FTCR: Tunisie : le vote de l’article 8 consacre une discrimination et instaure une citoyenneté a deux vitesses !
AP: Tunisie: adoption d’une mini-Constitution accordant de larges pouvoirs au prochain chef du gouvernement
Libération: Tunisie: une constitution provisoire avant l’élection du Président lundi
AP: Les juifs tunisiens sont des “citoyens à part entière”, assure Ennahdha
Business News: Accusations de Abbou contre l’opposition et étranges similitudes
Kapitalis: Tunisie. Ben Ali était-il victime d’un coup d’Etat?
Kiri John: France, un ministre de l’intérieur en mal de populisme
Farhat Othman: La vérité sur la révolution tunisienne en dix points : Pour une lucide mise en perspective
TUNISIE : LE VOTE DE L’ARTICLE 8 CONSACRE UNE DISCRIMINATION ET INSTAURE UNE CITOYENNETÉ A DEUX VITESSES !
IL FAUT L’ABROGER.
Tunisie: adoption d’une mini-Constitution accordant de larges pouvoirs au prochain chef du gouvernement
Tunisie: une constitution provisoire avant l’élection du Président lundi
La Tunisie s’est dotée dimanche d’une mini constitution provisoire permettant de désigner les futurs président et chef de gouvernement qui dirigeront le pays jusqu’à la tenue d’élections générales et l’adoption d’une constitution définitive par l’Assemblée constituante élue le 23 octobre.
Les 217 députés ont voté le texte de 26 articles qui régira les pouvoirs publics et permettra un démarrage des institutions de l’Etat, onze mois après la fuite en Arabie saoudite du président Zine El Abidine Ben Ali, chassé par un soulèvement populaire le 14 janvier.
La constitution provisoire a été approuvée peu après minuit (23H00 GMT) par 141 voix pour, 37 contre à l’issue de débats marathon, souvent fastidieux et houleux entamés mardi.
Cet épisode du processus de transition est un “instant historique” et “un départ de la Tunisie nouvelle”, a lancé le président de l’assemblée Mustapha Ben Jaafar, alors que les élus entonnaient l’hymne national et que des députés de la majorité se congratulaient.
M. Ben Jaafar a dit sa “fierté de diriger une Assemblée qui réunit les meilleurs enfants de la Tunisie grâce à la révolution de son vaillant peuple”.
Le texte définit les conditions et procédures d’excercice des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire jusqu’à la tenue d’élections générales et la promulgation d’une constitution définitive pour la Tunisie de l’après Ben Ali.
Cette période transitoire devait durer un an en principe, mais aucun délai n’a pas été formellement énoncé dans le texte comme le souhaitait l’opposition.
M. Ben Jaafar a annoncé que l’élection du président aura lieu lundi.
La présidence devrait revenir à Moncef Marzouki, chef du Congrès pour la République (CPR, 29 élus) qui désignera au poste de chef de gouvernement Hamadi Jebali, numéro deux du parti Islamiste Ennahda (98 élus). Il devra soumettra son équipe à l’approbation de l’assemblée dans les prochains jours.
Ce scénario a fait l’objet d’un accord entre la coalition majoritaire entre Ennhada et deux partis de gauche, le CPR et Ettakatol (20 élus) de Mustapha Ben Jaafar.
Aux termes de la constitution provisoire, le président sera“exclusivement Tunisien, de religion musulmane, descendant de parents tunisiens et âgé de 35 ans minimum”. Il est choisi au vote secret à la majorité absolue parmi des candidats qui doivent être parrainés chacun par quinze élus au moins.
Lors des débats souvent vifs et contradictoires, des élus avaient proposé en vain d’autoriser la candidature de binationaux et d’énoncer expressément le droit de chaque Tunisien “ou Tunisienne” d’être candidat à la présidence.
La discussion des prérogatives du président a enflammé l’hémicycle.
L’opposition a boycotté le vote, arguant que le futur président est dessaisi au profit du Premier ministre qui concentre trop de pouvoirs entre ses mains.
Le président fixe avec le chef du gouvernement la politique étrangère du pays. Il est le chef suprême des forces armées mais ne nomme ou ne révoque les hauts officiers qu’“en concertation” avec le chef du gouvernement.
Une autre disposition controversée délègue “en cas de force majeure” les pouvoirs exécutif et législatif aux trois présidents (président de l’Assemblée, chefs de l’Etat et du gouvernement) et non plus au seul Premier ministre.
Objet d’âpres négociations de l’opposition, la nomination du gouverneur de la Banque centrale a finalement été laissée au choix concerté des chefs de l’Etat, du gouvernement et de l’Assemblée. Le titulaire de ce poste allait être nommé par le chef du gouvernement, comme tous les autres hauts fonctionnaires.
“La pleine indépendance” du pouvoir judiciaire a fait l’unanimité.
Malgré la longueur des débats, les séances, retransmises en direct à la télévision, ont suscité un engouement sans précédent des Tunisiens, des médias et réseaux sociaux, les uns s’emerveillant d’un “exercice de la démocratie”, d’autres criant à la “tyrannie de la majorité”.
Source: “Liberation” Le 11-12-2011
Les juifs tunisiens sont des “citoyens à part entière”, assure Ennahdha
Accusations de Abbou contre l’opposition et étranges similitudes
Mohamed Abbou, membre dirigeant au CPR et élu à la Constituante, persiste et signe dans ses accusations contre des parties de l’opposition et tous les observateurs auront compris qu’il s’agissait du PDP. M. Abbou, qui est un homme de loi, assure qu’il ne s’agit pas d’une pointe de colère de sa part, mais qu’il pèse bien ses mots et maintient que certaines parties, ayant perdu dans les élections, sont en train de « comploter contre la Tunisie en essayant de créer un climat d’anarchie et de confusion afin de détruire l’économie du pays, l’objectif final étant de nuire à d’autres parties politiques appelées à gouverner. Mohamed Abbou affirme qu’il détient les preuves matérielles d’implication desdites parties et qu’il va les rendre publiques une fois vérifiées. Enfonçant le clou, le dirigeant au CPR estime que ces pêcheurs en eaux troubles croient qu’en semant la discorde et le chaos dans le pays, ils vont échapper à la justice. Les observateurs, faisant une lecture des propos de M. Abbou, relèvent d’étranges similitudes avec les propos tenus par l’ancien régime de Ben Ali qui utilisaient, exactement, les mêmes termes et les mêmes expressions pour fustiger les opposants qu’il qualifiait de comploteurs, de pêcheurs en eaux troubles et de traitres envers la patrie. Ben Ali qualifiait toute déclaration ou toute action sur le terrain de l’opposition (grèves, sit-in, meetings, etc.) de tentatives de déstabiliser le régime et le pays. Ben Ali parlait également d’intérêt suprême de la nation ! Là aussi, on assiste au recours au mêmes méthodes pour faire taire toute velléité contestataire. En tout état de cause, M. Abbou est tenu, moralement et légalement, d’étayer, dans les plus brefs délais, ses propos car il est temps d’arrêter ce genre d’accusations, gratuites jusqu’à preuve du contraire, et de confondre entre liberté d’expression et diffamation gratuite. Le bon sens imposait à Mohamed Abbou d’attendre d’avoir effectivement les preuves pour les rendre publiques en même temps que les accusations. Et en tant qu’homme de loi, le dirigeant du CPR est bien placé pour savoir que les preuves doivent précéder ou du moins accompagner les accusations et non l’inverse.
