13 décembre 2011

TUNISNEWS
11 ème année, N°4184 du 13.12.2011
archives : www.tunisnews.net

 


 

 

 

 

GNET: Tunisie, Moncef Marzouki, élu président de la République à 153 voix

Le Figaro: Moncef Marzouki, un président à poigne pour la Tunisie

Cyberpress: Le «président Marzouki» doit être nommé aujourd’hui

Le Point: Tunisie, un an après : à Sidi Bouzid, la « révolution n’est pas terminée »

Rue 89: Les islamistes tunisiens mangent-ils des enfants au petit-déjeuner ?

Business News: L’avion de Sakher El Materi sera livré par les Suisses ce jeudi

Le Monde: Les islamistes jouent leur crédibilité sur l’enjeu économique

Kapitalis: Tunisie. Oum Zied prendrait-elle les commandes du Cpr?

Investir en Tunisie: Tunisie : de nombreuses contradictions au sein de la troïka ?

Jeune Afrique: Bernard Rougier : « Le salafisme rejette l’exercice de la raison dans l’interprétation des textes sacrés »

Tunisie, Moncef Marzouki, élu président de la République à 153 voix

Comme attendu, Moncef Marzouki, Secrétaire Général du Congrès pour la République (CPR), vient d’être élu au vote secret de la constituante, à 153 voix pour, 3 voix contre, 2 abstentions et 44 bulletins blancs, sur un total de 202 voix déclarées, président de la République, pour cette deuxième période transitoire en Tunisie. Moncef Marzouki est le candidat de la coalition tripartite, (Ennahdha, CPR, Ettakatol), majoritaire à l’issue des élections du 23 octobre dernier. Il s’est présenté seul au suffrage des élus de l’assemblée ; les neuf autres candidatures ont été invalidées par la commission de décompte des voix et du contrôle de l’opération de vote, pour non-respect des conditions. La coalition de l’opposition au sein de l’assemblée n’a pas présenté de candidat aux présidentielles, et a glissé des bulletins blancs dans l’urne. Elle a expliqué son abstention par sa désapprobation de la mini-constitution adoptée samedi, qui « introduit un déséquilibre entre les pouvoirs et vide la fonction de président de la République de ses prérogatives ». Moncef Marzouki doit charger Hamadi Jebali de former un gouvernement de coalition dont l’annonce interviendra au milieu de cette semaine.

Source: “GlobalNet” Le 12-12-2011

Lien: http://www.gnet.tn/temps-fort/tunisie-moncef-marzouki-elu-president-de-la-republique-a-153-voix/id-menu-325.html


Le «président Marzouki» doit être nommé aujourd’hui

L’ancien opposant au régime Ben Ali, Moncef Marzouki, devrait sauf coup de théâtre accéder lundi à la présidence de la Tunisie avec son élection par l’Assemblée constituante prévue dans la journée.

Les 217 membres de l’Assemblée se réunissaient en plénière à 16h (10h, heure de Montréal) pour élire le président, premier acte de la formation d’un exécutif, un mois et demi après les élections du 23 octobre.

Les candidatures sont ouvertes à tout Tunisien âgé de 35 ans minimum et parrainé par 15 élus au moins. Le vote aura lieu à la majorité absolue et à bulletins secrets.

Mais aux termes d’un accord au sein de la troïka majoritaire (les islamistes d’Ennahdha avec 89 élus et les deux partis de gauche Congrès pour la République et Ettakatol, respectivement 29 et 20 sièges), le dirigeant du CPR Moncef Marzouki doit accéder à la magistrature suprême.

Âgé de 66 ans, cet opposant historique au régime de Zine el Abidine Ben Ali, qui a vécu 10 années en exil en France, devrait ainsi réaliser son rêve. M. Marzouki avait annoncé sa candidature à la présidence de la République deux jours après la chute, en janvier, de l’ex-dirigeant.

Après son élection, il devra prêter serment la main sur le coran et jurer d’oeuvrer à l’établissement d’un État de droit et de rester fidèle «à la mémoire des martyrs, aux sacrifices consentis par les Tunisiens au fil des générations, et aux objectifs de la révolution».

Il nommera dans la foulée le chef du gouvernement, le numéro 2 d’Ennahdha Hamadi Jebali, qui devrait former son équipe et la soumettre à l’approbation de l’Assemblée d’ici la fin de la semaine, selon la presse tunisienne.

La cérémonie de passation des pouvoirs avec le président intérimaire Fouad Mebazaa, qui a dirigé la Tunisie depuis la chute de Ben Ali, devrait avoir lieu au palais présidentiel de Carthage, en banlieue nord de Tunis, mardi ou mercredi.

Symboliquement, M. Marzouki aurait souhaité être à Carthage le 10 décembre, date de la journée internationale des droits de l’homme, avait-il récemment confié à l’AFP.

Mais il aura dû patienter deux jours de plus, l’Assemblée n’ayant adopté la constitution provisoire que samedi à minuit.

Ce texte, qui régit l’organisation des pouvoirs pendant la période transitoire jusqu’aux prochaines élections générales, a été voté par 141 voix contre 37 et 39 abstentions, après cinq jours de débats intenses et houleux.

Son adoption constituait le préalable à l’élection du président et la formation du gouvernement, attendues dans un contexte de grave crise économique et sociale.

Le texte définit notamment les prérogatives des trois «têtes» de l’État, le président de la République, le chef du gouvernement et le président de la Constituante (Mustapha Ben Jaafar).

