AFP: Réélection de Ben Ali:les USA « préoccupés » Reuters: Tunisian president wins fifth term in office AP: Tunisie: des opposants regrettent une « occasion ratée » pour un tournant démocratique Reuters: Tunisie – Ben Ali réélu sur un nouveau score triomphal AFP: Ben Ali reconduit sans surprise pour un cinquième mandat AFP: Election de Ben Ali: de précédents scores records dans le monde AP: Cinq ans de plus pour Ben Ali à la tête de la Tunisie AP: Tunisian president wins 5th term in landslide ATS/ANSA: Tunisia: elezioni, ben Ali presidente con 89,62% di voti Le Soir: L’irrésistible ascension de Leila Le Soir: Ben Ali et l’enfer du décor 20minutes: Ben Ali: Un cinquième mandat pour faire quoi? 20minutes: Catherine Graciet: «La dérive presque mafieuse de l’épouse Ben Ali» Le Télégramme: Tunisie. Ben Ali l’homme qui ne lâchait rien Le Monde: « Le Monde » accusé d' »appel au meurtre » en Tunisie Le Post: Le Monde appelle au meurtre en Tunisie… selon des journaux à la solde de Ben Ali Souhayr Belhassen « Ben Ali a choisi d’être sous la barre des 90% » » Le Monde: Tahar Belkhodja: Les Tunisiens rêvent de changement Café Babel: Ahmed Brahim : « Etre candidat aux élections en Tunisie, ce n’est un cadeau pour personne » Omar Khayyam: Des chiffres et des êtres DERBALI. Larbi: LE CHANT DES SIRÈNES.
Réélection de Ben Ali:les USA « préoccupés »
Tunisian president wins fifth term in office
* Washington « concerned » about vote but wants partnership
* Officials say vote was fair, opponents « spreading lies » * Results shows lack of freedom – opposition leader
By Christian Lowe and Tarek Amara TUNIS, Oct 26 (Reuters) – Tunisian President Zine al-Abidine Ben Ali has won a fifth term in office with 89.62 percent of the vote in a presidential election, officials announced on Monday. Some international rights groups said the vote was tainted by harassment of opposition activists and journalists, but Western governments will weigh that against Tunisia’s status as an ally in the fight against Islamist extremism. « We were concerned about the recent elections, » U.S. State Department spokesman Ian Kelly said in Washington. But he added that the U.S. administration was committed to working with Ben Ali to « advance the partnership between Tunisia and the United States ». Ben Ali, who is 73 and has been in power for 22 years, has rejected allegations that the vote was unfair and warned that anyone spreading lies to damage the country’s image will be prosecuted. « It is a matter of pride that the results have confirmed the peoples’ support for President Ben Ali and their trust in him, » Interior Minister Rafik Bel Haj Kacem told a news conference at his ministry to announce the outcome of the vote. He was interrupted several times by female ministry employees clapping, ululating, and shouting « Long live Ben Ali! » Many voters credit Ben Ali with turning Tunisia, which attracts millions of foreign tourists each summer, into a stable and relatively prosperous country in a region that suffers from poverty and political turmoil. His winning margin was down slightly compared with the 94.4 percent he received in the last election five years ago, a dip seen in Tunis as possibly helping to deflect foreign criticism over the latest vote. Ben Ali has established Tunisia as a moderate voice in the Arab world and Western governments view it as a bulwark against Islamist extremism — despite the reservations some of them have about its record on democracy. « LACK OF FREEDOM » Tunisia’s most prominent opposition figures did not take part in the election. Two of Ben Ali’s challengers on the ballot rarely criticise the president and the third acknowledged during the campaign that he could not win. « I do not accept these results, » said Nejib Chebbi, who is viewed by diplomats as one of Tunisia’s most credible opposition leaders and who boycotted the election. « You could look all around the world and you will only find results like these in countries that are dictatorships, where there is no freedom, » he told reporters. Tunisia is especially sensitive to criticism of its democracy record because it is expected to apply to the European Union next year for « advanced status » — which could give it preferential trade terms and boost its international standing. The Tunisian president came to power in 1987 when doctors declared his predecessor, Habib Bourguiba, unfit to rule after more than 30 years in power. Ben Ali’s RCD ruling party won 161 seats in the 214-seat parliament in a legislative election that was held simultaneously on Sunday, officials said.Tunisie – Ben Ali réélu sur un nouveau score triomphal
