Amnesty International: Triste continuité de la politique française en Tunisie AISPP: Communiqués 1 – 2 Liberté et Equité: Communiqué Luiza Toscane: Il a arraché sa libération – Battez-vous pour son émancipation AP: Droits de l’Homme en Tunisie: Moscovici dénonce la « trahison » de Sarkozy AP: Sarkozy salue de nouveau les progrès de la Tunisie en matière de liberté et de tolérance Reuters: Nicolas Sarkozy loue encore Ben Ali sur les droits de l’homme AFP: Nicolas Sarkozy salue une nouvelle fois les progrès de la Tunisie Reuters: Sarkozy under fire for ignoring rights in Tunisia AFP: Sarkozy quitte la Tunisie en défendant l’Union pour la Méditerranée AP:Sarkozy: l’Union pour la Méditerranée « changera le monde » Reuters: Sarkozy – Le conflit Israël-Palestine ne doit pas entraver l’UPM La France « ne transigera pas avec la sécurité d’Israël », affirme Nicolas Sarkozy à Tunis Yahyaoui Mokhtar: Accès refusé Mahmoud Ben Romdhane: Ces choses que l’on ne voudrait point exhiber ! Zineb Dryef: Sarkozy chez Ben Ali: mais où est passée Rama Yade? Afrik.com: Sarkozy en Tunisie : « un appui total à la dictature de Ben Ali » Afrik.com : Sarkozy en Tunisie : les droits de l’homme passent à la trappe Infosud :Khadija Cherif, « En Tunisie, la cause des femmes recule » Tribune de Genève : Sarkozy sert son cocktail contrats-droits humains à Tunis Libération : En Tunisie, Sarkozy enfonce le clou sur les droits de l’homme Libération: Sarkozy, la «main-d’œuvre» tunisienne et «l’intelligence» française Syfia : Tunisie : les livres sous la coupe de la censure Le Monde: A Tunis, Nicolas Sarkozy vante son projet d’Union pour la Méditerranée Greenpeace: Accord nucléaire en Tunisie : Nicolas Sarkozy termine son « Atomic Tour » de la Méditerranée
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Amnesty International
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DECLARATION PUBLIQUE
30 Avril 2008
SF 08 M 39
Triste continuité de la politique française en Tunisie
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Depuis toujours, la diplomatie française a fait passer ses intérêts économiques  avant ceux des droits de la personne humaine. On pouvait donc craindre que la vente d’airbus ne soit guère propice à de franches explications sur les récentes conclusions du Comité des droits de l’homme de l’ONU sur la Tunisie. Examinant en mars le rapport que lui avait soumis Tunis sur son application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le comité s’inquiétait notamment des détentions arbitraires, de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il revenait sur le sort réservé à plusieurs organisations et défenseurs des droits de l’homme qui ne peuvent exercer librement leurs activités et sont victimes de harcèlements et d’intimidations, parfois d’arrestations. Le Comité des droits de l’homme avait aussi rappelé aux autorités tunisiennes que « la définition des actes terroristes ne devrait pas conduire à des interprétations permettant de porter atteinte, sous le couvert d’actes terroristes, à l’expression légitime des droits consacrés par le Pacte » .
Mais pourquoi douter a priori de la volonté d’un Président qui dans son discours d’investiture  proclamait qu’il «  ferai[t] de la défense des droits de l’homme et de la lutte contre le réchauffement climatique les priorités de l’action diplomatique de la France dans le monde. » Encore candidat, il osait même : « Je ne passerai jamais sous silence les atteintes aux droits de l’homme au nom de nos intérêts économiques. Je défendrai les droits de l’homme partout où ils sont méconnus ou menacés… » Juste un an plus tard, notre héraut  refuse donc de se poser en donneur de leçon comme si se préoccuper des droits de la personne humaine était faire autre chose que d’accomplir l’obligation de l’article 1er de la Charte des Nations unies « d’encourager le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous ». Dans de telles dispositions d’esprit, un  silence contrit à défaut d’être contraint serait sans doute un moindre mal. Mais il n’a pas suffi au Président français. C’est que  les intérêts sécuritaires français lui paraissent exiger une franche défense du régime tunisien. Ainsi  invite-t-il chacun à réfléchir : « Qui peut croire que si demain, après-demain, un régime du type taliban s’installait dans un de vos pays au nord de l’Afrique, l’Europe et la France pourraient considérer qu’elles sont en sécurité ? » Et de soutenir qu’en Tunisie « aujourd’hui l’espace de libertés progresse ».  La liberté progresse-t-elle quand les associations qui déplaisent ne peuvent se faire enregistrer, quand les avocats aux dossiers sensibles sont sous constante pression policière ? Quand y compris des associations, syndicats ou partis reconnus ne peuvent agir que sous contrôle permanent et restent à la merci d’une procédure judiciaire ou d’une interdiction de réunion de dernière minute ? Existe-t-il une télévision libre en Tunisie ? Une presse non gouvernementale aux  moyens dérisoires est-elle la marque de la liberté ?  Qu’en pense Slim Boukhdir condamné en novembre à un an ferme pour un outrage prétendu afin de mieux réprimer son insolente liberté de parole ? Et le Président français de rendre hommage à la «  lutte déterminée » des autorités tunisiennes contre le terrorisme. Sans doute précise-t-il : « Et je sais aussi qu’on ne combat pas les terroristes – j’ai été ministre de l’Intérieur – avec les méthodes des terroristes.» Mais il ajoute : «  Et c’est pourquoi je suis si attaché à la coopération entre nos services.»  Singulier appel à la coopération quand la Cour européenne des droits de l’homme a jugé le 28 février que la remise (par l’Italie) d’un ressortissant tunisien poursuivi pour terrorisme dans son pays violerait son droit à ne pas être pas soumis à la torture. Et la France ne dit mot des – et  semble donc consentir aux – arrestations arbitraires,  détentions au secret,  tortures systématiques des personnes arrêtées au titre de la loi contre le terrorisme du 10 décembre 2003. La France ne saurait non plus protester devant des procès inéquitables menés, sans garantie constitutionnelle d’indépendance. Trop souvent, des magistrats statuent après des interrogatoires sommaires, sur la  base de procès-verbaux aux dates falsifiées et d’aveux obtenus sous la torture, et sans que la défense soit admise, sauf exception rarissime, à faire entendre ses témoins. Et, au delà du rappel bienvenu à l’observance d’un strict moratoire en matière de peine capitale, la France ne parle qu’à demi-mot quand la Cour de Tunis condamne à mort,  en février dans l’affaire dite de Soliman, au nom de la lutte contre le terrorisme. En Tunisie, ce voyage officiel consterne les combattants de la liberté. La France étant au seuil de la présidence de l’Union européenne, Amnesty International France rappelle les propos du Président lorsqu’il s’engageait  « à se battre pour une Europe qui protège, parce que c’est le sens de l’idéal européen. » L’Union pour la Méditerranée que veut M. Sarkozy se construira-t-elle ainsi dans le déni des droits humains ? Ne pas dénoncer leurs violations et, plus encore, prétendre à tort que leur respect progresserait, revient à les déconsidérer. C’est ainsi que l’on fait le lit de ceux que l’on dit combattre. Réfléchissez-y, Monsieur le Président.
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Pour plus d’informations : Aurélie Chatelard & Michael Luzé Service Presse Amnesty International France Tel. : + 33 1 53 38 65 41 – Portable : + 33 6 76 94 37 05
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Il a arraché sa libération Battez-vous pour son émancipation
Droits de l’Homme en Tunisie: Moscovici dénonce la « trahison » de Sarkozy
Sarkozy salue de nouveau les progrès de la Tunisie en matière de liberté et de tolérance
Nicolas Sarkozy loue encore Ben Ali sur les droits de l’homme
Nicolas Sarkozy salue une nouvelle fois les progrès de la Tunisie
 AFP, le 30 avril 2008 à 11h41
TUNIS, 30 avr 2008 (AFP) – Le président français Nicolas Sarkozy a une nouvelle fois salué mercredi les progrès accomplis par la Tunisie en matière de liberté et de tolérance, au cours d’un
discours prononcé à l’Institut national des sciences appliquées et de technologie (Insat) de Tunis.
