Jeune Afrique: La galaxie Ben Ali
Le Temps: … Et maintenant, se remettra-t-on au travail
Le Temps: Pluies diluviennes à Sfax
Invitation a une conférence de Presse CAMPAGNE JUSTICE ET VERITE POUR HAKIM AJIMI
Une ONG de la presse critique le manque de liberté en Tunisie
03/10/2008
Le Comité pour la Protection des Journalistes a publié un rapport spécial sur la liberté de la presse en Tunisie, dans lequel il affirme que le gouvernement continue de museler les journaux d’opposition et les articles objectifs.
Par Jamel Arfaoui pour Magharebia à Tunis – 03/10/08
Le Comité pour la Protection des Journalistes (CPJ) a publié un nouveau rapport très sévère sur l’état de la liberté de la presse en Tunisie. Cette étude, publiée le 23 septembre sur le site web du comité, estime que la liberté de la presse est déficiente dans le pays.
Joel Campagna, coordinateur du programme du CPJ chargé du Moyen Orient et de l’Afrique du Nord, a rencontrédes représentants des médias et des journalistes en Tunisie en juin et en juillet. Aucun responsable du gouvernement n’a accepté de le rencontrer pour contribuer à donner une perspective officielle à cette étude.
Pour étayer ses affirmations, M. Campagna fait état de plusieurs exemples, dont une discussion sur les méthodes utilisées par les autorités pour “assiéger” les journalistes et les journaux jugés critiques envers le gouvernement.
Il y évoque notamment l’affaire du journaliste Slim Boukhdir, condamnéà un an de prison en décembre 2007 mais relâché en juillet dernier. Ce rapport conclut que le procès de Boukhdir était une représaille de la part de l’Etat pour ses critiques très dures contre de hautes personnalités du pays.
Les autorités tunisiennes affirment pour leur part que l’arrestation de Boukhdir n’avait rien à voir avec son travail de journaliste.
Ce rapport, intitulé “L’Oppresseur Souriant”, explique que le régime tunisien n’autorise aucune critique. “La presse écrite ne critique pas le Président et est en grande partie paralysée par une forme d’auto-censure”, affirme-t-il. “Les quelques voix critiques qui s’expriment sur lnternet, pour des publications étrangères et pour des hebdomadaires d’opposition à faible tirage, sont régulièrement harcelées et marginalisées par les autorités tunisiennes.”
Le CPJ conclut que bien que plusieurs journalistes aient été poursuivis par la loi depuis plusieurs années, “les autorités préfèrent utiliser des méthodes plus subtiles pour contrôler leurs voix.”
Selon ce rapport, le gouvernement refuse d’accorder des licences à des médias écrits et audiovisuels qu’il juge trop critiques, et contrôle la distribution des subventions gouvernementales et des recettes publicitaires, pour pouvoir favoriser les publications qui soutiennent le régime.
Enfin, selon ce rapport, “les journaux ouvertement critiques sont saisis par la police. Les sites d’information en ligne trop critiques, ceux appartenant à des groupes internationaux des droits de l’Homme, et le site de partage de vidéos YouTube sont bloqués par le gouvernement.”
S’exprimant à propos de ce rapport du CPJ, Neji Bghouri, secrétaire général du Syndicat National des Journalistes Tunisiens (SNJT), a expliqué à Magharebia qu’il avait été surpris par “l’absence de toute mention du [SNJT], du fait en particulier que Campagna avait rencontré ses membres et parlé avec eux de plusieurs problèmes des médias lors de son séjour en Tunisie”.
Lors d’un colloque organisé le mois dernier, M. Bghouri avait déclaré : “Nous ne pouvons imaginer une quelconque évolution du pluralisme et de la démocratie dans notre pays aussi longtemps que les autorités… chercheront à exercer une surveillance et un contrôle. Cela a empêché la possibilité de disposer d’une presse libre, indépendante et pluraliste telle que celle que connaissent les sociétés démocratiques.”
Aboubakr Esseghair, du magazine privé L’Observateur est d’un avis différent. Selon lui, la presse en Tunisie est sur la voie du pluralisme.
