L’OLPEC: Les journalistes tunisiens célèbrent dans le deuil la journée de la liberté de la presse
Courrier International: Lettre ouverte de Ben Brik à Nicolas Sarkozy
Omar Mestiri et sihem Bensedrine: Bonne fête Tunisnews
Nouvelobs: A Tunis, la pièce « Amnesia » fait salle comble
Débat Tunisie: Le cabinet Sebkha&Co présente son rapport pour les municipales
AFP: Italie: une musulmane condamnée à une amende pour port de la burqa (police)
Reuters: Un article-clé de la réforme constitutionnelle rejeté en Turquie
Reuters:Turkey reform article rejected in blow to govt
Bassam Bounenni: Menace de famine au Niger « Plus qu’un chiffre… Des êtres humains. »
Faouzi Mellah: Les ratés de la diplomatie suisse
l’Observatoire pour la liberté de presse, d’édition et de création
Tunis le 3 mai 2010
Les journalistes tunisiens célèbrent dans le deuil
la journée de la liberté de la presse
C’est dans le deuil que les journalistes tunisiens célèbrent cette année la journée de la liberté de la presse. Alors que la Tunisie était l’un des premiers pays de la région à avoir connu un printemps médiatique les années 80, elle vit aujourd’hui une régression historique de l’état de la liberté de la presse.
Depuis 23 ans, avec l’arrivée au pouvoir de Ben Ali, année après année, les Tunisiens ont vu se dégrader l’état de leur liberté d’expression de façon régulière. Chaque jour qui passe voit s’envoler un pan de la marge de liberté qui leur restait. Une véritable guerre ouverte contre la liberté de la presse a été menée par les autorités.
A l’occasion de la journée internationale de la liberté de la presse, l’OLPEC constate que cette journée du 3 mai ne déroge pas à celles qui l’ont précédé et la Tunisie est encore en deuil de sa liberté.
Les élections générales d’octobre 2009 qui ont vu le renouvellement du mandat de ben Ali à la tête de l’Etat pour la cinquième fois consécutive avec un scrutin de 89,62%, ont été l’occasion d’une recrudescence des attaques contre les journalistes et la presse d’opposition. Le 24 octobre 2009, la veille du scrutin, le président Ben Ali prononçait un discours où il menaçait ceux qui « n’ont pas respecté le caractère sacro-saint de la patrie ni son intégrité et ont poussé l’audace jusqu’au recours aux allégations mensongères et à l’incitation à une campagne désespérée auprès de certains journalistes étrangers, pour mettre en doute les résultats des élections avant même le dépouillement du scrutin. ». Une semaine plus tard, ces menaces étaient mises à exécution, des journalistes étaient attaqués, arrêtés et jetés en prison.
Monopole de fait
Durant la campagne électorale, le président sortant a accaparé 97,14% de l’espace médiatique dans la presse écrite au détriment du candidat de l’opposition qui n’a eu que 0,10%, selon unrapport publié par 5 ONG indépendantes qui ont observé les performances des médias durant les élections. Ce fait est assez révélateur du monopole de fait exercé par les autorités sur les médias.
Le paysage médiatique, contrairement aux déclarations officielles n’est ni libre, ni pluriel. Malgré ces 306 journaux recensésofficiellement, il n’existe pas un seul journal indépendant en Tunisie; tous les journaux indépendants ont été éradiqués en 1990 et pas un seul n’a été autorisé à paraître depuis, malgré les tentatives répétées de nombreux journalistes.
Il existe seulement 3 journaux d’opposition qui sont privés de publicité et soumis à des pressions permanentes limitant leur diffusion. Ces journaux ont subi également des suspensions (attariq Al Jadid, Al mawkif, Mouwatinoun); lors de la campagne électorale, le dépôt légal qui était abrogé a été réactivé de fait (Attarik et Mouwatinoun).
Quant à l’audiovisuel, il est totalement sous monopole d’Etat et seuls les proches du pouvoir ont pu bénéficier de licences pour diffuser des chaînes TV ou radios privées, dans l’opacité la plus totale. Toutes les demandes déposées par des journalistes depuis 1987 sont restées sans réponse. Les radios qui ont osé émettre sur Internet et sur le satellite ont vu leurs locaux mis sous scellés, leurs équipements confisqués et des procédures judiciaires lancées contre eux (Radio Kalima, Radio6).
Emprisonnement et procès iniques
Cette année s’est illustrée par l’augmentation du nombre de poursuites judiciaires à l’encontre de journalistes indépendants ou opposants travaillant pour des médias basés à l’étranger car aucun média local n’est en mesure de publier leurs écrits ou reportages (Fahem Boukadous, Taoufik Ben Brik, Zouhayr Makhlouf, Hamma Hammami, Sihem Bensedrine, Salah Fourti, Omar Mestiri, Nizar Ben Hassen, Mouldi Zouabi…etc.).
Pour certains, ces poursuites ont abouti à des condamnations à des peines de prison fermes ( Zouhayr Makhlouf, Taoufik Ben Brik, Fahem Boukadous); certaines de ces sentences ont été définitives et se sont soldées par des peines d’emprisonnements à l’issue de procès iniques (Zouhayr Makhlouf, Taoufik Ben Brik). Un étudiant, Mohamed Soudani, a été enlevé et incarcéré le 22 octobre, suite à des interviews qu’il a accordées aux reporters de RFI et de Radio Monte-Carlo.
Agressions physiques
L’agression physique est devenue une pratique courante et banale pour la police politique qui exerce une surveillance policière collante. La seule forme de dialogue que pratiquent les autorités avec les journalistes est la matraque de la police. Durant l’année 2009 un grand nombre de journalistes ont été physiquement agressés; le plus grave a été l’enlèvement par des policiers en civil et le passage à tabac dans un parc isolé de la capitale du journaliste Slim Boukhdhir le 28 octobre 2009; non moins grave le passage à tabac du directeur du journal interdit Al Badil, Hamma Hamami le 29 septembre à l’aéroport de Tunis Carthage alors qu’il rentrait de France après avoir dénoncé sur la chaine France24 la situation des libertés en Tunisie.
