11 avril 2007

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TUNISNEWS
7 ème année, N° 2513 du 10.04.2007

 archives : www.tunisnews.net


C.R.L.D.H. Tunisie: Le calvaire sans fin du prisonnier politique  M.Abdellatif BOUHJILA C.R.L.D.H. Tunisie: LA MACHINE AVEUGLE DE LA TORTURE EN TUNISIE Le cas de Walid LAYOUNI AISPP: Communiqué Rapport du Groupe d’observation de la Tunisie: Liberté d’expression en Tunisie : Le siège se poursuit Réalités: Mohamed Goumani et Fethi Touzri : Nos propositions pour relancer le processus démocratique Le Temps : Crime abominable à Sousse :Une jeune femme médecin et ses parents, assassinés Tunis Hebdo: la violence chez les jeunes – C’est « stupéfiant” ! Houcine Ghali: Pour une revolution de l’imaginaire tunisien Le Monde: Al-Qaida au Maghreb revendique les deux attentats d’Alger AFP: Maroc: la police recherche une dizaine de kamikazes à Casablanca Reuters: Maroc – Une dizaine de candidats kamikazes encore dans la nature Le Temps (Suisse): Les conditions d’un changement de régimes dans le monde arabe AFP: Création d’un Conseil de coordination des musulmans en Allemagne AFP: German Muslims to strengthen voice with new group Patrice Claude: Un désastre américain en Irak


 

C.R.L.D.H. Tunisie

 

Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de l’Homme en Tunisie

Membre du Réseau Euro méditerranéen des Droits de l’Homme

 

21ter rue Voltaire – FR-75011 PARIS  – Tel/Fax : 00.33. (0)1.43.72.97.34

contact@crldht.org / www.crldht.org

 

Le calvaire sans fin du prisonnier politique  M.Abdellatif BOUHJILA  

Le CRLDHT fait part de sa vive préoccupation pour la vie du  prisonnier politique M.Abdellatif BOUHJILA, en grève de la faim  depuis des longues semaines, dans l’indifférence totale de l’administration pénitentiaire.

Incarcéré dans la prison de Mornaguia, dans la banlieue de Tunis, Abdellatif BOUHJILA mène depuis novembre 2006 une série de grèves de la faim pour réclamer une prise en charge médicale et l’accès aux soins qu’exige son état de santé.

Souffrant  depuis son incarcération il y’a près de neuf ans d’une insuffisance rénale, cardiaque et ashmatique, la victime n’a jamais pu accéder aux soins nécessaires malgré le nombre impressionnant de grèves de la faim qu’il a déclenché (Plus de mille cent jours de grève de la faim, voir les communiqués du CRLDHT du 24 février  et du 30 mars 2007). La seule réponse de l’administration fût une agression perpétrée par un des gardiens de l’infirmerie à son encontre.  

 

Lors de la visite de son père, M. Abdelamajid Bouhjila le 3 avril 2007, la rencontre  a été interrompue trois minutes plus tard suite à l’évanouissement du prisonnier qui manifestait une fatigue extrême et était dans l’incapacité de produire un seul mot. Il a été conduit  au parloir par un agent qui l’aidait à marcher et à se tenir debout.

 

Le mardi 10/04/07, la famille était interdite de visite sans aucune explication quant à ce refus notifié et à l’état de santé de la victime, laissant les parents âgés de Abdellatif dans l’angoisse quant au  sort de leur fils.

 

Le CRLDHT exige une attitude responsable de la part de l’administration pénitentiaire en répondant à la revendication légitime du prisonnier d’être soigné

 

Il demande une attitude humaine vis-à-vis de la famille de la victime qui doit être  informée sur le sort de son fils.

 

Il réclame la libération de tous les prisonniers politiques et d’opinion et la proclamation d’une loi d’amnistie générale, un premier pas indispensable pour assainir le climat politique étouffant et explosif.                         .                                                     Le : 11/04/07

 


 

C.R.L.D.H. Tunisie

 

Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de l’Homme en Tunisie

Membre du Réseau Euro méditerranéen des Droits de l’Homme

 

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LA MACHINE AVEUGLE DE LA TORTURE EN TUNISIE

Le cas de Walid LAYOUNI

Dans la Tunisie de Ben Ali, les victimes de la torture se comptent en milliers et continuent de souffrir de leurs séquelles durant de longues années. Parmi eux, un nombre incalculable est handicapé à vie. Actuellement, des centaines de détenus victimes de la torture croupissent en prison,  parfois depuis près de vingt années, sans le moindre soin.

Du simple commissariat aux geôles des différentes prisons tunisiennes en passant par les sous-sols du ministère de l’Intérieur, ces lieux sont devenus des « usines de torture » qui brillent par les actes les plus barbares commis par des tortionnaires qui humilient et mutilent en toute impunité.

M. Oualid Layouni, un des victimes de la loi dite antiterroriste de décembre 2003, a été arrêté le 11 décembre 2006 par la brigade de la Sûreté de l’Etat, de façon illégale, sans mandat, tenu au secret pendant plus d’un mois (du 11/12/06 au 16/01/2007) et écroué à la prison civile de Mornaguia dans une cellule individuelle. 

M. Oualid Layouni, 28 ans est un jeune père de quatre petits enfants, le plus jeune étant un bébé de deux mois, né après  son incarcération. Ingénieur de décoration réussi, il était à la tête d’une société de cent personnels appelée Street Line qu’il a fondé à Abou Dhabi. Le 18 octobre 2005, il a été livré aux autorités tunisiennes suite à l’arrestation de son frère jumeau Khaled Layouni qui vivait avec lui et qui était recherché pour avoir voulu rejoindre la résistance irakienne. Libéré au bout d’une semaine, il lui a été interdit de quitter le pays et il a fait l’objet de poursuites sécuritaires incessantes,  par la présence de la police politique sur son nouveau lieu de travail à la cité En Nasr, à son domicile ou par convocations répétées  au siège du ministère de l’Intérieur.

Lors de la rencontre qu’a effectué le CRLDHT à la jeune famille de Oualid ainsi qu’à sa mère Mme Ftima Bouraoui, il a été question de la torture sauvage exercée sur le jeune ingénieur depuis son arrestation et de ses conditions humiliantes de détention puisqu’il a été maintenu dans les toilettes d’une cellule ne dépassant pas les deux mètres, sans aération ni lumière. Oualid est ainsi privé de sommeil  des semaines durant. Lors des visites familiales, il avait souvent les traces de violences et de coups sur son visage et ses yeux. Il a fait part à son avocate, Maître Radhia Nasraoui des longues séances de torture qu’il a subi dans les locaux du ministère de l’Intérieur ainsi que dans la prison de Mornaguia. Déshabillé et les yeux bandés, ce cauchemar se répète au quotidien pendant des longues heures où ils lui ont fait signer, sous la menace, un papier caché par un autre et des aveux graves dont il est innocent. Selon son avocate, Oualid paye pour avoir assister la famille de son frère après l’arrestation de ce dernier.

A la dernière visite hebdomadaire  de sa famille, le vendredi 06 avril 2007, la mère a trouvé  la victime dans un état méconnaissable avec un visage hagard et des yeux effarés. Avec un air halluciné, il divaguait et prononce des paroles incohérents, tout en semblant ne pas reconnaître sa propre mère. Mme bouraoui  avait appris  des agents pénitentiaires que son fils est traité à  l’hôpital psychiatrique de Razi, spécialisé dans les maladies mentales.

Le CRLDHT, tout en s’associant à la tristesse de la famille, exprime son indignation face à cette barbarie qui sème le désespoir et cultive la haine et exige l’arrêt immédiat de ces traitements inhumains et dégradants.

Il réclame l’ouverture d’une enquête sur la pratique de la torture en Tunisie  et  les conditions dans lesquelles sont détenus  les prisonniers politiques et d’opinion.                                     

Il revendique le jugement de tous les  tortionnaires, coupables de crimes de torture ayant dans de nombreux cas entraîné la mort de Tunisiens.                                                    

 

Le : 11/04/07


 
Liberté pour Maître Mohammed Abbou Liberté pour tous les prisonniers politiques Association internationale de soutien aux Prisonniers Politiques 33 rue Mokhtar Atya 1001 Tunis Tel/Fax : 71 354 984 Email : aispptunisie@yahoo.fr Tunis, le 10/04/2007 Communiqué
Madame Soumayya Ben Boubaker Lazghab et Madame Ftima Bouraoui, épouse, et mère des deux prisonniers politiques Oualid et Khaled Layouni ont pu leur rendre visite dans l’après midi du mardi 10 avril 2007 à la prison de Mornaguia, encore sous le choc et consternées: vendredi passé, Oualid Layouni avait visiblement perdu ses facultés mentales. Il n’avait pas reconnu sa mère, ni sa femme, à cause de la torture sauvage subie depuis son arrestation le 11 décembre 2006. Aujourd’hui sa femme a tenté de lui rappeler son nom et celui de sa mère, ainsi que les prénoms de ses enfants mais il était clair qu’il avait complètement perdu la mémoire. L’administration de la prison de Mornaguia n’a pas autorisé son avocat, Maître Abderraouf Ayadi, à lui rendre visite. Oualid Layouni est architecte décorateur. Jumeau de Khaled Layouni, il est né à Kélibia le 28 août 1978. Il a exercé aux Emirats Arabes Unis à partir d’avril 2003 et est revenu en Tunisie le 18 octobre 2005. Il a alors ouvert un cabinet privé, très réputé. Il s’était plaint aux membres de sa famille lors des visites des tortures subies et de ses conditions d’incarcération, si dures qu’elles ont fini par lui faire perdre ses facultés mentales. L’AISPP a déjà demandé sa libération pour permettre à sa famille de le faire soigner. Un tel traitement suppose qu’il revienne à une situation normale au sein de sa famille, avec sa mère, son épouse et ses enfants. Le président de l’Association Maître Mohammed Nouri (traduction ni revue ni corrigée par les auteurs de la version en arabe, LT)  

TUNISIA: FREE EXPRESSION VIOLATIONS WORSE A YEAR ON, SAYS TMG

The Tunisian government has failed to make progress in improving free expression conditions over the past year, even further stifling dissidents, the IFEX Tunisia Monitoring Group (TMG) has found in its fourth major report. Since the TMG’s last report in May 2006, the group has witnessed « serious deterioration in the conditions related to freedom of expression in Tunisia, » particularly with respect to the harassment of journalists and dissidents, threats to the independence of the judiciary, blocking of books and websites, restrictions on independent organisations, and imprisonment of the human rights lawyer Mohamed Abbou for posting articles critical of the Tunisian authorities on the Internet. These observations and others are detailed in « Freedom of Expression in Tunisia: The Siege Holds », a report on the group’s fact-finding mission last month. Nearly a year since its last mission, the TMG noted that a series of new attacks on non-governmental organisations (NGOs) and independent journalists has resulted in a near state of inactivity. Police brutality is becoming « an almost daily event. » With a judiciary increasingly favouring the government, a climate of fear has been promoted. The TMG concludes in its report that it is necessary « to maintain and strongly reiterate all past recommendations from the TMG to Tunisian authorities » to bring the country in line with international human rights standards. Recommendations include releasing Abbou and other « prisoners of opinion », ending harassment and intimidation of human rights activists, lifting controls on banned websites and books, and respecting individuals’ rights to freedom of movement, assembly and association. « The Siege Holds » is being launched worldwide in three languages on 11 April at a press conference organised by the Arabic Human Rights Information Network (HRinfo) and the Egyptian Organization for Human Rights (EOHR) in Cairo, with a representative of IFEX’s Tunisian member the Observatoire pour la liberté de presse, d’édition et de creation (OLPEC) in attendance. It is also being launched at an event hosted by the World Press Freedom Committee (WPFC) in Washington, as well as in Geneva by the International Publishers Association (IPA) and in Paris by the World Association of Newspapers (WAN), including through its Arab Press Network. The TMG is a group of 16 freedom of expression organisations in the IFEX network. Four members of the TMG – IPA, WAN, Norwegian PEN and Index on Censorship – visited Tunisia from 27 February to 4 March, where they met with government officials and civil society representatives, and monitored freedom of the press and related human rights issues. An EOHR representative was prevented from receiving a visa on time by the Tunisian Embassy in Cairo. The report is available online on the TMG websites in three languages:
English: http://campaigns.ifex.org/tmg/IFEXTMGreport_April2007.doc – French: http://campaigns.ifex.org/tmg/rapportduIFEXTMG_avril2007.doc – Arabic: http://www.hrinfo.net/ifex/wsis/ Visit the link: –          WAN APN: http://www.arabpressnetwork.org/home.php  

Rapport du Groupe d’observation de la Tunisie Liberté d’expression en Tunisie : Le siège se poursuit Avril 2007

Liberté d’expression en Tunisie : Le siège tient

 

TABLE DES MATIERES : A.   Introduction                                    p. 3 B.   Faits sur le terrain      1. Les prisonniers d’opinion                    p. 5      2. Le blocage de l’Internet                     p. 7      3. La Censure des livres                             p. 9      4. Les organisations indépendantes                   p. 12      5. Journalistes et dissidents                        p. 17      6. La liberté de la presse                      p. 18      7. La torture, la brutalité et l’impunité       p. 19      8. La justice                                   p. 20 C.   Conclusion                                      p. 21 D.   Annexes                                         p. 23 
 
 

A.   INTRODUCTION :

Ce rapport est le quatrième rapport du groupe d’observation de la Tunisie (TMG). Il fait suite à la dernière d’une série de missions d’enquête en Tunisie par les membres du groupe dans les mois précédant et suivant le Sommet Mondial sur la Société de l’Information (SMSI). La première mission a eu lieu du 14 au 19 janvier 2005 et a conduit au premier rapport du TMG intitulé Tunisie : liberté d’expression assiégée[1]. Ce premier rapport a été rendu public en février 2005. Il présentait nos conclusions initiales et formulait une série de recommandations au gouvernement tunisien.

D’autres missions ont suivi en mai et en septembre 2005, ainsi qu’en avril 2006. Les rapports de mission sont disponibles à l’adresse suivante : http://campaigns.ifex.org/tmg/fr_rapports.html

Les membres du TMG ont par ailleurs activement pris part au Sommet mondial sur la Société de l’Information.

Au cours de ces cinq missions, le TMG a été en mesure de rencontrer plus de 300 personnes et plus de 50 organisations et institutions, y compris des membres du gouvernement et de l’opposition, des officiels, des organisations soutenues par le gouvernement, des organisations issues de la société civile, des défenseurs des droits de la personne, des journalistes, des éditeurs, des bibliothécaires, des radiodiffuseurs privés et bien d’autres encore.

Lors de notre dernière visite, nous avons rencontré un représentant du Ministère de la Justice. De manière surprenante, le directeur de l’Agence tunisienne de communication extérieure (ATCE) a refusé de nous rencontrer cette fois-ci.

Depuis le SMSI, et depuis le dernier rapport du groupe du mois de mai 2006, nous avons malheureusement constaté une grave détérioration des conditions dans lesquelles s’exerce la liberté d’expression en Tunisie, particulièrement en ce qui concerne les organisations indépendantes, le harcèlement des journalistes et des dissidents, le blocage des livres et des sites web, l’indépendance de la justice et avec l’emprisonnement de l’avocat des droits de la personne Mohamed Abbou qui est en prison pour avoir émis son opinion dans des articles publiés sur Internet. Au total, ces changements nous conduisent à conclure que le gouvernement tunisien cherche à réprimer plus avant la dissidence depuis mai 2006.

Nous demandons donc au gouvernement tunisien de prendre très au sérieux les recommandations formulées dans le présent rapport et de montrer immédiatement une véritable intention de mettre un terme aux pratiques que nous avons identifiées et qui violent les lois et les normes internationales en matière de droits de la personne que la Tunisie a ratifiées.

Par ailleurs, nous appelons la communauté internationale à prendre ses responsabilités pour que la Tunisie respecte ses engagements internationaux, à insister sur un véritable engagement de la Tunisie à changer dans la pratique et à s’assurer que les voix indépendantes en Tunisie soient traitées avec le respect et la tolérance propres à une démocratie et non pas dans le cadre d’abus caractéristiques d’un Etat policier.