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« Tout n’est pas parfait en Tunisie, certes. Tout n’est pas parfait en France non plus (…) mais je veux le dire aussi parce que je le pense, quel pays peut s’enorgueillir d’avoir autant avancé
en un demi-siècle sur la voie du progrès, sur la voie de la Tolérance, et sur la voie de la raison ? », s’est exclamé M. Sarkozy au dernier jour de sa visite d’Etat.
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En arrivant lundi soir en Tunisie, Nicolas Sarkozy avait affirmé que « l’espace des libertés progressait » en Tunisie, suscitant un tollé de la part des défenseurs des droits de l’Homme.
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Sarkozy under fire for ignoring rights in Tunisia
Sarkozy quitte la Tunisie en défendant l’Union pour la Méditerranée
Sarkozy: l’Union pour la Méditerranée « changera le monde »
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Sarkozy – Le conflit Israël-Palestine ne doit pas entraver l’UPM
La France « ne transigera pas avec la sécurité d’Israël », affirme Nicolas Sarkozy à Tunis
Accès refusé
Yahyaoui Mokhtar
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Ce mercredi, on vient de me couper ma connexion Internet. Ainsi ça recommence encore pour la énième fois pendant les dernières années. Ainsi je ne pouvais plus depuis ce jour tenir mon journal en ligne « TUNISIA Watch » ni poster les notes que j’écris parfois sur mon blog. Bien que censuré en Tunisie, je trouve de mon devoir de continuer à apporter une autre image de mon pays, celle que la censure et la propagande cherche à occulter. L’intérêt que reflète le nombre des lecteurs, essentiellement d’Europe et du Maghreb, ne fait que m’encourager à persévérer. Aujourd’hui d’autres amis collaborent avec moi en postant directement leurs textes. J’espère que d’autres se joindront à eux par solidarité en participant à son contenu.
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Je commence par ce qu’aurait fait normalement tout citoyen. J’appelle mon fournisseur d’accès pour signaler le dérangement. La voix qui me répond à l’autre bout du fil me demande les coordonnées nécessaires pour s’assurer de la validité de mon abonnement. Soudainement la ligne est coupée. C’est normal, cela arrive souvent ici, je recommence à appeler une autre fois le même numéro. C’est une autre voix qui me répond, je lui fais signaler que j’étais avec son collègue et que je viens juste d’être coupé. La personne avec courtoisie me demande les mêmes indications sans prêter attention à ma remarque. Elle me dirige ensuite sur une page pour réviser les coordonnées de mon abonnement. Tout semblait en règle, elle me demande à la fin d’accéder par le login et le mot de passe inscrits sur le bon de mon abonnement. Rien à faire, accès refusé. Elle me demande d’essayer une autre fois en faisant attention aux majuscules, minuscules et espaces comme ils sont inscrits. Elle va jusqu’à me demander de compter le nombre d’étoile avant d’appuyer sur le lien d’accès mais sans succès à chaque fois.
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Alors on me demanda de patienter un peu et de rappeler dans une heure. Qu’est ce que j’ai d’autre à faire ? Une heure largement passée après, je reprend le téléphone et je compose le même numéro. C’est une troisième voix qui me répond. J’essaye de rappeler l’historique de ma réclamation. La personne me fait comprendre que c’est l’équipe de l’après midi et qu’elle va tout recommencer avec moi depuis le début. En bout de compte on arrive au même résultat. Mon téléphone fonctionne normalement, mon abonnement est payé à l’avance pour un an il y a juste un mois et l’accès fourni par mon opérateur est toujours refusé. La personne chargée normalement de me dépanner se trouve ainsi bloquée sans moyen convaincant pour justifier une telle situation, elle me demande alors avec toute la gentillesse qu’on peut imaginer de patienter encore et de rappeler dans une heure tout en raccrochant sans attendre mon consentement.
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Personnellement je ne peux plus le refaire pour me trouver avec une nouvelle opératrice qui me mène en bateau jusqu’au même résultat. J’ai arrêté, c’est ma femme qui a pris le relais pouer aboutir enfin à une promesse de leur part de faire une réclamation auprès de la compagnie de téléphone et de lui répondre dans quelques jours.
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Wait and see
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En fait ce n’est pas la première fois que ça m’arrive. Aujourd’hui je ne compte plus le nombre de nouvelles lignes téléphoniques auxquelles j’ai du souscrire au cours des cinq dernières années sous diverses identités pour pouvoir accéder à un service public normalement garanti sur le même pied d’égalité à tout tunisien. La dernière fois j’ai du attendre plus de six mois le rétablissement de la connexion Internet sur ma ligne téléphonique sans résultat avant de souscrire la nouvelle ligne qui vient d’être coupée aujourd’hui. C’est ainsi qu’on agit pour établir les règles sur lesquelles se fonde la dictature de Ben Ali. Il y a au dessus de la loi des règles non écrites auxquelles on vous apprend à vous plier. Pour chaque mot, pour chaque geste, on vous apprend à réfléchir par deux fois avant de le prononcer ou d’agir avant de subir les conséquences de votre inadvertance.
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Ainsi on a abouti à l’installation, dans l’esprit de chaque tunisien, de son propre surveillant au service de Ben Ali, de sa dictature et des intouchables autour de lui. On doit rester à un seuil peu élevé et agir sur une plateforme restreinte comme le disent très bien les expérimentés. Respecter les tabous sacrés de la dictature, ne pas franchir les lignes rouges et se complaire dans un discours de mécontent lâche qui fait pitié. Ainsi on est étroitement tenu en laisse par notre oppresseur sans jamais pouvoir rien changer à notre sort ni moins encore à celui de notre pays.
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Yahyaoui Mokhtar – Mercredi 26 Avril 2008
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(Source : « Tunisia Watch », le blog de Mokhtar Yahyaoui, le 26 avril 2008)
Lien : http://tunisiawatch.rsfblog.org
Ces choses que l’on ne voudrait point exhiber !
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Publication de l’enquête nationale sur le budget des ménages de 2005
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Une si longue attente… des choses que l’on ne voudrait point exhiber
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Par Mahmoud Ben Romdhane
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Sans effet d’annonce, dans la discrétion la plus absolue, avec un très grand retard, vient d’être publié et mis en vente le Rapport de l’Enquête nationale sur le budget, la consommation et le niveau de vie des ménages de 2005.
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Et pour cause: ses résultats ne sont pas bons. Ils sont gênants à plus d’un titre: même en référence au seuil de pauvreté de 1980, devenu aujourd’hui anachronique, la pauvreté n’a, pour ainsi dire, pas reculé et la distribution des revenus (plus précisément des budgets des ménages) s’est détériorée.
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Sur le front, de la lutte contre la pauvreté, la Tunisie a réalisé, dans le Passé, des percées remarquables. Jusqu’en 1985, du moins. Car depuis que des enquêtes statistiquement significatives sont réalisées (la première étant celle de 1965-1968), le taux de pauvreté et le nombre de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté absolue ont baissé de manière spectaculaire : d’une enquête à l’autre, le taux est passé de 33,8 % en 1965-1968, à 22 % en 1975, 12,9 % en 1980, et 7,7 % en 1985 et l’effectif des personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté absolue a reculé de 300 mille à chaque fois.