A plusieurs reprises et de manière récurrente, de nombreux journalistes ont été agressés (Mouldi Zouabi, Faten Hamdi, Sihem Bensedrine, Aymen Rezgui, Moez Jemai, Moez El Bey, Mahmoud Dhaouadi, Lotfi Hajji, Zouhayr Makhlouf, Omar Mestiri…etc); Toutes les plaintes qu’ils ont déposées sont restées sans suite.
Atteintes à la liberté de circulation
Ce 3 mai, les autorités ont célébré la journée de la presse en encerclant les domiciles des certains journalistes et en les empêchant de les quitter durant toute la journée (Naziha Rjiba, Slim Boukhdhir Lotfi Hidouri…etc); ces pratiques sont monnaie courante lorsque la police ne souhaite pas un quelconque rassemblement des journalistes ou décide de les empêcher de participer à une conférence de presse, comme cela a été le cas lors de l’interdiction de la conférence de presse de Human rights watch le 23 mars 2010.
Censure systématique de l’Internet
Non seulement la cyberpolice contrôle la messagerie des citoyens et bloque tous les sites web d’information, mais elle coupe régulièrement les connexions Internet des journalistes et défenseurs de droits humains, les assujettissant à une véritable guerre de communication. Elle contrôle également leurs profils dans les réseaux sociaux tels que Facebook et parfois pirate leurs compte ou les bloque. De nombreux jeunes ont été interpellés, arrêtés ou poursuivis par la police et leurs ordinateurs confisqués suite à un message publié sur l’un des réseaux sociaux.
Campagnes de diffamation
L’arme de l’insulte et de la calomnie a été l’un des outils privilégiés utilisé pour salir et porter atteinte à l’honneur des journalistes indépendants allant jusqu’à la menace de mort (Slim Bagga). Contrairement à ce qu’a affirmé le président de la république à l’occasion de la journée internationale de la liberté de la presse qui a souligné: « Nous avons misé en cela sur la conscience des professionnels du secteur en leur droit d’exercer la liberté et la critique constructive loin de toute forme de sensationnel, de diffamation ou de calomnie, sans porter atteinte à l’honneur des personnes. » les campagnes de diffamation et de calomnies ont été orchestrées de façon systématique à l’encontre des journalistes et défenseurs et largement encouragés dans la presse dirigée par les services spéciaux du ministère de l’Intérieur et relayés par des médias étrangers achetés par l’ATCE avec l’argent public des mois durant. Là encore, les plaintes déposées sont restées sans suites.
L’OLPEC appelle les journalistes libres et les acteurs de la société civile indépendante à se mobiliser pour sauver ce secteur sinistré.
Tunisie : 3 millions de procès par an !
3 000 000, c’est le chiffre officiel cité par le ministre de la justice Lazhar Bououni le 20 avril dernier lors d’une conférence de presse et rapporté par les medias.
« Parlant du déroulement du travail dans les tribunaux et la lenteur judiciaire, le ministre a annoncé qu’une augmentation de 20 % a été enregistrée dans les affaires traitées pour atteindre les 3 millions actuellement. » cite le journal « le Temps » et « Assabah » du lendemain.
Sachant qu’une affaire traité par un tribunal comprend au moins deux parties au moins nous avons six millions de Tunisiens sur dix sont concernés par une affaire de justice chaque année et cela fait presque le nombre total des tunisiens majeurs passibles d’action en justice. Ainsi on peut dire que le peuple tunisien fait un passage annuel devant les juges.
Ce chiffre tenu secret auparavant, semble avoir glissé par advertance de la bouche du nouveau ministre de la justice. La dépêche de l’agence officielle (TAP) ne l’a pas repris dans sa note de couverture consacrée à cette conférence de presse. Il nous renvois devant une réalité qui se passe de tout commentaire : Dix milles procès par jour pour dix million de Tunisiens tenu par quelque 1700 magistrats.
Certains, des lecteurs de cette note seront étonnés : ils n’ont jamais passés devant un tribunal, ils ne savaient pas. S’ils ne l’ont pas été, c’est que d’autres ont fait plus d’un passage en procès au cours de la dernière année. L’indice de répression que révèle ce chiffre est latent surtout quand on sait que le nombre d’affaires traité par la police qui finissent en procès n’est qu’une minuscule proportion. La qualité de justice qu’on peut attendre de nos magistrats submergés par un tel flot n’a plus à être diagnostiquée. En clair notre justice a sombré.
Pour donner un repère de comparaison au plus récalcitrants il suffit de comparé avec un pays qui nous ressemble comme le Maroc dont les tribunaux traitent exactement le même nombre de procès par 3322 magistrat en sachant qu’ils ont le même nombre de procès que nous alors qu’ils comptent trois fois le nombre de notre population (3 671 000) et qu’il les traite par le double des magistrats que nous avons. Pour ceux cherchant une idée sur la situation dans un pays développé comme la France ils peuvent consulter l’ « Annuaire statistique de la Justice 2008 »
Pour traiter autant d’affaires dans les normes internationaux de la justice aujourd’hui les tribunaux tunisiens ont besoin au minimum de 6000 magistrats. Pour ce qui est de la proportion du nombre d’affaires traité par apport au nombre d’habitants la situation que nous vivons est un record abjecte qui n’a pas d’égal nulle part ailleurs.
Yahyaoui Mokhtar – Tunis le 05 Mai 2010
(Source: « Tunisia Watch » le 5 mai 2010)
Lettre ouverte de Ben Brik à Nicolas Sarkozy
VIDÉO – Libéré le 27 avril après six mois de prison, le journaliste et opposant tunisien est arrivé trois jours plus tard à Paris. Taoufik Ben Brik a la ferme intention de plaider la cause des militants des droits de l’homme du Maghreb auprès du président français. Il interpelle Nicolas Sarkozy dans une lettre qu’il a fait parvenir à Courrier international.
