C.R.L.D.H. Tunisie: Sauvage agression d’un mal voyant, dĂ©tenu du bassin minier de Gafsa AFP: L’UA invitĂ©e Ă collaborer avec l’Otan sur la dĂ©fense, contre la corruption Anis: Elections tunisiennes: oĂč va passer mon vote ? Jeune Afrique: Bourguiba-Kaddafi : Le choc des ego AlgĂ©rie: principaux incendies maĂźtrisĂ©s, la canicule sĂ©vit toujours AFP: Un responsable de droite parle d’accident cardiaque puis rectifie AFP: Iran: tensions chez les conservateurs avant l’investiture du prĂ©sident AFP: ONU: une ONG sanctionnĂ©e sur demande de l’AlgĂ©rie Reuters: Arab human rights group barred for year by U.N.
SAUVAGE AGRESSION D’UN MAL VOYANT, DĂTENU DU BASSIN MINIER DE GAFSA
Invitation
Le Mouvement Ettajdid / section KĂ©libia a lâhonneur et le plaisir de vous inviter Ă participer Ă larencontre-dĂ©batsur les conditions politiques et juridiques dans lesquelles se dĂ©roulent  les prochaines Ă©lections et qui est organisĂ© dans le cadre de lâInitiative Nationale pour la DĂ©mocratie et le ProgrĂšs et ce :
Lundi 27 Juillet 2009 Ă 18h00 au local dâEttajdid Ă KĂ©libia
L’UA invitĂ©e Ă collaborer avec l’Otan sur la dĂ©fense, contre la corruption
Elections tunisiennes: oĂč va passer mon vote ?
Bourguiba-Kaddafi : Le choc des ego
Dans ses MĂ©moires, BĂ©ji CaĂŻd Essebsi, figure du rĂ©gime bourguibien, raconte comment les relations tumultueuses entre la Libye et la Tunisie ont failli, au lendemain de lâUnion avortĂ©e entre les deux pays, tourner au pire.
Un livre de plus de 500 pages, avec beaucoup dâannexes utiles, assez bien Ă©crit (par lâauteur lui-mĂȘme) et trĂšs bien Ă©ditĂ© par lâune des meilleures maisons tunisiennes (Sud Ăditions).
Le titre indique lâaxe de lâouvrageâ: Habib Bourguiba. Le bon grain et lâivraie. Mais, aprĂšs lecture, on se demande sâil nâaurait pas Ă©tĂ© plus juste de lâintitulerâ: « Habib Bourguiba, La RĂ©publique et moi ».
Car lâauteur, BĂ©ji CaĂŻd Essebsi, y Ă©grĂšne les souvenirs dâun homme qui a achevĂ© ses Ă©tudes (de droit) Ă la veille de lâindĂ©pendance de la Tunisie, en mars 1956, avant de compter, pendant plus dâun demi-siĂšcle, parmi les personnages qui, dans les cercles du pouvoir, graviteront autour dâun homme-soleilâ: Habib Bourguiba.
Certains membres de ces cercles, tel « Si BĂ©ji », ont fait un bout de chemin avec son « tombeur » et successeurâ: Zine el-Abidine Ben Ali.
BĂ©ji CaĂŻd Essebsi sâest visiblement dĂ©lectĂ© dâavoir Ă©tĂ© presque constamment au centre du pouvoir, car il nâa connu, tout au long de cette longue pĂ©riode, que de trĂšs brĂšves disgrĂąces, au cours desquelles il a donnĂ© lâimpression⊠de dĂ©pĂ©rir.
Pendant plus de deux dĂ©cennies, il a occupĂ©, avec bonheur, les postes de souverainetĂ© les plus prestigieux â lâIntĂ©rieur et les Affaires Ă©trangĂšres â et les plus grandes ambassades, dont celle de Paris.
Selon son souvenir, il a rĂ©ussi lĂ oĂč il a Ă©tĂ© placĂ©, a pris de bonnes dĂ©cisions, dit ce quâil fallait dire et donnĂ© les meilleurs conseils, aussi bien Ă Bourguiba â qui en redemandait â quâĂ ses Premiers ministres. Il relate quâil a Ă©galement prodiguĂ© de bons conseils aux homologues de Bourguibaâ: Hassan II, Chadli Bendjedid, Saddam Hussein et Kaddafi.
Bourguiba a trĂšs souvent fait sentir et mĂȘme dit à « Si BĂ©ji » quâil ne pouvait pas lâimaginer loin de lui et, tout au long du livre, on sent que tous les autres avaient la plus grande confiance en son jugement et en sa droiture.