Dans les sections suivantes, nous mettons en exergue les principaux développements que nous avons été en mesure d’observer depuis notre premier rapport.

Le  Groupe d’observation de la Tunisie (TMG)

Le groupe d’observation de la Tunisie (TMG) est une coalition de 16 organisations créée en 2004 pour suivre de près la liberté d’expression en Tunisie dans les mois qui conduisent au Sommet Mondial sur la Société de l’Information (SMSI) et dans les mois qui suivent. Ces 16 organisations sont toutes membres de l’Echange international de la liberté d’expression (IFEX), un réseau mondial de 71 organisations nationales, régionales et internationales engagées dans la défense de la liberté d’expression.

La sixième mission du TMG en Tunisie (27 février – 4 mars 2007) était composée de Carl Morten Iversen du centre PEN norvégien, Alexis Krikorian de l’Union Internationale des Editeurs (UIE), Yousef Ahmed d’Index on Censorship et Virginie Jouan de l’Association Mondiale des Journaux (AMJ). L’Ambassade tunisienne du Caire a empêché Sherif Azer de l’Organisation egyptienne des droits humains (EOHR) de recevoir un visa à temps. Par ailleurs, il a été traité grossièrement par l’Ambassade. (Gamal Eid de l’Arabic Network for Human Rights Information (HRinfo.net) s’était vu refuser un visa d’entrée pour rejoindre la mission du TMG d’avril 2006.)

Les autres membres du TMG sont : l’Arabic Network for Human Rights Information (HRinfo.net), ARTICLE 19, l’Association mondiale des radiodiffuseurs communautaires (AMARC), le Comité des écrivains en prison du PEN international (WiPC), la Fédération internationale des associations de bibliothécaires et d’institutions (IFLA), la Fédération internationale des journalistes (FIJ), l’Institut international de la presse (IIP), Journalistes canadiens pour la liberté d’expression (CJFE), l’Organisation égyptienne des droits de l’Homme (EOHR), Journalistes en Danger (JED), le Media Institute of South Africa (MISA), le World Press Freedom Committee. 

B.   FAITS SUR LE TERRAIN :

1. Les prisonniers d’opinion         

C’est avec force que nous réitérons nos recommandations passées visant à :

* libérer tous les prisonniers politiques détenus pour leur croyance religieuse et politiques et qui n’ont jamais fait l’apologie de la violence ou qui n’y ont jamais eu recours.

* mettre un terme  aux sanctions administratives arbitraires contraignant le journaliste Abdallah Zouari à vivre à 500 km de sa femme et de ses enfants et garantir ses libertés de mouvement et d’expression.

Par ailleurs, nous appelons à la libération immédiate de l’avocat des droits de la personne et écrivain Mohamed Abbou.

Mohamed Abbou

Le 1er mars 2007, les membres de la délégation du groupe d’observation de la Tunisie (TMG) ont été physiquement empêchés d’accéder à la rue du Kef où se situe la prison de l’écrivain et avocat Mohamed Abbou par des hommes en civil refusant de s’identifier.

De plus, un deuxième cercle plus distant d’hommes également en civil prenaient des photographies des membres de la délégation du TMG. Les mêmes hommes ont interdit aux membres de la délégation du TMG de prendre des photographies. La voiture de la délégation du TMG avait été au préalable arrêtée pendant une dizaine de minutes sur la route du Kef par un groupe de gendarmes de la garde nationale et d’hommes en civil qui ont également refusé de s’identifier. (Voir Annexe 3 pour plus d’informations).

La délégation du TMG souhaitait simplement demander au directeur de la prison du Kef s’il était possible de rendre visite à Me Abbou. On a alors répondu aux membres de la délégation qu’ils avaient besoin d’une autorisation pour s’approcher des portes de la prison. Samia Abbou, l’épouse de Me Abbou, a pu lui rendre visite pendant 15 minutes environ.

Lorsque les membres de la mission ont eu l’opportunité d’interroger un représentant du Ministère de la Justice et des Droits de l’Homme tunisien, ce dernier a nié qu’il y avait eu harcèlement.

Arrêté le 1er mars 2005, Me Abbou a été condamné à une peine de prison de trois ans et demi en raison d’articles en ligne dans lesquels il critiquait les autorités tunisiennes.

Les jeunes de Zarzis

Depuis leur libération de prison en février 2005, les jeunes de Zarzis doivent faire face à un contrôle administratif strict qui les empêche de mener une vie normale. En fait, la sanction qui les a frappée au début de 2002 continue en dehors de la prison.

L’obligation qui leur est faite de signer un registre tous les jours à des heures différentes et dans des endroits différents empêche ces jeunes de trouver un travail stable ou une formation professionnelle. De plus, on nous a indiqué que des pressions étaient faites sur les employeurs actuels ou éventuels de ces jeunes afin qu’ils s’en séparent ou qu’ils ne les recrutent pas. Finalement, leur label de “terroristes” ne fait qu’accroitre leur exclusion et leur isolement.

Ayant fait face à d’innombrables obstacles et formes de harcèlement dans tous les aspects de leur vie dans les deux dernières années, les jeunes se sentent impuissants et dépourvus de leurs droits civiques de base. Leur seule demande consiste en la levée de la mesure de contrôle administratif et en la possibilité de vivre normalement.

Abdallah Zouari

Toutes les demandes déposées par M. Zouari auprès des autorités compétentes, y compris auprès du Président Ben Ali, pour l’autoriser à rendre visite à sa femme et à ses enfants à Tunis à l’occasion de fêtes religieuses ont été rejetées.

M. Zouari n’est pas autorisé à se déplacer au-delà de la ville de Zarzis. Il n’a par exemple pas le droit de se rendre à Djerba située à 4 kilomètres de son lieu de résidence. Le contrôle administratif dure depuis juin 2002 et devrait prendre fin en juin 2007.

M. Zouari n’a pas le droit à une connexion Internet depuis le mois d’avril 2005 et doit dorénavant faire face à des refus de connexion dans les cybercafés. L’on ferait pression sur les propriétaires de ces endroits pour qu’ils lui en refusent l’accès.

2. Le blocage de l’Internet

Dans les précédents rapports du TMG, nous avons constaté le blocage de sites Web, y compris des sites de nouvelles et d’information, ainsi que la surveillance policière des courriels et des cybercafés.

Nous avons recommandé au gouvernement tunisien de mettre fin au blocage de sites Web et à la surveillance policière des cybercafés et des internautes.

Au moment de la publication du présent rapport, nous n’avons constaté aucune amélioration significative de la situation suite à nos recommandations.

Nous maintenons ces recommandations et pressons le gouvernement tunisien d’apporter des améliorations significatives à cette situation, les pratiques tunisiennes en la matière contrevenant directement aux engagements pris par la Tunisie dans les documents officiels issus du SMSI.

Nous avons discuté du blocage de l’Internet avec certains représentants du gouvernement tunisien et organisations de la société civile appuyées par le gouvernement. Ces représentants nous ont en effet confirmé qu’un blocage systématique de l’Internet avait lieu, mais ont indiqué que le blocage des sites politiques ou d’information s’expliquait par le contenu terroriste ou haineux des sites visés. Or, les officiels du gouvernement se sont montrés incapables de nommer quelque processus judiciaire ou réglementaire que ce soit, qui permettrait légitimement à de telles affirmations d’être contestées légalement.

En janvier 2005, nous avons sélectionné vingt sites que nous estimions être bloqués à cause de leur contenu politique ou des informations qu’ils contiennent et qui, à la lumière des lois internationales, ne semblaient présenter aucune information pouvant être considérée comme illégale ou dommageable. En septembre 2005, nous avons effectué de nouveaux tests sur les vingt sites choisis. Nous avons découvert que dix-neuf des vingt sites identifiés demeuraient bloqués au moment des tests. En mars 2007 nous avons conduit la même recherche sur le même échantillon de sites. Tous les sites demeuraient bloqués lors des tests effectués. (Voir Annexe 5 pour la liste des sites).

Le Conseil national pour les libertés en Tunisie (CNLT), une organisation non reconnue, a dressé un inventaire des formes de harcèlement dont il est l’objet, y compris la confiscation des courriels. L’accès à l’Internet du CNLT, habituellement bloqué, était à nouveau disponible quelques jours avant la venue en Tunis de la mission du TMG. 

La ligue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH), une association reconnue, a indiqué que son accès à Internet avait été bloqué pendant des mois depuis le mois d’avril 2006. L’accès a été rétabli depuis peu. Cependant, les pièces jointes ne sont pas téléchargeables. (Toutes les ONG font face à la même situation).

Le site web de l’Observatoire pour la liberté de presse, d’édition et de création en Tunisie[2] (OLPEC) reste par ailleurs bloqué. 

L’accès au site web du Forum démocratique pour le travail et les libertés[3] (FDTL), un parti politique créé en 1994 et reconnu en 1994, est également bloqué. Le site web du Parti démocratique progressiste (PDP) est également bloqué.

3. La censure des livres    

Dans les précédents rapports du TMG, nous avons constaté que la diffusion de livres et de publications était bloquée.

Nous avons recommandé au gouvernement tunisien d’autoriser la diffusion des livres interdits, de mettre fin à la censure et de se conformer aux normes internationales en matière de liberté d’expression.

Au moment de la publication du présent rapport, nous n’avons constaté aucune amélioration significative de la situation suite à nos recommandations.

Par conséquent, nous maintenons ces recommandations et nous pressons tout particulièrement le gouvernement tunisien d’amender l’Article 8 du Code de la presse en levant l’obligation, pour les imprimeurs, de déposer des copies des livres qu’ils impriment auprès du parquet territorialement compétent, du ministère de l’Intérieur et de la Chambre des députés.

Le système du dépôt légal est encore utilisé sans vergogne en Tunisie comme une forme cachée de censure des livres. Dans un pays qui s’enorgueillit de publier 1400 titres par an pour une population d’un peu plus de 10 millions d’habitants, seulement 200 ou 300 nouveaux titres sont réellement publiés chaque année; le reste de ces ouvrages étant essentiellement des réimpressions et des livres d’enfants.

Les éditeurs qui publient des ouvrages qui ne plaisent pas au gouvernement voient non seulement leurs livres bloqués chez l’imprimeur (une fois imprimés), mais doivent également faire face à d’autres formes de harcèlement, notamment d’ordre fiscal. Pour plus de détails à ce sujet, veuillez consulter le premier rapport de l’IFEX-TMG.

Trois livres du Professeur Abdeljelil Temimi, fondateur de la fondation Temimi (FTRSI[4]), sont bloqués après impression au travers de la procédure du dépôt légal. Il s’agit d’un livre sur la censure (2000), d’un livre sur Bourguiba (2003) et d’un livre sur la société du savoir. La bibliothèque nationale de Tunisie ne lui donne ni raison, ni réponse quant à ce blocage.

Par ailleurs, la distribution des actes de quatre colloques sur la censure organisés par la FTRSI sont également bloqués par l’intermédiaire de la formalité de dépôt légal. Il se peut que la publication de ces actes ait lieu dans un autre pays arabe.

D’après la ligue des écrivains libres (LEL), la situation de l’édition de livres dans le pays n’a fait qu’empirer depuis 2005. Trois exemples de récents blocages de livres ont été fournis :

a.         “Portrait d’un homme d’affaires qui a réussi” de M. Hamdouni (vice-président de la LEL). Dans un premier temps, une autorisation de publication de ce roman a été émise en novembre 2006. Deux ou trois jours plus tard, un groupe de policiers en civil débarquait chez l’imprimeur du roman afin de saisir les copies du livre qui venaient d’être imprimées et de reprendre le reçu autorisant la publication. D’après la LEL, cette reprise d’autorisation constitue une première.

b.          “Le fauteuil à bascule” d’Amel Mokhtar, une jeune écrivaine tunisienne. Son deuxième roman est bloqué au travers du dépôt légal. Le contenu de ce livre est sans doute jugé trop osé sur le plan des mœurs. En revanche, ses premier et troisième romans sont disponibles.

c.         “Justice” de Falilah Chebbi, une célèbre poéte tunisienne qui a déjà publié une vingtaine de livres. Dans ce dernier livre, elle reproche aux régimes arabes de trop dépenser pour l’armement au détriment des dépenses dans le domaine social. «Justice» est bloqué chez l’imprimeur depuis le printemps 2006.

Par ailleurs, trois livres de Jalloul Azzouna, sont toujours bloqués au travers de la formalité de dépôt légal. 

Hafidha Chekir, membre du Bureau de l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD), a essayé de faire publier sa thèse de doctorat sur le rôle du droit dans la promotion des femmes par les presses universitaires, mais cela lui a été refusé. Ce doctorat avait pourtant reçu le Prix droits de l’Homme de la Société française de droit international. Elle a essayé de publier ce texte à compte d’auteur plus tard, mais la procédure de dépôt légal a été utilisée pour empêcher sa diffusion. Par ailleurs, son guide sur la participation des femmes dans la vie politique est également bloqué au dépôt légal. Il s’agit d’un des dix livres bloqués de l’Institut arabe des droits de l’Homme. 

Les actes d’un séminaire organisé en novembre 1993 par l’ATFD sur la violence faite aux femmes sont par ailleurs toujours bloqués au dépôt légal.

L’Observatoire pour la liberté de presse, de publication et de création (OLPEC) diffuse des rapports et des alertes à chaque fois qu’un livre est bloqué au dépôt legal. L’OLPEC a par ailleurs fait un rapport sur le Salon du livre de Tunis 2006 et établi une liste de livres interdits au Salon du livre de Tunis par les autorités tunisiennes. (Voir annexe 4).

Khamsoun – La Pièce

Khamsoun (Corps otage), qui signifie 50, est une pièce de théâtre du célèbre metteur en scène tunisien Fadhel Jaibi. Dans un premier temps, les autorités tunisiennes ont refusé d’autoriser la pièce. Cependant, après un vif succès à l’étranger, notamment à Paris, les autorités n’ont pas eu d’autre choix que d’autoriser la pièce après six mois d’interdiction par la commission de censure du ministère de la culture (qui avait établi une liste abusive de phrases à censurer). Mais l’équipe de Khamsoun avait refusé de s’y soumettre.

La pièce aborde les problèmes auxquels fait face la société tunisienne 50 ans après l’indépendance, notamment la torture dans les prisons, le fondamentalisme et le manque de libertés civiques et politiques. La pièce est elle-même devenue la cible d’un tel manque de libertés de par la forte censure à laquelle elle a dû faire face. Les autorités ont assisté aux répétitions de la pièce et ont censuré tous les noms de prison, toutes les dates mentionnées et de nombreux versets du Coran utilisés dans la pièce. Après de longs mois de négociations, le metteur en scène a refusé de s’exécuter et les autorités ont décidé d’autoriser la pièce, mais seulement pendant la semaine. La pièce n’est pas autorisée pendant le week-end et les représentations en Tunisie en février 2007 n’ont pas été très nombreuses.

4. Les organisations indépendantes

Dans le premier rapport du TMG nous avons relevé des restrictions à la liberté d’association, y compris le droit des associations d’être légalement reconnues et d’organiser des réunions.

Nous avons recommandé au gouvernement tunisien de respecter les normes internationales en matière de liberté d’association et de liberté de réunion et de reconnaître légalement les groupes indépendants issus de la société civile.

Le deuxième rapport ne constatait aucune amélioration de la situation suite à nos recommandations. Lors de la dernière mission, nous avons à nouveau constaté de nouvelles attaques à l’endroit d’organisations légalement reconnues mais indépendantes, notamment la Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH), l’Association tunisienne des magistrats (ATM) et l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD). Les problèmes et harcèlements divers et variés auxquels ces associations légales sont confrontées (campagnes de calomnie dans les médias par exemple) ont conduit à un quasi arrêt de leurs activités. Les autorités tunisiennes se sont assurées que ces associations ne soient plus en état de travailler en bloquant les fonds qui leur sont destinés, en bloquant ou en contrôlant leurs communications électroniques et téléphoniques. Le courrier est parfois arrêté et les téléphones portables sont souvent surveillés. En clair, ces organisations ne sont plus en mesure de faire le travail dont on leur avait reconnu le droit de le mener à bien.