The White House
Office of the Press Secretary
Statement by the President on World Press Freedom Day
World Press Freedom Day is observed every year on May 3 to remind us of the critical importance of this core freedom. It is a day in which we celebrate the invaluable role played by the media in challenging abuses of power, identifying corruption, and informing all citizens about the important issues that shape our world. It is also a day for us to sound the alarm about restrictions on the media as well as the threats, violence or imprisonment of many of its members and their families because of their work. Last year was a bad one for the freedom of the press worldwide. While people gained greater access than ever before to information through the Internet, cell phones and other forms of connective technologies, governments like China, Ethiopia, Iran, and Venezuela curtailed freedom of expression by limiting full access to and use of these technologies.
Moreover, more media workers were killed for their work last year than any year in recent history. The high toll was driven in large part by the election-related killings of more than 30 journalists in the Philippine province of Maguindanao, the deadliest single event for the press in history, along with murders of journalists in Russia, Somalia, Mexico and Honduras. In this year, like in other years, nearly three out of four of the journalists killed were local news-gatherers who were murdered in their own nations. Chauncey Bailey was one such local journalist. A tireless reporter who covered his own city of Oakland, California, Bailey was widely respected for his many exposés of abuse and corruption. He was gunned down 3 years ago, near his office, while taking a homeless man to breakfast. A trial of the alleged perpetrator is scheduled to begin this summer. Such accountability is critical to deterring further attacks. I note with concern that the murderers of journalists succeed in avoiding responsibility for their crimes in nearly nine out of ten cases, and urge fellow governments to address this problem.
Even more journalists and bloggers find themselves imprisoned in nations around the world. Iran, following its crackdown on dissent after the last elections, now has more journalists behind bars than any other nation. Governments in Belarus, Burma, China, Cuba, Eritrea, North Korea, Tunisia, Uzbekistan, and Venezuela imprisoned journalists who wrote articles critical of government leaders and their policies.
But for every media worker who has been targeted there are countless more who continue to inform their communities despite the risks of reprisal. On World Press Freedom Day, we honor those who carry out these vital tasks despite the many challenges and threats they face as well as the principle that a free and independent press is central to a vibrant and well-functioning democracy
(Source: http://www.whitehouse.gov le 3 mai 2010)
http://www.whitehouse.gov/the-press-office/statement-president-world-press-freedom-day
Tunisnews s’est imposé au fil des ans dans le paysage médiatique tunisien comme une plateforme d’information incontournable vers laquelle toute personne à la recherche d’une information crédible sur la Tunisie se tourne chaque matin.
Le choix d’être un site agrégateur était original et répondait à un besoin nouveau de la sphère médiatique alternative qui était dispersée.
Cette approche originale a fait que Tunisnews s’est distingué et imposé pas seulement dans l’opposition mais également auprès des officiels tunisiens.
Comme tout média, Tunisnews a eu ses moments de faiblesse et ses grandeurs; il a été la cible d’attaques et de manipulations, mais il a su se dégager de ces pièges, garder sa ligne droite et respecter son mandat de site d’informations ouvert à tous sans distinction mais sans parti pris.
Bravo à l’équipe de Tunisnews et bonne continuation.
Omar Mestiri et sihem Bensedrine
Radio Kalima
A Tunis, la pièce « Amnesia » fait salle comble
Dans ce pays où règne une censure d’habitude impitoyable et où l’autocensure est plus redoutable encore, « Amnesia » fait accourir le public avide d’entendre dire des vérités totalement occultées par le régime.
C’est une pièce écrite par deux auteurs, une femme, Jalila Baccar, et un homme, Fadhel Jaïbi, lequel en a signé de surcroît la mise en scène.
Interprétée sur le plateau totalement nu du cinéma-théâtre Le Mondial, à Tunis, par onze comédiens qui ne sont pas des perdreaux de l’année, mais des artistes confirmés, « Amnésia » (c’est le titre en français, le titre en arabe, créé sur un jeu de mots, se traduirait par « Vivant vivant »), donne à voir ce qu’il advient d’un homme politique brutalement chassé du pouvoir. L’action se situe à une époque récente, dans un pays indéterminé, mais chacun à Tunis peut se plaire à voir dans l’anti-héros de la pièce, ou l’image d’un Bourguiba mis à pied par Ben Ali, ou celle de quelque ministre devenu trop envahissant, et donc dangereux, renvoyé par l’un des deux présidents.
Un homme politique donc, qui a été très puissant, et qu’on découvre là, brusquement, sur ordre venu d’en haut, dépouillé de tout pouvoir, privé de passeport, se heurtant à son tour à la brutalité policière, à l’opacité d’un système dont il s’était sans doute fort bien accommodé. Empêché de quitter le pays, bientôt assigné à résidence, bientôt victime d’un attentat qu’on aurait voulu maquiller en suicide, il est grièvement brûlé et retenu dans un hôpital qui devient une prison où des médecins et des infirmiers aux ordres, sauf un ou deux d’entre eux qui résistent par conviction, deviennent ses geôliers.
Corruption, abus, délation
Tout Tunis court voir cette pièce, rue Ibn Khaldoun, à deux pas de l’avenue Bourguiba, en plein cœur de la capitale, laquelle ne se joue qu’en fin de semaine, du vendredi au dimanche jusqu’à la fin mai et sera bientôt représentée en France. Et tout Tunis, les résidents étrangers plus encore, demeure médusé par le fait qu’un tel brûlot politique ait pu échapper à la censure féroce qui frappe la Tunisie. Car si l’ouvrage, de façon très habile pour ne pas heurter de front le régime en place, est vaguement censé renvoyer à des temps révolus, ses répliques font irrémédiablement penser à la situation actuelle de la Tunisie. On y dénonce la corruption du pouvoir, les clans de voyous qui font main basse sur le pays et dans lesquels l’on ne peut que voir la rapacité criminelle de la belle-famille et des gendres de Ben Ali; l’absence de liberté de la presse (rappelons que « Reporters sans frontières » classe la Tunisie parmi les nations où la situation de la presse est la plus noire au monde), les journalistes dévoyés habitués à encenser et à mentir; le décervelage des citoyens par le biais de la télévision et du football; les abus de pouvoir, la violence policière, la délation, la surveillance étroite exercée sur les habitants… toutes choses impensables à formuler ouvertement dans la vie courante, introuvables dans des journaux dressés à écrire des dithyrambes comiques à force de ridicule, inimaginables dans l’enceinte de ce qui doit faire office de parlement.
