6 novembre 2005

Moritz Leuengerberger, ministre suisse de la communication

SOMMET DE L’INFORMATION DE TUNIS – Au nom du Conseil fédéral, Moritz Leuenberger annonce qu’il ne mettra pas ses critiques dans sa poche contre le régime du président Ben Ali, à l’occasion du prochain Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI) de Tunis 

IAN HAMEL

Trois conseillers fédéraux sont concernés par le Sommet mondial de l’information (SMSI) qui se déroule ce mois-ci en Tunisie, du 16 au 18 novembre prochains. Samuel Schmid, en tant que président de la Confédération, Moritz Leuenberger, le ministre «technique» – son Département chapeaute la communication -, enfin Micheline Calmy-Rey, responsable du Département des affaires étrangères.

Est-il acceptable que la Suisse participe à ce sommet dans un pays où la Ligue tunisienne pour la défense des droits de l’homme n’a même pas le droit de tenir son congrès? Voilà la question que «Le Matin dimanche» a posée aux trois départements concernés. C’est finalement le socialiste Moritz Leuenberger qui a répondu à nos questions, parlant au nom de ses deux autres collègues du Conseil fédéral.

Malgré les problèmes des droits de l’homme en Tunisie, maintenez-vous votre déplacement à Tunis?

J’irai bien sûr à Tunis. La politique de la chaise vide n’aboutit à rien. C’est seulement en se rendant dans les pays ne respectant pas les droits de l’homme et en abordant directement ces questions que nous pouvons changer les choses. Il ne faut pas oublier non plus que les sujets discutés à Tunis, la gouvernance d’Internet ou la mise en oeuvre des décisions prises à Genève, sont des questions importantes à régler. Il y va du développement de la société de l’information. C’est aussi une contribution aux droits de l’homme et au développement en général que de garantir l’accès des plus pauvres à ces technologies.

Huit personnalités tunisiennes sont en grève de la faim en Tunisie depuis le 18 octobre, pour réclamer notamment le respect de la liberté d’_expression. Plusieurs diplomates leur ont rendu visite. Quelle doit être l’attitude de la Suisse vis-à-vis de ces grévistes de la faim?

Je comprends parfaitement le souci des grévistes de la faim. Il n’y a pas de développement sain possible de la société de l’information sans liberté d’_expression et respect des droits de l’homme. L’ambassade de Suisse à Tunis a d’ailleurs déjà pris ses dispositions afin de les rencontrer. Les autorités suisses sont également en contact régulier et depuis très longtemps avec des représentants d’organisations tunisiennes de défense des droits de l’homme. La délégation suisse à la Conférence préparatoire du sommet de Tunis a par exemple reçu pour un entretien des représentants d’organisations suisses et tunisiennes de la société civile.

Depuis 2003, la Suisse n’aurait-elle pas pu accroître sa pression pour que la Tunisie manifeste certaines avancées en matière de droits de l’homme?

La Suisse n’a pas cessé d’être active et n’a pas attendu le SMSI pour réagir aux problèmes de droits de l’homme en Tunisie. Mais, selon les usages, ces démarches restent confidentielles. A chaque occasion également, avant et lors de la préparation de ce sommet, nos délégations ont mis la question des droits de l’homme sur la table. J’ai moi-même rappelé dans mes interventions aux conférences de préparation que l’on ne pouvait pas, sous prétexte de lutte contre le terrorisme, restreindre la liberté d’_expression et que le devoir des Etats était de garantir le libre accès à l’information. Je l’ai affirmé lors de ma rencontre il y a presque deux semaines avec la Commission européenne en charge de la société de l’information.

Et dans le cadre de l’ONU?

Trente-sept pays, dont la Suisse, ont exprimé leur préoccupation quant à l’attitude de la Tunisie au sujet de la participation de la société civile au sommet. Et la Suisse a répété il y a une dizaine de jours devant l’Assemblée générale de l’ONU à New York son attachement au principe de liberté d’_expression lors du SMSI. Cette question des droits de l’homme est d’ailleurs un thème qui me tient à coeur depuis longtemps. Je me souviens d’avoir participé comme observateur de la Ligue des droits de l’homme à un procès contre des syndicalistes à Tunis. J’ai pu par la suite rendre compte en Suisse des graves violations constatées sur place.