Nous considérons que ces attaques représentent une grave détérioration eu égard au respect des droits de la personne.

Par conséquent, nous réitérons avec vigueur notre recommandation au gouvernement tunisien de prendre les mesures nécessaires pour permettre à des organisations indépendantes de se former sans devoir au préalable obtenir l’approbation des autorités politiques.

Le Conseil national pour les libertés en Tunisie (CNLT)

La surveillance reste la même tous les jours. La même équipe de policiers contrôle les allées et venues en direction des locaux du CNLT. La police occupe les magasins proches de ses locaux. Même les réunions les plus petites sont interdites si bien que toute réunion du CNLT est impossible.

Le CNLT a déposé un recours auprès du Tribunal administratif pour excès de pouvoir en mars 1999. A ce jour, le Tribunal n’a toujours pas statué sur son cas.

D’après le CNLT, les personnes qui viennent dans les bureaux du CNLT afin de se plaindre du harcèlement dont elles sont l’objet sont arrêtées par la police et conduites  au poste de police où on les force à signer un papier dans lequel elles s’engagent à ne jamais revenir au CNLT.

Par ailleurs, le CNLT est semble-t-il devenu la cible d’une nouvelle forme de harcèlement, le harcèlement fiscal. Comme le CNLT n’est pas officiellement reconnu, ses bureaux sont situés dans l’appartement de M. Omar Mestiri, qui est en train de faire face à un harcèlement de la part de l’administration fiscale. M. Mestiri fait l’objet d’un redressement fiscal qui couvre la période pendant laquelle il était en résidence surveillée et sa période de résidence à l’étranger.

En tant que membre de la rédaction de Kalima, ce harcèlement peut avoir de graves conséquences pour le journal Kalima, une voix indépendante[5] dans le paysage médiatique tunisien. La fin de Kalima porterait un coup terrible au pluralisme tunisien dans un pays où la presse écrite se caractérise déjà par un manque criant de pluralisme.

La Ligue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH)

Les bureaux locaux de la Ligue sont sous surveillance policière. La situation de la Ligue a empiré depuis le SMSI de novembre 2005. Le Bureau de la Ligue peut se réunir, mais la Ligue n’est pas autorisée à organiser des congrès et des sessions de formation. Depuis le mois d’avril 2006, il n’y a pas eu une seule réunion. La LTDH ne reçoit plus de courrier. Depuis le 5 juillet 2006, les accès de la Ligue à Internet sont bloqués. Les campagnes de calomnie visant la Ligue dans la presse sont quotidiennes. Le Président de la Ligue, Me Mokhtar Trifi, a été calomnié au Parlement où on l’a traité d’espion à la solde des Américains. Il ne se passe pas une semaine, d’après Me Trifi, sans que la Ligue ne soit attaquée, y compris à la télévision.

Les autorités ne souhaitent pas fermer la Ligue. Elles cherchent simplement à éviter qu’elle fasse son travail, déclare Souhayr Belhassen, Vice-présidente de la Ligue.

Le 30 octobre 2006, le Ministère des Affaires étrangères tunisien a fait circuler une note verbale aux ambassades présentes en Tunisie. Cette note rappelait aux représentants des gouvernements étrangers en Tunisie que la Ligue n’avait pas le droit de mener quelque activité que ce soit à cause des procès en cours[6], ajoutant que la seule activité qu’elle pouvait entreprendre était son congrès. Cette note faisait suite à deux visites avortées de représentants de l’Ambassade américaine auprès da la section de Bizerte. Un rappel a été envoyé le 1er décembre 2006 après que de nombreux diplomates se soient montrés solidaires en rendant visite à la Ligue suite à la note du 30 octobre. Cela dit, le soutien de certains diplomates a eu tendance à diminuer depuis le SMSI.

Le 17 février 2007, de manière contradictoire par rapport aux notes verbales du Ministère des Affaires étrangères, le verdict du dernier procès d’une longue série de procès intentés contre la Ligue finit pas tomber, annulant la convocation émise par le Bureau de la Ligue visant à réunir le Congrès de la Ligue en septembre 2005 et en mai 2006. En d’autres termes, la Ligue n’a pas le droit de tenir son congrès.

Il nous semble que les autorités tunisiennes ont fait passer le message contradictoire suivant : la seule activité que la Ligue soit autorisée à conduire est la préparation de son congrès, mais elle n’est pas autorisée à le tenir. Par conséquent, les autorités tunisiennes s’efforcent de faire de la plus ancienne des ligues des droits de la personne du continent africain et du monde arabe, une coquille vide.

Le TMG reste très inquiet quant à la pression politique intense des autorités et de personnes proches du parti au pouvoir sur l’indépendance de la LTDH.

L’Observatoire pour la liberté de presse, d’édition et de création en Tunisie (OLPEC)

L’organisation s’inquiète du fait que les conditions de la liberté d’expression en Tunisie se soient dégradées depuis le SMSI. Elle s’inquiète par ailleurs de l’utilisation que les autorités pourraient faire des incidents armés de décembre 2006[7] pour augmenter la pression sur la société civile. Le fait que l’organisation existe toujours est en soi une performance. L’OLPEC a fait appel devant un tribunal administratif en 2001 pour devenir une organisation légalement reconnue, mais le tribunal n’a toujours pas statué sur son cas. Par conséquent l’OLPEC n’est toujours pas une entité légale. Elle ne peut ni ouvrir de bureaux, ni avoir de compte en banque. L’OLPEC est officiellement non-existante.

L’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD)

Au même titre que la LTDH, l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD) est l’une des rares ONG à la fois légalement reconnue et indépendante en Tunisie.

La nouvelle Présidente de l’ATFD, Mme Khedija Cherif, a indiqué aux membres de la mission du TMG que les membres de l’ATFD devaient faire face à un harcèlement accru. Une nouvelle forme de harcèlement consiste à exclure les membres de l’association des conférences universitaires. La Faculté de droit de Sfax a même récemment annulé une conférence afin d’éviter la participation d’une des membres de l’association. Dans les réunions internationales (l’ATDF peut y participer au contraire des organisations non reconnues comme l’OLPEC ou le CNLT par exemple), les membres de l’association sont la cible d’attaques verbales de la part des représentants des associations officielles.

D’après l’ATFD, la répression post-SMSI est devenue plus perverse, mieux organisée et plus profonde. En plus des formes de harcèlement habituelles auxquelles l’association était confrontée avant le SMSI (surveillance policière, exclusion des médias, campagnes de calomnie dans les médias etc.), une nouvelle forme de harcèlement a émergé post-SMSI : le harcèlement économique via le blocage du financement de l’association. En effet, la troisième tranche d’un financement de l’Union européenne canalisé par le truchement de la Fondation Friedrich Naumann dans le cadre du projet “égalité” est bloquée par les autorités tunisiennes depuis le mois de mai 2006. L’AFTD a écrit à plusieurs reprises, pour l’instant en vain, au Ministère de l’intérieur – en septembre 2006, novembre 2006 et janvier 2007 – afin de connaître les raisons du blocage. Lorsque le Commissaire européen en charge des Relations extérieures, Mme Benita Ferrero-Waldner, a soulevé la question du blocage avec le Ministre tunisien des Affaires étrangères le 1er février 2007, ce dernier a indiqué qu’il n’était pas au courant du blocage.

En juin 2006, l’ATFD a été contrainte de tenir son congrès dans ses locaux de l’avenue de la liberté. Une fois de plus, il n’a pas été possible pour l’association de louer une salle en ville.

5. Journalistes et dissidents        

Dans le premier rapport du TMG, nous avions observé des restrictions à la liberté de mouvement des défenseurs des droits de la personne et des dissidents politiques, ainsi qu’une surveillance policière, un harcèlement, de l’intimidation et une interception des communications.

Au moment de la publication du deuxième rapport, nous n’avions constaté aucune amélioration de la situation suite à nos recommandations.

En mars 2007, la situation s’est dégradée, notamment au plan du harcèlement dont sont de plus en plus victimes les journalistes tunisiens.

Par conséquent, nous réitérons avec force notre inquiétude quant au harcèlement systématique des journalistes, des activistes et dissidents et nous demandons la mise en place de mesures immédiates visant à mettre un terme à la surveillance politique et au harcèlement des individus engagés dans la défense légitime des droits de la personne et de la liberté d’expression.

Au moment de la publication du présent rapport, nous recommandons par ailleurs à l’Union européenne de recourir davantage aux «  Orientations de l’union européenne concernant les défenseurs des droits de l’homme » de 2004 http://www.consilium.eu.int/uedocs/cmsUpload/web10056re01.fr04.pdf.

La dernière mission du TMG a jeté une lumière crue sur l’absence de progrès pour les journalistes et les défenseurs tunisiens. Les deux groupes sont harcelés de manière systématique par les autorités à travers la retenue de courrier et de courrier électronique, à travers des interdictions de déplacement arbitraires et à travers l’ingérence d’employés du gouvernement dans leur vie privée, ingérence qui peut prendre la forme d’un harcèlement et d’une surveillance, y compris de leurs amis et de membres de leur famille.

Les journalistes indépendants comme Lotfi Hajji ne sont pas en mesure de travailler librement en tant que correspondants étrangers. Le journaliste Taoufik Ben Brik a pu récemment publier des articles dans un journal tunisien privé, et ce pour la première fois depuis 18 ans. Les activistes ne sont pas autorisés à travailler en Tunisie, si bien qu’ils sont tributaires de soutiens financiers divers pour vivre une vie normale. 

6. La liberté de la presse

Dans le premier rapport du TMG, nous avons constaté une censure de la presse et un manque de diversité dans le contenu des journaux.

Au moment du deuxième rapport, nous avons constaté un pas dans la bonne direction (l’annonce du 27 mai 2005 concernant l’abolition du «dépôt légal» pour les périodiques), mais aucune autre mesure allant dans le sens de nos recommandations n’a été appliquée.

Avec le présent rapport nous constatons toujours l’absence de liberté de la presse en Tunisie. Les raisons principales de cet état de fait étant la censure d’Etat, l’absence de réseaux ouverts de distribution comprenant tous les médias écrits et une distribution à sens unique des ressources financières. Par conséquent, nous réitérons ces recommandations précédentes. Nous demandons au gouvernement tunisien de prendre des mesures visant à lever toutes les restrictions portant sur le journalisme indépendant et visant à encourager la diversité sur le plan du contenu et de propriété de la presse. Par ailleurs, nous demandons également au gouvernement tunisien d’abolir le système du «dépôt légal » pour les journaux étrangers.

Enfin, nous appelons le Ministère de l’intérieur à respecter et à appliquer l’Article 13 du Code de la presse qui permet la création de journaux et de périodiques.

Les journaux tunisiens et étrangers sont toujours sous la menace de la censure. Pendant la dernière mission du TMG, trois journaux français (les quotidiens Le Monde et Libération, ainsi que l’hebdomadaire Le Nouvel Observateur) n’ont pas été disponibles à la vente pendant plusieurs jours parce qu’ils contenaient des articles qui déplaisaient aux autorités tunisiennes, y compris un article de Taoufik Ben Brik dans le quotidien Libération du 21 février 2007. L’article était intitulé (ironiquement) : “En 2009, je vote pour Ben Ali”. Alors qu’il est régulièrement publié à l’étranger, M Ben Brik est de facto interdit de publication dans son propre pays.

La distribution est occasionnelle. Elle favorise les journaux proches des autorités. Dans les kiosques, il faut demander au kiosquier le journal d’opposition que l’on souhaite acheter dans la mesure où il est peu probable que ce dernier mette le dit journal en évidence. Ces obstacles à la distribution visent à isoler l’opposition de la population et à perturber la disponibilité auprès des citoyens tunisiens de contenu et d’information non contrôlés.

Lors de la dernière mission du TMG, un réacteur en chef a déclaré : “Il suffit d’ouvrir un journal pour voir s’il est sous le contrôle du gouvernement ou non : ceux qui sont contrôlés par le gouvernement ont toute la publicité ». 

Les journalistes sont censurés même dans la presse officielle. Un article intitulé : »Bayrou le candidat du bon sens » aurait été censuré dans le journal gouvernemental francophone La Presse.   

7. La torture, la brutalité et l’impunité

Dans le premier rapport du TMG, nous rapportions des récits de cas récents et crédibles de torture, commis en toute impunité par les services de sécurité.

Nous avions recommandé au gouvernement tunisien d’autoriser la tenue d’enquêtes indépendantes dans les cas de torture attribués aux forces de sécurité.

Au moment du deuxième rapport, nous avions constaté une certaine amélioration des conditions de détention dans les prisons, mais aucune amélioration notable n’a été enregistrée sur notre principale recommandation. Malgré certains progrès, les conditions de détention dans les prisons demeuraient très préoccupantes.

La dernière mission du TMG ne peut témoigner d’aucune évolution dans le bon sens. Bien au contraire, la brutalité policière a tendance à devenir quotidienne dans les espaces publics. Les gens ont de plus en plus peur.

Par conséquent, nous réitérons la recommandation émise en 2005 et incitons vivement le gouvernement tunisien à tout mettre en œuvre pour éliminer la pratique de la torture par les services de sécurité.

8. La Justice

L’absence d’une justice indépendante et d’un Etat de droit fonctionnant normalement est considérée comme l’un des problèmes majeurs de la société tunisienne. Ceci a été confirmé par des sources diverses et variées lors de la dernière mission du TMG en Tunisie. D’après les mêmes sources, la majorité des avocats, des juges et des magistrats tunisiens est favorable à l’indépendance de la Justice, mais un groupe restreint d’individus ayant des liens très forts avec le pouvoir est très actif dans son contrôle du système, créant ainsi une situation de peur dans la société tunisienne.

Parmi les éléments ayant conduit à cette état de fait, il y a : les arrestations arbitraires, le manque d’information aux familles des personnes arrêtées, mais aussi le traitement non-démocratique des juges par le harcèlement et les mutations arbitraires.

Sur la base de ces faits, nous demandons aux autorités tunisiennes de tout faire pour que le système judiciaire du pays soit conforme aux normes internationales en matière d’indépendance de la justice et pour respecter l’État de droit afin de renforcer la liberté d’expression.

C.   CONCLUSION :

La dernière mission du TMG en Tunisie (27 février – 4 mars 2007) a mis en évidence l’absence d’amélioration notable sur le plan de la liberté d’expression en Tunisie depuis le Sommet Mondial sur la Société de l’Information (SMSI) organisé à Tunis en novembre 2005. Au contraire, de nombreux rapports indiquent  une impasse dans bien des domaines et une détérioration dans d’autres. Les personnes interviewées lors de cette mission ont montré du doigt un recours accru à l’intimidation et à la violence, tout en dénonçant l’impossibilité de contester de telles pratiques abusives.

Comme indiqué dans l’introduction, l’absence d’amélioration nous a amené à la conclusion que le gouvernement tunisien a cherché à étouffer davantage les dissidents tunisiens depuis le précédent rapport du TMG de mai 2006. En conséquence, le présent rapport maintient et réitère avec force toutes les recommandations passées du TMG au gouvernement tunisien.

Les autorités tunisiennes ont rejeté en bloc toutes les recommandations faites précédemment par le TMG. Elles ont également cherché à discréditer notre travail et celui de l’IFEX en général en le présentant comme étant partial et tendancieux notamment parce que nous aurions refusé de rencontrer des groupes de la société civile tunisienne avec lesquels nous ne partageons pas le même point de vue sur la Tunisie. Ceci n’est pas vrai[8].

Il est par ailleurs intéressant de relever que lors de missions précédentes, le TMG avait pu rencontrer les autorités tunisiennes au niveau des ministres. Le TMG souhaite donc exprimer sa déception quant au manque de volonté apparent des autorités tunisiennes à organiser des réunions au niveau ministériel lors de la dernière visite du groupe en Tunisie.

Nous en profitons pour rappeler aux lecteurs de ce rapport que nous demandons simplement aux autorités tunisiennes de se conformer à leurs obligations internationales en matière de droits de l’Homme, ainsi qu’à leurs engagements pris dans le cadre des documents finaux du SMSI. Des droits de l’Homme fondamentaux, comme les libertés d’expression, de circulation et d’association et les droits de chercher, de recevoir et de répandre l’information et de créer des organisations sans interférence gouvernementale, n’existent pas en Tunisie. Ces droits sont respectés dans les pays démocratiques où l’Etat de droit prévaut.