BĂ©ji CaĂŻd Essebsi est un bon cerveau et a du bagoutâ; il sait taire le mal quâil peut penser de la plupart et dire Ă quelques-uns plus de bien dâeux quâil ne le pense. LĂ est sans doute le secret de la rĂ©ussite politique de cet enfant de la bourgeoisie tunisoise.
En morceaux choisis de cette contribution subjective â câest la loi du genre â Ă lâhistoire de la Tunisie bourguibienne et de ses relations avec le reste du monde, jâai sĂ©lectionnĂ© le rĂ©cit par BĂ©ji CaĂŻd Essebsi dâun Ă©pisode de la saga tuniso-libyenne.
Du temps oĂč Bourguiba rĂ©gnait sur la politique tunisienne et oĂč Kaddafi lui faisait face Ă Tripoli, câĂ©tait le cĂ©lĂšbre « Je tâaime, moi non plus ».
Et il revenait Ă BĂ©ji CaĂŻd Essebsi, dont lâart du compromis faisait merveille, dâempĂȘcher que le heurt des tempĂ©raments et le choc des ego entre les deux chefs ne dĂ©gĂ©nĂšrent en guerre ouverte entre la Tunisie et son voisin libyen.
Les pages que vous allez lire donnent, Ă mon avis, une bonne idĂ©e de lâatmosphĂšre de ce livre de MĂ©moires dâun acteur de lâHistoire servi par son exceptionnelle longĂ©vitĂ©, et par une mĂ©moire qui sait oĂč sont « les bons fagots ».
Par : Béchir Ben Yahmed
Extraits des mĂ©moires de BĂ©ji CaĂŻd Essebsi, âHabib Bourguiba. Le bon grain et lâivraieâ
Ă la mi-octobre [1984], lâambassadeur de Tunisie en Libye Mohamed Jenifane, en congĂ© Ă Tunis, me transmet un message du colonel Kaddafi qui rĂ©itĂ©rait son invitation pour une partie de chasse dans le Sahara libyen. Sans avoir un caractĂšre officiel, lâinvitation semblait rĂ©pondre Ă un souci insistant. Avec lâaccord du prĂ©sident Bourguiba, jâacceptais lâinvitation. Lâambassadeur interrompait son congĂ© pour mâaccompagner. Le 18 octobre, nous sommes accueillis par Ali Triki1, Abdallah Senoussi2 et dâautres collĂšgues, avec un luxe de protocole inhabituel. Nous sommes conduits au palais de lâancien prince Hassan Ridha, oĂč notre dĂźner nous est servi Ă partir de la maison mĂȘme de Kaddafiâ: notamment une habara en sauce, produit de la chasse personnelle du âAqid.
Avant de nous quitter, Ali Triki me communique que le colonel Kaddafi me recevrait le lendemain matin Ă la caserne Azizia.
« Je crois bien, me dit-il, quâil sâattend Ă vous voir seul.
â Mohamed Jenifane mâaccompagnera en frĂšre », lui dis-je. Son sourire dissimulait mal sa contrariĂ©tĂ©, mais, pour ma part, je tenais Ă la prĂ©sence constante de lâambassadeur.
Le colonel Kaddafi me rĂ©serve un accueil particuliĂšrement chaleureuxâ:
« Je mâattendais Ă vous voir habillĂ© de la afrit (lâhabit de chasse saharien).
â Je ne suis pas chasseur, lui dis-je, mĂȘme si jâaime les randonnĂ©es et lâambiance du dĂ©sert. »
En saluant lâambassadeur, il sâexclameâ:
« Vous vous faites toujours accompagner de votre espionâ?
â Câest notre frĂšre commun, lui dis-je.
â Celui Ă qui jâadresse mes rapports est devant vous », rĂ©plique de son cĂŽtĂ© Jenifane avec un sourire Ă©clatant.
