TUNISNEWS
8 ème année, N° 3051 du 29.09.2008
ATFD: Communiqué de soutien à Mouhieddine Cherbib Président de la Fédération des Tunisiens Citoyens des deux Rives – FTCR FTCR: Disparition de Georges Adda Tunisia Watch: Tunisie : Décès de Georges Adda Habib Kazdaghli: Georges Adda (22 sept. 1916-28 sept. 2008) AFP: Tunisie: décès de Georges Adda, personnalité politique de gauche
Kalima: Commerce parallèle : Les parrains et les damnés
Le Temps: Interview de Me Ahmed Inoubli Secrétaire général de l’UDU
Nadia Omrane: Face à face Obama-Mc Cain – Sommes-nous véritablement tous Américains ?
Le Journal des Finances: Wall Street, mûr pour adopter les principes de la Charia ?
Algérie: malgré un attentat, recul de la violence islamiste durant le ramadan AFP: Afrique: un énorme gisement solaire, mais peu d’énergie du même nom
Association Tunisienne des femmes democrates 67، شارع الحرية 1002 تونس – ص ب 107 حي المهرجان 1082 تونس 67, Avenue de la Liberté 1002 Tunis Tunisie BP 107 Cité Mahragène 1082 Tunis Tunisie. Tél: (216)71831135 Fax: (216)71831525 Email : femmes_feministes@yahoo.fr
Communiqué de soutien à Mouhieddine Cherbib Président de la Fédération des Tunisiens Citoyens des deux Rives – FTCR
Tunis le 19 Septembre 2009 Traduit de l’arabe : F.CH.- FTCR L’ATFD a appris que Monsieur Mouhieddine CHERBIB, président de la FTCR , a été mis en examen au motif de « financement d’une bande de malfaiteurs » et ce dans le cadre d’une affaire impliquant 51 personnes parmi elles les animateurs du mouvement de protestation pacifique dans le Bassin Minier de Gafsa. Ce mouvement qui a eu pour revendications principales le droit au travail, au développement et à des conditions de vie dignes. L’ATFD condamne cette mise en examen concernant M. CHERBIB, mise en examen qui vient criminaliser le rôle de solidarité que la FTCR n’a cessé de jouer, avec son président, dans les luttes pour les libertés et la démocratie sans discrimination ni exclusion ni marginalisation. L’ATFD tient à exprimer son entière et indéfectible solidarité à M. CHERBIB, président de la FTCR et aux populations du Bassin Minier qui militent légitimement pour leur droit au travail, à la justice, au développement et à des conditions de vie dignes. Elle exige l’arrêt du cycle des procès, arrestations et poursuites et la libération de tou-te-s les détenu-e-s depuis le déclenchement des événements du Bassin Minier en janvier 2008. Elle appelle à l’ouverture d’une négociation – seule garantie- pour une issue de la crise sérieuse et respectueuse des droits des citoyens et des lois. Pour le Bureau de l’association Khédija Chérif Présidente
Fédération des Tunisens Citoyens des deux Rives 3, Rue de Nantes – 75019 Paris Tel : 01 46 07 54 04 – Fax : 01 40 34 18 15 mail : ftcr2wanadoo.fr wwwftcr.eu
Disparition de Georges Adda
« Toutes les femmes et tous les hommes qui subissent les injustices politiques et sociales sont mes sœurs et frères. » George Adda Nous venons d’apprendre le décès de Georges Adda, grande figure de la gauche tunisienne. On le savait malade depuis quelques temps, on connaissait son grand âge : – 92 printemps le 22 septembre- mais la nouvelle n’en est pas moins rude. L’homme était sans doute le plus ancien militant en activité. Sa vie ressemble à s’y méprendre à l’histoire de la gauche en Tunisie. Militant du parti communiste depuis sa prime jeunesse, il en devient très vite un des principaux dirigeants. Et c’est en militant communiste qu’il va participer activement à la lutte de libération tunisienne et connaître les prisons, les camps et les déportations. George était aussi un grand nom du syndicalisme tunisien. Qui ne se souvient de ses fréquentes interventions au sein l’UGTT où il a pu déployer son savoir de consultant en économie. George était également de tous les combats pour la démocratisation de notre Tunisie et pour la défense des droits de l’Homme aux côtés de la LTDH, de l’ATFD et de tous les regroupements démocratiques. Militant infatigable, ce vieux jeune homme avait l’esprit constamment aux aguets, participant avec un enthousiasme inentamé aux débats intellectuels quant ils venaient à s’animer. Depuis quelques mois, Georges ne sortait presque plus, mais ceux qui ont pu le voir ont pu constater qu’il avait gardé jusqu’au bout sa rayonnante bonhomie. La disparition de ce grand monsieur est une immense perte pour tous les démocrates. Nous pensons à sa fille Leyla, à ses petits enfants et aux générations de camarades aujourd’hui endeuillés à qui nous tenons à présenter nos condoléances émues. Salut Georges. Mohieddine Cherbib président de la FTCR Paris le 29 Septembre 2008
Tunisie : Décès de Georges Adda
Figure emblématique de la gauche tunisienne, syndicaliste voué à la défense des plus démunis et symbole vivant d’une diversité que la Tunisie indépendante a eu mal à garder, Georges Adda est mort à 92 ans le dimanche 28 septembre 2008 dans la soirée, suite à un arrêt cardiaque, Ses funérailles auront lieu mardi 30 septembre 2008. Né le 22 septembre 1916, Georges Adda a longtemps milité au parti communiste tunisien devenu mouvement Ettajdid dont il été secrétaire général adjoint en 1936 et est demeuré longtemps membre de sa direction. Syndicaliste et militant pour la défense des droits de l’homme, il à été de tout temps du coté des cause justes dont celle du peuple palestinien. Voici un passage dans lequel il se définit lui-même : ‘Je viens de loin. Les Berbères, mes ancêtres, ont connu les Phéniciens, les Romains, les Vandales, les Arabes, les Normands, les Turcs et les Français qui ont successivement occupé mon pays… Ainsi, la Tunisie est mon pays, et le peuple tunisien est mon peuple. Toutes les femmes et tous les hommes qui subissent les injustices politiques et sociales sont mes sœurs et frères. Pour la libération de mon pays, j’ai connu prisons, camps de concentration et déportation des colonialistes français. Aujourd’hui, je me dois d’apporter mon soutien au peuple palestinien martyr’.