Malheureusement, ce n’est pas le cas en Tunisie non plus. Par conséquent, le TMG se doit de conclure qu’il est toujours très important pour les organisations des droits de l’Homme, pour les organisations défendant la liberté d’expression et pour la communauté internationale dans son ensemble – l’Union européenne assumant une responsabilité particulièrement importante dans le cas tunisien – de continuer à suivre de près les développements en matière de droits de l’Homme et de liberté d’expression en Tunisie.

Oslo – Genève – Paris – Amsterdam – Le Caire

D. ANNEXES :

ANNEX 1: Lettre du 18 janvier 2007 du TMG au SG des Nations Unies, M. Ban Ki Moon

H.E. Ban Ki Moon Secretary General

United Nations First Avenue at 46th Street New York, NY 10017 Fax: +1 212 963 7055 / 4879

January 18, 2007

Your Excellency,

As members of the Tunisia Monitoring Group (TMG), established in 2004 under the umbrella of the International Freedom of Expression Exchange (IFEX), we are writing to express our deep concern at the continuous violations of this basic right by the Tunisian authorities since the World Summit on the Information Society (WSIS) was held in Tunis in November 2005. The TIMG, now composed of 16 IFEX members, was set up to evaluate the freedom of expression situation in Tunisia prior to and in the aftermath of the second phase of the in November 2005

On September 2, 2005 and following two fact-finding missions to Tunisia which brought to the attention of the international community the unprecedented attacks on freedom of expression in that country’s recent history, we wrote to your predecessor.  We called on Secretary General Kofi Annan to “strongly encourage the Tunisian authorities to act to put an end to these attacks, which in the minds of many call into question Tunisia’s suitability to host the World Summit on the Information Society.”

In a public reaction to our open letter, the second of its kind since 2004, Mr. Annan declared that the holding of the WSIS in Tunis offered « a good opportunity for the Government of Tunisia to address various human rights concerns, including those related to freedom of opinion and expression. »

Unfortunately, Mr. Annan’s optimistic and encouraging statement was totally ignored by the Tunisian authorities, who chose to defiantly carry on with their policies of harassment and intimidation of independent journalists and human rights defenders on the eve as well as in the wake of WSIS.  These attacks, documented by human rights groups and also by Western diplomats based in Tunis, went on unabated even after the Tunisian government won a seat on the UN Human Rights Council in May 2006.

Most recently, the Tunisian government has once again engaged in censorship with its Soviet-style handling of deadly clashes between security forces and armed groups in the end of December 2006 and in early January 2007 in the Southern suburbs of Tunis. We were once again shocked by the unacceptable disregard of the Tunisian population’s basic right to information about these incidents.  In fact, neither President Zine El Abidine Ben Ali nor his government have responded to local and international journalists’ requests for details of the incident, which left 14 people dead, including two members of the security forces, according to official sources.

It seems that Tunisians can only get accurate information about important events in their country through reports from international or Arab media, particularly Al-Jazeera, whose correspondent in Tunisia and those who are interviewed are often intimidated and harassed by plainclothes police.

Local and international human rights groups have expressed fear that the widening circle of repression and injustice will further undermine the stability and the future of a country which was regarded by many outside Tunisia as one of the most qualified Arab countries to turn into democracy.

One of the most prominent victims of the cycle of torture and injustice today is Mohamed Abbou, a human rights lawyer currently in prison for pieces he wrote for online sites. Abbou’s wife and children, as well as rights defenders and journalists, such as Neziha Rejiba, Sihem Ben Sedrine, Radhia Nasraoui, Moncef Marzouki,  Hamadi Jebali, Abdallah Zouari, Ali Ben Salem, Souhayer Belhassen  and Lotfi Hajji are among the favourite targets of the ministry of the interior and its plainclothes police and thugs.

We would like also to draw your attention to the unrelenting police and judicial harassment of the Tunisian Human Rights League (LTDH), the oldest rights group in Africa and the Arab world. On 3 February, a court in Tunis postponed once again its hearing of the complaint filed against this human rights group by members of President Ben Ali’s political party, the Democratic Constitutional Rally.  The 30-year old LTDH has been denied the right to hold its general meeting since September 2005; so has the beleaguered Tunisian Journalists Syndicate.

Other groups such as the IFEX member, the Observatory for Freedom of the Press, Publishing and Creation (OLPEC), and the National Council for Liberties in Tunisia (CNLT), the Tunis Center for the Independence of the Judiciary, the Association for the Struggle against Torture, the International Association to Support Political Prisoners, the League for Free Writers and Raid-Attac Tunisia are arbitrarily denied the right to function under Tunisian law.

As the behaviour of the authorities has not improved since the WSIS was held in Tunis, we request and would very much appreciate your assistance in urging the Tunisian government to take the following steps to see the country’s declining freedom of expression record improved:

1. Release from prison human rights lawyer Mohamed Abbou who is imprisoned, like hundreds of other Tunisians, on charges related to the peaceful exercise of his basic right to freedom of expression and association.

Local, regional and international rights groups and Western governments maintain that these prisoners, known worldwide as political prisoners and prisoners of conscience, have neither used nor advocated the use of violence and have been denied the right to a fair trial.

Abbou was apprehended by the police in the streets of Tunis on March 1, 2005, less than 24 hours after posting an opinion piece on the Internet criticising the Tunisian government’s decision to invite Israeli Prime Minister Ariel Sharon to the WSIS.

Paradoxically, he was sentenced by a criminal court in Tunis, following an unfair trial on April 28, 2005, to three-and-a-half years of imprisonment for publishing statements « likely to disturb public order » and for « defaming the judicial process » and also for alleged « violence », nearly four years ago, against a female lawyer close to the government.  A Tunisian appeals court on June 10, 2005 confirmed his prison sentence following a hearing that fell far short of international standards for a fair trial, according to human rights defenders and diplomats in attendance. (The opinion piece used to indict Abbou was not the one he posted on the Internet on the eve of his arrest by the police, but another posted in August 2004 in which he compared the inhumane conditions in the US-run Abu Ghraib prison in Iraq to those prevailing in Tunisian prisons.)

2. End harassment of human rights groups and journalists such as the judicial harassment of the Tunisian League for Human Rights and intimidation and assault of its members; and the arbitrary administrative sanctions and police harassment compelling journalist Abdallah Zouari to live 500 km from his wife and children and preventing him from earning a living or using public Internet cafés.

3. Release all banned books and publications, including those written by prominent democracy advocates like Mohamed Talbi and Moncef Marzouki, and edited by institutions committed to human rights education.

4. Recognise the inalienable right of civil society groups to operate freely and without any form of harassment of their leading figures and members.  In particular, we call for the recognition of and respect for the right to freedom of association of the National Council for Liberties in Tunisia, the Tunis Center for the Independence of the Judiciary, the Association for the Struggle against Torture, the International Association to Support Political Prisoners, the League for Free Writers, Raid-Attac Tunisia and many other civil society groups.

We are concerned at the removal in 2005 by the authorities of the democratically elected leadership of the Executive Board of the Tunisian Association of Magistrates (TAM).  This is especially troubling within the context of the absence of an independent judiciary in Tunisia. The eviction of the legitimate leadership of TAM is an obvious attack on the law of associations and on the statutes of TAM.

5. End harassment of independent publishers, writers and journalists and leading figures of the Tunisian Journalists’ Syndicate, whose establishment in May 2004 was in conformity with the Tunisian Labour Code.

6. End the abusive application of the Law on Terrorism of December 10, 2003 which local and international human rights groups say unfortunately turned out to be a tool to silence and punish critics of the government.

7. Assure that the right to establish media outlets is not solely reserved to individuals or groups close to the government and establish a fair and transparent procedure for the award of broadcast licenses through an independent regulatory body.  Lift arbitrary decisions preventing the launch of different papers, including “Kalima” and the weekly “L’Expression” of the privately-owned Assabah Group.

8. Ensure that the right to access Internet cafés and to freely surf the Web is not restricted and end the practice of blocking websites for their informational or political content.

The blatant conflict between the United Nations’ values and principles on the one hand and Tunisia’s record on freedom of expression and media freedom on the other hand cannot be ignored any longer, particularly after taking the responsibility to hold the WSIS in Tunis and the election of Tunisia to the UN Human Rights Council in May 2006.

Thank you for your attention to this letter. We look forward to your early reply.

Sincerely,

Members of the IFEX-TMG:

Arabic Network for Human Rights Information (HRinfo.net), Egypt

ARTICLE 19, UK Canadian Journalists for Free Expression (CJFE), Canada Egyptian Organization for Human Rights (EOHR), Egypt Index on Censorship, UK International Federation of Journalists (IFJ), Belgium International Federation of Library Associations and Institutions (IFLA), The Netherlands

International Press Institute (IPI), Austria

International Publishers’ Association (IPA), Switzerland Journaliste en danger (JED), Democratic Republic of Congo Media Institute of Southern Africa (MISA), Namibia Norwegian PEN, Norway World Association of Community Radio Broadcasters (AMARC), Canada World Association of Newspapers (WAN), France World Press Freedom Committee (WPFC), USA Writers in Prison Committee of International PEN (WiPC), UK

ANNEX 2: Réponse des Nations Unies en date du 13 mars 2007

ANNEX 3: Alerte du 1er mars 2007 au sujet de Me Mohammed Abbou

MISE A JOUR – TUNISIE

1 Mars 2007

Journée Mohammed Abbou: la délégation du TMG bloquée et intimidée à la porte de la prison

SOURCE: Groupe d’observation de la Tunisie au sein de l’IFEX (IFEX-TMG)

****Mise à jour d’alertes de l’IFEX du 8 décembre, 8 mai, 26 et 21 avril, 15, 6 et 2 mars et 28 février 2006, entre autres****

Journée Mohammed Abbou: la délégation du TMG bloquée et intimidée à la porte de la prison

Plus tôt dans la journée, les membres de la délégation du groupe d’observation de la Tunisie (TMG), en mission en Tunisie du 27 février au 4 mars 2007, ont été physiquement empêchés d’accéder à la rue du Kef (ville située à 170 km au sud-ouest de Tunis) où se situe la prison de l’écrivain et avocat Mohammed Abbou par des hommes en civil refusant de s’identifier.

De plus, un deuxième cercle plus distant d’hommes également en civil dévisageaient ouvertement et prenaient des photographies des membres de la délégation du TMG, suscitant par la même une atmosphère tendue. Les mêmes hommes, sans doute des policiers, ont interdit aux membres de la délégation du TMG de prendre des photographies. La voiture de la délégation du TMG avait été au préalable arrêtée pendant une dizaine de minutes sur la route du Kef par un groupe de gendarmes de la garde nationale et d’hommes en civil qui ont également refusé de s’identifier. La délégation du TMG voulait simplement demander au directeur de la prison du Kef s’il était possible de rendre visite à Me Abbou. On a alors répondu aux membres de la délégation qu’ils avaient besoin d’une autorisation pour s’approcher des portes de la prison. Samia Abbou, l’épouse de Me Abbou, a pu lui rendre visite pendant 15 minutes environ.

Carl Morten Iversen, Président du TMG, a déclaré: « Je suis scandalisé par ce qui s’est passé au Kef aujourd’hui. Des hommes non identifiés nous ont empêché d’accéder à la rue menant à la prison où le célèbre prisonnier d’opinion Mohammed Abbou est emprisonné, nous empêchant ainsi de tout simplement demander la permission de lui rendre visite. Il s’agit d’un abus de pouvoir. Demain nous aurons une réunion au Ministère de la Justice et de droits de l’Homme. Nous comptons bien exiger des réponses quant à ces agissements, tout en réitérant notre appel à la libération immédiate de Mohammed Abbou ».

Arrêté le 1er mars 2005, Me Abbou a été condamné à une peine de prison de 3 ans et demi en raison d’articles en ligne dans lesquels il critiquait les autorités tunisiennes.

On a eu recours au code de la presse et au code pénal pour inculper Me Abbou pour « publication de faux rapports visant à perturber l’ordre public », « insulte envers la justice » et « incitation de la population à ne pas respecter les lois ». Sa condamnation est tombée le 29 avril 2005 et a été confirmée en appel le 10 juin 2005 au cours d’une audience dénoncée par les observateurs internationaux comme un simulacre de justice pendant laquelle ni Me Abbou, ni ses avocats n’ont été autorisés à contester les accusations à son encontre.

Les conditions d’emprisonnement de Me Abbou sont des plus difficiles. Depuis l’emprisonnement de son mari, Mme Abbou et ses proches ont été continuellement harassés et menacés par les forces de sécurité.

Note aux journalistes:

Le groupe d’observation de la Tunisie (TMG) est une coalition de 16 organisations créée en 2004 pour suivre de près la liberté d’expression en Tunisie dans les mois qui conduisent au Sommet Mondial sur la Société de l’Information (SMSI) et dans les mois qui suivent. Ces 16 organisations sont toutes membres de l’Echange international de la liberté d’expression (IFEX), un réseau mondial de 71 organisations nationales, régionales et internationales engagées dans la défense de la liberté d’expression.

La sixième mission du TMG en Tunisie (du 27 février au 4 mars 2007) est composée de représentants de l’Union Internationale des Editeurs (UIE), d’Index on Censorship, du centre PEN norvégien et de l’Association Mondiale des Journaux (AMJ).

Les membres du TMG sont:

Arabic Network for Human Rights Information (HRinfo.net), Egypt

ARTICLE 19, UK Canadian Journalists for Free Expression (CJFE), Canada Egyptian Organization for Human Rights (EOHR), Egypt Index on Censorship, UK International Federation of Journalists (IFJ), Belgium International Federation of Library Associations and Institutions (IFLA), The Netherlands

International Press Institute (IPI), Austria

International Publishers’ Association (IPA), Switzerland Journaliste en danger (JED), Democratic Republic of Congo Media Institute of Southern Africa (MISA), Namibia Norwegian PEN, Norway World Association of Community Radio Broadcasters (AMARC), Canada World Association of Newspapers (WAN), France World Press Freedom Committee (WPFC), USA Writers in Prison Committee of International PEN (WiPC), UK

Pour plus d’information, veuillez contacter : Alexis Krikorian, UIE, tél portable : + 41 79 214 55 30 et Carl Morten Iversen PEN Norvège, tél portable + 47 926 88 023 ou voir : http://campaigns.ifex.org/tmg (dont le site est toujours bloqué en Tunisie)

ANNEX 4: LISTE DES LIVRES INTERDITS – SALON DU LIVRE DE TUNIS 2006

Source: OLPEC

Livres confisqués au salon du livre de Tunis 2006

Titre

écrivain

Maison d’édition

pays

1

Abaisser le regard

Hilal ben Saleh El Hashemi

Aljil Al Waed

Oman

2

Le role de la mosquée

Saleh ben Salim EL Rabkhi

 

 

3

La mission réussie

Hamad ben Mohammed El Othmani

 

 

4

Réforme de la Nation

Ahmed El Khalili

 

 

5

Comment rendre votre famille heureuse

Om El Warith El Jamiyya

 

 

6

Les coupes du droit chemin (1ère partie)

Abul Rabi’

 

 

7

Larmes dans le Mihrab de la repentance (poésie)

Om El Warith Al Jamiyya

 

 

8

Les inspirations du Mihrab

Ahmed EL Khalili

 

 

9

Dualité dans la personnalité islamique

Ahme El Khalili

 

 

10

Découvrez votre position

Ruqayya El Khrousiyya

 

 

11

Mot

Hamad El Miwali

 

 

12

Comment trouver une épouse qui vous rende heureux

Nourel Din Ben Ahmed

 

 

13

Hymnes sur les deux rives (de la rivière) (poésie)

Khamis EL Mikdami

 

 

14

Al Imam Jaber Ben Zaid et l’essentiel de la pensée Ibadhi

Zianah El Harthiyya

 

 

15

Le rôle d’Ibadhi dans l’unification de la nation

Jamila El Rabkhi

 

