3 juillet 2006

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TUNISNEWS
7 ème année, N° 2233 du 03.07.2006

 archives : www.tunisnews.net


AFP: Des responsables musulmans européens affichent leur rejet du terrorisme
AFP: Dans les Emirats, les islamistes sont modérés et sous contrôle
Le Monde : »Moi, j’obéissais aux ordres, c’est tout »…..Hissène Habré, président-tortionnaire
« Le Temps » (Suisse):Cellule terroriste en Suisse: le parcours d’un délinquant devenu islamiste radical

« Le Temps » (Suisse):«Aucun leader irakien n’est prêt à s’investir pour la démocratie»

« Le Temps » (Suisse):S comme Swift, ou… «silence!»

 

Des responsables musulmans européens affichent leur rejet du terrorisme

 AFP, le 2 juillet 2006 à 23h30

ISTANBUL, 2 juil 2006 (AFP) –  Quelque 180 responsables musulmans ont affirmé la volonté des musulmans d’Europe d’être des citoyens à part entière et leur rejet de la violence et du terrorisme, lors d’une conférence ce week-end à Istanbul.

 

Dans une déclaration adoptée à l’issue de leurs travaux dimanche soir, ils ont souligné que les quelque 15 millions de musulmans européens « sont aujourd’hui chez eux en Europe » et condamnent « les actions violentes d’une petite minorité de musulmans qui ont déclenché la violence et la terreur en détournant les enseignements de l’islam ».

 

« Nous rejetons le cancer du terrorisme », poursuit le texte, « l’islam n’autorise en aucune circonstance le terrorisme et le meurtre de civils ».

 

Après les attentats de Londres et de Madrid et la controverse sur les caricatures de Mahomet, ce message va dans le sens de déclarations similaires, faites notamment au sommet de l’Organisation de la conférence islamique en décembre.

 

La conférence, organisée avec le soutien du Foreign Office, réunissait des  sensibilités musulmanes très diverses. Outre l’influent cheikh qatari d’origine égyptienne Youssouf al-Qaradaoui, président du Conseil européen de la fatwa, le professeur suisse Tariq Ramadan, qui enseigne à l’université britannique d’Oxford, le prédicateur égyptien Amr Khaled, le grand mufti de Bosnie Moustapha Ceric étaient présent.

 

Les responsables de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF) Lhaj Thami Breze et Fouad Alaoui, également vice-président du Conseil français du culte musulman (CFCM), le cheikh soufi Khaled Bentounes, l’ancien Premier ministre de Malaisie Anouar Ibrahim ou le Tunisien Rachid Ghannouchi y participaient également.

 

La déclaration finale souligne que l’islam reconnaît la liberté de religion. Les musulmans se doivent d’assumer « une citoyenneté active » avec droit de critique et d’être « des citoyens loyaux obligés de défendre leurs pays en cas d’agression ».

 

Mais beaucoup souffrent d’islamophobie et de discriminations, en particulier les jeunes, regrette le texte, appelant à éliminer « les injustices, comme en Palestine, qui ont contribué au désespoir de nombreux musulmans et populations à travers le monde ».

 

« Il y a une véritable réticence politique en Europe à reconnaître la visibilité des musulmans dans l’espace citoyen », a noté Mohamed Mestiri, responsable de l’Institut international de la pensée islamique, soulignant la nécessité de prendre en compte la pluralité des identités musulmanes. « Le radicalisme est l’expression d’une frustration identitaire ».

 

De son côté, le cheikh Qaradaoui s’est élevé contre toute idée de vie retranchée pour les musulmans européens. « Notre présence en Europe n’a rien d’étrange, le monde est devenu un village », a-t-il poursuivi. Mais « nous voulons vivre sur cette terre comme des musulmans », avec notamment l’obligation selon lui de porter le voile pour la femme musulmane.

 

« L’intégration religieuse est faite, maintenant il est temps d’apporter notre contribution à la société » en aidant à créer « un nouveau Nous pour réconcilier nos sociétés avec leurs propres valeurs », a estimé Tariq Ramadan, également président de l’European Muslim Network (EMN).

 

Il a appelé les musulmans à « éviter le piège de la victimisation », soulignant que « notre nouvelle visibilité soulève des questions légitimes pour nos concitoyens, nous devons y répondre ».