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Depuis 1985, l’élan est brisé: le taux ne baisse plus que de manière imperceptible et l’effectif des très pauvres ne recule, pour ainsi dire, Plus: au cours des vingt dernières années, il est passé de 554 mille à 376 mille: soit une diminution moyenne de 9mille par an contre 50 à 60 mille durant les deux décennies
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Evolution des principaux indicateurs relatifs à la pauvreté absolue en Tunisie
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Evolution des principaux indicateurs relatifs à la pauvreté absolue en Tunisie |
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Effectifs |
Taux de pauvreté |
Rapport du 9e au 1er décile |
1965-68 |
1Â 533 000 |
33,8% |
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1975 |
1Â 223 000 |
22% |
7,3 |
1980 |
823 000 |
12,9% |
7,0 |
1985 |
554 000 |
7,7% |
6,6 |
1990 |
544 000 |
6,7% |
6,2 |
1995 |
559 000 |
6,2% |
6,7 |
2000 |
399 000 |
4,2% |
6,2 |
2005 |
376 000 |
3Â ,8% |
6,7 |
Source : Enquête nationale sur le budget, la consommation et le niveau de vie des ménages. INS – Tunis |
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Entre 1985 et 1990, l’effectif des très pauvres a pratiquement stagné et, entre 1990 et 1995, il a même augmenté. Pour cacher cette évolution, l’Institut National de la Statistique a reçu pour instruction de ne publier, ni les informations relatives à la pauvreté de 1995, ni les informations relatives à la distribution des ménages selon leur niveau de dépense. Ces informations, nous les connaîtrons quelque temps plus tard à travers une publication de la Banque mondiale. En 2000, parce que l’évolution est positive, la publication est complète: comme les précédentes (sauf celle de 1995), elle passe en revue toutes les dimensions: budget, structure de la consommation et distribution des ménages selon leur niveau de dépense. Sa présentation est faite en grande pompe: conférence de presse du Ministère du Développement Economique: reprise dans tous les médias, communiqués de presse, … et dans des délais très rapides.
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L’enquête qui a été réalisée en 2005 ne connaît pas le même sort: ses résultats sont reportés de mois en mois. Et ce n’est que ce 11 avril, soit près de deux ans et demi après son achèvement que ses résultats sont publiés. Elle sera pratiquement amputée detout ce qui concerne la distribution des ménages par niveau de dépense: aucune comparaison ne sera faite avec la situation des périodes précédentes et on ne fournira aucune analyse concernant l’évolution des indices relatifs à l’équité ou à l’iniquité de la répartition des revenus (plus précisément des budgets) comme l’indice de concentration ou le rapport du 9è décile au 1er décile. Mais ces informations, un économiste ou un statisticien un peu rodé peut les reconstituer et c’est ce que nous avons fait. Voici ce qu’on voulait cacher:
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le rapport entre le 9è décile (le budget moyen des personnes situées dans les 10 % les plus riches) et le 1er décile (le budget moyen des personnes situées dans les 10 % les plus pauvres) a augmenté entre 2000 et 2005, passant de 6,2 en 2000 à 6,7 en 2005,ce qui signifie un accroissement des écarts entre riches et pauvres et un effacement des progrès accomplis sur ce front depuis 1980; la masse des dépenses réalisées par les 20 % de la population ayant les dépenses les plus faibles est tombée de 6,9 % à 5,9 %, tandis que celles réalisées par les 20 % de la population ayant les dépenses les plus élevées a augmenté, passant de 47,3 % à 48,0%.
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Quant au nouveau seuil de pauvreté, il rapproche le niveau communal du niveau non communal (ce qui est correct), mais sans prendre en considération le (plus que) doublement du niveau de vie des tunisiennes et des tunisiens et les nouveaux besoins devenus vitaux; il reproduit, pour ainsi dire, le seuil de 1980. Il est difficile de trouver un seuil si faible à l’échelle mondiale pour un pays ayant atteint le niveau de revenu de la Tunisie. Son utilité analytique est bien douteuse, sa capacité à éclairer la conduite de la politique sociale de lutte contre la pauvreté est bien faible; sa vertu est à rechercher ailleurs : la propagande
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Mahmoud Ben Romdhane – Attarik Al Jadid – Samedi 19 avril 2008
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(Source : « Tunisia Watch », le blog de Mokhtar Yahyaoui, le 28 avril 2008)
Lien : http://tunisiawatch.rsfblog.org
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Sarkozy chez Ben Ali: mais où est passée Rama Yade?
Par Zineb Dryef
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En visite officielle en Tunisie, Nicolas Sarkozy a déclaré n’avoir pas de leçons à donner en droits de l’homme au président Ben Ali.
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Nicolas Sarkozy exagère. En visite officielle en Tunisie, il a déclaré n’avoir pas de leçons à donner en matière de droits de l’homme au président Zine El Abidine Ben Ali avant d’user de la même rhétorique que les chefs d’Etats autoritaires:
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   « Et quant aux questions de sécurité et de terrorisme, qui peut penser que l’Europe serait plus heureuse avec un régime taliban en Algérie, en Tunisie, sans parler du Maroc? »
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Dans la blogosphère franco-tunisienne, l’humeur est à la consternation.
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Soit t’es d’accord avec moi, soit t’es pas en désaccord
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La secrétaire d’Etat aux Droits de l’homme est bien du voyage mais elle a annulé une rencontre avec l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD). Un lapin qui a fait bondir la présidente de l’association, Khedija Chérif, pas dupe du prétexte invoqué: soucis d’agenda.
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www.madjidenblog.fr .Sur son blog, Madjid [1]imagine une Rama Yade dans son rôle:
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    » Avant son voyage en Tunisie, elle s’est entretenue plusieurs fois avec
   la Fédération tunisienne des droits de l’homme ainsi que les représentants d’Amnesty International et de Human Rights Watch. Elle s’est particulièrement engagée aux côtés de Radia Nasraoui, avocate militante des droits de l’homme, littéralement harcelée par la
   police politique de Ben Ali (…). Forte de ses convictions et de ses soutiens, Rama Yade a donc prévenu qu’elle n’irait pas en Tunisie pour faire de la figuration. Arrivée sur le tarmac de l’aéroport, elle a, en signe de soutien et de solidarité avec les victimes de la répression policière orchestrée par Ben Ali, refusé de serrer la main à son homologue, ce qui lui a valu une réprimande de la part de Sarkozy lui-même, qui lui aurait dit: ‘soit t’es d’accord avec moi, soit t’es pas en désaccord!’ A quoi elle aurait répondu: ‘Je reste fidèle à mes convictions en les trahissant’. C’est une foule nombreuse qui a accueilli Rama Yade dehors, en scandant: ‘Merci Rama, grâce à toi les libertés vont avancer!’. »
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Ben Ali n’aime pas Internet
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www.bakchich.fr .Nos confrères de Bakchich [2] en avertissaient leurs lecteurs dès lundi 28 avril: leur site est inaccessible depuis la Tunisie:
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   « Une poignée de privilégiés -diplomates? militaires?- y ont néanmoins accès, comme le révèlent les statistiques de Google Analytics, qui tracent les connexions à Bakchich de par le monde entier. »
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Les sites de partage de vidéos, YouTube [3] et Dailymotion [4], sont également absents des ordinateurs tunisiens. De nombreuses vidéos tournant au ridicule le président et sa femme Leïla Trabelsi (ou plus engagées) y sont régulièrement postées:
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www.tunisiawatch.rsfblog.org .TunisiaWatch [5], l’un des plus importants sites d’opposition au régime de Ben Ali, rencontre également des couacs de connexion:
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   « En fait, ce n’est pas la première fois que ça m’arrive. Aujourd’hui, je ne compte plus le nombre de nouvelles lignes téléphoniques auxquelles j’ai dû souscrire au cours des cinq dernières années sous diverses identités pour pouvoir accéder à un service public normalement garanti sur le même pied d’égalité à tout tunisien. La dernière fois j’ai dû attendre plus de six mois le rétablissement de la connexion Internet sur ma ligne téléphonique, sans résultat, avant de souscrire la nouvelle ligne qui vient d’être coupée aujourd’hui. C’est ainsi qu’on agit pour établir les règles sur lesquelles se fonde la dictature de Ben Ali. Il y a au-dessus de la loi des règles non écrites auxquelles on vous apprend à vous plier. Pour chaque mot, pour chaque geste, on vous apprend à réfléchir par deux fois avant de le prononcer ou d’agir avant de subir les conséquences de votre inadvertance. »
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Immigration, droits de l’homme et Union
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samitriani.hautetfort.com .Samitriani [6]commente le voyage de Nicolas Sarkozy en usant quasiment de la même formule que lui; gagnant-gagnant:
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   « La Tunisie, que l’on le veuille ou pas, est un pays pauvre… On a besoin de l’aide de la France, du co-développement, de cette foutue Union méditerranéenne et on
   n’a pas trop le choix si on veut évoluer. Il faut laisser un peu de
   coté al chahama (ndlr: honte) ou le sentiment de fierté… Il faut être pragmatique! »
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Quelques lignes plus loin, le blogueur reconnaît être gêné par l’absence de discours sur les droits de l’homme.