Ces attributions ont été âprement discutées, les islamistes ayant été accusés de vouloir donner tout pouvoir au chef du gouvernement et de mettre en place un régime parlementaire pur.

Selon le texte adopté, le chef de l’État est le chef suprême des forces armées et définit la politique étrangère en concertation avec le premier ministre.

Il promulgue et publie les lois votées par la Constituante, nomme et révoque les hauts gradés et le Mufti (autorité religieuse) en concertation avec le chef du gouvernement.

Il peut être démis de ses fonctions par deux tiers au moins des élus.

La désignation anticipée de M. Marzouki a suscité des grincements de dents en Tunisie.

«Aujourd’hui, élection du président dont le nom, comme au bon vieux temps, est connu d’avance», ironisait une caricature en une de La Presse(quotidien tunisien) lundi.

«Aujourd’hui, nous autres Tunisiens, nous allons encore avoir un président que nous n’avons pas choisi…» se lamentait un internaute sur Twitter.

Source: “Cyberpress” Le 12-12-2011

http://www.cyberpresse.ca/international/dossiers/crise-dans-le-monde-arabe/tunisie/201112/12/01-4477079-tunisie-le-president-marzouki-doit-etre-nomme-aujourdhui.php


Moncef Marzouki, un président à poigne pour la Tunisie

 
Par Arielle Thedrel Publié le 12/12/2011 à 20:45
 
D’abord, c’est un visage. Basané, taillé à la serpe. Puis une mécanique intellectuelle. Épatante. En résumé, un orgueilleux Bédouin de 66 ans qui parle un français châtié débité à la vitesse d’un TGV. Il faut dire que Moncef Marzouki, chef du Congrès pour la République (gauche nationaliste), investi hier président de la République tunisienne, a vécu plus du tiers de sa vie en France. Comme étudiant et médecin dans un premier temps. Quinze années à Strasbourg, où il décroche son diplôme de neurologie. «Je suis probablement le seul Tunisien de la planète à parler alsacien. Il fallait bien communiquer quand je faisais des remplacements au fin fond des vallées vosgiennes! »
 
En 1979, il rentre en Tunisie. Professeur de santé publique et président de la Ligue tunisienne des droits de l’homme, c’est-à-dire ennemi public de Ben Ali. En 2001, privé d’emploi et de ressources, il se résout à l’exil. La France de nouveau. Professeur de médecine à ­Bobigny pendant quatre ans, puis «médecin aux pieds nus« à Créteil, auprès des communautés défavorisées.
 
Marzouki a regagné la Tunisie le 18 janvier dernier, quatre jours après la fuite de Ben Ali. Sous les ors du palais du Bardo, siège du Parlement, il avoue être «sur un nuage ». «Moi, je suis plutôt habitué aux geôles, aux bureaux des juges d’instruction, aux bistrots de Créteil et au RER… Je ne vais pas vous dire que cela me manque, mais bon, j’ai encore du mal à me positionner…«
 
Même s’il ne porte pas de cravate et ignore tout de la langue de bois, on a un peu de mal à le croire. «À peine débarqué à Tunis, il a fait savoir qu’il était candidat à la présidence », rappelle un journaliste. Moncef Marzouki a du tempérament. L’homme séduit tout autant qu’il inquiète. Ses détracteurs, mais aussi certains de ses compagnons de lutte, déplorent son autoritarisme, son intransigeance et des talents d’agitateur qui ne sont plus de saison. «C’est un brillant tribun. Son combat contre la dictature a été exem­plaire. Mais il est imprévisible et dépourvu des qualités requises pour sa nouvelle fonction: la patience, le doigté, la souplesse…« Soupçonné de vouloir engager une chasse aux sorcières, il dément être un coupeur de têtes. « Je n’ai pas l’intention de dresser des potences. Mais je veillerai à ce qu’on mette en œuvre des réformes profondes.«
 
Dans un an, l’Assemblée élue le 23 octobre dernier devrait accoucher d’une nouvelle Constitution. Moncef Marzouki, lui, veut se donner du temps. À la consternation générale, il n’a pas exclu de prolonger d’un an ou deux la durée de vie de la Constituante. Une fois rédigée, la future loi fondamentale fera l’objet d’un débat public, avant d’être soumise à référendum, assure-t-il. Marzouki a déjà fait son choix. Il rêve d’un «régime semi-présidentiel » parce que «l’expérience montre qu’un régime parlementaire chavire presque toujours vers la dictature ».
 
Des démocrates-musulmans
 
Ce n’est pas un secret, Marzouki est obsédé par le pouvoir, qu’il exècre et adore à la fois. «J’espère, dit-il, qu’il n’exercera pas sur moi ses maléfices. » Bon nombre d’observateurs doutent cependant de sa capacité à résister à ses propres démons. «Moncef se pose en homme providentiel, en fils spirituel de Bourguiba, estime un représentant de la société civile. Bien que ses prérogatives soient limitées, je ne doute pas qu’il fera tout pour exister et démontrer qu’il a toujours raison. »
 