Dans les Emirats, les islamistes sont modérés et sous contrôle

 
AFP, le 3 juillet 2006 à 06h54 Par Lydia GEORGI   DUBAI, 3 juil 2006 (AFP) – Les islamistes aux Emirats arabes unis, un modèle de tolérance dans la région du Golfe, sont de tendance modérée, selon des analystes, et le gouvernement fait tout pour qu’ils le restent.   Alors que les islamistes progressent partout où des élections sont organisées dans le monde arabe, ceux des Emirats ne sont pas organisés politiquement et n’auront probablement pas d’influence sur les élections indirectes qui devraient se dérouler cette année dans le pays, ont indiqué ces analystes à l’AFP.   Les élections, qui porteront sur 20 des 40 sièges du Conseil national fédéral (CNF), seront une grande première dans cette riche fédération de sept émirats, mais elles seront étroitement contrôlées, a déclaré à l’AFP le juriste islamiste et activiste des droits de l’Homme Mohammad Abdallah al-Roken.   « Le courant des Frères musulmans pourrait gagner des sièges si des élections au suffrage direct étaient organisées. Je crois que c’est la principale raison pour laquelle le gouvernement a opté pour des élections contrôlées », a-t-il dit.   D’après lui, les Emiratis partisans des Frères musulmans « n’ont pas une attitude de confrontation vis-à-vis du gouvernement », se concentrant surtout sur des questions morales et sociales.   Les membres du CNF sont actuellement désignés par les souverains des sept émirats. En décembre, le président, cheikh Khalifa Ben Zayed al-Nahayane, a annoncé que la moitié d’entre eux seraient élus par des conseils locaux choisis par ces souverains. Les autres membres seront toujours désignés.   Au Koweït, les islamistes ont gagné des sièges lors des élections législatives du 29 juin et les analystes estiment qu’il pourrait en être de même lors des élections parlementaires prévues pour la fin de l’année à Bahreïn.   L’an dernier, les islamistes s’étaient taillés la part du lion lors des premières élections municipales en Arabie saoudite. Les Emiratis, dans leur immense majorité des musulmans sunnites, forment à peine 20% de la population totale, estimée à de plus de 4 millions d’habitants.   Les Emirats comptent aussi quelques salafistes, partisans d’une interprétation stricte de l’islam, « qui s’inspirent du courant salafiste en Arabie saoudite », précise M. Roken.   Mais « le courant salafiste ne s’est jamais mêlé de politique et les autorités n’ont donc pas de raison de craindre son expansion », explique-t-il.   De plus, ajoute-t-il, « ils ne sont pas nombreux, car les Emiratis répugnent par nature à tout extrémisme ».   Comme dans les autres monarchies du Golfe, les partis politiques sont interdits aux Emirats et il n’y a pas non plus d’associations politiques comme il en existe au Koweït et à Bahreïn.   « Il y a des groupes (islamistes) de nature sociale beaucoup plus que politique (…) mais ils n’ont pas de grande portée », précise un éditorialiste émirati, Mohammad Hammadi, car « notre culture est centriste ».   Les imams des mosquées sont nommés par le gouvernement, qui contrôle aussi les œuvres caritatives islamiques, poursuit-il.   « Le discours religieux est modéré. Le gouvernement ne fait pas mystère du fait qu’il ne tolèrera pas l’extrémisme », renchérit Moustapha Alani, expert au Centre de Recherche du Golfe, basé à Dubaï.   M. Roken explique que les partisans des Frères musulmans sont apparus dans les années 1970 sous l’influence de la branche égyptienne et qu’ils ont formé  à Dubaï la Société pour la Réforme et l’Orientation sociale, une organisation caritative et religieuse.   Mais le gouvernement a démis le conseil d’administration de la Société en 1994 et nommé un nouveau conseil, même si une section à Ras al-Khaïmah est restée autonome.   Le vice-président de la Société, Ali Ben Essa al-Falasi, affirme que son organisation est active dans le domaine social et caritatif.   « Nous, aux Emirats, traitons directement avec les autorités et n’avons pas besoin d’un parti politique ou d’un +courant+ pour nous représenter face au souverain, car sa porte est ouverte aux critiques », a affirmé M. Falasi.   « Tout ce qui est dans le sous-sol (le pétrole), nous le voyons se matérialiser (en réalisations) sur le terrain. La Charia est appliquée dans les affaires ayant trait au statut personnel et il y a des banques islamiques. Tout ce qui est requis par l’islam est appliqué aux Emirats. Il n’y a pas lieu de demander plus », a-t-il ajouté.
 

