isolé au sein d’un continent Européen encore vierge de tout abus significatif vis à vis de la liberté sur internet. La tension est palpable dans la salle où a lieu la remise des prix et où se presse le gratin du journalisme Français, venu saluer le triomphe d’un site ayant pris une part centrale lors de la première révolution du XXIe siècle, et huer Bernard Kouchner venu faire un discours. Il semble que la profession réalise enfin qu’il se passe quelque chose de grâve, et que c’est sur internet que cela se joue. Pas sur l’internet média, ni l’internet outil, mais dans la civilisation de l’internet, celle qui a fait de l’internet son OS, et qui s’oppose violemment à l’internet civilisé que cherche à imposer le gouvernement Français.

Avec une population âgée, la France peut jouer la montre face aux changement systémiques en cours, et s’offrir un répis à travers la surveillance et la censure. La Tunisie, dont la population est bien plus jeune et tout aussi éduquée, a elle basculé dans le monde d’après.

Source: “ReadWriteWeb” Le 12-03-2011

Lien: http://fr.readwriteweb.com/2011/03/12/a-la-une/cyber-censure-france-entre-dans-rouge-tunisie-sort-du-noir/


 

2 morts et 20 blesses dans les troubles a Metlaoui


 

Deux personnes sont mortes et 20 autres ont été blessées vendredi lors de violences qui ont éclaté dans la ville de Metlaoui, une ville du bassin minier de Gafsa, dans le centre-ouest tunisien, a annoncé l’agence officielle TAP.

Selon l’agence de presse tunisienne, ces troubles auraient été provoqués par la diffusion d’un « faux communiqué » faisant état de recrutements d’agents sur une base tribale (arouchs) dans les mines de Metlaoui par la Compagnie de Phosphates de Gafsa (CPG), principal employeur de la région.

Malgré les démentis apportés par les autorités et « l’assurance que les recrutements n’auront lieu que dans le cadre de la loi », plus d’un millier de personnes sont descendues dans la rue pour manifester leur colère.

L’agence signale des « actes de violence, des jets de pierre et de cocktails Molotov et des tirs avec des fusils de chasse » perpétrés par les protestataires. Citant un communiqué du ministère de l’Intérieur, elle fait état de deux morts, une jeune fille et un jeune garçon, tués par tirs de fusils de chasse et d’une vingtaine de blessés.

Par ailleurs, un officier de l’armée nationale a été blessé par balle par les tirs d’un fusil de chasse, ajoute la TAP, selon laquelle les manifestants ont tenté de mettre le feu à un camion militaire par jet d’un cocktail Molotov.

Les « auteurs de ces actes de violence » ont été dispersés par les agents de l’ordre et l’armée nationale qui ont eu recours aux gaz lacrymogènes, poursuit le communiqué qui note qu’une enquête a été ouverte « pour élucider les circonstances de ces incidents et arrêter les éléments impliqués dans ces actes criminels »

Source : « Le Nouvel Observateur » Le 13-03-2011

Lien :http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/monde/20110311.FAP6287/tunisie-deux-morts-et-20-blesses-dans-les-troubles-a-metlaoui-centre-ouest.html


 

Tunisie : L’amnistie générale, enfin !


 

Luiza Toscane, militante pour les droits de l’Homme en Tunisie.

Promulguée le 20 février, publiée au Journal officiel le 22, la loi d’amnistie générale n’est entrée en vigueur en Tunisie qu’après la démission de Mohammed Ghannouchi du gouvernement. Près de huit cent prisonniers politiques ont été libérés. Définitivement.

Des milliers d’autres, libérés à titre conditionnel dans les années passées voient leurs peines effacées ; des centaines d’autres, condamnés par contumace, ne seront plus poursuivis. C’est l’aboutissement d’un combat de deux décennies, menées par plusieurs générations de citoyens et de militants.

Cette amnistie générale a constitué une revendication de la société civile tunisienne. Pour la faire aboutir, il a fallu la mobilisation des prisonniers, pendant vingt ans ; ceux-ci ont multiplié les appels, les grèves de la faim en dépit de la répression qui n’a pas manqué de s’abattre sur eux. Elle est aussi le fait de leurs proches, des dizaines de milliers de femmes qui ont mené un combat opiniâtre, d’abord individuel, qui s’est transformé en combat collectif dans les années 2000, des femmes que rien ne prédisposait particulièrement à faire de la politique, mais qui diront modestement qu’elles l’ont fait par devoir. Soit, mais de cette génération sont issues de nouvelles militantes. Enfin, l’amnistie générale a mobilisé les organisations de défense des droits de l’homme, celles en place au début du régime Ben Ali, puis de nouvelles qui se sont constituées dans la dernière décennie par des anciens prisonniers politiques, des avocats et des familles de prisonnier.Ces organisations ont exercé une pression constante sur les autorités et auront contribué notoirement à cette victoire. Cette amnistie générale est à mettre aussi au compte de la mobilisation d’organisations internationales dont la mobilisation aux côtés des prisonniers tunisiens fut constante.

Des milliers d’ex prisonniers vont pouvoir demain prétendre à des papiers d’identité, des passeports, le droit à la circulation dans et à l’extérieur du pays, aux études, à la santé, à un emploi, à une vie privée, toute choses somme toute élémentaires, mais dont ils étaient privés sous le régime de Ben Ali. Ils subissaient ainsi une application extensive de la notion de « contrôle administratif », soit un apartheid qui ne disait pas son nom. Des milliers d’exilés vont pouvoir rentrer au terme de deux ou trois décennies d’absence.

Cette loi d’amnistie aura pourtant été promulguée trop tard, pour les centaines de personnes mortes sous la torture, ou de la torture, pour les disparus, pour ceux que la torture a rendus définitivement malades et pour les familles irrémédiablement broyées par la répression.

Elle aura toutefois le mérite de tourner une page, et de permettre à la société civile d’engager de nouveaux combats, dont la lutte contre la torture qui est à nouveau de mise depuis la révolution, perpétrée par une police revancharde, et pour l’abrogation des lois liberticides, comme la loi antiterroriste, et celle des juridictions d’exception. Enfin, la lutte contre l’impunité des tortionnaires est à l’ordre du jour car la loi d’amnistie ne couvre pas le crime de torture.

Source : « NPA » Le 12-03-2011

Lien :http://www.npa2009.org/content/tunisie-l%E2%80%99amnistie-g%C3%A9n%C3%A9rale-enfin


 

Tunisie. Hizb Ettahrir toutes voiles dehors


 

Salafistes et fiers de l’être, les membres du parti Ettahrir (Libération) affichent désormais leur projet de société régie par la chariaâ. «Une fois arrivés au pouvoir, nous allons interdire tous les autres partis», affirment-ils sans ciller?

Vaste projet en perspective, et qui menace, avant même d’exister, d’annuler tous les autres. Les Tunisiens sont donc prévenus: le projet de société démocratique et progressiste qu’ils ont payé par le sang de leurs enfants risque d’être phagocyté par des groupuscules de dogmatiques et d’illuminés.

La chariaâ en guise de loi

Ridha Belhadj, porte-parole officiel de Hizb Ettahrir, a rappelé, dans un point presse tenu jeudi à Tunis, les fondamentaux idéologiques de son parti, qui vient de sortir de la clandestinité à la faveur de la chute de l’ancien régime et de la libération de l’expression politique induite par la révolution tunisienne.

Le parti Ettahrir préconise «la souveraineté de la oumma islamique», considère le califat comme le régime le plus approprié et la chariaâ comme l’unique loi viable pour la Tunisie et le reste du monde islamique.

M. Belhadj nous apprend aussi que son mouvement va soumettre un nouveau projet de Constitution tunisienne à l’Assemblée nationale constituante, qui sera issue des élections du 24 juillet prochain.

Le parti Ettahrir, qui va se présenter à ces élections, afin de faire connaître ses positions et de demander des comptes au gouvernement, ne cache pas son ambition de prendre un jour le pouvoir, même au prix d’un mouvement de désobéissance civile, et d’interdire aussitôt les partis politiques. Car ses membres ne croient à la démocratie qu’en tant que moyen pour accéder au pouvoir. Cela nous promet des lendemains qui chantent…

Où allons-nous?

M. Belhadj, dont le mouvement a été soupçonné d’avoir organisé, début février, une manifestation devant la synagogue de l’avenue de la Liberté à Tunis, ce qu’il a démenti se déclarant pour le respect des religions, ne se pose pas de questions sur l’état d’esprit de la majorité des Tunisiens et sur leur disposition à mettre en danger leurs acquis économiques et sociaux en courant derrière des chimères idéologiques.