Source: “Business News” Le 11-12-2011
Colère de supporters tunisiens
Les supporters tunisiens de l’Espérance, battue (1-2) par Al-Sadd en quarts de finale de la Coupe du monde des clubs ce dimanche matin au Japon, n’ont guère apprécié les décisions arbitrales défavorables à leurs couleurs en fin de rencontre (selon eux : deux buts injustement annulés pour hors jeu et un penalty non sifflé). Leur tort est d’avoir manifesté leur mécontentement sur le terrain, l’un de ces supporters furieux ayant même tenté de s’en prendre au gardien du club de Doha, qualifié pour la demi-finale contre le FC Barcelone, jeudi. L’entraîneur de l’équipe tunisienne, Nabil Maaloul, s’est excusé après ces débordements. «Je suis vraiment désolé. Parfois, cela arrive. La Tunisie et Al-Sadd sont soeurs et cela n’aurait pas dû se produire», a-t-il déclaré
Source: ”l’equipe” Le 11-12-2011
Lien. http://www.lequipe.fr/Football/breves2011/20111211_130446_colere-de-supporters-tunisiens.html
Tunisie. Ben Ali était-il victime d’un coup d’Etat?
Dans un droit de réponse, signé par son avocat Akram Akhzoury, envoyé à nos confrères de ‘‘Mediapart’’, l’ex-président tunisien réaffirme que son départ de Tunisie a été précipité par une machination de son entourage.
Dans les extraits de cette mise au point, l’avocat essaye de rectifier certains faits jugés «inexacts» et de compléter d’autres qualifiés d’«incomplets» dans l’article en question. Mais ses affirmations tendent à conforter la thèse d’un complot dont l’ex-président aurait été victime, «complot» où la responsabilité de certains ses proches collaborateurs est pointée du doigt, mais sans donner lieu à des accusations nominatives. Voici, d’abord, le texte de cette mise au point, que nous commenterons ci-dessous:
Vraies ou fausses menaces sur le palais de Carthage?
«1- Contrairement à ce qu’a reporté l’article à la page 9, le président Ben Ali n’a jamais demandé au ministre de la Défense d’abattre les agents de la brigade antiterroriste. Ceci est documenté et prouvé par l’ensemble des communications téléphoniques – toutes enregistrées – entre le président Ben Ali et le ministre de la Défense, le ministre de l’Intérieur et les généraux Ali Seriati et Rachid Ammar. L’exploitation de ces communications téléphoniques révélera la réalité des événements – faussement reportés dans l’article – qui ont eu lieu et clarifiera en tout état de cause ce qui est ‘‘non dit’’ dans cet article.
«2- Les faits que reporte l’article relativement aux circonstances du départ du président Ben Ali de Tunis le 14 janvier sont en partie incomplets et en partie inexacts: Le président Ben Ali ne s’est jamais enfui de Tunis mais a été la victime d’un coup d’Etat monté de toutes pièces dont nous résumons les circonstances:
«Dans la matinée du 14 janvier 2011, Ali Seriati, directeur général chargé de la Sécurité présidentielle, dit que la situation dans la capitale tunisienne est très grave et incontrôlable et qu’il faut faire évacuer la famille tout de suite, que le palais de Carthage et la résidence de Sidi Bousaid sont encerclés par des éléments hostiles des forces de sécurité et lui a même montré du doigt deux vedettes qui sillonnaient la mer entre le palais et la résidence ainsi qu’un hélicoptère qui survolait la région. Il a ajouté que l’information selon laquelle un agent de sécurité de la garde rapprochée aurait été chargé de l’abattre est confirmée par les services de sécurité d’un pays ami sans préciser le nom de cet agent ni celui du pays en question. Il a insisté et supplié le président afin d’autoriser sa femme et ses enfants de quitter le pays sans délai. Il a même précisé que l’escorte et l’avion présidentiel sont prêts, y compris le plan de vol pour Tripoli et Djeddah. Devant la gravité des événements et l’insistance de Ali Seriati, le Président a fini par accepter que sa famille parte pour Djeddah.
«Le convoi quitte alors le palais de Carthage le 14 janvier vers 17h en direction de l’Aouina où l’avion présidentiel était déjà prêt à décoller. Là, Ali Seriati revient à la charge et insiste pour que le Président lui-même accompagne sa famille et revienne après les avoir déposés à Djeddah; soit une absence de quelques heures seulement. Il a même suggéré de l’accompagner et revenir juste après, proposition refusée par le président. Finalement, le Président a accepté de partir avec sa famille à destination de Djeddah, quitte à ce que l’avion l’attende à l’aéroport pour retourner tout seul le soir même. Mais l’avion est revenu le 15 janvier sans le Président. La suite des événements est connue: Coup d’Etat et application de l’article 57 de la Constitution Tunisienne.
«L’interrogatoire des membres de l’équipage de l’avion présidentiel et le procès du Général Ali Seriati révèleront la réalité des faits.»
Où sont passés les «communications téléphoniques»?
Ce droit de réponse ajoute à la confusion générale sur ce qui s’est réellement passé en cette journée de 14 janvier 2011, qui a été sanctionné par le départ précipité de Ben Ali et de sa famille en Arabie Saoudite.
On remarquera que Ben Ali affirme être victime d’un coup d’Etat, pointe du doigt, mais de façon allusive, le général Ali Seriati, le chef de la sécurité présidentielle, le ministre de la Défense Ridha Grira, le ministre de l’Intérieur Rafik Belhaj Kacem, et le général Rachid Ammar, chef d’état-major. Tout en se disant victime d’un coup d’Etat soigneusement planifié, l’ex-président ne va pas jusqu’à accuser nommément les «putschistes», peut-être pour éviter de les remonter davantage contre sa personne. Ou parce que lui-même n’a que des présomptions et de vagues soupçons, et non des preuves ou des certitudes. Ou qu’il laisse la porte ouverte
Par ailleurs, Ben Ali fait référence, via son avocat, à des «communications téléphoniques toutes enregistrées», entre lui, le ministre de la Défense, le ministre de l’Intérieur et les généraux Ali Seriati et Rachid Ammar, qui pourraient révéler la vérité des faits durant ces heures fatidiques qui ont précédé son départ précipité.