Nous ne tardons pas Ă monter dans un minibus, rejoints par Khouildi Hamidi3, Hassan Ichkal4, Abdallah Senoussi, Khalifa Htiwech. Au volant, Youssef Debri5, bientĂŽt relayĂ© par Hassan Ichkal. Nous prenons la direction de Saddada, Ă 200 km au sud-est de Tripoli. TrĂšs vite, nous abordons le grand large, la mer intĂ©rieure de sable et de ciel pur. Assis Ă la droite de Kaddafi, je lâĂ©coute. Dâune voix Ă©gale, il Ă©voque des situations oĂč, estime-t-il, les Tunisiens sâenferment dans une attitude dâincomprĂ©hension, dans un formalisme chatouilleux et injustifiĂ©. Il se plaint de Wassila Bourguiba, du harcĂšlement des Libyens, touristes ou patients dans les cliniques tunisiennes, des notes frĂ©quentes de protestation contre les survols dâavions libyens qui, en altitude, empiĂštent sur lâespace aĂ©rien de la Tunisie. « Pourquoi cette nervositĂ©â? Ces Ă©carts dans le ciel ne peuvent pas ĂȘtre hostiles. Nous nâallons pas bombarder vos oliviersâ! Avec la Tunisie, nous aimerions vivre en confiance et sentir pleinement la relation fraternelle. »
Je savais que lâentrĂ©e en matiĂšre serait longue et que lâessentiel nâĂ©tait pas encore dit. Plusieurs digressionsâ:
« Si lâAlgĂ©rie avait envahi la Tunisie avant dâĂȘtre occupĂ©e par les Français, vous auriez Ă©tĂ© aujourdâhui un seul et mĂȘme pays, me dit Kaddafi.
â LâĂtat tunisien, lui dis-je, Ă©tait Ă©tabli bien avant lâinstitution de lâAlgĂ©rie, et il comprenait, avant et aprĂšs lâinvasion arabe, BĂ©jaĂŻa et tout le Constantinois du nord au sud jusquâaux routes caravaniĂšres du Sahel. Plus Ă lâouest, lâĂtat marocain est lui aussi plus ancien que lâAlgĂ©rie, avec une superficie plus vaste mais avec des frontiĂšres variables qui lui ont toujours valu des difficultĂ©s avec ses voisins de lâEst. »
Au cours de lâune de nos escales de dĂ©tente, Kaddafi me prend par le bras pour un apartĂ©â:
« Je voudrais nommer un diplomate arabe Ă New York en qualitĂ© dâambassadeur auprĂšs des Nations unies. Jâai pensĂ© Ă Mohamed Masmoudi6.
â Bourguiba ne le voudra pas, lui dis-je. Ăvitez de heurter le prĂ©sident Bourguiba avec des problĂšmes de personnes.
â Vous connaissez pourtant sa valeur. Masmoudi servira intelligemment la cause arabe. Il est connu et, de ce fait, la Tunisie sera encore honorĂ©e Ă travers lui.
â Ma rĂ©serve ne se situe pas Ă ce niveau, je crains seulement que lâinitiative ne mette en colĂšre Bourguiba. Si vous voulez aider Masmoudi, vous avez dâautres moyens de le faire, mais une fonction diplomatique serait considĂ©rĂ©e par le prĂ©sident comme inamicale. Je ne vous le conseille pas.
â Parlez-en au prĂ©sident Bourguiba. Jâattendrai votre rĂ©ponse. »
Ă la premiĂšre occasion, je mets lâambassadeur Jenifane dans la confidence, en lui prĂ©cisant quâil ne devait rien mettre par Ă©crit, ni en parler.
Au cours de la traversĂ©e, Kaddafi avait tirĂ© des oiseaux et de petits gibiers, mais sans grande conviction. En arrivant Ă Saddada, nous sommes installĂ©s sous une tente spacieuse, simple et confortable, meublĂ©e dans un souci pratique. Le dĂźner, frugal et succulent, Ă©tait servi tĂŽt. Le Sahara, avec de tels moyens, a son charme et offre un dĂ©paysement et une dĂ©tente insoupçonnĂ©s. Nous avons passĂ© la nuit dans un vieux qasr saharien aussi sobre et dotĂ© dâun Ă©quipement irrĂ©prochable.
Pendant la veillĂ©e, Kaddafi demande Ă Mohamed Jenifane de rĂ©citer des poĂšmes du folklore bĂ©douin. Avec dâautres collĂšgues, ils ont animĂ© des joutes oĂč se rejoignent, dans une langue commune, les grands thĂšmes de la chevalerie, de la nature et de la beautĂ©. Dans lâun des poĂšmes rĂ©citĂ©s par Jenifane, Kaddafi repĂšre le mot layçaâ:
« Nous avons le mĂȘme terme Ă Syrte, dit-il. Vous voyez bien, Si BĂ©ji, que câest le mĂȘme pays.
â Que signifie ce termeâ?