 

16

Signes de l’heure de la Résurrection

Khalid AL Wahibi

 

 

17

Les efforts des affaiblis

Zahran El Barashdi

 

 

18

Justice

Ali EL Hijri

 

 

19

Les messages de Dieux

Aziz Mash-hour

Dar El Farqad

Syrie

20

Ayman El Zawahiri

Jamal Abdul Rahim

 

 

21

Le nouveau visage du capitalisme

Tawfiq Al Madini

Union des écrivains arabes

Syrie

22

Critiquer les établis

Raja’ ben Salamah

Darul Talia’

Liban

23

Laïcité partielle et laïcité totale (deux parties)

Abdul Wahab El Misiri

Darul Shorouq

Egypte

24

Le berger des esprits

Ibnul Qayyim Al Jouziyyah

Tous les éditeurs et tous les libraires

 

25

L’esprit

Ibnul Qayyim Al Jouziyyah

Tous les éditeurs et tous les libraires

 

26

Dictature dans les régimes modernes

Ali Khalifa El kwari

Centre d’études Wihda 

Liban

27

Prophète-  le style Khalifa dans le leadership politique arabe contemporain

Bashir Mohammed El Khadra

Centre d’études Wihda 

Liban

28

Fondamentalisme arabo-islamique

Hussain Saad

 

 

29

Encyclopédie des mouvements islamiques

Ahmed EL Mousili

 

 

30

Corruption et bonne gouvernance

Débat

 

 

31

La fatwa d’Abdul Halim Mahmoud

 

Darul Maarif

Egypte

32

Possession d’armes

 

Maison des livres de droit

Egypte

33

Consensus et volonté dans leur dimension unificatrice

Rafiq El Ajam

Maison du livre arabe

Liban

34

Vue de la Mutazila

Ali El Thwaihi

Maison Al Rushd

Arabie Saoudite

35

Nation, société et Etat

Radhwa El Sayyed

 

Liban

Livres examinés et autorisés :

1

Conflits perpétuels

Zakaria El Mahrami

Maison d’édition génération d’avenir

Oman

2

Sécurité et pensées sociales

Said El Hitali

idem

 

3

Le Coran et les défis modernes

Mohammed El Rashid

La maison des pionniers

 

4

La montée de la pensée philosophique en Islam

Sami El Nash-shar

Daarul Maarif

Egypte

5

Liberté religieuse en Islam

Abdul Mitaal Al Seidi

Daarul Maarif

Egypte

 Livres et écrivains interdits au salon du livre de Tunis :

Livres:

1

La position du Coran vu par ses rivaux

Omar Abdul Rahman

Dar masr el Mahrousa

Egypte

2

Changements dans le mouvement islamiste

Kamal Habib

idem

 

3

Mouvements islamistes- vue de l’intérieur

Montaser El Zayyat

idem

 

4

Ayman el Zawahiri, tel que je le connaissais

Montaser El Zayyat

idem

 

5

Islam et Politique

Abdul Elah Belqziz

Centre culturel arabe

Maroc

6

La première guerre de civilisations

Mahdi El Manjara

idem

 

7

Le futur de l’Islam politique, points de vue américains

Ahmed Yousef

idem

 

8

Islam et Politique

Hasan El Turabi

Daarul Saqi

Londres

9

Dictionnaire de terminologie politique

Hasan El Turabi

Daarul Saqi

Londres

10

Ibno Taymiyya (tous les titres)

 

Tous les éditeurs

 

11

Ibno El Qayyem Al Jowziyyah (tous les titres)

 

Tous les éditeurs

 

Ecrivains interdits:

Mohammed Said Al Bouti

Hasan Al Turabi

Tawfiq Al Madini

Sayyed Qutb

Hasan Hanafi

Ibno Taymiyya

Ibno El Qayyem Al Jowziyyah

ANNEX 5: Liste des sites Web bloqués qui présentent des nouvelles, des informations politiques et des informations sur la Tunisie, et qui étaient bloqués en date du 28 février 2007

1. https://www.tunisnews.net/

Un site de nouvelles politiques de l’opposition tunisienne

2. http://www.albadil.org/

– Site web du parti des travailleurs tunisiens (interdit)  

3. http://www.cprtunisie.com/

– Site web officiel du Congrès pour la République, parti tunisien non reconnu

4. http://www.nawaat.org/

Un site de nouvelles politiques de l’opposition tunisienne

5. http://www.maghreb-ddh.sgdg.org/

Un site de nouvelles politiques de l’opposition tunisienne

6. http://www.nahdha.net/

– Site web de An-Nahdha, mouvement islamiste tunisien interdit

7. http://www.reveiltunisien.org/

– Un site de nouvelles de l’opposition tunisienne; satire politique

8. http://www.kalimatunisie.com/

         « la parole », une vue indépendante sur les informations et la politique tunisiennes

9. http://www.hrinfo.net

– Site web du Réseau arabe pour l’information en matière de droits de l’Homme (membre du TMG)

10. http://www.rsf.fr

– Site web d’une ONG internationale faisant campagne pour la liberté de la presse

11. http://www.omct.org

– Site web d’une ONG internationale faisant campagne contre la torture

12. http://www.amnesty.org

– Site web d’une ONG internationale faisant campagne pour les droits de l’Homme

13. http://www.cnlt98.org

– Site web d’une ONG tunisienne non reconnue faisant campagne pour les droits de l’Homme en Tunisie

14. http://www.observatoire-olpec.org

– Site web d’une ONG tunisienne non reconnue faisant campagne pour la liberté d’expression en Tunisie

15. http://www.ifex.org

     – Site du réseau international de liberté d’expression

16. http://www.euromedrights.net

– Site web d’une organisation regroupant des organisations militant pour les droits de l’Homme dans la région «Euromed»

17. http://www.verite-action.org

     – Site web d’une ONG suisse faisant campagne pour les droits de l’Homme en Tunisie

18. http://www.alarabiya.net

– Site web de la chaine d’information Al Arabiya (Dubai)

19. http://www.fdtl.org

     – Site web de parti politique tunisien (reconnu)

20. http://www.pdpinfo.org

     – Site web de parti politique tunisien

21. http://www.etunisie.net/ 

     – Site web d’E-tunisie


[1] http://campaigns.ifex.org/tmg/fr_rapports.html

[2] http://www.observatoire-olpec.org/

[4] Fondation Temimi pour la Recherche scientifique et l’Information (FTRSI) ; http://www.tn.refer.org/hebergement/temimi/

[5] Le TMG a pu constater le refus des autorités d’autoriser de nouveaux journaux indépendants. En septembre 2005, Mark Bench, Directeur général du Comité mondial pour la liberté de la presse (WPFC), et Alexis Krikorian, directeur liberté de publier à l’Union internationale des éditeurs (UIE), ont  accompagné  Sihem Bensedrine, rédactrice en chef du magazine en ligne Kalima, ainsi que deux autres collaborateurs, au Ministère de l’Intérieur à Tunis pour déposer la déclaration visant à enregistrer Kalima. Violant l’Article 13 du Code de la presse tunisien, le représentant du ministère de l’Intérieur a refusé d’accuser réception de cette déclaration. C’est la quatrième fois depuis 1999 que le ministère de l’Intérieur ne se conforme pas à la loi tunisienne en refusant de remettre à Sihem Bensedrine un reçu prouvant qu’elle a officiellement informé le gouvernement de son intention de lancer un journal. 

[6] La LTDH a du faire face à 34 procès depuis 2000, ce qui représente un véritable harcèlement judiciaire. Pour plus d’informations sur les procès, voir : http://campaigns.ifex.org/tmg/fr_rapports.html

[7] Le gouvernement tunisien a censuré l’information au sujet des accrochages mortels entre les forces de sécurité et des groupes armés à la fin du mois de décembre 2006 et au début du mois de janvier 2007 dans les faubourgs sud de Tunis.

[8] Avant la dernière mission, le Président du TMG a contacté l’Ambassade de Tunisie à Olso en demandant l’organisation de réunions avec les autorités tunisiennes entre le 27 février et le 4 mars 2007 (dates de la dernière mission du TMG en Tunisie). La demande de réunions a été faxée le 15 février 2007, soit plus de 10 jours avant le début de la mission. Bien que la demande par fax indique les dates de la mission, une réponse par courriel n’a pas été envoyée au Président du TMG avant son départ pour la Tunisie. Les autorités tunisiennes bloquant les accès à l’Internet, le courriel en question n’a pas pu être lu depuis l’hôtel où résidait le Président du groupe à Tunis. Le courrier en question, confirmant de possibles réunions avec le Ministère de la Justice et demandant la mise en place de réunions avec les groupes de société civile proches du pouvoir, n’a été porté à la connaissance du TMG qu’après une réunion avec Ridha Khemakhem (chargé de mission) au Ministère de la Justice le vendredi 2 mars 2007 (cette réunion avait été mise en place par téléphone). A ce stade, toutes les réunions du groupe avaient été organisées et il était impossible d’en organiser d’autres vu que les membres du TMG quittaient le pays le 4 mars au plus tard. Nous déplorons cette façon de travailler.


 

Mohamed Goumani et Fethi Touzri :

Nos propositions pour relancer le processus démocratique

 

Les textes politiques sont rares dans notre pays. Certes chaque parti a ses plates-formes, ses motions de congrès, ses textes constitutifs, mais presque tous participent d’un langage inaccessible aux communs des mortels. Les idées convenues y sont légion et l’idéologique le dispute au populisme souvent superficiel.

Nous n’arrivons pas à nous remémorer un texte politique ces dernières années qui appelle réellement le débat, qui fasse bouger les lignes et interpelle les gens en dehors des paroisses des uns et des autres.

Un texte semble émerger de tout ce lot donné à la lecture des initiés. Il s’appelle “Une vision politique d’avenir” et a été commis par deux membres de la direction du Parti Démocratique Progressiste : Mohamed Goumani, actuel secrétaire général adjoint et Fethi Touzri membre du Bureau Politique.

Sur soixante pages les deux auteurs font un bilan sévère de la situation politique. Ils imputent aux pouvoirs publics la crispation qu’ils croient déceler dans la vie politique de notre pays. Mais, fait nouveaux, ils dressent un réquisitoire lucide et sans concession contre la ligne politique adoptée par leur parti, et d’autres aussi, à partir de 2002 et qui déplace progressivement le PDP d’une posture réformiste à un radicalisme de plus en plus exacerbé.

Goumani et Touzri ajoutent autre chose au constat. Ils proposent une feuille de route pour sortir de la crispation et renouer le dialogue. Il faudrait, selon eux, rétablir un climat de confiance propice pour un véritable débat national afin de déboucher sur une grande réforme politique.

Les deux parties sont-elles prêtes à cela ? Peut-être pas encore. La motion présentée par Goumani et Touzri au Congrès du PDP tenu à Tunis au mois de décembre dernier a été mise en minorité. Seulement, et cela est une première en Tunisie, la minorité n’a pas été marginalisée et ses deux principaux animateurs ont trouvé leur position renforcée au sein du nouveau Bureau Politique.

Signe des temps ou simple gestion interne ?

Seul l’avenir nous le dira.

Quelle est l’idée centrale de votre texte “Une vision politique d’avenir” ?

Fethi Touzri : L’idée est qu’un nouvel horizon politique est nécessaire pour le pays. Le projet d’une démocratie consensuelle ouverte seulement aux partis politiques proches du pouvoir a prouvé ses limites. Pour sortir de cette situation, il faudrait qu’il y ait de nouvelles initiatives audacieuses et courageuses. L’essentiel est de promouvoir une décrispation politique dont le pays a besoin.

On peut vous rétorquer que l’opposition radicale n’a rien fait, elle non plus, pour créer les conditions d’une décrispation politique…

Fethi Touzri : L’opposition a des demandes politiques claires depuis des années : des réformes sérieuses et un débat national afin de faciliter la participation politique citoyenne. Les canaux de dialogue avec le gouvernement sont rompus.

Ne pensez- vous pas que la radicalité excessive de certaines positions n’a pas facilité cette ambiance de confiance mutuelle ?

Fethi Touzri : Nous pensons que cette radicalité excessive est le fruit, et non la cause, d’une situation de blocage politique. Je considère que l’opposition démocratique, que certains qualifient de radicale, est modérée. Son discours s’est radicalisé suite à sa marginalisation.

Mohamed Goumani : L’environnement régional de la Tunisie a radicalement changé. Il suffit de voir ce qui se passe en Mauritanie, au Maroc, en Algérie et même en Libye pour voir que nous sommes en train d’accuser un retard dans la voie des réformes démocratiques.

Les indicateurs du développement économique et social sont bons, mais en totale contradiction avec le développement politique du pays.

Il y a aussi ce que j’appelle l’équilibre de la faiblesse entre le pouvoir et les partis de l’opposition. Le pouvoir semble mettre entre parenthèses les véritables réformes politiques. En face ni l’opposition de convenance ni même l’opposition indépendante n’ont pu convaincre l’opinion publique qu’elles peuvent être une véritable alternative. L’opposition indépendante est restée contestaire et sans véritable emprise sur les rapports de force. Cela doit nous conduire, tous, à de véritables remises en question. Car cet état de choses n’est ni dans l’intérêt du pouvoir, ni dans l’intérêt des partis de l’opposition, ni encore moins dans l’intérêt de la société. Le blocage politique peut être porteur de risques pour notre pays.

Quel rapport entre les risques auxquels vous faites allusion, le terrorisme et la situation politique du pays ?

Fethi Touzri : Le terrorisme est un défi mondial. Il menace de nombreux pays et sociétés dont la Tunisie. Mais si on essaye d’analyser le terrorisme en tant que phénomène social, pourquoi des jeunes choisissent-ils la violence ? C’est un choix parmi tant d’autres, comme l’action politique pacifique ou la réussite scolaire…L’intervention de la société civile et politique se place à ce niveau : le renforcement des autres choix possibles pour la jeunesse, qu’ils soient individuels ou collectifs, afin de tarir au maximum la voie de la violence.

Le contexte mondial, par la multiplication des foyers de guerre et de tensions dans le Monde arabo-musulman, peut favoriser le choix de la violence. Cela doit nous inciter à multiplier les opportunités vertueuses, au niveau national, pour notre jeunesse.

Quelles sont ces opportunités vertueuses ?

Fethi Touzri : La réussite scolaire, l’accès à un emploi attractif, la possibilité d’une participation réelle à la vie de la cité…

Notre pays réalise grosso-modo 5% de taux de croissance. Il semble, selon les experts, que notre mode de développement ne permette pas d’aller au-delà de ces 5%. Nous estimons qu’une véritable libération des énergies politiques est un préalable pour passer à une vitesse de développement socio-économique supérieure.

Mohamed Goumani : Le terrorisme ne peut être excusé d’aucune manière. Mais il nous faut en comprendre les raisons afin de mieux le combattre. Les pouvoirs publics ont une responsabilité envers toutes les catégories de la jeunesse, y compris celle qui est attirée par la religion. Le discours public en matière de religion s’est montré incapable d’encadrer cette jeunesse-là.

Que peut faire la société civile, tout en sachant qu’il y a un consensus en Tunisie sur la nécessité de la non- politisation des lieux de culte… ?

Mohamed Goumani : Je suis personnellement pour cette non- politisation, mais il faudrait aussi qu’il y ait un encadrement religieux crédible et d’envergure afin de répondre à l’attente spirituelle de cette partie de la jeunesse.

Que faut-il faire, selon vous, pour relancer le dynamisme de la vie politique en Tunisie ?

Fethi Touzri : A quelque chose malheur est bon. Les derniers évènements de la banlieue sud (la mise hors d’état de nuire d’un groupe terroriste. NDLR) doivent inciter tous les acteurs politiques à renforcer la stabilité et l’invulnérabilité du pays. Il faudrait impérativement briser le mur de méfiance entre le pouvoir et l’opposition indépendante.

L’opposition que vous qualifiez d’indépendante est-elle prête à cela ?

Fethi Touzri :Une partie d’entre elle certainement. Il n’est pas indispensable pour aller de l’avant que toute l’opposition indépendante soit prête à ce dégel. Pour nous c’est une première étape indispensable pour relancer le processus démocratique.