(Source : « Tunisia Watch », le blog de Mokhtar Yahyaoui, le 29 septembre 2008) Lien : http://tunisiawatch.rsfblog.org/archive/2008/09/29/tunisie-deces-de-georges-adda.html
Georges Adda (22 sept. 1916-28 sept. 2008)
Le cœur de Georges Adda a cessé de battre au début de la soirée du dimanche 28 septembre à l’âge de 92 ans. Georges Adda est né à Tunis le 22 septembre 1916. Il adhère au parti communiste en 1934. Après l’arrestation des dirigeants destouriens et communistes en septembre 1934, il fait partie du groupe qui continua la lutte clandestine, il est arrêté à son tour en septembre 1935. Libéré en avril 1936, lors de la conférence nationale du parti communiste tenue le premier juin 1936, il est nommé, secrétaire général adjoint du parti et responsable de la Jeunesse communiste. En avril 1940, il est placé en résidence surveillé tout d’abord à Zaghouan puis à Béjà où il reste jusqu’au 13 novembre 1943 date à laquelle il rejoint l’Algérie. Membre de la direction du parti communiste jusqu’en 1957, il a été pendant plusieurs années membre important de la direction du parti communiste et le directeur de l’hebdomadaire en langue française L’Avenir de la Tunisie, arrêté en 1952 avec les dirigeants destouriens et communistes, il est éloigné au sud tunisien, il ne sera libéré qu’en en 1955. Après l’indépendance, il continue à jouer un rôle politique important en tant que militant communiste mais sans avoir de responsabilité officielle dans le parti. Il sera toujours présent sur la scène publique par des prises de positions, articles de presse, participation au mouvement démocratique et syndical. Il se distingue par ses positions de soutien total à la cause palestinienne. Malgré son âge avancé, il ne rate aucune occasion pour apporter sa contribution aux luttes pour la démocratie, le progrès et la modernité en Tunisie. Habib Kazdaghli
Tunisie: décès de Georges Adda, personnalité politique de gauche
TUNIS, 29 sept 2008 (AFP) – 29/09/2008 17h06 Georges Adda, figure emblématique de la gauche en Tunisie est décédé dimanche à l’âge de 92 ans suite à un arrêt cardiaque, a annoncé lundi dans un communiqué le parti Ettajdid (ex-communiste). Né à Tunis en 1916, Georges Adda qui se présentait comme ‘juif tunisien antisioniste’, fut un dirigeant du Parti communiste tunisien (ex-PCT) durant le protectorat français et avait milité pour l’indépendance de la Tunisie. Il a connu la prison et les camps (1935 et 1954) avant de ‘poursuivre son combat pour les libertés et la démocratie et les droits de l’Homme, pour la défense des cause justes et en Tunisie et dans le monde’, a poursuivi Ettajdid. Oralement et dans ses écrits, l’homme proclamait souvent son appui aux droits du ‘peuple palestinien martyr’. En syndicaliste convaincu, il était engagé dans la défense des droits des travailleurs au sein de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT, centrale syndicale unique). Georges Adda était le père de Serge Adda, ex-président de TV5Monde décédé en 2004 à Paris. Il sera inhumé mardi.
Commerce parallèle : Les parrains et les damnés
Publié par Sihem Bensedrine & Sahbi Smara dansActuel, 29/09/2008
Le 23 septembre courant, l’ONG Transparency International rendait public à Berlin et à Tunis, dans les locaux de la Banque Africaine de Développement, son rapport surl’Indice de Perception de la Corruption dans le monde qui évalue le niveau de corruption affectant les administrations publiques et la classe politique. La Tunisie perd un point dans cet indice (62e) par rapport à l’an dernier, sans toutefois ravir la vedette aux leaders de la corruption dans la région comme la Libye (126e) ou l’Egypte (115e). L’après midi du même jour, la Tunisie déposait aux NU les instruments de ratification de la Convention des Nations Unies contre la corruption, adoptée en 2003, qui souligne dans son préambule : « la gravité des problèmes que pose la corruption et la menace qu’elle constitue pour la stabilité et la sécurité des sociétés, en sapant les institutions et les valeurs démocratiques, les valeurs éthiques et la justice et en compromettant le développement durable et l’Etat de droit. »
Cette convention fait obligation aux Etats parties d’adopter des mesures qui favorisent la transparence et préviennent les conflits d’intérêts, de sanctionner le trafic d’influence et l’enrichissement illicite, de prendre des mesures législatives et règlementaires pour prévenir la corruption et assurer l’accès effectif du public à l’information. Elle donne aux acteurs non étatiques un rôle important dans ce combat en garantissant la liberté de « rechercher, de recevoir, de publier et de diffuser des informations concernant la corruption » et assure la « Protection des personnes qui communiquent ces informations ». Cette ratification – bien tardive, faut-il le souligner, et intervenant bien après celle de l’Algérie ou du Maroc – signifie-t-elle que la Tunisie ait décidé de combattre la corruption ? Il faut vivement l’espérer. La corruption est le sujet qui préoccupe le plus le citoyen tunisien qui en fait le sujet privilégié des rumeurs qui circulent sur l’enrichissement illicite des proches du pouvoir. L’absence d’institutions de régulation indépendantes (Justice, Parlement) et l’absence de média libres ne sont pas pour favoriser une telle lutte. Kalima s’est penché sur un secteur où la corruption fait des ravages et qui échappe à tout contrôle étatique, bénéficiant de grandes complicités au plus haut niveau de l’Etat. Il s’agit du commerce parallèle ; Enquête. Ils portent des sobriquets dignes de la mafia sicilienne ( « Mettiou », « Erray »), leur univers est non moins violent et leur organisation n’a rien à envier à son efficacité ; ils sont les barrons du commerce parallèle et règnent en maîtres sur cette économie souterraine. Ils ont leur propre « shipping company » qui arme les porte-conteneurs et achemine les marchandises de Chine, Corée, Turquie, Maroc ou Libye vers les ports et aéroports tunisiens par dizaines de conteneurs. Ils n’ont aucun problème à franchir les filtres de police et de douane et leurs marchandises ne sont pas soumises aux contrôles méticuleux que connaissent les importateurs