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www.afrik.com .Interviewée par Afrik.com, Sihem Bensedrine, présidente du Conseil national pour les libertés en Tunisie (CNLT) a fermement condamné la visite de Nicolas Sarkozy:
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   « La société civile est bien sûr très déçue par Sarkozy, qui a parlé de confiance totale à un homme qui n’a rien fait pour son pays. C’est vrai que la France n’a pas à donner des leçons à la Tunisie mais on comptait sur elle pour faire passer des recommandations fermes à Ben Ali (…). En ce qui me concerne, je n’attends plus rien d’elle ni de l’Europe. J’ai bien compris la leçon. Apparemment, la dictature, c’est bien pour nous, les Tunisiens, mais pas pour eux, les Français. Les bougnoules n’ont pas le droit à la démocratie: voilà le message que délivre Nicolas Sarkozy. »
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Une certaine presse comblée
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www.lapresse.tn .Mais il serait injuste de ne citer que les mécontents. L’enthousiasme de certains s’est même fait sans limites. La Presse [7] a rendu hommage aux déclarations de Nicolas Sarkozy sur les droits de l’homme et enfilé les clichés:
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   « Et en indiquant que la France est fière d’être le premier partenaire de la Tunisie dans tous les domaines, le président Sarkozy confirme que la France entend le rester pour accompagner l’Å“uvre de modernisation et de développement de notre pays sur les principes de la confiance, du respect, de l’estime et de l’amitié. »
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www.lequotidien-tn.com .Sur le même ton, l’éditorialiste du journal Le Quotidien [8] s’emballe pour l’Union pour la Méditerranée, grand projet de Nicolas Sarkozy:
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   « Un sentiment partagé par le Président Ben Ali et tout le peuple tunisien qui lui ont réservé hier un accueil chaleureux qui traduit la profondeur des relations bilatérales… »
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Et si on s’arrêtait?
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Liens:
[4]http://www.dailymotion.com/fr
[5]http://tunisiawatch.rsfblog.org/
[6]http://samitriani.hautetfort.com/archive/2008/04/29/sarkozy-en-tunisie-et-mon-passeport.html
[7]http://www.lapresse.tn/index.php?opt=10&categ=7
[8]http://www.lequotidien-tn.com/detailarticle.asp
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(Source : « Rue89.com » (France), le 30 avril 2008)
Lien:http://www.rue89.com/2008/04/30/sarkozy-chez-ben-ali-mais-ou-est-passee-rama-yade
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Sarkozy en Tunisie : « un appui total à la dictature de Ben Ali »
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Interview de Sihem Bensedrine, présidente du Conseil national pour les libertés en Tunisie
par Hanan Ben Rhouma                                                                                Â
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« Tout va bien, circulez ». Nicolas Sarkozy n’a rien à redire à son homologue tunisien sur l’Etat de droit. Les déclarations du président français durant sa visite officielle, lundi, ont irrité les militants des droits de l’Homme qui comptaient beaucoup sur lui pour discuter de la situation avec Zine El Abidine Ben Ali. Sihem Bensedrine, présidente du Conseil national pour les libertés en Tunisie (CNLT) fait partie de ces « désillusionnés ».
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L’Etat tunisien est régulièrement critiqué pour ses nombreuses atteintes aux droits fondamentaux. Selon plusieurs organisations nationales et internationales, la torture, les arrestations et condamnations arbitraires sont monnaie courante dans le pays. Les libertés d’expression, de réunion et de manifestation, entre autres, sont bafouées. Mais le président Ben Ali a toujours réfuté ces critiques. C’est pourquoi les ONG ont beaucoup espéré de Nicolas Sarkozy, qui déclarait pourtant avoir préparé un chapitre des droits de l’homme pour sa visite. Sihem Bensedrine, présidente du Conseil national pour les libertés en Tunisie et farouche opposante au régime tunisien, a souhaité réagir.
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Afrik.com : Quelles sont vos réactions à l’issue des déclarations de Nicolas Sarkozy lundi ?
Sihem Bensedrine : Je considère cette visite comme un appui total à la dictature de Ben Ali. Je ne suis pas vraiment surprise de l’attitude de la France. Depuis que Sarkozy est arrivé au pouvoir, aucun signe fort n’a été envoyé sur la question des droits de l’homme en Tunisie comme dans d’autres pays. Il a prétendu qu’il y avait un chapitre des droits de l’homme pour sa visite ici mais c’était juste de quoi faire taire les journalistes et peut-être l’opinion.
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Afrik.com : Avez-vous eu des échos de la visite de Rama Yade (secrétaire d’Etat aux droits de l’Homme) auprès des organisations de défense des libertés ? Vous a-t-elle invité ?
Sihem Bensedrine : La CNLT n’a reçu aucune invitation et ça ne m’étonne pas. Les associations reconnues ont déjà énormément de mal à être entendues alors imaginez un peu l’état dans lequel se trouvent les associations non reconnues comme la nôtre ! Néanmoins, Rama Yade avait rendez-vous ce matin au local des Femmes démocrates (ATFD). Mais une heure avant, des officiels du ministère des Affaires étrangères ont appelé les responsables de l’association pour annuler le rendez-vous sans aucune explication. Puis la secrétaire d’Etat a refusé de se rendre au local de la LTDH (Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme), prétextant des « problèmes internes » et a demandé à Mokhtar Trifi (président de la LTDH) de se rendre à son hôtel. C’est un manque de respect flagrant des institutions aussi reconnues que sont l’ATFD ou la LTDH. Aujourd’hui, les droits de l’homme deviennent un sujet de rhétorique. C’est bien d’en parler et ça fait « bien » de ramener une secrétaire des droits de l’homme dans ses bagages. Mais rien n’est fait pour avancer sur le terrain des libertés en Tunisie.
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Afrik.com : Quel bilan tirez-vous de cette visite ?
Bensedrine : La société civile est bien sûr très déçue par Sarkozy, qui a parlé de « confiance totale » à un homme qui n’a rien fait pour son pays. C’est vrai que la France n’a pas à « donner des leçons » à la Tunisie mais on comptait sur elle pour faire passer des recommandations fermes à Ben Ali. La France, que l’on dit « pays des droits de l’homme » se disqualifie du dossier. Je dirais que les ONG sont désillusionnées plutôt que déçues des déclarations du président français. J’ajoute même que la France a voté pour Ben Laden : en donnant un coup de pied aux droits de l’Homme, elle a encouragé le terrorisme à l’intérieur du pays. Là , tous les espoirs se sont envolés et les combats pour la liberté et la justice reçoivent une belle gifle. En revanche, ce sont les contrats qui étaient mis en avant.