On peut reprocher M. Belhadj ses idées rétrogrades. On doit néanmoins lui reconnaître une qualité: la clarté. Lui, au moins, n’y va pas par quatre chemins. Il dit haut et fort où il compte nous mener… Autant dire dans le mur. A nous donc de savoir où nous allons. Nous avons, pour la première fois dans notre histoire, la possibilité de nous exprimer dans une élection libre et transparente. Sachons mettre notre avenir, et celui de nos enfants, entre de bonnes mains.

Source : « Kapitalis » Le 12-03-2011

Lien :http://kapitalis.com/fokus/62-national/3038-tunisie-hizb-ettahrir-toutes-voiles-dehors-.html


 

L’annulation de la dette risque-t-elle d’aggraver la situation financière de la Tunisie ?


Ben Ali s’est enfui en laissant derrière lui une ardoise assez lourde ; notamment une dette extérieure publique de plus de 15 000 millions de dinars. Le peuple tunisien s’est débarrassé de son dictateur, quoi de plus légitime qu’il veuille se débarrasser aussi de la dette qu’il a laissé derrière lui ?

Un dictateur qui a bénéficié de facilités de crédits de la part de créanciers qui connaissent parfaitement à qui ils avaient affaire. Une partie de cette dette a servi à opprimer le peuple tunisien, tandis qu’une autre partie a été détournée par Ben Ali et ses clans. Par conséquent, une dette qui n’a pas servi les intérêts des Tunisiens. Autrement dit, une dette qu’il est juste de qualifier d’odieuse et qui doit être, de ce fait, répudiée.

La finance internationale ne l’entend pas de cette oreille. Le déboulonnement du dictateur a été sanctionné par les agences de notation de la Tunisie (R&I, Fitch, Moody’s et Standard & Poor’s) en baissant sa note ! Le peuple tunisien qui vient de recouvrer sa liberté en chassant son dictateur écope d’une mauvaise note.

Réagissant à cette baisse, certaines personnes, souvent bien intentionnées, ont tiré la sonnette d’alarme : la baisse de la note serait porteuse de menaces, notamment le renchérissement du coût de l’emprunt. En effet, quand la note baisse, la prime de risque augmente, donc l’emprunt coûte plus cher, risquant par là même de compliquer davantage la situation financière de la Tunisie.

Signalons tout d’abord que la baisse de la notation de la Tunisie n’est pas une réponse à la campagne de l’annulation de la dette que l’association Raid Attac Cadtm Tunisie vient de lancer, mais plutôt une sanction de la révolution. Cela dit, c’est une preuve on ne peut plus claire que la logique qui sous-tend la dette est une logique qui est contraire aux intérêts vitaux du peuple tunisien, et par conséquent justifie notre action qui vise son annulation.

En somme, face à la dette, il n’y a que deux positions tenables : la docilité absolue ou la rupture totale. Notre choix est la rupture des liens de la dette. De ce point de vue, il n’y a plus de place à la question de la notation. Ceux qui nous opposent cette question se situent, bien au contraire, dans la logique de la soumission à la dette.

Devons-nous craindre la rupture avec la dette ? La campagne de l’annulation de la dette est-elle porteuse de risques financiers pour la Tunisie ? Notre réponse est catégorique : non, la répudiation de la dette va dans le sens des intérêts de la Tunisie. En effet, elle a intérêt à la rupture puisque le solde des transferts nets, au titre de la dette à moyen et à long terme, est négatif. En d’autres termes, la Tunisie, du moins sur les 23 dernières années, a remboursé plus qu’elle n’a reçu au titre de l’endettement extérieur. Elle est fournisseur net de capitaux. En arrêtant les remboursements, c’est vrai que la Tunisie n’aura plus, peut-être, de nouveaux prêts, mais en bout de course elle aura tout de même gagné financièrement, et bien sûr politiquement puisque sa souveraineté en sera renforcée. Alors, de grâce cessons de parler de l’endettement en tant que source de financement.

C’est simple, si on ne paie plus la dette, on n’a plus besoin d’emprunter et on utilise l’argent prévu au budget pour le remboursement de la dette pour augmenter les dépenses sociales et stimuler l’économie. On prélève également des impôts sur les hauts revenus, sur les grandes fortunes et sur les bénéfices des grandes entreprises nationales ou étrangères. Il faut aussi baisser la TVA sur les produits et services de première nécessité, instaurer un contrôle des changes et des mouvements de capitaux pour éviter leur fuite vers l’extérieur. Il y a lieu aussi de combattre durement la grande fraude fiscale.

Enfin, si on répudie la dette et qu’on ne contracte pas de nouveaux emprunts extérieurs on n’a pas à se préoccuper de la dégradation de la cote de la Tunisie par les marchés financiers.

Source : « NPA » le 12-03-2011

Lien :http://www.npa2009.org/content/l%E2%80%99annulation-de-la-dette-risque-t-elle-d%E2%80%99aggraver-la-situation-financi%C3%A8re-de-la-tunisie


 

Tunisie. L’argent de la corruption pour payer la dette


retweetL’auteur fait un parallèle judicieux et instructif entre le Premier ministre Khaznadar et le président Ben Ali, qui tous deux, à un peu plus d’un siècle d’intervalle, ont pillé la Tunisie. Par Rafik Souidi

Le pays était dans la détresse la plus profonde. L’immoralité régnait dans les hautes sphères du gouvernement. Les emplois lucratifs étaient mis en vente et la justice même n’était pas à l’abri de la corruption générale. Enfin, le peuple, exploité par tous les fonctionnaires, s’étiolait dans la misère et regardait le gouvernement comme une calamité. Aussi s’en méfiait-il comme d’un ennemi et s’employait à se soustraire à son autorité. Une détestable administration avait fait perdre à l’autorité son prestige et la confiance de la population.

L’impunité est un outrage à la conscience publique

Mustapha Khaznadar est resté au ministère menant à son gré et sans contrôle les affaires de la Tunisie pendant 37 ans et il fit la ruine complète du pays en contractant des emprunts scandaleux qui grevèrent l’Etat d’une dette énorme en particulier auprès de la Maison d’Erlanger de Paris».

«Les revenus du pays ne pouvant plus suffire au paiement des intérêts de la dette, il fallut en 1869 les suspendre: c’était à la faillite que le Khaznadar avait conduit la Tunisie.

Déjà en 1864, toute la population d’un bout à l’autre du pays s’était insurgée – insurrection d’Ali Ben-Ghedhahem – contre la funeste administration de Mustapha Khaznadar. Aussi lorsqu’il fut destitué en 1870, toutes les villes, toutes les tribus manifestèrent leur joie par des fêtes et des réjouissances.

Quand pendant 37 ans un homme ayant le devoir impérieux de faire le bien ne s’est servi du pouvoir suprême que pour faire le mal, l’opinion, qui peut s’appeler encore la vérité et le bon sens, exige que les responsabilités encourues suivent leurs cours, et un gouvernement se manquerait à lui-même s’il ne savait pas faire justice.

L’impunité eut-été un outrage à la conscience publique. Khaznadar fut simplement gardé à vue dans son palais somptueux; il ne fut pas mis au secret et on le laissa communiquer librement avec l’extérieur. Après la constitution d’un Tribunal extraordinaire et la mise sous séquestre de ses biens, Khaznadar écrivit une lettre de supplication au Bey Mohamed Sadok qui consentit un arrangement à l’amiable. Cet arrangement faisait abandon de deux tiers des réclamations du gouvernement et laissait ainsi, à l’ancien Premier ministre, la disposition d’une fortune colossale dont une grande partie était constituée par les obligations tunisiennes, c’est-à-dire une partie de la dette qui avait conduit le pays à la banqueroute.

Toutes les poursuites s’arrêtèrent et Mustapha Khaznadar put jouir de sa liberté et continuer ses intrigues.»

C’est ainsi que le général Kheredine relatait dans ses ‘‘Mémoires’’ la descente aux enfers de la Tunisie sous la conduite de gens sans scrupules.

L’impunité effective qui prévalut fut un bien mauvais service rendu aux générations futures, quand il aurait fallu donner un exemple historique pour mettre un terme définitif à ce genre de pratiques et qu’elles ne se reproduisent plus en Tunisie.

Une politique de tolérance-zéro vis-à-vis de la corruption

Et ce qui devait arriver est arrivé… Un siècle plus tard, la Tunisie fut de nouveau pillée par ses dirigeants et en voie d’être livrée à ses créanciers.

En effet, c’est par le recours à un endettement massif que des sommes et richesses considérables ont pu être créées artificiellement et détournées en toute impunité depuis 1987.

De même qu’en 1870 la corruption avait engendré la mise sous tutelle étrangère de la Tunisie à cause de la dette excessive contractée et souvent détournée à des fins frauduleuses, on peut craindre le même scénario après le 14 janvier 2011.

Il conviendrait de traiter les affaires de corruption avec une extrême rigueur et de mener à l’avenir une politique de tolérance-zéro vis-à-vis de ce fléau en suivant l’exemple des pays scandinaves ou de Singapour, car il en va de la souveraineté du pays, de sa prospérité et de sa cohésion. C’est une question de volonté et de moyens.