On remarquera, avec ‘‘Mediapart’’, que ces «communications téléphoniques» ne figurent pas dans les procès-verbaux des auditions menées par la justice tunisienne avec les divers protagonistes, notamment MM Sériati, Belhaj Kacem, Grira et Ammar. Ce qui suscite quelques interrogations. Si ces communications existent, pourquoi n’ont-elles pas été auditionnées par les juges? Si elles ont été détruites ou dérobées, les juges sont dans l’obligation d’enquêter à leur sujet, car l’opinion publique a le droit de savoir qui les détruites et pour quelles raisons ? Reste une autre hypothèse, à notre avis la moins probable, connaissant la propension de l’ancien régime à tout écouter, à tout enregistrer et à tout consigner noir sur blanc: ces communications téléphoniques n’ont jamais existé. En les évoquant avec insistance, via ses avocats, Ben Ali cherche à mettre la pression sur ses ex-collaborateurs, qu’ils soient poursuivis par la justice ou au pouvoir.
En tout état de cause: il y a encore, derrière les demi-révélations des uns et des autres, beaucoup de silences et de non-dits sur les rôles joués par les uns et les autres en cette journée du 14 janvier 2011. Quelques morceaux du puzzle manquent encore et il est peu probable, comme souvent dans de pareils circonstances historiques, qu’ils puissent être reconstitués du vivant des protagonistes.
Source: “Kapitalis” le 11-12-2011
Lien. http://www.kapitalis.com/fokus/62-national/7255-tunisie-ben-ali-etait-il-victime-dun-coup-detat.html
Difficultés et perspertives de l’économie de la Tunisie
TUNISIE (Xinhua) – Depuis les événements de janvier et surtout avec une incertitude des conditions sociales et sécuritaires, l’économie tunisienne affronte des difficultés permanentes et préoccupantes.
“La Tunisie clôtura l’année 2011 avec un taux de croissance presque nul ou négatif”, a ainsi déclaré le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie Mustapha Kamel Nabli.
Comment et qu’est-ce qu’on doit faire pour relancer l’économie tunisienne? Farid Tounsi, Directeur général de l’Agence tunisienne de Promotion de l’Industrie et de l’Innovation (APII), entend tracer une voie à suivre dans une récente interview accordée à Xinhua.
La Tunisie devra continuer à mobiliser ses efforts et mettre le cap sur l’appel à l’investissement national et étranger, l’amélioration de la compétitivité de l’entreprise et un meilleur marketing de la Tunisie pour réaliser un taux de croissance en mesure de résorber le chômage et créer des richesses, a souligné M. Tounsi.
UN MODELE ECONOMIQUE REUSSI
Avant le 14 janvier et selon les témoignages de certaines organisations internationales, comme la Banque mondiale et la Banque européenne d’Investissement, la Tunisie a été “un modèle économique réussi avec une compétitivité améliorée et une croissance de 5% sur les 20 dernières années”.
“Mais cette observation ne nie pas que le modèle économique tunisien était entaché de plusieurs vicissitudes politiques, de mauvaise gouvernance et de corruption”, a souligné M. Tounsi, ajoutant que ce modèle était déjà confronté à “des défis et problèmes structurels en profondeur dont l’emploi, le développement régional, l’augmentation du taux de croissance et le passage d’une économie émergente à une autre développée”.
Le modèle économique appliqué sous le régime de Ben Ali a fait, dans ce sens, preuve d’incapacité face à ces défis dans la mesure où il “ne permettait pas de résorber le chômage structurel”, d’autant plus que “la Tunisie n’a pas réussi à faire un bon marketing international de son économie”, a encore confié M. Farid Tounsi.
REDUCTION DES INVESTISSEMENTS
S’arrêtant sur la chute du système de Ben Ali, M. Tounsi voit que la goutte qui a débordé le verre des Tunisiens est la corruption, la mauvaise gouvernance et surtout le chômage et le déséquilibre social. Ces éléments “finissaient par bloquer l’initiative privée et rendre l’atmosphère extrêmement négative” en Tunisie.
Selon la vision du Directeur général de l’APII, la révolution tunisienne de janvier a constitué non seulement le début de l’exercice de la démocratie que la Tunisie n’a jamais eu dans son histoire, mais elle a également donné lieu à “un combat ouvert contre l’exclusion, la mauvaise gouvernance et la corruption”.
Au niveau des dégâts pendant et après la révolution de janvier, l’APII a recensé environ 300 entreprises incendiées, “partiellement endommagées ou encore observant un arrêt de production”.
Parmi ces 300 entreprises sinistrées, “une centaine a fuit la Tunisie”, a indiqué le Directeur général de l’APII, ajoutant que “ce constat est aggravé par la perte de pas moins de 10 mille emplois”.
Depuis le 14 janvier 2011, les intentions d’investissements ont reculé de 35%, mais les chiffres des dix premiers mois de 2011 viennent confirmer que “la tendance globale à ce niveau est excédentaire de plus de 20%, avec une diminution de l’investissement étranger, mais rétractée de 35% à 20%”.
“Sans se tromper, le secteur industriel tunisien a pu relativement résister aux effets collatéraux de la révolution” et “les perspectives sont aujourd’hui tout à fait positives pour rassurer les investisseurs tunisiens et étrangers”, a souligné M. Tounsi.
UNE PLATEFORME POUR LES INVESTISSEURS
Actuellement et selon les déclarations des partis politiques, “en course au pouvoir, aucun d’entre eux n’a mis en cause l’investissement étranger, l’ouverture économique de la Tunisie ni la liberté d’entreprendre et d’investir”, a estimé M. Tounsi, abordant les choix à court, moyen et long termes à prendre par les nouveaux dirigeants en Tunisie.
Pour la courte période d’une année, il s’agit de monter des “task force” afin de faire face au chômage structurel grâce, entre autres, au renforcement des nouvelles idées de projets, et au lancement de nouvelles filières industrielles porteuses, des monographies sectorielles et des études régionales, a-t-il recommandé.