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Afrik.com : Voyez-vous finalement cette visite comme une simple opportunité économique pour la France ?
Sihem Bensedrine : Oui, et pourtant la situation financière en Tunisie est catastrophique ! On sera bientôt en rupture de stocks de blé, sans doute au mois de mai, on aura bientôt plus de quoi faire du pain en Tunisie, les prix ont flambé et la situation va en empirant avec le contexte de crise alimentaire mondiale. Je ne vois pas comment on va payer le milliard engagé par la Tunisie avec Airbus. Finalement, on voit que deux sujets seulement intéressent la France : faire du business et combattre le terrorisme international.
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Afrik.com : Nicolas Sarkozy a loué les progrès de la Tunisie concernant l’économie et les droits de l’homme. Estimez-vous qu’il y ait eu une quelconque amélioration de la situation pendant ces 20 dernières années ?
Sihem Bensedrine : Non. On a fait un recul historique si l’on devait comparer la situation à celle dont l’on jouissait 20 ans auparavant. L’arrivée au pouvoir de Ben Ali a été une vraie catastrophe politique pour la Tunisie. Certes, il y a eu une amélioration de la situation économique mais elle n’est pas due à Ben Ali. C’est grâce aux quelques entrepreneurs dynamiques qui ont su mettre les chances de leur côté. Ben Ali met ses tentacules sur tout ce qui bouge et empêche le développement du secteur privé. Sa dictature a tout bloqué et a grandement fragilisé la société. On ne sait pas ce qui nous attend, surtout en cette période économique incertaine. On ne parle décidemment pas la même langue que la France !
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Afrik.com : On cite toujours le statut des femmes en Tunisie comme exemple. Qu’avez-vous à dire à ce sujet ?
Sihem Bensedrine : En tant que femme tunisienne, j’ai des droits, mais ils existent depuis 1956. Mais ce n’est pas parce qu’on possède des acquis démocratiques qu’on a plus le droit de progresser. On prend toujours le prétexte du statut des femmes pour justifier le blocage de la société sur tous les autres droits fondamentaux. On oublie la torture, les emprisonnements arbitraires et bien d’autres choses encore. La société tunisienne est complètement verrouillée à tel point qu’on ne peut plus respirer. La liberté d’expression n’existe pas. C’est la cinquième fois depuis 1999 qu’on demande l’autorisation de publier notre journal « Kalima » (en arabe « le mot »), et cinq refus essuyés. On refuse même de prendre le dossier de nos mains car les instructions viennent de plus haut. Pendant ce temps, deux journaux complaisants à l’égard de la dictature ont vu le jour récemment, dont l’un a le cœur d’insulter les défenseurs des droits de l’homme.
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Afrik.com : Qu’attendez-vous maintenant de la France ?
Sihem Bensedrine : En ce qui me concerne, je n’attends plus rien d’elle ni de l’Europe. J’ai bien compris la leçon. Apparemment, la dictature, c’est bien pour nous, les Tunisiens, mais pas pour eux, les Français. Les « Bougnoules » n’ont pas le droit à la démocratie : voilà le message que délivre Nicolas Sarkozy. Je sais maintenant que je ne peux plus compter sur le pays « des droits de l’homme » qu’est sensé être la France. On va devoir compter sur nous-mêmes et la société civile tunisienne et étrangère.
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(Source : « Afrik.com » (Quotidien en ligne – France), le 29 avril 2008)
Lien :http://www.afrik.com/article14199.html
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Sarkozy en Tunisie : les droits de l’homme passent à la trappe
Entre les libertés fondamentales et les contrats, le président français a vite tranché
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par Hanan Ben Rhouma                                                                                Â
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A l’occasion du premier jour de la visite d’Etat de Nicolas Sarkozy en Tunisie lundi, de juteux contrats commerciaux ont été signés. Le président français a marqué le coup le soir même en louant son homologue tunisien Ben Ali pour les progrès accomplis en matière de libertés. « La Tunisie a fait le choix volontaire de la démocratie » et la France n’a donc pas à « donner de leçons », a-t-il déclaré. Pourtant, le régime tunisien est régulièrement pointé du doigt par les organisations non gouvernementales (ONG) pour ses atteintes aux libertés et aux droits de l’homme. Retour sur l’entame d’une visite ponctuée de déceptions.
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« Des trois pays du Maghreb, la Tunisie est celui avec lequel nous entretenons la relation la plus dense et la plus apaisée ». Ce sont les mots qu’a prononcé Jean-David Lévitte, conseiller diplomatique de Nicolas Sarkozy, quelques jours avant le départ du président français lundi en Tunisie. Une raison pour le gouvernement d’éluder la question qui fâche : celle des droits de l’homme dans le pays où règne en maître depuis 20 ans Zine El Abidine Ben Ali. Pourtant, M. Sarkozy déclarait l’an dernier, lors de sa campagne présidentielle, qu’il voulait d’une « diplomatie des droits de l’homme ». Un an après, ces mots sonnent plus creux que jamais. Après le passage remarqué de M. Sarkozy en Chine en novembre dernier et la visite controversée du président libyen en France le mois suivant, on a bien compris : les contrats commerciaux passent en premier. Pendant deux jours, rien ne doit obscurcir l’entente franco-tunisienne. Rama Yade, secrétaire d’Etat aux droits de l’Homme, est prévenue : elle risque gros si elle sort du rang. Les ONG tunisiennes de lutte des droits de l’Homme, à l’image du Conseil National des Libertés en Tunisie (CNLT) et de sa présidente Sihem Bensedrine, affirment aujourd’hui être « déçues » et même « désillusionnées » par les déclarations faites par Nicolas Sarkozy la veille.
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Sarkozy « Pleinement confiant » dans la politique de Ben Ali
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Lors de son dîner d’Etat lundi soir, Nicolas Sarkozy a affirmé devant un parterre d’officiels français et tunisiens être « pleinement confiant » dans les efforts de son homologue tunisien en matière des droits « universels ». Les louanges se sont multipliées à son égard. « L’espace des libertés progresse », a déclaré M. Sarkozy, avant d’évoquer le statut des femmes tunisiennes comme étant le plus progressiste du Maghreb. Puis il a expliqué « qu’aucun pays ne peut avoir entièrement parcouru » le chemin « de la liberté et du respect des individus ». Par conséquent, « je ne vois pas au nom de quoi je me permettrais dans un pays où je suis venu en ami et qui me reçoit en ami de m’ériger en donneur de leçons », conclue t-il. Pour lui, c’est simple. Le débat est clos.
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Rama Yade en veilleuse
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Autre déception pour les ONG qui attendaient mardi, de pied ferme, un geste de Rama Yade. Elle avait prévu de rencontrer les responsables de l’Association Tunisienne des Femmes Démocrates (ATFD) ainsi que le président de la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme (LTDH) Mokhtar Trifi. Elle a tout bonnement annulé son rendez-vous avec l’ATFD « sans aucune explication » et a proposé à M. Trifi de la rencontrer à son hôtel et non plus dans son local. Pressions du président français, tunisien ou simple lâcheté ? En tous cas, « c’est un manque flagrant de respect vis-à -vis des institutions reconnues que sont l’ATFD ou la LTDH », a déclaré Sihem Bensedrine à Afrik.com. Rama Yade et son ministre de tutelle, Bernard Kouchner, font partie du voyage en tant que simples bagages présidentiels, semble-t-il. « Ca fait bien d’emmener une secrétaire pareille dans ses bagages mais rien n’est fait pour avancer sur le terrain des libertés en Tunisie », explique Mme Bensedrine. Jusque là , aucune déclaration n’a été prononcée publiquement et il y a peu de chances de voir la situation se retourner d’ici mercredi, date du retour en France de Nicolas Sarkozy et de son équipe.