« Moi, j’obéissais aux ordres, c’est tout »….. 

Hissène Habré, président-tortionnaire

 
JEAN-PHILIPPE REMY   ENVOYE SPECIAL   A l’oeil nu, la plaine des morts de N’Djamena ne se distingue en rien. A la sortie de la capitale tchadienne, passé les murs d’une prison jamais achevée pour cause de détournement de fonds, rien ne signale que sous l’étendue de brousse désolée se cache la nécropole des victimes d’Hissène Habré. Un homme est encore capable d’indiquer où gisent les milliers de corps tirés des prisons de l’ex-dictateur. Clément Abaifouta, cinq années durant, est venu enterrer à la va-vite les morts dans cette terre ingrate, sans même le temps d’une prière.   Le président, après huit ans de règne, a fui N’Djamena en 1990 devant l’avancée des troupes rebelles de son successeur, Idriss Déby, et vit aujourd’hui en exil au Sénégal. Depuis son arrivée au pouvoir en 1982, il avait traqué les opposants et les complots, réels ou imaginaires, et N’Djamena était devenue la capitale des centres de détention et des « chambres de torture », où sont passés, comme l’a établi une commission d’enquête nationale, « plus de 40 000 victimes (tuées), plus de 80 000 orphelins, plus de 30 000 veuves et plus de 200 000 personnes se trouvant, du fait de cette répression, sans soutien moral et matériel ».   Clément Abaifouta n’était qu’un détenu parmi d’autres, arrêté un « matin de pluie », le 12 juillet 1985, parce qu’on trouvait suspecte sa bourse pour aller étudier la médecine en Allemagne de l’Est. Les hommes qui l’ont amené au siège de la redoutable direction de la documentation et de la sécurité (DDS) ne lui ont jamais indiqué le motif de son arrestation. On cherchait quelqu’un pour une sale besogne, il a été chargé d’aller enterrer quelques malheureux.   Pendant cinq ans, Clément Abaifouta a fait partie d’un petit commando d’esclaves fossoyeurs, alignant tombes et fosses communes sur plus de deux kilomètres, dans la plaine des morts. « On se demandait comment tant de gens pouvaient mourir. Les corps arrivaient à l’arrière d’un camion. Souvent, ils étaient déjà gonflés. On creusait, pas très profondément, et on se dépêchait de s’en aller. »   Un camp militaire français se trouvait à moins d’un kilomètre. « Les Français sont venus plusieurs fois nous survoler en hélicoptère, ils devaient savoir ce que nous faisions », assure Clément. Les fosses communes ne semblent pas avoir été un sujet de friction entre le président tchadien et ses alliés d’alors, la France et les Etats-Unis, qui appuyaient avec enthousiasme le Tchad, en guerre contre la Libye. Pendant que l’armée tchadienne, soutenue par des fonds américains et appuyée par les Jaguar français, repoussait l’ennemi et prenait pied sur le territoire du colonel Kadhafi, on torturait en toute tranquillité à N’Djamena. Selon l’organisation Human Rights Watch, le Tchad d’Hissène Habré recevait aussi des experts américains en « méthodes d’interrogatoire », ainsi qu’une aide de Saddam Hussein.   Hissène Habré peut difficilement affirmer qu’il n’y était pour rien. Des documents rédigés à l’intention du chef de l’Etat détaillent les tortures subies par certains prisonniers « spéciaux ». L’ex-dictateur veillait en personne sur sa police secrète, comme le montre une note du 26 août 1987 du directeur de la DDS, qui se félicite que la « toile d’araignée tissée sur toute l’étendue du territoire national » par son service constitue « l’œil et l’oreille du président », à qui il « rend compte de ses activités ». Certains témoins l’accusent d’avoir procédé en personne à des exécutions. Le « centre d’investigation », un des hauts lieux de la torture, se trouvait au sein même de la « présidence », ce quartier habité par les dignitaires du régime. Aujourd’hui, l’ancienne prison tombe en ruine. Derrière les buissons de barbelés rouillés, des squatteurs ont aménagé des tentes sous les toits crevés.   Un homme au regard fixe, le visage mangé de tics, interdit l’accès aux ruines, dont il affirme avoir la responsabilité car, ajoute-t-il, solennel, « c’est moi qui avais les clefs ». Le régime est tombé, la présidence et ses prisons ont été pillées, mais Moustahamid Idriss, le gardien du « centre d’investigation », est resté et s’anime au souvenir de ses années de bons et loyaux services.   « On avait un cachot secret dans le jardin là-bas, qui a été damé au bulldozer quand Hissène est parti, explique l’ancien geôlier. Il fallait prendre un petit escalier pour descendre. Il y avait toujours beaucoup de prisonniers là-dedans. » La villa était habitée par un cadre du régime qui avait organisé son petit centre de détention privé, comme tant d’autres, à commencer par la propre sœur du président. « Moi, j’obéissais aux ordres, c’est tout », se hâte de conclure Moustahamid.   