La tenue du SMSI dans un pays du continent africain peut-elle, malgré tout, apporter des retombées positives en matière de liberté d’_expression?

Il faut bien sûr l’espérer et s’engager pour y parvenir. Voyez déjà comme cette question est largement discutée, simplement parce que le sommet a lieu en Tunisie. C’est une question importante pour de très nombreux pays participant au sommet. La pression internationale s’exerce donc. Si les pays membres de l’ONU avaient choisi un autre lieu pour ce sommet, cette question n’aurait peut-être pas été évoquée. N’oublions pas non plus que d’autres pays qui seront présents à Tunis devront revoir leur pratique des droits de l’homme. 

© Le Matin Online

(Source : « Le Matin » du dimanche 6 novembre 2005)

Lien web :

http://www.lematin.ch/nwmatinhome/nwmatinheadactu/actu_monde/_je_comprends_le_souci.html

 IAN HAMEL

Huit personnalités venant d’horizons très différents (il y a notamment des avocats, un magistrat, des politiciens, et Lotfi Hajji, le président du syndicat indépendant des journalistes tunisiens, correspondant de la chaîne de télévision Al-Jazira) sont en grève de la faim «illimitée» en plein centre de Tunis depuis trois semaines. Ils entendent protester contre le manque de liberté d’information dans ce pays, qui accueille ce mois-ci le Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI).

La presse tunisienne n’a toujours pas dit un mot de cette grève qui a débuté le 18 octobre. Par ailleurs, des détenus politiques, enfermés parfois depuis quinze ans, mènent également des grèves de la faim dans les différentes prisons du pays. Pour protester contre sa détention, l’avocat Mohammed Abbou s’est même cousu les lèvres pendant quatre jours.

Interpellé sur la chaîne arabe Al-Jazira, le régime tunisien parle de «minorité subversive» et accuse les grévistes de la faim d’être des agents de l’étranger, notamment des Etats-Unis, sous prétexte qu’ils ont reçu la visite de diplomates américains et européens. L’ambassade de Suisse à Tunis devrait rencontrer les grévistes très prochainement. Ces derniers sont installés dans les bureaux de l’avocat Ayachi Hammami, au 23 de la rue Mokthar-Attia, à 150 mètres environ du Ministère de l’intérieur tunisien… 

© Le Matin Online

(Source : « Le Matin » du dimanche 6 novembre 2005)

Lien web: http://www.lematin.ch/nwmatinhome/nwmatinheadactu/actu_monde/greves_de_la_faim.html

Liberté pour Maître Mohammed Abbou

Association Internationale de Soutien aux Prisonniers Politiques

33, rue Mokhtar Attia – Tunis

LES PRISONNIERS POLITIQUES SALUENT LE MOUVEMENT DU 18 OCTOBRE ET LUI EXPRIMENT LEUR SOLIDARITE

Les prisonniers politiques de Mehdia

Des prisonniers politiques de Mehdia aux héros de la Tunisie : nous vous saluons, nous vous tendons la main et nous nous associons à vos préoccupations et vos efforts.

Nous soutenons votre grève de la faim et jugeons votre  démarche audacieuse, spécifique et inédite. Elle porte un message double, en ce qu’il témoigne du désespoir et de l’absence de perspective à l’horizon, mais il est aussi un espoir et un défi puisque l’élite des militants du pays met sa santé et sa vie dans la balance pour faire pencher cette dernière du coté de la liberté du peuple et de sa libération à jamais du nœud coulant du pouvoir d’un seul.