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Dans la lignée de ses prédécesseurs
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Jacques Chirac, qui a cédé sa place de chef d’Etat français en 2007, affirmait en 2003 lors de sa visite en Tunisie que le premier des droits de l’homme était « de se nourrir ». Une déclaration qui est restée en travers de la gorge des défenseurs des libertés en Tunisie. Ils espéraient la « rupture » tant annoncé par M. Sarkozy lors de sa campagne présidentielle. Tel le « fils spirituel » de Jacques Chirac, l’actuel président français est soucieux de préserver d’excellentes relations avec le maître du pays tout en profitant du « miracle économique tunisien ». Preuve en est, les contrats juteux signés lundi avec Airbus et Alstom, l’un pour la livraison d’une dizaine d’avions et l’autre pour la construction d’une centrale thermique. Mais Mme Bensedrine ne voit pas comment la Tunisie « va payer le milliard » pour Airbus, sachant que la situation économique est, selon elle, « catastrophique ». « On n’attend plus rien de la France (…), le pays des droits de l’homme » et « on va devoir compter sur nous-mêmes et la société civile », conclut Mme Bensedrine.
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(Source : « Afrik.com » (Quotidien en ligne – France), le 29 avril 2008)
Lien : http://www.afrik.com/article14198.html
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« En Tunisie, la cause des femmes recule »
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Pour Khadija Cherif, la liberté de la femme doit se conjuguer avec démocratie. La présidente de la plus ancienne association de femmes tunisiennes était en avril à Genève pour suivre l’évaluation des droits de l’homme de son pays par ses pairs à l’ONU. Interview.
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Carole Vann/Tribune des droits humains –
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Fondée en 1989, l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD) constitue avec la Ligue tunisienne des droits de l’homme, l’Association contre la torture, le Conseil national pour les libertés, les principaux, voire uniques, mouvements d’opposition au régime du président Ben Ali. Mais l’ATFD, la dernière des ONG indépendantes à être légalisée en Tunisie, essaie de trouver des terrains de dialogue avec le gouvernement. Ce choix lui vaut de nombreuses critiques. Interview de sa présidente Khadija Cherif.
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La Tunisie a la réputation d’être très avancée en matière de droits de la femme. Partagez-vous ce point de vue ?
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La Tunisie passe pour être l’exception en matière de liberté de la femme dans le monde arabe. C’est vrai dans un certain sens, mais cette question est instrumentalisée à des fins politiques et pour l’image extérieure du pays. Et cela dessert les femmes. Dans la réalité, il y a peu d’espace où les femmes peuvent faire entendre leur voix et les associations comme les nôtres ont des difficultés à mener leurs activités. Notre liberté de ton dérange. Nous n’avons pas la même vision que le pouvoir. Pour nous, le droit de la femme se conjugue avec la démocratie et les libertés.
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Pourtant, avec le code du statut personnel, les Tunisiennes ont des acquis juridiques incontestables.
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Le code du statut personnel promulgué en Tunisie il y a cinquante ans a été révolutionnaire par rapport à la région. Mais ce code n’a jamais consacré l’égalité de la femme avec l’homme. Ce dernier reste le chef de famille, il détient seul l’autorité parentale, la succession est toujours gérée selon la loi islamique (les filles héritent moitié moins que les garçons). En cas de divorce, la femme peut avoir la tutelle des enfants, mais uniquement si le mari est jugé défaillant. Actuellement le code marocain, la moudawna, est plus évolué : par exemple, l’autorité parentale est partagée.
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Et même si les Tunisiennes ont des acquis, surtout juridiques, leur vécu est semé d’embûches : le repli identitaire, les références religieuses, l’absence de démocratie sont autant d’obstacles à l’émancipation de la femme. En réalité, les Tunisiennes rencontrent les mêmes problèmes que les femmes du reste du Maghreb. On observe d’ailleurs une régression ces dernières années… Les violences domestiques sont un sujet tabou. Il n’est pas rare d’entendre des hommes, même des juges, dire que si les femmes sont battues, c’est qu’elles doivent être éduquées. C’est dire s’il y a encore du chemin à parcourir.
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Votre gouvernement vous a consultées pour établir son rapport destiné à ce nouveau mécanisme de l’ONU, l’EPU. Vos recommandations ont-elles été prises en compte ?
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Quand le gouvernement a voulu nous consulter pour son rapport pour l’EPU, nous avons hésité. Puis nous nous sommes dit que la politique de la chaise vide était contre–productive, d’autant que nous avons toujours cherché à être associées dans les prises de décisions. Donc nous avons joué le jeu. Et cela s’est bien passé. Ils nous ont écoutées et ont enregistré nos recommandations. Nous avons demandé que la Ligue des droits de l’homme, la plus ancienne ONG en Tunisie, soit enfin débloquée ; que le gouvernement révise sa loi sur les libertés d’associations et les critères d’enregistrement des ONG ; et qu’il adapte sa législation à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Nous avons aussi demandé une loi pour protéger les femmes victimes de violence. Et nous avons retrouvé certaines de nos revendications dans le rapport. Ce qui est positif, il faut le reconnaître. Maintenant, nous attendons leur concrétisation dans les faits.
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Mais j’ai été très déçue de la manière dont s’est passée l’évaluation de la Tunisie par ses pairs. En dépit des points positifs que je viens de décrire, il est inconcevable d’entendre cette autosatisfaction et ce consensus sur les libertés, les médias, etc, alors que la situation est tout autre et très grave.
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La plupart des ONG indépendantes vous reprochent de jouer le jeu du régime. Que leur répondez-vous ?
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Il y a dix ans, mon association aurait probablement refusé d’entrer en matière pour l’EPU par exemple. Mais, avec l’expérience, nous avons choisi de prendre ce qu’on nous donne et de nous en servir pour élargir nos revendications. Nous ne sommes pas dupes, nous savons que nous pouvons être utilisées. Mais nous restons fidèles à nous-mêmes, et continuons à travailler en toute indépendance. Faut-il se départir de ses revendications ou convictions de peur d’être instrumentalisées ?
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Un exemple : en 2003, nous avons sorti un communiqué sur le port du voile, qui exprimait notre inquiétude. Nous avons appelé les femmes à prendre conscience que le voile est un symbole d’enfermement. Le régime a repris à son compte nos arguments. On nous a alors reproché de faire le jeu du pouvoir. Mais pour nous, l’important, c’est de gagner du terrain au profit des femmes.
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De toute façon, que l’on joue le jeu ou pas, on est instrumentalisé. La ligue des droits de l’homme n’a pas été consultée pour l’EPU, mais elle a été citée dans le rapport comme un acquis national parce que cela faisait « démocratique. »
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Quel danger majeur guette les femmes en Tunisie aujourd’hui ?
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La régression des mentalités et la montée de l’intégrisme qui sont favorisées par l’absence de démocratie. Les risques sont sérieux.
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Il y a deux ans, une étude a montré que 80% des femmes voilées qui ont été interrogées le font aujourd’hui parce qu’elles veulent retrouver leur identité. Elles font ce choix pour marquer leur désaccord avec le gouvernement tunisien et les pays occidentaux qui ne respectent pas les droits de l’homme notamment dans la guerre en Irak.
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L’étude montre aussi que cette régression est liée à la multiplication des chaînes satellitaires dans le pays. Vu la situation internationale et l’absence de libertés chez eux, les Tunisiens se tournent vers ces chaînes qui sont pour la plupart islamistes. La chaîne Iqra, par exemple, appelle au port du voile pour mieux contrer l’Occident, et elle a une audience importante. Le danger est là !