“Il est difficile de décrire les médias tunisiens de manière aussi vague”, a-t-il poursuivi. “Et cela, pour au moins deux raisons : la première est qu’il y a une volonté politique de développer la scène des médias en Tunisie, une avancée importante qui doit être préservée ; la seconde est que nous disposons en Tunisie d’une législation suffisante qui protège la liberté de la presse.”
Dans le rapport du CPJ, le directeur de la publication de Dar Assabah, Raouf Cheikhrouhou, a été interrogé sur le point de savoir pourquoi son journal (qui comprend le quotidien Assabah très populaire, qui tire à 40 000 exemplaires) ne parlait pas de la corruption officielle et ne critiquait pas les responsables de l’Etat. Pour lui, la raison en tient à la législation tunisienne.
“Il existe en Tunisie un Code de la presse, et vous devez respecter la loi”, a-t-il expliqué. “Aux termes de cette loi, nous ne pouvons porter atteinte à la crédibilité du Président. La Tunisie, ce n’est pas l’Europe. C’est un pays arabe musulman. … Nous avançons pas à pas, et je pense que la presse va dans la bonne direction.”
(Source: “Magharebia.com” le 3 octobre 2008)
Lien:http://www.magharebia.com/cocoon/awi/xhtml1/fr/features/awi/features/2008/10/03/feature-01
La galaxie Ben Ali
Abdelaziz Barrouhi, à Tunis
À nouvelle étape, nouvelles têtes. La Tunisie est à un an des élections législatives et présidentielle de 2009. Pour le président Zine el-Abidine Ben Ali, 71 ans, assuré de l’emporter et d’accomplir ainsi un cinquième – et dernier – mandat de cinq ans, le chômage des jeunes constitue une source de préoccupation majeure, compte tenu surtout des incertitudes qui pèsent sur la conjoncture économique européenne.
Sans doute ces considérations ont-elles pesé lorsque le président a mis en place sa nouvelle équipe en cette période de rentrée politique. Une installation conduite en trois temps : le renouvellement du Comité central du parti, lors du congrès du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD, au pouvoir) qui s’est tenu du 28 juillet au 2 août, le remaniement partiel du gouvernement le 29 août et la recomposition du Bureau politique du RCD le 5 septembre. Si cette redistribution des rôles obéit au credo du « changement dans la continuité » cher au président, elle n’en a pas moins abouti – une première depuis vingt ans – à la désignation d’un numéro deux du régime – le Premier ministre Mohamed Ghannouchi -, au rajeunissement d’une partie de l’équipe gouvernementale et à l’envoi de signaux laissant présager que la prochaine étape sera celle d’une plus grande ouverture. Voyage dans la nouvelle galaxie Ben Ali.
Dans le régime présidentiel tunisien, le chef de l’État est seul maître à bord. Tout procède de lui. C’est lui qui compose le gouvernement, orchestre les nominations, préside, outre le Conseil des ministres, qui se tient chaque mois, les conseils interministériels sectoriels (au moins une fois par semaine). Autour de lui gravite une équipe de collaborateurs dévoués que l’on peut répartir en quatre cercles. Le premier se compose de membres du Bureau politique du RCD, le parti-État présidé par Ben Ali. Le deuxième est constitué des membres du staff de la présidence. Le troisième regroupe les valeurs sûres ou prometteuses dans la technostructure gouvernementale. Le quatrième cercle, enfin, hétéroclite et plus informel, rassemble des hommes d’affaires et, bien sûr, des proches.
« Les quatre mousquetaires »
Dans le premier cercle figurent ceux que l’on pourrait appeler « les quatre mousquetaires » : Mohamed Ghannouchi, Premier ministre depuis 1999, qui devient le numéro deux du parti-État après sa désignation comme unique vice-président du bureau politique du RCD (il remplace à ce poste Hamed Karoui, 80 ans, sur le départ pour raisons de santé) ; Abdelaziz Ben Dhia, ministre d’État, conseiller spécial auprès du président de la République et porte-parole de la Présidence, qui jouait jusque-là le rôle de Premier ministre-bis pour les affaires politiques ; Abdelwahab Abdallah, ministre des Affaires étrangères, qui dispose d’un atout de poids : il a longtemps été un pensionnaire du palais présidentiel et, de ce fait, sait aller au-devant des attentes du chef de l’État ; enfin, Mohamed Ghariani, ancien conseiller spécial auprès du président Ben Ali, dont il a été le communicant et qui s’est vu confier le secrétariat général du RCD, une mission qui prend tout son sens à un an des élections.