â Câest un adjectif. Quelque chose est layça, me dit-il, lorsque son sens apparent dissimule son sens rĂ©elâ; le sens rĂ©el est ainsi masquĂ©, dĂ©signĂ© indirectement par un symbole.
â Je vous en fĂ©licite, lui dis-je, vous participez avec Mohamed Jenifane du mĂȘme pays des âlayçaâ, mais pas moiâ! »
Le lendemain, sur le chemin du retour, alors que nous traversions une petite bourgade, Kaddafi arrĂȘte le minibus devant une mosquĂ©e trĂšs modeste. Il se retire avec quelques collĂšgues pour la priĂšre du âAsr, puis il rejoint les autres passagers et nous poursuivons notre chemin. Kaddafi est restĂ© un homme Ă©tonnamment simple et proche de son peuple.
DĂšs mon retour Ă Tunis, Ali Triki me rappelle pour avoir la rĂ©ponse relativement Ă la nomination de Masmoudi, en me signifiant quâil Ă©tait harcelĂ© par son chef. Je soulĂšve la question devant le prĂ©sident Bourguiba le lendemain au cours de la revue politique de la matinĂ©e. Il sursauteâ:
« Câest inadmissibleâ! Je lui enlĂšverai la nationalitĂ© tunisienne.
â Jâai dĂ©jĂ exprimĂ© ce pressentiment au colonel Kaddafi, lui dis-je. Je confirmerai aux collĂšgues libyens votre objection, mais je ne suis pas dâavis de gonfler lâaffaire. Relativement Ă Mohamed Masmoudi, nous lui dirons ce quâil en est et nous traiterons la question comme une affaire intĂ©rieure.
â Câest plus grave que cela, objecte Habib Jr.7, Kaddafi est capable dâaller jusquâau bout. Il faut lâen empĂȘcher.
â BĂ©ji lui a dĂ©jĂ dit que câĂ©tait un acte inamical, lui rĂ©pond le prĂ©sident. Nous nâallons pas dĂ©clarer la guerre pour çaâ! Puis, sâadressant Ă Mohamed Mzali8â: il faut aviser Masmoudi par Ă©crit que son acceptation signifie la destitution de sa nationalitĂ© tunisienne. Il faut aussi prendre les dispositions en consĂ©quence pour ne pas nous laisser prendre de vitesse. »
Mohamed Masmoudi opte sagement pour le maintien de sa nationalitĂ©. Dans une lettre Ă Mohamed Mzali, il Ă©crira cependant que le ministre des Affaires Ă©trangĂšres avait donnĂ© son accord au colonel Kaddafi pour sa nomination en tant quâambassadeur auprĂšs des Nations unies Ă New York. Sans mâen parler au prĂ©alable, Mzali montre la lettre de Masmoudi au prĂ©sident, qui, incrĂ©dule, rejette la lettre en sâexclamantâ: « Masmoudi ment, BĂ©ji a dit vrai. Il nâa jamais donnĂ© son accord pour la nomination de Masmoudi comme ambassadeur de la Libye auprĂšs des Nations unies. Cette affaire est closeâ! »
En fait, lâaffaire hantera longtemps le prĂ©sident Bourguiba, Ă la fois parce quâil Ă©tait profondĂ©ment ulcĂ©rĂ© par ce quâil considĂšre comme faussetĂ© et fourberie de la part de Mohamed Masmoudi et parce quâil soupçonnait le colonel Kaddafi de poursuivre de sombres desseins. Pour lui, Kaddafi nâa pas digĂ©rĂ© lâĂ©chec de Djerba9â: il est capable de tout pour mettre la main sur la Tunisie. En hissant Ă nouveau Masmoudi, il se trahit. De surcroĂźt, des infiltrations dâarmes et dâagents libyens sont repĂ©rĂ©es tout au long des deux derniĂšres annĂ©es, les derniĂšres remontant Ă janvier, puis Ă nouveau au mois de mars 1984. Des rapports pĂ©riodiques du ministĂšre de la DĂ©fense tiennent le Premier ministre en Ă©veil. Mohamed Mzali en a entretenu le prĂ©sident juste avant lâaudience quâil a fixĂ©e pour Ali Triki en avril 1985.
