TUNISNEWS
6 ème année, N° 2107 du 27.02.2006
FDTL: Communiqué
Comité international de soutien aux internautes de Zarzis: Les jeunes de Zarzis enfin libres ! Abdel Wahab Hani : TUNISIE: 73 prisonniers politiques graciés recensés ce soirAFP: Libération de prisonniers tunisiens grâciés AP: Tunisia pardons 1,657 prisoners, including leading Islamist AFP: Deux islamistes tunisiens inculpés et écroués en France AP: Le président tunisien confirme l’absence de grippe aviaire dans son pays
Le Temps: Quoi de neuf, à l’issue du Conseil National des Magistrats ? Le Quotidien : Elections chez les jeunes avocats : Pleins feux sur les tractations, les alliances et les listes
AFP: Congrès du MEI:Projet de création d’un Observatoire euro-méditterranéen AFP: Une délégation du Hamas attendue vendredi à Moscou Nasreddine Ben Hadid: En réponse à Donald Rumsfeld: Qui s’excuse ???? Abdeljelil Bedoui: dix ans de partenariat : quel résultat ? Jean-Pierre Langellier: Islam et Occident : « vérités amères » Le Temps : Selma Baccar, cinéaste : « Il ne faut pas se taire ! »
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FORUM DEMOCRATIQUE POUR LE TRAVAIL ET LES LIBERTES
COMMUNIQUE
25 février 2006
Le comité du18 octobre pour les droits et libertés a appelé à un rassemblement le 24 février au local du FDTL pour défendre le droit de réunion.
Très tôt dans la matinée, le siège du parti a été encerclé par un grand nombre de policiers en civil qui ont bloqué son accès. Au-delà de la rue d’Angleterre, le centre de Tunis était quadrillé par d’imposantes forces de police, donnant l’impression d’un véritable état d’urgence, et les militants qui ont répondu, individuellement ou en groupe à notre appel, ont été dispersés et, souvent agressés. Même les militants du FDTL, venus de l’intérieur du pays ont été empêchés de rejoindre le siège du parti. Certains responsables ont été bousculés : ce fut le cas, notamment, du professeur Abdelkader Benkhemis, coordinateur de la région du Kef, stoppé aux abords du lieu de réunion, et de Maître Hédi Mannai, coordinateur de la région de Jendouba, interpellé à l’entrée de Tunis, puis conduit au poste de la garde nationale et obligé sous la menace de rebrousser chemin.
Ces graves atteintes à la liberté de circulation et de réunion surviennent après une série d’incidents qui ont marqué, au cours des dernières semaines, les relations des autorités avec le Comité du 18 octobre et les formations, même légales, qui en font partie. C’est ainsi que le 24 janvier, la réunion du comité prévue au local du FDTL a été empêchée par la police. Le 10 février, une autre réunion, organisée par le FDTL en solidarité avec les prisonniers politiques, a connu le même sort. Le 21 février, une conférence de presse organisée dans les locaux du PDP, parti légalisé, a été perturbée par la police qui a empêché des personnalités de la société civile d’y assister.
Le champ associatif n’a pas été épargné. Les locaux de
Il est remarquable que tous ces cas concernent des organisations légales dont le seul tort est de tenir à leur indépendance.
Le FDTL est convaincu que, par ce verrouillage de plus en plus dur de la vie politique et associative, le pouvoir cherche, de façon disproportionnée par l’intimidation et la peur, à faire taire toute opposition. dans la foulée, il cherche à punir les opposants, responsables de son point de vue, de l’échec en novembre 2005 de la deuxième phase du Sommet Mondial de
– Le FDTL considère les incidents de ces dernières semaines comme une grave atteinte à son droit à l’activité politique dans ses aspects les plus élémentaires, à son droit de réunion, à son droit de choisir les thèmes à débattre, à son droit de travailler avec les partenaires qu’il choisit et de les accueillir quand il le veut.
– Il réaffirme sa détermination à poursuivre la lutte pour la démocratie et les libertés et à œuvrer pour le rassemblement des forces du changement.
– Il considère que, du fait du blocage de son activité et du harcèlement incessant de ses responsables et de ses militants, sa légalisation est vidée, jour après jour, de sa substance.
– Il rejette la responsabilité de ces incidents et des violences qui les ont accompagnées, sur le gouvernement qui se discrédite totalement en tenant, d’un côté, un discours flamboyant sur la démocratie et les droits de l’homme, et, de l’autre , en imposant un verrouillage implacable de la vie politique ; il rejète aussi le responsabilité de cette politique sur le RCD, parti au pouvoir et membre, comme le FDTL, de l’Internationale Socialiste. Ce même RCD ne peut ignorer que l’adhésion à une organisation internationale démocratique doit être liée au respect des valeurs communes et des relations fraternelles de ses membres, et il se doit de réviser sa politique, sinon d’assumer entièrement les conséquences de sa politique répressive.
Mustapha Benjâafar
Secrétaire Général
LES JEUNES DE ZARZIS ENFIN LIBRES !
Comité international de soutien aux internautes de Zarzis
Présidente : Hélène Flautre, Parlementaire européen
Porte Parole : Térésa Chopin, mère d’Omar Chlendi
www.zarzis.org
Les familles des internautes de Zarzis nous ont bien confirmé la libération des jeunes de Zarzis.
Contactée sur place, Térésa Chopin mère de Omar Chlendi qui est en compagnie des familles de Ridha bel Hajj Ibrahim et de Omar Rached, nous a confirmé que les détenus de Borj El Amri sont sortis de prison à 14h30 précises, ils se trouvent actuellement dans les locaux de l’administration pénitentiaire où ils remplissent les formalités de leur sortie.
Le père de Abdelghafar Guiza qui était détenu à la prison civile du 9 Avril à Tunis, a bien pu récupérer son fils qui était hospitalisé à l’hôpital de l’Ariana depuis vendredi. Nous avons pu joindre Abdelghafar Guiza au téléphone à sa sortie de l’hôpital, il nous a assuré que sa santé s’est améliorée.
La famille de Hamza Mahroug nous confirmé qu’il sera bien libéré avec Aymen Mcharek, les familles sont en route pour Sfax afin de les récupérer.
Après la confusion de ces derniers jours, c’est avec un grand soulagement que le comité de soutien aux internautes de Zarzis apprend cette heureuse nouvelle, il tient à saluer tout ceux qui en Tunisie et partout dans le monde se sont mobilisés pour libérer les « internautes de Zarzis ».
Paris le 27 février 2006
Le Comité de Soutien
27-02-2006
(Source : http://www.zarzis.org )
Les jeunes de Zarzis rentrent à la maison:
73 prisonniers politiques graciés recensés ce soir
Assabah de ce 26 février 2006, parle de la grâce accordée à « certains citoyens de Zarzis condamnés au criminel ».
Bizarre que ces jeunes gens soient cités séparément alors qu’ils sont officiellement de simples « criminels » 🙂 Assabah, 26 février 2006
العفو عن محكومين في قضايا عنف جماعي وبعض أصيلي جرجيس علمنا أن الرئيس زين العابدين بن علي أصدر عفوا على عدد من المحكوم عليهم من بينهم أفراد حوكموا في قضايا عنف جماعي وبعض المواطنين أصيلي جرجيس صدرت ضدّهم أحكام جزائية بالسجن. Lecteur Assidu www.tunezine.com
Libération de prisonniers tunisiens grâciés
Tunisia pardons 1,657 prisoners, including leading Islamist
Deux islamistes tunisiens inculpés et écroués en France
Le président tunisien confirme l’absence de grippe aviaire dans son pays
Quoi de neuf, à l’issue du Conseil National des Magistrats ?
Elections chez les jeunes avocats :
Pleins feux sur les tractations, les alliances et les listes
Tunis – Le Quotidien
Les élections des membres du Comité directeur de l’Association Tunisienne des Jeunes Avocats (ATJA), le 4 mars prochain, s’annoncent chaudes. D’autant plus que trois listes au moins entreront en lice.
A une journée de la clôture des candidatures, huit jeunes avocats indépendants seulement ont déposé leurs candidatures pour les sièges du Comité directeur de l’ATJA. C’est que les tractations continuent entre les diverses sensibilités du barreau pour nouer des alliances et former des listes.
Un seule liste a été déjà formée : la liste “unie” qui scande le slogan “Pour une association indépendante, démocratique et militante”. Elle regroupe a priori Mes. Mondher Charni, Khaled Krichi, Koutheïr Bouallègue, Leïla Mahmoud, Oula Ben Nejma, Abdeljaoued Hraïzi, et Samir Dilou. Des candidats proches de certains groupuscules de gauche, du courant d’obédience nationaliste arabe, du courant religieux et des indépendants.