Les quatre hommes font partie du bureau politique, composé de 9 personnes, toutes choisies par le chef de l’État parmi les 350 membres du Comité central, dont 80 sont désignés par lui-même.
Les membres du cabinet présidentiel, qui constituent le deuxième cercle, gardent généralement un profil bas. N’ayant théoriquement pas de pouvoirs de décision, ils ont pour rôle de préparer celles du président et d’en assurer le suivi selon leur compétence. Leurs noms ne sont souvent connus du grand public que lorsqu’ils quittent le Palais pour un poste ministériel. Ahmed Iyadh Ouederni, 55 ans, ministre-directeur du cabinet présidentiel, est un universitaire dont on sait qu’il a pour principale charge de coordonner la préparation des discours du président. Parmi les neuf ministres conseillers, chefs des départements qui couvrent la quasi-totalité des secteurs et qui fonctionnent sous la houlette de Ben Dhia, les plus connus sont l’universitaire Mongi Safra, 58 ans, chargé des Affaires économiques, Hamed Mlika, 69 ans, pour les Affaires politiques, Abdelhamid Slama, 66 ans, pour les Sports et la Culture, Slaheddine Cherif, 71 ans, secrétaire général de la présidence chargé des Affaires juridiques, et Taoufik Cheikhrouhou, 63 ans, pour les Affaires sociales, dont il a été auparavant le ministre.
Les valeurs sûres
Le passage de la pépinière présidentielle au troisième cercle, qui regroupe plusieurs membres du gouvernement, est fréquent. Ainsi de Nouri Jouini, 47 ans, qui, après des études à HEC Tunis et un PhD aux États-Unis, a connu une ascension fulgurante, passant de l’enseignement universitaire aux fonctions de conseiller économique à la Présidence, puis de secrétaire d’État à la Privatisation et, depuis 2002, de ministre du Développement et de la Coopération internationale. Idem pour Rafik Hadj Kacem, 58 ans, ancien ministre conseiller du président, nommé, en 2002, ministre de l’Intérieur et du Développement local, et, plus récemment, pour Slim Tlatli, 57 ans, qui, après avoir dirigé l’unité présidentielle chargée du suivi des grands projets des investisseurs du Golfe, est passé au rang de ministre de l’Emploi et de l’Insertion professionnelle des jeunes, avec pour mission de remettre à niveau ce secteur, qui est l’une des priorités du gouvernement.
Plusieurs ministres, par leur présence dans les gouvernements successifs, peuvent être rangés dans la catégorie des valeurs sûres. C’est le cas de Afif Chelbi, 54 ans, ministre de l’Industrie, de l’Énergie et des Petites et Moyennes Entreprises, dont les performances sont remarquables. C’est aussi le cas de deux ministres qui accompagnent Ben Ali depuis son arrivée au pouvoir, en 1987 : Mondher Zenaidi, 57 ans, qui, après un passage remarqué aux ministères du Transport, du Tourisme et surtout du Commerce, est aujourd’hui chargé de la modernisation du secteur de la santé, et Abderrahim Zouari, 63 ans, qui s’est bien adapté au ministère, technique, des Transports, se débarrassant du même coup de l’étiquette de « ministre politique » qui lui a longtemps collé à la peau. Plusieurs ministres clés peuvent compter dans ce cercle : c’est le cas de Béchir Tekkari, 56 ans, ministre de la Justice et des Droits de l’homme, de Kamel Morjane, 60 ans, ministre de la Défense, ancien haut-commissaire adjoint de l’ONU pour les réfugiés et ancien représentant spécial du secrétaire général de l’ONU en République démocratique du Congo, qui passe pour être un ami du président, et Rachid Kechich, 57 ans, ministre des Finances. Gouverneur de la Banque centrale, Taoufik Baccar, 58 ans, est également apprécié en haut lieu pour son rôle dans la restructuration et l’assainissement du secteur bancaire, ainsi que dans la libération du change extérieur.