réguliers ; les documents de déclarations de douane signalent des marchandises différentes du contenu réel des conteneurs. Ceux parmi les douaniers qui avaient, par mégarde, osé pousser leurs investigations sur ce terrain de non droit, ont vu leurs carrières brisées. La hiérarchie est scrupuleusement respectée ; il y a les donneurs d’ordres, évidemment des proches de la famille régnante qui ont parfois leurs bureaux dans les zones sous douane et il y a les « seconds couteaux » ; Ceux-là aussi agissent désormais au grand jour, leurs dépôts ne sont plus localisés en marge des villes comme avant (El Djem ou Moncef Bey) ; ils ont investi le centre ville de Tunis et ont pignon sur rue à Sidi Boumendil, rue de la Commission, Bab Dzira ou la Rue El Bellar, désormais désertés par leurs occupants séculaires, les vieux honnêtes commerçants Djerbiens. Un commerce organisé hors la loi Il ne s’agit pas de contrebande (florissante dans les zones frontalières), mais d’un commerce organisé qui est hors la loi et s’exerce au vu et au su des autorités. Chaussures, textile et habillement, produits électroniques, parfumerie, produits sanitaires, pièces de rechange, électroménagers, jouets ou alimentation, rares sont les secteurs de l’économie qui échappent à leurs tentacules. C’est également le terrain de prédilection des produits de contrefaçon des grandes marques. Une étude menée en 2002 pour le compte de la Banque mondiale par Friedrich Schneider, de l’Université Johannes Kepler de Linz, révèle que l’économie parallèle (grey economy) représente 38% du PIB de la Tunisie. Aujourd’hui, les statistiques officielles se gardent bien de livrer une quelconque estimation, mais des observateurs avertis estiment que ce secteur représente plus de la moitié du PIB. Ceci dans un pays qui se veut émergeant et affiche une économie assez structurée qui s’applique à se mettre aux normes du libéralisme mondial. Rappelons que la Tunisie a levé ses barrières douanières avec l’Europe et forme une zone de libre échange avec l’UE depuis janvier 2008. Une communication du Directeur général de la Concurrence et des Enquêtes Économiques au Ministère du Commerce et de l’Artisanat, présentée en 2005 à une conférence des Nations Unies reconnait que le poids de cette économie parallèle représente 20% et que « la nouvelle tendance du commerce parallèle » veut qu’il devienne une « affaire de grands riches et s’intéresse aux produits de qualité. » L’UTICA baisse les bras Ces « entreprises » ont la particularité de ne pas tenir de comptabilité, de vendre sans factures aux détaillants, de ne pas déposer leur argent dans les banques, de ne pas payer de charges sociales ni d’impôts ; leurs employés n’ont aucune couverture sociale et restent à la merci des rafles policières et de la prison pour délit de « vente sauvage ». Selon un sondage, réalisé en 2007 par la très officielle Organisation de défense des consommateurs, 77,6% des Tunisiens préfèrent s’approvisionner sur ce marché parallèle qui satisfait la demande d’une classe moyenne de plus en plus paupérisée; A titre d’exemple, des tricots de peau en coton de provenance chinoise sont vendus à 5 DT (4 USD) la douzaine, alors qu’un seul tricot coûte à son producteur tunisien 0,750 DT l’unité. Pour l’économiste Abdeljelil Bedoui « A court terme, ce commerce bénéficie au consommateur tunisien puisqu’il se traduit par une disponibilité de produits bon marché, dans un contexte caractérisé par une régression du pouvoir d’achat due au désengagement de l’Etat, et touchant la majorité des ménages qui souffrent d’une augmentation des prix de nombreux produits alimentaires, énergétiques et des services comme l’éducation et la santé. » Une santé parfois mise en danger par ces produits pas cher mais pour lesquels aucune information du consommateur n’est disponible. Les enfants sont souvent exposés à des intoxications provenant de jouets (canards de bain, hochets ou poupées) où des producteurs (notamment chinois) incorporent du phtalate de diisononyle dans les jouets de PVC pour leur conférer souplesse et douceur. L’exposition orale au phtalate de diisononyle est associée aux lésions du foie et des reins et même au cancer selon certains laboratoires qui les ont expérimentés sur des souris. C’est la raison qui a conduit l’Union européenne à interdire sur son territoire les jouets contenant ces substances. La règlementation tunisienne prohibe également ces produits, mais aucun contrôle n’est exercé sur ce marché parallèle où ces produits circulent à profusion. Cependant, pour Abdeljelil Bédoui, l’autre facette de ce commerce qui parait bénéfique est que « les Industriels et les commerçants réguliers sont soumis à une concurrence déloyale et font face à des coûts de loin supérieurs et sont parfois conduits à des situations de faillite. » Quant à l’Etat, il a une attitude ambivalente : « d’un côté, il trouve son compte dans ce secteur qui génère beaucoup d’emplois et atténue la pression sur le marché de l’emploi ; de l’autre, ce secteur représente un manque à gagner significatif en terme de recettes (taxes douanières, fiscalité directe et indirecte) où une partie non négligeable de la richesse disponible n’est pas soumise à la ponction fiscale » conclut Bédoui. Incapables de résister à cette concurrence déloyale, de nombreuses entreprises ont effectivement mis la clé sous le paillasson. Les professionnels avaient beau dénoncer l’inégalité de traitement entre le marché parallèle et le marché organisé, rien n’y fit. L’UTICA, l’organisation patronale, après avoir réagi assez énergiquement au début des années 2000, a fini par baisser les bras. Dans une interview parue en 2006 sur le site Webmanagercenter, le patron des patrons, Hédi Jilani, admet que « les tentatives menées pour limiter le phénomène du commerce parallèle ont eu des résultats mitigés et que l’éradication totale de ces marchés est irréaliste » et suggère qu’on « limite leur pouvoir de nuisance en les réduisant à des dimensions raisonnables ». Duplicité des autorités Pourtant ce ne sont pas les lois qui manquent pour faire face à ce phénomène. La loi N°91-64 du 29 Juillet 1991 relative à la concurrence et aux