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   TUNISNEWS                  7 ème année, N° 2296 du 04.09.2006       
 
 
L’Alliance                     Maghrébine pour                    la                     Démocratie:                                        L’hebdomadaire « Le Maghrébin » est on line  Pr Said Mestiri: l’enclenchement et le                     devenir d’une treve fragile                     AFP: Maroc/Terrorisme: la veuve d’un membre d’Al Qaïda                     dément avoir été arrêtée  Sami Nair: Naguib                     Mahfouz est déjà au Paradis   | 
 
  
       
Cliquez       ici pour accéder au reportage exceptionnel de l’AISPP       sur la catastrophe humanitaire       des prisonniers politiques Tunisiens  
 
  
  
 
 
 
   
  
  Communiqué de l’Alliance Maghrébine pour la Démocratie   (AMD)  
  
 
L’hebdomadaire « Le Maghrébin » est on line
 
  
 « L’Alliance   Maghrébine pour la Démocratie » est heureuse d’annoncer la mise on line   officielle de son site   www.amd-maghreb.org  et de son organe d’informations et   d’opinions hebdomadaire « Le Maghrébin »  www.hebdo.amd-maghreb.org   et ce à partir de ce  lundi 4 septembre 2006.
  
 « Le Maghrébin »   est le premier journal d’informations et d’opinions entièrement et   exclusivement réalisé par des militants, des universitaires, des politiques et   des journalistes issus des cinq pays du Maghreb et représentatifs de toutes   les tendances politiques, de toutes les générations et de toutes les cultures   maghrébines. Ils sont comme le précise solennellement la déclaration   fondatrice de l’AMD (voir le site)  engagés dans la construction d’un Maghreb   uni, démocratique et moderne.
  
  
 L’AMD informe   toutes les amies et tous les amis maghrébins qui ont pris contact avec   plusieurs membres fondateurs pour  s’informer des  modalités d’adhésion qu’ils   pourront le faire directement  à partir du site en cliquant sur la  touche   « adhésion ».
  
 L’AMD a enregistré   d’ores et déjà les adhésions de nouvelles personnalités et militants   maghrébins dont notamment , du Maroc : Ahmed Allam Lahlimi, ancien ministre du   gouvernement youssoufi ; Khalil Boucetta, député et membre du Bureau Exécutif   du parti « Al istiqlal » ;  de la Tunisie : Mohamed Harmel, président du parti   Ettajdid ; Georges Adda, militant historique de la cause démocratique, Saloua   Ben Youssef Charfi, maître de conférences, écrivaine et journaliste, Najet   Miled, éditrice ; de l’Algérie : Mohamed Ben Chicou, directeur du journal « Le   Matin » ; Nasreddine Ben Hadid, écrivain et journaliste.
 Sur le site de   l’AMD la liste des nouveaux membres  adhérant sera régulièrement mise à jour.
 
  
   Ci après le sommaire de l’édition du lundi 4 septembre 2006 du « Le   Maghrébin »
     
   Sommaire.
  
  
    Editorial :     Informer, débattre, militer
  
    Su :     informations confidentielles
  
    Politique
   Algérie :    L’Algérie a-t-elle besoin d’une révision de la constitution ? par Magid Laribi
   Libye :  Kadhafi   père et fils : connivence plus que dissonance, par Rachida Hichour
   Maroc :  La   rentrée politique dominée par la menace terroriste, par Yousef Lahlali
                                                                                     Vers un réacteur nucléaire marocain
   Mauritanie :  de coup   d’état en coup d’état, par Mohamed Baba
   Tunisie :  Les   raisons du limogeage de Mr Ganzoui, par Fatima Kabba
                   La   crise de la LTDH
  
    Maghreb
 Des   mouvements islamistes au Maghreb, par Khaled Chouket
 De la   Loi sarkozy , par Asma Chraïbi
  
    Monde
 La   guerre du Liban
 Les sept   bienfaits de la guerre, par Saloua ben Youssef Charfi
 La   guerre du Liban a redonné à la rue arabe ses repères, par Nasreddine Ben Hadid
  