La deuxième liste est celle des jeunes avocats appartenant à des sensibilités de gauche qui refusent toute “alliance contre nature” avec le courant religieux.
Les avocats proches du Rassemblement Constitutionnel Démocratique (RCD) n’ont pas toujours formé leur liste. Le poste du président de l’Association divise toujours les candidats constitutionnels.
Deux alternatives se présentent : Me Lotfi Arbi président sortant et Me. Mohamed Saïdana, membre du Comité directeur sortant.
Les observateurs n’excluent pas une alliance de dernière minute entre les avocats proches du RCD et ceux proches des sensibilités de gauche refusant toute action commune avec le courant religieux.
Ce scénario a eu lieu en 2004 quand des avocats de gauche se sont présentés sur une liste commune avec les candidats du parti au pouvoir. Elus au comité directeur, les deux avocats de gauche n’ont pas tardé à démissionner sur fond d’énormes pressions.
Les alliances nouées jusqu’ici entre les sensibilités qui traversent le barreau constituent le “prolongement” du débat sur la participation du courant religieux à la vie politique qui divise l’opposition.
Walid Khefifi
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Huit candidatures déposées
Les huit candidatures déposées jusqu’ici ne comptent pas des avocats appartenant aux trois listes qui entreront en lice le 4 mars prochain. Il s’agit de candidats relevant de quatre gouvernorats différents à savoir :
– Me. Sami Chtourou (Sfax)
– Me. Haïthem Khedir (Sousse)
– Me. Moncef Mekki (Tunis)
– Me. Hasni Beji (Tunis)
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– Me. Mourad Delliche (Tunis)
(Source : « Le Quotidien» du 26 février 2006)
Congrès du MEI:
Projet de création d’un Observatoire euro-méditterranéen
AFP, le 27.02.2006 à 09h32
ALGER, 27 fév 2006 (AFP) – Le congrès du Mouvement européen international (MEI) sur le dialogue nord-sud, qui a pris fin dimanche soir à Alger, a adopté un projet de création d’un Observatoire euro-méditerranéen indépendant, selon une « déclaration finale », publiée à l’issue du congrès.
Dans ce texte, les participants ont précisé que cet observatoire, dont le siège sera à Alger, sera chargé de l’évaluation et du suivi des propositions du MEI.
Les congressistes, « convaincus de la nécessité de promouvoir le dialogue ouvert, égalitaire et sans tabou entre le Nord et le Sud », ont convenu de « promouvoir une information sur la base d’une éthique qui favorise le dialogue et la connaissance des différentes cultures », selon cette déclaration dont l’AFP a eu une copie.
Concernant le volet économique, les participants ont estimé « indispensable de poursuivre l’intégration économique de la zone (NDLR: la Méditerranée) et de promouvoir l’échange de savoir-faire entre les acteurs du Nord et du Sud ».
« Il convient de renforcer la capacité des secteurs bancaire et financier à soutenir l’économie, promouvoir l’interaction des systèmes du Nord et du Sud, et favoriser le développement des petites et moyennes entreprises (PME) », selon la même source.
Plus de 600 participants, venus de pays européens et de la rive sud de la Méditerranée, ont planché durant trois jours à Alger, sur la définition d’une « vision commune du futur » et « les voies et moyens d’encourager la coopération entre les sociétés civiles des deux rives de la Méditerranée ».
Créé en 1948, le MEI, une ONG militant pour « une Europe démocratique et unie » et dont le siège est à Bruxelles, regroupe 42 pays dont les 25 Etats membres de l’Union européenne.
Une délégation du Hamas attendue vendredi à Moscou
AFP, le 27.02.2006 à 14h12
MOSCOU, 27 fév 2006 (AFP) – Une délégation du mouvement islamiste radical palestinien Hamas, invité par le président russe Vladimir Poutine à la surprise générale après sa victoire électorale de janvier, est attendue vendredi à Moscou, a annoncé lundi la diplomatie russe.
Joint par téléphone, un responsable du ministère russe des Affaires étrangères a indiqué la date de la rencontre, sans plus de détails.
La délégation du Hamas sera conduite par Khaled Mechaal, chef du bureau politique du mouvement, installé à Damas, a indiqué un porte-parole du Hamas à Gaza.
Une partie de la direction du Hamas installée à Gaza se joindra à la délégation mais pas le Premier ministre désigné, Ismaïl Haniyeh, a ajouté Salah al-Bardawil.
Le représentant spécial de la Russie pour le Proche-Orient, Alexandre Kalouguine, cité par Itar-Tass, n’a pas « exclu que la délégation du Hamas soit reçue par le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov ».
Prenant de court la communauté internationale, Vladimir Poutine a invité le 9 février le Hamas à Moscou. Face aux vives protestations soulevées par cette invitation en Israël, Moscou a toutefois souligné qu’il appellerait le Hamas à renoncer à la violence et à reconnaître l’Etat d’Israël.
Ces questions devraient donc être au coeur des discussions vendredi à Moscou.
M. Kalouguine a cependant indiqué que la partie russe « n’insisterait sur rien » pour contraindre le Hamas à reconnaître Israël. « Pour l’instant, on ne sait pas dans quelle mesure le Hamas est prêt à reconnaître Israël », a noté le représentant spécial.
M. Mechaal a rejeté lundi les conditions posées au Hamas par Israël et la communauté internationale sur la reconnaissance d’Israël, l’arrêt de la violence et l’amendement de la charte du mouvement qui appelle à la disparition de l’Etat hébreu.
La Russie, qui entend jouer sa carte dans le processus de paix au Proche-Orient, estime qu’il serait contre-productif d’isoler le Hamas et qu’il doit devenir « partie légitime » dans le cadre de la dynamique initiée par le Quartette de médiateurs internationaux.
Le Quartette pour le Proche-Orient, composé des Etats-Unis, de la Russie, de l’Onu et de l’UE, a exigé du Hamas qu’il reconnaisse Israël, renonce à ses attaques contre l’Etat hébreu et respecte les accords entre l’Autorité palestinienne et l’Etat juif.
Après avoir reçu des assurances de la Russie, Washington, d’abord hésitant, a semblé accueillir avec intérêt l’invitation du Hamas à Moscou. La France a estimé pour sa part qu’elle pouvait faire avancer les positions du Quartette.
La Russie est l’un des rares pays à ne pas considérer le Hamas comme un mouvement « terroriste ».
En réponse à Donald Rumsfeld (*)
Qui s’excuse ????
Nasreddine Ben Hadid
Paris Match a toujours agi selon son slogan qui fait encore figure dans le paysage journalistique, «Le poids des mots, le choc des photos». M. Donald Rumsfeld vient de nous présenter «Le poids des armes, le choc des excuses», le constat est là, devant nous, un dialogue s’installe ??? Nuance, M. Donald Rumsfeld possède ou plutôt gère l’armée la plus puissante du monde, il est de ce fait acteur réel et entreprenant sans pareille sur la scène internationale, dispose de l’information [en exclusivité] et se fait seconder par un «arsenal» d’experts et de savants, qui décortiquent l’équation afin d’en dégager une action ou une réponse.
L’aveu du Secrétaire d’État à la Défense américain est accablant, il ne peut être réduit à sa dimension personnelle et/ou temporelle, M. Donald Rumsfeld met ou remet en question toute le «Logos» occidental, toute une logique, toute une rationalité ou encore toute une conception de l’être humain et sa finalité sur terre.
Nous [comprendre intellectuels Arabes et Musulmans], avons toujours porté le complexe de la supériorité «fonctionnelle» de la machine occidentale, une forme même de «schizophrénie» s’est installé en chacun de nous, entre cette capacité à comprendre le monde [le notre en premier lieu] et l’analyser et par conséquence se sentir «potentiellement» capable de le gouverner ou plutôt de le sauver d’une part, et cette exclusion machinale et systématique que nous subissons de la sphère politique d’autre part. M. Rumsfeld vient de nous porter un coup de moral qui nous tombe à pic !!!
Le point important que nous devons relever de l’aveu de M. Rumsfeld est bien ce «décalage» flagrant et cette «fossé» impressionnante entre l’investissement consenti et le rendement maigre et misérable. Jamais un Secrétaire d’État à la Défense n’a porté un constat aussi amer et une «mea culpa» aussi terrifiante. Les contribuables américains, ou cette poignée qui lira l’article de «l’oncle Donald» doivent se poser l’éternelle question : A quoi sert l’argent des contribuables ????