(Actualisé avec « préoccupation » américaine)Reuters, le 26 octobre 2009 à 20h50 par Christian Lowe et Tarek Amara TUNIS, 26 octobre (Reuters) – Le président tunisien Zine el Abidine Ben Ali a sans surprise été réélu dimanche pour un cinquième mandat sur un score triomphal, selon les résultats diffusés lundi par l’agence officielle de presse TAP. Ben Ali, 73 ans, a obtenu 89,62% des voix, un score légèrement inférieur aux 94,4% récoltés lors du précédent scrutin, en 2004. Comme attendu également, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), le parti du chef de l’Etat, a conservé sa très large majorité avec 75% des suffrages aux législatives qui se tenaient en même temps que la présidentielle. Si Ben Ali a fait de la Tunisie un Etat modéré du monde arabe, considéré par les gouvernements occidentaux comme un rempart contre l’islamisme intégriste, le bilan de Tunis en matière de droits de l’homme et de démocratie est très contesté. Le scrutin présidentiel de dimanche était ainsi marqué par l’absence des principales figures de l’opposition tunisienne. Des trois adversaires de Ben Ali, deux ne le critiquent que rarement et le troisième avait publiquement reconnu n’avoir aucune chance de l’emporter. Plusieurs associations de défense des droits de l’homme ont affirmé que la campagne électorale s’est déroulée dans un climat de répression. « Le régime a raté une nouvelle occasion de conduire une transition démocratique en Tunisie », a dit à Reuters Rachid Kechana, secrétaire général du Parti démocrate progressiste, principale formation d’opposition, qui a boycotté le scrutin. « L’élection n’avait pas de sens et les résultats le confirme », a-t-il ajouté. RÉPRESSION « Cela constitue une sujet de fierté: les résultats ont confirmé le soutien du peuple au président Ben Ali et la confiance qu’il place en lui », a déclaré le ministre de l’Intérieur Rafik Bel Hadj Kacem, responsable du déroulement du scrutin. Le ministre a été à plusieurs reprises interrompu lors de sa conférence de presse par les applaudissements et les youyou d’employées du ministère criant « Vive Ben Ali! ». Quelques heures avant l’ouverture des bureaux de vote, Ben Ali assurait que le scrutin serait démocratique et accusait ses opposants de diffuser des mensonges, affirmant que les rapports des ONG étaient erronés. Dimanche, les chiffres officiels faisaient état d’une participation élevée, mais la plupart des Tunisiens ne se faisaient aucune illusion sur le résultat à venir. « Quel est l’intérêt de participer ? Tout ce qui est en train de se passer, ce n’est que du spectacle », a déploré un jeune homme, qui a demandé à ne pas être nommé, dans un café de Tunis. D’autres électeurs interrogés devant les bureaux de vote assuraient que Ben Ali méritait un nouveau mandat pour avoir rendu le pays stable et prospère. « Il est le sauveur du pays », s’exclamait ainsi Nejia Azouzi, électrice de 50 ans qui venait de voter à Tunis pour le candidat sortant. A Washington, les Etats-Unis, alliés traditionnels de la petite Tunisie, ont fait part lundi de leur préoccupation. « Nous sommes préoccupés au sujet des dernières élections », a déclaré Ian Kelly, porte-parole du département d’Etat, ajoutant que l’administration américaine oeuvrerait avec le président Ben Ali « pour faire progresser le partenariat entre la Tunisie et les Etats-Unis ». Ben Ali, ancien général de police devenu Premier ministre du « père de la Nation », est arrivé au pouvoir en 1987, lorsque le président Habib Bourguiba a été déclaré incapable de gouverner pour raisons médicales, après trente ans au pouvoir. Confirmé par les électeurs à la tête de l’Etat en 1989, il a été réélu cinq ans plus tard sans opposition. Il a encore été reconduit en 1999 et 2004 avec 99% puis 94% des voix et ce, malgré l’introduction formelle du pluralisme.