A quelques centaines de mètres, Hissène Habré recevait des notes confidentielles sur ses « prisonniers spéciaux ». Dans un rayon de 500 mètres, cinq centres de détention opéraient, dont trois au moins étaient secrets. A côté de ces centres, de nombreuses « chambres de torture » informelles avaient été installées.   Aucun n’était aussi redouté que la « piscine ». Dans l’ancienne piscine Leclerc des colons français, recouverte d’une dalle de béton et divisée en dix cellules, on mourait le corps brisé sous la torture, d’épuisement, de maladie, de déshydratation, dans une chaleur infernale. « C’est le sel qui sort en premier du corps de l’homme. Après viennent de gros boutons rouges, très douloureux, qui donnent du pus. Puis l’agonie commence », se souvient Ismaël Hachim Abdallah, qui y a été détenu plusieurs mois en 1989 avant de devenir président de l’Association des victimes des crimes et répressions politiques au Tchad (AVCRP). « On se relayait pour venir aspirer un peu d’air sous la porte ou pour s’allonger. Quand quelqu’un mourait, il se passait parfois plusieurs jours avant que les gardiens ne le sortent. On plaçait les malades contre les cadavres pour leur donner un peu de fraîcheur. » A ce régime, la mortalité était effrayante. « L’être humain est bizarre, soupire Ismaël Hachim. Avant de mourir, j’ai entendu des hommes qui disaient qu’ils voyaient le ciel s’ouvrir au-dessus d’eux. » L’association tente à présent de poursuivre les responsables. Une microscopique minorité de ses deux mille adhérents a osé porter plainte contre les tortionnaires, qu’ils croisent toujours dans les rues de N’Djamena. Les cas d' »intimidation » sont nombreux, jusqu’à la tentative de meurtre, en 2001, contre Jacqueline Moudeïna, l’avocate des plaignants, qui porte encore les séquelles de la grenade lancée vers elle dans une manifestation.   Dans ces conditions, le juge supposé instruire les 21 plaintes, actuellement au point mort, craint pour sa vie. « Il se déplace à moto, on ne lui a pas donné d’escorte, il ne peut rien faire », soupire Clément Abaifouta. Un bon connaisseur du dossier ajoute : « Le président Déby a fait preuve de bonne volonté, il est allé jusqu’à retirer l’immunité à Hissène Habré. Mais personne n’a envie d’un procès à N’Djamena. Habré pourrait mouiller beaucoup de gens, à commencer peut-être par Déby, qui a été mis en cause dans « septembre noir » », une campagne d’élimination des cadres sudistes en 1984. Des responsables de l’appareil répressif ont été écartés après une campagne d’Human Rights Watch, mais « il en reste à tous les niveaux », assure Ismaël Hachim, capable de citer le nom d’un conseiller de la présidence ou celui d’un responsable des enlèvements au service de l’actuel régime. Un des tortionnaires les plus célèbres de l’ère Habré, toujours colonel, prend chaque jour l’apéritif dans un restaurant du centre-ville. La DDS a été dissoute, mais une partie de ses membres opèrent à présent à l’Agence nationale de sécurité (ANS).   A la fin de l’année 1990, Hissène Habré aurait pu défendre, les armes à la main, la capitale qu’il avait en partie détruite, huit ans plus tôt, pour la conquérir. Mais les dés étaient jetés. L’ex-rebelle a préféré ordonner à la banque centrale de tasser dans des cantines les liquidités disponibles, entre 3 milliards et 7 milliards de francs CFA (4 à 10 millions d’euros). Puis, le 1er décembre, le président Habré s’en est allé, murmurant, selon ses proches : « S’il veut N’Djamena, il n’a qu’à la prendre. » Au Cameroun, il a retrouvé son avion et son trésor, et s’est envolé pour le Sénégal. Pendant dix ans, il y a vécu un exil doré, invité de marque aux cérémonies officielles.   Mais, en 2000, à la suite des plaintes de victimes, l’ex-dictateur a été inculpé par la justice sénégalaise. Puis, la justice sénégalaise s’étant déclarée incompétente, une nouvelle série de plaintes a été déposée devant un tribunal belge. Pour être jugé en Belgique, Hissène Habré devrait y être extradé. La procédure, à ce jour, n’a pas abouti et le président sénégalais, Abdoulaye Wade, a décidé en janvier de confier le sort de l’ex-président à l’Union africaine. L’organisation, jusqu’ici, s’est contentée de nommer un comité d’experts, qui doit rendre son avis lors du sommet de Banjul, qui s’ouvre samedi 1er juillet.   Pour éviter de répondre de ses crimes, l’ex-président ne peut plus désormais compter que sur l’ultime conjonction d’atermoiements et de petits services rendus au sein de l’Union africaine. Une partie des victimes, cependant, ne veut pas d’un procès en Europe. « Je ne veux pas qu’il aille chez les colons pour être jugé, dit Ismaël Hachim. Ce serait minimiser mon frère africain Habré, et ce serait minimiser ma colère. »   (Source : « Le Monde » du 2 juillet 2006)