L’élite américaine et essentiellement celle versée dans la problématique moyen-orientale, constate que toute cette marée humaine déteste et voue une haine torride à leur pays, l’affaire ne concerne guère des «crépuscules terroristes» ou des «sociétés secrètes» mais plutôt un «air» que chacun et tous respirent et se font passer l’un à l’autre en héritage permanant et patrimoine «génétique». Même plus, ceux qui tirent profit d’une manière ou d’une autre d’une quelconque relation plus ou moins déclarée avec l’administration américaine ou l’une de succursales, évitent de chanter cette relation et se terrent à l’image des trafiquants de drogue !!!
Contrairement aux allégations de M. Rumsfeld, l’affaire ne concerne nullement une ou autre manière de «médiatiser» la réalité et de la présenter comme-ci ou comme ça !!! La question concerne la réalité «réelle» que nous vivons, le constat que nous admettons et surtout la blessure [profonde et contaminée] que nous portions [nous Arabes et Musulmans]. Aucun média ne peut travestir notre quotidien et nous faire admettre la réalité selon les visions et les repaires admis par M. Rumsfeld, qui parle «d’un choc de volontés» !!! Nous devons plutôt dire «choc de conceptions» !!!!
Les Etats-Unis d’Amérique se sont créés à géométrie variable et une histoire jalonnée de sang et de massacres. D’Hispaniola [Première base sur le continent appelé par la suite Amérique] aux prisons d’Abou-Grib ou de Guantanamo, la logique est la même : « Ainsi, quiconque résiste au Pouvoir résiste à la Loi de Dieu, et ceux-là qui résistent seront damnés. » (Psaumes 13-2), les Néo conservateurs qui n’ont jamais caché une vision religieuse et biblique de la réalité, ont toujours agit comme l’a fait le gouverneur de la colonie de Massachusetts Bay, John Winthrop, qui se basant sur : « Demande-le moi, et je te donnerai les païens pour héritage et les confins de la Terre pour possession. » (Psaumes 2-8), a été le premier à considérer que la terre des «autochtones» était «vide du point de vue juridique», car les indiens avaient «un droit naturel et point de statut juridique» sur la terre de leurs ancêtres !!!
Certains lecteurs peuvent trouver ce renvoi historique sans liens avec la réalité présentée par M. Donald Rumsfeld, nous devons leur répondre de la bouche même de M. Henri Kissinger, qui dans son livre «Un monde rétabli» admet que «L’Histoire est la mémoire des états», le choc entre les Arabes et les musulmans d’une part et la politique admise par l’actuelle administration américaine ne peut découler d’une «quelconque manque de compréhension» ou résulter d’une «prétendue manipulation de la réalité» de la part d’un quelconque «terroriste». La réalité est bien là, le «terrorisme» [selon tous ses sens, interprétations et autres projections] est bel et bien une émanation ou plus une «réponse naturelle» [dans le sens de la physique dynamique] à une politique américaine qui nous n’a jamais présenté [nous Arabe ou Musulmans] un visage qui sourit vraiment !!!
La création de l’entité sioniste et ses conséquences, la mise en place et le maintien actuellement de régimes arabes sans assises populaires et surtout l’invasion de l’Irak, ne peuvent être travestis par une quelconque manipulation linguistique ou une changement de variable médiatique. La masse [arabe ou musulmane] misérable, ne peut comprendre une «pseudo élite» [pédante par moments et candide par autres] qui s’est forcée et se force encore à faire admettre la réalité telle vue [ou plutôt souhaitée] par M. Donald Rumsfeld !!!
Le Secrétaire d’État à la Défense américain ne doit guère craindre à court et moyen termes, une riposte structurée mais plutôt une explosion généralisée. Les régimes arabes ne peuvent à fois admettre les aspirations de leurs peuples et satisfaire une pression américaine grandissante d’un jour à l’autre. La logique mise en place a engendré en Egypte et Palestine – pour ne pas citer que ces deux pays clefs – une victoire écrasante des islamistes et démontrant par conséquence une faillite – totale et absolue – des deux régimes et surtout une absence totale ou plutôt une faillite consommée de cette «élite laïque et occidentalisante», jadis bruyante et médiatisée !!!
La victoire du Hamas acquise selon les règles strictes de la démocratie occidentale et surtout le refus de l’administration américaine d’admettre et de «digérer» cette réussite, nous conduit – nous élite arabe et musulmane – à voir [avec impatience] comment l’Administration Bush arriverait à étrangler la nouvelle Autorité palestinienne sans pour autant verser la région vers un Ben Laden qui se frotte les mains ???
Si nous devons trouver un point de concordance avec le Secrétaire d’État à la Défense américain, est bien de considérer l’équation dans sa totalité et nullement la prendre en strates ou la quantifier !!! La situation s’ouvre sur toutes les éventualités…
Que pouvons-nous attendre ???
L’histoire nous donne toujours des leçons et arrive encore et toujours à éclairer notre présent et par conséquence nous pousse à poser et nous poser des questions ???
– Pourquoi les victimes du 11 septembre devraient nous marquer plus de ces centaines de milliers de morts Irakiens et Afghans, tombés sous les bombes américaines ??? La logique occidentale et ses extrapolations humanitaires ne obligent bien à prendre l’être humain dans sa dimension totale et indivisible !!! Ou devons-nous admettre ou plutôt composer avec l’apparent «pédant» et la réalité «hypocrite» ???
– Pourquoi la politique américaine ne cesse de négliger nos aspirations les plus élémentaires et nos revendications les plus basiques. Le Hamas doit bien avoir raison non par rapport à son idéologie, mais plutôt par logique des choses. On voit bien les vautours lui tourner autour !!!!
Les Etats-Unis d’Amérique revendiquent un rôle de pionnier et se place en leader de ce monde. Devons-nous suivre et nous soumettre par peur de cette armée qui s’est enlisée dans le bourbier irakien et cherche désespérément à quitter ces marécages ???
La réponse ne peut admettre une réponse «théorisante». Les Arabes et les Musulmans doivent se poser des questions que nous ne cessons de reporter. La théorie de M. Rumsfeld trouvera certainement des adeptes non pas par croyance mais par peur d’une forme ou une autre d’immobilisme qui risque de les faire couler. La mouvance laïque et «occidentalisante», ne peut organiquement constituer une alternative et les régimes s’effritent et se perdent à l’image des feuilles d’automne.
La grogne grandit et le mécontentement devient à l’image de ces tonnes d’explosif qui n’attendent plus qu’une étincelle. Les briquets ne manquent guère, les pyromanes non plus !!!!
Le pétrole et l’entité sioniste sont les deux et seules priorités de l’Administration américaine dans la région. La présence de plus de 170.000 soldats américains dans la région a inversé l’ordre. Entre ses «boys» dans la merde [mille excuses les termes me manquent] et un allier stratégique, la question commence à se poser non en terme de substitution mais en priorité [un début comme même].
Les Etats-Unis ne peuvent penser à sauver le beurre et l’argent du beurre [comprendre l’entité sioniste et le pétrole]. Les «sans culottes» n’ont plus rien à perdre et toutes ces armées arabes au service de régimes chancelants ne peuvent oublier [en individus] leurs origines misérables et leurs situations médiocres… [à imaginer]
Le rêve et le fantasme du Secrétaire d’État à la Défense américain ressemblent bien à cette fameuse histoire du roi nu, mais rares les Arabes et les Musulmans qui auront la gentillesse de faire semblant d’admirer la Haute Couture !!!
Nasreddine Ben Hadid
Article publié sur le blog :
(*) Source: Le site du Figaro le 24 février 2006
DIX ANS DE PARTENARIAT : QUEL RÉSULTAT ?
Par : Abdeljelil BEDOUI
Université de Tunis
Introduction
Je tiens à remercier les organisateurs de la 3ème Assemblée générale du Forum Social Syndical EuroMed pour leur invitation afin de présenter la conférence d’ouverture intitulée : 10 ans de partenariat : quel résultat ?
Ce sujet, au-delà de son intérêt et de son actualité couvre beaucoup de domaines relatifs aux dimensions économiques, sociales et politiques.
Pour tenter de l’aborder selon une démarche analytique, je me trouve contraint d’adopter, assez souvent, un style télégraphique. En outre, sans nier les nuances et les différences qui existent nécessairement entre les pays du Sud de la Méditerranée, je serais amené à dégager et à insister sur les tendances fortes résultant des accords de partenariat plutôt que de m’arrêter sur les détails qui risquent d’alourdir sans intérêt cet exposé.