Moncef Marzouki a pactisé très tôt avec les islamistes du mouvement ­Ennahda, grands vainqueurs des élections. « J’ai toujours été étonné par cette vision simpliste des Occidentaux sur l’islamisme. Nous ne sommes pas dans une guerre idéologique qui ne sert que les extrémistes de tous bords. Entre Erdogan et les talibans, le spectre est très large. Et puis les islamistes ont évolué. Ennahda aujourd’hui, c’est un parti démocrate-musulman comme il y a en Europe des partis démocrates-chrétiens. Les islamistes se sont convertis à la démocratie et moi à l’identité arabo-musulmane.« Une alchimie qui s’est révélée électoralement payante, mais qui ne suffira pas, reconnaît Marzouki, à surmonter «le tsunami de casse-tête« qu’affronte la Tunisie. «Nous sommes à la fois dans l’urgence et le long terme. Nous devons plancher sur une Constitution qui déterminera le sort des générations futures. Mais, dans le même temps, nous devons répondre aux attentes immédiates. L’économie de ce pays est quasiment à l’arrêt et le chômage a pris des proportions dramatiques. »
 
Le nouveau président tunisien compte sur l’aide de l’Europe, mais ne dissimule pas une certaine rancœur à l’égard de la France qui, «reste dans des schémas obsolètes ». «Nous sommes condamnés à nous entendre. Nos amis français doivent s’adapter à la nouvelle donne. Ils n’ont plus affaire à des malfrats et doivent comprendre que nous ne sommes plus des clients, mais des partenaires. La Françafrique ne passera plus par la Tunisie. »
 
(Source: Le Figaro le le 12/12/2011 à 20:45 )

Tunisie, un an après : à Sidi Bouzid, la « révolution n’est pas terminée »

 
ParLouis Laroque
 
Installé au café Gamouda, un jus de fruit devant lui, une cigarette allumée, Moez Hamdouni discute avec une petite dizaine d’autres personnes de banderoles, photos, tableaux et autres problèmes de logistique liés à l’organisation du « festival international de la révolution du 17 décembre ».
 
« Pour nous, la révolution est celle du 17 décembre et non du 14 janvier ! Ce n’est pas non plus la révolution de Jasmin. Pendant 18 jours, on a senti les bombes lacrymogènes, pas le jasmin. Le 17 décembre, c’est le premier jour de la révolution, la première étape, le moment où elle est née. Ensuite on a été à Kasbah 1, pour la terminer », se souvient le sous-directeur de l’école privée El Manar de Sidi Bouzid, avant de noter que, « en Égypte, en Libye ou au Yémen, le nom de la révolution est celui des premières manifestations ».
 
Tous des bouazizi
 
Après l’immolation par le feu de Mohamed Bouazizi, vendeur ambulant, le 17 décembre 2010, ce père de trois enfants était descendu, comme des dizaines de personnes, « spontanément » dans la rue. Les revendications : de l’emploi, du changement.
 
« Rien n’a changé, que ce soit au niveau du travail, de l’argent, de la vie… même si maintenant on se connaît mieux, on peut manifester, discuter avec notre voisin. » Une liberté qui semble ne pas avoir de prix pour Bilel Ghardi, membre du Comité de protection de la révolution. « On est tous des Bouazizi. Nous sommes tous prêts à nous immoler, même encore maintenant. Nos demandes, c’était du travail. Nous avons les mêmes demandes depuis onze mois », rappelle-t-il.
 
« Changer la Tunisie »
 
Vingt-trois ans, une casquette vissée sur la tête, blouson en cuir, ce jeune homme a « tout laissé tomber » pour manifester dès les premières heures qui ont suivi l’acte de Mohamed Bouazizi. Quelques jours après que Ben Ali a pris la poudre d’escampette, le 14 janvier, il est parti en louage (mini-bus) avec huit autres amis, pour « faire tomber le gouvernement Ghannouchi ».
 
Du 23 au 28 janvier, des milliers de personnes venues de tout le pays s’étaient retrouvées place de la Kasbah, dans le centre-ville de Tunis, pour demander le départ du gouvernement de transition, considérant qu’il était composé essentiellement d’anciens membres du RCD, le parti de Ben Ali.
 
« À l’époque, on espérait changer toute la Tunisie. Mais ce n’est pas le cas. On a constaté qu’il y a des gens qui travaillaient avec Ben Ali qui sont toujours en liberté. J’espère que la justice va jouer son rôle », souhaite Moez Hamdouni.
 
« Rue de la Révolution »
 
Alors que la rue principale de Sidi Bouzid, que les habitants souhaitent renommer « rue de la Révolution », va se parer de ses plus beaux atours pour accueillir entre 30 000 et 40 000 personnes pendant trois jours, l’espoir des premiers jours semble avoir disparu.
 
« Je n’ai pas envie d’en parler. C’étaient les bons jours. Les jours où on espérait. Quand on manifestait, on avait l’impression d’appartenir à la Tunisie, mais quand on rentrait regarder les informations, il n’y avait rien sur nous », regrette amèrement, les yeux remplis de larmes, Seif Nsiri. « On n’a rien gagné de cette révolution, peut-être à long terme… », estime-t-il, installé au café de l’hôtel Horchani, alors que le froid glace les os.
 
Également présent à la Kasbah, ce jeune homme de 33 ans, diplômé d’un bac + 2 en économie-gestion, est toujours au chômage, comme plus de 30 % de la population de cette ville du centre de la Tunisie connue pour être le « berceau de la révolution ». « Je ne demande pas à ce que l’État m’embauche, je milite parce que le peuple a le droit de bénéficier des biens de son pays. Mais le problème, ce sont les hommes politiques qui nous représentent », constate-t-il, les estimant « stériles » et assurant qu’ils leur ont « déjà confisqué cette révolution ». « Quand on est allés à la Kasbah, on pensait changer l’histoire, mais c’est l’histoire qui a nous changés, en négatif », déclare, désabusé, Seif.
 