prix a été modifiée à plusieurs reprises (en 1993, 1995, 1999, 2003, 2005 et 2007), incluant à chaque fois de nouvelles règles pour renforcer les conditions de la concurrence et lutter « contre certaines manifestations du commerce parallèle, comme l’interdiction de la distribution de marchandises d’origine inconnue ou encore la pénalisation de la détention de produits sans relation avec l’activité déclarée. » comme l’affirme le ministre du Commerce et de l’Artisanat qui déclarait également lors d’un débat à la Chambre des députés en juin 2007 « Le commerce parallèle est un fléau et la Tunisie est déterminée à le combattre avec rigueur. » Mais les rigueurs de la force publique ne se sont abattues que sur le maillon le plus faible, épargnant les premiers responsables de la chaîne et laissant cette économie parallèle poursuivre son essor florissant. Zero risque pour les puissants et sanction du maillon le plus faible de la chaîne Ces entreprises font appel à une nuée de petits revendeurs qui squattent les grandes rues commerçantes du centre ville et étalent leur marchandises sur des cartons de fortune ou à même le sol, en face des devantures des magasins qui n’ont de cesse de s’en plaindre en vain. Ces vendeurs à la sauvette sont en majorité des jeunes issus des provinces de l’intérieur ou des quartiers pauvres de la capitale ; Une bonne partie d’entre eux sont des diplômés chômeurs (45,2%[1] des chômeurs tunisiens ont un niveau secondaire ou supérieur, selon la Banque mondiale) pour lesquels l’ascenseur social ne fonctionne plus . Leur capital, qui peut varier de 50 DT à 1000 DT, ils l’empruntent ou travaillent dans des chantiers pour l’amasser. « Auparavant, – regrette Faker – les vendeurs s’entendaient pour ne pas vendre les mêmes articles. Ils se répartissaient les types d’articles et les zones pour ne pas être en concurrence ; aujourd’hui leur nombre a explosé et il n’y a plus ce genre de coordination, ce qui fait que la concurrence est plus sévère et la marge de bénéfice plus faible ». Ils sont la bête noire de la police qui les persécute pour les besoins des statistiques à afficher aux partenaires européens et aux institutions internationales. Ainsi Faker a été arrêté et sa marchandise confisquée plus de 60 fois; il est passé deux fois devant un tribunal après un séjour au centre de détention de Bouchoucha, de sinistre réputation. 9,800 DT d’amende ( moins de 8 USD), c’est ce que prévoit la loi pour punir le délit « d’intissab fawdhaoui »( vente sauvage); Une bagatelle ! convient Faker, mais le plus dur c’est Bouchoucha ! Faker fait partie du contingent des diplômés chômeurs ; il a une maîtrise de littérature arabe et après une année d’enseignement précaire dans le privé à 2 dinars l’heure et des humiliations devant les « élèves rois », il a préféré céder à la tentation d’être Nassab(vendeur à la sauvette) où l’on gagne mieux sa vie si on a le goût du risque (une moyenne de 10 DT pour un capital de 50 DT) ! Après avoir travaillé dans des chantiers de construction où il a pu amasser un pécule et constituer un capital de 50 DT, il a pu accéder au statut de revendeur et acheter sa marchandise chez les grossistes. Car dans ce monde souterrain on ne badine pas avec l’argent ; ni les crédits, ni les traites ne font partie du dictionnaire du milieu ; Tout se règle en cash ; Dans ce monde, les parrains prennent un risque zero. La chaine de corruption va des hauts responsables des douanes aux petits policiers chargés de la répression des fraudes « Pour nous c’est une question de vie ou de mort. Nous jouons avec eux au chat et à la souris; Il (le flic) m’approche, je fuis et pose ma marchandise à quelques mètres plus loin, il s’en va je reprends mon activité. Je peux refaire ça 15 fois par jour ; je n’ai pas le choix, je dois gagner mon pain ! » déclare Faker qui sait que la marchandise confisquée, c’est tout le capital qui s’évapore en quelques minutes et tel Sisyphe, il doit reprendre à zéro ce parcours de combattant. « Nous achetons chez des grossistes qui nous fournissent sans factures ; il arrive qu’en sortant de leurs dépôts, on trouve la police qui nous attend et qui confisque toute la marchandise que nous venons d’acheter. » Ajoutant : « avec l’ancienneté, on finit par avoir nos informateurs ; des agents chargés du contrôle nous préviennent de la date et de l’heure d’arrivée de l’inspecteur, nous prenons bien sûr nos précautions… mais ce qui m’attriste le plus, c’est qu’un flic s’abaisse à demander 0,500 DT (- de 300 cents) d’un revendeur en échange de son silence ! » Ainsi, contrairement à la règle établie dans le commerce traditionnel, plus on est gros, moins on prend de risques et les boucs émissaires sont ces petits revendeurs qui affrontent la colère des commerçants et la répression de la police et payent pour les parrains qui sont au sommet de ce trafic juteux et bénéficient de très hautes protections. Les autorités font mine d’ignorer ces parrains et s’acharnent sur leurs victimes tout en laissant entendre que ce secteur est bénéfique puisqu’il est pourvoyeur d’emploi ! Passant à la trappe les secteurs de l’économie sinistrés de leur fait, les milliards qui échappent chaque année aux caisses de l’Etat et qui auraient pu servir à créer des emplois réguliers. « Je suis prêt à intégrer les structures officielles de l’économie. A payer des taxes et que ce secteur soit organisé ; mais c’est à l’Etat de le faire » conclut Faker qui est parfaitement conscient de la nuisance de ce secteur sur l’économie du pays; « Juguler la corruption exige un contrôle étroit exercé par le Parlement, l’application effective des lois, l’existence de medias indépendants et d’une société civile dynamique…Lorsque ces institutions sont faibles, la corruption se développe et échappe à tout contrôle avec de terribles conséquences pour la société dans son entier avec la persistance d’injustices et d’inégalités.” souligne Huguette Labelle, présidente de Transparency International. Encore faut-il que cette volonté de combattre ce fléau existe en haut lieu. ___________________
[1]World Bank :The Road Not Traveled : Education Reform in the Middle East and North Africa. p 214.