Le prisonnier politique en Tunisie, a fortiori le prisonnier islamiste, a traversé une longue période d’abandon, d’absence de tout soutien. Aujourd’hui nous plaçons notre espoir en ce que tous ceux qui sont épris de justice et de liberté s’avèreront les meilleurs soutiens, les meilleurs défenseurs et les meilleurs militants, ceux qui mettront fin à l’injustice qui est pratiquée contre nous depuis quinze ans. (…)

Des prisonniers politiques de Borj El Amri aux artisans du mouvement du 18 octobre

Nous demandons à Dieu qu’il vous accorde la paix, la réussite, la fermeté et la constance pour la réalisations de vos revendications et de celles, légitimes, du peuple tunisien.

Nous nous saisissons de cette opportunité pour (…) transmettre notre reconnaissance pour le rôle joué par l’AISPP, tout ce qu’elle a entrepris envers nos familles et nous-mêmes (…) Nous remercions tous les partis et parties de la société civile, la LTDH et le CNLT, l’ALTT, qui ont soutenu nos revendication et notre droit à la liberté après toutes ces années de mort lente. De même nous remercions le journal « El Maouqif » qui a ouvert régulièrement ses colonnes aux problèmes des prisonniers politiques et à leurs grèves (…)

Nous appelons tous les médias libres et militants à nous défendre et à faire entendre nos voix atones à tous les lecteurs en Tunisie et à l’étranger.

Nous soutenons votre grève qui est la notre. Nous soutenons votre mouvement en défense de la Tunisie et de ses enfants, de leur droit à la dignité et à une pratique de l’action politique libérée de la peur. (…)

Lettre des prisonniers politiques de Borj Er Roumi

Nous, prisonniers politiques du pénitencier de Borj Er Roumi

A toutes les composantes de la société civile en Tunisie et tous les êtres libres de par le monde.

Voici un bref aperçu de notre vie et de notre calvaire (…)

Le calvaire du prisonnier politique commence avec son appellation en tant que « catégorie spéciale », dénomination qui n’a pas de base légale. Le prisonnier de « catégorie spéciale » est privé de tous les droits prévus par la loi pour les prisonniers qu’ils soient politiques ou de droit commun (…) : privation de ses droits, isolement, famine, abandon, guerre d’usure, provocation quotidienne, pour attenter à son moral et lui nuire matériellement et moralement.

(…) Nous sommes privés depuis quinze années de l’accès élémentaires à la culture et l’enseignement (papeterie, livres quels qu’ils soient, revues). Le prisonnier est placé dans une prison éloignée de sa famille, ce qui l’épuise et la mène tout droit à la tragédie et les difficultés (…)

Le pouvoir contribue à rompre le lien entre le prisonnier et sa famille en le privant de visite directe, droit qu’il octroie aux prisonniers de droit commun, en le privant de colis postaux (sauf s’ils contiennent des vêtements), en le privant de correspondance libre, en limitant drastiquement le nombre des courriers à deux par mois et en réduisant la surface écrite de la lettre (…). Il n’a pas droit à recevoir les visites des proches que sont les neveux, les cousins et les amis. La visite se déroule sous la surveillance rapprochée de la police qui consigne tout ce qu’il dit à sa famille, contribuant à placer le parloir sous le signe de la peur alors qu’il devrait s’agir d’une rencontre intime.

(…) Le tout est aggravé par la planification des agressions sexuelles à répétition, les provocations de toutes sortes qui sont devenues le lot quotidien de tous les prisonniers d’opinion en Tunisie, la dernière étant celle qui a visé le prisonnier politique Nasser Bejaoui, et qui a été perpétrée par l’administration de cette prison. Il a été roué de coups simplement parce qu’il exerçait son droit à la grève de la faim. Il a été supplicié et on a tenté de le contraindre à arrêter sa grève.

Nous sommes fiers de cette grève courageuse et attachés à ses revendications ;

Nous avons été sensibles à cet esprit solidaire envers nous à une époque où ceux qui parlent se font rares (…)

(Traduction d’extraits ni revue ni corrigée par les auteurs de la version originale, LT)

Plaie saignante tant sur le plan économique que social

Tunis – Le Temps : Le secteur du textile – on ne le dira jamais assez – est d’une importance capitale pour l’économie tunisienne. Rien qu’à voir sa contribution aux entrées en devises l’on se rendra compte de la nécessité de tout faire pour lui éviter une chute qui soit désastreuse.