    Economie
 Quelques   repères des potentialités du Maghreb, par Akim  Taîbi
  
    Opinions et débats
 La   corrélation entre sécurité et démocratie au cœur de  nos problèmes, par   Mouloud Hamrouche, ancien premier ministre algérien
  
    Lu
 Lester   Brown, Pape de l’écologie scientifique : L’humanité est menacée d’une grave   crise alimentaire
 
   
  
 
Solidarité avec Tunisnews
 
         La liste de diffusion Tunisnews a été victime d’un acte de piratage le 19     août 2006. Le site qui joue le rôle de principale source d’information sur     la Tunisie est hébergé à l’étranger et diffuse sa liste à partir de     l’étranger.           Cet acte révèle le degré d’intolérance du régime tunisien à l’égard de tout     media indépendant et de toute voix critique; Le recours à ces procédés de     délinquants prouve que le régime de Ben Ali ne recule devant rien pour taire     les voix tunisiennes libres.          Toute l’équipe de Kalima exprime son entière solidarité avec l’équipe de     Tunisnews et lui souhaite bonne continuation.          
(Source :    www.kalimatunisie.com , N°45, le     3 septembre 2006)  
 
L’ENCLENCHEMENT ET LE DEVENIR D’UNE     TREVE FRAGILE
 
 Par Pr Said MESTIRI          Au cours des tractations engagées à l’O.N.U. dés le déclenchement de la     guerre pour obtenir un cessez-le feu immédiat, on avait bien du mal à     comprendre l’acharnement des Américains et l’intensité des pressions     exercées par eux, malgré l’ampleur des massacres déjà opérés, pour refuser     un arrêt immédiat des hostilités et laisser à Tsahal le temps « d’achever le     travail ».           Un commencement d’explication peut être trouvé dans l’article publié dans     l’hebdomadaire The New Yorker, sous la signature du journaliste Seymour     Hersh, connu pour ses sources dans les milieux du renseignement. En voici un     paragraphe rapporté par Le Monde du 16/8/06 : « Les Etats Unis ont participé     étroitement à la préparation de l’attaque contre le Hezbollah avec Israël     avant même l’enlèvement des soldats israéliens. Pour l’administration Bush,     ajoute-il, il s’agissait d’affaiblir le Hezbollah afin de diminuer sa     capacité de représailles contre Israël si les Etats-Unis s’en prenaient à     l’Iran » …. Le porte-parole de la Maison Blanche a démenti ces informations     et qualifié l’article de fiction .           Donc au mépris, une fois de plus, de la résolution votée à l’unanimité par     les membres du conseil de sécurité de l’O.N.U., Israël avait annoncé     d’emblée, dès samedi matin, 12 août, son intention délibérée de poursuivre     ses attaques aériennes et son offensive terrestre au Liban-sud, au moins     pendant une semaine encore, jusqu’à la réalisation totale de ses buts de     guerre.           Or voici que dimanche matin 13 août – heureuse surprise !- le secrétaire     général de L’O.N.U, Kofi Anan annonce l’acceptation officielle par les     gouvernements d’Israël et du Liban de la résolution N° 1701 du Conseil de     sécurité proclamant l’arrêt des hostilités, qui prendra effet à partir du     Lundi 14 août à 7 heures du matin.          Du coup une offensive médiatique, extrêmement bien orchestrée des grandes     agences de presse (A.P., Reuters, Fox, A.F.P…etc), relayées par les T.V.et     les titres d’ une certaine grande Presse occidentale, emboîte le pas à     l’offensive terrestre pour développer les « succès militaires » de Tsahal et     disserter sur l’efficacité des frappes aériennes sur la Bekaa .           Tout le monde s’attendait évidemment à ce que le gouvernement israélien «     traîne un peu les pieds » et prolonge plus ou moins ses tergiversations     pendant une dizaine de jours, laissant ainsi à Tsahal la possibilité de     poursuivre les attaques aériennes, de démanteler un peu plus l’organisation     du Hezboullah et d’améliorer ses positions en vue des discussions     ultérieures. Ce ne fut pas complètement le cas. Le gouvernement israélien     déclara tout de go, respecter effectivement la date de cessation des     hostilités pour le lundi matin 14 août et ne réagir que s’il est attaqué.              