Enfin, animé par le même souci de couvrir d’une façon claire et accessible l’ensemble des domaines je devais renoncer aussi à la présentation d’une information statistique, pourtant abondante et me contenter d’illustrer certains phénomènes à partir de données relatives au Maghreb et en particulier à la Tunisie qui a signé le premier accord de partenariat avec l’Union européenne en 1995.
Ces remarques étant faites, il faut rappeler que le processus de Barcelone visait au départ, en 1995, la construction d’une région EuroMed de paix, de stabiliser et de prospérité partagée.
Cette intention généreuse affichée par tous les partenaires a crée un grand espoir chez les acteurs de la société civile en particulier, qui avaient cru à l’existence d’une réelle volonté politique pour mener ce processus à son terme et réaliser un projet sociétal intégrateur et porteur de modernité, et de progrès pour les partenaires.
La mise en œuvre de ce processus a donné lieu à la signature d’un ensemble d’accords bilatéraux de partenariat (ou d’association) entre l’UE d’un côté et les différents pays du Sud EuroMed de l’autre. Ces accords visent à bâtir une vaste zone de libre échange entre les deux rives de la Méditerranée, en conformité avec le principe de réciprocité proné par l’OMC, tout en l’accompagnant de fonds structurels pour faciliter les réformes envisagées (libéralisation, privatisation, mise à niveau…).
Dix ans plus tard, l’espoir suscité au départ a vite cédé la place, à la déception chez les uns et la contestation chez les autres et dans tous les cas au désarroi et à l’inquiétude chez tous les acteurs impliqués directement dans le processus de Barcelone.
C’est aussi le diagnostic établi par tous ceux (du nord comme du sud) qui ont cherché à évaluer le processus de Barcelone et ont conclu à l’échec du processus. Cette conclusion a été démontrée et réaffirmée par différentes analyses présentées récemment le 1 et 2 octobre 2005 à l’occasion d’un colloque organisé à Marseille par l’Institut de la Méditerranée et le cercle des Economistes.
Partant de cette unanimité mon intervention va chercher :
· à expliquer les origines de l’échec
· à rappeler le contenu de l’échec en distinguant les différentes dimensions économique, sociale et politique et en dégageant les principaux aspects relatifs à l’échec
· à identifier les conditions et les perspectives d’une relance du processus de barcelone.
I- À l’origine d’un échec
Au-delà des intentions généreuses affichées au départ par les 15 membres de l’UE et les 9 pays dits méditerranéens du Liban au Maroc, ils y avaient des préoccupations, des attentes et des logiques non convergentes, non stratégiques et inscrites dans une logique traditionnelle concernant le rapport Etat/Société dans le Sud et les relations Nord/Sud du côté de l’UE:
A- Du côté des pays du sud :
La recherche d’un partenariat avec l’UE était envisagée dans le but de pouvoir faire face aux nouvelles contraintes de la Mondialisation induites par l’ouverture, la logique de la réciprocité, du Multilatéralisme et de la compétitivité.
Sans envisager une transformation chez eux du rapport Etat/Société ni un renforcement du rapport Sud/Sud, les Etats du Sud dans une perspective opportuniste sur le plan économique et politique attendaient de l’EU :
· un appui financier pour réaliser les réformes et la mise à niveau de leurs entreprises, infrastructures et capital humain
· bénéficier d’un calendrier approprié pour faire aboutir les réformes et gérer chez eux les conflits d’intérêt
· créer un effet d’annonce pour améliorer leur attractivité des investissements directs étrangers (IDE), soulager leur endettement devenant excessif et relancer leur croissance pour réduire le chômage et la pauvreté
· utiliser le partenariat comme moyen de légitimation des régimes politiques non démocratiques dans la mesure où la transformation du rapport Etat/Société, pourtant nécessaire pour créer une mobilisation intérieure des acteurs et des ressources, n’était pas envisagée bien que l’article 2 des accords les engage à le faire.
De sorte que le partenariat est ainsi recherché par les pays du Sud dans un contexte de Mondialisation et d’endettement dans le but :
· de faciliter la transition libérale
· de combler le déficit démocratique
· de faire face aux contraintes propres à une économie d’endettement par une amélioration de l’attractivité des IDE
B- Du côté des 15 pays du Nord
Au-delà des déclarations généreuses, les pays du nord étaient animés par une démarche et une vision périphérique marchande et sécuritaire de ses rapports avec les pays du sud futurs partenaires :
· une vision périphérique dans la mesure où le Sud est considéré comme un arrière pays qui recèle des richesses utiles et nécessaires (Pétrole, gaz, marché…) pour le progrès européens et la compétition entre blocs (triade) dans le contexte de la mondialisation.
Cette vision périphérique traditionnelle explique la priorité accordée à la dimension économique marchande sur la base de l’application du principe de la réciprocité par les pays du Sud, alors que les pays du Nord, au nom de l’exception agricole et de la clause de sauvegarde évoquée en particulier dans le domaine du textile se réservent le droit de protéger leurs intérêts spécifiques. En outre, cette vision périphérique marchande domine les relations Nord-Sud aux dépens des dimensions sociale et culturelle qui sont soit absentes, soit négligeables et dans tous les cas elles sont négligées.
· une vision sécuritaire : pour les pays du nord, un Sud endetté, surpeuplé (à titre d’exemple la fécondité des pays arabo-musulmans leur impose de créer 100 millions d’emplois nouveaux d’ici 2020, et 40 millions pour le seul Magherb), bloqué dans son développement et dirigé par des pouvoirs non démocratiques et non légitimes représente une situation critique et annonciatrice:
♠ d’une accentuation de l’émigration
♠ d’une montée du terrorisme
♠ et d’un risque d’instabilité politique
Ensemble de phénomène qui constitue une menace sérieuse pour le Nord qui se contente de la gérer pour pouvoir l’atténuer.
D’où des préoccupations divergentes porteuses dès le départ d’un grand risque d’échec du partenariat :
♦ Les pays du Sud cherchaient l’Assistance pour faire face aux nouvelles contraintes de la Mondialisation et à leur déficit démocratique et comptaient sur la complaisance, voire la complicité des pays du Nord animés par une logique Marchande et Sécuritaire pour protéger leur intérêt et garantir leur prospérité.
♦ Les pays du Nord refusant d’envisager une rénovation des relations Nord/Sud et d’ouvrir des perspectives d’adhésion et d’intégration de sa rive Sud s’est contenté d’une gestion périphérique Marchande et sécuritaire d’une région riche mais Menaçante. D’où une absence de convergence qui ne peut annoncer qu’un échec.
II- Contenu et ampleur de l’échec
L’échec, pratiquement annoncé s’observe principalement à trois niveaux
A- au niveau économique
· En premier lieu, il faut souligner que malgré une plus grande insertion internationale, le rythme de croissance est resté faible et inchangé. Or pour faire face aux problèmes sociodémographiques (précarité, chômage, pauvreté..). On estime qu’il faut doubler au minimum le rythme actuel de la croissance qui est de 3 à 3,5% et atteindre un taux de croissance durable de 7% environ.
· En deuxième lieu, il faut remarquer que le maintien d’un rythme de croissance faible est lui-même le résultat d’un taux d’investissement qui n’arrive pas à dépasser les 25% dans les meilleures des cas. Or pour atteindre 7% de croissance on estime qu’il faudrait réaliser un taux d’investissement de 30% au moins. Ce qui nécessite des possibilités de financement accrues.
· En troisième lieu, il faut souligner que le problème de financement se trouve aggravé dans tous les pays, exception faite de l’Algérie, qui par ailleurs affronte d’autres problèmes relatifs à l’ampleur des goulots d’étranglement en particulier au niveau infrastructurel qui empêche d’augmenter substantiellement le taux d’investissement (infrastructure, ressources humaines, esprit entreprenarial, problèmes de gouvernance, etc..).
Le problème de financement résulte de différents facteurs :
♠ pour beaucoup de pays (exemple la Tunisie) le niveau d’endettement est resté élevé et tend même à s’aggraver entraînant l’accroissement des flux de remboursement et réduisant considérablement les capacités de financement des investissements.
♠ le système bancaire accablé par des créances douteuses est amené à renforcer les mesures prudentielles et à maintenir les taux d’intérêt à des niveaux élevés, pénalisant de la sorte les investissements. A titre d’exemple et malgré une certaine amélioration de la situation en Tunisie, les crédits non performants représentent environ 23% des engagements du système bancaire.