Quant à la dette extérieure de l’Etat, qui s’élève à environ 20 milliards de dinars tunisiens, il s’agit de la réduire au plus vite en rapatriant le maximum de sommes détournées à l’étranger. Ces sommes seront consacrées prioritairement à la réduction de la dette pour la partie à court-terme placée sur les marchés financiers.

Pour la partie libellée à moyen-long terme et contractée principalement auprès de la France, de la Banque mondiale et de la Banque européenne d’investissement (Bei), il serait judicieux et pertinent d’en réclamer l’allègement voire l’effacement en récompense des bienfaits planétaires de la révolution tunisienne.

Au lieu de subir passivement les malus des agences de rating sans scrupules, la Tunisie est en droit de réclamer haut et fort un bonus amplement mérité auprès de la communauté financière mondiale.

Nous reconnaîtrons alors nos véritables amis.

Source : « Kapitalis » Le 12-03-2011

Lien :http://kapitalis.com/afkar/68-tribune/3042-tunisie-largent-de-la-corruption-pour-payer-la-dette-.html


                                                             Tunisie-Emploi: Construire une nouvelle stratégie de croissance


 

Emploi des jeunes diplômés – L’emploi des jeunes est une priorité nationale, voilà une phrase qui revient comme une antienne depuis plusieurs années, sans qu’on arrive à trouver des réponses appropriées à ce mal endémique devenu, depuis, un mal chronique. Constituant un groupe social particulier, les jeunes vivent, en effet, difficilement la transition entre l’école et la vie active. Ils sont confrontés à d’énormes difficultés dues, notamment, à la qualité de la formation obtenue et qui, souvent, ne facilite pas leur insertion. La multiplication des filières dans l’enseignement supérieur à la faveur de l’introduction du système LMD n’a fait que compliquer la situation. Notre système d’enseignement a subi beaucoup de rafistolages au point de devenir une machine à produire des chômeurs. Nous aurons, peut-être, l’occasion d’y revenir avec plus de détails et beaucoup d’analyse.

Autre difficulté, et non des moindres, est la vulnérabilité des jeunes chômeurs qui trouve son explication dans la période de transition entre la date d’obtention du diplôme et l’entrée dans la vie professionnelle et qui, parfois, s’étend sur plusieurs années. Les opportunités d’emploi qui leur sont offertes sont limitées et la plupart d’entre eux sont contraints de recourir à l’emploi indépendant dans le secteur informel, sans y être vraiment préparés. C’est ce qui fait que le chômage est souvent mal vécu par les concernés et leurs familles. Ce qui les amène à rechercher d’autre solutions, souvent précaires et aléatoires, et qui ne sont pas sans risque, comme l’émigration clandestine que nous vivons ces derniers temps comme un véritable drame.

Jusque-là les mécanismes et autres instruments et programmes pour l’insertion des jeunes se sont révélés inefficaces et le nombre de chômeurs, parmi les diplômés notamment, n’a cessé d’augmenter atteignant les 160.000, soit environ le tiers du nombre total des chômeurs estimés à 500.000. Ce qui revient à dire qu’un chômeur sur trois est détenteur d’un diplôme. Les diplômés, faut-il le rappeler, représentent 44.9% de l’ensemble des chômeurs parmi les jeunes.

Le gouvernement intérimaire a pris, tout dernièrement, un certain nombre de mesures pour la promotion de l’emploi des jeunes diplômés. Des mesures qui ne sont pas sans rappeler d’autres, lesquelles ont prouvé leur inefficacité face à cette précarité qui s’accroît d’année en année. Certes, ce n’est là qu’une première panoplie, en attendant la véritable réponse qui consiste à cesser les politiques d’emplois précaires et à construire une nouvelle stratégie de croissance susceptible de générer des emplois qualifiés et pérennes avec des programmes mieux orientés et plus efficaces. Mais ce sont des mesures qui ne semblent pas se hisser au niveau des attentes des milliers de jeunes qui ne voient pas encore le bout du tunnel et dont l’avenir est incertain. Les jeunes ne sont plus décidés à se laisser faire, pour ne pas dire se laisser berner par des promesses dont ils n’en ont cure. C’est que le fil de la confiance est rompu et il faut du temps pour le rétablir. Il est évident que le gouvernement de transition n’a pas de baguette magique pour sortir de cette crise qui, malheureusement, se trouve aggravée par des facteurs à la fois endogènes et exogènes.

Endogènes, suite à la perte de quelque 20.000 postes d’emploi par suite de la fermeture de certaines entreprises et usines ayant fait l’objet d’actes de vandalisme et de pillage. Exogènes, suite au retour annoncé de Libye de plus de 50.000 Tunisiens. Et avec la prochaine sortie de près de 70.000 nouveaux diplômés, la situation ne sera pas de tout repos.

Pour revenir aux dernières mesures destinées à promouvoir l’emploi des jeunes diplômés, il faut dire que, bon an mal an, la Fonction publique recrute entre 9.000 et 11.000 jeunes et que décider d’augmenter le chiffre à 14.000 dont 8.500 diplômés est un effort non négligeable, mais toujours insuffisant eu égard au grand nombre de demandes déjà déposées auprès des différents ministères. Les sit-in devant un certain nombre de ministères et autres directions régionales et entreprises publiques montrent, si besoin est, le ras-le-bol des jeunes qui attendent des réponses pratiques à leurs revendications. Et quand on sait que chaque année, une centaine de milliers de candidats se présentent au Capes pour un nombre de postes qui n’a guère dépassé les 3.000, l’on est en droit de se demander comment l’administration va agir pour résoudre cette difficile équation? Sachant que ce concours, longtemps décrié par les jeunes, appelle à être complètement revu pour ne pas dire tout simplement supprimé, et remplacé par un autre système plus souple et surtout plus transparent.

Un système qui tiendrait compte de critères objectifs basés sur l’ancienneté du diplôme du candidat, la période de chômage, l’ordre de mérite, l’état civil, l’âge, la situation familiale et sociale, avec une priorité pour les familles ayant plus d’un diplômé chômeur, la disparité régionale, c’est-à-dire le taux de chômage et le nombre de chômeurs dans chaque région, avec un avantage pour les régions qui sont le plus frappées par ce fléau. On pourrait prévoir des bonus pour chaque critère pour ne pas léser les plus méritants. Une commission nationale et des commissions régionales, rassemblant toutes les parties dont, notamment, des représentants des jeunes concernés, pourrait se pencher sur la mise en place d’un canevas précis. Les statistiques existent et peuvent servir de référence et d’outil de travail.

Sur un autre plan, et pour remédier au déficit de la communication gouvernementale, du moins dans ce secteur névralgique qu’est l’emploi, il serait plus que souhaitable d’adopter une stratégie de communication sur cette question, stratégie qui engagerait toutes les parties concernées et en premier lieu desquelles les jeunes eux-mêmes et qui révèlerait les vrais chiffres. Car, ce gouvernement de technocrates, certes rompus, souffre, malheureusement, de l’absence de communicants capables d’expliquer et surtout de convaincre. Car chanter, encore et toujours, la même antienne ne résoudra pas le problème.

Source : « Afrique en ligne » Le 12-03-2011

Lien :http://www.afriquejet.com/afrique-du-nord/tunisie/tunisie-emploi:-construire-une-nouvelle-strategie-de-croissance-201103124655.html


 

L’Algérie, Kadhafi et la Tunisie


 

Il fut un temps où Alger était La Mecque des révolutionnaires et des indépendantistes du monde entier. Cela se passait pendant les années 1970 et les mouvements progressistes – pour reprendre une terminologie désormais désuète – savaient qu’ils y trouveraient aide et soutien ou, tout au moins, une oreille bienveillante. Il ne s’agit pas de magnifier cette période où les Algériens étaient soumis à une main de fer mais de rappeler qu’activistes de l’ANC ou exilés chilien se sentaient à l’abri chez nous. Cela nous offrait quelques fiertés et cela procurait au pays un certain prestige dans le tiers-monde et dans les pays du sud.

Mais les temps ont changé comme le montre le peu d’empressement des autorités algériennes à soutenir les peuples arabes qui ont décidé de prendre leur destin en main. Le silence à l’égard de ce qui se passe en Libye est édifiant. Bien sûr, il ne s’agit pas de se lancer dans une aventure inconsidérée qui pourrait porter préjudice aux intérêts nationaux mais tout de même ! Comment peut-on se contenter d’appeler à la modération quand un tel bain de sang se déroule à nos frontières ? Est-ce par peur de la contagion ? Est-ce au nom du sacro-saint principe de non-ingérence, motif bien commode pour ne pas prendre de risque ?