Ces voies représentent, selon M. Farid Tounsi, “une importante richesse pour celui qui veut entreprendre dans l’industrie tunisienne, notamment les investisseurs étrangers, dont les Chinois, bénéficiant des avantages compétitifs de la Tunisie qui viennent de se renforcer cette année par l’avantage de la transparence”, du fait que la demande tunisienne accrue de la démocratie “va certainement combattre la corruption et la mauvaise gouvernance”.
En dehors de la transparence, la Tunisie “pourrait certes servir de plateforme permettant à des économies occidentales, asiatiques et américaines d’en prendre comme base pour aller reconstruire d’autres pays comme la Libye”, a conclu le Directeur général de l’APII.
Source:”Afriquinfos” Le 11-12-2011
Lien: http://www.afriquinfos.com/articles/2011/12/11/afrique-boreale-192670.asp
France, un ministre de l’intérieur en mal de populisme
Manouba : la pause et les poseurs
par Ali Toumi Abassi, samedi 10 décembre 2011, 10:51
Depuis deux semaines, la Faculté des Lettres, des Arts et des Humanités de Manouba fraie la chronique, car elle est le théâtre d’un conflit en apparence d’ordre strictement syndical (droit au port du niqâb) et hautement politisé par les sit-ineurs et leurs partisans agissant dans les coulisses. On connaît l’évolution globale des événements : barricades et piquets de grève tenus par quelques dizaines d’étudiants salafistes, sit-in dans les locaux de l’administration, séquestration du doyen, timide opposition de l’UGET, effervescence de la masse estudiantine silencieuse, durcissement du Conseil scientifique refusant de céder sur la décision d’interdire le niqâb en classe et aux examens, agression verbale et physique du doyen et de quelques collègues par les meneurs des étudiants salafistes, suspension des cours et fermeture de l’établissement.
Et depuis, c’est la pause ! Une pause morose pour tout le monde, sauf que pour les sit-ineurs, pour leurs complices et leurs supporters, ainsi que pour les vrais marionnettistes inavoués et inavouables, c’est bien un excellent moment de pose. Il suffit, cependant, d’un brin de bon sens, si l’on oublie la sagesse des nations, pour s’apercevoir d’un leurre pernicieux qui peut coûter cher à toutes les parties.
Examinons un peu la structure élémentaire de la situation : un litige infime (revendication du niqâb qui n’implique qu’une dizaine d’étudiantes, sur près de six milles jeunes filles de la faculté, et plus généralement une soixantaine sur environ cent soixante-dix milles dans les universités tunisiennes), grave conflit entre le Conseil scientifique et une trentaine de salafistes dont la plupart sont étrangers à la faculté, recours à la violence de la part de ces derniers, retenue de l’administration qui s’en remet à l’autorité de tutelle et à la loi, semblant de victoire des agresseurs, statut quo où les belligérants s’observent à distance. On reconnaît ici le schéma minimal de tout conflit qui s’installe relativement dans la durée, et où une pause est inéluctable, car telle est la loi dans tout « combat » entre des vivants, qu’il s’agisse de combats de coqs ou de béliers, de pugilats, d’échauffourées entre bandes concurrentes dans les grandes métropoles, ou de batailles rangées entre tributs ou entre nations.
Le plus important ce n’est pas d’identifier le paradigme auquel ressortit un conflit comme celui qui oppose les sit-ineurs et l’administration de la Manouba, mais d’en prévoir la suite qui est nécessairement inscrite dans l’évolution logique de cette triade : conflit / combat / pause. Quitte à verser dans une espèce d’extrapolation excessivement dramatique, il suffit de revenir à l’histoire littéraire, ou à l’histoire tout court, pour comprendre que le pire est à attendre : le pourrissement et ses conséquences.
Les lecteurs de l’Iliade se souviennent qu’après avoir été refoulées hors de Troie, les armées athéniennes observent les Troyens en se préparant à la charge. Dans cette pause, et malgré les avertissements d’Hector, Priam et ses guerriers victorieux brodent sur leur mythique invincibilité, jusqu’au moment où ils sont massacrés par Achille, qui lui-même finit par succomber aux aléas de la fatalité. Les lecteurs de Salammbô aussi se rappellent comment Flaubert raconte la méprise des mercenaires de Carthage. Ils triomphèrent d’abord d’Hamilcar, mais ce stratège les conduisit dans un guet–apens aménagé dans les environs de Zagouan, et après une longue pause, il les extermina un à un. Passons outre une kyrielle d’exemples historiques dont le plus fameux est peut-être la guerre des tranchées en 14-18. La pause y est toujours tournée vers un horizon sombre pour tous les belligérants, mais beaucoup plus pour ceux qui ont l’illusion de remporter une première victoire. L’espace qu’ils confisquent, ou colonisent, ou squattent devient vite un pourrissoir pour eux, surtout quand ils sont assiégés et qu’ils se laissent aller à leurs chimères de héros.
Inutile d’ajouter qu’idéalement, personne n’a besoin d’une pause maintenant, personne ne devrait poser non plus. Dans le temps révolutionnaire, il ne doit pas y avoir de conflit interne. En pastichant Antoine de Saint-Exupéry parlant de l’amour, on pourrait affirmer que la révolution, ce n’est pas se combattre les uns les autres, mais s’aligner prestement dans la même tranchée et se serrer les coudes pour chasser les vrais ennemis qui sont le chômage, l’injustice sociale, l’exploitation, la corruption, l’ignorance et l’intolérance.
Le hic c’est qu’avec les poseurs grisés par l’illusion de leur supériorité et de leur impunité, dans le contexte particulier que vit notre pays quasiment décapité de son gouvernement depuis quelques jours, ce genre de discours analytique et moralisateur sonne hélas creux, comme un petit prêche dans le désert.
La vérité sur la révolution tunisienne en dix points : Pour une lucide mise en perspective
Dans l’ère de nouvelle liberté soufflant sur la Tunisie, on commence à mieux distinguer, par recoupements successifs, la réalité de ce qui s’est passé en Tunisie, les causes immédiates et médiates de la révolution pour la dignité et la modernité politique, cette révolution que j’ai toujours nommée à dessein Coup du peuple pour être en phase avec la réalité que je supputais déjà.
Quelle est-elle? Sans rentrer dans les détails qui relèvent de la compétence de qui de droit, je les livre dans les dix points synthétiques suivants. Il restera que la divulgation de toute la vérité relèvera d’une bonne gouvernance, les futurs dirigeants de la Tunisie devant rendre compte au peuple de ce qui s’est réellement passé le 14 janvier (et avant) dans le cadre de ce que j’ai appelé les trois règles d’or de réussite dans une contribution précédente ici même.