Niqab ou emploi
 
Alors qu’au Bardo, le sit-in se poursuit devant l’Assemblée constituante élue le 23 octobre, Bilel est surpris de la tournure des débats. « Quand on a fait la révolution, on voulait du travail, on voulait mettre la famille Ben Ali dehors. Le niqab ou la laïcité n’ont jamais été un problème », analyse-t-il. Pour lui, « il doit y avoir une deuxième révolution. Mais ce ne sera ni Maya Jribi, ni aucun parti qui la fera. Elle doit être une révolution d’intellectuels. »
 
Bilel fait ainsi référence à la sortie très remarquée, le 6 décembre, de Maya Jribi, membre du Parti démocrate progressiste. La députée avait appelé à « une deuxième révolution » alors que l’Assemblée commençait à examiner un texte visant à organiser les pouvoirs publics. Ce texte, abandonné depuis, proposait la création d’un poste de super-Premier ministre face à un président de la République réduit à un rôle purement honorifique.
 
« Ce n’est pas elle qui va décider de faire une deuxième révolution, parce que la première ne lui appartient pas, ni à Ennahda [le mouvement islamique qui a remporté 89 sièges sur les 217 de l’Assemblée], ni à Marzouki [qui vient d’être élu par la constituante au poste de président de la république]. Elle appartient au peuple. Et c’est lui, et lui seul, qui décidera s’il y aura une deuxième ou troisième révolution », surenchérit Moez Hamdouni.
 
En attendant, pour les Sidi-Bouzidiens, le plus important est de renommer cette révolution, de peur de se la faire voler et de tomber de nouveau dans l’oubli. Mais surtout, « il s’agit d’un mouvement populaire qui a donné plus que ce que l’on attendait », assure Bilel qui clame : « La révolution n’est pas terminée. »
 
(Source: Le Point.fr- Publié le 12/12/2011 à 20:43 – Modifié le 12/12/2011 à 20:51)

Les islamistes tunisiens mangent-ils des enfants au petit-déjeuner ?

 

La montée des islamistes dans les élections enfin libres du monde arabe peut être lue de deux façons. Le plus simple, c’est d’en conclure qu’elle légitime rétrospectivement le soutien apporté aux dictateurs qui faisaient obstacle à cette tendance de fond. On peut aussi observer plus attentivement la situation pays par pays.

Contrairement aux amalgames de la secrétaire d’Etat Jeannette Bougrab, qui assimile implicitement l’Arabie Saoudite au Maroc ou à la Tunisie, les contextes nationaux sont très différents d’un pays à l’autre.

J’ai eu la chance d’aller le constater au cours d’un voyage en Tunisie au cours duquel je suis allé à la rencontre du parti islamiste, Ennahda.

Au cours de ce déplacement, j’ai longuement échangé avec des journalistes, des étudiants et des représentants de diverses formations politiques de centre droit. Première impression : quelle animation ! Ça bouge de partout ! Pour ajuster ma vision dans ce tumulte, je suis même allé à la rencontre d’anciens responsables politiques sous le régime de Ben Ali.

Nous sommes bien placés, en France, pour savoir que les révolutions sont souvent compliquées, voire sanglantes. En Tunisie, le processus politique en cours est incontestablement pacifique jusqu’ici. C’est un grand succès de voir le processus constituant lancé, et les élus débattre et voter sur chaque point du projet préparé par Ben Achour.

Risque de renforcer le courant islamiste

Certes, tout n’est pas rose. Ce processus prend du temps. Il nourrit l’instabilité et maintient l’économie à l’arrêt. Les entreprises ont besoin de clarté pour revenir ou reprendre leurs investissements et leurs embauches. Le paysage s’éclaircira lorsqu’un gouvernement crédible sera mis en place avec un mandat clair.

Les personnalités qui ont l’expérience du pouvoir sont entachées de leur engagement passé. De même que les liens des grands acteurs de l’économie avec l’ancien régime entretiennent des rapports ambigus avec les nouveaux élus.

Un jour ou l’autre, la Tunisie aura un intérêt réel à lancer une opération de réconciliation nationale afin de permettre le redémarrage de la croissance.

Alors que le courant islamiste ne semble pas le plus hostile au principe d’union nationale, la surenchère des autres partis de la coalition risquent de prolonger l’enlisement économique et social du pays, et de renforcer le courant islamiste.

S’il joue pleinement le jeu démocratique jusqu’ici, le parti Ennahda se compose de courants qui ne sont pas tous aussi respectueux du processus en cours.

Les représentants que j’ai rencontrés ont bénéficié du droit d’asile en France. Pour cette génération des pères fondateurs, les années passées dans les geôles du régime et l’importance accordée à la liberté individuelle rendent peu probable la défense d’un régime autoritaire religieux. Ils ne sont pas hostiles à la France, et ne souhaitent pas remettre en question le français comme deuxième langue largement pratiquée.

Faire de la Tunisie un partenaire avancé de l’UE

Il ne faut pas pour autant se leurrer. La lutte d’influence entre les sensibilités, notamment celle qui se sent proche des prosélytes salafistes (financés par les mécènes wahhabites habituels) peut évoluer dans le mauvais sens si les conditions encouragent les plus radicaux.

Ennahda, plus proche de l’AKP turc, est conscient du danger pour lui-même.