(Source: le site de ‘Kalima’ le 29 septembre 2008)
Lien: http://www.kalimatunisie.com/fr/4/actuel/315/
Politique – Société civile
Echec de l’alliance ‘Rencontre Démocratique’ et éventuelle alliance avec le PUP et le MDS : ‘Nous défendons les valeurs de la République contre les obscurantistes’
Interview de Me Ahmed Inoubli Secrétaire général de l’UDU
Les observateurs de la scène politique nationale ont remarqué ces derniers temps l’intensité des contacts et des rencontres entre l’Union Démocratique Unioniste (UDU), le Parti de l’Unité Populaire (PUP) et le Mouvement des Démocrates Socialistes (MDS) qui sont interprétées par certains comme un échec effectif de l’alliance qui porte le nom de ‘Rencontre Démocratique’ initiée il y a environ deux ans, entre justement l’UDU, le PUP, le Parti Social Libéral (PSL) et le Parti des Verts pour le Progrès (PVP). Des contacts qui peuvent déboucher sur la constitution d’une nouvelle alliance entre ces trois partis qui se jugent posséder une certaine légitimité historique. Des membres des bureaux politiques de ces partis l’ont annoncé clairement… Notre invité Me Ahmed Inoubli secrétaire général de l’UDU nous parle de l’échec de la ‘Rencontre Démocratique’, de l’éventuelle alliance avec le PUP et le MDS. Des élections législatives et présidentielles et d’autres questions. Interview. Le Temps : La ‘Rencontre Démocratique’ est, désormais selon les observateurs, un projet-mort-né. Quelles sont les causes de l’échec de cette ‘alliance’ ? Me Ahmed Inoubli : Permettez-moi de rappeler que l’Union Démocratique Unioniste (UDU) est le premier parti à avoir appelé à un dialogue national et à la constitution d’un conseil supérieur du dialogue concernant toutes les questions d’intérêt national sur la base de la fidélité au pays et le refus de toute allégeance à l’étranger. L’objectif étant la nécessité des réformes, la consolidation des acquis et de l’indépendance des décisions nationales et le refus de toute normalisation avec l’entité sioniste afin de sauvegarder l’intérêt de la nation à laquelle nous appartenons. • Mais justement quel sorte de dialogue ? Le dialogue que nous préconisons ne se limite pas à un dialogue entre les partis politiques et le gouvernement. Non, il doit concerner les partis politiques reconnus y compris le parti au pouvoir afin de créer un environnement d’entente nationale sur les questions politiques dont notamment l’évolution et la réforme de la vie politique. • Cet appel au dialogue est donc une initiative de l’UDU ? Cette initiative a été lancée lors du congrès du parti qui s’est tenu en 2006 à Djerba. Une initiative qui vise à faire évoluer la vie politique dans ce sens. La ‘Rencontre Démocratique’ a été constituée dans cet esprit pour faire évoluer la situation politique sur la base de l’entente nationale, loin des querelles intestines et préfabriquées qui ne servent pas l’intérêt national. • A l’époque on a dit que la ‘Rencontre Démocratique’ a été créée pour contrer l’alliance dite du ’18 octobre’. Est-ce vrai ? Non et c’est absolument inexact. La ‘Rencontre Démocratique’ n’a été dirigée contre aucune alliance et aucun parti. La preuve notre initiative de créer une sorte de forum de dialogue entre les partis, concernait aussi le Parti Démocratique Progressiste (PDP), le Forum Démocratique pour le travail et les Libertés (FDTL), Ettajdid et aussi le Rassemblement Constitutionnel Démocratique (RCD). • Et le Mouvement des Démocrates Socialistes (MDS) ? Il n’a pas rejoint les quatre partis qui ont constitué la ‘Rencontre Démocratique’ pour des raisons qui le concernent. Mais le dialogue avec le MDS n’a jamais été interrompu au contraire il se consolide de plus en plus. • Mais l’enthousiasme qui a accompagné les premiers pas de la ‘Rencontre Démocratique’ a laissé la place au scepticisme et même au doute quant à l’utilité d’une telle ‘rencontre’ ? Nous avons été surpris que certaines parties de ‘La Rencontre Démocratique’ aient jugé que la mission d’une telle alliance consistait uniquement à avancer des propositions sur l’évolution de la situation politique à l’occasion de la célébration du 20ème anniversaire du changement. Une fois cette mission accomplie la ‘Rencontre Démocratique’ cesserait donc d’exister. Tout en déplorant cette vision nous avons tenu à maintenir et à consolider nos relations avec ces partis et ce, en dehors de la ‘Rencontre Démocratique’. Ainsi nos relations son excellentes avec le PUP et avec le MDS. • Justement les relations avec ces deux partis qui ont pris le pas sur celles avec les deux autres partis le PSL et le PVP, pourront-elles aboutir à la constitution d’une nouvelle ‘Rencontre Démocratique’ ? Pourquoi pas et nous l’espérons et œuvrons à trouver une base d’entente commune entre tous les partis, comme je l’ai dit, pour faire évoluer la situation politique et consolider le pluralisme, la démocratie et par-delà l’intérêt de la nation. • Mais entre le MDS et le PUP il y a comme une sorte de susceptibilité quant à la place du leadership des partis de l’opposition. L’UDU est-il concerné ? A l’UDU nous œuvrons pour l’évolution du paysage politique et du processus démocratique. Nous ne cherchons ni la première ni la dernière place dans le classement. • Envisagez-vous des alliances avec ces deux partis à l’occasion des prochaines élections ? Notre démarche est stratégique. Elle n’est pas électorale. Elle vise l’approfondissement des réformes avec la participation de tous les partis y compris le RCD. Malheureusement on a constaté que certains partis ont attaqué l’UDU. Mais nous n’avons pas répondu parce que nous croyons au dialogue constructif et nous rejetons les querelles imaginaires. Car nous considérons que la Tunisie est le pays de toutes les parties qui œuvrent pour l’intérêt national. • L’UDU a le droit selon les dispositions de l’amendement de l’article 40 de la constitution de présenter la candidature de son secrétaire général à l’élection présidentielle de 2009. Vous allez vous présenter ? C’est le Conseil National du parti qui en décidera. • Au cas où le Conseil National décide de ne présenter aucun, le parti soutiendra quel candidat ? C’est au Conseil National d’en décider au moment opportun. • Revenons aux partis de l’opposition. Certains vous classent de partis proche du pouvoir voir d’allégeance. Qu’en dites-vous ? Cela est devenu un classement ennuyeux et des étiquettes qui n’ont aucun sens. A l’UDU nous avons choisi le centrisme et la modération. Un choix qui découle de l’évaluation de la scène politique nationale certaines parties qui nous qualifient d’allégeance n’ont pas pris connaissance de nos programmes ni de nos positions. Je pense que ces parties veulent éliminer les autres pour se prévaloir et se placer comme la seule opposition. Ces parties ont tort et le temps donnera raison à ceux qui sont réalistes et concrets dans leurs positions et leurs démarches. • Vos démarches et positions découlent de l’idéologie nationaliste arabe. Une idéologie qualifiée par certains de rétrograde et même d’archaïque. Qu’en pensez-vous ? L’Union Démocratique Unioniste n’a pas de références dans l’idéologie nationaliste arabe telle qu’elle existe classiquement. Notre parti n’est pas le disciple d’une école qu’elle soit baâthiste ou nassérienne. Nous sommes un parti d’une nouvelle référence