1 – La révolution n’aurait jamais été possible sans l’implication du peuple, sa jeunesse en tête, qui a payé le prix le plus fort de sa vie, son intégrité physique. Et cela ne saurait ni être contesté ni, à plus forte raison, minoré.
2 – La révolution tunisienne n’aurait jamais pu aller jusqu’au bout de la manière exemplaire avec laquelle elle a eu lieu sans le feu vert américain et la couverture médiatique engagée d’Al Jazira. C’est ce feu vert qui explique le courage des hommes de valeur de la Brigade antiterroriste (BAT) agissant sans ordres et risquant leur vie en amont d’une révolution en cours.
3 – La fuite du président déchu était le moindre mal pour le régime déchu dans la mesure où son soutien indéfectible américain l’avait lâché
4 – C’est ce lâchage qui a encouragé le comportement honorable de l’armée.
5 – la volte-face du gendarme du monde n’était pas nouvelle; elle était préparée depuis longtemps dans le cadre d’un plan stratégique de haute volée et à l’ambition assez grande, touchant l’ensemble du monde arabe. Déjà dessinée par l’administration Busch, cette stratégie a été reprise et affinée par le président Obama.
6 – les révélations de WikiLeaks, mais pas seulement, n’ont fait que révéler un processus en cours qui n’était nullement ignoré par les observateurs avisés des réalités arabes et même par certains hommes politiques tunisiens (cf., par exemple, la confidence de Monsieur Caïd Essebsi lors de sa conférence d’intronisation, reconnaissant s’être attendu à l’occurrence de la chute du régime). Nonobstant, cela a pris de court les autorités françaises et européennes qui ont eu affaire à un allié américain jouant sa propre partition; ce qui a amené, comme par contrecoup, l’investissement spectaculaire de la France dans la révolution libyenne en compensation.
7 – On aurait tort de parler de complot américain avec la complicité active du Qatar à travers sa chaîne Al Jazira; car cela minore injustement la part prise par le peuple tunisien et surtout parce que cela allait dans le sens des aspirations des Tunisiens. En cela, comme lors de l’indépendance tunisienne, la Tunisie a bénéficié à fond de l’investissement des Américains plus sensibles à leurs aspirations que la France dont les protestations d’amitié pour le peuple tunisien restent purement verbales et démagogiques.
8 – Certes, cette sensibilité américaine aux aspirations à la dignité n’était pas motivée par un sentiment purement philanthropique ou relevant des idéaux de liberté et de justice. Elle a été commandée par ses intérêts stratégiques, politiques et économiques, trouvant dans la Tunisie un laboratoire idéal eu égard à sa taille et à sa situation géostratégique. Mais on ne saurait le lui reprocher, car toute autre grande puissance à sa place aurait agi de même (ce fut ainsi le cas de la puissance islamique quand elle dominait le monde). L’essentiel, en l’occurrence, est que cela s’est fait en conformité avec les aspirations du peuple tunisien.
9 – L’honneur des États-Unis aujourd’hui, atténuant son comportement impérialiste, est qu’il sert indirectement une bonne cause : l’accession à la modernité de la Tunisie. Certes, cette modernisation politique restera le fait et le propre du peuple tunisien, mais elle avait besoin du coup de pouce américain pour faire sauter le verrou de la dictature. Et ce n’est que justice, car cette dictature ne tenait pour l’essentiel que grâce au soutien de l’Occident, américain pour l’essentiel, mais aussi français, il ne faut pas l’oublier.
10 – L’honneur de l’Amérique aujourd’hui est aussi de comprendre mieux que les Français qu’EnNahdha n’est désormais pas un parti religieux comme les autres, qu’il est en tout cas moins intégriste que d’autres et qu’on pouvait jouer cette carte dans le cadre d’un pari à prendre pour une rénovation de l’islam politique. Mieux que les Français, les Américains ont perçu qu’avec EnNahdha, il y avait moyen de tenir compte, d’une part du sentiment religieux majoritaire dans le pays, comme dans tous les pays arabes, mais aussi, d’autre part, que ce sentiment n’était pas purement religieux et idéologique, qu’il est surtout une soif d’authenticité et que celle-ci ne peut pas faire abstraction de l’islam. Toutefois, ils tablent sur le pari tout à fait réalisable que l’islam peut n’être pas que du simple culte, qu’il est aussi une civilisation et une culture et qu’avec EnNahdha, on peut le faire évoluer du cultuel au culturel. C’est aussi un gage pour que ce parti ne cède pas aux plus extrémistes de ses sensibilités, réussissant du même coup son propre aggiornamento, non seulement à la manière de l’exemple turc, mais bien au-delà, en termes de modernité, retrouvant la fibre humaniste de l’islam, ne l’approchant, comme j’y appelle, que par ses deux dimensions fondamentales, à savoir l’universalité de la foi et la scientificité de la démarche.
Ces dix points, auxquels il est possible de rajouter d’autres, sont toutefois bien suffisants pour mieux comprendre la situation passée et actuelle en Tunisie. Ils expliquent, pour qui sait faire le lien entre eux et en comprendre l’implication, certains mystères comme celui de la présence de tireurs d’élite (snipers) durant la Révolution, la redoutable précision de leurs tirs et les douilles singulières trouvées. Ils expliquent aussi, et c’est ce qui est plus important, la réussite jusqu’ici du processus démocratique malgré la ferme opposition des caciques de l’ancien régime restés pourtant au pouvoir et l’impunité de certaines figures dont la culpabilité est pourtant avérée.
Sans avoir à se prononcer pour ou contre la théorie du complot américain en Tunisie, sans devoir faire comme certains dénonçant l’immixtion américaine dans la vie des peuples, ces points doivent nous rappeler que le monde dans lequel on vit et un système où rien ne peut se passer sans avoir été actionné par un autre élément et en actionnant lui-même d’autres; et que dans ce système le rôle des éléments est proportionnel à leurs poids, à leurs intérêts intrinsèques.
Cela ne doit cependant pas nous amener à croire que tout est fabriqué et manipulé, car même dans ce cas, le manipulé peut toujours avoir son libre arbitre et influer sur le cours des choses, comme un fétu de paille emporté par un courant, mais qui est doué de raison et qui sait profiter de la moindre occasion, comme un courant baissant d’intensité, pour donner une orientation propre à la progression échappant initialement à son contrôle.
Et cela, enfin, nous rassure sur la réussite de la révolution tunisienne pour peu que ses hommes y croient assez et agissent dans le sens des aspirations du peuple telles que je les ai résumées dans d’autres articles ici même, notamment sur le plan des actions à portée symbolique comme celle de faire de la demande de levée du visa un axe majeur de la nouvelle diplomatie tunisienne.