A la vérité, les journées du samedi 13 et du Dimanche 14août furent parmi     les plus meurtrières de la guerre. Tandis que « les prouesses dites     chirurgicales » des pilotes de l’armée de l’air israélienne, à bord des F16,     se maintenaient égales à elles-mêmes, « terriblement efficaces »…… tant     qu’elles ne rencontraient aucune opposition, les Katiouchas continuaient à     s’abattre sur le nord et le centre d’Israël, la grande offensive terrestre     butait sur une résistance acharnée des combattants du Hezboullah. Les pertes     humaines et les destructions de matériel devaient vite atteindre, du côté     israélien, un niveau frisant l’intolérable.           Il apparut donc clairement à ce stade que, mises à part la dévastation des     infrastructures du Liban et les horribles massacres de civils, femmes et     enfants, Israël n’a pas atteint les buts de guerre qu’il s’était assignés.     Il apparut surtout que la poursuite ou la reprise éventuelle des hostilités     ne prendraient pas obligatoirement une tournure qui lui serait favorable.     Accueillie avec soulagement par de très larges secteurs de la population     israélienne, la cessation des hostilités représentait donc pour lui une     porte de sortie plus que souhaitable et honorable.           Et l’on retrouve alors les effets de cette offensive médiatique délibérée,     venant à point nommé, se joindre aux déclarations des officiels, pour     s’efforcer de masquer les échecs de l’armée israélienne et faire apparaître     a tout prix ses déconvenues comme des victoires militaires :     Cyberpress, Lundi 14/8 à 12 heures : Israël a remporté de très importants     succès au Liban . Yahoo, A.P., Israël estime être sorti vainqueur de’ son     conflit au Liban.     ‘’Tsahal revendique sa victoire’’ titre Libération du 16/8.      Déclaration de la ministre israélienne des affaires étrangères Livni     estimant que son gouvernement a atteint ses buts de guerre.          Enfin le président Bush lui-même est venu à la rescousse en déclarant sans     sourciller, ce15 août, au cours de sa conférence de presse : ‘’Le Hezboullah     a subi une défaite au Liban’’      Cette ‘’campagne médiatique’’ n’a pas réussi cependant à empêcher la     parution de quelques éditoriaux plus sérieux ou des reportages comportant     des analyses plus pertinentes de la situation.           Il est prématuré d’épiloguer sur les conséquences de toute nature qu’aura     entraîné cette dernière « aventure militaire » pour l’ensemble de la     population israélienne, de même qu’il sera singulièrement malaisé de prévoir     les évolutions possibles des modalités du « Cessez-le feu » qui l’a conclue.         Le futur est-il, en revanche plus aisément envisageable du coté du     Hezboullah ou plus généralement du coté libanais et arabe ? Le chef du     Hezboullah vient de qualifier de « victoire stratégique historique » la     cessation des hostilités et d’affirmer que son action s’inscrira dans une     coopération étroite avec le gouvernement libanais où il est d’ailleurs     représenté.          L’échec, après plus d’un mois de combats, des offensives de la « troisième     armée du monde » face à la Résistance libanaise est assurément en soi un     événement de haute portée et un facteur déterminant à prendre en compte dans     l’évolution de l’ensemble de la situation au Moyen-Orient.      La population libanaise soulagée et l’opinion arabe d’une façon générale,     sont gagnées par l’euphorie et en attribuent tout le mérite au Hezboullah     qui voit sa popularité grimper au zénith. Mis à part quelques rares     déviations vers un triomphalisme vraiment hors de propos, cette euphorie se     traduit très positivement sur le terrain, selon toutes les informations     reçues, par une foi renouvelée et un enthousiasme accru de toutes les     franges de la population, dans la mise en œuvre de cet immense effort de     reconstruction exigé par un pays dévasté.          Rien cependant n’incite réellement à l’optimisme. Voici que, nullement     instruit par le lamentable chaos qui règne en Irak et en Afghanistan, ne     semblant avoir tiré aucun enseignement des derniers affrontements au Liban,     le président des U.S.A. a froidement repris, dans sa dernière conférence de     presse, pratiquement sans changer un iota, la rhétorique illustrant la     vision stratégique des « Néo-conservateurs » et de l’équipe d’intellectuels     qui les entoure, à propos du nouveau Moyen-Orient. Les nouvelles cibles en     sont clairement désignées.          