idéologique. Une idéologie rénovatrice du nationalisme. Nous nous sommes enrichis de toutes les expériences. Du nassérisme, mais nous ne sommes pas un parti nassérien, du Baâth mais nous ne sommes pas un parti baâthiste, du marxisme mais nous ne sommes pas un parti marxiste, des comités révolutionnaires, mais nous ne sommes pas un comité révolutionnaire. Nous avons adopté les principes et les constantes du nationalisme et son militantisme. Mais avec le renouvellement des perspectives et la croyance en la démocratie qui est le moyen susceptible de réaliser l’unité de la nation arabe. Nous sommes un parti républicain unioniste. Nous défendons les valeurs de la République et celles de la modernité. Nous considérons donc que nous sommes des rénovateurs et des progressistes et non des rétrogrades et des obscurantistes. Celui qui refuse et attaque notre identité il est soit un fanatique et un ennemi de la nation arabe soit qu’il s’est placé pour servir les intérêts sionistes et impérialistes. Mais celui qui attaque l’option socialiste que nous avons choisi nous lui dirons que nous avons choisi le socialisme qui est synonyme de justice et d’égalité sociale qui sont l’œuvre de l’interventionnisme de l’Etat qui garantit les équilibres globaux en se basant sur le secteur public. En un mot ceux qui ne perçoivent pas l’utilité et la nécessité pour l’intérêt national d’un tel choix, ils n’ont qu’à méditer sur l’échec flagrant du capitalisme aux Etats-Unis, le désarroi de l’administration Bush, et la crise financière sans précédent qui menace tous les pays du monde, causée par la libéralisme que certains s’entêtent aujourd’hui contre vents et marées à défendre…
Interview réalisée par Néjib SASSI
(Source: ‘Le Temps’ (Quotidien – Tunis) le 29 septembre 2008)
Face à face Obama-Mc Cain
Sommes-nous véritablement tous Américains ?
Vendredi dans la soirée, à l’aube de samedi dernier pour notre fuseau horaire, s’est déroulée la première confrontation télévisée des deux candidats à la Maison blanche. Étions-nous à ce moment là, comme le qualifiait une américanologue, véritablement « tous Américains » ? Certes, la curiosité, l’attente, l’espérance même de ce que pourrait devenir la prochaine présidence de la première puissance du monde, pouvaient-elles justifier cette posture unanime, tant il est vrai qu’il se dessine, en la personne de chacun de ces deux challengers, une vision duelle et différente de l’American dream. L’un, chenu, galonné, discipliné, droit dans ses bottes, est dans la continuité de son magistère militaire, enseignant à l’autre « qui n’a pas compris », qui « n’a pas encore réalisé », sa propre expérience d’homme de terrain. L’autre, juvénile en regard, prétend promouvoir pourtant une « plus large vision » de l’avenir. N’est-ce pas cette projection plutôt que sa couleur pain brûlé, si peu habituelle – malgré les Colin Powell et Condoleezza Rice – dans cet aire de domination blanche, qui le tient dans une parenté, comme un demi-frère de ce monde d’en bas, un cousin auquel l’exil aurait donné les ailes de la puissance et de la gloire ? Pourtant ce que promet Barack Obama, en matière de politique étrangère, le situe dans la même généalogie hégémonique que son concurrent. Sans doute ne professe-t-il pas le même engagement martial que Mc Cain. Dans une réciproque agitation de petits bracelets portés au poignet en mémoire de jeunes sergents morts à Bagdad, Mc Cain le vétéran de toutes les guerres maudites se refuse à « rendre l’Irak aux Irakiens », comme s’y engage Obama. L’Irak, quel Irak ? Après ce cadeau empoisonné d’un pays dévasté à sa population éclatée, Obama veut retourner les foudres du Pentagone contre l’Afghanistan, au motif que ce pays est (assurément) la matrice du jihad fondamentaliste. D’un saccage à l’autre – car on ne voit pas comment en dehors d’un pilonnage systématique des zones frontalières, encore que les Talibans rôdent autour de Kaboul, ce nettoyage salvateur des abcès du mal pourrait s’accomplir – Obama prévoit déjà un triplement des forces américaines en Afghanistan, en dehors des centaines de milliers de soldats de l’OTAN : une véritable occupation du pays. On n’aura pas entendu évoquer de véritable solution politique ni de lutte contre la corruption qui gangrène une gouvernance de supplétifs afghans ; à peine aura-t-il profilé l’éradication du commerce de la drogue qui finance les Talibans. C’est tout juste s’il ne faudra pas rendre grâce à Obama de ne pas projeter des frappes chirurgicales contre les poches terroristes creusées au Pakistan, que promet Mc Cain, prêt pour sa part a faire retentir le bruit des bottes d’Afghanistan en Iran et jusqu’au Caucase ! Dans sa fantasmagorie de diables moult fois réincarnés, Mc Cain voue aux gémonies Ahmadinejad et voit « dans les yeux de Poutine inscrites les lettres K.G.B. ». Combien alors Obama semble en regard doux, candide, « naïf » même ironise Mc Cain, car le novice – comme s’en moque son vieux challenger – ne saurait pas que pour dîner avec le diable, il faut une longue cuillère. Barack Obama, en effet, prône le dialogue et les négociations sans « conditions » mais avec quelque « préparation », avec un interlocuteur diabolisé par Mc Cain. Bien qu’Obama prenne le volant avec des gants et mette la pédale douce, n’est-ce pas la même course engagée vers toujours la même domination unilatérale américaine, envers et contre toutes les concurrences : celle d’une Russie qui se rêve toujours impériale, comme l’avait hissée Pierre le Grand, et surtout celle d’une Chine éveillée d’une immémoriale glaciation et à laquelle les USA sont redevables de trillions de dollars. Devant cette exigence d’endiguement des puissances émergentes trop compétitives, la lutte contre le terrorisme est un alibi vertueux pour les candidats, d’autant que c’est la Chine qui financerait, selon eux, le jihadisme perturbateur d’Afghanistan en Arabie ! Peut-être le diable se cache-t-il aussi dans les détails : serait-il bon de rappeler combien le pétrole alimente ce brasier d’enjeux explosifs, de l’Irak en Afghanistan et jusqu’au Caucase et à la mer Noire, les routes du pétrole et les gazoducs y croisant l’avenir du monde. Plus soft, à défaut d’enflammer la poudre, Obama nous la jette aux yeux : ce « grand ami d’Israël » qui n’a pas une parole de consolation pour les Palestiniens en ces temps de regain des colonies, exhibe un visage et un message avenants. Il sait bien quels lobbies flatter, quels intérêts préserver. Il propose une image restaurée, plus attractive pour tous ceux qui croient encore dans les promesses de cette formidable démocratie intérieure, de cette autorité dominatrice extérieure. Sur l’essentiel, ce patriote qui porte la cocarde étoilée au revers de son veston est l’homme de la relève, de la transmission. Mais en ce 21ème siècle, l’Amérique au crépuscule de son histoire financière et économique dont elle ne peut relancer la machine qu’au travers de nouvelles guerres impérialistes, appréhende de se voir dépasser par une Chine démesurée à laquelle un nouveau tour de planète donne la prééminence, sinisant ainsi le grand échiquier du monde. Non, décidément, nous ne sommes pas tous Américains. Nadia Omrane
(Source: ‘Alternatives Citoyennes ‘ le 29 septembre 2008)
Wall Street, mûr pour adopter les principes de la Charia ?