SECURITE. Piégé par des écoutes téléphoniques, Belkacem Kermas, arrêté récemment à Zurich avec d’autres comparses, aurait basculé dans l’extrémisme en proposant ses services à un groupe armé pour «donner un sens à sa vie».
 

Cellule terroriste en Suisse: le parcours d’un délinquant devenu islamiste radical

 
  Sylvain Besson, Paris   Il était sans doute trop bavard pour faire un terroriste accompli. En discutant au téléphone avec ses contacts du GSPC (*), un groupe armé algérien, Belkacem Kermas a donné aux services occidentaux la preuve qu’ils cherchent depuis des années: celle d’un financement de combattants liés à Al-Qaida en Afrique du Nord par des délinquants actifs en Europe.   Belkacem Kermas, alias Bassam Rifai, et plusieurs membres de son réseau ont été arrêtés à Zurich et dans d’autres cantons en mai et juin derniers (Le Temps des 9 et 17 juin 2006). Selon une source française au fait du dossier, l’affaire revêt une importance «exceptionnelle»: «Belkacem Kermas a été imprudent, et c’est une chance énorme. Grâce aux écoutes téléphoniques réalisées par les Suisses, nous savons que les émirs du GSPC l’ont remercié pour l’argent qu’il avait récolté, en décrivant les actions qu’eux-mêmes avaient menées en Algérie» – notamment des attaques contre des cibles militaires qui ont fait plusieurs morts.   Provenant de cambriolages commis en Suisse, ces fonds ont été remis en liquide au cousin d’un islamiste basé en région parisienne, Mabrouk B. Celui-ci a acheté des voitures qu’il a ensuite revendues au prix fort en Algérie pour financer le GSPC. Selon le journal français Le Figaro, l’opération aurait rapporté environ 180000 francs suisses au groupe terroriste.   Lorsqu’il s’est installé à Zurich, Belkacem Kermas, aujourd’hui âgé de 28 ans, n’avait pas le profil d’un extrémiste. A en croire la source précitée, c’est d’abord un petit délinquant qui a fini par proposer ses services au GSPC pour «donner un sens à sa vie», au terme d’un parcours que les policiers suisses s’efforcent de reconstituer.   On sait ainsi qu’il a fréquenté la mosquée Zayed de la Rötelstrasse, à Zurich, qui était déjà placée sous surveillance policière en raison de prêches considérés comme radicaux. «Mais attention, explique un enquêteur, il n’y a pas de lien mécanique entre son passage dans cette mosquée et sa vocation terroriste. Peut-être qu’un événement précis a servi de déclencheur, mais on ne sait pas encore lequel.» Aucun responsable de la mosquée n’a pu être joint pour commenter ces informations.   De nombreuses zones d’ombre entourent aussi le plan d’attentat du réseau helvétique contre un avion de la compagnie israélienne El Al. Côté français, on décrit un projet resté à l’état d’ébauche, sans date ni lieu fixés avec précision. Aucun explosif n’a été retrouvé lors des perquisitions menées en Suisse.   Il n’empêche: les liens très directs de cette cellule avec le GSPC ont de quoi inquiéter les services antiterroristes. En 2003, le groupe algérien a formellement proclamé son allégeance à Al-Qaida, l’organisation d’Oussama ben Laden. Depuis, il aurait concrétisé cette alliance en mettant sur pied, dans des zones désertiques du Sahara, des camps d’entraînement destinés aux militants de toute l’Afrique du Nord.   Affaibli par ses confrontations avec l’armée algérienne, le GSPC compterait encore quelques centaines de maquisards très endurcis. Les analystes français craignent que, afin d’enrayer son déclin, il ne tente un jour d’utiliser ses réseaux à l’étranger pour frapper l’Europe.   (*) Groupe salafiste pour la prédication et le combat.
 