C’est cette nouvelle atmosphère psychologique qui va permettre d’ouvrir un véritable débat national sur les différents aspects de la participation à la vie politique. Il n’est pas nécessaire qu’il y ait des structures formelles pour encadrer ce débat. Une presse plus libre peut tout à fait jouer ce rôle. Cette maturation est nécessaire et peut déboucher sur une feuille de route de « mise à niveau » de notre vie politique.

Mohamed Goumani : Les discours du pouvoir et de l’opposition indépendants sont actuellement aux antipodes. Tout est positif pour les uns, tout est négatif pour les autres. Une reprise sérieuse du débat national permettra de relativiser les discours des uns et des autres et de donner réellement à nos concitoyens des éléments d’espoir. Le discours maximaliste de certains opposants a montré ses limites. Si le système n’est pas réformable, comme le prétendent certains, alors quel horizon offrons- nous à nos militants et sympathisants ? Les partis légaux sont là pour réformer. L’idée qu’il n’y a pas d’issue est néfaste pour le pays et pour l’opposition légale.

L’opposition indépendante doit exprimer ses revendications d’une manière plus positive.

On reproche à une certaine opposition de pallier à la faiblesse de ses assises par un discours revendicatif dur destiné aux chancelleries étrangères. Qu’en pensez-vous ?

Fethi Touzri : Elargir le champ de la participation politique est un impératif qu’on ne peut plus éluder. C’est cela qui fera que les élites se sentent, de nouveau, concernées par la chose publique et l’avenir du pays.

Nous demandons à ce que les pouvoirs publics initient, sans plus tarder, cet élargissement de la participation politique. Il est bien entendu que l’opposition se doit d’oeuvrer dans le cadre national et dans l’horizon du seul intérêt du pays. C’est un mouvement qui doit s’engager des deux côtés.

Si les tribunes nationales que sont les médias de masse permettent à l’opposition indépendante d’exposer ses points de vue et ses programmes, alors il n’y aura aucune raison pour « courir » derrière les tribunes étrangères. Je suis optimiste. Je pense que cette double dynamique est encore possible.

Je veux ajouter autre chose. L’interventionnisme étranger, contrairement à ce que pensent certains de nos amis, n’est pas une fiction. C’est une réalité dangereuse. Nous ne pouvons le combattre que par une plus grande participation de nos concitoyens à la chose publique.

Pourquoi le discours que vous tenez n’arrive-t-il pas à être majoritaire dans votre parti ? Cela ne signifie-t-il pas que l’opposition indépendante n’est pas encore prête à la politique de la main tendue que vous préconisez ?

Mohamed Goumani : La vision que nous avons essayé de développer dans notre texte a trouvé un écho favorable dans le Parti. Il a permis un débat de fond sur la ligne politique du PDP. Certaines de nos idées ont été reprises par la motion politique qui a focalisé sur l’importance du dialogue. Le projet que nous avons présenté a recueilli près de 40% des voix au Congrès du PDP de décembre dernier. En plus de cela, la première conférence de presse organisée par notre nouvelle Secrétaire générale a été porteuse de cette démarche positive que nous appelons de nos v½ux. Nous pensons que notre point de vue sera encore plus fort si les pouvoirs publics décident d’engager le pays dans de nouvelles réformes politiques.

Certains vous ont reproché —à vous deux— de ne pas impliquer les autres sensibilités du PDP dans l’élaboration de votre texte.

Mohamed Goumani : Certains voudraient figer le PDP dans des allégeances idéologiques héritées de la guerre froide. En décidant tous les deux d’être des membres fondateurs du PDP, nous avons signifié par cela que nous nous inscrivons totalement dans l’action politique et non idéologique. Je défie quiconque de trouver une seule ligne dans ces soixante pages qui se réfèrent à l’idéologie. D’ailleurs les militants du PDP ont eu, eux aussi, une attitude politique face à ce texte. Beaucoup l’ont adopté tout en se réclamant d’expériences fort différentes de la nôtre. Il est déjà difficile d’écrire un texte de soixante pages à deux et nous voulions instaurer ce débat au plus vite afin que le Congrès tranche en connaissance de cause et nous avons voulu aussi qu’il ait la diffusion la plus large.

Honnêtement, comment avez- vous fait pour l’écrire ensemble ?

Mohamed Goumani : Fethi commençait la phrase et moi je la terminais (rires).

Zyed Krichen

(Source : « Réalités » (Magazine hebdomadaire – Tunis), N° 1110 du 5 avril 2007)


Crime abominable à Sousse :

Une jeune femme médecin et ses parents, assassinés

Tunis, Le Temps : Un crime abominable a eu lieu samedi dernier à Sousse au cours duquel trois personnes ont péri dont une jeune femme médecin. Il s’agit, en fait, d’un drame familial puisque les deux autres victimes, les propres parents de la jeune femme, n’ont pas survécu, eux aussi, aux coups terribles qui leur ont été portés par… l’ancien beau-père de cette dernière. Celui-ci n’a pas, en effet, « digéré », le divorce qui lui a été imposé par son ex-femme, la mère du jeune médecin. Celle-ci, s’étant réconciliée avec son premier époux, dont elle était divorcée depuis belle lurette et sur insistance de sa fille médecin, a reconvolé en justes noces avec le père de ses trois enfants. Ce qui n’a pas apparemment plu au deuxième mari qui n’a pas pu accepter cette séparation forcée. Samedi dernier, il s’est rendu au domicile de son ancienne épouse pour l’assassiner ainsi que sa fille médecin et son père. Leur ayant porté des coups avec une arme tranchante, les trois victimes décédèrent des suites de leurs graves blessures. L’enquête déterminera les motifs et circonstances du crime. (Source : « Le Temps » (Quotidien – Tunis), le 11 avril 2007)  

LA VIOLENCE CHEZ LES JEUNES

C’est « stupéfiant” !

Même si on ne veut se l’avouer, ou plutôt nous l’avouer, la violence chez nos jeunes est en recrudescence dans de nombreuses cités et à travers tout le pays. Pourquoi se voiler la face alors que cette violence est un véritable fléau qu’il faut enrayer au plus vite avant que cela ne tourne au carnage? Une expression française dit « il faut balayer devant sa porte avant de balayer devant celle des autres », alors balayons devant notre porte avant de balayer devant celle des autres ! Lorsqu’on regarde les infos, quand on écoute la radio, qu’on lit certains journaux, la violence des jeunes à l’étranger nous saute aux yeux. On ne voit plus, on entend plus que les banlieues françaises, les gangs américains etc. Mais, le problème c’est que, dans nos cités, nous connaissons la même chose. Et rien n’est fait pour endiguer, enrayer ce phénomène, de jour en jour, plus important ! Un phénomène où la violence verbale a laissé place au langage des armes blanches, plus silencieuses que les armes à feu, et où le sang coule à flots tel du champagne d’une bouteille sablée. Tirer la sonnette d’alarme ! Il faut donc tirer la sonnette d’alarme ! Mais qui va le faire et surtout qui va l’entendre ? Le citoyen a peur d’intervenir ! Ce qui est tout à fait normal lorsqu’on sait que les jeunes n’ont plus aucun respect pour leurs aînés ! Ces jeunes ont compris qu’ils ont un certain pouvoir : celui de faire ce qu’ils veulent sans être embêtés pour cela ! Ils utilisent un langage qui n’est pas des plus châtiés, se saoulent à la bière en passant allègrement aux bouteilles de vin rouge, invitent des filles à partager leur bacchanale au vu et au su de tout le monde. Ils sont les rois du monde ! Personne n’est là pour les contredire : ni leurs parents, car la plupart de ces jeunes s’arrangent toujours pour être loin de leur quartier, ni les résidents, et surtout pas la police, qui court après des chimères… Leur puissance est décuplée par l’alcool et les « stupéfiants » (« zatla », comprimés hallucinogènes etc.) et l’on sait que la violence augmente considérablement quand la personne est dans un état second. « Mon fils est un ange ! » « Mon fils n’a rien fait ! Mon fils est un ange ! », c’est ce qu’ont pu entendre les témoins d’une scène dans un quartier populaire ; scène, il faut le préciser, qui a eu lieu non loin du commissariat de police de la cité. Un jeune âgé d’une quinzaine d’années a tenté de voler un vélo devant une menuiserie. Il s’est fait prendre la main dans le sac, s’est débattu et s’est enfui. Quelques instants plus tard, il revient un couteau à la main pour se venger. Sa mère arrive après lui et s’en prend à la victime l’accusant d’avoir fait du mal à sa progéniture : « Mon fils n’a rien fait ! Mon fils est un ange ! ». Elle n’a rien voulu comprendre, rien voulu entendre, même pas la parole des témoins. Pour elle, ce sont tous des menteurs ! « Son fils n’a rien fait ! Son fils est un ange ! ». Et la police dans tout ça ? Elle regardait de loin… Cette scène n’est pas exceptionnelle. Elle se déroule au quotidien dans n’importe quelle cité. Chacun croyant qu’il a raison. Les mères voient toujours leur progéniture comme des anges même si elles distinguent bien que leurs gamins ne le sont pas ! R. J., une mère de famille, âgée de 55 ans, veuve nous a apporté son témoignage : « Je sais que mon fils n’est pas un ange. Mais je dois le défendre. Mes deux autres fils sont en prison pour vol et vente de drogue. Je ne veux pas que le dernier aille les rejoindre ». Nous lui avons fait remarquer que s’il continuait dans la voie de la délinquance, c’est ce qu’il risquait de lui arriver, elle nous a répondu fataliste : « Je ne peux rien y faire ! Tant qu’il n’est pas pris par la police… ». « Ejbed ! » On voit de plus en plus de jeunes s’abriter sous les pans des maisons, à peine le maghreb terminé, pour engloutir des cannettes et des cannettes de bière accompagnés de quelques bouteilles de vin et d’alcool à brûler. Parfois, le tout est couronné d’un joint qu’ils se passent ou de comprimés qu’ils avalent comme si c’était des bonbons. Un mélange explosif qui déforme les perceptions et c’est le drame ! Tout récemment, dans la cité Ibn Khaldoun dans la petite banlieue de Tunis, une bande de jeunes de moins de 20 ans se sont réunis, comme à leur habitude, dans une des ruelles calmes. Les voisins ne leur disaient rien même s’ils faisaient leur petit trafic. Mais ce début de soir-là, les jeunes avaient fait trop de mélange. Les habitants les plus proches ont entendu un « Ejbed ! Aati ! », « Sors (sous-entendu le couteau) et donne-lui (un coup) ! » suivi d’un hurlement, de mots vulgaires, d’une cavalcade. Certains sont sortis de chez eux et ont vu des marres de sang comme si on avait égorgé un mouton, voire un bœuf. Un résident a essayé de joindre la police. N’ayant aucun vis-à-vis, il s’est rendu au commissariat pour leur raconter ce qui s’était passé en leur disant que ces jeunes avaient l’habitude de faire leur petit trafic dans ce coin. Réponse des policiers : « Pourquoi ne nous as-tu pas prévenus avant ! ? ». Et ils n’ont même pas pris la peine de se déplacer. Depuis cette rixe, le quartier a retrouvé un semblant de calme, mais pour combien de temps ? Et la victime n’aura-t-elle pas un désir de vengeance qui risque de causer la mort, et même de personnes innocentes ? Faudra-t-il appliquer la loi du talion, à savoir œil pour œil, dent pour dent, pour ne plus avoir peur en sortant de chez soi ? Doit-on déménager dans des quartiers chic ou huppés pour avoir la paix et où pour un petit bruit plus fort que d’habitude la police accourt ? Mais qui, dans les cités populaires, en a les moyens ? Echange de renseignements Pour s’acheter de l’alcool ou de la « zatla », il faut de l’argent. Et quand on ne travaille pas, il faut le prendre là où il est, c’est-à-dire chez les autres. Vol à l’arraché, dans les demeures, tout est bon pour s’en procurer. S. M, petit ex-délinquant, assagi, nous a expliqué comment il faisait pour avoir de l’argent. « Je connaissais un jeune de mon âge dans une cité pas très loin de la mienne. Je faisais des repérages pour lui dans mon quartier et inversement ». Nous lui avons demandé quelle était la nature de ses renseignements, il nous a répondu : « Les habitudes des propriétaires, le moyen d’entrer dans la maison. Tous les petits détails qui nous permettaient de ne pas nous faire surprendre. C’était assez simple puisque je connaissais bien mon quartier et lui le sien. J’allais cambrioler dans sa cité et lui dans la mienne ». Ainsi, les deux jeunes étaient sûrs de ne pas se faire reconnaître. Se faire arracher son sac, se faire dépouiller, tout ceci constitue une violence chez les jeunes qui ne sont pas tous issus des milieux défavorisés, donc le phénomène n’est pas uniquement attribuable à l’appartenance à une couche sociale spécifique, cependant les raisons sont différentes. Là où certains cherchent à sortir de la misère en volant, d’autres le font par jeu, par ennui étant quasiment sûrs de s’en sortir par une petite réprimande parentale. Quand les filles s’y mettent La violence des jeunes n’est plus typiquement masculine, puisque les filles suivent l’exemple des garçons, soit pour se faire admettre, soit par besoin de s’affirmer, soit pour avoir une vie « dangereuse » et sentir qu’elles ont une place dans la société. Là aussi c’est la sensation de pouvoir, de puissance. Ce qui est paradoxal, c’est que certaines sont beaucoup plus virulentes et violentes que les garçons. Et elles se complaisent dans leur rôle, car elles jouent un rôle. Elles s’assimilent aux garçons, réagissent comme eux, reproduisent leurs gestes, leur démarche, leur dégaine, leur attitude, leur langage. La violence des jeunes est devenue asexuée. Il est dommage qu’on ne trouve nulle part des statistiques sur cette violence des jeunes. Comment peut-on y remédier ? Il est difficile de trouver un remède à la gangrène, et dans certains cas il faut amputer. Cependant, il y a des solutions, qui ne sont pas nouvelles, mais qui ne sont pas encore appliquées chez nous. Elles peuvent empêcher la nécrose de se propager. Peut-être faudrait-il instaurer des rondes permanentes sur une longue durée mais en changeant les équipes de policiers, car une équipe habituelle est très vite repèrée. Et puis, le système des travaux d’utilités publiques pourrait être de mise. Au lieu d’envoyer ces jeunes en prison ou en centre de redressement d’où ils sortiraient plus endurcis et plus rebelles, il serait peut-être mieux de les employer à des ouvrages utiles pour la société et pourquoi pas les envoyer aux travaux des champs… Se mettre au vert pourrait leur faire du bien et il n’y aurait pas d’autres herbes que celles des pâturages… Z.H (Source : « Tunis Hebdo » (journal hebdomadaire – Tunis), le 9 avril 2007)