Comme Sarkozy
Dernière recrue en date au sein du troisième cercle, Samir Labidi, 46 ans, nouveau ministre de la Jeunesse, des Sports et de l’Éducation physique. Sa promotion s’inscrit dans le cadre de la politique d’ouverture de Ben Ali qui consiste, comme celle de Sarkozy, à débaucher les meilleurs éléments de l’opposition, comme il l’a fait avec Moncer Rouissi, l’un de ses plus proches collaborateurs dès 1987, et, par la suite, avec feu Daly Jazi et feu Mohamed Charfi. Avocat de profession, Labidi a été un contestataire lorsqu’il était secrétaire général de l’Union générale des étudiants de Tunisie (Uget), avant d’être sollicité par le chef de l’État, qui le nomme représentant permanent de la Tunisie auprès de l’Office de l’ONU, à Genève, où il a défendu le dossier des droits de l’homme.
La galaxie Ben Ali s’étend à un quatrième cercle comprenant des chefs d’entreprise comme Aziz Miled, 72 ans, Moncef Mzabi, 56 ans, qui ont fait partie de ses comités de campagne lors des précédentes présidentielles, Hédi Djilani, 60 ans, patron des patrons, ainsi que Belhassen Trabelsi, 45 ans, et Sakhr Materi, 28 ans, par ailleurs des proches par alliance – le premier est son beau-frère, le second son gendre – et membres du comité central du RCD.
(Source : « Jeune Afrique » (Magazine Hebdomadaire – France), N° 2488 du 14 au 20 Septembre 2008)
Mohamed Ghannouchi : À l’ombre du chef
Abdelaziz Barrouhi
Premier ministre depuis 1999, Mohamed Ghannouchi se plaisait à dire, il y a quelques années, sur le ton de la plaisanterie, qu’il n’était que le premier des ministres. Il avait tout simplement compris qu’il était dans un système présidentiel.
Grand serviteur de l’État, simple, plein d’humilité, efficace et effacé, son profil est exactement ce que le président Ben Ali apprécie le plus. Ghannouchi aime travailler à l’ombre du chef de l’État, en bonne intelligence avec lui. Invariablement, chaque lundi, il se rend au palais présidentiel pour lui rendre compte des activités du gouvernement et de « son programme de travail pour les prochains jours ».
Les dossiers politiques étant généralement traités à la présidence par Abdelaziz Ben Dhia, cet économiste de carrière se consacre plus particulièrement à la mise en œuvre de la politique socio-économique, dont les secteurs font l’objet, au moins une fois par semaine, de conseils interministériels présidés et animés par le chef de l’État, qui, en matière économique, ne s’en laisse pas conter.
Un signe qui ne trompe pas : les bailleurs de fonds, dont les institutions de la Banque mondiale, se bousculent pour financer les plans de développement successifs que Ghannouchi est chargé de mettre en œuvre. Ce n’est pas un hasard si ce dernier est hautement apprécié par les grands investisseurs étrangers, dont il est l’interlocuteur privilégié. 75 % à 80 % des échanges extérieurs de la Tunisie se faisant sur les marchés de l’Union européenne, Ghannouchi garde en permanence un œil sur les indicateurs des économies de ses pays membres.
Libéral, gestionnaire prudent, homme d’équilibre, sensible au langage des chiffres, il est égal à lui-même depuis qu’il est entré au gouvernement, en octobre 1987, lorsque Ben Ali, à l’époque Premier ministre de Bourguiba, l’avait désigné comme ministre délégué en charge du plan de développement.