Tunisie: des opposants regrettent une « occasion ratée » pour un tournant démocratique
Tunisie – Ben Ali réélu sur un nouveau score triomphal
Election de Ben Ali: de précédents scores records dans le monde
Cinq ans de plus pour Ben Ali à la tête de la Tunisie
Tunisian president wins 5th term in landslide
Tunisian president wins fifth term in office
Tunisia: elezioni, ben Ali presidente con 89,62% di voti
Tunisie : L’épouse du président Ben Ali a été très présente dans la campagne
L’irrésistible ascension de Leila
PORTRAIT
TUNIS
DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL
Alors que, thuriféraires serviles ou victimes résignées, les Tunisiens étaient conviés aux urnes ce dimanche pour « élire » à plus de 90 % et pour la cinquième fois depuis 1987 le président Ben Ali et un Parlement qui lui est tout dévoué, une rumeur enfle depuis quelque temps : Leila Ben Ali, la femme du « raïs », se profilerait comme candidate à la succession de son mari.
A la base de cette hypothèse, deux éléments : d’abord, la santé de Ben Ali, 73 ans, que l’on dit chancelante (mais ce bruit persiste depuis plus de dix ans), et, ensuite, l’irrésistible ascension de Leila, 52 ans, de plus en plus visible dans les médias locaux et, surtout, très présente lors de la campagne électorale qui vient de se clôturer. La première dame de Tunisie s’est même offert des meetings populaires dont elle était la vedette, bien qu’elle n’occupe aucune fonction officielle et ne brigue aucun mandat.
La visibilité de Leila Ben Ali durant la campagne à travers les quotidiens nationaux a même été mesurée par 5 ONG tunisiennes réputées. Leur verdict : Leila a occupé plus de 14 % de l’espace rédactionnel consacré aux législatives, alors que toute l’opposition réunie n’arrivait pas à 13 % (le reste étant monopolisé par le vrai faux parti unique, le RCD). « L’ascension de Leila Trabelsi est un facteur important, il montre une évolution possible du système », nous dit Nejib Chebbi, fondateur d’un parti d’opposition, le PDP, qui boycotte finalement les élections.
Mais qui est Leila Ben Ali, née Trabelsi ? Une femme d’origine modeste, d’abord, comme son mari, d’ailleurs ; pour les deux, il s’agit de secondes noces. Leila exerçait à l’origine la profession de coiffeuse. Son « clan », composé de ses filles et leurs maris, de ses dix frères et sœurs, est resté dans l’ombre pendant plusieurs années après son union avec le chef de l’Etat en 1992. Puis, la voracité des appétits familiaux s’est fait sentir, s’il faut en croire les mille et une histoires de corruption, concussion, prévarication et autres malversations qui circulent sur « la famille ».
Un livre, La Régente de Carthage, main basse sur la Tunisie, paru à Paris le 1er octobre aux Editions La Découverte et signé par les journalistes français Nicolas Beau et Catherine Graciet, fait la synthèse des turpitudes imputées au clan Trabelsi, qui a vainement tenté d’en empêcher la sortie en France (il est interdit en Tunisie). Les allégations contenues dans l’ouvrage feront-elles l’objet de poursuites judiciaires devant les tribunaux français ?
On ignore en tout cas si Leila Ben Ali-Trabelsi envisage de succéder à son mari ou si elle prépare le terrain pour l’un de ses frères ou de ses gendres. « Elle n’a pas l’âme de flic de son époux, on la voit tout de même mal réussir à dominer l’appareil du régime, les ‘services’, le parti, l’armée, trop de dents vont grincer. Et puis, il faut s’opposer à cette logique clanique, nous méritons mieux ! » : cette observation d’un intellectuel tunisois qui préfère l’anonymat semble assez répandue.
De nombreux Tunisiens font observer la montée en puissance de Mohamed Sakhr Materi, qui a épousé Nesrine, fille de Leila. A 28 ans, il est devenu d’une manière étonnamment fulgurante l’un des hommes les plus riches du pays et son étoile brille de manière de plus en plus ostentatoire. Mais d’autres mâles du clan pourraient aussi jouer leur carte.