Certes les soldats israéliens ne se sont pas montrés les moins pressés pour     rentrer dans leurs foyers. La trêve tient, mais elle demeure extrêmement     fragile. La F.I.N.U.L rencontre de sérieux obstacles pour sa constitution et     son déploiement. Les Etats européens et les autres grands Etats de la     communauté internationale (Russie, Chine, Inde, Brésil ) jusque-là bien     discrets, auront-ils assez de sagesse et d’autorité pour maintenir cette     trêve fragile et, pourquoi pas, l’orienter vers les inéluctables     développements politiques, qu’elle doit logiquement impliquer ? Sauront-ils     résister aux pressions américaines et britanniques pour éviter le piège de     l’intrusion brutale et pour laisser au gouvernement libanais le soin de     gérer en toute souveraineté les délicats problèmes des armes de la     Résistance libanaise ?           Il leur faudra pour cela éviter de se fixer sur des « préalables » qu’ils     savent ne pouvoir être actuellement tenus et surtout refuser de céder à la     tentation d’intervenir, directement ou indirectement, dans le fragile     équilibre inter-confessionnel et politique qui sous-tend actuellement l’Etat     libanais et que les succès de la Résistance ont incontestablement conforté.              Faut-il se dissimuler, pour autant, les incertitudes qui contribuent à     grever l’avenir de cette trêve, ni taire les inquiétudes et les menaces qui     pèsent sur la situation du Moyen-Orient ? Ceci étant, on ne peut nier que,     pour l’ensemble des populations arabes et musulmanes, la conclusion de cette     « sixième guerre » est perçue comme un tournant porteur d’un surcroît de     confiance, non de revanche ou de défi, mais un surcroît de confiance en     eux-mêmes pour aborder sereinement, par delà des régimes pour la plupart     sclérosés, ces grandes incertitudes de leur avenir.           
(Source :    www.kalimatunisie.com , N°45, le     3 septembre 2006)   
Maroc/Terrorisme: la veuve d’un     membre d’Al Qaïda dément avoir été arrêtée
         AFP, le 4 septembre 2006 à 16h19     RABAT, 4 sept 2006 (AFP) –  La veuve de Karim Mejjati, un Marocain membre     d’Al Qaïda tué en Arabie saoudite en 2005, a indiqué lundi à l’AFP qu’elle     était libre, démentant ainsi des informations de presse affirmant qu’elle     avait été arrêtée.     “Je suis libre, je n’ai pas fait l’objet d’arrestation, de convocation ni     d’interrogatoire”, a affirmé Fatiha Hassani, ajoutant que “les services de     sécurité marocains connaissent tous les détails de (ses) déplacements”     depuis son extradition d’Arabie saoudite en 2003.     Le ministre marocain de l’Intérieur Chakib Benmoussa a affirmé le 31 août à     Rabat que des femmes arrêtées dans le cadre de l’enquête sur le réseau Ansar     El Mahdi, dont la police a annoncé le démantèlement au début d’août, avaient     “une relation de sympathie avec la veuve de Mejjati”.     Mme Hassani a déploré que “des journaux aient déduit de la déclaration du     ministre de l’Intérieur qu'(elle) était en état d’arrestation”.     Interrogée sur les membres présumés du réseau, elle a déclaré: “Je ne sais     pas ce qu’ils ont fait, je ne connais pas la vérité sur cette affaire et les     noms (des suspects) sont entourés d’un secret total. L’affaire est devant la     justice”.     Elle a indiqué avoir connu en 1990 ou 1991, “une femme appelée Oum Saâd, un     nom cité actuellement par la presse à propos des enquêtes actuelles”. “Mais     depuis cette date, nos chemins se sont séparés”, a-t-elle dit.     Selon la police, une femme qui porte le même surnom, “Oum Saâd”, aurait     versé à Hassan Khattab, chef présumé du réseau Ansar El Mahdi, 150.000     dirhams (13.600 euros) pour financer des activités terroristes et pour qu’il     se soigne d’une maladie du coeur.     Deux des quatre femmes soupçonnées d’appartenance à ce réseau sont mariées à     des pilotes de ligne de la compagnie Royal Air Maroc.     La veuve de Mejjati a rappelé qu’elle a été extradée d’Arabie saoudite vers     le Maroc en 2003, soit deux ans avant l’annonce de la mort de son mari, tué     lors d’affrontements avec les forces de l’ordre saoudiennes en avril 2005.     Selon le ministère de l’Intérieur, le groupe Ansar El Mahdi dont 56 membres     présumés ont été arrêtés au Maroc en juillet et août, comptait “déclarer le     jihad dans les montagnes du nord marocain, attaquer des cibles sensibles,     des intérêts étrangers et des personnalités marocaines”, avait indiqué le     ministère de l’Intérieur.     AFP
 