POUR UNE REVOLUTION DE L’IMAGINAIRE TUNISIEN

Houcine Ghali, Genève Dépendant totalement de la technologie importée, la Tunisie ne doit son salut quà l’exportation des produits agricoles et manufacturés, aux devises envoyées par ses travailleurs à l’étranger et glanées auprès des touristes venus se dorer la pilule sous l’ardent soleil du pays. S’étant façonné une identité batarde où se mêlent des éléments culturels tirant leur essence de l’arabité et de la religion musulmane, à des emprunts de valeurs occidentales appartenant souvent à une sous-culture people vide de sens et ne privilégiant que l’apparence et la consommation bestiale, les Tunisiens n’ont jamais privilégié l’acquisition du savoir pour une indépendance intellectuelle leur permettant d’imaginer de nouvelles idées pour le développement global de leur pays. La pauvreté culturelle qui caractérise le pays touche tous les domaines de la société et se singularise par la production de folklore, d’images mystifiées, déformant la réalité et tirant sa substance d’un miroir intellectuel truqué. Sur cet acquis culturel glané par l’écrivain tunisien de la civilisation occidentale dont l’histoire, les valeurs et les singularités sont différentes de celles caractérisant la société arabe, est venu se greffer un apport islamique qui exclut l’imagination, la critique et la mise en cause des normes immuables du coran. Le résultat est patent : Absence d’unité entre les instruments de la pensée, l’objet de la pensée et cette pensée elle-même. L’intellectuel tunisien le plus sincère ne penser plus, ne propose pas d’alternatives mais donne libre cours à ses frustrations et se suffit d’exprimer les différentes formes de l’oppression qui l’envahit et des contradictions qui l’assaillent. La télévision et les autres médias tunisiens contribuent à leur tour, avec des programmes et une information vides de sens et de consistance, à infantiliser tout un peuple. La médiocrité de l’écrit et du télévisuel ne permettent nullement l’acquisition de véritables connaissances ni d’inciter à la réflexion. Les discours politiques, émanant aussi bien du pouvoir que de l’ensemble de l’opposition se caractérisent par une rhétorique immuable qui se distingue par l’absence constante de nouvelles idées, de propositions constructives, de programmes pratiques, de pertinence, de réalité objective et enfin d’imagination. Le champ discursif se contente de slogans, de phraséologie creuse, d’affirmations gratuites, de masturbation intellectuelle, de promesses sans lendemain et de l’excitation des sentiments et de la libido populaire. La recherche est le secteur pauvre du budget gouvernemental et le citoyen tunisien a tout misé sur la volonté de Dieu. Cette soumission totale à Allah et l’attraction exercée par le nouveau clergé de l’islam sur la majorité de la population ont bloqué l’imaginaire des gens et retardé pour longtemps le développement et l’émancipation de tout un pays. Houcine Ghali, Genève 10 avril 2007  

LE SAVOIR POPULAIRE

Houcine Ghali, Genève On apprend davantage dans un café populaire de Bab Souika ou d’un village tunisien que dans une faculté. Les gens simples ont une manière de raconter fabuleuse en utilisant les concepts d’un parler dont la portée du sens est inégalable. Le paysan de Jebeniana raconte dans des mots simples mais précis et sans la moindre forfaiture tout son savoir sur les oliviers, la culture des céréales, les différentes sortes de petit-pois, l’arrivée de la pluie en scrutant le ciel et les besoins des animaux selon leur comportement. Le pêcheur de la Louza connait les produits de la mer de sa région, sait quand il faut sortir pêcher ou pas, conseille les poissons de la saison et dénonce les multiples tracasseries des pouvoirs publics qui ne cessent de le spolier par les hausses abusives des taxes, l’augmentation vertigineuses des prix du mazout, le racket des policiers du port et les magouilles des acheteurs de ses produits. L’épicier du village est une source intarissable sur l’histoire de son quartier, la solidarité d’antan, les cérémonies de mariage à l’ancienne, le passage des Français et des Anglais à la poursuite des Allemands durant la deuxième guerre mondiale et le recours à la zoophie suite à une répression sexuelle immuable. Attablés autour de quelques bières dans un minable bar à Sfax, des villageois de la région font le procès du pouvoir tunisien en se référant à leur insupportable quotidien et en analysant leurs difficiles conditions de vie. Ils ne font référence à aucune idéologie, aucune connaissance livresque, aucune ligne politique. Leur vécu parsemé d’injustices leur sert d’unique sujet pour critiquer, argumenter et développer des idées simples et d’une justesse redoutable. Bchira et Mahsouna n’ont jamais fréquenté l’école et leurs enfants, devenus cadres après des études universitaires n’ont jamais penser leur apprendre ni à lire ni à écrire. Et pourtant, ces deux dames de la campagne tunisienne jouissent d’une culture acquise par la pratique et le savoir faire domestique riche de soixante ans. Elles expliquent aisément comment préparer tel ou tel plat culinaire, la manière la plus judicieuse de guérir une maladie ou une blessure et le comportement le plus adéquat face à la prépondérance de l’homme. Quant à la psychologie de la femme et aux rites du mariage, ellent en saqvent beaucoup plus que certains érudits. Les gens du petit peuple ont le mot facile mais juste et exprimant parfaitement leur pensée. Leur misère l’ attribuent au pouvoir ( el hâkem ) sans rentrer dans les détails et cela suffit. Ils ne trichent pas en racontant ce qu’ils savent parce qu’ils ne visent que le plaisir de communiquer sans le moindre profit personnel. Moins bâtardisés que les citadins, leurs références demeurent plus saines et leur conscience plus aigüe. C’est pourquoi les dirigeant destouriens et surtout les leaders de l’opposition aussi bien légale que non-reconnue devraient aller se ressourcer auprès des classes populaires pour comprendre leurs préoccupations et ensuite agir en connaissance de cause. Houcine Ghli, Genève 11 avril 2007  

Al-Qaida au Maghreb revendique les deux attentats d’Alger

 
 
LEMONDE.FR avec AFP et Reuters | 11.04.07 | 12h44  •  Mis à jour le 11.04.07 | 20h35
Les deux attentats qui se sont produits à Alger, mercredi 11 avril, ont été revendiqués par l’Organisation d’Al-Qaida au pays du Maghreb islamique, anciennement appelé Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC). Le dernier bilan de la Protection civile algérienne fait état d’au moins 24 morts et 222 blessés. L’agence Reuters, citant des sources hospitalières, parle d’au moins 30 morts.

Le mouvement, qui a annoncé son ralliement à Al-Qaida en janvier, a indiqué avoir mis en ligne un communiqué sur un site islamiste, souvent utilisé par le réseau terroriste d’Oussama Ben Laden, dans lequel il revendique les attentats et publie les portraits des trois kamikazes responsables des attaques. Il a également établi son propre bilan des attaques, estimant à 53 le nombre de morts.

La première explosion, apparemment très puissante, a eu lieu à 10 h 45 (11 h 45, heure de Paris), à l’entrée du Palais du gouvernement, dans le centre-ville d’Alger. L’explosion a laissé un trou béant dans la façade du bâtiment gouvernemental, qui compte six étages, et a endommagé les immeubles alentours. Des débris de verre jonchaient le sol sur un rayon de deux cents à trois cents mètres à l’entrée du Palais et sur l’esplanade de l’immense bâtisse de plusieurs étages, qui abrite notamment les services du ministère de l’intérieur.

LA FRANCE EXPRIME SA « PROFONDE SOLIDARITÉ »  

Selon l’agence APS, les bureaux du premier ministre algérien, Abdelaziz Belkhadem, étaient visés. Le chef du gouvernement a immédiatement réagi à la radio en dénonçant des actes « criminels et lâches commis au moment où le peuple algérien demande la réconciliation nationale ».

L’autre attentat a eu lieu à Bab Ezzouar, sur la route de l’aéroport international d’Alger, près de l’une des plus importantes universités du pays. Une des trois explosions a détruit un poste électrique de la compagnie publique algérienne Sonelgaz et les deux autres ont endommagé gravement le commissariat de ce quartier populaire, comptant des dizaines d’immeubles à plusieurs étages. Des responsables des services de sécurité algériens, interrogés sur les lieux des explosions, ont indiqué que les deux attentats ont été perpétrés à l’aide de voitures piégées conduites par des kamikazes.

Paris a réagi dans l’après-midi par la voix du président Jacques Chirac, qui a exprimé « la profonde solidarité » des autorités françaises dans la lutte de l’Algérie contre « le terrorisme international ». « La France les condamne avec la plus grande fermeté », écrit le président français dans une lettre à son homologue algérien, Abdelaziz Bouteflika, ajoutant que la lutte contre le terrorisme « est un combat partagé par nos deux gouvernements ». Dans un télégramme adressé à M. Bouteflika, le chef du gouvernement espagnol, José Luis Rodriguez Zapatero, s’est dit « profondément ému » et a exprimé sa « plus ferme condamnation » des attentats.

La porte-parole de la Maison Blanche Dana Perino a également condamné les attentats, assurant que les Etats-Unis coopèrent avec les autorités algériennes et marocaines pour identifier les auteurs. Pour le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, « cet événement déplorable montre la nécessité d’une action internationale concertée contre le terrorisme ».

 
Un mouvement traqué depuis plusieurs semaines par les autorités  

Le double attentat d’Alger intervient alors que l’armée et la police algérienne mènent, depuis plusieurs semaines, une vaste opération de ratissage contre des éléments islamistes appartenant à l’ex-GSPC en Kabylie, à l’est de la capitale. Le mouvement avait déjà tué neuf militaires la semaine dernière à Ain Defla, à l’ouest d’Alger. Depuis début avril, au moins 33 personnes, dont une quinzaine de membres des forces de sécurité algériennes, ont été tuées dans le pays dans des violences attribuées aux islamistes, selon un décompte établi d’après des bilans officiels et de presse. Selon les services de renseignement français, le groupe compte entre 500 et 800 membres en Algérie, en Mauritanie, au Mali et au Niger. – (avec AFP)

(Source: e site du journal « Le Monde » Mis à jour le 11.04.07 | 20h35)


Maroc: la police recherche une dizaine de kamikazes à Casablanca

Par Mohamed CHAKIR AFP, le 11 avril 2007 à 16h19 CASABLANCA (Maroc), 11 avr 2007 (AFP) – Les services de sécurité marocains  étaient à la recherche mercredi d’une dizaine de kamikazes, qui seraient cachés dans Casablanca et risqueraient de se faire exploser, comme les quatre qui se sont donné la mort la veille lors d’une importante opération de police. « Nous sommes à la recherche à Casablanca d’une dizaine de terroristes extrêmement dangereux, car ils sont prêts comme ceux de la veille à se faire exploser », a affirmé à l’AFP une source policière. Pour sa part, dans un message, le roi Mohamed VI a exprimé « sa profonde conviction que la lutte contre le terrorisme et ses adeptes est l’affaire de tous ». Il a souligné que les Marocains étaient « profondément attachés à leur société et à leur patrie face à l’extrémisme, le terrorisme et tout ce qui est de nature à menacer leur foi (…) et l’option démocratique irréversible du royaume ». Mardi, dans un quartier populaire de la capitale économique du Maroc, trois kamikazes ont fait exploser leurs charges, un quatrième a été abattu avant d’actionner ses explosifs et un policier a été tué. Les quatre kamikazes étaient de jeunes islamistes ayant des antécédents judiciaires. La police a indiqué que « l’homme abattu à l’aube était Mohamed Mentala, alias Warda, recherché dans les attentats de Casablanca en 2003 et le premier kamikaze qui s’est tué dans la matinée s’appelait Mohamed Rachidi », âgé de 37 ans. Il faisait partie d’une cellule impliquée notamment dans le meurtre en 2003 d’un gendarme à Casablanca. Le deuxième est Ayoub Raidy, frère de Abdelfettah qui avait trouvé la mort le 11 mars en actionnant des explosifs qu’il transportait sur lui dans un cybercafé de Casablanca. L’explosion avait blessé son complice présumé, Youssef Khoudri et trois clients. Le troisième kamikaze s’appelle Said Belouad et il était né à Casablanca en 1976. Selon la police, ce groupe était activement recherché « dans le cadre de l’enquête sur l’attentat du 11 mars dans un cybercafé à Casablanca », a précisé la police. Pour le chercheur Mohamed Darif, l’un des principaux experts sur l’islamisme marocain, « le danger reste important car si la police a réussi à éliminer hier une cellule de quatre personnes, il y a actuellement au Maroc un réseau composé de plusieurs cellules qui ne se connaissent pas entre elles ». « Je crois que les autorités doivent aussi déployer des efforts pour découvrir des caches pour les explosifs que ce réseau a fabriqués », a-t-il ajouté. « Ce qui est saisissant, c’est à la fois l’extrême détermination de ces jeunes prêts à mourir plutôt que de tomber aux mains de la police, et le fait qu’ils semblent livrés à eux même, sans objectifs précis, car ils auraient pu faire très mal en s’explosant dans la rue ou près de cibles stratégiques », a affirmé à l’AFP un expert européen en matière de sécurité basé à Rabat. Ces attentats sont bien sûr à la une de la presse marocaine qui souligne le caractère planétaire du terrorisme. Dans son éditorial, Aujourd’hui le Maroc (indépendant) affirme qu’il s’agit « d’une guerre mondiale » alors que l’Economiste, quotidien des milieux d’affaires, note que « l’influence de la télé satellitaire ouvre (les bidonvilles) sur le monde et ce qui se passe à l’autre bout de la planète, au Proche-Orient, peut prendre valeur d’émulation et parfois de tragique exemple ». Sur place, près du lieu où se sont produits la veille les explosions, une énorme banderole a été déployée mercredi matin avec ces mots « touche pas à mon pays, le Maroc ». AFP  

Maroc – Une dizaine de candidats kamikazes encore dans la nature

par Lamine Ghanmi Reuters, le 11 avril 2007 à 14h46 RABAT, 11 avril (Reuters) – Au lendemain de la mort à Casablanca de quatre kamikazes soupçonnés de préparer une série d’attentats suicides, les forces de sécurité marocaines étaient mercredi à la recherche d’autres candidats au « martyre » dans la capitale économique du royaume. Mardi, trois kamikazes se sont faits sauter à la suite d’une descente de police dans leur repaire du quartier populeux de Fida et un quatrième a été abattu par les policiers. Un policier a été tué et plus d’une vingtaine de personnes blessées. Le journal pro-gouvernemental Al Alam rapporte que les forces de sécurité poursuivent la traque d’une bande de candidats au suicide porteurs de ceintures d’explosifs qui menacent la sécurité du pays et des citoyens. Le journal ne précise pas combien le groupe compte encore d’activistes en fuite, mais le quotidien Annass écrit qu’ils seraient une dizaine au plus et son confrère Assabah croit savoir que l’un d’entre eux se trouverait encore à Fida. Les autorités marocaines se refusent à commenter ces informations en arguant de l’enquête en cours. Parmi les quatre kamikazes morts mardi figure Ayoub Raidy, présenté par la police comme le frère d’Abdellatif Raidy, qui s’était fait sauter lui-même le 11 mars dans un cybercafé de Casablanca après avoir été démasqué. Ce chômeur de 23 ans était soupçonné d’être le chef d’un réseau d’une cinquantaine d’islamistes radicaux, dont une quarantaine ont été arrêtés depuis un mois. MODUS OPERANDI D’AL QAIDA Les autorités assurent qu’ils appartiennent à un courant djihadiste local et que, faute d’encadrement, d’expérience et de qualifications, ils ne posent pas de problème de sécurité sérieux au pays. Mais certains analystes, comme le Marocain Mohamed Darif, contestent cette assertion, jugent qu’ils ont des liens avec l’étranger et estiment que les autorités vont devoir réviser leurs certitudes. Darif juge improbable que Raydi ait été à même, seul, et tout en étant surveillé par les autorités, de tisser un réseau couvrant plusieurs villes du royaume et de se procurer armes et explosifs ainsi que d’acquérir le savoir-faire pour s’en servir. En outre, ce que l’on connaît du groupe correspond au modus operandi d’Al Qaïda. Se faire exploser pour éviter de se faire arrêter est ainsi une des marques de fabrique du groupe fondé par Oussama ben Laden. « Pour des raisons de sécurité, on endoctrine les gens pour les pousser à mourir pour Dieu sans leur laisser se rendre compte qu’ils font partie d’une organisation plus vaste. La force de ces organisations, c’est leur discrétion », estime Darfi. Pour les observateurs politiques, c’est l’incapacité du gouvernement à faire reculer la pauvreté qui pousse les jeunes islamistes à la violence. « Nous sommes champions du monde pour faire éclore le terrorisme », écrit Djamel Bouraoui, directeur du quotidien Annass. Pour leur part, les dirigeants islamistes ayant pignon sur rue, comme Abdellah Benkirane, assurent que les éléments radicaux comme ceux qui se font sauter sont de simples marginaux qui ne représentent pas l’islam politique. REUTERS  