Quoiqu’il en soit, les opinions publiques arabes ont d’ores et déjà tranché. Il suffit d’écouter Al Jazira ou même la plus prudente Al Arabiya pour comprendre que l’Algérie est sur la sellette. C’est ainsi que se multiplient les accusations selon lesquelles l’armée algérienne aurait aidé le dictateur libyen à lutter contre la rébellion en mettant à son service ses avions voire même ses troupes. Le gouvernement Ouyahia a beau démentir, internet s’est mis de la partie et même des blogueurs saoudiens relayent l’information d’une collusion algéro-libyenne. Comment s’étonner ensuite que cela vaille nombre de déboires à nos compatriotes installés en Libye ? Il est difficile de ne pas se sentir mal à l’aise. Même s’il n’y a pas d’aide militaire, le refus des autorités algériennes de soutenir les insurgés libyens et d’être ferme avec Kadhafi ouvre la voie à toutes les supputations. Il faut aussi prendre la mesure d’une autre assertion, relayée celle-ci dans les milieux diplomatiques, qui affirme que les dirigeants algériens auraient tout simplement peur de l’imprévisible « guide » libyen. Il est vrai que ce silence à l’égard d’un homme qui n’a eu de cesse de déstabiliser l’Algérie et ses voisins, qu’ils soient maghrébins ou sahéliens, est déroutant. Là aussi, une référence aux années 1970 s’impose. Boumediene en imposait au « berger de Syrte » : ceux qui lui ont succédé donnent trop souvent l’impression de le craindre.

Mais il n’y a pas que le cas libyen qui pose problème à l’Algérie officielle. Cela vaut aussi pour la Tunisie. Disons-le de manière directe : la majorité des Tunisiens ne comprend pas pourquoi les autorités algériennes n’ont pas pris fait et cause pour leur révolution. A Tunis, à Sfax ou ailleurs, on est dérouté par la froideur d’Alger. En un mot, ce pays qui vient de se libérer de ses chaînes attend encore le grand discours fraternel et amical qui viendrait de notre capitale. Un discours qui saluerait d’abord le courage des Tunisiennes et des Tunisiens et qui proclamerait de manière solennelle que notre pays saura être aux côtés de son voisin dans la période incertaine qui débute.

Est-il normal que cela soit l’Europe qui propose son aide – très chiche au demeurant – à la Tunisie ? On ne peut que se sentir accablé lorsqu’on lit que la chute de Ben Ali et l’avènement d’une deuxième république vont peut-être permettre à la Tunisie de décrocher le statut du partenariat avancé avec l’Union européenne voire peut-être d’y adhérer un jour. Et le Maghreb alors ? Où est passée la solidarité née des décombres de Sakiet Sidi Youssef ? Où est passé le rêve maghrébin ?

La Tunisie a besoin de 10 à 15 milliards de dollars sur cinq ans pour faire sortir ses régions intérieures du sous-développement et éviter le dérapage de sa transition démocratique. N’y a-t-il pas quelques milliards dans nos caisses qui pourraient servir à aider la Tunisie ? Cet argent qui dort dans les coffres de la Banque centrale ou de je ne sais quel fond de régulation – une hérésie qui choque n’importe quel étudiant en sciences économiques – ne peut-il être transformé en ligne de crédit (ne parlons pas de don) en faveur de la Tunisie ? Il paraît que l’on veut relancer notre industrie et nos exportations hors-hydrocarbures : voilà une belle occasion de mettre en place un vrai partenariat maghrébin.

Cela permettrait aussi de prouver que les Algériens ont révisé leur jugement habituel à l’égard de leurs voisins de l’est. Cela permettrait de démontrer qu’ils ne sont pas jaloux ni envieux. Certes, on continue à entendre ici et là des analyses pour le moins condescendantes vis-à-vis de la Révolution du 14 janvier. Pour les uns, c’est un complot américain. Pour les autres, c’est un bouleversement qui n’aurait jamais pu avoir lieu sans l’aval de nos services secrets.

De cela, je tire un enseignement qui vaut aussi pour les relations algéro-marocaines. Les élites, qu’elles soient politiques ou économiques, sont le drame du Maghreb. Avec leur petitesse, leur mesquinerie, leur insupportable vantardise et leur esprit de clocher, elles représentent un obstacle de taille pour l’aspiration des peuples à être unis. Il fallait voir les Tunisiens brandir des drapeaux algériens le jour de la chute de Moubarak pour comprendre qu’il se joue quelque chose en ce moment. Quelque chose qui dépasse les enjeux nationaux mais que, malheureusement, la classe politique algérienne, aux affaires ou en réserve, semble incapable de comprendre.

Source : « Algerie-Focus » Le 11-03-2011

Lien :http://www.algerie-focus.com/2011/03/11/lalgerie-kadhafi-et-la-tunisie/


 

Tunisie : Amnesia, entre mascarade et démocratie de façade


 

Pourquoi  le pouvoir a t-il  duré si longtemps ? Et pourquoi  ne respectait-il  aucune forme de liberté ? On tenait plus que tout à représenter ce décalage énorme entre la mascarade et la démocratie de façade».  Moez Mrabet revient sur Yahia Aich. Interview. Rien ne semble arrêter Moez Mrabet, artiste en perpétuel mouvement, un jeune acteur, qui enseigne, interprète et met en scène. Formé à l’art dramatique à l’université, il est engagé  par Fadhel Jaibi. Cette  rencontre sera décisive dans son parcours : trois pièces, à son actif au sein de la troupe Familia. Il participe à de nombreux spectacles qui assoient sa notoriété auprès du public et des professionnels. On lève aujourd’hui le rideau sur ce comédien engagé.  Tekiano : Parlons, pour commencer de la dernière pièce en date : Yahia Yaich Amnesia

Moez Mrabet : Yahia Yaich, Amnesia, est  jouée depuis avril 2010. Elle a été montée et créée en Janvier 2009. La pièce  voulait d’emblée s’attaquer à la tête du pouvoir. Ça n’est pas venu comme ça. Ça vient d’un sentiment très fort de la nécessité de parler de ça. Le pouvoir était au  cœur de nos préoccupations.  Pourquoi  a t-il  duré si longtemps ? Pourquoi n’y avait il pas de place à la culture avec un grand C ? Et pourquoi  ne respectait-il  aucune forme de liberté ? On tenait plus que tout à représenter ce décalage énorme entre la mascarade et la démocratie de façade.  Ce spectacle, comme par hasard était prémonitoire. On se demandait, comment on allait parler du pouvoir, et on ignorer les obstacles que nous allions rencontrer. Je me rappelle très bien des difficultés. Il y avait l’autocensure. On était certains qu’on n’allait pas pouvoir jouer, même à l’étranger, ils étaient capables de tout. L’avantage pour nous, c’est que le dernier  ministre de la culture de l’ère Ben Ali, Basti, venait du monde du  théâtre. Il a essayé de trouver une solution pour nous permettre de représenter cette pièce. 

Quelles ont été les concessions ?

Enlever des phrases qui renvoyaient au discours officiel du parti au pouvoir, et bien évidemment celles qui font référence à la personnalité de l’homme du pouvoir. Mais le spectacle a fini par voir le jour. Les gens ont  été abasourdis  de voir une troupe tunisienne s’exprimer de la sorte. Les journaux tunisiens pro-pouvoir ont tout fait pour marginaliser la pièce. Des critiques ont même tenté de la ridiculiser la pièce.

Vous avez joué en France en Janvier, quelles ont été les réactions ? 

Un  regard admiratif. Un public avec qui on a eu des débats. Les gens avaient très envie de comprendre les choses. Une réaction très chaleureuse, plus que d’habitude. On est rentrés boostés, avec un autre état d’esprit. Ce n’est pas du tout pareil avant et après le 14 janvier. On a ajouté la pièce au programme  d’Avignon cet été, c’est dire…

Avez-vous réécrit certains passages de Yahia Yaich, après la Révolution ?

Rien n’a changé dans le texte, parce qu’il atteste d’une période.  Le fait de voir la pièce, comme elle est, pourrait traduire toutes les difficultés qu’on a traversées. Avant on disait «quel courage, ils ont eu»,  maintenant on entend  «la réalité va beaucoup plus loin». Il ne faut pas oublier ce qu’on a vécu avant. Ce serait une grosse erreur.

Pensez-vous que  les artistes ont joué un rôle dans cette Révolution ?