De Leila Trabelsi, on dit qu’elle fréquente assidûment les gens qui comptent au sommet de l’Etat, qu’elle s’assure de leur loyauté. L’un d’eux, Abdelwahab Abdallah, le très influent ministre des Affaires étrangères, est considéré comme son plus proche conseiller… Certains la décrivent déjà comme plus puissante que n’importe quel ministre. Qui peut savoir où s’arrêteront ses ambitions ?
BAUDOUIN LOOS
(Source : « Le Soir » (Quotidien – Belgique) le 26 octobre 2009)
ÉPINGLÉ
Un « raïs » contrarié
Samedi, dans une allocution télévisuelle inopinée, c’est un président Ben Ali visiblement contrarié qui s’en est pris avec virulence aux Tunisiens qui, « à l’heure où le peuple tunisien vit au rythme de la campagne électorale de la présidentielle et des législatives, dans une ambiance de liesse incomparable, ne respectent pas le caractère sacro-saint de la patrie ni son intégrité (…) et ont poussé l’audace jusqu’au recours aux allégations mensongères et à l’incitation à une campagne désespérée auprès de certains journalistes étrangers, pour mettre en doute les résultats des élections avant même le dépouillement des voix». Et d’avertir : « La loi sera appliquée avec rigueur contre quiconque émettra des accusations ou des doutes concernant l’intégrité de l’opération électorale, sans fournir de preuves concrètes ». (B.L. avec ap)
(B.L. avec ap)
(Source : « Le Soir » (Quotidien – Belgique), le 26 octobre 2009)
Commentaire
Ben Ali et l’enfer du décor
« Le président Zine el-Abidine Ben Ali a été réélu à son poste ce dimanche par six millions de Tunisiens en liesse, enthousiasmés par la justesse de sa démarche civilisationnelle d’avant-garde, ses prodigieuses réussites économiques, les acquis sociaux irréfutables, qui ont façonné ce fameux modèle tunisien salué de par le monde ».
Voici, sans forcer le trait, comment la presse tunisienne célébrera la « victoire » écrasante de Ben Ali, sempiternel président depuis son coup d’Etat de 1987.
Et il y a même du vrai là-dedans ! Comme nous le disait un diplomate européen à Tunis, « avec le bilan économique et social qu’il présente, malgré quelques carences notables, on demeure consterné par le verrouillage des libertés dans ce pays».
Car, en effet, l’envers du décor, « l’enfer du décor », serait-on tenté d’écrire, est un régime de fer qui, comme nous le disait entre autres l’opposant Mustapha Ben Jaâfar, « ne tolère aucune voix discordante », qui ne conçoit les Tunisiens que comme de petits enfants admiratifs et obéissants.
A ceux qui osent braver le régime, un traitement impitoyable est réservé. Ennuis en tous genres, harcèlement policier, tabassage en règle, torture et prison pour les plus récalcitrants. Les journalistes étrangers sont suivis, voire expulsés comme notre consœur Florence Beaugé, du Monde. L’envoyé du Soir n’a pas eu à se plaindre de son côté. Mais notre quotidien et son site internet sont interdits en Tunisie depuis des lustres.
Le régime tunisien donne ainsi à ses censeurs toute raison de croire qu’il a beaucoup de choses à cacher. Et par exemple que les quelques rares voix courageuses audibles ont bien raison de dénoncer les dérives mafieuses des clans qui gravitent autour de la présidence.
Dans ce tableau, l’appui clair mais un peu veule de l’Union européenne à Ben Ali apparaît comme une trahison des idéaux démocratiques. Certes, la Tunisie bâillonne les islamistes (en même temps que les démocrates), elle freine l’immigration clandestine comme elle peut et, répétons-le, elle offre un bilan économique non négligeable.
Mais cela ne devrait pas priver Bruxelles d’exercer des pressions palpables pour que le discours démocratique du régime tunisien passe de la rhétorique à la pratique.