Alors, pour ceux qui doutent encore de la réalité d’une révolution pensée comme n’étant que virtuelle, qu’ils y croient enfin avec pareil gage sérieux, car la volonté est créatrice de miracles, surtout quand un influx extérieur vient l’innerver pour la réveiller et la sortir de sa torpeur. Et, comme on a hué l’aveuglement du président Sarkozy lors de minable sortie de son ministre des Affaires étrangères à la veille de la chute de Ben Ali, saluons aujourd’hui la clairvoyance américaine et disons bravo à Obama! Pour une fois, c’est mérité, car les États-Unis sont allés dans le sens de l’Histoire, même si cela ne fut pas sans cruels sacrifices; mais y a-t-il de grandes causes aboutissant sans dommages collatéraux?
Source: “Nawaat” Le 11-12-2011
Lien: http://nawaat.org/portail/2011/12/11/dix-verites-sur-la-revolution-tunisienne/
Entretien avec Zaki Laidi |
«Obama, l’Europe et le printemps arabe» |
Zaki Laïdi, professeur à l’Institut d’études politiques de Paris, est l’auteur de plusieurs ouvrages, le dernier s’intitulant «Le monde selon Obama» (ed Stock). Professeur invité de nombreuses universités étrangères, Genève, Montréal, Bologne, il était l’invité, ce 8 décembre de «L’Ecole de gouvernance et d’économie» de Rabat qui a clôt son école d’automne par une série de débats interactifs consacrés au monde arabe et aux mondes émergents et par la conférence de Zaki Laïdi, consacrée à «Obama, l’Europe et le printemps arabe»
Outre ses ouvrages consacrés aux relations internationales et aux questions de développement, Z. Laïdi a développé ses recherches autour de la mondialisation et des questions de temporalité politique qui permettent d’éclairer, remarquablement, les événements actuels. Il faut lire son texte sur le «Temps mondial de la mondialisation»(2007) où il évoque «l’entrée symbolique du monde dans l’intimité sociale et culturelle de chaque société avec les effets en chaîne que cette proximité souhaitée ou redoutée entraîne sur notre manière de voir, d’entendre et d’éprouver le monde. Une entrée qui sollicite notre raison et nos émotions, bouleverse notre rapport au temps qui s’accélère et notre espace qui se rétrécit». Dans «les imaginaires de la mondialisation», la montée en puissance d’Internet qui «modifie les conditions temporelles de la mobilisation sociale et accentue le caractère de plus en plus réactif du politique». Temps mondial, rétrécissement du temps politique, c’est ce que notre région a vécu avec le «Printemps arabe». Il y a un an exactement, la Tunisie, qui s’est dotée hier d’une constitution provisoire permettant de désigner les futurs président et chef de gouvernement entrait dans l’histoire, balayant le régime de Ben Ali. Il y a un an seulement, un véritable séisme secouait la région mettant fin aux régimes de Ben Ali, Moubarak et du colonel Khaddafi, ouvrant l’horizon aux partis islamistes. Si certains chercheurs évoquent le moment historique et «la capacité des peuples arabes et musulmans à s’affranchir du déclin historique dans lequel ils ont sombré durant des siècles», pour lutter pour leur liberté, leur dignité et l’Etat de droit, Z. Laïdi, dans un de ses récents articles publié dans le journal «Le Monde», explique les raisons de l’irruption de la vague verte :«Le fait que des pays modérés peu fracturés sur le plan identitaire comme la Tunisie et le Maroc ont vu arriver en tête des partis islamistes confirme la représentativité indiscutable de ces derniers. Cette représentativité, ils la doivent à leur forte implantation dans les milieux populaires, à leur capacité à incarner une reconquête de la dignité perdue… Mais si les islamistes arrivent au pouvoir, ils y arrivent dans des conditions où ils doivent composer. Composer avec une société qui a contribué à mettre à bas les régimes sans leur demander leur avis. Composer avec d’autres forces politiques puisque les islamistes ne pourront gouverner que dans le cadre de coalitions. Composer enfin avec un monde qui a changé depuis le début de la vague islamiste il y a de cela trente ans». Il appelle, également, les gouvernements occidentaux de remplacer par un véritable partenariat «le pacte du silence qui consistait à se taire sur la nature répressive de tous les régimes arabes en échange de la défense des intérêts stratégiques occidentaux : accès aux ressources pétrolières, contrôle de l’immigration, lutte contre le terrorisme, renoncement à la possession d’armes offensives». Entretien et éclairage sur le Maroc.
Le Maroc est le seul pays qui organise sa transition avec des forces qui étaient déjà présentes sur l’échiquier politique. Voici l’entretien avec Zaki Laidi, professeur de sciences politiques de paris LE MATIN : Nous avons plusieurs lectures du «Printemps arabe». Celle de l’historien et anthropologue Emmanuel Todd qui avance des raisons du long terme, contrôle de la démographie, baisse de la fécondité, statut de la femme, alphabétisation, et celle des politiques. Comment décryptez-vous ce «Printemps arabe» ? ZAKI LAIDI : Il y a trois composantes de la révolution arabe. La composante libérale, fondée sur les élections libres, la séparation des pouvoirs, l’indépendance de la justice, la dimension sociale forte liée à l’inégalité, l’injustice, la corruption et, la troisième, la dimension identitaire, recherche d’une reconnaissance des individus comme citoyens, et reconnaissance d’un monde arabe qui était perçu jusque-là comme déclassé. C’est ce qui est arrivé de mieux au monde arabe depuis très longtemps. C’est la première bonne nouvelle depuis les indépendances, car le déclassement du monde arabe se poursuivait. On justifiait cette situation et l’absence de démocratie par l’impératif de développement. Mais 50 ans après, force est de constater que dans la plupart des pays, il n’y a ni développement ni démocratie. Bien sûr, on ne peut pas tout attendre de la démocratie, mais on peut en attendre qu’en tenant compte des besoins de la majorité, elle crée des procédures pour répondre aux problèmes auxquels est confrontée la société. Dans ma conférence à l’École de gouvernance et d’économie de Rabat, j’ai cité deux parallèles historiques avec ce mouvement, à savoir ce qui s’était passé en 1989 en Europe et la Révolution de 1848, toujours en Europe. En 1989, le facteur déclenchant des révolutions des pays de l’Est, c’était la décision de Gorbatchev de ne plus intervenir pour secourir les régimes de l’Est. Cela a libéré les peuples qui sont sortis dans les rues sans risque de voir les chars soviétiques. Mais la référence qui vient le plus à l’esprit est celle de 1848 en Europe, que l’on appelle «le printemps des peuples» qui s’élèvent contre les régimes autocratiques, suivi