Avant le 12 janvier, on bougeait pas mal. Cette déferlante qu’on a vue sur facebook est passée par des artistes jeunes qui ont voulu briser la barrière du silence. Au sein du syndicat des arts dramatiques, il y avait beaucoup de manifestations qui sont allées dans le sens de la Révolution, à partir de décembre. On ne cautionnait pas cette violence, on ne voulait pas se taire. Jusqu’au 12 janvier 2011, je l’ai dit et je le redirai, le peuple a eu beaucoup d’avance sur les artistes. Entre parenthèses, on a vu aussi beaucoup d’opportunistes. Le 12, des artistes ont été malmenés, tabassés lors d’une manifestation pacifique ( Basma El Euchi, Raja Ben Ammar, Sawssen Maalej, Fadhel Jaibi) des étudiants de l’ISAT, ont été insultés . Vous connaissez la suite. Les excuses du premier ministre. La convocation de Fadhel et de Jalila par le ministre de la culture au nom du président déchu…

Quel type de rapports entretenez-vous avec Fadhel Jaibi ?

Je dirai un engagement artistique et social. Le théâtre qu’on a joué, est un théâtre artistique et citoyen. Cette notion de citoyenneté est très présente voire centrale dans nos travaux. Jaibi est un  acteur qui réfléchit sur son passé, son futur. Il est complètement impliqué pour construire une histoire, apporter un sens au travail artistique mais aussi en tant que citoyen qui porte un regard critique, sans concession sur l’homme, sur ce monde qui l’entoure. Comment faire passer un point de vue qui peut être partagé par l’autre.

Etes- vous imprégné par Jaibi ?

On ne peut ne pas être imprégné. On partage des objectifs, des douleurs. On n’est pas qu’acteur avec Jaibi. C’est  un travail de groupe. Le théâtre est né dans une cité grecque comme un engagement citoyen. C’est un théâtre de résistance, de réflexion. Le théâtre est politique dans le sens noble du terme. Voilà ce qui m’intéresse dans le théâtre de Jaibi. Je trouve mon compte là dedans, c’est ma vision de l’art.

Pourquoi rejouez-vous  la pièce à Tunis ?

Pour répondre à une grande demande. Par ailleurs, une partie de cette recette soutiendra un projet qui vise à développer la culture dans des zones défavorisées du pays, comme Sidi Bouzid, Thala, Kasserine. Ce ne sont pas des citoyens de seconde classe. Il faut leur donner autant de moyens que les gens des grandes villes, et surtout éradiquer les activités bas de gamme des cellules du RCD.

Concrètement qu’allez-vous faire pour y remédier ?

Les idées sont en place…on voudrait aller et faire venir des gens du métier. On est à la recherche d’une structure caritative afin de mettre en œuvre  un programme à court, moyen et long terme. Chacun de nous doit être responsable et faire en sorte de construire une nouvelle culture.

Source : « Tekiano » Le 12-03-2011

Lien :http://www.tekiano.com/kult/kult-tutti-kulti/interviews-et-articles/3458-tunisie-amnesia-entre-mascarade-et-democratie-de-facade.html#


 

Ben Ali raconté par Pál Pataki, ex-ambassadeur de Hongrie


 

Des souvenirs de l’ex-dictateur, consignés dans ses memoires

Dans un article qu’il a publié sur le Petit Journal de Budapest, le 24 janvier 2011, une dizaine de jours après la Révolution du Jasmin, l’ancien ambassadeur de Hongrie accrédité en Tunisie, M. Pál Pataki,  n’a pas laissé échapper l’occasion pour livrer ses expériences personnelles avec l’ex-président Ben Ali.

‘’… Ben Ali ne ressemble guère à son illustre prédécesseur, dirigeant charismatique, visionnaire, grand orateur passionné, véritable homme d’État, guide incontesté menant son pays à l’indépendance, puis au développement servant de modèle dans le monde arabe.

Ben Ali, lui, n’a aucun charisme, en public il ne parlait jamais librement, ne faisant que lecture monotone des discours rédigés par ses conseillers. Pendant ces allocutions fastidieuses, en quatre ans, je ne l’ai pas vu une seule fois lever le regard à la rencontre de son auditoire. Aussi évitait-il tout contact individuel. 

Quand je lui ai transmis mes lettres de créance, je faisais partie d’un peloton de vingt-quatre ambassadeurs. Alignés en file d’attente devant l’entrée de la salle d’honneur du Palais de Carthage, nous étions appelés, l’un après l’autre, à nous rendre devant le Président avec un intervalle de trois minutes. Ces trois minutes (quatre, avec un peu de chance) devaient suffire pour traverser le large parterre rempli des plus hauts responsables de la République, et nous diriger vers le podium sur lequel nous attendait Ben Ali. Suivant les instructions strictes du directeur du protocole, il fallait nous arrêter au bord du tapis, à une distance d’un mètre et demi du piédestal, prononcer la phrase rédigée par le protocole et apprise par cœur :

« J’ai l’honneur de vous présenter mes lettres de créance qui m’accréditent auprès de vous comme ambassadeur de (la République de Hongrie), ainsi que la lettre de rappel de mon prédécesseur.”

Certains ambassadeurs avaient tellement peur de s’embrouiller dans cette seule phrase, pourtant pas trop compliquée, qu’ils préféraient la lire sur une fiche. Un signe de tête approbateur du Président nous invitait à monter la marche pour accéder sur le podium afin de lui remettre les enveloppes. Sa poignée de main était étonnamment flasque, c’était loin de ce à quoi je m’attendais de la part d’un dictateur tout-puissant. Il me restait 30 secondes pour une conversation en vue de renforcer les relations bilatérales.

En quatre ans, j’ai eu d’autres occasions (peu nombreuses) dans des circonstances solennelles pour défiler devant le Maître de la Tunisie, le saluer très brièvement et constater sa pâleur cireuse ou, le cas échéant, sa meilleure mine. Les rares apparitions publiques du Chef d’État tunisien faisaient toujours l’objet de laborieux rapports et d’analyses des ambassades, vu que son état de santé était suivi avec une attention particulière par toutes les chancelleries, persuadées que la stabilité de la République tunisienne était étroitement liée au bon fonctionnement physiologique de Ben Ali.

Quand je suis arrivé à Tunis, en novembre 2005, le principal sujet de conversation dans le pays était sa prétendue maladie incurable. Le corps diplomatique bruissait des rumeurs de la prochaine nomination d’un vice-président. Évidemment, il n’en a rien été. Ensuite l’attention des observateurs s’est focalisée sur la néfaste influence de la première dame, ancienne coiffeuse. Chaque étranger avait une histoire à raconter sur la rapacité, sur les méthodes mafieuses du clan Trabelsi. Je dis bien : les étrangers. Les Tunisiens se permettaient un sourire ambigu au maximum, ils ne vous disaient rien, ils se comportaient, comme se comportent la plupart de gens sous la dictature, ils étaient au courant, mais ils voulaient éviter tout problème, ils voulaient assurer le bien-être de leur famille. Ils se savaient surveillés, ils allaient voter à 89 pour cent pour Ben Ali, pour ne pas être embêtés. Et, comme cela arrive toujours sous la dictature, le Président était convaincu que son peuple était attaché à lui – ce  peuple paisible, docile, qui a besoin d’un père.

Les plans de toutes les communes tunisiennes devront être retouchés, car il y a partout une place, une avenue nommée 7 Novembre. Les touristes hongrois étaient toujours étonnés de découvrir que le large boulevard qui menait de l’aéroport Tunis-Carthage vers le centre-ville portait ce nom. L’Étoile de Tunis, le cœur de la capitale, s’appelait place du 7 Novembre. Pourquoi cet État, qui n’avait jamais appartenu à la sphère d’influence de l’URSS, honorait-il l’anniversaire de la grande révolution socialiste ? Leur guide était obligé de dissiper le malentendu: le grand événement du 7 Novembre, fêté en Tunisie, ne remonte pas à 1917, mais à 1987 : ce jour-là accéda au pouvoir Ben Ali, destituant de la présidence le fondateur de la Tunisie moderne, le vieux Habib Bourguiba. Alors commença le Changement.

Les Tunisiens n’ont pas d’humour, m’a dit un jour un officiel. Pourtant, aujourd’hui, je trouve sur Facebook une blague publiée par une connaissance tunisienne : 

« Petite annonce: On cherche un nouveau président pour la Tunisie. Expérience : débutant accepté. Type de contrat : CDD. Qualités requises : orphelin, fils unique, stérile et surtout chauve pour qu’il ne fréquente pas les salons de coiffure. »

Cette fois le changement est sérieux. Et le jour férié aura probablement lieu le 14 janvier. Certainement pas le 7 novembre.

Source: “Tunivisions” Le 12-03-2011

Lien: http://www.tunivisions.net/ben-ali-raconte-par-p-l-pataki-ex-ambassadeur-de-hongrie,11643.html#


 

Tunisie – Zones d’ombre autour de la tirade de Ridha Grira sur le départ de Ben Ali le 14 janvier


 

Dans le but de mettre fin aux rumeurs et intox qui peuvent déformer l’histoire et perturber davantage l’opinion publique nationale, Ridha Grira, ancien ministre de la Défense nationale a accordé des interviews au quotidien Echourouq et à la radio Mosaïque FM.