« J’ai peur de prononcer une parole libre qui me sera fatale »
Des phrases comme « J’ai peur de prononcer une parole libre qui me sera fatale », « la jeunesse n’a plus d’horizon, sinon le foot, la télé ou la cornemuse, sinon le choix entre la beuverie et le retour au tapis de prière », ou encore comme « il n’y a rien à espérer d’un pays où l’épée est aux mains du plus sot », déclenchent des salves d’applaudissements dans l’assistance, des cris d’approbation… malgré la présence sournoise des flics de la Sûreté. Des manifestations qui traduisent bien l’état d’exaspération du peuple tunisien, ou du moins de ses élites et de la jeunesse, leur rage d’assister, impuissants, à la confiscation du pouvoir et des richesses par une camarilla proche de la présidence et à laquelle il est dangereux, voire suicidaire de vouloir s’opposer.
Commission de censure
De fait, la commission de censure a bel et bien sévi pour interdire « Amnésia », une pièce trop éloquente et trop dévastatrice pour le régime despotique de Ben Ali. Déjà, il y a quatre ans, à la suite d’une création des mêmes auteurs au Théâtre de l’Odéon, à Paris, cette autre pièce, « Corps-otages », avait été interdite de représentation à Tunis. Les auteurs cette fois-ci ont fait appel au ministre tunisien de la Culture, lequel, plus avisé que ses prédécesseurs, a fini par donner son accord et à lever l’interdit. « Ce sont chaque fois des victoires arrachées au pouvoir, avoue Fadhel Jaïbi, mais cette fois la censure a fini par lâcher prise. Ne nous faisons pas d’illusions cependant. Nous sommes les seuls en Tunisie à bénéficier de cette « clémence », sans doute à cause de nos nombreuses tournées et de nos amitiés à l’étranger. En retour, nous faisons figure de vitrine pour le régime, on nous utilise pour donner l’impression qu’il existe un semblant de démocratie en Tunisie ».
Et dans leur pays, les gens regardent Jalila Baccar et Fadhel Jaïbi comme des extra-terrestres pour oser dire tout haut ce que chacun pense tout bas. Ou mieux, s’ingénie sans doute à ne même plus oser penser.
Raphaël de Gubernatis
La pièce « Amnésia » sera donnée en France en septembre 2010, lors des Francophonies à Limoges, puis effectuera une tournée, dès janvier 2011, qui passera par Bordeaux, Annecy, Evry, Rouen, Valenciennes, avant de s’achever en mai à Paris, à la Grande Halle de la Villette
(Source: « Nouvelobs.com » le 5 mai 2010)
En vue des élections municipales du 9 Mai prochain, notre cabinet de consulting, Sebkha&co sis au 404 Lac de Tunis, a établi un rapport destiné aux 4478 candidats conseillers dans le but de les orienter dans l’élaboration de leurs programmes. Cette étude sociologico-urbaine à caractère qualitativo-quantitatif certifié ISO2626, dont nous présentons ici un résumé, s’appuie sur:
– les chiffres officiels communiqués par notre gentil État
– les informations fournies par nos très indépendants médias
– Nos observations sur le net
(Remarque: Les enquêtes de terrain sont interdites pour heureusement prévenir contre les envieux et les traitres qui déforment la réalité)
Il ressort de notre diagnostic ceci:
La Tunisie est un pays 100% homogène composé de vrais patriotes musulmans et ce quelques soit la circonscription (Ceci nous a bien facilité le travail):
– Plus de 99% de la population fait confiance à son président et la politique de son parti et de ses élus locaux
– Les médias que nous avons scrupuleusement décortiqués depuis 3 ans attestent l’unanimité de l’opinion et illustrent par leurs articles, émissions TV ou radio, la foi des tunisiens envers leur bien aimé président
– L’observation du net, notamment du réseau social Facebook confirme également cette tendance puisque chaque ville possède son fan club dédié au président. Nous avons noté également la popularité croissante des cyberpatriotes qui défendent les couleurs mauves de la Tunisie. Outre cette catégorie, n’existent que des facebookers bons musulmans qui aiment Allah et son prophète (un groupe de nettoyeur au “flytox” a mis de l’ordre dans le capharnaüm tunisien en exterminant tous les parasites qui ne témoignent pas assez leur amour pour Allah ou Ben Ali, ce qui nous a aussi bien facilité le travail!)
Solutions pour un vivre-ensemble harmonieux et écologique
Nous proposons à cet effet un nouveau type d’équipement collectif destiné à favoriser le lien social et réunir les tunisiens autour de leurs valeurs communes. Cette typologie innovante permettrait d’offrir en un seul lieu les services qui répondent aux besoins spirituels de 10 millions de vrais patriotes musulmans.
Ces nouveaux bâtiments devront s’imprégner d’une architecture qui allie la modernité à la tradition. Le pavillon tunisien de l’expo universel de Shanghai est à ce titre un modèle assez éloquent du génie tunisien qui devra inspirer nos élus locaux. Ces équipements devront également permettre de réaliser des économies d’énergie grâce au regroupement des services (cho3ba/mosquée) et à l’installation de capteurs solaires ou d’antenne GSM (sur le minaret par exemple). Aussi un soin particulier devra être accordé aux espaces intérieurs qui devront être accueillants et chaleureux.