BAUDOUIN LOOS
(Source : « Le Soir » (Quotidien – Belgique) le 26 octobre 2009)
Ben Ali: Un cinquième mandat pour faire quoi?
Catherine Graciet: «La dérive presque mafieuse de l’épouse Ben Ali»
INTERVIEW – Elle est co-auteur, avec Nicolas Beau, du livre «La Régente de Carthage. Main basse sur la Tunisie» (éd. La Découverte)…
Dans quel état d’esprit sont les Tunisiens? Vous évoquezdans votre livre «une mauvaise odeur de fin de règne»…
Ils sont passifs et défaitistes car ils connaissent d’avance le résultat, sans faire quoi que ce soit pour que cela change. Il y a une ambiance de ras-le-bol. Beaucoup n’iront pas voter.
Vous décrivez aussi la mainmise sur le pays de la femme de Ben Ali, Leila Trabelsi, et de son clan. Qui a véritablement le pouvoir en Tunisie aujourd’hui?
C’est la grande question: monsieur ou madame? Ce qui est sûr, c’est que Ben Ali, ex-général et policier, gère tout ce qui est du domaine sécuritaire et diplomatique. Leila Trabelsi est, elle, très puissante dans l’économie.
Leila Trabelsi mène, selon vous, un double jeu, en première ligne pour défendre un féminisme d’Etat, mais discrète sur «les jeux du sérail». Une stratégie payante?
Jusqu’ici, oui. Elle n’a pas d’ambition pour elle-même, mais pour son clan, qu’elle place et renforce depuis son mariage, en 1992. Son frère, Belhassen Trabelsi, est ainsi devenu un des hommes les plus puissants du pays. C’est une dérive presque mafieuse.
Comment est-elle perçue par le peuple?
Le nom des Trabelsi est honni. Leila est surtout détestée par la grande bourgeoisie, qui ne peut plus faire de business comme elle veut, car elle doit bakchicher le clan Trabelsi dès qu’un business dépasse les 15.000 euros.
Comment sont les relations entre la France et la Tunisie aujourd’hui?
Plutôt bonnes. Ben Ali a rendu service à la France en adhérant à l’idée de Nicolas Sarkozy de faire l’Union pour la Méditerranée, et en plaidant pour elle auprès des pays voisins. En retour, Sarkozy a loué en 2008 «la progression de l’espace des libertés» en Tunisie, ce qui est faux : les ONG montrent une régression dans ce domaine.
Quel avenir pour le pays après Ben Ali?
La suite est incertaine. Je ne crois pas que Leila se présentera à la succession. Mais elle peut garder le pouvoir en plaçant un de ses hommes. La suite dépendra aussi des Etats-Unis, influents en Tunisie, et du rôle de l’armée et des services de sécurité, selon qu’ils optent pour la solution familiale ou non.

Tunisie. Ben Ali l’homme qui ne lâchait rien
25 octobre 2009
Cinq millions de Tunisiens ont commencé à voter dès 7h (GMT), pour réélire le président Ben Ali, qui a mis toutes les cartes dans son jeu. Les résultats officiels seront proclamés demain lundi.