d’une contre-révolution qui a conduit à l’écrasement des révolutions en Europe, mais qui n’a pas conduit au statut antérieur, parce qu’il y a eu des acquis sur lesquels s’est construit un système démocratique en Europe. Dans le monde arabe, les révolutions ne sont pas uniformes, il y aura des avancées, des reculs, mais c’est un phénomène si puissant en termes de rupture historique qu’il empêche tout retour en arrière. Vous avez publié en 2010 «le Monde selon Obama» où vous rappelez qu’Obama est le chef de la première puissance mondiale et cette réalité, qu’il n’a jamais ignorée et dont il est fier, s’impose au 44e président américain : la fonction dites-vous laisse peu de temps à la rêverie kantienne… Même chose pour les régimes européens ? Dans mon premier ouvrage sur la politique étrangère d’Obama et dans l’édition américaine que je prépare il y a un chapitre sur Obama et les révolutions arabes. Il faut reconnaître que les États-Unis comme l’Europe ont été surpris par l’effet Tunisie et la puissance du symbole tunisien. L’enjeu politique des révolutions arabes est important pour les États-Unis, pour l’Europe et notamment pour la France qui a durement ressenti l’échec de sa politique en Tunisie, ce qui a provoqué, rappelez-vous, un remaniement ministériel. Il y a aussi l’engagement de la Grande-Bretagne en Libye aux côtés de la France, moyen pour Londres de retrouver une certaine autonomie politique, y compris par rapport aux États-Unis. L’engagement franco-britannique met fin à ce que j’ai appelé la fin du cycle de Suez de 1956. À cette date, les deux pays étaient intervenus chacun avec son objectif, pour Londres contrôler la route des Indes, et pour Paris abattre le régime de Nasser pour battre le FLN. Le fiasco de Suez a conduit les deux pays à des stratégies totalement différentes. Les Anglais ont décidé de suivre les américains tandis que Paris décidait d’être indépendant de Washington. En Libye, où les Américains sont absents, les deux pays qui ont le sens du statut de puissance se retrouvent et ont le même réflexe. Qu’en est-il d’Obama, comment a-t-il géré cette phase, notamment en Égypte ? Il a bien géré le Printemps arabe, parfois en contradiction avec le département de l’État, comme il en fut le cas justement en Égypte. Il a littéralement mis Moubarak dehors après s’être assuré que l’armée prendrait la relève. La position américaine repose sur trois principes : le premier c’est le soutien au printemps arabe dès lors qu’il s’exprime par des manifestations pacifiques, et donc opposition à tous ceux qui tirent sur les manifestants. Le second, c’est l’évaluation des forces capables de prendre la relève des régimes et donc la modulation de la position en fonction de l’existence de cette alternative et, troisième principe, la préservation des intérêts américains. Pour la Libye, il faut rappeler que le département de la Défense était totalement opposé à l’intervention et le général Clappers a même déclaré à la mi-mars au Congrès «qu’à la fin, les forces de Kadhafi prévaudront». Obama allait même démentir, déclarer qu’il allait intervenir rapidement et passer le relais à l’OTAN. En fait et à l’époque, Obama avait une forte préoccupation, celle de ne pas intervenir sans la légitimité de la Ligue arabe et de l’intervention de forces arabes. Ce sont les américains qui ont durci la résolution 1973 en introduisant le paragraphe 4 sur la protection des populations civiles. Globalement on peut conclure cependant sur une position commune de l’Europe et des États-Unis, qui se vérifie pour la Syrie. Dans un récent article publié dans le journal «le Monde», «Respectons le choix des peuples, respectons la démocratie !» Vous allez plus loin dans votre analyse des rapports du monde arabe avec l‘Occident en évoquant la fin du pacte du silence. Qu’entendez-vous par là ? Le pacte du silence c’est : nous nous taisons sur la nature de vos régimes, sur les violations des droits de l‘Homme, en échange vous défendez les intérêts stratégiques de l’Occident, l’accès aux ressources pétrolières, le contrôle de l’immigration, la lutte contre le terrorisme, le renoncement à la possession d’armes offensives, le refus d’intervenir en Israël, etc. On les gratifie même quand ils renoncent aux armes de destruction massives, comme ce fut le cas de la Libye. Avec le Printemps arabe, c’est peut-être le début d’un partenariat plus équilibré que vous évoquez ? Qu’est-ce qui vous permet d’avancer cette hypothèse ? Je l’ai analysé dans cet article du «Monde» où je dis que la première conséquence et la plus fondamentale du Printemps arabe, c’est l’émergence de gouvernements plus sûrs d’eux-mêmes que les précédents, plus légitimes, plus représentatifs de leurs peuples et donc plus confiants. Ils n’auront plus cette forme de complexe vis-à-vis de l‘Occident, silencieux sur leurs agissements, en contrepartie d’intérêts. Et par ce simple fait, ils seront demandeurs d’une relation plus équilibrée avec l’Occident, c’est-à-dire plus décomplexée et plus saine pour tout le monde. La conquête d’une autonomie interne s’accompagne toujours de la recherche d’une autonomie externe. Moins d’un an après le renversement de Hosni Moubarak, et malgré des difficultés internes considérables, la diplomatie égyptienne s’est autonomisée. Il est à cet égard révélateur de noter que la première déclaration du leader islamiste marocain a été à la fois de reconnaître l’importance des liens que son pays avait avec l’Europe et les États-Unis, tout en ajoutant que la balance entre les parties devra désormais être plus égale. Un mot sur ce que certains appellent la «Révolution pacifique» au Maroc ? Comment l’analysez-vous ? Le Maroc est le seul pays qui organise sa transition avec des forces qui étaient déjà présentes sur l’échiquier politique. Il n’y a pas d’autres exemples et c’est un très grand atout qui permet au Maroc de jeter les bases d’une transition qui, rappelons-le, était préparée depuis une décennie, mais avec des enjeux politiques différents, renforcement du pouvoir du gouvernement et du premier ministre, avec l’objectif d’aller vers une Monarchie constitutionnelle. Maintenant, il y a l’aspect institutionnel, mais il y a aussi la réalité sociale avec une très forte demande de rendre compte, de lutter contre la corruption, de liberté de créer. Avec des gouvernements légitimes, plus représentatifs, peut-on être plus optimistes ? Il faut d’abord rappeler que dans le monde arabe et parmi les pays pétroliers il y a deux pays, des États rentiers pétroliers qui ont été renversés par des interventions extérieures, l’Irak et la Libye. Bien sûr, Il y a un nouveau contexte, et les régimes qui tirent sur la foule