Abdelaziz Ben Dhia : Le théoricien
Abdelaziz Barrouhi
Il était à la tête du comité de campagne de Ben Ali lors de la dernière élection présidentielle, en 2004. Abdelaziz Ben Dhia est en fait en campagne perpétuelle pour le chef de l’État. Il suffit de le voir à l’arrière d’une tribune donner, avec des gestes de mime, le signal pour déclencher ou arrêter les applaudissements tout au long des discours que Ben Ali prononce en public dans les grandes occasions. Mais il n’est pas qu’ordonnateur. Il est le seul ministre d’État du gouvernement, et son bureau à la présidence est un back office de « cuisine politique ». Professeur de droit privé formé à l’université de Toulouse, il s’est imposé comme spécialiste de droit constitutionnel en tant que cheville ouvrière de la réforme de la Constitution, en 2002.
Malgré ses allures d’universitaire tout en rondeur, cet homme est un apparatchik dont la seule ambition a pour nom Ben Ali. Fils d’une figure de la lutte pour la libération nationale, doyen d’université, il avait été nommé par Bourguiba ministre de l’Enseignement supérieur. Lorsque Ben Ali est arrivé au pouvoir, il l’a placé à la tête du parti, puis de la Défense, avant de l’appeler au palais présidentiel de Carthage en 1999, où il a fait montre d’un loyalisme sans faille.
Abdelwahab Abdallah : La voix de la Tunisie et du président
Abdelaziz Barrouhi
Lorsque le président Ben Ali est arrivé au palais présidentiel de Carthage en 1987, Abdelwahab Abdallah était déjà un familier des lieux depuis de nombreuses années. Après avoir été chef de cabinet du ministre-directeur du cabinet présidentiel, il dirige l’agence de presse nationale, puis le quotidien francophone La Presse, avec accès libre au Palais, où il lui arrive de lire les journaux à un Bourguiba vieillissant. On ne se sépare pas d’un homme du sérail au profil si peaufiné et à la tête bien faite, si l’on en juge par son couffin de diplômes décrochés dans des universités françaises : droit public, gestion des entreprises et doctorat en sciences politiques. Ben Ali l’a d’abord maintenu dans ses fonctions de ministre de l’Information, qu’il occupait sous Bourguiba, avant de l’envoyer, en 1988, parfaire sa formation auprès des Anglo-Saxons comme ambassadeur à Londres. De retour en 1990, il devient ministre-conseiller et porte-parole de la présidence de la République. Le poste de ministre de l’Information est presque devenu superflu, Abdallah tenant bien en main le secteur. En 2003, une retraite de quelques jours, consécutive à un incident technique dans le montage d’une actualité présidentielle, a fait croire à ceux qui l’accusent de tous les maux de la presse tunisienne qu’il était tombé en disgrâce. Ils se sont trompés. Abdallah cède formellement le titre de porte-parole à Ben Dhia, mais reste à son poste. Au début de 2005, il est nommé ministre des Affaires étrangères et devient le porte-voix de la Tunisie et de… Ben Ali.
Mohamed Ghariani : Génération Ben Ali
Abdelaziz Barrouhi
Jeune, modeste, peu porté sur la langue de bois, c’est l’homme que personne n’attendait, surtout pas à la direction du parti au pouvoir, le RCD. Un bon point pour l’image de ce dernier. Jusque-là, Ben Ali avait nommé à sa tête des hommes politiques hérités de l’ère Bourguiba. Le voilà maintenant qui dispose d’un homme entièrement formé politiquement sous son ère et qui était encore étudiant en 1987. Un pur produit Ben Ali. S’il a rejoint les rangs du parti quatre ans plus tôt, ce sociologue, donc bien outillé pour comprendre les transformations sociétales, s’est formé à la politique en devenant, en 1989 et sous Ben Ali, secrétaire général du bureau national des étudiants du RCD. Jusqu’à cette date, rares étaient les étudiants qui se déclaraient liés au parti au pouvoir sur un campus dominé par les marxistes. Avec Ghariani, ils vont regagner le terrain perdu et même supplanter la gauche.
Il poursuit sa carrière au RCD, fait une plongée dans le pays profond en tant que gouverneur de la région centrale de Sidi Bou Zid, alors réputée pauvre, puis se hisse au rang de secrétaire général adjoint du RCD en 2001-2002, chargé de la jeunesse, de l’éducation et de la culture, puis des relations avec les organisations et les associations. En 2005, Ben Ali le nomme ambassadeur à Londres. Deux ans plus tard, en janvier 2007, il le rappelle à ses côtés en tant que conseiller principal chargé notamment de la communication. C’était encore pour lui confier une mission plus importante : préparer le RCD pour gagner les élections de 2009 et ouvrir la voie à la génération montante.