L‘ancien ambassadeur de France en Tunisie, Jacques Lanxade, s’était épuisé à plaider les vertus de la démocratisation au président Ben Ali. Alors qu’il s’apprête à entamer un cinquième mandat de cinq ans, à l’âge de 73 ans, cet ancien commissaire de police ne veut rien entendre. Le représentant du Parti communiste ouvrier, Hamma Hammani, a été roué de coups à l’aéroport de Tunis par des gros bras du «parti», le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD). Lequel, sans être unique, a néanmoins infiltré toute la société par des organisations corporatistes. Un modèle écorné Le journal d’Ahmed Brahim, qui se présente contre le président, a été saisi. Et la journaliste Sihem Bensedrine, qui personnifie le mieux l’opposition, est menacée d’emprisonnement. En réalité, depuis les élections libres qui virent, il y a vingt ans, les islamistes obtenir 20% des voix, le régime s’est durci, devenant quasiment policier. L’image de ce petit pays de 20millions d’habitants en souffre, au grand dam d’Oussama Romdhani, directeur de l’agence tunisienne de communication extérieure (ACT). L’homme plaide, inlassablement, la réussite du modèle tunisien: d’une classe moyenne largement majoritaire dans la population, moins de 20% d’analphabètes (contre plus de 50% au Maroc), une sécu qui couvre les 9/10e de la population, avec très peu de Tunisiens vivant sous le seuil de pauvreté. Mais l’exemple algérien et les 150.000 morts de la guerre civile font craindre au régime d’être débordé par une libéralisation incontrôlée. Atmosphère de fin de règne Du coup, il s’en prend maladroitement à l’opposition laïque, après avoir interdit l’organisation islamiste Ennadha. Beaucoup s’interrogent donc, au sein du régime, sur la relève, alors qu’une atmosphère de fin de règne est perceptible à Tunis, comme le raconte Nicolas Beau, notre partenaire de Bakchich Info, dans un brûlot sur la femme du président, Leila Trabelsi, une ancienne coiffeuse reconvertie en Catherine de Médicis, dont la propension à faire «main basse sur la Tunisie» (1) serait proverbiale. Le livre aurait tellement inquiété les autorités tunisiennes qu’elles auraient proposé à l’auteur de le racheter pour le pilonner, tout en allumant de multiples contre-feux (2). Il reste à savoir si le clan familial, qui se fait aussi remarquer par ses frasques (comme ce neveu ayant dérobé un yacht en France) et prétend, par ailleurs, s’opposer à la déferlante des prédicateurs wahhabites sur le Maghreb, saura préserver les acquis du bourguibisme, en particulier les droits des femmes. (1) Sous-titre de «La Régente de Carthage», par Nicolas Beau et Catherine Graciet. La Découverte, 14 EUR. (2) Le numéro spécial des «Cahiers de l’Orient», consacré à «l’exception tunisienne», présenté comme un rempart contre l’intégrisme.
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Hubert Coudurier (Source: Le Télégramme le 25 octobre 2009)
« Le Monde » accusé d' »appel au meurtre » en Tunisie
Christophe Châtelot
A en croire la presse tunisienne de ces derniers jours, Le Monde ouvre ses colonnes à une « pseudo-journaliste », « Florence la terreur », « psychotique, hystérique », qui plus est « maléfique » « et par-dessus le marché idiote », pour couvrir l’actualité en Tunisie… A l’occasion de l’élection présidentielle tunisienne – qui a vu, dimanche 25 octobre, le président Zine El-Abidine Ben Ali reconduit sans surprise à la tête de l’Etat, pour un cinquième mandat consécutif, avec un taux officiel de presque 90 % des voix -, les journaux gouvernementaux tunisiens se déchaînent avec une rare violence contre l’envoyée spéciale du Monde, Florence Beaugé, expulsée de Tunisie mercredi 21 octobre, après une nuit passée sur un siège de l’aéroport de Tunis-Carthage. Pour justifier leur geste, les autorités tunisiennes ont évoqué « une malveillance patente à l’égard de la Tunisie et des partis pris systématiquement hostiles« .
La campagne de presse qui a aussitôt suivi à Tunis est menée notamment par As-Sabah et Le Temps – deux titres qui sont la propriété du gendre du président Ben Ali, Sakhr El-Materi -, par Le Renouveau, l’organe officiel du parti au pouvoir le RCD (Rassemblement constitutionnel démocratique), ainsi que par La Presse, As-Safah et Ach-Chourouk. Elle fait suite à la publication par Le Monde, les 22, 23 et 24 octobre, de trois reportages signés Florence Beaugé. Les bons comme les mauvais côtés de vingt-deux ans de bénalisme y étaient soulignés, y compris l’exaspération de la population tunisienne face à la façon dont la famille Ben Ali et celle de son épouse, Leïla Trabelsi, s’accaparent les richesses du pays.