Son discours est clair : les pratiques salafistes n’appartiennent pas à la culture et aux pratiques islamiques tunisiennes. Ses dirigeants entretiennent donc des relations ambiguës avec eux. Ils souhaitent conserver un certain contrôle sur ce mouvement offensif. Mais leur ambition est de voir leur virulence s’estomper avec la remise du pays sur les rails. Il n’est pas inintéressant de lire des propositions économiques plutôt libérales dans le programme d’Ennahda.

Je ne peux qu’inviter les responsables français à respecter et à encourager le travail des acteurs de l’assemblée constituante, sans ostracisme dont se nourrissent les populismes de tous bords, et à maintenir les meilleures relations avec l’exécutif qui sera mis en place d’ici la fin de l’année ou début 2012.

Pourquoi ne pas reprendre alors les discussions en vue de faire de la Tunisie un partenaire avancé de l’Union Européenne ? C’est le moment d’envoyer un signal encourageant aux acteurs de cette reconstruction et aux Tunisiens.

Source: “Rue 89” Le 12-12-2011

Lien: http://blogs.rue89.com/liberaux-fiers/2011/12/12/les-islamistes-tunisiens-mangent-ils-des-enfants-au-petit-dejeuner-22599-0


L’avion de Sakher El Materi sera livré par les Suisses ce jeudi

L’avion personnel de Sakher El Materi confisqué par la Suisse, devra être restitué à la Tunisie via l’entreprise Princesse Private Aviation ce jeudi 15 décembre 2011 grâce notamment aux efforts de son administrateur judiciaire Nizar Alouini, selon AfricanManager. En septembre dernier, Micheline Calmy-Rey la présidente de la Confédération suisse et chef de la diplomatie helvétique, en visite à Tunis, avait annoncé sa restitution. Selon cette même source, Les deux propriétaires de l’avion, Princesse Private Aviation et Hamdi Meddeb, ont dû débourser la coquette somme de 1,7 million de dinars à la société suisse qui s’occupait de son parking et de sa maintenance. Actuellement, aucune information n’a été communiquée sur le devenir de l’appareil, mais Princesse Private Aviation attend beaucoup de sa vente qui pourrait régler beaucoup de ses problèmes financiers, précise AfricanManager.

Source. “Business News” Le 12-12-2011

Lien: http://www.businessnews.com.tn/Tunisie—L%E2%80%99avion-de-Sakher-El-Materi-sera-livr%C3%A9-par-les-Suisses-ce-jeudi,520,28144,1


Les islamistes jouent leur crédibilité sur l’enjeu économique

 

Par Benjamin Barthe, Florence Beaugé et Anne Rodier

En Egypte, en Tunisie, au Maroc, les islamistes arrivent ou sont arrivés au pouvoir. Sont-ils porteurs de changements économiques ? Quels sont leurs programmes et à quoi s’attendent les investisseurs ? De l’ouest à l’est, le rôle et les marges de manoeuvre des islamistes sont assez différents.

En Tunisie, c’est une révolution qui a porté au pouvoir le parti Ennahda (Renaissance), une formation islamiste qui quoique dominante devra gouverner en coalition avec deux autres partis non islamistes (le Congrès pour la République et Ettakatol).

Au Maroc c’est le roi Mohammed VI qui a chargé Abdelilah Benkirane, secrétaire général du Parti de la justice et du développement (PJD, islamiste), de former le gouvernement également en coalition et sous la houlette du monarque.

L’Egypte enfin, neuf mois après l’éviction de Moubarak, est peut-être en train devivre sa deuxième révolution. La première des trois phases des législatives, étalées jusqu’à la mi-janvier, vient d’accorder une large victoire au mouvement des Frères musulmans – représenté par le Parti de la liberté et de la justice – ainsi qu’aux salafistes, tenants d’un islam ultra-rigoriste, emmenés par le parti Al-Nour, devenu la deuxième force politique d’Egypte.

POIDS DU TOURISME

Economiquement tournés vers l’Europe, les trois pays ont en commun l’important poids du tourisme bien sûr (autour de 16% du produit intérieur brut, PIB), mais surtout une très forte demande sociale à l’origine des changements politiques de 2011.

L’enjeu des nouveaux gouvernements sera donc de redresser l’économie pourrépondre à ces attentes. Globalement, les programmes économiques des islamistes sont assez flous, hormis leur volonté commune de rassurer les investisseurs étrangers et demoraliser l’économie. Ils laissent présager un changement sans profond changement économique.

En Egypte, le Parti de la liberté et de la justice (PLJ), créé par les frères musulmans, reprend sans programme précis le discours de la confrérie : volonté d’abolir la finance fondée sur la spéculation, les intérêts, la corruption ; volonté devoir émerger un système islamique qui repose sur l’économie réelle et mettrait fin aux inégalités croissantes.

L’expert économique du PLJ, Abdel Hafez Saoui, invité d’une émission de télévision sur Al Mehwar TV, indiquait le 7 décembre que le programme du parti prévoit la création d’institutions liés au Zakat (aumône musulmane), séparées des institutions récoltant et distribuant l’impôt.  » Car l’impôt profite aux riches et aux pauvres simultanément, alors que seuls les pauvres bénéficient de la Zakat. Il faut essayerd’amener l’institution du Zakat à devenir un outil de développement. «  Il prend exemple sur l’expérience de la Malaisie, tout en voulant rassurer la population sur le respect de la propriété privée.  » Un programme pas très clair « , estime l’économiste égyptien Mahmoud Abdel Fadil.