Dans ces interviews, Ridha Grira a donné sa version des faits qui se seraient produits lors des derniers jours précédant la fuite de l’ex-président Ben Ali, dévoilant tous les détails des événements et décisions prises lors de cette période tout en évoquant les rôles des principaux acteurs en ces journées cruciales, à savoir les Mohammed Ghannouchi, Foued Mebazaâ, Ali Seriati, Rachid Ammar ou encore Abdallah Kallel…

Ces déclarations, aussi spectaculaires soient-elles, laissent beaucoup de zones d’ombre. Eclairage.

De cette interview-feuilletonesque, il ressort que la situation a commencé à prendre des dimensions dramatiques dans la nuit du jeudi 6 au vendredi 7 janvier, lorsque l’ex-président Ben Ali avait ordonné une implication militaire pour maintenir l’ordre dans les régions de l’intérieur alors que ce genre de missions relève officiellement et exclusivement de la compétence des forces de sécurité intérieures.

Ridha Grira exprime son étonnement de voir Ali Seriati, directeur de la sécurité présidentielle, lors de la réunion de coordination tenue au siège du ministère de l’Intérieur, dimanche 9 janvier, contrôler totalement l’opération de coordination sécuritaire entre les deux départements. Il était choqué de voir le patron de la sécurité présidentielle donner des ordres aux militaires, une prérogative que seuls le Chef de l’Etat ou le ministre de la Défense pouvaient assumer. De plus, Ali Seriati parlait de distribution de billets de banque en guise de rémunération pour des parties qu’il n’a pas nommées, ce que M. Grira affirme avoir contesté et rejeté.

Des incitations ont cependant émané de Ali Seriati jeudi soir, 13 janvier 2011, appelant le ministre de la Défense à montrer plus d’efficacité du côté militaire car il est fort probable qu’on n’aura, le lendemain, aucun président pour le pays.

Entretemps, et constatant que certains agents de police et de la garde nationale commençaient à rendre leurs armes, le ministre a demandé aux officiers de l’Armée de n’accepter aucune arme pour éviter toute éventualité d’accusation de complot contre les forces militaires. Et ce n’est que suite à une communication téléphonique avec le président déchu que le ministre de la Défense a admis cette procédure.

Le 14 janvier, vers midi, M. Grira avait reçu un appel du président déchu lui demandant des informations sur un hélicoptère piloté par des agents de sécurité cagoulés autour du palais de Carthage. « Mais quand je l’ai rassuré que tous les hélicoptères sont sous le contrôle de l’armée, affirme M. Grira, Ben Ali m’a dit textuellement : qu’est-ce qu’il a Seriati, alors, il délire ou quoi ? ».

Ce point semble avoir décidé Ben Ali à confier la mission de coordination entre les deux ministères de l’Intérieur et de la Défense au général Ammar.

En ce même jour du 14 janvier 2011, vers 17h30, ajoute Ridha Grira, le commandement des armées de l’air l’avait appelé pour l’informer que Ben Ali avait quitté le pays à bord de l’avion présidentiel, depuis l’aéroport militaire d’El Aouina. « Le voyage du président déchu et des membres de sa famille était programmé, dans un premier temps, pour débarquer à Djerba et son avion n’était pas escorté par 2 avions militaires de guerre comme l’avaient prétendu les rumeurs », insistait le ministre.

Ce n’est que 5 minutes après le décollage de l’avion présidentiel que M. Grira a reçu un appel du président déchu, l’informant, d’une voix tremblotante qu’il se trouvait dans l’avion : « sa voix étaient étrange et somnolente. On dirait celle d’un drogué alors que le numéro d’appel était invisible », déclare l’ancien ministre.

Selon M. Grira, Ali Seriati se trouvait à ce moment là l’aéroport de Tunis-Carthage, en compagnie du directeur du protocole. C’est à cet instant que l’ancien ministre ordonne de lui retirer son arme et son téléphone portable et de l’arrêter. Ce qui fut fait grâce au concours des militaires.

L’invitation des 4 symboles du gouvernement tunisien de la part de certains membres de la sécurité présidentielle avait suscité l’étonnement et l’inquiétude de M. Grira qui a conseillé à Mohamed Ghannouchi de ne pas entrer au Palais de Carthage où il n’y avait personne pour les recevoir.Une demande qui a été catégoriquement refusée par ce dernier.

Seulement, le général Ammar ne s’était pas présenté au palais, précise l’ex ministre, alors qu’Abdallah Kallel, Foued Mebazaâ et Mohamed Ghannouchi ont répondu présents pour faire l’annonce de la vacation provisoire du pouvoir, ce qui faisait de Mohamed Ghannouchi nouveau président par intérim selon l’article 56 de la Constitution.

Ensuite, il a été convenu de tenir une réunion urgente au siège du ministère de l’Intérieur où étaient présents 5 membres du conseil supérieur des armées, M. Ghannouchi, M. Friaâ et de hauts responsables du ministère de l’Intérieur. Une réunion qui s’est poursuivie jusqu’à 3 heures du matin et qui a été conclue par la prise d’une décision collective : appliquer l’article 57 de la Constitution en vertu duquel, Foued Mebazaâ devient président provisoire du pays.

Interrogé sur les rumeurs circulant un peu partout concernant l’éventualité de la prise du pouvoir par l’armée, l’ancien ministre de la Défense a précisé que c’est totalement faux et que les forces militaires ont même refusé d’être l’unique partie disposant d’armes dans le pays.

Il a ajouté, par ailleurs, que le général Ammar n’était pas présent au palais lorsque Ben Ali « a été mis dehors » et que tout ce qui a été dit là-dessus est de l’intox.

Evoquant les péripéties de son départ du gouvernement dit d’union nationale, il a indiqué qu’il n’a pas démissionné de son propre gré, mais qu’il a été limogé alors qu’il aurait préféré continuer à faire partie du gouvernement en tant que ministre de la Défense afin d’assumer sa responsabilité en dévoilant certaines vérités qui le préoccupent ainsi que tous les Tunisiens notamment celles concernant les snipers, les plans de certaines personnes suite à la fuite du président déchu…

Ridha Grira, qui indique avoir reçu un appel téléphonique de Kamel Morjane pour l’évacuer du ministère des Affaires étrangères, assure qu’aucune intervention étrangère n’a eu lieu, ni dans le processus de l’action du général Rachid Ammar ni dans celui de son action en tant que ministre de la Défense nationale.

Fin du récit de l’essentiel du contenu des interviews.

Une lecture analytique de cette interview ou plutôt cette tirade, suscite plusieurs remarques et quelques points d’interrogation.

Tout d’abord, Ridha Grira a voulu se donner un poids et une prestance en faisant un halo autour de supposées révélations qui n’ont, finalement, rien de telles.

Il est utile de rappeler qu’en Tunisie, le poste de ministre de la Défense nationale a toujours été quelque peu honorifique.

Rien qu’en passant en revue les titulaires de ce portefeuilles, on se rend compte qu’ils étaient tous ou presque étrangers au domaine. On citera, entre autres, les Slaheddine Baly, Mohamed Jegham, Dali Jazi, Kamel Morjane, etc. Sans oublier que le véritable chef des forces armées n’est autre que le président de la République. Raison de plus lorsqu’il y avait Ben Ali, un ancien militaire.

M. Grira donne l’impression d’avoir été la plaque tournante ou une sorte de chef d’orchestre qui coordonne tout, arrange et anime les réunions. Il se présente comme étant la principale personne qui était en contact direct avec le président déchu durant les jours ayant précédé ce 14 janvier.

Dans pas mal de passages de son récit, il parle d’officiers supérieurs ou de simples officiers qui lui donnent les infos, sans oublier qu’il reste trop flou sur ce qui s’est passé en ce 14 janvier, journée clé pour la Révolution et la fuite de Ben Ali. Où est l’épisode de la décision du général Ammar de fermer l’espace aérien pendant trois heures au cours desquels il y eut le départ de Ben Ali ? Que fait Seriati à Tunis-Carthage alors que l’avion du président déchu a décollé d’El Aouina ?

Selon diverses sources concordantes, Seriati aurait été arrêté le lendemain du 14 janvier près de Ben Guerdane. L’info a été véhiculée par tous les médias nationaux et étrangers sans le moindre démenti, ni du ministère de l’Intérieur et encore moins de Ridha Grira qui était encore ministre au sein du gouvernement provisoire.

M. Grira semble minimiser le rôle du général Rachid Ammar, notamment lors de la journée du 14 janvier alors que certaines sources indiquent qu’il s’était pointé dès 8h15 le matin de cette journée au Palais de Carthage. D’ailleurs, des articles de médias étrangers, citant des sources en provenance des services de renseignements occidentaux, parlent d’un rôle assez majeur et du général Ammar et de Kamel Morjane.