Venu Ă Tunis pour la session ordinaire de la Ligue arabe, Ali Triki mâa informĂ© de son intention de demander une audience auprĂšs du prĂ©sident. Comme je sentais depuis quelque temps la colĂšre rentrĂ©e de Bourguiba, je lui ai conseillĂ© de retarder la dĂ©marche, le prĂ©sident nâĂ©tant pas bien disposĂ© pour le moment. NĂ©anmoins, ayant pour instruction du colonel Kaddafi de rencontrer le prĂ©sident, il a fait intervenir Mezri Chekir10 et Mohamed Mzali pour fixer lâaudience sans mâen parler, comme cela arrive souvent. Ă lâissue du Conseil de la Ligue, il Ă©tait reçu par Bourguiba en prĂ©sence de Mohamed Mzali et de moi-mĂȘme.
« Je vous transmets le bonjour dâAl-âAqid Al-Kaddafi, dĂ©clare Ali Triki en tendant la main au prĂ©sident. Tout en lui prenant la main, et avant mĂȘme de lui offrir de sâasseoir, le prĂ©sident se lance dans une diatribe contre les vellĂ©itĂ©s agressives de la Libyeâ:
â Kaddafi attend ma mort pour envahir la Tunisie. Il nâira pas loin. Je me suis entendu avec Bendjedid, vous nâaurez aucune chance. Nous vous briserons les reinsâ! »
Ali Triki Ă©tait loin de sâattendre Ă une telle explosion.
« Je crains, Monsieur le Président, dit-il, que vous ne construisiez des plans sur des bases totalement erronées.
â Quand le Premier ministre me dit quelque chose, je le crois. »
Le prĂ©sident enchaĂźne sur les infiltrations dâagents libyens et de stocks dâarmes, sur lâappareil de propagande qui appelle le peuple Ă la rĂ©volte. « Cette politique de duplicitĂ© nâest pas digne de la Tunisie. Kaddafi veut pourrir la rĂ©gion, il ne veut ni la paix ni la coopĂ©ration Ă©conomique. »
Triki Ă©coute calmement, puis il prend congĂ© en dĂ©clarant quâil rapportera au colonel Kaddafi le message du prĂ©sident.
En le raccompagnant, je lâinvite Ă une pause dans un salon du palaisâ:
« Je pense quâil est de notre devoir de modĂ©rer le message et de nous efforcer dâapaiser la situation, lui dis-je.
â Jâaurai beau attĂ©nuer, dit-il, je ne pourrai pas dissimuler le fond dâhostilitĂ©. Tout bien pesĂ©, quand le prĂ©sident Bourguiba dĂ©clare quâil nous brisera les reins, câest lâĂ©quivalent dâune dĂ©claration de guerre. Il est bien le chef suprĂȘme des armĂ©esâ! Il nous impute des plans diaboliques. Comment taire lâaccusationâ? Si je suis content dâune chose, câest que vous nâĂȘtes pas en cause dans cette situation. Chaque fois quâune tension survient dans nos relations, on nous fait dire que vous en ĂȘtes responsable. Vous ĂȘtes un homme dâhonneur et votre rĂŽle est certainement dĂ©licat. Je compte sur vous pour nous Ă©viter une escalade ou une dramatisation qui nous desserviraient les uns et les autres. »
Je le revois au salon de lâaĂ©roport pour le saluer Ă son dĂ©part. Jâapprends alors que Mohamed Mzali avait dĂ©pĂȘchĂ© TaĂŻeb Sahbani11 auprĂšs de lui pour tenter de calmer la tension.
Le lendemain, au cours dâune sĂ©ance de travail au cabinet du prĂ©sident en compagnie de Mzali, nous sommes Ă nouveau tĂ©moins dâune longue diatribe contre Kaddafi. Le prĂ©sident rĂ©pĂšte ses propos comme sâil voulait nous convaincre, puis mâinterpelleâ:
« Pourquoi gardes-tu le silenceâ?
â Je vous Ă©coute, Monsieur le PrĂ©sident.
â Je veux ton avis sur lâentretien dâhier avec Triki.