Notre cabinet d’expertise n’exclut pas des variantes du type stade/mosquée, stade/cho3ba, ou encore cho3ba/Carrefour ou d’un complexe regoupant stade/cho3ba/mosquée/Carrefour, bref tout ce qui contribue à répondre aux besoins de nos 10 millions de bons musulmans patriotes qui -ne l’oublions pas!-, en dehors de leur intense vie spirituelle restent de bons vivants qui adorent le foot et la consommation.
Conclusion
Ce rapport non exhaustif n’a pas exigé de nos experts un énorme effort tant notre beau pays jouit d’ordre et d’harmonie où l’information demeure transparente et accessible (n’en déplaise aux pseudos-experts étrangers jaloux qu’ils sont de notre démocratie). Pour allier l’acte à la parole nous avons déjà soumis notre rapport au très probable maire de la Goulette, l’éminent marabout Sidi Imed, qui ne devra son élection qu’à son génie politique et son sens inné de la chose publique. Nous lui avons à cet effet proposé notre prototype de complexe stade/cho3ba/mosquée/Bricorama en remplacement de la forteresse de la Carraca (tas de pierre inutile). D’autant plus que cet éventuel projet pourrait très bien s’harmoniser avec le futur village touristique de la Goulette de Sidi El Materi permettant ainsi aux croisiéristes de passage de découvrir les curiosités de notre pays.
(Source : le blog « Débat Tunisie » (censuré en Tunisie), le 3 mai 2010)
Lien : http://debatunisie.canalblog.com/
Italie: une musulmane condamnée à une amende pour port de la burqa (police)
Un article-clé de la réforme constitutionnelle rejeté en Turquie
Reuters, le 3 mai 2010 à 17h17 ANKARA, 3 mai (Reuters) – Un article du projet de réforme constitutionnelle prévoyant un assouplissement de l’interdiction des partis politiques a été rejeté hier par le Parlement turc, au grand dam du Premier ministre Tayyip Erdogan et de son parti d’inspiration islamo-conservatrice. Chaque article du texte doit recevoir l’approbation de 330 des 550 députés. L’article en question n’a recueilli que 327 voix alors que le Parti de la justice et du développement (AK) dispose de 335 sièges au Parlement, ce qui signifie que des élus de l’AK n’ont pas suivi les consignes de vote. Le Premier ministre a déclaré après le scrutin que l’examen du texte se poursuivrait malgré ce revers. « Nous poursuivrons sur notre voie. Le retrait du projet de réforme constitutionnelle n’est pas à l’ordre du jour », a-t-il dit. Le mois dernier, le président de la Cour suprême d’appel, Hasan Gerceker, a exhorté les Turcs et leur Parlement à rejeter la réforme, affirmant qu’elle est moins démocratique que la loi fondamentale rédigée il y a près de 30 ans par un gouvernement militaire. Le gouvernement juge ces modifications nécessaires pour renforcer la démocratie alors que le pays sollicite son adhésion à l’Union européenne. Ces réformes modifieraient également le mode de nomination des juges et soumettraient les militaires, traditionnellement puissants, à des juridictions civiles. Leurs détracteurs, redoutant que l’AK tente de revenir sur la laïcité de la Turquie moderne, affirment que les changements permettraient au gouvernement de nommer dans les plus hautes juridictions des juges qui lui seraient favorables. Les députés doivent encore se prononcer cette semaine sur deux articles controversés concernant la nomination des magistrats à ces juridictions, dont le Conseil constitutionnel. Au cas où le projet de réforme serait globalement rejeté, Tayyip Erdogan a l’intention de le soumettre à un référendum national. Des observateurs estiment que le gouvernement s’efforce de briser la domination des laïcs conservateurs dans leurs bastions que sont le judiciaire et l’armée. Le gouvernement se défend de toute intention qui serait guidée par l’islamisme. REUTERS
Turkey reform article rejected in blow to govt
Reuters, le 3 mai 2010 à 19h42 * Reform would have made party closure harder * EU has criticised political party laws * Some AK Party members break party discipline By Pinar Aydinli ANKARA, May 3 (Reuters) – – Turkey’s parliament rejected on Monday a constitutional amendment to make it harder to ban political parties, in a surprise blow to the government’s plans to reform a charter written during military rule in the 1980s. Prime Minister Tayyip Erdogan said he would press on with the reforms, regardless of a setback that showed the package failed to gain full backing within his Islamist-leaning Justice and Development Party, otherwise called the AK Party. « We will continue on our path. Withdrawing the constitutional draft is not on the agenda, » Erdogan said after parliament rejected the amendment in a second round of voting. The AK Party, which has roots in political Islam but denies ambitions to create an Islamic state, says the reforms are needed to bring Turkey closer to EU democratic norms. The secularist opposition has accused the government of using judiciary reform as an excuse to install its supporters in the Constitutional Court, the ultimate guarantor of Turkey’s secular constitution, and undermine secular principles. The package also calls for making the secular army accountable to civilian courts. Erdogan has said he will call a referendum if he fails to secure the necessary number of votes for the reform package. Each of the 30 amendments require 367 votes out of 550 in the AK Party-controlled parliament to become law. The government can call a national referendum if it wins at least 330 votes. Any amendment that receives fewer than 330 votes is dropped from the package. The proposal to change the political parties law, one of the key provisions in the package, won 327 votes. « This was one of the most important articles of the constitutional reform package, so it looks like a failure for Erdogan and company, » Wolfango Piccoli, from Eurasia political risk consultancy said. « In the short term, this could lower tensions but we still need to see how the other controversial articles are voted. » The AK Party has 335 seats, meaning some of its MPs broke with party discipline and voted against the reform. Analyst Cengiz Aktar said nationalist MPs could have voted against it because the existing law had often been used in the past as a tool to ban pro-Kurdish parties. « This shows Turkey needs an