«La nouvelle menace? L’apparition d’un microterrorisme»

 
De retour d’Alger où il a donné une série de conférences sur les liens entre groupes armés et crime organisé, le criminologue français Alain Bauer livre son analyse au «Temps».   Christian Lecomte   Le Temps: Le récent démantèlement d’une filière du terrorisme associant des petits délinquants de Zurich au financement du GSPC algérien allié à Al-Qaida reflète-t-il un nouveau et inquiétant phénomène touchant nos pays?   Alain Bauer: Pour la petite délinquance, le fait d’emballer une activité criminelle en affirmation militante est valorisant, les mouvements corses eux-mêmes ont connu cette dérive. Il n’y a d’ailleurs rien d’original sur cette question puisqu’en matière criminelle ce qui est nouveau est le plus souvent ce qu’on a oublié. Il s’agit là d’un classique. Le coût des opérations terroristes étant relativement faible, entre 5000 et 25 000 dollars par exemple pour le 11 septembre 2001, il s’agit plus de faire vivre les réseaux que de financer des attentats. Un contrôle plus strict de l’usage de la quête, une certaine difficulté à réaliser des transferts internationaux de devises, une volonté d’invisibilité mais également une diversification des structures en réseaux souples ont provoqué ce mouvement.   – L’affaire dont nous parlons, qui intègre également des revendeurs de voitures parisiens pour blanchir l’argent, vous conforte-t-elle dans l’idée qu’une connexion entre le terrorisme et la grande criminalité est solidement et durablement établie?   – Les cellules des réseaux terroristes sont de plus en plus indépendantes et fonctionnent avec l’impôt révolutionnaire mais également avec des attaques de banque, le trafic de stupéfiants ou la prostitution. S’il n’y a pas d’Internationale islamique, pas plus qu’Al-Qaida n’est une organisation pyramidale, le système ressemble de plus en plus à une mutuelle du terrorisme ayant ouvert des espaces criminalisés pour assurer une indépendance locale des groupes. Comme en Algérie où il y a au moins deux GSPC, ces groupes se dispersent, sont moins organisés mais restent dotés de moyens importants. La nouvelle menace consiste donc en l’apparition d’un microterrorisme, très difficile à cerner et à combattre parce qu’agissant sur des territoires relativement flous. Il semble que les réseaux tchétchènes, libanais, irakiens et leurs supports arrière dans les pays occidentaux sont en phase d’hybridation avec le crime organisé. Soit en passant des accords circonstanciés sur un territoire donné, soit en développant des filiales criminelles pour financer leurs activités. Cela nécessite un traitement radical impliquant la responsabilité des grandes nations occidentales dans un monde qui évolue et change constamment.   Alain Bauer, auteur de «L’Enigme Al-Qaida» (avec Xavier Raufer), aux Editions Jean-Claude Lattès.   (Source : « Le Temps » (Suisse) du 3 juillet 2006)

IRAK. Le Britannique Rory Stewart a codirigé une province irakienne entre août 2003 et juin 2004. Son bilan: la coalition a accumulé les erreurs et se heurte à l’incompréhension totale des Irakiens.