De son côté le parti salafiste Al-Nour qui prône l’application de la charia et une adoption plus large des banques islamiques,  » indique vouloir augmenter les recettes touristiques « , rapporte Samir Aïta, président du Cercle des économistes arabes.  » Notre parti ne veut pas faire perdre du temps au Parlement dans des questions liées à la doctrine religieuse, alors qu’il y a dans le pays des questions vitales ; comme la possibilité d’un effondrement de l’économie, les dettes publiques, le déficit budgétaire et le tourisme qui est dans une situation catastrophique et qui nécessite une reprogrammation et une refonte totale « ,déclarait ainsi, mercredi 7 décembre, le porte-parole du parti salafiste Al Nour,Mohammad Nour.

 » Alors que la situation économique est sérieuse, avec une baisse notable du tourisme, principale  » rente «  avant le pétrole, un fort déficit budgétaire et une baisse substantielle des réserves de change, le débat économique reste très pollué par la rhétorique électorale « , indique Samir Aïta.

Les plus clairs sur leur programme sont les islamistes tunisiens. La compétence économique du parti de Rached Ghannouchi est reconnue. La victoire d’Ennahda a d’ailleurs été bien accueillie par les milieux d’affaires.

Rassurer les investisseurs est le premier souci des islamistes.  » Nous sommes pour une économie libérale, qui favorise l’initiative privée. Le rôle de l’Etat doit êtrecelui d’un régulateur. A lui de définir les stratégies, d’être une sorte de juge économique. Nous sommes pour une économie de marché, mais nous voulonsdonner une importance plus grande à tout ce qui est social et solidaire « , déclareRidha Saïdi, coordinateur du programme économique et social du parti Ennahda.

Avec un taux de chômage de 14,7% en 2011, la priorité doit être donnée au problème de l’emploi, (en particulier celui des diplômés chômeurs), dit-il. Le parti n’a pas l’intention de pratiquer une rupture en matière économique par rapport à l’ère Ben Ali. Son souci est d’attirer les investisseurs et de développer une » économie solidaire « .

Ridha Chkoundali, conseiller économique d’Ennahda et professeur en sciences économiques à l’université de Carthage, explique qu’il s’agit d’établir  » une relation de complémentarité entre le public et le privé, favorisant l’émergence d’un troisième secteur : l’économie solidaire « . Il croit à un redressement rapide de la croissance, (après le 0% de 2011).  » Seuls trois secteurs ont vraiment souffert de l’année 2011 : les mines, le tourisme, et les transports (à cause du climat d’insécurité dans le pays). En revanche, l’agriculture et l’industrie manufacturière ont enregistré de bons résultats, et même progressé « .

Ridha Chkoudali est confiant :  » La mauvaise gouvernance de l’époque Ben Alinous a fait perdre deux points de croissance chaque année. Si nous instaurons une bonne gouvernance, une complémentarité entre le public et le privé, tout en favorisant progressivement le troisième secteur, celui de l’économie sociale et solidaire, la Tunisie s’en sortira très bien « .

BESOIN DE FINANCEMENT

Comment les islamistes tunisiens vont-ils financer leurs projets? C’est un peu l’inconnu.  » Ils disent avoir besoin de 84 milliards d’euros. Il est question d’emprunt national et d’aides bilatérales, mais c’est un peu flou », estime un expert occidental à Tunis qui reste toutefois confiant. La Tunisie peut encore diversifier ses partenaires commerciaux. Ce pays a  » tous les ingrédients pour montrer qu’un régime islamiste éclairé peut réussir, un peu sur le modèle turc, dont ils se réclament « .

Le financement est aussi le maillon faible d’éventuels changements au Maroc.

Le PJD a promis, outre la réduction de la corruption, une revalorisation du salaire minimum, une hausse des pensions de retraite. La croissance du PIB à 4,6% en 2011 est bien meilleure qu’en Tunisie (0%) et qu’en Egypte (1,2%), mais  » le PJD sera nécessairement conduit à plus de pragmatisme « , prévoit Larabi Jaïdi, professeur d’économie à l’université Mohammed-V de Rabat.

Le PJD va être surtout le chantre des valeurs morales, des grands principes. C’est une vision générale de l’économie et de la société dans laquelle beaucoup de Marocains se retrouvent. Comme en Tunisie, il n’y a pas eu d’émoi dans les milieux d’affaires marocains à l’annonce de la victoire des islamistes.

D’abord parce que le Parti de la justice et du développement (PJD), agréé, fait partie depuis longtemps du paysage politique marocain et qu’il ne conteste pas la monarchie.

Ensuite parce qu’il va lui falloir s’allier à d’autres partis, à commencer par le vieux parti de l’Istiqlal, pour gouverner. Il n’y aura donc pas de rupture dans la politique économique marocaine.

MORALISER L’ÉCONOMIE

Cela dit, le PJD, qui espère bien se voir attribuer le portefeuille de l’économie et des finances, souhaite moraliser l’économie et développer la finance islamique, jusque-là marginale au Maroc.

 » Notre priorité sera de recadrer l’économie marocaine pour qu’elle gagne en efficacité et en intégrité, déclare Mohamed Najib Boulif, député PJD de la circonscription de Tanger, et expert en finances internationales. Nous voulonsmettre fin aux disfonctionnements actuels comme la concurrence déloyale, l’économie de rente, la spéculation, les autorisations spéciales, notamment, pouraboutir à un système de solidarité plus équilibré. « 

Pour cet économiste reconnu, qui figure avec Lahcen Daoudi sur la liste des » ministrables «  de l’économie et des finances dans le gouvernement Benkirane, le Maroc doit corriger sans tarder ses écarts sociaux et régionaux.