♠ les ressources publiques traditionnelles s’épuisent dans tous les cas suite à la mise en place de la zone de libre échange (ZLE), étant donné l’importance des impôts liés aux importations avant la création de la ZLE, et dans d’autres cas suite à l’épuisement de la rente pétrolière (cas de la Tunisie).
♠ des IDE en deçà de l’attente et de ce qui est requis par le niveau d’endettement et la recherche d’une relance de la croissance. Le Maghreb a même vu sa part dans les IDE mondiaux passée de 0,04% (avant partenariat au cours de la période 1990-95) à 0,02% après partenariat. Cette évolution indique une absence de l’effet d’annonce et les limites d’une gestion périphérique et sécuritaire.
♠ un comportement de désarroi et de repli du secteur privé local suite à une compétition accrue et à la dégradation de l’environnement politique et institutionnel dans certains cas comme la Tunisie.
· En quatrième lieu, il faut relever que les systèmes productifs sont restés fragiles et figés : cette situation résulte du comportement des différents acteurs :
♠ l’Etat se contente d’opérer une mise à niveau qui concerne pour l’essentiel les secteurs traditionnels (textile, cuir et chaussures, agro-alimentaire, tourisme) qui sont de moins en moins dynamiques au niveau du commerce international et qui font face à une concurrence de plus en plus forte et accrue. En outre, cette mise à niveau est menée dans un esprit d’assistance, constamment reconduit, en contre partie d’allégeance politique.
Enfin, ces secteurs traditionnels ont pu connaître un certain développement dans le cadre de l’accord multifibre (AMF) et de zones offshore. Or, l’accord AMF est démantelé depuis janvier 2005 et les activités off shore bénéficiant jusqu’ici d’avantages fiscaux et douaniers ne pourront plus bénéficier du même traitement avec l’achèvement en 2008 de la mise en place de la ZLE. A cette date il n’y aura plus lieu de traiter différemment les activités off shore et on shore dans un marché de libre échange.
♠ de leur côté, les IDE crées sont réalisés dans le cadre de la privatisation et/ou orientés vers des activités traditionnelles (prospections pétrolières, textile, tourisme, banque, commerce…).
♠ quant au secteur privé local il prend de moins en moins de risque et manifeste un comportement de désarroi et de repli sur les secteurs encore protégés et assistés (agriculture, agroalimentaire, service, BTP..)
· En cinquième lieu il faut relever le caractère figé de la structure des exportations qui restent toujours à faible contenu technologique et main d’œuvre qualifiée. En effet, de l’absence d’une diversification du système productif, il en est résulté une structure des exportations figée, caractérisée par un contenu technologique faible et une polarisation accrue autour de quelques produits destinés principalement au marché européen, avec parallèlement un recul de la part des pays maghrébins dans le commerce mondial. Cette part est passée de 2% en 1980 à 0,7% en 2001, alors qu’au cours de la même période, les échanges internationaux ont augmenté en moyenne de 5,4% par an dans le monde et de 5,3% concernant les échanges internationaux de l’UE. De cette évolution il en est résulté une baisse de la part des échanges maghrébins dans les échanges extérieurs de l’UE passant de 4,7% en 1980 à 2,1% en 2001.
Il faut souligner que l’analyse comparative à l’échelle internationale montre que, l’UE joue un rôle relativement faible en tant que locomotive économique sur le plan régional pouvant débouché sur une diversification des échanges et une intégration horizontale des pays du Sud.
C’est ainsi que le commerce global interarabe se limite à environ 8% des échanges de la zone. De son côté, le commerce régional du groupe des pays partenaires méditerranéens se limite à environ 6% de leurs exportations. Par comparaison, le commerce intra zone représente 60% des échanges en Europe, 30% en Asie et 20% en Amérique. Calculée sur la longue période, la part du commerce intra zone dans les pays méditerranéens a enregistré une progression moindre que celle d’autres ensembles régionaux, oscillant entre 4 et 6% au cours de la période 1970-2002, contre une progression de 36 à 50% pour les pays membres de l’ALENA, 11 à 25% pour l’Amérique du Sud et 2 à 11% pour les pays du pacte Andin. Cette évolution est enregistrée malgré que « l’indice de complémentarité » des producteurs des pays méditerranéens a été estimé par différentes recherches comme étant similaire à celui de zones d’intégration régionale tels que l’APEC et le Mercosur. Ceci permet de conclure que les relations traditionnelles comme l’actuel partenariat entre les pays du Sud méditerranéen et l’UE ont contribué, largement à entretenir jusqu’ici une sous exploitation du potentiel de développement des échanges régionaux.
· Enfin et en cinquième lieu, parallèlement à la fragilisation du contenu des exportations, on assiste à une aggravation des déficits commerciaux : un système productif figé, une structure des exportations inchangée, une polarisation géographique de exportations accrue et limitée à un nombre réduit de produits traditionnels subissant une forte concurrence (le textile, le tourisme…) n’ont pas manqué ensemble d’aggraver le déficit commercial avec l’UE pour la quasi majorité des pays du Sud non pétrolier. Cette situation se trouve encore aggravée par la détérioration des termes de l’échange et la perte continue de la valeur des monnaies locales des pays du Sud.
B- Au niveau Social
Il faut souligner que le maintien jusqu’ici enregistré d’un faible rythme de croissance conjugué à une situation macroéconomique encore fragile a été obtenu par des pratiques multiples de dumping :
– dumping fiscal se traduisant par un manque à gagner fiscal pour l’Etat destiné à améliorer l’attractivité du pays et à encourager sans grands résultats les investissements privés locaux et étrangers. Ce dumping fiscal est aggravé par le démantèlement tarifaire entraîné par la création de la ZLE qui se traduit depuis 1995 par une baisse des recettes fiscales provenant des droits de douanes
– dumping monétaire destiné à encourager les exportations et soutenir la compétitivité du pays mais se traduisant par un accroissement du coût de la dette extérieure exprimée en monnaie locale, par un renchérissement des importations , une aggravation du déficit commercial extérieur et un découragement des IDE. Ces derniers nécessitant plutôt une certaine stabilité du taux de change en mesure de garantir le pouvoir d’achat des bénéfices réalisés et transférés dans les pays du Nord, fournisseurs d’IED.
– dumping social résultant d’une politique de désinflation compétitive qui accorde la priorité à la lutte contre l’inflation au lieu de la lutte contre le chômage. Concrètement ce dumping social s’est accompagné :
♠ d’une réforme des codes de travail destinée à flexibiliser l’emploi et le salaire. Ce qui revient à donner plus de facilités pour le patronat en termes d’embauche (contrat à durée déterminée, allongement de la période de stage…) d’usage de la force de travail (durée de travail, classification, organisation de travail, rotation élevée, flexibilité interne accrue…) et de licenciement (plus de facilité pour la rupture des contrats de travail et moins de pénalité réduisant ainsi le coût de licenciement)
♠ désindexation des salaires sur les prix. Cette désindexation, conjuguée à la flexibilité de l’emploi et des salaires, intervient parce que le salaire est utilisé de plus en plus comme une variable d’ajustement. En effet, contrairement à une économie centrée sur l’espace national ; dans une économie ouverte, soumise à une concurrence sans cesse accrue, dotée d’un système productif fragile et incapable de dégager des gains de productivité substantiels, le salaire acquiert le statut d’un coût et devient une variable d’ajustement que l’on cherche constamment à comprimer pour soutenir la compétition des exportations que l’on cherche à accroître par tous les moyens au dépens de la demande intérieure. Alors que, dans une économie centrée sur l’espace national, comme ce fut le cas avant l’application du programme d’ajustement structurel (PAS), le salaire était utilisé comme un revenu qui participe à la formation d’une demande intérieure qui constituait le principal moteur de la croissance.
♠ révision de la fréquence des ajustements des salaires. En Tunisie, depuis 1990, la fréquence est de 3 années au lieu d’une année avant l’application du PAS. Depuis la signature de l’accord de partenariat, cette nouvelle fréquence a débouché sur une détérioration du pouvoir d’achat des salariés, malgré la baisse enregistrée du taux d’inflation.
♠ la baisse du taux d’inflation a été elle-même enregistrée par un indice des prix à la consommation qui n’est plus représentatif de l’évolution du contenu du panier de consommation et des pratiques des consommateurs. De sorte que l’évolution de cet indice des prix ne peut que déboucher sur une sous-estimation de la dégradation réelle du pouvoir d’achat des salariés.