entire new constitution, not only amendments, » he said. « Even some members of the AK Party have voted against the article on the grounds of their own interests. » EU CRITICISED PARTIES LAW The EU has criticised Turkey’s political parties law, under which almost 20 parties have been banned since the constitution was adopted in 1982 following a coup. The ruling AK Party itself narrowly survived a court attempt to close it down on the grounds that it contravened the country’s secular constitution. Erdogan has been personally lobbying AK Party MPs to support the package and canceled a planned Turkey-Italy summit in Rome last month to make sure all the articles won support. Some deputies were themselves surprised. « We didn’t expect this to happen. We are sorry and surprised. Eight to nine of our party MPs voted against the article, » said Nurettin Canikli, an AK Party MP. « This shows the party does not force its MPs to vote in favor of the proposed reforms. » Parliament is set this week to vote on two other contentious proposals: the reform of the Supreme Board of Judges and Prosecutors and the Constitutional Court, both of which are strongholds of the secularist establishment. The main opposition party has said it would appeal to the country’s top court to annul the amendments. REUTERS
Par Bassam Bounenni (*)
Près de cinq ans après une terrible famine, le Niger, pays le plus pauvre au monde, est toujours menacé. En attendant les aides internationales, une consolation déjà : parler de famine n’est plus tabou dans les hautes sphères du pouvoir. Dans le village de Fanaka Koiara, près d’Ouallam (Ouest de Niamey), les frères Abdel Karim et Hamani Harouna se dirigent comme chaque matin vers le champ de la famille. Mais les parcelles de terrain sont accidentées à cause de la sécheresse…
« Cette situation nous rappelle celle de 2005. C’est un vrai cauchemar pour nous », confie Abdel Karim, amèrement. « Nous n’avons pas de solutions pour le moment », poursuit-il. Hamani, aussi attristé que son frère, voit d’un mauvais œil l’intervention humanitaire internationale. « Quand les aides affluent cela veut dire que nos problèmes alimentaires persistent », martèle-t-il. « Il faut qu’on cesse de dépendre des autres », espère-t-il. Mais, ce ne sera pas pour demain. L’école du village n’a pu rouvrir ses portes cette année sans l’aide du Programme Alimentaire Mondial (PAM). L’agence onusienne a installé une cantine pour fournir aux écoliers des rations alimentaires sans lesquelles ils ne pourraient suivre leurs cours. « Mais, pendant les week-ends ou les vacances scolaires, on a du mal à subvenir aux besoins alimentaires de nos enfants », lance Hamani. Le PAM a lancé un appel pour réunir 182 millions de dollars afin de renforcer ses opérations au Niger. Mais, avec un engagement de nourrir plus de 90 millions de personnes dans 73 pays, le programme onusien risque de ne pas pallier un manque de 96 millions de dollars, rien que pour le Niger.
Plus un tabou, mais …
A Niamey, on parle peu de la famine, le coup d’Etat du 18 février dernier accaparant l’essentiel du débat dans la ville. Et, même sur les colonnes des journaux de la place, l’insécurité alimentaire sollicite l’attention d’un nombre clairsemé de journalistes. Une consolation, toutefois… Contrairement au Président déchu, Mamadou Tandja qui n’a jamais évoqué publiquement la famine de 2005, le chef de la junte militaire, Salou Djibou, a fait part de son inquiétude de l’actuelle crise alimentaire, dès les premières heures ayant suivi son putsch.
La famine n’est pas à l’ordre du jour du Conseil Consultatif qui assiste le Conseil Supérieur de la Restauration de la Démocratie (CSRD, la junte militaire). Mais, plusieurs de ses membres ne cachent pas leur peur. « Ca devient comme un cercle vicieux », confie Mustapha Kadhi, l’un des représentants de la société civile au sein du conseil. « Il est temps que le Niger rebondisse et profite à fond de ses ressources naturelles », ajoute-t-il.
En attendant les aides
La presse locale comme les médias étrangers s’intéressent peu aux prémisses de la famine. La rumeur d’une éventuelle révision des contrats miniers – notamment l’uranium – a été à la une des journaux de la place, tout comme de ceux des principaux pays impliqués au Niger, notamment la France et le Niger. Mais, pas un mot sur la famine. Ou très peu.
Dans quelques semaines, ce sera la période de soudure. Mais, comme il n’y a pas grand-chose à « souder », les populations optent pour des « denrées » alternatives. En tête de liste, l’anza, un fruit sauvage, fort amer que les femmes cueillent, après une marche quotidienne de plusieurs kilomètres. Dans le village des frères Harouna, l’anza se substitue depuis plusieurs semaines au sorgho et au millet. « Un jour, on mélange l’anza avec du sel. Un autre, avec du sucre pour que les enfants ne s’en lassent pas », explique Abdel Karim. Mais, la valeur nutritive de l’anza est loin de sauver plus de 7.5 millions de nigériens menacés de famine.
Des alternatives ?
Même le riz qui est devenu, à tort, un symbole de la sécurité alimentaire, n’améliore pas l’état des personnes souffrant de malnutrition. Tout au plus, sert-il à alléger la faim.
Dans la banlieue de Niamey, les chercheurs de l’Institut international de recherche sur les cultures des zones tropicales semi-arides (ICRISAT) travaillent sur plusieurs projets, avec en ligne de mire le changement des traditions culinaires des populations exposées aux crises alimentaires. « La meringue, explique le Pr. Sanjeet Kumar, expert en sélection des légumes, peut servir de fortifiant, surtout qu’elle contient plus de vitamine C que l’orange, plus de calcium que le lait et plus de fer que la banane ». Son équipe s’attelle, également, à développer de nouveaux systèmes d’irrigation afin de sortir l’agriculture nigérienne et celle des pays voisins de son état archaïque.
Mais, de tels projets, peu médiatisés, nécessitent de grands investissements et surtout un grand effort de sensibilisation quant à leur efficacité et leur pérennité. En attendant, les populations sinistrées demeurent dépendantes des aides. Ce qui est loin de les arranger. « On est plus que des chiffres… On est aussi des êtres humaines », martèle Hamani.