Pour cela, le PJD n’hésitera pas si besoin à creuser davantage le déficit des finances publiques :  » Nous disposons encore d’une bonne marge de manœuvre. Nous n’avons pas comme les pays européens un déficit budgétaire de 8%. Le notre est à 4 ou 4,5%. Quant à notre endettement, il est de 55% du PIB. Pour ma part, je pense qu’un déficit plus grand, mais qui génère des investissements dans l’infrastructure productive et une amélioration du niveau de vie des citoyens, est acceptable « , estime Najib Boulif.

Mais le PJD compte aussi sur l’apport de la finance islamique :  » Il y a des réserves d’un montant de 120 milliards de dollars qui n’attendent que des lieux stables. C’est le moment opportun. Nous allons revoir notre législation de manière à permettrel’introduction de la finance islamique en bonne et due forme au Maroc « , déclare Mohamed Najib Boulif.

Pour l’instant les investisseurs étrangers sont dans l’expectative, après un fort recul des investissements directs étrangers sur les neuf premiers mois de 2011, en Tunisie, comme en Egypte. C’est l’Europe qui est le premier partenaire de la Tunisie, de l’Egypte et du Maroc depuis quinze ans. Mais l’arrivée des islamistes pourrait être à l’origine d’une recomposition de partenariats économiques dans la région.

En effet, si  » les pays de la méditerranée ne devraient perdre ni les investissements européens ni ceux des BRIC (Chine, Russie), affirme Emmanuel Noutary, délégué général d’Anima, réseau de développement économique des pays de la Métiterranée. Les pays du Golfe qui avaient réduit leurs investissements depuis 2006, au profit des BRIC, pourraient revenir en force « .

Source: “Le Monde” Le 12-12-2011

Lien: http://www.lemonde.fr/economie/article/2011/12/12/les-islamistes-jouent-leur-credibilite-sur-l-enjeu-economique_1617293_3234.html

 


Tunisie. Oum Zied prendrait-elle les commandes du Cpr?

Moncef Marzouki président. Mohamed Abbou, Abderraouf Ayadi et Samir Ben Amor ont beaucoup à faire à la Constituante. Un poste est à pourvoir à la tête du Congrès pour la république (Cpr). Serait-il occupé par Oum Zied?

Le retour annoncé d’Oum Zied, alias Neziha Ben Rejiba, fait entendre qu’elle sera le numéro Un du parti.

Les choses commencent donc à se préciser au sein du parti Marzouki. Oum Zied qui a démissionné quelques jours après le 14 janvier de ce parti qu’elle a cofondé avec quelques uns de ses camarades est revenue au bercail auprès des siens.

A plusieurs médias, Mme Ben Rejiba a déclaré qu’elle ne brigue pas une responsabilité dans le gouvernement et qu’elle a déjà refusé le poste du ministre de la Femme ainsi que le portefeuille de l’Education et se dit aujourd’hui prête à mener une action militante au sein de son parti de toujours.

Pour le moment, rien n’est officiel. Mais dans peu de temps, on le saura. Une conférence de presse au 45 rue Ali Darghouth de Tunis aura lieu très bientôt pour confirmer ou infirmer l’information que Kapitalis a déjà annoncé jeudi dernier. Bonne chance Madame !

Source: ”Kapitalis” Le 12-12-2011

Lien: http://www.kapitalis.com/fokus/62-national/7276-tunisie-oum-zied-prendrait-elle-les-commandes-du-cpr.html


Tunisie : de nombreuses contradictions au sein de la troïka ?

M. Khemaïs Ksila, membre du bureau politique d’Ettakatol, élu à l’Assemblée constituante et ancien secrétaire général de la Ligue tunisienne pour la défense des droits de l’homme, a démenti les rumeurs sur sa démission du parti : « Je resterai au sein d’Ettakatol afin de tracer une nouvelle feuille de route qui permettra au parti de suivre une trajectoire ambitieuse et mettra fin aux différends ».

M. Ksila a indiqué qu’il existe des différends au sein de la coalition des 3 partis majoritaires (Ennahdha, le CPR et Ettakatol) : « Les décisions finales reviennent à Ennahdha, les autres partis sont mis à l’écart. Il y a de nombreuses contradiction, la troïka n’est pas une réussite ». En réaction aux déclarations de M. Ksila, M. Mohamed Bennour, porte-parole d’Ettakatol, est intervenu par téléphone sur les ondes de Shems FM afin de contredire les propos de M. Ksila en précisant qu’il n’existe pas de différends au sein du parti.

Source: “Investir en Tunisie” Le 12-12-2011

Lien: http://www.investir-en-tunisie.net/index.php?option=com_content&view=article&id=12479


Bernard Rougier : « Le salafisme rejette l’exercice de la raison dans l’interprétation des textes sacrés »

Spécialiste du monde arabe et directeur du Centre d’Études et de Documentation Économiques, Juridiques et Sociales du Caire (CEDEJ), Bernard Rougier a publié, en février 2011, « L’Oumma en fragments », aux Presses universitaires de France (collection Proche-Orient, 256 pages). Interview.

Comment définissez-vous le salafisme ?