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(Source : Agence Infosud (Suisse), le 13 avril 2008)
Lien :http://www.droitshumains-geneve.info/En-Tunisie-la-cause-des-femmes,2998
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Sarkozy sert son cocktail contrats-droits humains à Tunis
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Le président français en visite d’Etat au pays de Zine ben Ali. Difficile équilibre entre l’économie et les principes.
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Le cocktail contrats-droits de l’homme que sert traditionnellement à ses hôtes Nicolas Sarkozy paraît de plus en plus amer après les épisodes malencontreux en Libye et en Chine.
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Néanmoins, le président français va proposer cette potion – qui n’a plus rien de magique – lors de sa visite d’Etat qui se déroule actuellement en Tunisie[100]. Dans une interview au quotidien Le Temps de Tunis, il énumère les principaux objectifs de sa rencontre avec le chef d’Etat tunisien, Zine El Abidine ben Ali.
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Tout d’abord, «la gestion des migrations» entre la France et la Tunisie[100]. L’une facilite l’entrée des Tunisiens qui veulent se former; l’autre aide la France à combattre l’immigration illégale. Ensuite, les discussions rouleront sur l’Union pour la Méditerranée, chère au cœur des deux présidents.
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Nicolas Sarkozy veut y assurer la prééminence française, même si cette idée qu’il a lancée sera développée par l’ensemble des Etats de l’Union européenne et non pas par les seuls pays riverains de la Grande Bleue.
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Et Ben Ali manœuvre à plein régime pour que Tunis devienne le siège de cette future Union pour la Méditerranée. Enfin, la France et la Tunisie[100] «vont conclure un important accord de partenariat dans le domaine du nucléaire civil». Le président français veut décrocher à Tunis la vente d’Airbus et d’équipements de centrale thermique pour le groupe Alstom.
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Et les droits de l’homme? A l’Elysée, on promet qu’ils ne seront pas laissés pour compte. D’ailleurs, la secrétaire d’Etat aux droits de l’homme Rama Yade – qui n’a pas sa langue aiguisée ni son drapeau démocratique dans sa poche – fait partie cette fois-ci du voyage en Tunisie[100]. En novembre dernier, elle avait été écartée du déplacement de Nicolas Sarkozy en Chine en raison de son franc-parler concernant la politique chinoise.
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Que dira-t-elle en Tunisie[100]? Que fera-t-elle pour conforter les démocrates tunisiens particulièrement malmenés par le pouvoir? C’est l’un des enjeux de ce déplacement qui suscite bien des espoirs du côté des opposants à Ben Ali. «M. Sarkozy, marchez sur les pas de Pierre Mendès France !» (le chef du gouvernement français qui, en 1954, avait décrété l’autonomie interne de la Tunisie[100]), écrit Wicem Souissi sur le site du Parti démocrate progressiste tunisien.
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Nicolas Sarkozy sur les traces de Mendès France? C’est peut-être un peu trop demander…
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Jean-Noël Cuénod, Paris
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(Source : « Tribune de Genève » (Quotidien – Suisse), le 29 avril 2008)
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En Tunisie, Sarkozy enfonce le clou sur les droits de l’homme
Sarkozy, la «main-d’œuvre» tunisienne et «l’intelligence» française
Souci de clarté
Pour Nicolas Sarkozy, l’idée est de concurrencer l’Asie en créant «un pôle gagnant-gagnant». Quelques minutes plus tard, le Président martèle: «Ensemble, avec votre main-d’œuvre, avec nos écoles, nos universités, avec ce que nous échangerons, nous pouvons créer un modèle qui triomphera dans le monde entier.» Mais attention, Sarkozy ne voudrait pas que l’on pense que l’échange est inégalitaire: «Gérons ensemble les flux migratoires pour que vous, Tunisiens, soyez assurés qu’on ne pille pas vos élites. Et que nous, nous puissions accueillir ceux à qui nous pouvons donner un travail et un logement.»
Par souci de clarté sans doute, le chef de l’Etat a tenu à dénoncer une vision dépassée des relations bilatérales: «Il y a un rivage où l’on invite, il y a un rivage où l’on est invité si on est bien élevé. C’est une négation de ce qu’est le monde aujourd’hui. Il n’y a pas les pays en première division et les pays en seconde division. Il y a des pays qui sont égaux en droit et en devoir.»
«La France essaie de comprendre des réalités»
Et au sujet des droits, toujours audacieux et briseur de tabous, Sarkozy n’a pas hésité à évoquer ceux… de l’homme: «La France sera entendue des autres sur toutes les questions, y compris les plus sensibles, y compris les droits de l’homme, si, elle-même, fait des efforts.» Faut-il comprendre qu’elle n’en fait pas et qu’il est lui donc impossible d’aborder le sujet hors de ses frontières ?
De toute façon, Sarkozy répète son nouveau credo: la France ne donne pas de leçons, «la France essaie de comprendre des réalités». La France ne pointe pas les problèmes, elle indique que «sur tel point ou sur tel autre, nous pensons que le bon chemin, c’est celui-ci».
Mais le modeste président français s’est révélé plus assuré sur un autre sujet: «La France est le premier partenaire économique de la Tunisie. (…) Nous sommes là pour vous dire que nous sommes prêts à nous battre pour la conserver et pour la conforter.» Ouf.
(Source : « Libération » (Quotidien – France), le 30 avril 2008)
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Tunisie : les livres sous la coupe de la censure
Fethi Djebali/Syfia Tunisie –
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Moins visible et reconnue que face à la presse, la censure touche aussi la littérature en Tunisie. Alors que la foire du livre de Tunis s’ouvre ce 24 avril, une cinquantaine de livres d’écrivains tunisiens sont bloqués chez les imprimeurs sur ordre du pouvoir. Seuls des exemplaires photocopiés circulent sous le manteau.
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Pour Jalloul Azzouna, rien ne justifie la censure de son livre. « La littérature est subversive par essence », s’époumone ce trublion de la littérature tunisienne, qui a fait sienne la défense de tous les livres interdits en Tunisie. Il compte parmi la trentaine d’écrivains du pays dont les ouvrages sont censurés. Il y a quelques années, il a créé la Ligue tunisienne des écrivains libres, qui n’est toujours pas reconnue par le pouvoir du président Ben Ali, car elle se pose en alternative à l’Union des écrivains tunisiens, instance aux ordres du régime.
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Jalloul ne désespère pas de voir un jour son livre Littérature et liberté, même identité dans les rayons des librairies. Militant malgré lui, Le pain amer, Quand est-ce que j’étais vivant pour mourir ?, Dit en marge de l’interrogatoire, Un témoin a dit ou encore Les enfants d’Allah sont parmi la cinquantaine de livres interdits des librairies tunisiennes. Le dernier en date, Un capitaliste qui a réussi, d’Habib Hamdouni écrit en arabe, remonte à 2006. Des proches du pouvoir s’y seraient reconnus.
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Fadhila Chebbi, qui édite à compte d’auteur depuis 15 ans, n’a cessé, depuis la censure de son dernier livre, de le relire comme si elle ne l’avait pas écrit, à la recherche du passage qui expliquerait cette décision. C’est souvent une phrase, une allusion ou un fait sans aucune corrélation directe avec des faits réels qui est à l’origine de la censure. Selon Azzouna, il est probable que l’histoire du livre de Fadhila, celle d’un général qui, par erreur, signe l’ordre de castrer toute l’armée, est à l’origine de l’interdiction de son livre, bien que l’auteure n’indique pas de pays.
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D’autres livres sont ouvertement engagés pour une cause ou prennent le contre-pied de la politique menée par le pouvoir, comme Notre femme à travers les fatwa. Certains, interdits du temps de l’ancien régime de Bourguiba, le sont toujours sous Ben Ali, malgré le caractère obsolète de leurs critiques. « Certains livres sont interdits non pas à cause de leur contenu, mais à cause de l’engagement politique de leurs auteurs dans la vie publique et parfois même d’un de leurs proches », explique Jalloul Azzouna.