par Roland Laskine | JDF | 25.09.2008 | Mise à jour : 08H54 Chronique. Roland Laskine, rédacteur en chef à l’hebdomadaire Le Journal des Finances, analyse l’interdiction des ventes à découvert aux Etats-Unis. En 1968, les étudiants écrivaient sur les murs qu’il est «interdit d’interdire». Aujourd’hui, ces mêmes étudiants, dont une bonne partie occupent des postes clés dans les entreprises ou l’administration s’inquiètent de la crise financière et déclarent qu’il est «interdit de laisser faire». L’heure est donc au resserrement des contrôles sur toutes les places financières et surtout à la restriction des opérations spéculatives qui ont largement contribué à aggraver la crise. Lorsque Nicolas Sarkozy monte à la tribune de l’ONU pour réclamer plus de contrôle et une meilleure régularisation des règles du capitalisme, notre Président ne fait que traduire l’exaspération générale de dizaines de millions d’épargnants dans le monde victimes des agissements d’une poignée de banquiers irresponsables. L’interdiction totale des ventes à découvert sur les valeurs financières de part et d’autre de l’Atlantique et la limitation des opérations à effets de leviers qui permettent de parier sur 100 ou 500 en ne mettant sur la table d’une dizaine de dollars, était sous doute nécessaire. A court terme, il était en effet important d’éteindre l’incendie qui menace de se propager à l’ensemble de la maison. La mise en œuvre de ces restrictions est beaucoup plus délicate. Les «hedge funds» ne sont jamais à court d’idées pour spéculer Si nos dirigeants financiers cherchent vraiment à limiter la spéculation, rien de plus simple, il suffit d’appliquer des principes de la Charia arrêtés sept cents ans auparavant : interdit de vendre des actifs que vous ne possédez pas de façon effective ou de réaliser des opérations de prêts d’argent moyennant rémunération. Interdit surtout de spéculer sur les déboires d’une entreprise. Le seul moyen de s’enrichir c’est de participer au développement d’une entreprise et d’en percevoir les fruits en étant présent au capital. Des principes simples et de bon sens que tous les détenteurs d’actions ou de contrats d’assurance-vie indexés sur la Bourse auraient voulu voir appliqués plus tôt. Le problème est que ces principes de gestion ne correspondent ni à la tradition occidentale, ni à nos convictions religieuses. Pour que le système fonctionne il faut surtout que tout le monde s’y conforme en même temps. Car dans un monde où la spéculation est reine, aucun titre – fut-il trié sur le volet – n’est à l’abri d’un mauvais coup. Toute la difficulté pour les régulateurs consistera donc trouver des règles communes à tous les intervenants et surtout applicables à toutes les classes d’actifs. En limitant momentanément des ventes à découvert sur les valeurs financières, les autorités de marché prennent le risque de faire dévier la spéculation sur des titres connexes, comme les biens de consommation ou l’automobile dont on peut penser qu’ils seront eux aussi victimes de raréfaction de l’offre de crédit de la part des banques. L’extrême volatilité du prix du baril de pétrole qui a gagné plus de 15% en quelques heures en début de semaine à New York montre que les «hedge funds» ne sont jamais à court d’idées lorsqu’il s’agit d’alimenter la spéculation. Pour retrouver son équilibre, le marché a besoin de sanctionner tous les excès commis par les banques. Les mesures partielles mises en place ça et là peuvent retarder la chute des maisons les plus vulnérables, mais elles n’ont aucune chance de la stopper. Ce n’est qu’une fois que la bulle immobilière et financière aura explosé, que le régulateur pourra s’atteler à la mise en place d’une réglementation pus contraignante et applicable à tous sans exception. Pour l’heure, même si nous avons le sentiment que le dénouement de la crise est proche, il faut reconnaître qu’il est bien difficile de revenir en Bourse en toute confiance. (Source: ‘Le Journal des Finances’ le 25 septembre 2008)
Algérie: malgré un attentat, recul de la violence islamiste durant le ramadan
ALGER, 29 sept 2008 (AFP) – Le ramadan qui s’achève en Algérie, durant lequel les forces de sécurité se sont déployées en masse, a été le moins meurtrier depuis le début des violences islamistes en 1992, avec un seul attentat ayant fait trois morts contre une soixantaine de victimes en 2007. Dimanche soir, un attentat suicide a fait trois morts près de Dellys (60 km à l’est d’Alger), le premier depuis que le ramadan a commencé le 1er septembre. Ce mois de jeûne, considéré comme étant propice au jihad (guerre sainte), se termine mardi ou mercredi et avait été précédé par une vague d’attentats suicide durant le mois d’août. L’Est de l’Algérie avait alors vécu une série d’attentats kamikaze et d’embuscades meurtrières, dont le plus sanglant a fait 48 morts devant l’école de gendarmerie des Issers, à 60 km à l’est d’Alger, le 19 août. Ces attaques ont été revendiquées par Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), et commises selon elle en réponse à la mort de douze de ses membres tués durant la nuit du 7 au 8 août par l’armée dans une embuscade à Tizi Ouzou en Kabylie (est). Elles avaient ravivé la psychose d’une reprise des violences urbaines durant le mois de ramadan. Les forces de sécurité ont été déployées en nombre durant le ramadan à Alger et dans les grandes villes, où cafés et magasins sont bondés après la rupture du jeûne, et multiplié les barrages fixes et mobiles sur les principaux axes routiers. Selon la presse, plusieurs réseaux de soutien aux groupes islamistes avaient été démantelés la veille du ramadan et l’armée a aussi effectué des ratissages dans les maquis, notamment en Kabylie, dernier bastion des islamistes, et dans l’extrême-est du