Pour avoir soulevé ce sujet tabou – beaucoup plus que la question des droits de l’homme -, notre consoeur se voit accuser d' »appeler au meurtre », « au coup d’Etat et à l’attentat en Tunisie », au moment où le pays « franchit un nouveau pas important en matière de démocratie et de pluralisme ». Dressant une comparaison avec la radio des Mille Collines et le génocide de 1994 au Rwanda, La Presse réclame en conséquence « la justice pénale internationale » pour Le Monde et Florence Beaugé, « transie de haine », « bonne pour la psychanalyse » et ses articles « scandaleux » qui ne visent qu’à « casser de la Tunisie« .
Samedi, à la veille de la présidentielle, alors que la campagne électorale était terminée depuis vingt-quatre heures, le président Ben Ali a fait une déclaration solennelle à la télévision, accusant ses détracteurs de mener « une campagne désespérée » auprès de « certains journalistes étrangers » avant de les menacer de poursuites judiciaires s’ils émettaient « des accusations ou des critiques concernant l’intégrité de l’opération électorale », sans fournir « de preuves concrètes« .
(Source : « Le Monde » (Quotidien – France), le 27 octobre 2009)
Le Monde appelle au meurtre en Tunisie… selon des journaux à la solde de Ben Ali.
Ben Ali a choisi d’être sous la barre des 90%
Comme prévu, Zine El Abidine Ben Ali a été réélu à la présidence en Tunisie. Pour leJDD.fr, Souhayr Belhassen, journaliste et présidente de la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH) revient sur cette élection jouée d’avance. Et dénonce l’attitude de la France.
Au pouvoir depuis 22 ans,Ben Ali a été réélu dimanche, avec un score de 89,62%. Une surprise? Finalement c’est une surprise. Car pour la première fois, Ben Ali est descendu sous la barre des 90%. Les critiques à son encontre, qui se sont multipliées ces dernières semaines, ont eu au moins cet effet là. Mais c’est une première qui malheureusement ne veut rien dire. En réalité, le vote a bel et bien été manipulé.
De quels types de manipulations parlez-vous? Les enveloppes étaient transparentes. Dans le guide de l’électeur, il est écrit que l’isoloir n’est pas obligatoire, pour certains, l’inscription sur les listes électorales a été un véritable parcours du combattant, etc. Selon les chiffres officiels, 70% des Tunisiens adhèrent au RCD (Rassemblement constitutionnel démocratique), le parti-Etat de Ben Ali, ce qui ne laisse plus grand-chose pour les autres partis. Plusieurs d’entre eux ont d’ailleurs été éliminés de la course grâce au tripatouillage du code électoral. Enfin, les médias et internet ont été censurés.
S’agit-il de fraudes directes ou bien davantage de manipulation des électeurs? Les deux. Il y a des fraudes avant et après le scrutin. Les électeurs sont amenés au bureau de vote par camions entiers. A l’étranger, les ambassadeurs offrent des réceptions juste avant les élections, et leurs participants se retrouvent aussitôt inscrits sur une liste de soutien à Ben Ali. Ce n’est d’ailleurs pas étonnant qu’il obtienne son meilleur score chez les Tunisiens de l’étranger (95%). Cette mascarade ne trompe personne.
« Ben Ali n’est pas un rempart contre l’islamisme »‘
La semaine dernière, Florence Beaugé, journaliste au Monde, n’a pas pu entrer sur le territoire tunisien… C’est inquiétant car on constate un durcissement du régime même à l’égard des pays amis et de ses partenaires pourtant condescendants.
Pourtant, cette situation a suscité peu de réactions, notamment en France… C’est scandaleux. Le Quai d’Orsay n’a pas réagi. La France attend de féliciter Monsieur Ben Ali. Avec un score en-dessous de 90%, on pense même qu’il a été raisonnable!
La France voit-elle en Ben Ali un rempart contrel’islamisme? Ben Ali n’est pas un rempart contre l’islamisme. Ben Ali, c’est « plus islamiste que moi tu meurs« . Il a placé son gendre à la tête de la radio Zitouna, la radio de l’université islamique. Ecoutée dans tous les taxis de Tunis, elle diffuse des appels à la prière, fait la genèse du Coran, etc. Le régime islamiste entre à petit pas. Avant, les matches de foot n’étaient pas interrompus par l’appel à la prière. Aujourd’hui, on construit des mosquées à tire-larigot. Ben Ali dit qu’il protège le pays des islamistes mais en même temps, il les installe. C’est un nouveau projet de société: islamiser la société mais en soft.