â Puisque vous me posez la question, je dois vous dire que, si lâon sâen tient aux usages diplomatiques, les propos tenus sont trĂšs durs et Ă la limite de lâacceptable. Hier, Ă lâissue de lâaudience, jâai rattrapĂ© mon collĂšgue Ali Triki et je lâai priĂ© de ne pas grossir lâaffaire. Il mâa rĂ©pondu que ce quâil avait entendu, au fond, Ă©quivalait Ă une dĂ©claration de guerre. »
Le prĂ©sident ne rĂ©agit pasâ; il reste silencieux un long moment, la tĂȘte entre les mains, puis il nous salue et nous nous dirigeons vers la sortie. Avant que je ne franchisse le seuil, il me rappelleâ: « Ce que tu mâas dit ne mâa pas fait plaisir, me dit-il, mais je tâen remercie. Tu as Ă©tĂ© de bon conseil. »
Au bout dâune semaine, Mohamed Mzali mâappelle pour me prier de me rendre Ă Tripoli et de tenter de reprendre langue avec Kaddafi. « Câest Ă vous que revient logiquement la dĂ©marche », lui dis-je. Le lendemain, il revient Ă la chargeâ: « Jâen ai parlĂ© au prĂ©sident, dit-il, la mission vous revient. » Je dĂ©cline encore une fois.
Ă la rĂ©union suivante au palais, Mzali dĂ©clare au prĂ©sidentâ:
« Jâai dĂ©jĂ parlĂ© Ă Si BĂ©ji de la mission Ă Tripoli, mais il ne semble pas convaincu.
â Tu dois y aller, me dit le prĂ©sident, il faut clore ce dossier.
â Une telle mission incombe logiquement Ă Si Mohamed, lui dis-je. Je nâavais pas souhaitĂ© cette audience avec Ali Triki. Du reste, je vois mal ce quâil y a Ă dire.
â Câest toi qui y vas parce que je te le demande, reprend le prĂ©sident. Pour le reste, tu nâes pas de ceux Ă qui il faut souffler ce quâil y a lieu de dire. Tu sais caresser dans le sens du poil [taârif traqqad ach-chaara]. »
Comme il perçoit mon malaise, il ajouteâ: « Prends ton temps. »
Jâadmets que la mission sâimpose, mais que direâ? Au bout de deux jours, je reçois un appel de Ali Triki, qui, je le sentais, souhaitait vivement lâarrivĂ©e dâune dĂ©lĂ©gation tunisienne. Il mâassure, en rĂ©ponse Ă ma question, que je serai le bienvenu et que je serai Ă©videmment reçu par le « Guide ».
Le 29 avril, il mâattendait Ă mon arrivĂ©e Ă Tripoli. Les retrouvailles sont trĂšs cordiales. Lâambassadeur Jenifane, de son cĂŽtĂ©, nâavait relevĂ© aucune nervositĂ© particuliĂšre Ă lâendroit de lâambassade durant les derniĂšres semaines. Ali Triki me rĂ©servait cependant une surpriseâ: jâĂ©tais attendu par Abdesselam Jalloud12. Je maintiens que jâĂ©tais porteur dâun message pour le colonel Kaddafi et que, faute de le dĂ©livrer Ă son destinataire, je nâavais quâĂ reprendre mon avion. Ali Triki sâempresse de me rassurer. Jâaccepte donc lâentretien prĂ©alable fixĂ© avec Jalloud.
Lâentretien, en prĂ©sence de Ali Triki et de Jenifane, Ă©tait mĂ»rement prĂ©parĂ© et sans doute enregistrĂ©â: sans chercher Ă rĂ©pondre aux accusations du prĂ©sident Bourguiba, Jalloud attaquait nos choix politiques, lâesprit de nos rĂ©formes, la distance que nous maintenions avec le monde arabe. Jâavais beau jeu de rappeler le rĂŽle central de la Tunisie partout oĂč les droits des peuples arabes sont en causeâ: la lutte de libĂ©ration algĂ©rienne, lâalternative au Caire pour le siĂšge de la Ligue arabe et de ses organisations annexes, le refuge offert Ă la direction palestinienne⊠Mais Jalloud nâĂ©coutait pas, il nous considĂ©rait comme des adversaires de la rĂ©volution libyenne, que nous nâavions jamais fait lâeffort de comprendre. Remontant Ă HĂ©di Nouira13, « il nous parlait de haut, dit-il, il se croyait supĂ©rieurâ! » Je rĂ©alisais quâil Ă©tait en service commandĂ© et quâil nâhĂ©sitait pas Ă se faire provocateur. Il ne cessait de rĂ©pĂ©terâ: « Vous nâĂȘtes pas personnellement en cause, nous savons que vous ĂȘtes un patriote connu pour sa droiture et sa franchise, mais nous ne voulons plus avoir affaire Ă la Tunisie [sillou thyabkoum min thyabina]. » Sans cĂ©der aux dĂ©bordements polĂ©miques, je mâattachais Ă rĂ©pondre sur le fond, ce qui me permettait de marquer plutĂŽt des points, sans cesser de rĂ©pĂ©ter Ă mon tour que tout ce qui vise mon pays sâadresse Ă©galement Ă moi. Au bout dâune heure, nous nous sĂ©parons en nous serrant la main, sans plus.