 
 Le grand écrivain   croyant, ouvert et tolérant rit et se plaint à Dieu de la prolifération des   fanatiques dans sa belle Egypte.       
Naguib Mahfouz est déjà au Paradis
 
 Par Sami NAIR Sami Naïr professeur de sciences politiques à   l’université Paris-VIII.       Le grand homme s’est éteint. A l’âge de 95 ans. Il disait qu’il vivrait vieux,   il ne croyait pas cependant que sa superbe aventure durerait autant. Naguib   Mahfouz n’est pas un auteur comme les autres. Pour saisir sa personnalité,   imaginez un homme noiraud, de taille moyenne, les yeux cerclés par des   lunettes épaisses en écaille des années 30 et qu’il se refusait à adapter aux   modes. Son lieu de prédilection, c’était ce bar situé près de l’avenue   Zaghloul, au centre du Caire, où il se rendait tous les jours jusque dans les   années 90. Il observait les passants, les consommateurs, s’imprégnait de   l’inépuisable humour du petit peuple, en faisait lui-même sa pâture en   provoquant des rires qui remplissaient de gaieté cet endroit. L’homme était   têtu, il avait toujours un mot pour chacun, se refusait à jouer «à l’écrivain»   et encore moins au «fenan», c’est-à-dire à l’artiste. Lorsqu’on lui a appris   qu’il venait d’obtenir le prix Nobel de littérature, en 1988, il a continué à   siroter son café sans rien changer, demandant seulement aux journalistes qui   affluaient de ne pas perturber son meilleur moment de la journée, celui où il   racontait et entendait des histoires drôles et salaces. Homme de l’époque   nassérienne, mais aussi d’avant et d’après, il n’a jamais fait de concessions   aux pouvoirs en place. Il a choisi, bien qu’il détestât la folie   mégalomaniaque du président Sadate, de le soutenir lorsque celui-ci décida de   se rendre en Israël et de faire la paix avec l’Etat hébreu. Quand l’imam   Khomeiny lança sa fatwa contre Salman Rushdie, Naguib Mahfouz mit tout son   prestige dans la balance et traita cette décision d’aberrante et   d’anti-islamique. Quelque temps après, un intégriste tenta de l’assassiner. Le   vieil homme s’en tira avec de graves blessures mais pardonna à son agresseur,   disant que cet acte n’avait rien à voir avec l’islam mais tout avec le   fanatisme.
    L’écrivain, lui, est d’une stature exceptionnelle. Pour le comprendre,   imaginez un mélange de Cervantès, de Balzac et de Clarin, de Zola et de   Dickens. Avec, en arrière-fond, l’univers des Mille et Une Nuits, le souffle   épique de l’Ancien Testament, l’amour du prochain du Nouveau testament, sertis   et dépassés dans sa foi coranique  un Coran humain, tolérant, ouvert aux   sciences et aux arts. Mahfouz a acquis la gloire universelle grâce au Nobel,   mais, pour les connaisseurs de la littérature orientale comme pour les   intellectuels arabes et musulmans, il était déjà une sorte de Dieu que rien ne   pouvait ébranler. Sa langue est précise, son style alerte et cristallin, sa   vision du monde profondément moderniste et tolérante. Ses romans parlent du   quotidien de l’Egyptien, de ses aspirations et de ses malheurs, des préjugés   sociaux et des fanatismes divers. L’univers qu’il décrit dans la trilogie   constituée par l’Impasse des deux palais, le Palais du désir et le Jardin du   passé est d’une richesse humaine exemplaire ; nulle analyse sociologique ou   culturelle ne peut mieux faire comprendre ce qu’est la structure profonde de   la société égyptienne, les relations de classes et les formes de domination,   d’oppression, que cette société porte encore dans ses flancs. Les rapports   ville-campagne, les relations