♠ recul des dépenses de santé, des dépenses éducatives et de la protection sociale suite à la tendance au désengagement de l’Etat observée au niveau des services non marchands. A titre d’exemple, en Tunisie, la tendance au désengagement de l’Etat, depuis l’application du PAS, s’est traduite par une augmentation de la part des dépenses des ménages dans les dépenses totales de la santé qui est passée de 42,3% en 1987 à plus de 48% en 2000. Alors que celle de l’Etat a baissé passant de 43% à 32% entre les mêmes dates. De leur côté, les caisses de sécurité sociale sont de plus en plus sollicitées pour participer au financement du budget de la santé publique tout en subissant les coûts croissants des services médicaux fournis par le secteur privé de la santé. De sorte que leur part dans la dépense de la santé est passée de 14,7% à plus de 20% entre les mêmes dates
♠ réduction de la compensation des produits de base (en Tunisie la part des dépenses de la caisse générale de compensation (CGC) dans la consommation privée est passée de 6,6% en 1984 à 1,% en 2003).
Le rétrécissement de la sphère non marchande résultant du désengagement de l’Etat et de l’élargissement des rapports marchands (privatisation, libéralisation, réduction de la compensation) s’est traduit par :
♠ une tendance à la marchandisation des conditions de reproduction de la population et particulièrement des salariés qui représentent environ 65% de la population active occupée. Cela veut dire que la population pour se reproduire est amenée de plus en plus à passer par le marché, à prendre en charge une partie croissante des dépenses nécessaires à sa reproduction (santé, éducation, formation, culture..) et à payer le prix du marché (suite à la réduction de la compensation et à la privatisation des entreprises publiques)
♠ cette évolution est enregistrée au moment où l’emploi devient de plus en plus précaire (contrat à durée déterminée, travail temporaire et saisonnier, longue période de stage mal rémunérée) et le salaire de plus en plus flexible et au moment où la productivité du travail s’accroît sous l’effet principalement de l’intensification du travail résultant de l’accroissement de sa flexibilité.
♠ augmentation de l’emploi informel et élargissement du secteur privé entraînant une faible syndicalisation
♠ accroissement du chômage dû à la faiblesse de l’investissement privé : ce taux de chômage est d’environ 28% en Algérie, 15% en Tunisie et 13% au Maroc
♠ aggravation des inégalités de la répartition des revenus qui a handicapé la demande intérieure sans pour autant débouché sur une relance de l’investissement privé malgré l’augmentation de la part des entreprises du secteur privé dans le revenu national
♠ augmentation de la contribution des salariés à la formation de la fiscalité directe parallèlement au recul relatif des dépenses sociales publiques : d’où une perversion de la politique de redistribution qui n’a pas manqué d’aggraver la répartition primaire. En effet, en Tunisie, parallèlement à la baisse de la part du revenu salarial brut dans le revenu national brut qui est passée de 39% en 1983 à environ 34% en 2003, on assiste à une augmentation de la contribution des salariés à la formation de l’ensemble des impôts directs. Cette contribution est passée de 35,2% en 1983 à plus de 46% en 2003. Cette évolution est enregistrée parallèlement au recul des services non marchands suite au désengagement de l’Etat
♠ enfin, augmentation de l’émigration clandestine qui n’a pas manqué de renforcer le souci sécuritaire chez l’UE, qui à partir de sa logique périphérique et sécuritaire, tend à sous-traiter cette question par les pays du sud et à fermer les yeux sur le caractère autoritaire des régimes politiques qui sont ravis de remplir cette mission.
C- La dimension politique et institutionnelle
Malgré que l’accord de partenariat engage les partenaires à respecter les libertés individuelles et collectives et à accélérer la construction d’un Etat de droit qui garantit celles-ci et établit la séparation des pouvoirs, les préoccupations sécuritaires et la logique périphérique et marchande de l’UE à réconforter les régimes politiques autoritaires du sud, qui n’ont pas été sérieusement interpellés pour respecter leurs engagements relatifs à cette question. Il en est résulté des phénomènes pervers qui n’ont pas manqué d’handicaper l’évolution socio-économique caractérisée par une inertie déconcertante sur le plan structurel, institutionnel et comportemental.
En effet, parallèlement à la libéralisation et à la marchandisation de la vie économique (logique marchande) on a assisté à une absence de la démocratisation de la vie politique (logique sécuritaire).
L’absence d’une synchronisation entre évolution économique et évolution politique a été à l’origine :
· de la constitution de lobbies informels influents, protégés politiquement et se livrant à une privatisation de l’Etat, au détournement du patrimoine public et menaçant même la propriété privée.
· de la généralisation de la corruption utilisée consciemment par les différents acteurs économiques qui pensent de la sorte pouvoir atténuer les obstacles et les contraintes qui pèsent sur les activités économiques et se protéger contre les abus des différentes autorités dans un contexte de flou règlementaire et d’absence de contre-pouvoirs réels et d’une justice indépendante.
· de l’instabilité des règles de jeu et de leur application discriminatoire dans différents domaines relatifs à l’accès au crédit, au paiement des impôts, à l’application du code d’investissement et l’octroi des avantages, à l’accès aux services des différentes administrations, au remboursement des créances douteuses, etc…
· cette situation fausse le calcul économique des agents, crée des coûts de transaction pour les uns et procure des avantages indus pour les autres, créant ainsi des situations de concurrence déloyale. Ensemble de facteurs qui explique l’inquiétude des agents, leur comportement de repli et de désarroi débouchant ainsi sur une inertie comportementale et une fuite des entreprises et des capitaux à la recherche d’autres environnements qui offrent plus de sécurité pour les biens, les capitaux et les personnes. Ce comportement de repli ne cesse de se renforcer malgré les généreuses incitations fiscales et financières accordées par l’Etat au secteur privé. En Tunisie, le coût total de ces incitations représente en moyenne environ 25% des investissements ayant bénéficier de ces incitations.
III- Nécessité et urgence d’un partenariat global, cohérent et stratégique permettant de jeter les bases d’un réel co-développement et d’ouvrir des perspectives d’adhésion
A- Des leçons à tirer de l’expérience des 10 dernières années
Il faut souligner que l’effet d’annonce dans les pays qui sont candidats à une future adhésion à l’UE a été considérablement plus élevé. Il s’est traduit par :
· la rapidité et la crédibilité des réformes menées par les pays candidats
· par une synchronisation des réformes sur le plan économique, social et politique ayant débouché sur des transformations substantielles sur le plan structurel, institutionnel et comportemental
· une plus grande visibilité et adhésion des acteurs et une plus grande attractivité des pays
· un soutien financier conséquent de la part de l’UE. En effet, les ressources allouées aux pays du sud méditerranéens n’ont représenté que 5 €/an /habitant, contre 15 à 20 pour les dix nouveaux entrants dans l’UE.
· une orientation massive des IDE vers ces pays candidats à l’adhésion. En effet, on estime que pour 1 € d’IDE réalisé au Maghreb, il y a 5 à 10 € qui sont réalisés dans les 10 nouveaux pays adhérents à l’UE.
Par contre, dans les pays du sud liés par des accords de partenariat, nous assistons à une situation dramatique dans la mesure où, ces pays sont soumis et à des degrés divers à des tendances fortes générant la perte d’une partie importante de l’ensemble des facteurs qui constitue les fondements de la croissance et du développement : fuite des capitaux privés résultant de la dégradation de l’environnement politique et institutionnel dans la plupart des pays du sud, transfert continu et croissant Sud-Nord de ressources financières au titre de remboursement de la dette, immigration clandestine touchant particulièrement les non qualifiés, drainage organisé et renforcé par le Nord des qualifiés originaires du Sud, comportement de désarroi et de repli des investisseurs aggravant de la sorte l’inertie sur le plan structurel et institutionnel, divorce entre la société et l’Etat et perte de confiance dans les institutions, etc…
Certes, les responsabilités sont partagées entre le Nord et le Sud et on ne peut accabler outre mesure le partenariat. Mais le Nord, principal architecte des relations internationales et des intégrations régionales en cours, assume certainement une lourde responsabilité.
Ces résultats contrastés entre les pays futurs adhérents et ceux qui sont liés par un accord de partenariat avec l’UE devraient inciter à la réflexion et déboucher sur une redéfinition du partenariat.