Création d’un Conseil de coordination des musulmans en Allemagne

AFP, le 11 avril 2007 à 12h51 BERLIN, 11 avr 2007 (AFP) – Quatre organisations musulmanes d’Allemagne ont fondé un Conseil de coordination des musulmans (KRM) pour favoriser le dialogue de leur communauté avec le gouvernement, a déclaré mercredi un haut responsable de l’un des groupes, Rafet Öztürk. L’Union turque islamique des affaires théologiques (DITIB), le Conseil de l’islam (Islamrat), le Conseil central des musulmans (Zentralrat der Muslime) et l’Association des centres culturels islamiques ont donné leur accord pour la création d’une organisation destinée à représenter leurs positions communes auprès du gouvernement. « Nous allons ainsi faire un test pour savoir si nous pouvons prendre des décisions communes ou non », a souligné M. Öztürk, coordinateur du DITIB pour le dialogue entre les différentes communautés religieuses. Il est notamment prévu que, tous les six mois, le président de chacune des quatre organisations devienne porte-parole de la future structure. Le ministère allemand de l’Intérieur a immédiatement salué l’annonce de la création du KRM. Il s’agit d' »un pas dans la bonne direction » qui « arrive au bon moment », à trois semaines d’une nouvelle conférence nationale sur l’islam, le 2 mai, a indiqué un porte-parole du ministère. « Nous notons chez les musulmans (d’Allemagne) de grands efforts pour se distancer de la propagation de la violence », a ajouté le porte-parole. Selon des estimations, plus de 3,2 millions de musulmans vivent en Allemagne, dont 300.000 (soit moins de 10%) sont représentés par des organisations islamiques. La plus grande communauté est représentée par les Turcs (75%), suivi par les Maghrébins (200.000), les Iraniens (100.000) et les musulmans d’ex-Yougoslavie (100.000). La plus importante organisation est le DITIB (sunnite), qui dépend du Ministère des affaires théologiques de l’Etat turc et qui représente environ 860 associations de mosquées en Allemagne, avec plus de 130.000 adhérents. Le Conseil de l’islam représente 37 organisations avec plus de 40.000 membres, dirigés avant tout par l’organisation islamiste Milli Görüs, selon les services de renseignement allemand, tandis que le Conseil central des musulmans, avec 19 associations et plus de 15.000 adhérents, a réussi à s’affirmer comme interlocuteur privilégié de l’Etat allemand sur les questions concernant l’islam. Le 27 septembre dernier, une trentaine de représentants des pouvoirs publics allemands et de la communauté musulmane s’étaient retrouvés en présence du ministre allemand de l’Intérieur Wolfgang Schäuble (conservateur) pour une première conférence nationale sur l’islam: il s’agissait de jeter les bases d’un processus de dialogue sur des thèmes allant de l’enseignement de l’islam à l’école à la formation des imams, en passant par l’islamisme et les perspectives d’emploi pour les jeunes musulmans. AFP

German Muslims to strengthen voice with new group

By Madeline Chambers AFP, le 11 avril 2007 à 12h38 BERLIN, April 11 (Reuters) – Germany’s leading Muslim groups have agreed to set up a single coordinating body to strengthen their voice and ease communication with the government. « We are responding to the desire of Muslims and to the demands of politicians and society at large that there should be a single contact point, » General Secretary of the Central Council for Muslims in Germany (ZMD) Aiman Mazyek told Reuters. The creation of the Coordination Council of Muslims in Germany (KRM) comes at a time of growing fears about Islamist radicalism in Europe. The four founding members of the KRM are the Turkish-Islamic Union (DITIB) the Association of Islamic Cultural Centres (VIKZ), ZMD and Islamrat. Mazyek said the KRM would represent about 2,000 of Germany’s roughly 2,500 mosque communities. The fragmented nature of Germany’s Islamic groups has been a point of contention for years, making it difficult for the government to know who to engage on integration questions. « We represent conservative and liberal Muslims — we are like a colourful bouquet of flowers and do not represent just one point of view, » Mazyek said. Germany is home to about 3.2 million Muslims, the largest Islamic population in western Europe after France. Some 2.5 million are of Turkish origin. A spokeswoman for the Interior Ministry welcomed the creation of the KRM. Fears about the radicalisation of disillusioned young Muslims in the last couple of years has prompted the government to start talking to Islamic groups. Issues of concern include religious education, the training of imams and Islamophobia. The government hosted a summit with Muslim groups in September and the results will be discussed at a follow-up meeting in the first week of May. « As a community we face many challenges and we think it is much easier to tackle problems — like religion lessons and prejudice against Muslims — if we work together, » Ali Kizilkaya, head of Islamrat, told Reuters. REUTERS  

Shlomo Ben-Ami, ancien ministre israélien des Affaires étrangères et vice-président du Centre international de Tolède pour la paix, en appelle à une intégration de l’islam politique.

Les conditions d’un changement de régimes dans le monde arabe

Quatre ans après le début d’une aventure militaire désastreuse en Irak, et devant l’échec de la guerre planétaire contre des forces du mal mal définies, l’effondrement de la stratégie de l’Amérique a montré à quel point sa recette simpliste pour un changement démocratique du monde arabe était mal conçue. Le paradoxe est que l’Amérique pourrait être en train de gagner la guerre pour la démocratie arabe, même par défaut, mais qu’elle ne peut en engranger le bénéfice, simplement parce que le schéma émergent de la politique pluraliste islamique ne correspond pas au type occidental de démocratie libérale et laïque. Le passage des mouvements fondamentalistes du monde arabe à la démocratie signifie un rejet du projet djihadiste et des stratégies apocalyptiques d’Al-Qaida, et prépare une restructuration potentiellement prometteuse de la politique islamique, mais l’Occident ne reconnaît pas ces changements, ou s’y montre hostile. La montée des islamistes dans la région comme seule force capable de profiter d’élections libres (la victoire du Hamas en Palestine et les gains spectaculaires des Frères musulmans en Egypte en 2005 en sont les exemples les plus notables), l’ascension de l’hégémonie régionale de l’Iran chiite, et le sentiment des dirigeants arabes que l’administration Bush commence à s’essouffler, se combinent pour freiner le mouvement de réforme politique prometteuse dans la région. Les Etats-Unis ont pris du recul par rapport à leur dessein démocratique lorsqu’ils ont réalisé que la démocratie arabe ne s’identifie pas à une opposition libérale laïque, une force politique qui n’existe pratiquement pas dans le monde arabe, mais aux radicaux islamiques qui rejettent la politique américaine et le rapprochement avec Israël. Mais l’idée que l’on peut remettre le génie de la démocratisation dans sa lampe est un fantasme. L’évolution du courant principal des islamistes (comme les Frères musulmans en Egypte, le Front islamique d’action en Jordanie, le Hamas en Palestine, le Parti de la renaissance en Tunisie ou le Parti de la justice et du développement au Maroc) du djihadisme vers la politique participative a commencé bien avant la campagne de promotion de la démocratie par l’Amérique, et elle n’a rien d’une tentative de séduction de l’Occident. C’est une vraie réponse aux besoins et aux exigences de leurs partisans. L’étouffement de la démocratie arabe, comme ce qu’est en train de tenter le président égyptien Moubarak en interdisant les partis politiques basés sur la religion, n’apportera ni la stabilité ni la paix au Moyen-Orient. Elle ne fera qu’exacerber la fureur des masses devant l’hypocrisie occidentale. Tout comme la démocratie islamique est la réaction naturelle à l’autocratie arabe laïque et à ses soutiens occidentaux, la répression de l’islam politique fait le lit d’options encore plus extrêmes. Les dirigeants occidentaux et arabes doivent comprendre que l’équation entre les régimes en exercice et l’islam politique n’est pas forcément un jeu à somme nulle. C’est ce qu’a appris dans la douleur le président algérien Bouteflika qui, avec sa charte pour la paix et la réconciliation nationale de février 2006, a mis un terme à une guerre civile longue et sanglante dont l’origine était l’annulation violente par l’armée de la victoire électorale du FIS en 1991. C’est dans ce contexte que le compromis historique entre le religieux (Hamas) et le laïque (Fatah) pour former un gouvernement d’unité nationale en Palestine pourrait avoir établi un nouveau paradigme pour les futurs changements de régime dans le monde arabe. Le roi Mohammed VI du Maroc a déjà indiqué que la Couronne envisagerait un «compromis historique» avec les islamistes si, comme cela semble probable, ils gagnaient les élections de juin 2007. De tels compromis pourraient représenter le seul moyen d’évier un glissement vers la guerre civile, et peut-être aussi d’obtenir la collaboration des islamistes pour parvenir à un accord avec Israël et un rapprochement avec l’Occident. L’adhésion de l’islam politique devra former le pivot de toute stratégie pour le Moyen-Orient si l’on veut qu’elle ait une chance de réussir. Au lieu de s’en tenir à des prophéties catastrophistes qui empêchent une compréhension du tissu complexe des mouvements islamiques, l’Occident doit continuer de mettre la pression sur les régimes en exercice pour qu’ils cessent de faire échouer la réforme politique. Comme l’a montré l’Algérie des années 1990, l’exclusion des islamistes mène au désastre, alors que leur inclusion peut engendrer la modération. Les nécessités pratiques de la politique condamnent à la dilution de la pureté idéologique. L’accord de La Mecque, qui a conduit au gouvernement d’unité en Palestine, va inévitablement modérer le radicalisme du Hamas, tout comme en Jordanie le fait que le régime ait évité une «solution égyptienne» face au défi islamiste a permis au Front islamique d’action de contenir dans le mouvement de nombreux membres qui auraient sinon été attirés dans l’orbite djihadiste. Le défi ne consiste pas à détruire les mouvements islamiques, mais à détourner les politiques révolutionnaires vers des politiques réformistes en leur accordant un espace politique légitime. (Source : « Le Temps » (Quotidien – Suisse), le 11 avril 2007)

Analyse

Un désastre américain en Irak,

par Patrice Claude Quatre ans après la destruction formelle de la dictature de Saddam Hussein, le 9 avril 2003, de quelque côté qu’on l’observe, l’évidence est aveuglante : poussée par l’idéologie néoconservatrice, préparée par des mensonges et encouragée par l’ignorance, l’invasion américano-britannique de l’Irak se révèle un désastre. Désastre pour l’occupant et ses alliés, désastre pour les occupés. Désastre humanitaire, militaire, stratégique, économique et moral, dans un pays déjà rendu exsangue par les folies de Saddam Hussein. Chacun connaît les données humaines de la débâcle. Près de 4 000 morts et pas loin de 24 000 mutilés côté envahisseurs. Au moins 200 000 civils irakiens au cimetière, sans doute plus. Deux millions d’exilés dans les pays voisins, à leur tour menacés de déstabilisation. Un bon million d’autres civils trop pauvres pour fuir, qui s’entassent misérablement dans des tentes d’urgence. Financièrement, l’ampleur de la déconfiture est abyssale. Au moins 500 milliards de dollars envolés en fumée, notamment au profit d’entreprises proches de l’administration Bush – Halliburton, Bechtel, Blackwater et autres. Rétribués pour remettre le pays sur pied et s’assurer que le pétrole irakien coulerait à flots dans les oléoducs d’exportation, ces grands bâtisseurs ont un bilan égal pratiquement à zéro. Les installations n’ayant jamais été modernisées, l’extraction d’or noir reste inférieure à ce qu’elle était sous la dictature. Parce que l’insécurité n’a cessé de s’étendre, la reconstruction promise aux Irakiens dans tous les discours de MM. Bush et Blair n’a jamais commencé. Globalement, la population s’est considérablement appauvrie, la mortalité infantile a doublé, le chômage a atteint des records, de 40 % à 60 % selon les régions. La criminalité progresse partout, produisant des bataillons de voleurs, kidnappeurs, tueurs et assassins prêts à toutes les infamies pour quelques dollars. La société civile a disparu. Ses hérauts ont fui. En termes de géostratégie politique et militaire, l’échec de l’invasion est tout aussi considérable. « Après Saddam, ce sera le tour des autres dictateurs du Moyen-Orient, promettait Washington. L’implantation de la démocratie et de la libre entreprise en Irak fera boule de neige. Nous favoriserons les opposants à tous les autocrates, nous exigerons des élections libres partout. La sécurité de notre allié israélien en sortira renforcée. » Aujourd’hui, l’allié se sent menacé par l’Iran. La Syrie est sur le point de rentrer en grâce. Le Liban craint un retour de la guerre civile. Le régime autocratique en Egypte manipule la Constitution en vue de passer le pouvoir au fils du raïs Hosni Moubarak. Les démocrates arabes sont presque partout abandonnés à leur sort. Les monarchies de Jordanie et d’Arabie saoudite, alliées des Etats-unis, sont menacées de déstabilisation par une idéologie salafiste et anti-occidentale virulente, qui gagne toute la région. En Irak, l’occupation a favorisé l’installation d’une filiale d’Al-Qaida, plus meurtrière encore que la maison mère. Quant au régime de « l’axe du mal » en Iran, débarrassé par l’Amérique de ses deux ennemis les plus décidés – les talibans d’Afghanistan sur sa frontière est et les baasistes de Saddam Hussein à l’ouest -, il se sent si peu vulnérable à la menace extérieure qu’il peut se permettre de s’entêter sur le nucléaire. Des « amis » de la même chapelle islamique et religieuse chiite sont au pouvoir à Bagdad. La guerre en Irak, « entretenue en sous-main par Téhéran », accuse Washington, a « fixé » 160 000 soldats à portée des canons iraniens. Le récent épisode des 15 marins britanniques capturés dans le Chatt Al-Arab est, à cet égard, édifiant. Parmi les chercheurs civils, experts militaires et diplomates américains, tous ceux qui avaient été écartés de l’aventure irakienne par la Maison Blanche et le Pentagone accusent à l’unisson George Bush, son vice-président – et ancien patron du groupe Halliburton – Richard Cheney, son ex-ministre de la défense Donald Rumsfeld et ses lieutenants « néo-cons » Paul Wolfowitz et Douglas Feith d’avoir commis, en Irak, toutes les « erreurs » imaginables.
CORRECTION DE TRAJECTOIRE
Depuis la défaite électorale subie par son camp en novembre, l’hôte de la Maison Blanche essaie de corriger quelques-unes de ses fautes. Robert Gates, nouveau secrétaire à la défense, est à l’opposé de son prédécesseur : prudent et réfléchi. Ryan Crocker, le nouvel ambassadeur à Bagdad, connaît la culture, les traditions et les travers arabes ; il parle la langue. Le général David H. Petraeus, nouveau patron de l’armée américaine en Irak, est un surdoué de West Point. Près de 30 000 hommes supplémentaires sont en cours de débarquement. La correction de trajectoire arrive peut-être trop tard. Le triumvirat mentionné ci-dessus ne pourra pas accomplir de miracle. Toutefois, le nouveau plan de sécurité, lancé le 14 février à Bagdad, avec l’implantation de « stations conjointes de sécurité » dans chaque quartier, commence à produire des résultats. Il y a moins d’égorgements quotidiens dans la capitale. Rien n’est gagné, loin de là. Perturbée à Bagdad, la guérilla envoie ses camions piégés dans d’autres villes. L’Irak est toujours à feu et à sang. Les tueries se poursuivent au rythme hallucinant de 3 000 victimes par mois. Le pays reste menacé d’éclatement. Sa guerre civile chiite-sunnite commence à déborder les frontières. Près de 120 000 rebelles à l' »ordre » nouveau établi en avril 2003 ont été arrêtés, interrogés, fichés. Un quart d’entre eux sont toujours à l’ombre. Plus de 20 000 autres ont été tués par leurs bombes ou celles de l’occupant. Un nombre au moins équivalent reste décidé à en découdre. Aucune stabilité n’est possible sans une ouverture politique de la majorité chiite au pouvoir à la minorité sunnite qui tenait les rênes à Bagdad depuis un siècle. Mais nul n’est certain qu’une réconciliation soit possible. On s’interroge sur ce qui se passera lorsque les militaires étrangers finiront par rentrer chez eux. Partir maintenant ? Au moment où beaucoup d’Irakiens – chiites, Kurdes et sunnites raisonnables confondus – commencent à nourrir un mince, très mince espoir, faudrait-il le tuer dans l’oeuf au motif qu’un nouveau délai reviendrait à reculer pour mieux sauter, que les « boys » et leurs familles sont fatigués de la guerre et que, quatre ans après, l’opinion américaine a fini par prendre conscience de la réalité ? « You broke it, you fix it », dit une maxime outre-Atlantique. L’Amérique a « cassé » l’Irak, c’est à elle de le « réparer ». (Source : « Le Monde » (Quotidien – France), le 11 avril 2007)


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