homme-femme, les groupes de pouvoir qui se   constituent dans les quartiers populaires comme les destinées de certains   personnages sont restitués avec un réalisme cru, souvent compatissant,   toujours traversé par ce rire et cet humour qui transforment le dramatique des   situations en épreuve seulement humaine. Parmi tous ces types humains qu’il a   créés, je ne trouve rien de plus émouvant que celui de cette femme, dans la   Chanson des gueux, qui ressemble en tous points à l’Ursula de Cent ans de   solitude de Gabriel Garcia Márquez, mais, peut-être mieux encore que chez   celui-ci, il s’agit là d’une femme qui se bat seule et finit par élever une   famille dans un monde d’hommes à la fois faibles, brutaux et égoïstes. Un   personnage d’une puissance et d’une beauté rares, tant physiquement que   moralement, et, surtout, plus courant qu’on ne le pense dans les quartiers   populaires du Caire. Mais Mahfouz était aussi un écrivain moderniste. Il s’est   attaqué aux croyances, aux archaïsmes, aux blocages culturels et aux rigidités   psychologiques de la société arabo-musulmane. Là où il va le plus loin, et en   ce sens il a fait oeuvre, sur le plan littéraire, de véritable réformateur,   c’est dans son livre intitulé les Fils de la médina. Là, Mahfouz entreprend   une critique sévère du despotisme à travers la vie d’un personnage qui se   prenait pour un être surnaturel, critiquant ainsi à la fois les tenants du   pouvoir temporel (Nasser) et spirituel (Al-Azhar). Ce livre a été condamné par   la mosquée d’Al-Azhar, l’équivalent musulman sunnite du Vatican, et le   gouvernement égyptien en a interdit la diffusion. Interdiction qui faisait   rire Mahfouz, puisque, disait-il, elle faisait de ce livre celui que tout le   monde voulait lire !
    Mahfouz a été le grand écrivain égyptien du XXe siècle. L’Egypte tolérante le   pleurera comme sa conscience perdue, son chantre et son guide culturel le plus   profond parce que le plus authentique. Avec Oum Kalsoum, la chanteuse divine,   il représentait une certaine idée du monde arabe, chaleureuse et toujours   hantée par l’époque des grandes épopées.
    Les temps ont cependant changé. Maintenant, la bataille entre les tenants d’un   islam rigoriste et ceux qui, souvent, se raccrochent à une conception de la   modernité esclave de l’américanisation des sociétés fait rage en Egypte comme   ailleurs dans le monde musulman. Naguib Mahfouz représentait le réalisme et   l’optimisme, aujourd’hui la plupart des jeunes écrivains se débattent entre   les interdits du fondamentalisme et les déroutes psychiques de la société de   consommation. Mais Mahfouz restera. On dit qu’après leur mort les grands   écrivains passent par un purgatoire où l’opinion publique peut soit les   frapper d’oubli soit les honorer plus encore quelque temps plus tard. Mahfouz   n’ira pas au purgatoire, car il est déjà au paradis. Et, de là-bas, lui, le   croyant ouvert et tolérant, il rit et se plaint déjà à Dieu de la   prolifération des fanatiques dans sa belle Egypte, dans son Caire chéri. Ceux   qui croient en Dieu peuvent être sûrs qu’il a déjà commencé un livre sur le   Très Haut ; ceux qui n’y croient pas doivent, de toute urgence, reprendre un   de ces livres, n’importe lequel, et le relire pour mesurer la perte que le   temps, le seul vainqueur de nos vanités, nous inflige en faisant passer dans   l’éternité Naguib Mahfouz.      (Source: Libération du  Lundi 4 septembre 2006)   http://www.liberation.fr/opinions/rebonds/202080.FR.php    
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