En effet, l’étape que traverse le secteur des textiles et du prêt à porter est très délicate et se caractérise par l’invasion des marchés européens et les produits chinois, depuis janvier dernier. Il n’est pas facile d’y parer. Mais il n’est pas impossible de le faire non plus dans le but de faire face à la concurrence.

L’important est de mettre le secteur sur la bonne voie grâce à l’exécution de programmes idoines sur les plans technique, financier et commercial.

 Programme triennal

Un programme triennal (2005-2007), a été conçu pour assurer l’encadrement technique souhaité. Il s’agit d’un programme qui gravite autour de cinq axes essentiels à travers l’organisation d’ateliers techniques orientés dans les principales villes tunisiennes, la mise en place de l’encadrement technique et du coaching.

Le but est d’aboutir à maîtriser les coûts de production, à améliorer l’organisation des ateliers, à développer la productivité, à rationaliser les investissements matériels consentis par l’entreprise et à réaliser les investissements immatériels prévus dans le cadre du plan de mise à niveau.

Au plan pratique, le coaching est une opération dont la réalisation implique l’intervention de l’Agence de promotion industrielle et du Centre technique des textiles.

Ce programme triennal prévoit, aussi, une assistance technique qui aiderait l’entreprise à passer du stade de la participation à la production à celui de la prise en charge totale de la production. Le financement de cette assistance sera assuré par l’Etat à travers le Fonds de développement de la compétitivité et l’Union européenne et la Banque mondiale par le biais du Fonds d’intervention sur les marchés extérieurs.

Le 5ème et dernier axe de ce programme est constitué du plan de la qualité qui prévoit la mise en place d’un système de gestion de la qualité du produit. Le but est d’assurer le respect des normes internationales.

Finances

Sur le plan financier, le programme s’étale sur trois années, également.

En quoi consiste ce programme d’encadrement ? Il est fondé sur trois éléments. En premier lieu, il s’agit de la consolidation du capital des entreprises de manière à passer de la sous-traitance au partenariat.

Cette assistance bénéficie aux entreprises qui auront fait l’objet d’une mise à niveau et qui auront justifié d’une situation financière équilibrée et réalisé un chiffre d’affaires à l’exportation égal ou supérieur à 500 mille dinars.

Le deuxième élément est un programme de restructuration financière des entreprises.

Le but est de garantir le financement du rééchelonnement de la dette à court terme (7 ans maximum).

En troisième lieu, il s’agit d’exploiter une ligne de crédit ouverte par l’agence française de développement pour un re-financement partiel des opérations de soutien des entreprises et du rééchelonnement des dettes à moyen et long termes.

Programme d’encadrement en marketing

C’est un programme fondé sur deux axes à savoir le passage de la sous-traitance au partenariat d’abord et du partenariat au stade de la production intégrale ensuite.

Le but poursuivi à travers la réalisation du premier axe est de mettre au point un plan qui englobe l’installation d’une cellule commerciale, la recherche d’associés, l’élaboration de brochures, la création de sites web et les visites des salons spécialisés.

Quant à l’objectif poursuivi à travers le deuxième axe est de mettre au point un plan de marketing qui faciliterait l’écoulement des produits dans un cour des marchés prometteurs.

Toutes ces actions sont réalisables certes mais demeurent insuffisantes tant qu’elles ne sont pas accompagnées de nouvelles mesures incitatrices

D’investissements technologiques qui constituent, par ailleurs, une priorité.

Ces investissements font l’objet d’un programme riche qui prévoit un encadrement technique relatif à l’amélioration de la productivité et de la qualité du produit, au développement des logiciels, à la concrétisation des brevets d’invention, à la constitution d’une banque de données et au recrutement d’experts en matière de qualité et de technologie de production.

(Source : « Le Temps » du 5 novembre 2005)