Les salaf, ce sont les ancêtres. Le salafisme c’est donc le retour à la communauté des premiers musulmans et aux deux sources de l’Islam : le Coran et la Sunna, récits des actes et des paroles du prophète Mohammed compilés dans des recueils de hadiths. Le salafisme moderne est lié à un courant de l’Islam qui remonte à la création de l’école juridique conservatrice d’Ibn Hanbal au IXe siècle. Au XVIIIe siècle, un hanbalite, Ibn Abd El-Wahab, fonde un courant littéraliste qui rejette l’exercice de la raison dans la lecture des textes sacrés, condamne le soufisme et le culte des saints. C’est le wahhabisme, doctrine officielle de la monarchie saoudienne.

Les salafistes considèrent que le message divin a été altéré et qu’il faut le restituer dans sa pureté. Ils ne se voient pas comme un courant de l’islam parmi d’autres mais comme les restituteurs de la vérité. Toutefois, personne ne peut dire comment les choses se passaient au VIIe siècle en Arabie. On peut donc considérer – mais ils ne sont pas du tout d’accord avec cette idée ! – qu’ils réinventent l’identité religieuse et qu’à travers cette prétention à revenir aux sources, ils cherchent à contrôler la définition de l’islam.

La mouvance salafiste est-elle uniforme ?

Il y a aujourd’hui plusieurs courants salafistes qu’on peut classer en deux grandes catégories : le salafisme conservateur et le salafisme djihadiste. Les conservateurs, majoritaires, prônent le respect du wali al-amr : le respect du pouvoir en place. Pour eux, mieux vaut conseiller le prince injuste que risquer la fitna, la guerre civile, ce qui explique, dans le cas de la révolution égyptienne de 2011, leur désapprobation initiale des manifestations. Au contraire, les djihadistes, qui étaient favorables à la chute de Moubarak, considèrent qu’en l’absence d’État musulman digne de ce nom, prononcer le djihad n’est plus le fait du prince mais celui du simple croyant.

Cette démocratisation du djihad dont se réclame Al-Qaïda a été théorisée par le Palestinien Abdullah Azzam en Afghanistan dans les années 1980. Les conservateurs, au contraire, condamnent le terrorisme d’Al-Qaïda qui, selon eux, porte plus préjudice aux musulmans qu’il ne leur apporte d’avantages. Ils s’opposent également à l’islam politique des Frères musulmans, trop imprégnés de modernité, qu’ils considèrent comme des hypocrites. Issus d’une certaine élite, les Frères tirent leur excellence de leurs diplômes. Or le salafiste considère que toute science qui n’est pas religieuse est une science dangereuse.

Quelle est l’actualité salafiste dans le monde arabe ? En Égypte, le salafisme conservateur était encouragé par Moubarak qui l’utilisait contre les Frères musulmans. Avec la complicité du pouvoir, les salafistes ont pu imprégner le champ religieux et social, ce qui explique leur succès aux élections. D’une certaine manière, en fermant le champ politique et en étouffant la société civile, le pouvoir autoritaire arabe a facilité leur expansion. En Libye, il est incarné par Belhadj, un ancien djihadiste d’Afghanistan soutenu par le Qatar dont on ne sait encore quelle doctrine il professe. En Tunisie, la tendance la plus moderne des Frères musulmans a triomphé – il n’est pas sûr que les Frères égyptiens soient sur la même ligne. La division de la mouvance des Frères musulmans sera peut-être l’un des effets collatéraux de la dynamique salafiste.

Selon vous, comment vont se définir les rapports entre les deux forces islamistes qui vont dominer le Parlement égyptien ?

Difficile de savoir, à vrai dire. Je serais tenté de penser qu’il y a déjà, comme en Tunisie, une dynamique de salafisation au sein des Frères musulmans et que le poids des salafistes au Parlement risque de créer un clivage profond et d’affaiblir la confrérie. Ce n’est qu’une hypothèse. Certains disent aussi que les Frères musulmans vont s’allier aux libéraux et devenir une force pivot. Pour ce qui est du programme politique des salafistes égyptiens, ils n’ont pas vraiment de vision économique ni de doctrine sociale. En revanche, ils ont des idées bien arrêtées sur la femme, les minorités, l’éducation, les cursus religieux, les symboles : c’est surtout dans ces domaines qu’ils devraient agir au moment de la rédaction de la Constitution.

Quels États soutiennent les salafistes ?

Ce ne sont pas forcément des États. En Égypte les cheikhs salafistes conservateurs sont plutôt aisés. Les liens avec la péninsule arabique existent, évidemment, mais ce sont des liens plutôt privés. En Arabie saoudite, le soutien aux salafistes passe plutôt par des associations caritatives, des hommes d’affaires, des bienfaiteurs… Le Qatar officiel, en revanche, les soutient activement pour des raisons qui lui sont propres. Contrairement à l’Arabie saoudite, ce soutien vient directement de la structure administrative et politique du pays. Cela révèle peut être une volonté de s’appuyer sur une nouvelle élite pour le déploiement de leurs ambitions politiques régionales : il est plus simple pour les Qataris de s’appuyer sur des acteurs naissants qui ont besoin d’alliés, de ressources, que sur de vieilles notabilités urbaines ou sur les Frères musulmans qui ont une existence assez ancienne et une plus grande autonomie. Mais c’est une pure hypothèse, il faut rester très prudent sur cette question.

Source: “Jeune Afrique” Le 12-12-2011

Lien: http://www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAWEB20111212180259/maroc-tunisie-islamistes-islamismeJeuneAfrique.html

 

 

 

 

 

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