(Source : « Jeune Afrique » (Magazine Hebdomadaire – France), N° 2488 du 14 au 20 Septembre 2008)
… Et maintenant, se remettra-t-on au travail
?
Alors que la planète flambe et que le cataclysme monétaire a déjà éclaboussé l’Amérique et menace sérieusement l’Europe, ici, en Tunisie, nous en sommes toujours à nous interroger sur le sexe des anges, à faire de la fausse dévotion face aux paroles du Mufti qui n’a pas vu le croissant,à nous piaffer durant les journées ramadanesques de dialectique existentialiste sur les feuilletons et à toujours redécouvrir cette fibre masochiste que nous avons à dépenser toujours, “sous prétexte” que nous gagnons moins.
Avant-hier soir, il régnait un soupçon de couvre-feu sur Tunis. A Sfax, les agriculteurs entrevoyaient les signes d’une clémence du ciel, avant que celui-ci ne crache des pluies diluviennes. Durant deux jours, la Tunisie s’est endormie malgré les cris stridents des enfants qui apprenaient, jadis, aux adultes l’art de faire la fête mais qui ne savent plus la faire eux-mêmes. Les Tunisiens font semblant, comme le dirait Brel. Ils discutent tabous sociaux, riches et pauvres, racisme, harcèlement sexuel qu’auront courageusement dévoilés les fictions ramadanesques. “C’est un pas de plus franchi, à leurs yeux, sur le chemin de la démocratie et de l’harmonie sociale”. Toutes les facettes et les contrastes de la société y sont disséqués : du coup, on se rend compte qu’il y a encore beaucoup à faire.
Nous sommes ainsi passés des lubies extraverties des festivals d’été à l’opacité des fictions télévisées fussent-elles travesties en autant d’incitations à l’évasion. Entretemps, nos enfants avaient repris le chemin de l’école, mais les enseignants n’y étaient pas encore tous. A l’université, c’est l’inverse: les profs sont là, les étudiants, non.
L’administration retrouve sa vocation kafkaïenne, ses dédales inexplorables et ses humeurs pestilentielles. Les caissiers des banques ruent dans les brancards si un client un peu trop riche vient effectuer un gros versement une heure avant la fermeture. Les préposés au comptoirs s’énervent si un client pas trop riche vient effectuer un petit retrait au moment où le gros bonnet fait son gros versement.
La flambée du pétrole? La chute du dollar? Les poussées de l’euro qui sont en train d’appauvrir l’Europe et risquent de ralentir le processus de convertibilité totale du dinar? C’est trop savant pour nous autres Tunisiens. Et puis voyons, pourquoi ces appels alarmistes, pourquoi nous effrayer si l’Etat providence a toujours réfléchi pour nous, travaillé pour nous, et cassé la tire-lire pour nous! Et puis on a toujours magnifié la capacité tunisienne à faire face aux chocs exogènes. Qui peut le plus, peut le moins: si nous résistons aux chocs exogènes, nous savons annihiler les chocs endogènes et avant même qu’ils ne surviennent.
Le plus curieux dans tout cela c’est que, jadis, très sensibles à ce qui se produit à l’étranger, nos concitoyens ne se sentent guère plus concernés par les soubresauts de l’économie mondiale. Dépenses effrénées; endettement faramineux des ménages; tendance à vivre au-dessus de ses moyens et le tout sur fond de paresse pénalisant la productivité dans le travail et, donc, la croissance.
Déjà les inégalités dans le monde du travail font que les 1/10e de la population activement sur-payés par rapport à ce qu’ils ne font pas et que le reste sont sous-payés par rapport à ce qu’ils font. En Tunisie, la norme de travail est autour des deux mille heures annuelles. En soi, cette norme est en deçà de la moyenne mondiale: 2400 heures. Et elle se répercute par: -1,07 en termes de croissance ce qui veut dire aussi qu’elle stimule les tendances inflationnistes; car les employés qui travaillent moins font tourner un peu trop de monnaie, parce qu’ils en ont le temps.