L’histoire de M. Grira est vraiment « borgne » en évoquant l’option pour l’article 56 de la Constitution pour faire l’annonce de Mohamed Ghannouchi.Qui en a décidé ainsi ? Et qui a chapeauté cette opération ? Où étaient passées les deux barons du Palais de Carthage, Abdelaziz Ben Dhia et Abdelwahab Abdallah alors qu’ils faisaient la une des bulletins urgents de tous les médias audiovisuels et électroniques en cette journée du 14 janvier 2011 durant laquelle ou, du moins, durant la matinée de laquelle, ils étaient encore bien au Palais.

Des témoins oculaires attestent même que M. Ben Dhia est revenu à Carthage le lendemain pour prendre ses affaires et partir du Palais conduisant, lui-même, sa voiture.

Il s’agit là des principales zones d’ombre et des interrogations soulevées par la tirade de Ridha Grira. De là à dire qu’il semble avoir voulu faire un grand coup d’éclat au moment où des voix s’élèvent pour lui demander des comptes lors de la période de son assez long passage à la tête du ministère du Domaine de l’Etat et des Affaires foncières, il n’y a qu’un pas que certains n’ont pas hésité déjà à franchir.

Source: ”Business News” Le 11-03-2011

Lien: http://www.businessnews.com.tn/Tunisie-–-Zones-d’ombre-autour-de-la-tirade-de-Ridha-Grira-sur-le-départ-de-Ben-Ali-le-14-janvier,519,23895,1


 

Pourquoi Youssef Seddik veut se porter candidat à l’assemblée constituante ?


 

Premier candidat à se prononcer publiquement sur sa volonté de faire partie de l’assemblée constituante qui sera élue le 24 juillet, Youssef Seddik s’explique sur les raisons qui le portent à se présenter. 

A 68 ans, le personnage de Youssef Seddik ne laisse pas indifférent. Entre ses admirateurs qui apprécient son interprétation moderne de l’islam et ses détracteurs qui lui reprochent de trahir la pensée islamique, l’auteur du Grand malentendu, l’occident face au Coran, s’est toujours évertué à défendre avec pugnacité ses prises de position. Né à Tozeur au sein d’une famille simple arrivée à Tunis dans les années 1940, Youssef Seddik a passé son enfance dans la librairie que tenait son père dans la médina. Il est établi à Paris depuis les années 1980, où il enseigne la pensée islamique moderne et revient périodiquement en Tunisie pour y donner des conférences et participer à des séminaires.

Youssef Seddik explique que sa candidature à l’assemblée constituante est motivée par sa volonté d’intervenir à quatre niveaux : tout d’abord inscrire dans la nouvelle constitution de la Tunisie d’une manière définitive la condamnation de toute forme de torture, un combat qu’il mène aux côtés de Stéphane Hessel, invité pour en parler samedi 12 mars à Tunis. Ensuite, faire en sorte que les médias aient réellement les moyens de constituer effectivement un 4ème pouvoir aux côtés des trois autres. La question de l’islam et de la relation entre les religions et l’Etat est, bien évidemment, une des autres principales idées qu’il souhaite voire inscrites dans la constitution. Enfin, Youssef Seddik défend l’idée de la création d’une nouvelle constitution pérenne et propre à la Tunisie portée par les inspirations révolutionnaires de son peuple qui se sont exprimées le 14 janvier 2011.

Concernant son engagement politique, Youssef Seddik avoue qu’il reste indépendant de tout parti politique, préférant s’engager dans le travail associatif à travers l’association en cours de création Averti (Association de vigilance et d’engagement pour la révolution tunisienne et son immunité).

Source:”Leaders” Le 12-03-2011

Lien: http://www.leaders.com.tn/article/pourquoi-youssef-seddik-veut-se-porter-candidat-a-l-assemblee-constituante?id=4458


 

Aziz Amami – j’ai rencontré un homme libre


 

Figure emblématique des cyber-activistes tunisiens qui ont initié le combat contre la censure Internet en Tunisie avec des opérations comme Nhar 3ala Ammar en mai 2010 ou Lettre à un député en juillet 2010, arrêté le 6 janvier et libéré à la veille du 14 janvier, Aziz Amami (Azyoz), savoure la victoire du peuple tunisien contre la tyrannie et l’injustice. Alors que ses deux principaux compagnons de route ont choisi, chacun un chemin différent, Slim Amamou (Slim404) étant entré dans le gouvernement et Yassine Ayari ayant choisi de rester dans la contestation, Aziz explique à Leaders ses prises de positions et sa vie depuis le 14 janvier.

Une après-midi brumeuse. Un café trash de Montplaisir. Autour d’une fumée opaque, quatre hommes, en pleine discussion, grillent leurs cigarettes, en jetant un regard distrait aux images des révolutions arabes qui défilent en boucle sur El Jazira. Deux filles, sur la table à côté, se font face en silence. On se met à l’écart. Le cendrier en aluminium est encore plein de mégots. Aziz s’installe. Je sors mon matériel. Tiens, il a déjà allumé sa première cigarette, une marque bon marché. Il ne me demande pas s’il peut fumer ou si j’en veux une. Une allure élégante décontractée, Aziz Amami, avec sa parka et sa chemise assorties, son sac à dos usé et sa barbe négligée. Il ne paie pas de mine de prime abord mais entrer dans son monde n’est pas un exercice de tout repos. D’emblée, il me présente son concept la majorité vibreur, située entre ceux qui crient leur silence et ceux qui se murent dans le leur pour faire entendre leur voix, et qui émet juste assez de bruit pour déranger sans être insupportable. Ses actions : s’attaquer aux ponts, routes et autoroutes et même au grand huit de Dah Dah, tous symboles du régime déchu. Le décor est planté. Ce sera la dérision.

«J’aurais pu supporter Ben Ali encore longtemps, mais ce qui m’a le plus indigné, c’est qu’il a voulu me priver de mon droit de rire, raconte Aziz ».Dans un de ses blogs écrit en 2009, il écrivait déjà : « rire est une arme absolue. Rire est un acte de résistance. Rire est un acte libérateur. Rire est un acte révolutionnaire ». Le combat pour acquérir le droit de rire de tout continue encore pour Aziz qui affirme que « l’on a gagné la liberté d’expression depuis le 14 janvier 2011 mais pas encore la liberté de ton. Par exemple, je revendique le droit de rire même de nos martyrs car rire d’un malheur, c’est l’extérioriser. Le mettre en dehors. Le regarder. Le prendre avec distance. Et puis, tous ces martyrs ne sont pas allés au devant de la mort, ils ont justement manifesté pour réclamer leur droit à la vie et s’ils sont morts c’est pour que nous puissions mieux vivre, c’est donc un acte de vie et de joie que l’on ne doit pas commémorer par le silence et sa minute. Non, ils sont morts pour que l’on ne taise plus, alors célébrons-les dans la musique, le chant et la danse».

Un activiste du rire, Aziz ? Cela le fait sourire. Il en est à sa troisième cigarette. Le serveur se fait attendre. Je vais apporter du café. Aziz est lucide mais décalé, comme entre deux mondes. Comment vit-il ces derniers jours ? «Tranquille, dit-il, je vis doucement la révolution. Je participe à tous les mouvements, les manifestations, les sit-in». Son monde, El Kasbah, la première et aussi la deuxième. Il vient de lancer une pétition pour revendiquer le droit de garder les graffitis sur les murs de la place du gouvernement, « un pan de notre histoire, dit-il et une partie de notre patrimoine». Et il raconte comment cet ouvrier, chargé de repeindre la place, pleurait en passant son rouleau de peinture sur l’inscription «Tounis Horra».

« Si l’Etat veut qu’on le respecte, il faut qu’il respecte les combats de son peuple, ajoute Aziz. Et il ne faut pas oublier que Ben Ali a été chassé parce qu’il a humilié les Tunisiens. La place de la kasbah a été, pendant plusieurs jours, notre agora moderne et elle devrait continuer à être un lieu de liberté et de débat politiques, donné en exemple de démocratie vivante avec un coin qui rappelle qu’une page majeure de notre histoire s’est écrite en ces lieux par des hommes qui ont bravé le froid d’un certain hiver de 2011 pour dire non à la confiscation de leur liberté acquise par le sang».

Mais Aziz était aussi avec ses amis à la Kobba pour discuter. Il dit comprendre leur volonté de retour à la normalité et n’en veut à personne. Le silence des Tunisiens pendant toutes ces années ne le choque pas non plus. La majorité des Tunisiens vivaient assez bien. Il y avait une sorte d’accord tacite entre le peuple et sa classe gouvernante, sécurité contre silence.Et puis, des lignes rouges ont commencé à être franchies et le cercle de la peur s’est brisé. « Par exemple, raconte Aziz, mon père ne s’est révolté que lorsqu’on a arrêté son fils (lui) le 6 janvier 2011 ».