(*) Bassam Bounenni, journaliste (Niamey, Niger)
(Source: La « Media et Humanitaire », le 28 avril 2010
Lien:http://www.grotius.fr/node/699
C’est le titre qu’a choisi notre ami, l’écrivain tuniso-suisse Faouzi Mellah, juriste et politologue, pour intituler cet article où il analyse, sans concession, les erreurs commises par la première responsable du Département fédéral des Affaires étrangères (DFAE) suisse dans la gestion d’une série d’affaires qui ont largement écorné l’image de la Suisse dans le monde arabe.
Par Faouzi Mellah
Jamais la Suisse n’aura exhibé devant le monde une politique étrangère aussi étrange, décousue et défaillante que celle que mène Madame Calmy-Rey.
Il est vrai que, depuis la fin de la Guerre froide, les relations internationales sont devenues plus complexes, plus instables et plus explosives que jamais. Il est vrai aussi que la montée de nouveaux périls et l’apparition de nouvelles menaces ont transformé notre Planète en une poudrière imprévisible. Il est vrai enfin que Madame Calmy-Rey – par ailleurs aimable et avenante – n’était pas préparée à occuper une si haute charge. Mais tout de même !
Une politique étrange…
L’incapacité – l’incompétence – de la direction du DFAE (ndlr : département fédéral des Affaires étrangères) à analyser les périls et les subtilités du monde de l’après-guerre froide commence à coûter très cher à la Suisse. Ses amis naturels – les Européens – n’ont plus aucune confiance en elle et se mettent même à la tancer et à la sermonner publiquement.
Ses adversaires la regardent s’agiter d’un air goguenard en se réjouissant d’avance de ses maladresses. Quant à ceux qui pourraient l’aider, ils ont du mal à cacher leur agacement, car ils ne la comprennent plus. Bref, de plus en plus isolée, de moins en moins respectée, la diplomatie Suisse – ce qu’il en reste – tient à présent du bateau ivre. Sans gouvernail. Sans capitaine.
Face à un échec aussi cuisant, n’importe quel ministre aurait tiré de lui-même les leçons et… sa révérence… Pas Madame Calmy-Rey… Elle continue de sourire en nous susurrant que tout va bien…
Pourtant, il faudra bien penser à sauver le peu de crédibilité qu’il reste encore à ce malheureux DFAE. C’est même une urgence, car les dossiers s’accumulent, les imbroglios se multiplient, les pressions se font de plus en plus brutales et les incompréhensions de plus en plus dangereuses. Sur tous les fronts, et face à tous ses interlocuteurs, la diplomatie suisse est dans l’impasse. Pour s’en convaincre, il suffit de lire les nouvelles provenant de Bruxelles, Berlin, Washington ou Tripoli.
Jugeons-en…
Le malaise du fameux voyage en Iran…
Ignorant que le nom même de la Suisse évoquait (à l’époque du moins) une certaine idée de la tolérance et de la liberté, notre gentille ministre se rend donc à Téhéran en arborant sur le visage un joli sourire et sur la tête… un beau foulard…
Le hic, c’est que le foulard n’est pas en Iran un signe d’élégance et de féminité. Ce n’est pas un accessoire anodin. C’est un symbole lourd de sens et d’arrière-pensées politiques. Des centaines de femmes n’ont-elles pas payé de leur liberté – certaines de leur vie – leur refus de le porter ?
En mettant innocemment son joli Hermès sur la tête, notre chère ministre n’a-t-elle donc pas un peu désavoué toutes ces Iraniennes qui s’obstinaient alors – et s’obstinent encore – à affirmer leur autonomie et leur libre choix face à un régime théocratique et répressif ? On eût souhaité, de la part d’une responsable suisse et, paraît-il, socialiste, une attitude plus subtile ou, du moins, plus «neutre»…
Le fiasco libyen
Dès l’aube de la fameuse nuit où la Police genevoise avait cru utile d’extirper Hannibal Kadhafi de sa suite de l’hôtel Président pour l’emmener au commissariat de Carl-Vogt, tout le monde avait compris que l’on aurait affaire là, non à une simple mésaventure cantonale du ressort de la Justice genevoise, mais à un incident diplomatique sérieux du ressort de Berne. Tout le monde l’avait compris… Sauf Madame Calmy-Rey…
Ainsi, des mois durant, avait-elle laissé l’affaire pourrir sur le bureau du pauvre Laurent Moutinot sans soupçonner que Tripoli était en train de fourbir ses armes pour lancer une véritable offensive non contre Genève… mais contre Berne…
Kadhafi et ses conseillers auraient-ils donc mieux compris les arcanes de la politique suisse que Calmy-Rey et ses diplomates ? C’est possible ! En tout cas, pour l’instant, force est de constater que, dans cet imbroglio indigne de la Suisse, Tripoli a une meilleure lecture de la géopolitique (y compris celle de la Suisse) que Berne !
Soyons clairs : que la Police genevoise ait bien fait son boulot cette fameuse nuit de l’arrestation d’Hannibal Kadhafi, aucun doute là-dessus ! Que la Police soit là pour faire respecter et appliquer les lois, certainement ! Mais ce n’est pas – hélas – dans ces termes que le DFAE devait raisonner.