Certes en mars 2003, la commission européenne a cherché à redéfinir ses relations avec l’ensemble de son voisinage qui ne se limite pas aux pays méditerranéens. Le caractère très hétérogène des nombreux voisins d’une Europe élargie a amené cette dernière à proposer un partenariat à la carte élargi à différents domaines en fondant sa politique de voisinage sur une différenciation entre voisins. Dans ce cadre, l’engagement de l’UE avec chacun de ses partenaires est appelé à être progressif et subordonné au respect d’objectifs de réformes préalablement fixés et visant un alignement sur les acquis communautaires dans les différents domaines retenus par les partenaires.
Cette nouvelle politique de voisinage, au-delà de l’affirmation de la nécessité du respect des droits de l’homme et de la volonté d’engager le dialogue avec les sociétés civiles, s’inscrit toujours dans une logique périphérique sécuritaire et marchande qui cherche à élargir la coopération à de nombreux domaines tout en laissant la liberté aux Etats du Sud de fixer les domaines prioritaires et sans pour autant envisager des perspectives d’adhésion des pays du Sud fut-elles dans un futur lointain.
Au lieu de chercher à entretenir de simples rapports de bon voisinage les partenaires Euro-Med ont intérêt plutôt à procéder à des ruptures en mesure de réunir les conditions pour un partenariat stratégique qui favorise la mise en place d’un processus de co-développement durable, solidaire et équitable.
B- Des ruptures à réaliser pour un partenariat stratégique
· Rompre du côté du Nord avec la logique marchande (exclusivement intéressée par l’ouverture, la libéralisation et la privatisation) et périphérique qui renforce les asymétries et traite le Sud comme une périphérie menaçante, et non un espace complémentaire ayant un potentiel et pouvant renforcer l’UE dans sa compétition pour le leadership mondial
· Rompre avec la logique périphérique d’intégration verticale en aidant parallèlement au renforcement de l’intégration horizontale Sud-Sud.
· Rompre le tête à tête entre Etats en impliquant d’une façon engageante et institutionnalisée les acteurs représentatifs des sociétés civiles pouvant bousculer les inerties et mobiliser les ressources et les énergies
· Rendre l’avenir du partenariat suffisamment crédible, lisible et visible pour tous les acteurs en :
♠ adoptant une vision stratégique et globale du partenariat basée sur les ruptures indiquées ci-dessus
♠ ouvrant de réelles possibilités pour une adhésion future des pays du Sud qui arrivent à réunir les conditions requises
♠ élargissant les domaines du partenariat (scientifique, technologique, social, culturel) avec une forte implication d’organismes gérés démocratiquement et d’organisations représentatives de la société civile
♠ renforçant les moyens financiers par une annulation de la dette publique Européenne et un allègement de la dette privée. Ce renforcement doit être lié à une mise à niveau sur le plan politique, infrastructurel et institutionnel selon un calendrier engageant afin de couvrir tous les domaines et garantir une synchronisation qui rassure les acteurs.
♠ en prévoyant des mécanismes de contrôle et des sanctions en cas de non respect des engagements
Conclusion
Bref, le Partenariat doit être en mesure de rénover les rapports Nord-Sud dans le sens d’une réduction des asymétries, de renforcer les rapports Sud-Sud pour accélérer l’intégration horizontale, de redéfinir les rapports entre Etat et sociétés dans le Sud pour permettre un réel renforcement des sociétés civiles, de redéfinir le rapport Etat/Economie dans le Sud dans le sens de la rupture avec le principe libéral de la neutralité des politiques économiques.
Ces différentes rénovations et redéfinitions devraient atteindre un seuil critique permettant de bousculer les inerties comportementales, structurelles et institutionnelles, de rassurer les acteurs et les mobiliser et d’ouvrir des perspectives réelles pour la création d’un espace intégré Euro-Med solidaire et compétitif.
Dans la réalisation de ce projet sociétal, le Forum Social Syndical devrait jouer un rôle moteur pour favoriser un tel projet et lui donner une dimension sociale consistante et sans cesse élargie. Car, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il est absurde, inadmissible et indécent qu’au moment même où l’humanité connaît un développement sans précédent des forces productives (technologies de l’information et de la télécommunication, biotechnologies, génétiques, spatiales….) et des possibilités quasi illimitées d’accroissement des richesses, l’on assiste parallèlement à une régression du social, avec une augmentation de l’exclusion, de la pauvreté et de la précarité et une aggravation des inégalités à tous les niveaux. Quand les progrès et les richesses sont confisqués par des minorités qui s’enrichissent à l’ombre des régimes autoritaires, comment peut-on alors s’étonner de la montée de l’intégrisme, du terrorisme et de l’immigration clandestine ? Comment aussi peut-on dans ces conditions prétendre vouloir construire une zone Euro-Med de paix, de stabilité et de prospérité partagée. Et peut-on le faire sans réaliser nécessairement les ruptures que nous avons indiquées plus haut.
(Source : Mailing List de Raid-Attac Tunisie , le 26 février 2006 à 18:59:23)
ANALYSE
Islam et Occident : « vérités amères »
par Jean-Pierre Langellier
Par-delà le bruit et la fureur qu’elle suscite, l’affaire des caricatures du prophète Mahomet lance un défi durable aux élites d’islam et d’Occident pour reconquérir un espace de dialogue et de compréhension mutuels. Comment combler les ignorances, déssiller les regards, alléger les amertumes à un moment où chacun des deux mondes en présence ne voit de l’autre que son pire visage ? Une cinquantaine de dirigeants politiques, chercheurs, diplomates, responsables d’associations et quelques journalistes ont tenté de répondre à ces questions lors d’une récente conférence à Kuala Lumpur, coparrainée, entre autres, par la Malaisie, pays hôte, le Royaume-Uni, la France et l’université de New York.
Un mot est revenu sans cesse dans ces débats : l’éducation. Elle seule permet de démêler les faits et les mythes, les réalités et les fantasmes. Pour réduire la fracture entre islam et Occident, le premier ministre malaisien, Abdullah Ahmad Badawi, croit aux vertus d' »une recherche vigoureuse de la connaissance ». Chef d’une République à majorité musulmane, dans une société multiethnique, il tient cette quête du savoir pour l’une des clés du renouveau qu’il juge indispensable en terre d’islam.
Education bien ordonnée commence par soi-même, souligne Usman Bugaje, président de la commission des affaires étrangères du Parlement nigérian. Cet universitaire déplore que les peuples musulmans connaissent de moins en moins bien leur propre religion, sans parler de celle des autres : « Inutile de remonter à l’Andalousie arabe pour constater que l’éducation est de plus en plus rétrécie, souligne-t-il. Nous devons revitaliser les programmes, renouer avec notre grande tradition intellectuelle ! »
C’est également l’avis de Mohammed Arkoun, historien de la pensée musulmane. « Nous avons besoin avant tout, constate-t-il, d’une véritable politique d’éducation et d’une recherche scientifique ambitieuse. Les travaux des experts n’alimentent que des débats d’initiés sans écho dans les médias ni dans le grand public. » Pour Mohamed Charfi, ancien ministre tunisien de l’éducation (1989-1994), cette dernière représente, avec la liberté, l’égalité hommes femmes et la bonne gouvernance, l’un des quatre domaines où le monde musulman doit accomplir des progrès décisifs.
Celui qui présida aussi, dans son pays, la Ligue des droits de l’homme connaît bien son sujet. Il eut la charge de porter un coup d’arrêt à l’islamisation, qui, à la fin du règne d’Habib Bourguiba, avait contaminé le système d’enseignement, par le truchement des manuels scolaires. « L’éducation doit être modernisée, résume-t-il. Elle doit ouvrir les esprits, apprendre à réfléchir, éveiller le sens critique. La connaissance d’autrui et de ses systèmes de pensée est un moyen essentiel d’enrichissement de soi. »
L’universitaire pakistanais Imran Ali brosse un tableau « alarmant » de la science et de la technologie sur les campus musulmans. Seules la Malaisie et la Turquie peuvent prétendre figurer dans le « top 500 » des meilleures universités du monde. Les autres végètent, selon lui, sur « le versant obscur » de la mondialisation. Et, pourtant, un transfert de savoir et de technologie s’opère entre l’Occident et l’Orient. « Mais il profite directement à l’Extrême-Orient et passe devant le nez du monde musulman », observe Timothy Garton Ash, professeur au St Antony’s College d’Oxford.