«Aucun leader irakien n’est prêt à s’investir pour la démocratie»

 
  Eric Albert, Londres   Assis en tailleur sur sa chaise, avec sa cravate de travers et sa chemise blanche un peu trop grande pour lui, Rory Stewart fait un improbable gouverneur d’Irak. Pourtant, cet ancien diplomate britannique, aujourd’hui âgé de 33 ans, a codirigé la province reculée de Maysan, à la frontière iranienne, entre août 2003 et juin 2004. Il en tire aujourd’hui un livre*, témoignage passionnant de l’inadéquation de la coalition américano-britannique avec le terrain irakien.   Jeune idéaliste, il pose candidature à un emploi en Irak peu après l’invasion. «J’étais naïf, affirme-t-il aujourd’hui avec le recul. En Bosnie et en Afghanistan (ndlr: où il a travaillé pour le Foreign Office), les gens nous recevaient bien et nous remerciaient de ce qu’on faisait. J’imaginais que je recevrais le même accueil.»   Sur place, il trouve au contraire une population méfiante, dans une province qui a fortement souffert de la guerre Iran-Irak. Son ignorance du terrain est complète et comprendre la naissance de 49 partis politiques dans la seule province de Maysan, ainsi que les divisions entre les 14 clans tribaux et les groupes religieux relève très vite de la mission impossible. «Je voyais passer dans mon bureau des gens qui me disaient: «Je suis le fils d’untel, cousin d’untel, j’ai des milliers d’hommes prêts à me suivre. Donnez-moi de l’argent et des armes, et j’établirai la paix dans la région.» Bien sûr, pour l’essentiel, c’était du bluff, mais il était très difficile de savoir qui était qui et qui avait un véritable soutien. Sous Saddam Hussein, tout était très centralisé et aucune de ces personnes n’avait de pouvoir.» La situation était rendue encore plus obscure par la traduction aléatoire des interprètes, notamment quand «gouvernement théocratique» est traduit par «gouvernement légal», menant à des dialogues de sourds surréalistes…   Mais surtout, Rory Stewart souligne les incroyables erreurs réalisées par la coalition sur place. A l’exemple d’une manifestation qui s’est déroulée devant le palais du gouverneur irakien de Maysan, en janvier 2004: «Quatre cents hommes arrivent et scandent des slogans contre les Américains. Le gouverneur irakien nous dit: «Il faut envoyer vos troupes et les disperser.» Mais nous répondons qu’ils ont le droit de manifester, et mon collègue ajoute qu’il y a régulièrement des milliers de manifestants devant Westminster et que cela ne pose aucun problème.» Rapidement, l’affaire dégénère, la police tire sur la foule, faisant vingt blessés. Les forces britanniques sont obligées d’évacuer en urgence le gouverneur irakien, puis de laisser le palais à l’assaut des pilleurs. «Après ce jour-là, la confiance que le gouverneur irakien avait en nous a complètement disparu.»   Pour Rory Stewart, le problème essentiel vient de cette absence complète de crédit et de compréhension entre les Irakiens et la coalition militaire. «Bien sûr que nous avons fait des erreurs. Mais même sans cela, notre action était vouée à l’échec parce qu’il n’y a aucun leader irakien qui était prêt à croire suffisamment en un système démocratique pour y investir son autorité.»   Il en veut pour preuve l’exemple de cinq leaders élus au conseil de la province après les premières élections locales, qui ont été enlevés et torturés, avant d’être relâchés. «Ils viennent me voir et demandent une procédure judiciaire. Je vais voir la police, mais elle refuse de mener l’enquête. Je réunis alors les personnes les plus influentes de la région. Les deux principaux leaders tribaux sont là, et à eux deux, ils affirment représenter 95% de la population. Je leur dis qu’ils doivent être capables de prendre les choses en main et de régler l’affaire. Mais tous refusent. Personne n’était prêt à prendre le risque de mettre en jeu son pouvoir.»   La solution? Pour lui, les seules personnes capables de résoudre la guerre civile latente sont les Irakiens eux-mêmes: «Ils comprennent nettement mieux la situation que nous. A mon avis, plus vite nous partirons, mieux ce sera pour tout le monde.»   Occupational Hazards. My Time Governing in Iraq, Editions Picador, 2006   (Source : « Le Temps » (Suisse) du 3 juillet 2006)

 

S comme Swift, ou… «silence!»