pays durant tout le mois de septembre. Le chef d’état-major de l’armée s’est rendu en personne à Tizi Ouzou, région où plusieurs groupes d’AQMI sont actifs, puis à Batna, à 435 km au sud-est d’Alger, autre région sensible. Samedi, trois islamistes armés ont été tués au cours d’une de ces opérations à Tébessa (extrême-est) par les forces de sécurité. Le 5 septembre, un islamiste identifié sous le nom de Selami Abdelkader et présenté comme un haut responsable d’AQMI a été tué par l’armée à Tizi Ouzou. Parallèlement, les islamistes armés ont commis quelques attaques contre les forces de sécurité. Le 14 septembre, quatre gendarmes ont été blessés dans l’explosion d’une bombe artisanale à Azazga près de Tizi Ouzou, et un groupe armé a tué un gendarme et en blessé deux autres mercredi à Aïn Defla (150 km à l’ouest d’Alger), selon la presse. Au moins trois gardes communaux ont aussi été tués dans des embuscades. Au début du mois de ramadan, le chef du gouvernement Ahmed Ouyahia avait déclaré que ‘les terroristes ont un choix: se rendre et tirer profit de la réconciliation nationale ou être abattus’. ‘Nous les combattrons jusqu’au dernier’, avait affirmé M. Ouyahia. La Charte sur la réconciliation nationale, promulguée pour mettre fin aux violences, a permis depuis février 2006 la libération de 2.200 islamistes condamnés pour terrorisme et la grâce de 300 éléments armés qui ont accepté de rendre leurs armes. Des sources non-officielles estiment entre 300 et 400 le nombre d’islamistes armés encore disséminés à travers le territoire. Le chef d’AQMI Abdelmalek Droudkel a appelé le 22 septembre les musulmans d’Afrique du nord à rejoindre le jihad en s’en prenant vivement aux régimes de la région. Le président Abdelaziz Bouteflika a souligné mardi le retour de l’autorité de l’Etat, à l’issue d’une période douloureuse, faisant allusion à la décennie rouge (1990-2000). Les violences ont fait plus de 150.000 morts depuis le début des années 1990.
Afrique: un énorme gisement solaire, mais peu d’énergie du même nom
PARIS – Panneaux photovoltaïques individuels, gigantesques centrales thermodynamiques: l’énergie solaire, qui part de très loin, explose en Europe, aux Etats-Unis, en Asie. Mais pas sur le continent le plus ensoleillé de la planète: l’Afrique. Avec un ensoleillement quotidien moyen compris 5 et 7 kWh par m2, l’Afrique est dans une situation exceptionnelle: seuls le nord de l’Australie, le nord du Chili et la péninsule arabique ont un potentiel équivalent ou supérieur. Or elle est quasiment invisible dans les statistiques sur la production solaire mondiale. Pourtant, les besoins sont énormes, et le retard en électrification est criant: en Afrique sub-saharienne, seule une personne sur quatre a accès à l’électricité. En milieu rural, la proportion tombe à une sur dix. Pour le continent le plus pauvre de la planète, l’obstacle central au développement de l’énergie solaire reste le coût d’une industrie qui, si elle progresse à grands pas, reste puissamment subventionnée. ‘Le boom du photovoltaïque européen et japonais s’appuie sur un tarif d’achat extrêmement généreux. C’est une démarche de pays riches’, explique Yves Bruno Civel, qui dirige l’Observatoire des énergies renouvelables. ‘Il faut être réaliste: l’Afrique ne surfera pas sur la vague actuelle (…) il faudra attendre que les économies d’échelle fassent baisser les prix’, ajoute en écho Lawrence Agbemabiese, du service énergie du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE). Au-delà des obstacles financiers, le solaire, parfois considéré comme ‘une énergie du pauvre’ qui n’apporte pas tous les bénéfices du raccordement au réseau, souffre aussi d’un problème d’image. Certains programmes en zones rurales se sont ainsi heurtés aux réticences des habitants qui craignaient que l’installation de panneaux ne retarde leur intégration dans le réseau. Paradoxalement, la piètre qualité de celui-ci pourrait, à terme, être un puissant moteur pour le solaire photovoltaïque, source d’énergie décentralisée qui devient rentable à partir d’un certain éloignement. ‘Il existe des niches en termes de distance par rapport au réseau mais aussi en termes de coûts évités’, explique M. Agbemabiese, qui cite l’exemple d’hôpitaux en zone rurale pour lesquels l’absence ou l’intermittance de l’électricité est synonyme de gaspillages de médicaments. De fait, les petits projets foisonnent, des mécanismes de financement se mettent en place. Au Burkina-Faso, des micro-crédits permettent à une famille de rembourser, en 24 ou 36 mois, un kit solaire photovoltaïque. Le Ghana étudie la création d’un système d’incitation fiscale. Reste, à plus long terme, la question du développement de véritables centrales solaires pouvant alimenter un pays voire une sous-région. Ici encore, l’Afrique sub-saharienne risque de devoir patienter, alors que des perspectives de dessinent pour le Maghreb. Le ‘plan solaire’, une des six priorités retenues par l’Union pour la Méditerranée (UPM), pourrait faire une place au projet ‘Desertec’ qui propose la création de gigantesques centrales solaires thermodynamiques dans le Sahara, qui permettraient d’alimenter l’Afrique du Nord mais aussi, via des câbles sous-marins, l’Europe. Le projet, qui table sur une production de 100 GW à l’horizon 2050, est très loin d’être bouclé. Mais l’idée, qui fait son chemin, peut être séduisante pour les Européens car ces ‘énergies vertes’ importées pourraient les aider à atteindre leurs objectifs en termes de réduction de gaz à effet de serre. Pour l’Afrique sub-saharienne, l’éloignement constitue un lourd handicap pour bénéficier, à court terme, de l’appétit – et donc de la capacité d’investissement – de l’Europe pour les énergies renouvelables. (©AFP / 29 septembre 2008 08h49)