Lâaudience avec Kaddafi est-elle encore nĂ©cessaireâ? Je demande Ă Jenifane de me reconduire Ă lâaĂ©roport, mais Ali Triki intervient pour rappeler avec insistance que le « Guide » mâattend Ă la caserne Azizia. Je me suis dit alors que si le programme prĂ©voit deux audiences et que la premiĂšre est nĂ©gative, la seconde est vraisemblablement vouĂ©e au compromis. Je mây rends avec Mohamed Jenifane. En pĂ©nĂ©trant sous la tente, je lance Ă haute voix « As-salamou âalaykoumâ! » [Que la paix soit sur vous]. EntourĂ© de Khouildi Hamidi et de Ali Triki, Kaddafi se lĂšve et me tend deux doigts. Ăvitant sa main, je lâinterpelleâ: « Tel que vous me connaissez, je ne changerai pas, je vous embrasse comme Ă notre habitude. Si je ne me sentais pas en milieu ami, je ne serais pas lĂ â! » Kaddafi se penche pour lâaccolade puis, rĂ©primant un sourire, mâinvite dâun geste Ă mâasseoir. CâĂ©tait bon signe.
Rigide, le visage fermĂ©, Kaddafi parle dâune voix lenteâ: « Comment Habib Bourguiba se permet-il de nous accuser de tant de bassessesâ? Jâai peine Ă croire quâil accorde foi Ă ce quâil dit. Vos menaces ne nous font pas peur. Quâest-ce quâil se croit pour se permettre de me traiter ainsiâ?
â Le prĂ©sident Bourguiba nâinvente pas. Il juge en fonction des faits, mĂȘme sâil lui arrive dâĂȘtre parfois excessif. Câest vous qui avez Ă©tĂ© souvent injuste avec le peuple tunisien, en affirmant que nous nâĂ©tions pas libres.
â Je respecte le peuple tunisien, proteste-t-il.
â Vous avez dit Ă Tanya Matthews14 que vous ne visiterez la Tunisie que lorsque son peuple se sera libĂ©rĂ©. Nous, Tunisiens, avons arrachĂ© notre libĂ©ration par la lutte, contrairement Ă tant de peuples qui ont reçu leur indĂ©pendance sur un plateau par la grĂące des Nations unies. Notre libĂ©ration force le respect.
â Tanya Matthews est une espionne que vous mâavez envoyĂ©e. Elle ne sâest pas privĂ©e dâempoisonner lâatmosphĂšre par ses inventions et ses Ă©lucubrations. »
Khouildi Hamidi intervient pour appuyer les propos du « Guide ».
« Je suppose, dis-je en mâadressant Ă Kaddafi, que vous avez associĂ© Hamidi Ă notre entretien pour nous signifier que lui aussi, qui compte parmi nos amis, rompt avec la Tunisie. Je croirai pour ma part que nous aurons tout perdu si nous perdons la confiance du âAqid. Je viens dâentendre des propos de trĂšs bas Ă©tage de la part de Abdesselam Jalloud. Je ne place pas nos rapports Ă un tel niveau. Je voudrais nĂ©anmoins mâassurer que vous, vous me croyez quand jâaffirme que nos relations doivent aspirer Ă la confiance, mais une confiance fondĂ©e sur le respect, sur la franchise et sur la vĂ©ritĂ©.
â Que diriez-vous si je diffusais un enregistrement oĂč le grand public apprend comment jâai administrĂ© une leçon Ă votre Premier ministre quand il mâa appelĂ© au tĂ©lĂ©phone pour sâexcuserâ?
â Jâai tout de suite observĂ© tous ces fils qui traĂźnent sous vos pieds. Ces mĂ©thodes ne mâimpressionnent pas, jâĂ©tais quatorze ans au ministĂšre de lâIntĂ©rieur avant dâĂȘtre ministre des Affaires Ă©trangĂšres. Oseriez-vous diffuser tout lâenregistrement et pas seulement des extraits sĂ©lectionnĂ©sâ? »
Je nâĂ©tais pas averti de cet appel tĂ©lĂ©phonique du Premier ministre. Mohamed Mzali ne mâen avait rien dit. Cependant, dĂšs quâon nous a servi le thĂ©, jâai compris que lâaudience avec Kaddafi Ă©tait en effet programmĂ©e pour le compromis. Je pose la question Ă Kaddafiâ:
« Et maintenant, oĂč allons-nousâ? La guerre ou la paixâ? Je pense que nous ne devons pas insulter lâavenir.