sont exposés à affronter des situations très difficiles. Tout cela pour dire que nous entrons dans des processus, cela n’augure pas toujours des lendemains qui chantent. D’autre part, cela laisse un peu partout, en Égypte, en Tunisie, au Maroc, la porte ouverte à des questions de fond, la place des islamistes, leurs projets, la question des sociétés arabes islamisées, l’emprise de la religion sur la société, la place de la femme, etc. En Tunisie, on a réussi à organiser une consultation, une Constituante avec une armée garante du processus, et des élections transparentes où le rapport des forces est reflété par les urnes. Depuis hier, la Tunisie dispose d’une Constitution provisoire permettant de désigner les futurs président et chef de gouvernement. Le processus institutionnel suit son cours, il reste la dimension sociale. Les processus échoueront si la dimension sociale n’est pas prise en compte. Et en Algérie ? Il y deux facteurs qu’il faut prendre en compte : le traumatisme de la guerre civile qui a fait des centaines de milliers de morts et de disparus et l’existence d’un État rentier qui a des ressources considérables pour acheter la paix sociale. En Algérie, il y a un système qui a la frontière fermée avec la Libye et surtout avec le Maroc. Dans vos analyses sur le temps mondial, la mondialisation et les imaginaires de la mondialisation, vous revenez sur la montée en puissance d’Internet et de l’information relayée par les satellites. Un mot sur ce sujet ? C’est surtout la puissance de l’effet de contagion. Le Printemps arabe n’aurait pas été possible sans la puissance de médias comme Al Jazeera qui répondait à des attentes et des besoins et où l’on a vu le monde arabe reconnecté. Par leurs révolutions, les pays deviennent sujets de leur propres histoires et retrouvent une certaine dignité. Cela préfigure des rapports moins complexés avec l’Occident, un peu sur le mode de la Turquie, à conditions que l’on arrive à satisfaire les attentes sociales pour créer ce qui a fait la force de la Turquie, à savoir la prospérité. Au cours de la conférence que j’ai donnée à l’École de gouvernance et d’économie, était présente une doctorante libanaise, Jana Jaabour, qui a travaillé sur la politique turque au Moyen-Orient et qui a fait une synthèse du livre de d’Ahmet Davutoglu, traduit seulement en arabe au Qatar et où le ministre turc des Affaires étrangères explique sa politique de «zéro problème avec les voisins». Vous rappeliez dans votre article du «Monde» l’existence de la première étude d’opinion sur les révolutions arabes conduite dans le monde arabe par l’Université du Maryland. Qu’est-ce qu’on y apprend ? C’est une étude intéressante menée au Liban, en Égypte, en Jordanie, au Maroc et aux Émirats arabes unis qui montre comment les arabes voient ces révolutions, comment ils voient les acteurs extérieurs et la référence turque est massive, omniprésente, c’est devenu la référence dans le monde arabe. Les révolutions, écrit Jana Jaabour dans son article sur cette étude, ont affecté l’image que les populations arabes se font des puissances étrangères, régionales et internationales. La Turquie est incontestablement la grande gagnante de ces événements : 50% des populations interrogées dans les cinq pays estiment que la Turquie a «joué le rôle le plus constructif» dans le Printemps arabe. Son Premier ministre, Recep Tayyip Erdoğan, fait l’objet d’une grande admiration, comparé aux autres leaders régionaux et mondiaux : la majorité des Arabes souhaiteraient ainsi que le futur président égyptien ressemble au leader turc. Les populations égyptiennes interrogées semblent fortement attirées par le «modèle politique turc», puisque la majorité (44%) d’entre elles espèrent que leur nouveau système politique soit similaire au système turc plutôt qu’à d’autres systèmes arabes ou occidentaux. Qu’en est-il de l’image qu’ils ont des États-Unis ? Jana Jabbour écrit dans son article sur cette étude de l’Université du Maryland publié le 21 novembre dernier que «l’attitude des Arabes à l’égard des États-Unis et de l’administration Obama a considérablement varié au cours des deux dernières années. S’il est indéniable que la majorité des populations de la région continuent à avoir une perception défavorable des États-Unis (56%), il n’en demeure pas moins que leur vision négative a évolué et fluctué : ainsi, en 2009, la cote de popularité du président américain est relativement haute dans la région (39%) ; elle diminue nettement en 2010 (19%), puis augmente à nouveau en 2011 (34%). Cette variation ne s’explique que par le contexte régional et les choix américains : après son discours du Caire de juin 2009, les Arabes ont mis beaucoup d’espoir en lui et cru à un nouveau rôle des États-Unis dans la région. L’année 2010 s’est soldée par un échec des négociations pour la paix, entraînant une chute de la popularité du président. En 2011, le regain de popularité est lié à la réaction américaine face au «Printemps arabe». En effet, un quart des sondés estiment que les États-Unis ont joué le «rôle le plus constructif» dans les événements de la région. Le conflit israélo-palestinien demeure central dans toute perception arabe de la puissance américaine. Ainsi, à la question : «quelles seraient les deux actions menées par les États-Unis qui amélioreraient votre perception de ce pays ?» la majorité écrasante des sondés répond «la réalisation d’un accord de paix israélo-palestinien» (55%) et «la suspension de l’aide à Israël» (42%).» Vous citez un article de Telos, dont vous êtes le fondateur, «d’inspiration réformiste» et qui n’est affiliée à aucun parti politique, centre de réflexion d’économistes, de politologues, de juristes, de sociologues français et étrangers, créée en décembre 2005 et que vous présidez. Peut-on publier des extraits de l’article relatif au Maroc ? Oui. C’est un article de Baudouin Dupret Baudouin, juriste qui a reçu une formation en langue arabe et islamologie à l’Université catholique de Louvain, en Belgique, de même qu’en études sur le Proche-Orient à l’Université américaine du Caire, en Égypte. Il est docteur de l’Institut d’études politiques de Paris, où il a également passé son habilitation à diriger des recherches. Chargé de recherches au CNRS, il a été en poste huit ans au CEDEJ, en Égypte, puis quatre ans à l’IFPO, en Syrie. Il est aujourd’hui en poste à l’Institut des sciences sociales du politique (ISP-ENS Cachan) et chargé de cours invité à l’Université de Louvain. Dans le domaine de la sociologie et de l’anthropologie du droit en contexte islamique, il a dirigé plusieurs ouvrages.
(Source: “Le Matin” (Quotidien – Maroc) le 11 decembre 2011)