Dès le départ, les seules questions que Madame Calmy-Rey avait à se poser étaient de savoir quelles conséquences l’affaire «genevoise» allait fatalement entraîner pour la Suisse, et quelle stratégie mettre en place pour anticiper et rétorquer d’avance aux doléances libyennes. S’informer, analyser, anticiper. N’est-ce pas le travail d’un ministère des affaires étrangères digne de ce nom ? N’est-ce pas précisément ce qu’avaient fait le Quai d’Orsay à Paris et le Foreign Office à Londres lorsqu’ils furent confrontés aux mêmes frasques du même Hannibal ? Or qu’a-t-on fait à Berne ? On a perdu un temps précieux à se demander si Hannibal avait vraiment un passeport diplomatique… et si le Conseil d’Etat genevois devait – oui ou non – présenter des excuses…
On a donc renvoyé la patate chaude au Canton en espérant secrètement que le soufflet allait retomber de lui-même. Le résultat ? On le voit ! Après des mois de tergiversations typiquement helvétiques, après moult sourires et déclarations fumeuses de notre gentille ministre, l’enlisement ! Deux innocents qui n’en pouvaient mais pris en otages à Tripoli. Des centaines de touristes libyens (parmi eux des malades fortunés habitués des hôpitaux romands) allant se faire soigner ailleurs. Des projets d’investissements suisses bloqués. Le Président de la Confédération lui-même se ridiculisant devant les caméras du monde entier dans un vague salon libyen. Un avion spécial affrété aux frais du contribuable pour un aller-retour Berne-Tripoli à vide… Le monde qui rigole… L’Europe qui se fâche… Les Arabes qui grimacent… Kadhafi qui surenchérit… Misère de l’amateurisme et de l’innocence !
Le désastre de l’affaire des minarets
Comme la plupart des militants de gauche (ces adeptes incorrigibles du politiquement correct), Madame Calmy-Rey s’est fiée aux sondages les plus approximatifs pour tenter de convaincre son petit monde que la fameuse initiative anti-minarets n’allait pas passer.
Notre Dame de Berne a donc des convictions ; elle veut les partager ; c’est son droit de citoyenne. Seulement, un ministre dirigeant un Département aussi sensible que celui des affaires étrangères n’est pas un citoyen comme les autres. Il est payé pour prévoir le pire et préparer le pays aux crises les plus imprévisibles. Or, nul besoin d’être un politologue chevronné pour «pressentir» quelques semaines avant la votation que l’initiative allait passer.
Pressentir le désastre. S’y préparer. Mobiliser d’avance tous les cadres du DFAE afin d’exposer aux ambassadeurs des pays musulmans accrédités à Berne la position officielle sur ce scrutin. Leur expliquer les finasseries du fédéralisme helvétique. Les préparer au pire. Les rassurer autant que possible. Voilà ce que devait faire le DFAE. Avant la survenue de la catastrophe ! Après, c’est de l’énergie perdue !
Hélas, encore une fois, Madame Calmy-Rey et ses conseillers ont raté le coche ! L’initiative est donc passée. L’UDC a fêté sa victoire. Les bien-pensants ont hurlé que le peuple s’est trompé. Les Musulmans d’ici et d’ailleurs ont crié leur amertume. L’Onu s’est fâchée. Sa commission des droits de l’homme a grogné. Au DFAE, cependant, on n’avait rien vu venir ! Autisme ou méthode Coué ? Le fait est que l’on s’est fié aux approximations des sondages, on s’est convaincu que l’initiative n’avait aucune chance ; et on a négligé d’anticiper… Comme d’habitude…
Si gouverner c’est prévoir, alors disons qu’à Berne on ne gouverne pas…
La faillite du Forum humanitaire Mondial
Le dernier ratage que nous voulons évoquer n’est peut-être pas aussi important que les précédents, mais il est au moins aussi significatif de la manière dont on travaille au DFAE. Il s’agit de la faillite du Forum humanitaire Mondial. Hélas, prévisible ! Mais, encore une fois, le DFAE n’a rien vu venir. Pourtant, dès son lancement en 2007, cet objet non identifié a surpris plus d’un observateur.
Que venait donc faire, sur une scène déjà encombrée de forums et d’Ong, cette espèce de salon mondain où des personnalités, cooptées autant pour leurs carnets d’adresses que pour leur couverture médiatique, allaient causer réchauffement climatique, protection de l’environnement, aide au développement, coopération internationale? Qu’allait donc ajouter ce nouveau machin à tous ceux qui existent déjà ? L’Onu et ses dizaines d’agences, Davos, le Giec, le Cicr, les G 8, G 9, G 20, bref, tout ce beau monde aurait-il donc failli au point qu’il fallait dépenser d’urgence des millions de francs rien que pour réunir quelques personnes autour de Kofi Annan ? Allez savoir !
Le fait est que ce Forum est aujourd’hui en faillite. Son personnel licencié. Son président et son secrétaire général remerciés. Des indemnités de licenciement versées. Un banquier genevois est même sollicité pour régler des charges sociales impayées… Ce n’est plus une faillite ; c’est un naufrage! Kofi Annan est furieux. La Genève internationale fulmine. Les experts ricanent. Le contribuable suisse, lui, y a laissé quelques millions… Pour un rapport – un seul ! – remis à on ne sait qui, c’est cher payé…
Où va la crédibilité de la Suisse ?
Tous ces ratages, ces dossiers maltraités, ces occasions manquées, ces improvisations naïves et coûteuses, prêteraient à rire s’il ne s’agissait de la crédibilité d’un pays qui a fait précisément de la crédibilité sa véritable marque de fabrique. Un fonds de commerce au sens noble du terme.
En effet, minuscule, isolée, sans grandes ressources, la Suisse n’a tiré sa force et son rayonnement que d’une sorte de neutralité active et intelligente. Jouant – et réussissant souvent – un rôle de médiation et de bons offices dans le concert des nations, la diplomatie suisse était respectée et appréciée. Pour sa discrétion et son professionnalisme.
Or, aujourd’hui, la Suisse n’est plus en mesure de défendre sérieusement cette place chèrement acquise. Elle a dilapidé ce capital de crédibilité qui faisait sa force. Qui ferait confiance à un médiateur diplomatique dont la propre diplomatie est à la dérive ? Qui oserait confier une affaire délicate à des diplomates suisses incapables de défendre les vues, les valeurs et les intérêts de leur propre pays ?
Dans un pays où l’on répugne souvent à désigner clairement des responsables, le moment est venu de reconnaître que le département de Madame Calmy-Rey a échoué sur toute la ligne.
Il y a donc urgence à changer de cap, de vision et de ministre…
(Source : Tribune publiée le 2 mai 2010 sur le site Kapitalis.com (Tunisie))
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