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La machine de la censure
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Pendant des années, Jalloul a essayé de remonter la chaîne de la censure. Qui en décide ? Pour quelles raisons ? À qui s’en remettre : à la justice, au ministère de la Culture, au ministère de l’Intérieur ? La plupart de ses questions sont restées sans réponse. L’écrivain est constamment renvoyé aux « services compétents », une expression qu’il abhorre aujourd’hui, censée désigner une instance invisible qui décide du sort des livres.
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Le mécanisme concret est efficace. L’imprimeur est tenu de déposer un nombre donné d’exemplaires auprès des ministères de la Culture et de l’Intérieur, ainsi que de la Bibliothèque nationale. En retour, il doit recevoir, selon la loi qui ne précise pas de délai, un récépissé de la part de l’administration, sans lequel il ne peut délivrer la totalité des exemplaires imprimés à l’éditeur. Mais il est rare que celui-ci lui parvienne.
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En cinquante ans d’indépendance, certaines imprimeries tunisiennes sont devenues de vraies prisons à livres. Des maisons d’édition audacieuses ont fini par mettre la clé sous le paillasson après avoir pris le risque financier d’éditer plusieurs livres qui ont fini par être censurés. « Les éditeurs sont devenus frileux », témoigne Fadhila.
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Aujourd’hui disparue, la maison Aloés, de Sihem Ben Sedrine, n’a vu aucun de ses livres passer entre les mailles du filet. Taoufik Ben Brik, l’écrivain qu’elle fut la première à éditer, a fini par se tourner vers les maisons d’édition françaises. A l’instar de Mohammed Talbi, Ben Brik compte parmi les quelques écrivains considérés aujourd’hui comme « totalement exportateurs » dont les oeuvres demeurent largement méconnues dans leur pays.
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« Maquis de l’édition »
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En attendant la levée officielle de l’embargo sur ces livres, Jalloul Azzouna les distribue sous forme de photocopies. « Nous le faisons dans un but de sensibilisation, par lot de cinquante exemplaires », explique-t-il. Une formule de distribution qu’il qualifie de « maquis de l’édition » et qui lui permet, pour le moment, de faire fi un tant soit peu de l’avis des autorités. Dans un Tunis avide de livres polémiques, ces exemplaires trouvent vite preneurs et leurs heureux possesseurs s’empressent de les photocopier à leur tour. D’autres initiatives ont permis d’exposer ces photocopies sur des stands, en marge des foires du livre de Paris ou de Berlin. Les appels à la libération du secteur de l’édition, comme celui lancé par l’organisation internationale des éditeurs, n’ont pas manqué ces dernières années, sans réelles avancées.
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En 2007, le président Ben Ali avait promis de libérer tous les livres interdits. Aujourd’hui, une année après, les mots du Président sont restés lettres mortes. Jalloul, lui, continue son combat.
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(Source : Agence Syfia (France), le 28 avril 2008)
Lien : http://www.droitshumains-geneve.info/Tunisie-les-livres-sous-la-coupe,3053
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A Tunis, Nicolas Sarkozy vante son projet d’Union pour la Méditerranée
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Tunis, envoyée spéciale
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C’est par un vibrant plaidoyer en faveur de l’Union pour la Méditerranée (UPM) – projet qui lui est cher et qu’il portera sur les fonts baptismaux, le 13 juillet, lors du sommet de Paris – que Nicolas Sarkozy a conclu, mercredi 30 avril, sa visite d’Etat de trois jours en Tunisie. Dans un discours prononcé à l’Institut national des sciences appliquées et de technologie (Insat) de Tunis, le président français a appelé les pays du bassin méditerranéen « à ne pas manquer ce rendez-vous avec l’Histoire » par égard pour les générations futures.
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 Cette Union, M. Sarkozy la voit dotée d’une coprésidence tournante assurée simultanément par un pays de la rive nord et un pays de la rive sud. Quant au siège du secrétariat de l’UPM, il sera installé au sud. En Tunisie, comme cela a été évoqué ? Le chef de l’Etat français ne s’est pas prononcé.
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Pour M. Sarkozy, les pays du bassin méditerranéen doivent s’associer pour lutter ensemble contre « la barbarie », une menace persistante contre la civilisation. Dans la Tunisie, « pays engagé depuis un demi-siècle sur la voie du progrès, de la tolérance et de la raison », le président français voit un exemple possible « pour tous les peuples menacés par le fondamentalisme et l’obscurantisme ». Passant du lyrique au concret, M. Sarkozy devait ensuite citer quelques projets possibles de l’UPM : la gestion et le partage de l’eau; la dépollution de la Méditerranée « pour en faire la mer la plus propre du monde »; la sécurité maritime; l’organisation d’un Centre méditerranéen de la recherche scientifique, ou encore la mise au point pour les pays méditerranéens d’un programme d’échanges universitaires Erasmus.
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La veille, devant 500 chefs d’entreprise français et tunisiens, M. Sarkozy avait dit, une fois encore, qu’à ses yeux, le développement des pays méditerranéens était un gage de stabilité pour l’Europe et surtout un rempart « contre le terrorisme et un régime taliban en Tunisie, en Algérie ou au Maroc ». Et c’est à ce titre de combattant du terrorisme que M. Ben Ali a eu droit aux louanges répétées du président français.
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LES DÉFENSEURS DES LIBERTÉS AMERS
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Les défenseurs tunisiens des libertés ne cachent pas leur amertume à l’issue de cette visite de M. Sarkozy. Ils rappellent que le candidat Sarkozy s’était engagé à faire de la défense des droits de l’homme « un pilier de la politique étrangère de la France » au cas où il entrerait à l’Elysée.
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Rama Yade, secrétaire d’Etat aux droits de l’homme, n’a pas réussi à adoucir leur amertume. Elle a même annulé à la dernière minute un entretien prévu depuis samedi avec une figure de la société civile, l’universitaire Khadija Cherif, présidente de l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD). Officiellement, l’emploi du temps de Mme Yade était « trop chargé ».
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La secrétaire d’Etat s’est contentée de recevoir l’avocat Mokhtar Trifi, président de la Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH), dont les activités sont paralysées depuis 2000. Me Trifi, autant que Mme Cherif, se sont dits « choqués » par les propos de M. Sarkozy, qui a affirmé, lundi soir, lors du dîner officiel offert en son honneur au palais de Carthage, qu’en Tunisie « l’espace des libertés progresse ».
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« La priorité de M. Sarkozy, c’est le commerce, mais il devrait savoir que le développement ne peut être seulement économique », a estimé Khadija Cherif, qualifiant les propos du président français de « marque de mépris pour la société civile tunisienne ». De son côté, Mokhtar Trifi a souligné que « l’enfermement, l’avis unique, la voie unique » faisaient le lit de l’extrémisme. Pour lui, une Tunisie démocratique serait « le meilleur rempart » contre le terrorisme et les « talibans » que semble tant redouter M. Sarkozy.
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Florence Beaugé
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(Source : « Le Monde » (Quotidien – France), le 1er mai 2008)
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Accord nucléaire en Tunisie : Nicolas Sarkozy termine son « Atomic Tour » de la Méditerranée
Paris, France — Greenpeace dénonce le nouvel accord de coopération nucléaire que devraient signer, lundi 28 avril au soir, les Présidents français et tunisien à l’occasion de la visite officielle de Nicolas Sarkozy en Tunisie. Après l’Algérie, la Libye et le Maroc, le président de la République/VRP du nucléaire boucle ainsi sa tournée du pourtour méditerranéen. Selon l’Elysée, cet accord prévoit la formation d’ingénieurs et déboucher, à long terme, sur la construction d’une centrale nucléaire.
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