Sarkozy, « un représentant de commerce »
Le soutien de Paris à Ben Ali – ou en tout cas l’absence de critiques – s’explique-t-il par la persistance de réseaux, comme ailleurs en Afrique? Sarkozy en Tunisie, c’est un représentant de commerce. Il est allé vendre ses Mirage l’an dernier. Les droits de l’Homme, il n’en a rien à faire. La Tunisie est le premier client de la France. Dans ces conditions, il y a clairement un manque d’intérêt pour la gestion interne de Ben Ali, pourvu qu’il maintienne le cap des échanges vers la France, et non vers la Chine ou le Golfe. Ben Ali en joue d’ailleurs, il rappelle régulièrement à la France que l’argent attend aussi dans le Golfe.
Certains hommes politiques français, commeEric Raoult, membre du groupe d’amitié France-Tunisie à l’Assemblée nationale, estiment que ceux qui critiquent le régime de Ben Ali ne connaissent pas la Tunisie actuelle. Qu’en pensez-vous? Ils ne voient dans la Tunisie que ses hôtels de luxe. Ils vont dans des ghettos touristiques et voient la Tunisie avec des lunettes dorées. Ils ne voient pas la révolte sociale. Encore récemment, des centaines de jeunes chômeurs diplômés sont descendus dans les rues. Il y a eu des morts, des arrestations et de lourdes condamnations. Mais ça, ils veulent l’ignorer. C’est trop confortable de dire que tout ça correspond à la Tunisie d’il y a quinze ans. Aujourd’hui, Ben Ali a choisi d’être sous la barre des 90% pour que des gens comme Eric Raoult puissent dire « on exagère, ce score est tout à fait décent« .
Dans ces conditions, pourquoi ne pas « choisir », comme vous dites, un chiffre plus bas et donc plus réel? Parce que ce score a aussi et surtout une portée interne. Il faut arrêter la baisse avant qu’elle ne soit contre-productive et ne signifie une baisse de popularité pour Ben Ali.
(Source: « Le Journal Du Dimanche » le 26 octobre 2009)
Les Tunisiens rêvent de changement
Ahmed Brahim : « Etre candidat aux élections en Tunisie, ce n’est un cadeau pour personne »
Commentaire à chaud
Des chiffres et des êtres
Monsieur X est satisticien auprès de l’Institut National de Satistiques ( INS ) à Tunis. Je lui ai demandé de commenter à chaud les résultats de l’élection présidentielle tunisienne.
O.K. : Monsieur X, le général Ben Ali a recueilli 99,27 % des suffrages en 1989 ; 99,91 % en 1994 ; 99,44 % en 1999, 94,48 % des suffrages en 2004, mais seulement 89,62% en 2009. Quelle conclusion en tirez-vous ?
M.X : Je constate que, malheureusement, la popularité du président est en train de dégringoler. Depuis 2004, il perd à peu près 5% des voix exprimées tous les 5 ans. C’est une donnée inquiétante, émouvante. Cette érosion électorale me donne des sueurs au dos en tant que statisticien.
O.K. : Pourquoi ?
M.X : D’après mes calculs, si la tendance ne se renverse pas, Ben Ali descendra au-dessous du seuil fatal de 50% en 2049.
O.K. : Mais il pourrait gagner au deuxième tour !
M.X : Peu probable qu’il gagne le deuxième tour car ceux qui n’auront pas voté pour lui au premier tour, voteront logiquement pour le deuxième candidat en lice pendant le second tour de l’élection.
O.K. : Donc, les Tunsiens doivent se préparer psychologiquement à « perdre » Ben Ali en 2049 ?
M.X : Tout à fait. J’ai déjà commencé à préparer pscyologiquement mes enfants, âgés de 2 et 4 ans, à s’attendre à un changement brutal dans 40 ans. C’est pas facile, c’est triste mais il faut le faire…
(Source: le Blog de Omar Khayyam le 26 octobre 2009)
LE CHANT DES SIRÈNES.