Calculez le nombre de jours fériés, le nombre de ponts qu'”édifient” illicitement nos travailleurs, ajoutez-y la séance unique estivale, le ramadan et la moyenne annuelle de 4 jours de maladie par an (multipliée par quatre et demi en Tunisie) et il sera aisé d’évaluer la courbe de travail dans notre pays. C’est comme cela: nous avons hérité de la France ses avatars administratifs.
Et à défaut de prêter l’oreille à ces gémissements face à la crise qui frappe à nos portes, nous cultivons l’espoir de voir la semaine des 35 heures appliquée en France, espérant une petite contagion…
Sauf que le problème est dans l’absence de culture économique des ménages. Dans l’absence de culture citoyenne. Les médias font toujours dans la langue de bois. La télé le fait systématiquement pour ne pas paraître alarmiste.
C’est comme si tout était fait pour nous encourager à travailler moins et, donc, à produire moins. La baraka est toujours là en somme… Mais attention: les Américains moyens ne se sont toujours souciés que de ce que vaut leur dollar en Amérique même. Maintenant ils découvrent que le fait qu’il ne vaille presque plus rien dehors, les met en crise. C’est l’effet boomerang qui vient sonner le glas de leur béatitude, de leur assurance et de leur arrogance.
Le seul moyen de s’en sortir? Les 700 milliards de dollars de l’Etat fédéral, bien sûr. Mais surtout le travail, la productivité. Les Tunisiens devraient regarder moins de feuilletons, et regarder plus d’émissions économiques, seul moyen, peut-être, de réaliser que, financièrement, économiquement, New York n’est pas très très loin.
Raouf KHALSI
(Source : « Le Temps » (Quotidien – Tunis), le 3 octobre 2008)
Pluies diluviennes à Sfax
Après une longue période de sécheresses qui a fait craindre le pire aussi bien pour les arbres porteurs que pour la récolte, particulièrement celle des olives, les dernières précipitations sont venus jeter du baume dans le cœur des citoyens et spécialement les agriculteurs.
Si pour l’ensemble des Tunisiens, la pluie revêt une grande importance du fait qu’elle est synonyme d’abondance, de prospérité et de verdure, pour les habitants de certaines régions, comme celle de Sfax, elle est source d’eau potable hautement appréciée. Une sorte d’eau minérale qui se décante dans les citernes et dont on ne peut se passer en raison des inconvénients de salinité et de haute teneur en calcaire, de l’eau de robinet. La citerne, est en effet, une composante essentielle de la maison sfaxienne et l’on se rappelle les 365 citernes de la Nasria qui alimentaient jadis la ville en eau potable.
Malheureusement, les chutes de pluie et plus particulièrement les averses sont redoutées par les citoyens : en raison du système d’évacuation des eaux pluviales qui soit dit en passant fait double emploi dans la mesure où les canalisation servent à l’écoulement des eaux de pluie et en même temps des eaux usées, les artères de la ville et les radiales se transforment en véritables fleuves où la circulation se transforme en vrai calvaire. La ville est littéralement inondée et le spectacle désolant de voitures qui trahissent leurs passagers, à leur grand dam, au milieu des ondes est une chose fréquente.
C’est ce qui s’est passé hier soir, lorsqu’un orage a éclaté. Les vannes du ciel se souvent ouvertes déversant à des trombes d’eau qui se sont abattues, accompagnées de bourrasques puis de chutes de grêles de divers calibres, tellement drues qu’elles ont fait craindre le pire pour les véhicules. Heureusement d’ailleurs que le déluge n’a duré trop longtemps ! mais tout compte fait, ces précipitations sont une véritables manne pour l’agriculture et augurent d’une saison agricole à la mesure de nos espérances.
Taieb LAJILI
(Source : « Le Temps » (Quotidien – Tunis), le 3 octobre 2008)
Le Maroc adopte de nouvelles mesures pour réformer la religion officielle
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