 
Jean-Claude Péclet   Ne cherchez pas à joindre Stephan Zimmermann de UBS ou Yves Maas de Credit Suisse – en tout cas pas si vous êtes journaliste. Tous deux siègent au conseil d’administration de la plateforme mondiale de transferts financiers Swift, basée dans la banlieue de Bruxelles. Stephan Zimmermann en est même le vice-président, donc bien placé pour savoir qu’après le 11 septembre 2001 les services secrets américains ont massivement pioché dans les 11 millions de messages quotidiens transmis par Swift, contenant des informations personnelles (noms, numéros de compte, montants) sur les clients des banques suisses – entre autres.   Depuis dix jours, Stephan Zimmermann et Yves Maas se murent dans le silence. Tout comme la Banque nationale suisse et le Conseil fédéral, pourtant informés dès 2002 de cet espionnage financier sans précédent.   Quelle a été son ampleur? Les citations des acteurs interrogés par le New York Times sont contradictoires. «Au début, ils ont tout pris, l’intégralité de la base de données», dit un proche de l’opération, tandis que le sous-secrétaire d’Etat au Département du trésor, Stuart Levey, minimise: «Nous allons à la pêche, nous n’aspirons pas simplement toute l’information que nous pouvons.»   Chacun jugera selon son degré de confiance dans la CIA. Ce qui est sûr, c’est que des millions, probablement des dizaines de millions de transactions détaillées ont été transmises aux services secrets américains, sans aucune garantie que ces données ne servent qu’à traquer Al-Qaida, sans qu’une autorité judiciaire ait été informée des critères ou de l’étendue des recherches, et surtout sans que les clients concernés aient su quoi que ce soit.   Cela s’appelle une violation massive, pendant cinq ans, du secret bancaire. «Bankenkundengeheimnis» en allemand, comme disent les banques suisses pour insister sur le fait que le secret bancaire protège le client et non l’établissement financier. Protégeait, devrait-on dire.   Depuis que l’affaire a éclaté, les banques et leur association ouvrent de grands yeux bleus: «Violation du secret bancaire? Mais pas du tout!» Le porte-parole de l’une d’entre elles a même dit au Temps que la protection du secret bancaire ne s’appliquait pas dans ce cas puisque les transactions se déroulent à l’étranger – Swift fonctionne effectivement sous législation belge. Les clients apprécieront.   Hanspeter Thür, préposé fédéral à la protection des données, apprécie peu, lui. Il se dit «très préoccupé» par ce qui apparaît comme un non-respect caractérisé de la sphère privée et a pris langue avec ses collègues étrangers à ce sujet. Le professeur de droit Marc Pieth est tout aussi consterné. «Une saisie étatique de données financières devrait se baser sur une menace concrète par un groupe de personnes défini, dit-il à la NZZ am Sonntag. Une saisie large pendant une aussi longue période est clairement contraire au droit.»   Privacy International, une association des droits de l’homme basée à Londres, a porté plainte dans 32 pays contre Swift. Le Sénat belge a ouvert une enquête sur l’affaire. Bref, les protestations ont fusé de toutes parts… sauf de Suisse, patrie du secret bancaire, et de Swift elle-même.   Pour cette dernière, Marc Pieth a une explication: «Swift peut facilement être mise sous pression.» Il suffit que les autorités américaines menacent de lui retirer la licence d’opérer sur leur territoire, et elle disparaîtrait rapidement, la globalité de cette plateforme étant sa raison d’être.   Au fait, l’explication vaut aussi pour UBS et Credit Suisse qui siègent au conseil de Swift. Ces deux banques ont énormément développé leurs activités «on-shore» américaines ces dernières années, en particulier dans la gestion de fortune. Elles ont tout intérêt à minimiser l’atteinte à la sphère privée de leurs clients pour ne pas s’attirer de problèmes dans leurs propres affaires.   Quant aux autorités suisses, on sait qu’elles ont toujours été plus crânes face à l’Union européenne que face à Washington, notamment quand il s’est agi d’adopter le principe du «qualified intermediary». Une pratique imposée par les Etats-Unis qui transforme les banques suisses en agents auxiliaires du fisc américain.   Il n’en reste pas moins que la façon dont les acteurs suisses se refilent la patate chaude depuis qu’ont été publiées les révélations du New York Times est indigne. Si importante que soit la lutte contre le financement du terrorisme, elle ne légitime en aucune façon l’atteinte au secret bancaire qui a été commise.   Après les attentats du 11 septembre, moult réunions internationales ont fixé un cadre international sous la supervision du Groupe d’action financière contre le blanchiment des capitaux (GAFI), comme vient de le rappeler l’Association suisse des banquiers.   En agissant comme ils l’ont fait, les Etats-Unis ont une fois de plus piétiné le multilatéralisme, dans un domaine hypersensible. Cela appelle, pour le moins, des demandes officielles d’explications et, cas échéant, une protestation vigoureuse.   (Source : « Le Temps » (Suisse) du 3 juillet 2006)

 


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