â Câest Ă vous de trouver la solution.
â Vous placez votre confiance en moi, mais votre entourage nâacceptera pas.
â Jâaccepterai, moi.
â Il faudrait que vos collaborateurs acceptent aussi et, aprĂšs le discours du commandant Jalloud, je suis sceptique.
â Il vous suffira que jâaccepte.
â Alors, nous considĂ©rerons que tout ce qui sâest passĂ© est un malentenduâ! »
âââââââââââââââââââââââââââââââ 1. Ministre des Affaires Ă©trangĂšres de 1973 Ă 1982, puis de 1984 Ă 1986. Actuel secrĂ©taire aux Affaires de lâUnion africaine.
2. Beau-frĂšre de Kaddafi, lâun des principaux responsables de la sĂ©curitĂ©.
3. Membre du Conseil de la rĂ©volution, ancien chef de lâarmĂ©e puis du renseignement.
4. Membre du Conseil de la révolution, disparu dans des conditions mystérieuses en 1986.
5. Responsable des services extérieurs.
6. Ministre tunisien des Affaires étrangÚres de juin 1970 à janvier 1974.
7. Fils du président Bourguiba. Ambassadeur, ministre des Affaires étrangÚres, puis patron (1971-1988) de la Banque de développement économique de la Tunisie.
8. Premier ministre tunisien de 1980 Ă 1986.
9. LâUnion tuniso-libyenne, qui devait, en 1973-1974, aboutir Ă la fusion des deux pays sous le nom de RĂ©publique arabe islamique (RAI), a avortĂ©.
10. Ministre de la Réforme administrative, proche de Mohamed Mzali.
11. Ancien ambassadeur de Tunisie en Libye.
12.Membre du Conseil de la révolution. Premier ministre de juillet 1972 à mars 1977.
13. Premier ministre tunisien de novembre 1970 Ă avril 1980.
14. Correspondante de la BBC Ă Tunis.
(Source : « Jeune Afriqueâ (Magazine hebdomadaire â France), N° le 2532 du 19 au 25 juillet 2009)
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Algérie: principaux incendies maßtrisés, la canicule sévit toujours
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ONU: une ONG sanctionnĂ©e sur demande de l’AlgĂ©rie
Arab human rights group barred for year by U.N.
(2009-07-27) (Reuters) – By Robert Evans GENEVA (Reuters) – The United Nations decided on Monday to bar an Arab human rights group for a year after Algeria argued that it brought in a “known terrorist” to speak on its behalf at a meeting in Geneva. The decision was taken without a vote, despite reservations voiced by Western countries, at the 54-member Economic and Social Council (ECOSOC) in what an official of the barred grouping said was a move to silence its voice. The action against the Paris-based Arab Commission for Human Rights — which has been fiercely critical of Israel but also of what it argues is growing oppression in Arab countries — deprives it of the right to speak in U.N. bodies. “This was a move taken to silence us,” the body’s Geneva representative Abdel Wahab Hani told reporters. “We upset everybody, including the Europeans and Americans by criticizing them too, so there was no one to stand up for us.” The suspension of recognition — formally known as “consultative status” — was recommended in January by the U.N.’s 19-nation Committee on Non-Governmental Organizations (NGOs) in New York. Western countries say the Committee has increasingly acted in recent years to keep out genuine NGOs. The Arab Commission, founded in 1998 and run by 15 human rights lawyers who mainly live in Arab countries although some are based in Western Europe, will now be barred from the Human Rights Council, its main U.N. focus. In a complaint to the NGO Committee, Algeria said the group violated rules last year by putting up as a speaker Swiss-based lawyer Rachid Mesli, against whom Algiers has issued an arrest warrant as a member of an “armed terrorist group.” Hani said Mesli was a lawyer who fled Algeria after being prosecuted for defending members of the now defunct Islamic Salvation Front (FIS) which fought the state in the 1990s. U.S. and European Union delegates said Monday that states on the Committee, which recommends to ECOSOC which NGOs should be admitted, or expelled, appeared to be acting to keep out NGO’s who criticized them or with whom they disagreed. (Editing by Jonathan Lynn and Myra MacDonald) Â
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