« Quant à l’identité musulmane, on ne peut pas la nier, ajoute Aziz, et il est normal de voir des mouvements l’exprimer ». Le plus important, selon lui, actuellement est d’apprendre à vivre ensemble. Un combat pour lequel il consacre toute son énergie, aussi bien sur les réseaux sociaux que dans la rue, au milieu des gens, s’évertuant à écouter, respecter et à défendre une position conciliatrice, prélude d’un mieux vivre ensemble qui reste à construire.

Activiste, Aziz ? Vous voulez rire !

Source: “Leaders” Le 12-03-2011

Lien:http://www.leaders.com.tn/article/aziz-amami-j-ai-rencontre-un-homme-libre?id=4456


 

In birthplace of Arab uprising, discontent lingers


 

From this sleepy town in Tunisia, revolution swept across the Arab world. But while one man’s act of defiance and despair has transformed the Middle East, it has changed little in his hometown.

Residents of Sidi Bouzid can now express their anger more freely. But they’re still clamoring for jobs and rail against the official chicanery that drove a local fruit vendor, Mohamed Bouazizi, to set himself on fire on Dec. 17.

The desperate act by the high-school dropout set off mass protests that brought down President Zine El Abidine Ben Ali in less than a month. The revolt inspired others who toppled autocratic Egyptian President Hosni Mubarak, launched an armed rebellion against Libyan despot Moammar Gadhafi, and rattled governments in Yemen, Bahrain and elsewhere.

The protests have common roots: anger against official corruption and political oppression, a « youth bulge » that means economies can’t grow fast enough to provide jobs for all, and growing expectations of a better life as a result of improved education and widespread Internet and satellite TV access.

In Sidi Bouzid, a town of about 70,000 people and the provincial capital of a district of about 410,000 people in the Tunisia’s central plain, disillusionment has largely replaced the euphoria of the uprising.

Unemployed young men spend their days playing cards in coffee shops, dreaming of sneaking into Europe. Since the overthrow of Ben Ali, thousands of Tunisians have attempted the dangerous trip across the choppy Mediterranean in old fishing boats.

Other job seekers throng the local governor’s office, just yards from where the 26-year-old Bouazizi turned himself into a human torch, to try to press crumpled CVs and college diplomas into the hands of officials across coils of barbed wire. Officials say they had to barricade the compound because they fear angry crowds might try to break in.

But for those waiting outside the gates — some come every day and try for hours to get someone’s attention — the barriers signal that those in charge now are as inaccessible as their predecessors.

« I don’t understand why the governor can’t open the door, » said jobseeker Kamal Hamdi, 38, who holds a degree in economics, but has been forced to work as a waiter for the past 11 years because there are no jobs in his field.

« Since the revolution, nothing has changed, » said Hamdi, a father of three. « We threw out Ben Ali, that’s all. »

Unemployment is perhaps most demoralizing for the young men who spearheaded the street protests after Bouazizi’s self-immolation and now find themselves back in the coffee shops, smoking and talking about ways to get to Europe.

One of them is Ali Chouaibi, 22, who earns a little spending money with odd jobs, such as fixing antennas. « We think that work is dignity. We are people without dignity, » said Chouaibi. « I want to live a normal life … to marry the woman I love, because without money, you can’t marry. »

Tunisia’s interim government is appealing for patience, saying it needs time to put in place an ambitious economic development plan. Officials promise that remote places like Sidi Bouzid, which saw the earliest and some of the bloodiest protests, will be given priority as part of this plan.

However, with Tunisia still trying to find its way after the uprising, it appears unlikely the transition government will get much done. The interim Cabinet has already gone through several shake-ups, sporadic street protests in the capital continue, and elections are set for July for a body meant to rewrite the constitution and pave the way for a presidential vote. That leaves not much time to get started on massive job-creation programs.

Meanwhile, unemployment is almost certain to rise from the pre-revolt national average of 14 percent because the unrest devastated Tunisia’s tourism industry.

Before Ben Ali’s downfall, tourism employed about 400,000 people, or 10 percent of the working age population. Tourism revenues fell 40 percent from January into February, Tourism Minister Mehdi Houas said recently, adding that the situation might even be worse, with many businesses fearing collapse if tourists don’t return soon.

In some respects, Tunisia seems better off than some of its neighbors. The youth bulge is not nearly as big as in some Arab countries, such as Yemen. Per capita income stands at around $9,500, or lower middle in a worldwide comparison. And Ben Ali’s government spent huge sums on education, creating a growing crop of university graduates.

However, in rural districts like Sidi Bouzid, where jobs for academics are scarce, that has created even more discontent. At least 6,000 university graduates in the province are unemployed, local officials say.

Among those waiting outside the governor’s office on Wednesday was Ida Hamidi, 27, who is seeking jobs for five college-educated siblings, with degrees in sports, biology, computer science, finance and French, respectively. Hamidi said she has made the 60-kilometer (40-mile) trip from her village repeatedly in recent days, walking for several miles to catch a bus to the provincial capital. She said she has so far had no luck delivering her siblings’ CVs, let alone speak to an official inside. Barely holding back tears of frustration, she said life hasn’t changed since the uprising.

The post-revolt government has replaced top officials, including regional governors, and insists it’s now following an open-door policy.

Sidi Bouzid’s new deputy governor, Ali Rahal, said that all those seeking jobs will get a hearing, but was evasive when asked about specific job-creation plans.

Rahal, who until recently taught philosophy in a nearby town, acknowledged the enormous challenge. « The number (of unemployed) is very big, » said the 36-year-old who spent the morning listening to demands from businessmen and area politicians crowding into his office. « This will not be solved overnight. »

Despite disillusionment in Sidi Bouzid, there’s also pride in having made history as the catalyst of a regionwide protest movement.

Bouazizi, the fruit vendor, was an unlikely hero. For the past seven years, he had been the family’s main breadwinner, selling fruit from his pushcart.

On Dec. 17, municipal inspectors confiscated his scales and his wares, on grounds that he did not have a vending permit, said his mother, Manoubiyeh. She said one of the inspectors also slapped him in public.

Incensed by the humiliation, Bouazizi asked to complain to the governor, but was ignored, his mother said. He then doused himself with gasoline and set himself on fire outside the governor’s office. He suffered severe burns and died Jan. 4. « I hope that God will finally have mercy on him, because Mohamed died because there was no justice, » she said.

Despite her grief, Bouazizi said she is proud of her son. « He was the reason of the revolution that started from Sidi Bouzid and reached Egypt and Libya, » she said.

The young vendor is buried in a small cemetery nestled among olive trees and cactus fruit, near his home village of Grab Ben Noor, a few miles from Sidi Bouzid. A red Tunisian flag marks the grave of whitewashed stone.

In the center of Sidi Bouzid, Bouazizi’s photograph has been attached to a gold-colored sculpture of a dove, as a makeshift memorial until a proper one is build. The white wall behind the sculpture is covered with red graffiti in English, French and Arabic. « Stand up for your rights, » reads one of the slogans.

Other attempts are being made to immortalize the young vendor.

A Tunisian filmmaker, Mohamed Zran, said he plans to make a movie about Bouazizi’s life and visited the family home this week for research. Zran said freedom was hard-won and needs to be protected, but that the international community must also help Tunisia during the difficult transition.

He said the country’s potential is boundless because of the energies set free by the uprising. « I am not afraid of the future, » he said.

Bouazza Ben Bouazza contributed to this report.

Source: “AFP” Le 12-03-2011

Lien:http://www.google.com/hostednews/ap/article/ALeqM5jcJROkLvZMnE0qc4SkLHdHGMAe3A?docId=806a4da9a45947f1a482b07f85d1441d


 

Egypt and Tunisia no longer « enemies of the internet »


 

When revolutions toppled the ruling regimes of Egypt and Tunisia, the two countries were removed from the « Enemies of the Internet » list.

The list is drawn up each year by the international organization Reporters without Borders to reveal the worst violators of freedom of expression on the internet.

In this year’s list, published on the eve of Friday’s World Day Against Cyber-Censorship (also organised by Reporters without Borders), includes Saudi Arabia, Syria, Cuba, Myanmar, China, North Korea, Vietnam and Uzbekistan.

Egypt, Tunisia, Libya, Venezuela and France are included on a « Countries under Surveillance » list.

Reporters without Borders condemned the imprisonment of 119 people around the world for using the internet to express their views, mostly in China. Liu Xiaobo, a Chinese dissident who was awarded the 2010 Nobel Peace Prize is in a Chinese prison.

Though some consider the internet an instrument of sabotage, it is also used for official propaganda and its impact on politics grows every day. This is proved by the recent revolutions in the Arab world and the political issues raised by WikiLeaks, said Reporters without Borders.

Source: “Almasry Alyaoum” Le 12-03-2011

Lien: http://www.almasryalyoum.com/en/node/350091

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