Ouvrir les yeux sur soi et sur l’Occident suppose que le monde musulman cesse de se poser en perpétuelle victime. « C’est toujours la faute de l’autre, note Mohamed Charfi : le colonisateur, l’impérialisme, le système financier international, le FMI, la Banque mondiale. Quand amorcera-t-on l’autocritique qui permettra un diagnostic lucide de nos échecs ? » Mohamed Arkoun regrette que, depuis les croisades, l’islam ne retienne de ses contacts avec l’Occident que les souvenirs douloureux, et n’ait pas su tirer à son profit les leçons de la raison et des Lumières.
AUTOCRITIQUE PEU FAMILIÈRE
Le grand mufti de Bosnie, Mustafa Ceric, admet cette « vérité amère » : « Les musulmans ont usé et abusé de l’islam pour dissimuler leurs erreurs, au lieu de se mettre à son service en montrant le bon exemple. » Il exhorte les musulmans d’Europe à défendre sans équivoque le règne de la loi, la démocratie, la tolérance et la non-violence. Mais, tempère-t-il, « il est plus difficile d’être large d’esprit lorsqu’on se sent faible, à tort ou à raison ». Pour Iqbal Sacranie, secrétaire général du Conseil musulman de Grande-Bretagne, les croyants doivent avant tout se comporter en citoyens conscients de leurs droits et de leurs responsabilités.
L’autocritique reste peu familière aux dirigeants politiques. « Aussi longtemps, prédit le chef du gouvernement malaisien, qu’un camp (l’Occident) maintiendra son hégémonie sur l’autre (le monde musulman), et cherchera à contrôler ses richesses, l’animosité continuera entre les deux civilisations. Le respect mutuel doit remplacer l’hégémonie. » L’ancien président iranien Mohammad Khatami préfère, lui, renvoyer dos à dos Al-Qaida et les néoconservateurs américains, « dont la logique est identique« .
Le monde musulman peut-il introduire une distance intellectuelle envers les textes sacrés ? Renoncer à l’absolutisme de ses convictions ? « Le texte est divin, répond Usman Bugaje. Mais son interprétation est l’oeuvre des hommes, avec leur part d’erreurs. Il faut soumettre le texte à l’itjihad, l’effort de réflexion individuelle. » Mohammad Khatami juge qu’aucune famille de commentateurs, musulmans ou non, ne peut, à elle seule, « parler au nom de l’islam« .
La modernité, convient-il, pose aux musulmans des questions absentes il y a mille quatre cents ans, et auxquelles « nous devons trouver de nouvelles réponses ». Voilà pourquoi l’islam et l’Occident devraient surtout s’atteler à des tâches communes, conseille Stephen Heintz, président du Fonds Rockefeller, face à la pauvreté, aux pandémies, aux changements climatiques.
La « biodiversité politique », propice à un dialogue fructueux entre les deux mondes, estime Timothy Garton Ash, exige qu’on s’accorde sur un minimum de valeurs liées aux droits de l’homme et qu’on s’entende sur le sens du mot démocratie, rétif à tout adjectif : la « démocratie islamique » d’aujourd’hui n’est pas plus acceptable que la « démocratie populaire » d’hier. Une chose est sûre, ajoute-t-il : l’apaisement réciproque ne doit pas aboutir, par complaisance, au simple « respect mutuel des tabous » établis par les plus extrémistes.
(Source : « Le Monde » du 28.02.06)
Entretien :
Selma Baccar, cinéaste : « Il ne faut pas se taire ! »
Elle est venue pour vivre et elle a découvert la folie et l’incompréhension des hommes.
Ainsi pourrait-on parler de Zakia personnage principal de Khochkhach, Fleur d’oubli », le dernier film de Selma Baccar.
Il est toujours délicat de faire parler un créateur, il reste dans sa fougue et l’analyse objective lui importe peu.
Il se bat et défend son histoire et son inévitable subjectivité… C’est dans sa résidence de la banlieue sud, sur les hauteurs, un jour de grand vent, que j’ai rencontré Selma Baccar.
Mille questions en tête… et puis tout à coup, une grande simplicité, une grande humilité entre nous.
• On m’a laissé croire que cette histoire est totalement autobiographique.
Contrairement à « Habiba M’sika » inspirée de la vie publique, « Khochkhach » est une histoire puisée dans ma mémoire, c’est vrai. L’histoire de cette femme fut transmise à ma famille et cela m’accompagne depuis toujours. Je ne sais pas si c’est l’autobiographique qui déborde sur l’autofiction ou le contraire. Ce qui est important, c’est ce qui se greffe aux faits… Ce sont les pourquoi de toute cette autodestruction que je cherche à montrer, à comprendre…
• Zakia, votre héroïne, serait-elle le porte-parole de toute une société baillonnée, frustrée…
Zakia est jeune, intelligente, elle appelle l’amour. Elle se retrouve dans un monde conflictuel dans un vide insupportable. Elle est l’épouse d’un homme qui appartient à une éducation particulière, fils unique, victime de toute une éducation…
… peut-être que la société est montrée du doigt mais ce sont des thématiques avec lesquelles on travaille sur lesquelles on réfléchit depuis toujours… la solitude, le mutisme, l’incompréhension, le fossé homme-femme… Et puis vous le savez la femme arabe mise tellement sur le mâle.
• Si Mokhtar nous conduit dans une autre problématique, son homosexualité…
Je ne sais pas s’il est homosexuel. Il est surtout victime de l’éducation de sa mère, elle même victime de son passé… Des jeux d’enfant qui continuent adulte ; je ne suis pas là pour mettre des étiquettes. Tout cela en tout cas est vécu dans une grande culpabilité… ce couple raté est un gâchis, gâchis social, moral…
• Quelque chose m’échappe, je vous avoue, vous défendez certains de vos personnages, et vous vous dérobez face à d’autres, le rôle de réalisateur, n’est-il pas de s’engager totalement, de prendre parti, de sauver ou de condamner…
Je ne suis pas là pour juger mes personnages, Zakia est dépendante, détruite, folle, la mère de Si Mokhtar terriblement castratrice se laisse mourir, si Mokhtar part se repentir… les hommes sont à la fois victimes et bourreaux, le système les rend fous. C’est de cette cassure que j’ai voulu parler en essayant de montrer les causes. Je ne veux pas accabler mes personnages, je veux les sortir de leur détresse. Ils vivent leur propre procès, ils se battent, pleurent, se taisent, certains recouvrent la parole… d’autres disparaissent. Tant d’injustice, tant d’hypocrisie… J’aime mes personnages ce sont des victimes d’abord…
• Drôle d’issue… Zakia choisit de demeurer à l’asile, forte de tout cet itinéraire intérieur… aidée par Khemaïs, « l’autre-soi ».
Leur rencontre est primordiale. C’est l’autre visage de Zakia ; il va lui donner la main, la relever. Ce citoyen de nulle-part au passé flou la réconforte, l’écoute, la comprend… l’un « élève » un narcisse, l’autre avale du pavot.
• Mais enfin Zakia recouvre la raison, la sérénité, la sagesse parmi ceux qui ont perdu la raison!
Disons que Zakia est comme Sisyphe ; elle a bravé le monde, la société, la religion, la famille pour affirmer sa liberté. Sa folie lui prouve une certaine immunité.
Au bout de la route… la liberté, entre la lumière et l’obscurité.
• Bipolarité n’est-ce pas comme les fleurs.
Oui, le diurne et le nocturne… ces fleurs représentent l’expérience intérieure de chacun. Zakia avale du pavot pour s’oublier, pour endormir ses douleurs. Cela me ramène inévitablement aux Fleurs du mal de Baudelaire. L’expérience du gouffre est inscrite en chacun de nous. Elle avale la douleur jusqu’au bout. Elle se fait violence. L’autre fleur est résurrection, lumière, avec quel soin Khemaïs en prend soin ! L’homme et la femme se réconcilient…
• Je vous entends et j’entends une grande sérénité en vous, une grande quiétude, comme s’il y avait de l’espoir…
Je suis satisfaite, je suis arrivée à un moment de la vie où le port d’attache est doux et serein. Mes colères m’ont quittée, cela s’appelle, la maturité je crois ; le bonheur n’est pas une mince affaire. Il se conquiert par un combat quotidien et une grande introspection… Nous commettons tous des erreurs, le tout est de ne pas se taire !
• Comme Zakia…
Oui comme Zakia, mais au-delà de Zakia, c’est le rôle du cinéma ; de dire, de créer des réflexions, de bouleverser, de témoigner d’entrer dans l’histoire, et de donner de l’espoir, la grand-mère fait sortir l’enfant au moment de mourir…
Entretien conduit par : Marianne CATZARAS
(Source : « Le Temps » du 27 février 2006)